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Commission des affaires économiques

Jeudi 14 novembre 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 22

Présidence de M. François Brottes Président

– Examen du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine (n° 1337 rect.) (M. François Pupponi, rapporteur).

La commission a examiné le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine (n° 1337 rect.) sur le rapport de M. François Pupponi.

M. le président François Brottes. Nous examinons ce matin le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. Monsieur le ministre chargé de la ville, je vous propose d’ouvrir notre discussion générale par une présentation des principales dispositions du texte.

M. François Lamy, ministre délégué auprès de la ministre de l’égalité des territoires et du logement, chargé de la ville. Le projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine traduit les engagements pris par le Président de la République pendant sa campagne puis par le Gouvernement dans la feuille de route du 22 août 2012, que j’avais présentée au conseil des ministres. Ce texte est également le fruit d’une large concertation menée entre octobre 2012 et janvier 2013 et à laquelle ont participé certains des parlementaires ici présents ainsi que beaucoup d’élus locaux, de professionnels de la politique de la ville et d’associations de représentants d’habitants. Dans un rapport publié en juillet 2012, la Cour des comptes a quant à elle tiré de la politique de la ville un bilan certes peu nuancé mais non moins révélateur et juste. On constate ainsi que trente ans après l’apparition des premières mesures en faveur des quartiers urbains, la situation est presque devenue illisible : la géographie prioritaire se caractérise en effet par la superposition de différents zonages qui n’ont jamais été actualisés ni rénovés. Les dispositifs de contractualisation entre l’État et les collectivités locales sont eux aussi devenus de plus en plus complexes. Et c’est peut-être au détriment de la cohésion sociale que l’accent a été mis sur la rénovation urbaine. Enfin, la conduite de la politique de la ville sur certains territoires a eu l’effet pervers d’y entraîner le reflux des politiques publiques de droit commun.

Ce projet de loi a donc pour objet de redéfinir sur une base claire et lisible les territoires sur lesquels la politique de la ville doit être menée, d’instaurer un cadre local d’action plus efficace et de créer de nouveaux outils pour favoriser la participation des habitants. Car paradoxalement, alors que la politique de la ville est contractuelle et partenariale, elle s’est peu préoccupée de son public. Personne n’envisagerait de modifier le code du travail sans négocier ou sans organiser de concertation avec les organisations syndicales, ni de faire la moindre réforme au sein de l’Éducation nationale sans y associer les parents d’élèves ou les syndicats. Or, dans le cadre de la politique de la ville, on a défini des politiques publiques sans forcément se préoccuper de l’avis des populations concernées. Ce projet de loi vise donc à fixer de nouveaux cadres de telle sorte qu’après les élections municipales, l’ensemble des acteurs – État, élus, associations et citoyens – soient dotés des outils nécessaires pour permettre aux quartiers populaires défavorisés de retrouver les mêmes atouts que les quartiers plus privilégiés.

Nous proposons donc tout d’abord une géographie se fondant sur un critère unique qui soit le plus englobant possible de façon à pouvoir identifier les concentrations de pauvreté sur l’ensemble du territoire français. Le choix d’un critère unique permettra ainsi de raccrocher à la politique de la ville des territoires urbains auparavant complètement oubliés alors qu’ils présentent les mêmes stigmates que les quartiers populaires en difficulté situés dans les grandes agglomérations. Cette nouvelle géographie prioritaire a pu susciter des inquiétudes. C’est pourquoi, s’il me semble avoir donné toutes les garanties en la matière, je suis prêt à le faire à nouveau devant l’Assemblée nationale et le Sénat qui, je l’espère, adopteront ce critère unique. Nous organiserons ensuite des échanges entre les préfets et les collectivités afin d’affiner cette géographie prioritaire et de n’oublier aucun quartier en difficulté de ce pays. Afin qu’il n’y ait aucune ambiguïté sur le caractère objectif, lisible et transparent de ce critère unique, je suggère la création d’un groupe de suivi composé de parlementaires des deux assemblées, de la majorité comme de l’opposition. Ce groupe de suivi pourra ainsi à la fois observer et accompagner le ministère de la ville dans la définition définitive de la géographie prioritaire de la politique de la ville. Le processus de base ne doit être contesté par personne.

Le deuxième point majeur de ce projet de loi réside dans le cadre de mobilisation des acteurs qu’est le contrat de ville. Nous en revenons ici à l’essence de la politique de la ville, c’est-à-dire à l’établissement d’un contrat global qui prenne à la fois en compte les questions de rénovation urbaine et les politiques de cohésion sociale, mais surtout qui implique l’ensemble des acteurs, et pas uniquement le maire et l’État. Ce contrat sera défini dans le cadre plus large de l’intercommunalité – ce cadre permettant en effet de déterminer les grandes orientations d’un territoire, d’y intégrer les quartiers en difficulté et de faire intervenir les acteurs des autres niveaux de collectivité concernés que sont les conseils généraux, les conseils régionaux, les services de l’État et de grands opérateurs des services publics comme les caisses d’allocations familiales et Pôle Emploi. Compte tenu des interrogations qui se sont fait entendre lors de nos débats préparatoires, les amendements du rapporteur et du Gouvernement permettront de clarifier le rôle de chacun dans la politique de la ville : si l’intercommunalité doit assurer l’élaboration des diagnostics et la coordination des actions conduites, le maire doit quant à lui rester l’opérateur de proximité en contact avec les citoyens et pouvoir mener les actions de la politique de la ville comme celles de droit commun dans ces quartiers.

Troisième point : il importe que nous soyons en mesure d’organiser la solidarité nationale à destination des collectivités locales mais également la solidarité financière entre les territoires. C’est pourquoi il vous est proposé de créer une dotation de politique de la ville destinée à se substituer à une dotation de développement urbain dont les critères d’éligibilité demeurent obscurs. Lors d’événements récents, on a pu constater que certaines communes en grande difficulté ne bénéficiaient d’aucun dispositif de solidarité sur leur territoire alors même qu’elles étaient membres d’une intercommunalité. C’est pourquoi nous vous proposons la création obligatoire d’une dotation de solidarité communautaire.

Quatrième élément de ce projet de loi : nous proposons d’organiser l’achèvement du programme national de rénovation urbaine (PNRU). S’il était en effet prévu que l’ensemble des conventions soient bouclées d’ici à la fin de l’année 2013, certaines opérations ont pris du retard. C’est pourquoi nous proposons de prolonger ce PNRU de deux ans, tandis que montera en puissance un nouveau plan de renouvellement urbain assorti d’une dotation de 5 milliards d’euros à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Les modalités de rénovation des quartiers seront modifiées puisqu’il ne sera plus fait usage des appels à projet. Nous souhaitons à présent terminer les opérations commencées et intervenir sur les quartiers qui, sans avoir été oubliés, n’ont pu faire l’objet d’une rénovation urbaine lourde lors de la période précédente si bien qu’ils sont désormais confrontés à une urgence urbaine, au-delà de l’urgence sociale. Le cadrage financier de ce plan est quant à lui bien engagé. J’ai donc toutes les raisons de penser que dès 2014, les élus pourront, sur la base de la liste qui sera proposée par le conseil d’administration de l’ANRU et arrêtée par le ministre de la ville, commencer à réaliser les études préalables à la restructuration et à la requalification de ces quartiers.

Je conclurai mon intervention sur un élément novateur de ce projet de loi. Au-delà du travail remarquable mené sur le terrain par les élus de toutes sensibilités, il est à présent indispensable de favoriser la mobilisation citoyenne de telle sorte que les habitants de ces quartiers populaires soient non seulement informés, consultés et associés mais plus encore engagés dans un processus de co-construction des contrats de ville et des opérations de renouvellement urbain. J’ai confié en décembre dernier à Mohamed Mechmache et Marie-Hélène Bacqué le soin d’établir un rapport, qu’ils m’ont remis en juillet : s’étant appuyés sur une large concertation avec les citoyens de tout le pays, ils y formulent plusieurs propositions dont une partie dépasse le cadre de la politique de la ville puisqu’elle concerne les ministères de l’éducation nationale et de l’intérieur. Souhaitant pour ma part reprendre l’ensemble des propositions de ce rapport qui relèvent de ma compétence, je vous proposerai la création de conseils de citoyens à qui l’État garantira des moyens de fonctionnement et de formation – cette formation s’appliquant d’ailleurs aussi aux techniciens de la politique de la ville qui ne disposent pas toujours d’outils adaptés pour pouvoir communiquer avec les habitants. Ces conseils de citoyens devront être associés à toutes les étapes de l’élaboration des contrats de ville et des opérations de rénovation urbaine. De fait, si cette rénovation urbaine a été bénéfique, elle a parfois été vécue comme traumatisante par les populations de certains quartiers. J’étais récemment à Vénissieux, dans le quartier des Minguettes qui fut il y a trente ans le théâtre d’émeutes urbaines. À la suite de celles-ci, un processus de rénovation a été engagé dans ces quartiers. Or, leurs habitants m’ont expliqué que s’ils étaient très heureux de leur habitat et de leur cadre de vie, ils assistaient depuis trente ans – soit depuis deux générations – à l’évolution de leur quartier de sorte qu’ils y ont perdu certains repères. C’est pourquoi nos concitoyens des quartiers populaires doivent être totalement associés à ces processus de rénovation urbaine.

Certes, ce projet de loi n’est pas l’alpha et l’oméga de la politique de la ville. Mais il vous est proposé aujourd’hui de construire le cadre qui permettra de mener des politiques publiques au plus près du terrain et ainsi d’améliorer la situation de ces quartiers populaires. Je rappelle à cet égard que le taux de chômage – première préoccupation des Français – est deux fois plus important chez les adultes et trois plus important chez les jeunes à l’intérieur de ces quartiers qu’au niveau national. Ces concentrations de pauvreté engendrent également une montée du populisme voire du fondamentalisme religieux, de l’économie souterraine et par conséquent, de l’insécurité. Enfin, elles entraînent un divorce entre une partie de la société et les instruments de politique publique censés permettre d’améliorer leur quotidien. Ainsi certains jeunes sont-ils complètement déconnectés de tout service public municipal ou national. En adoptant ce projet de loi, nous ferons en sorte qu’État et élus puissent agir ensemble au profit des habitants de ces quartiers populaires défavorisés.

M. le président François Brottes. Monsieur le ministre, le dépôt de votre texte a engendré au sein de nos commissions permanentes un mercato considérable. Je salue donc l’arrivée au sein de la Commission des affaires économiques de Mme Pascale Boistard, Mme Kheira Bouziane, M. Marc Goua, M. Jean-Philippe Mallé, M. Michel Liebgott et M. Arnaud Richard. On m’a d’ailleurs également annoncé la visite de M. Martial Saddier. Un tel mouvement illustre à quel point votre texte a du succès. Je salue également au passage nos trois rapporteurs : M. François Pupponi, pour notre Commission, M. Dominique Baert, pour la commission des finances, et M. Philippe Bies, pour celle du développement durable.

M. François Pupponi, rapporteur de la commission des affaires économiques. Nous sommes au terme d’une période de plus de trente ans d’action publique dans ces quartiers que l’on qualifie parfois de « défavorisés », parfois de « populaires », parfois encore de quartiers « en difficulté ». Or, on ne peut que constater que l’action publique n’a pas été suffisamment efficace pour sortir ces quartiers de l’état de relégation dans lequel ils se trouvent. Bien entendu, il n’est nullement question pour moi d’affirmer que rien n’a été fait et encore moins que la politique n’a pas été efficace. Au cours des trente dernières années, cette politique nous a permis d’agir par l’intermédiaire d’acteurs de terrain soutenus par l’État et c’est heureux. Sans cela, la situation serait bien plus catastrophique qu’elle ne l’est aujourd’hui. Mais force est de constater que l’ensemble de l’action publique n’a pas permis de régler les problèmes de ces territoires.

S’il ne s’agit nullement de dire que rien n’a été fait, c’est aussi parce qu’au-delà de la politique de la ville, plusieurs textes majeurs ont été adoptés puis appliqués, parmi lesquels la loi de programmation pour la rénovation urbaine de 2003. Nous sommes d’ailleurs tous d’accord pour saluer l’action de l’ANRU – une action réellement efficace même si elle a fait l’objet de critiques à la marge. Le projet de loi propose d’ailleurs d’en reprendre plusieurs aspects dans le cadre d’un nouveau programme de renouvellement urbain – NPNRU. Je citerai également la loi de 2005 sur la réussite éducative qui a fait en sorte de prendre en compte le parcours individuel des jeunes et des enfants en difficulté qui sont scolarisés dans ces quartiers. Enfin, la mise en œuvre des crédits d’intervention de la politique de la ville a été réorganisée avec la création de l’Agence nationale pour l’égalité des chances en 2006.

L’idée de flécher nos actions sur les quartiers prioritaires – que sous-tend le présent projet de loi – n’est pas neuve : elle avait en effet présidé à la volonté de créer 751 zones urbaines sensibles. Cependant, le processus s’est rapidement délité si bien que l’on recense désormais plus de 2 400 quartiers – de priorité 1, 2 et 3. Et l’on ne sait plus trop qui fait quoi.

Si beaucoup a été dit sur les quartiers censés entrer ou sortir du cadre de la politique de la ville en vertu de ce projet de loi, la réalité est beaucoup plus simple – comme chacun s’en apercevra au fur et à mesure de l’étude du texte. En fait, peu de quartiers sortiront du dispositif. De surcroît, ceux-ci seront accompagnés. Il n’y a donc aucune crainte à avoir. En revanche, plusieurs territoires ont bénéficié d’aides de la politique de la ville sans que cela soit justifié. Lors du débat sur la dotation de solidarité urbaine (DSU), j’avais d’ailleurs moi-même appris en séance au ministre Woerth que la ville de Chantilly touchait 50 000 euros de dotation de solidarité urbaine (DSU). Sans aller jusqu’à dire qu’il n’y a aucune difficulté dans cette commune, on s’apercevra que certaines des communes qui sortent du champ de la politique de la ville ne touchaient jusqu’ici que 10 000 à 20 000 euros par an d’aides au titre de cette politique. On peut donc légitimement considérer qu’elles sont capables de se passer de montants qui pourront alors être réalloués aux quartiers prioritaires. Cela étant, ne soyons pas anxiogènes : loin de provoquer un grand bouleversement, nous visons au contraire à recadrer le ciblage des aides de telle sorte que les moyens de la politique de la ville soient alloués aux quartiers prioritaires et que les moyens de droit commun de l’État soient mobilisés sur les quartiers qui ont besoin d’être accompagnés.

Monsieur le ministre, vous avez fait preuve d’une grande écoute. Or, s’il est vrai que beaucoup a été accompli au cours des trente dernières années, une telle écoute n’a pas toujours été au rendez-vous. Vous avez pour votre part souhaité que ce projet de loi soit le résultat d’une grande concertation. L’ensemble des parties prenantes à cet change – élus, habitants, acteurs associatifs, services dédiés – ont d’ailleurs salué cette écoute, de même que le déroulement du processus et le résultat qui en a découlé.

Le projet de loi qui nous est soumis va dans le bon sens : il résume en effet l’ensemble des souhaits que nous formulons depuis tant d’années afin de renforcer l’efficacité de la politique de la ville.

Il propose tout d’abord une géographie prioritaire resserrée s’appuyant sur des critères simples et compréhensibles, liés à la pauvreté de la population. On part ainsi du principe que c’est dans les villes où la pauvreté est concentrée qu’il faut concentrer les moyens de la politique de la ville. Il s’agit ensuite de fédérer les acteurs autour d’un projet de territoire à l’échelle pertinente : or, si l’on songeait auparavant aux quartiers puis aux villes, tout le monde s’accorde au bout de trente ans sur le fait que c’est le territoire situé autour de ces quartiers qui doit être le lieu d’intervention de la politique de la ville et que l’intercommunalité a un rôle important à jouer. Le texte vise en outre à territorialiser cette politique en instituant des contrats de ville dans le cadre desquels les politiques de droit commun seront fléchées sur les quartiers prioritaires et sur les territoires nécessitant d’être accompagnés.

Il nous faut bien entendu repenser le pilotage de la politique de la ville : c’est à cette fin qu’est proposée la fusion de l’ACSé, de la DATAR et du Secrétariat général du comité interministériel des villes (SG-CIV). Ainsi regroupés, les acteurs pilotant la politique de la ville au niveau national gagneront en visibilité. Car si tout le monde salue le travail de l’ANRU – agence incarnée et visible avec laquelle les élus locaux peuvent aisément discuter, la critique adressée à l’ACSé ne porte guère sur le fond de son action mais sur son manque de visibilité dans les quartiers. On voit en effet fort peu ses représentants se déplacer sur le terrain. Nous ferons donc en sorte que le nouveau Commissariat général à l’égalité des territoires prenne corps et que l’aide aux quartiers prioritaires soit plus efficace. Il convient également d’affirmer le principe de co-construction des projets avec les habitants – point qui a fait l’objet d’un débat très important hier au sein de la commission du développement durable. J’insiste vraiment sur la nécessité non seulement de placer les élus au cœur de l’élaboration de ces projets mais aussi que les habitants, les acteurs économiques et les associations y participent. Il ne doit en effet y avoir aucune défiance entre les élus et la population. Cela suppose que l’on promeuve la formation des habitants. Malheureusement, l’article 40 de notre Constitution est appliqué avec une telle sévérité que lorsque certains collègues ont déposé des amendements visant à créer des instances de concertation au sein des quartiers, la Commission des finances a considéré, avec raison peut-être, que cela constituait une charge publique nouvelle. Il nous faudra donc trouver une nouvelle solution, conforme cette fois à l’article 40, pour créer des instances permettant le montage de projets en co-construction avec les habitants.

M. le président François Brottes. À ce stade de nos débats, c’est encore le président de la Commission des affaires économiques qui vérifie la recevabilité des amendements déposés, par anticipation sur les décisions de la Commission des finances. Je le précise afin que les membres de cette dernière ne soient pas accusés à tort.

M. le rapporteur. Vous faites bien de le préciser, monsieur le président. Cela étant, il s’agit là d’une vraie question dont il nous faudra débattre avec la Commission des finances afin d’éviter l’autocensure du président de la Commission des affaires économiques !

Pour en revenir au projet de loi, signalons l’instauration d’un nouveau programme de renouvellement urbain : les cinq milliards d’euros de fonds publics annoncés dans ce cadre permettront de lever vingt milliards d’euros d’investissement. Certains objecteront que le premier programme s’élevait à 45 milliards. On peut cependant considérer que l’ANRU a désormais terminé son travail dans plusieurs villes et qu’il est donc inutile d’y relancer un nouveau programme. D’autres quartiers, franciliens notamment, ont en revanche besoin d’une nouvelle intervention de l’ANRU – qui ne sera cependant pas de même ampleur que lors du premier PNRU. Pour terminer le travail déjà entrepris, le ministre estime ainsi que 20 milliards d’euros d’investissement suffiront : avec les 45 milliards d’euros du premier programme, ce seront ainsi 65 milliards d’euros qui auront été investis en vingt ans dans ces quartiers. Sachant par ailleurs que le dispositif des zones franches urbaines s’achèvera à la fin de l’année 2014, il conviendra, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015, d’accompagner la politique de la ville et de renouvellement urbain par la définition de politiques économiques à même de favoriser la création d’activité et d’emplois dans ces quartiers. Nous disposons ainsi d’une année entière pour réfléchir à l’instauration de mesures nouvelles dans ces territoires.

Nous devons poursuivre l’effort de solidarité nationale, ce qu’opère le PLF pour 2014 en maintenant la dotation de solidarité urbaine (DSU) et la dotation de développement urbain (DDU) à 60 et 75 millions d’euros, et en augmentant le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) et le fonds de solidarité des communes de la région Île-de-France (FSRIF). Il convient néanmoins d’aller plus loin et de mettre en œuvre à la fois une véritable solidarité ciblée et une solidarité locale Trente ans après le début de la politique de la ville, il n’existe toujours pas de dotation nationale spécifique pour la politique de la ville, la DSU étant ciblée sur les villes pauvres, la dotation globale de fonctionnement (DGF) n’entrant pas dans le cadre de cette politique et la DDU étant une subvention et non une dotation. Ce projet de loi crée donc enfin une dotation liée à la politique de la ville, qui sera affectée aux territoires les plus en difficulté. Le texte précise en parallèle que, pour être aidée, une collectivité doit elle-même soutenir ses quartiers pauvres : c’est sur ce point que se focalisera le débat entre le rôle de l’intercommunalité et celui de la commune. Le contrat de ville aura pour objet d’organiser les relations entre ces deux collectivités en précisant le périmètre de l’action de chacune.

Au total, il s’agit d’un bon projet de loi que nous allons améliorer ; une fois adopté, il constituera le cadre dans lequel les politiques locales se déploieront avec l’aide de l’État.

M. Philippe Bies, rapporteur pour avis de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. La Commission du développement durable a émis un avis favorable sur ce texte ; lors de l’examen du projet de loi, nous avons tenté de préciser par amendement le contenu de la politique de la ville. La géographie prioritaire suscite certaines inquiétudes, et je salue l’initiative de M. le ministre de mettre en place un groupe de suivi, qui rassemblera l’ensemble des parties concernées qui pourront ainsi s’assurer de l’objectivité de la liste des quartiers prioritaires.

Nos débats se sont concentrés sur la participation des citoyens, et plusieurs des amendements adoptés par notre Commission visent à favoriser la co-construction à partir des propositions contenues dans le rapport de Mme Marie-Hélène Bacqué et de M. Mohamed Mechmache intitulé Pour une réforme radicale de la politique de la ville. Il y a lieu de fixer un cap pour cette participation, mais celle-ci ne doit pas être institutionnalisée car cela la rendrait contre-productive ; le Gouvernement doit présenter un amendement en ce sens pour trouver un équilibre.

La sortie du dispositif a également retenu l’attention de notre Commission : nos inquiétudes sont légitimes et nous attendons que le Gouvernement, là encore par voie d’amendement, assure la transition nécessaire pour les quartiers ne faisant plus partie de la géographie prioritaire.

Notre Commission a supprimé l’article 6 sur l’Île-de-France, car nous doutons de l’intégration des contrats de développement territorial (CDT) dans la nouvelle organisation de la politique de la ville.

Comme M. le rapporteur, je regrette la décision de M. le président de la Commission des affaires économiques de rejet de certains amendements au titre de l’article 40 de la Constitution, et notamment celui qui prévoyait l’obligation d’ouvrir une maison du projet, disposition qui n’engendrait pas de charge supplémentaire puisqu’elle devait s’inscrire dans le contrat de ville.

Ce projet de loi est bon, attendu par les professionnels et les acteurs locaux, et il ne nécessite en l’état que des améliorations limitées.

M. le président François Brottes. Lorsque j’éprouve un doute sur la conformité d’un amendement à l’article 40 de la Constitution, je sollicite l’avis de M. le président de la Commission des finances afin d’anticiper d’éventuelles censures ; je vous formulerai néanmoins des propositions pour éviter l’écueil consistant à rejeter trop d’amendements.

M. Dominique Baert, rapporteur pour avis de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La Commission des finances a salué les acquis de trente années de politique de la ville, a pointé les carences, et s’est félicitée des innovations portées par le projet de loi présenté par le Gouvernement.

Un certain nombre de nos collègues ont jugé que l’articulation entre l’intercommunalité et la commune dans la mise en œuvre du contrat de ville s’avérera délicate, notamment dans le domaine de la prévention de la délinquance et de la sécurité.

Nous soutenons la mise en place de la dotation pour la politique de la ville, même si des interrogations se sont exprimées au sujet de la sortie de certains territoires des dispositifs de la politique de la ville et de l’avenir des zones franches.

La Commission des finances a émis un avis favorable à ce projet de loi et a adopté presque unanimement les amendements présentés.

M. Yves Blein. La politique de la ville est née dans les années 90 afin d’endiguer la dégradation et la ghettoïsation de certains quartiers. « Les marcheurs » étaient les lanceurs d’alerte de l’époque et ils avaient pris l’initiative, en 1983, d’organiser une grande marche pour l’égalité et contre le racisme. Ce rêve d’égalité avait pris corps dans le quartier des Minguettes à Vénissieux, à l’initiative de jeunes victimes de violences policières et qui avaient choisi cette méthode pacifique pour exprimer leur colère et leurs revendications – certains manifestants d’aujourd’hui seraient d’ailleurs bien inspirés de prendre exemple sur le calme, le sang-froid et le respect des biens publics de ces marcheurs.

La politique de la ville reposait sur le principe simple de mise en œuvre d’opérations urbaines visant à améliorer l’habitat et le cadre de vie de ces quartiers, et à y concentrer et à y coordonner l’action de l’État pour accroître l’efficacité de l’ensemble des missions de service public. Tous les gouvernements ont complexifié cette politique – au point de créer un mille-feuille incompréhensible – et la dernière initiative, à oublier, fut l’annonce d’un plan Marshall pour les banlieues. Il importait donc de simplifier cette politique et d’écrire une nouvelle page de l’avenir de nos quartiers. Nous savons, monsieur le ministre, que vous êtes animé de cette intention et le groupe SRC soutiendra et amendera en ce sens ce projet de loi.

Ce texte dresse un état des lieux détaillé de la situation de l’ensemble des quartiers français et retient, à partir de critères précis, ceux qui doivent faire l’objet d’un effort particulier de la nation, en identifiant ceux qui ne nécessitent plus de mobilisation particulière. Nous sommes néanmoins attentifs à la nature des dispositions transitoires et il ne faut pas relâcher notre action, notamment dans les domaines éducatifs, de la prévention de la délinquance et de la santé pour lesquels seuls les efforts de très long terme paient.

Il convient également de maintenir les moyens alloués à la rénovation urbaine, afin que l’État soutienne les investissements nécessaires en matière de logement, de mixité sociale et de liaison entre ces quartiers et les zones urbaines auxquelles ils appartiennent – en particulier, pour le développement des transports en commun et des commerces, et pour l’implantation des services publics. Il y a lieu d’accentuer la synergie entre les moyens de l’État et de veiller à ce que les politiques de droit commun donnent leur plein effet dans ces territoires. Une partie des emplois d’avenir pourraient être fléchés en direction des jeunes de ces quartiers ; de même, les effectifs de Pôle emploi devraient y augmenter plus qu’ailleurs ; enfin, les enseignants les plus expérimentés devraient être affectés en nombre suffisant dans les établissements de ces zones : ces mesures constituent autant de signaux attendus par les habitants pour lutter contre l’inactivité des jeunes et les difficultés de scolarisation des enfants.

Une bonne politique de la ville exige également une répartition précise du rôle de chacun ; il convient notamment de délimiter clairement l’action entre les intercommunalités – qui disposent de la capacité d’agir sur les infrastructures et qui gèrent les budgets déconcentrés en matière de logement – et les communes, dont le pouvoir de médiation, de pédagogie, de veille opérationnelle, de suivi et de mise en œuvre des politiques doit être respecté pour assurer la bonne compréhension et la réussite des opérations. Cette politique doit en outre reposer sur des dispositifs fiscaux de solidarité entre les territoires.

La loi doit veiller à la contribution des citoyens aux opérations de requalification urbaine ; cela permet aux programmes d’être négociés, compris et acceptés par tous. Le projet de loi ne serait pas complet sans une structure d’évaluation – prenant dans le texte les traits d’un observatoire – définissant des critères simples et objectifs permettant à tous les acteurs de mesurer les progrès réalisés. Cet observatoire devra estimer l’évolution de la qualité de la vie, en se fondant notamment sur des baromètres d’opinion des habitants, sur la réussite scolaire et sur les chiffres de la délinquance et du chômage.

M. Jean-Marie Tetart. Nous regrettons d’examiner ce projet de loi un jeudi en Commission et un vendredi en séance publique ; cela nuit à la qualité de nos travaux, alors que le conseil des ministres a adopté ce texte le 2 août dernier ; nous avons l’impression que le Gouvernement souhaite limiter le débat sur le sujet de la politique de la ville, pourtant majeur.

Le projet de loi prolonge jusqu’en 2015 le PNRU, initié en 2003 et qui a rencontré, M. Pupponi l’a souligné, de réels succès. C’est une bonne nouvelle. Le PNRU a mobilisé près de 45 milliards d’euros et a permis de rénover 600 quartiers, et nous pouvons constater les profonds changements du cadre de vie engendrés par ce programme dans des villes comme Les Mureaux ou Mantes-la-Jolie.

Monsieur le ministre, la dotation de 5 milliards d’euros à ANRU est-elle suffisante pour donner une crédibilité à la prolongation du PNRU ? En 2009, la précédente majorité avait financé l’ANRU à hauteur de 12 milliards d’euros.

Nous notons avec satisfaction la naissance d’un observatoire national de la politique de la ville, qui assurera une plus grande efficacité dans l’évaluation et une meilleure capacité d’appréciation de la situation des quartiers. Née d’une fusion, cette structure procédera à une simplification administrative bienvenue.

Nous regrettons, en revanche, le manque d’approche économique de la politique de la ville dans ce projet de loi. Alors que la caractérisation des nouveaux quartiers prioritaires s’effectuera par rapport à la situation économique de leurs habitants, le développement économique ne figure même pas dans la définition de la politique de la ville, décrite à l’article 1er comme « politique de cohésion urbaine et de solidarité nationale envers les quartiers défavorisés ». Nous déposerons donc un amendement de complément. L’article 4 dispose que la géographie des nouveaux quartiers prioritaires et les modalités de leur identification seront fixées par décret ; sur le principe, cette mise à jour est nécessaire, mais nous déplorons d’avoir appris le nombre de quartiers – 1 300 – et les critères de leur éligibilité dans la presse. Nous espérons que ceux-ci seront maintenus et que les calculs mathématiques ne seront pas tordus à la suite de la concertation que vous conduirez au printemps, c’est-à-dire après les élections municipales.

Il n’est pas illégitime de rationaliser le zonage et de concentrer les moyens dans un nombre limité de quartiers – au nom de l’efficacité de cette politique et des contraintes budgétaires –, mais il faudra accompagner les quartiers qui sortiront du dispositif car même rénovés et disposant de meilleurs services, leurs habitants ne se sont pas forcément enrichis.

Si nous ne sommes pas défavorables à ce que l’intercommunalité pilote cette politique, cette prise en main ne peut pas être imposée. L’article 8 du projet de loi doit apporter de la souplesse et ne doit établir aucune hiérarchie, car la répartition des rôles doit s’effectuer en fonction des spécificités locales. Pouvez-vous nous assurer que si l’intercommunalité décide de ne pas assumer la compétence en matière de politique de la ville, une commune qui en est membre pourra bien signer un contrat de ville ?

M. André Chassaigne. Ce projet de loi de refonte de la politique de la ville s’avère le bienvenu, car la situation de nos quartiers est telle que nous devons agir avec célérité et avec force. Cependant, ce texte s’inscrit dans le cadre de la politique d’austérité budgétaire sans précédent conduite par ce gouvernement, et M. Bernard Cazeneuve, ministre chargé du budget, a envoyé un terrible signal en justifiant une nouvelle baisse de 1,5 milliard d’euros des dotations aux collectivités locales.

La refonte de la géographie prioritaire et le nouveau mode de découpage retenu – carroyage fondé sur des carrés de 200 mètres de côté – présentent l’inconvénient d’entraîner la sortie de très nombreux quartiers des dispositifs de la politique de la ville ; vous affirmez que cela est nécessaire, car en période de restriction budgétaire, le Gouvernement souhaite mieux cibler les crédits sur les quartiers les plus en difficulté, mais ce projet de loi promeut bien une logique de gestion de la pénurie. Cette disette engendre des conséquences très concrètes dans la vie des gens, à l’image du report de la revalorisation des aides au logement et des pensions de retraite dont les effets délétères se cumuleront pour les ménages les plus pauvres.

Il n’est pas choquant que l’intercommunalité puisse être le chef de file de la rénovation urbaine, mais le groupe GDR souhaite que le maire assure également le pilotage des projets. Ainsi, chaque territoire doit pouvoir décider en fonction des dynamiques locales ; dans ce cadre, nous nous inquiétons de la métropolisation, porteuse de menaces en termes d’efficacité, de transparence et de concertation démocratique des habitants.

Dans les quartiers en difficulté, il convient d’assurer la mixité du peuplement ; nous sommes donc favorables à ce que les villes en carence de logement social accueillent les personnes prioritaires au droit au logement opposable (DALO). Nous défendrons aussi la suppression des surloyers dans les quartiers situés dans les zones de la politique de la ville, afin de réintroduire la mixité sociale dans l’habitat, indispensable à la qualité de vie.

Au cours des débats, nous relaierons la voix des quartiers populaires : à force de concentrer le chômage, l’exclusion scolaire et la pauvreté, un vrai risque d’explosion existe car les habitants sont amèrement déçus, eux qui se sont mobilisés en masse pour voter pour le changement promis et qui n’est pas là !

Bien que ce projet de loi ne soit pas, selon vos propres termes, monsieur le ministre, « l’alpha et l’oméga de la politique de la ville », il comporte des dispositions discutables. Dans un contexte d’attente de clarification et de prise en compte de propositions nouvelles, la politique de la ville est une affaire trop sérieuse pour être enfermée dans le « tout ou rien » : tel sera notre positionnement au cours de l’examen de ce texte.

M. Arnaud Richard. Le groupe UDI est très attaché à la politique de la ville du fait du bilan, salué par tous, de l’action de M. Jean-Louis Borloo. Je m’associe aux critiques de M. Jean-Marie Tetart sur les modalités d’examen de ce projet de loi – sans parler des vingt-et-un amendements déposés par le Gouvernement la veille de cette réunion.

Nous ne disposons pas de la liste des quartiers éligibles et nous ne comprenons pas que vous n’ayez pas eu la délicatesse de la transmettre à la représentation nationale. Cette méthode alimente nos inquiétudes.

Les quartiers éligibles à la politique de la ville sont alternativement qualifiés de « sensibles », « stigmatisés », « défavorisés », « populaires », « relégation », « plus fragiles », alors que ce sont des quartiers d’avenir qui disposent de nombreux atouts et notamment celui de la jeunesse. L’explosion du chômage, l’insalubrité de l’habitat et la tentation du repli communautaire devant le sentiment d’exclusion sont autant de symptômes de notre difficulté collective à trouver un chemin nouveau pour ces territoires.

La Cour des comptes se trompe d’analyse en qualifiant d’échec la politique conduite depuis trente ans. Lorsqu’un habitant de ces quartiers voit sa situation économique s’améliorer, il a tendance à le quitter et à être remplacé par quelqu’un de plus fragile.

Les émeutes qui ont eu lieu dans ces quartiers ont montré à plusieurs reprises ces dernières années combien cette situation de rupture sociale et territoriale était lourde de risques pour la cohésion nationale.

Dix ans après le lancement du PNRU, tous s’accordent sur son succès, tout en reconnaissant qu’il faut aller plus loin. Que ce soit sur l’emploi, la baisse de la délinquance, la réalisation d’équipements scolaires, la revitalisation et l’implantation de nouvelles activités mais aussi sur le désenclavement et le renforcement de l’attractivité de ces quartiers, l’action de l’ANRU et des autres acteurs comme l’ACSé doit être prolongée par la puissance publique.

Le projet de loi qui nous est présenté est essentiellement technique. Il opère des simplifications bienvenues, telles que la réduction du nombre de dispositifs, l’institution du contrat de ville unique ou la prolongation du PNRU de 2003. À notre sens il ne peut être qu’une première étape permettant de répondre à la détresse des habitants de ces quartiers et doit être largement précisé, en indiquant notamment la liste des nouveaux quartiers prioritaires ainsi que les moyens qui seront effectivement attribués à la politique de la ville.

Si la fusion des dispositifs qui se sont empilés ces dernières années – les ZUS, CUCS, ZRU et autres ZFU – va dans le sens d’une plus grande cohérence de l’action publique, nous appelons néanmoins le Gouvernement à prendre garde à ce que cette simplification ne rime pas avec désengagement de l’État.

Le nombre de quartiers prioritaires arrêtés par le Gouvernement serait de 1 200, contre 2 500 CUCS aujourd’hui : doit-on craindre que les 1 300 quartiers appelés à disparaître des radars gouvernementaux de la politique de la ville soient exclus des contrats de ville, ou bénéficieront-ils, comme semblent l’indiquer les amendements déposés à la dernière minute par le Gouvernement, d’une période transitoire ?

La suppression des ZFU fin 2014 suscite par ailleurs de fortes inquiétudes. Nous présenterons donc un amendement visant à prolonger le dispositif jusqu’en 2019. En effet, les ZFU ont, dans leur grande majorité, démontré leur efficacité dans la lutte contre le chômage, notamment le chômage des jeunes. Si elles ne peuvent évidemment remplacer une stratégie de développement économique portée par les collectivités territoriales, elles sont un atout indispensable au service de celles-ci.

La nouvelle géographie prioritaire qui identifie les zones sensibles au travers du seul prisme de la pauvreté en écartant tout critère urbanistique ou social nous paraît constituer une approche qui risque d’exclure des zones qui ne le méritent pas. François Pupponi a d’ailleurs bien soulevé dans son rapport le paradoxe des villes pauvres éligibles à la DSU qui pourraient ne plus avoir de quartier prioritaire. La modification du zonage aura des conséquences sur de nombreux dispositifs aujourd’hui assis sur les ZUS – je pense en particulier à la nouvelle bonification indiciaire –, lesquels doivent donc être revus par le Gouvernement. Si on ne peut nier que le recentrage soit une bonne chose, nous serons vigilants à ce que les critères retenus le soient bien sur des fondements objectifs sans autre forme de considération politique.

Quant à la solidarité, si la solidarité nationale reste un impératif évident, la solidarité locale est également un sujet fondamental, et nous aurons l’occasion, au cours de nos débats de reparler de la DSC.

Nous regrettons pour conclure que le texte mette à mal l’annexe 1 de la loi de 2003, qui apportait des précisions intéressantes sur les critères relatifs à l’évolution des écarts constatés entre les villes, tout comme nous regrettons la disparition de cette vigie républicaine qu’était le Comité d’évaluation et de suivi de l’ANRU, véritable « poil à gratter » de la politique de la ville. Nous déplorons enfin une lacune essentielle de la politique de la ville : l’éducation.

M. le président François Brottes. Un mot sur la méthode. C’est désormais le texte issu des travaux de la commission qui est débattu dans l’hémicycle. Seul le Gouvernement a le droit de l’amender jusqu’au dernier moment, mais les députés peuvent, s’ils le veulent sous-amender ces amendements en commission. Si tel est votre souhait, nous prendrons le temps d’examiner ces sous-amendements.

Mme Michèle Bonneton. Ce que l’on désigne par « politique de la ville » englobe en réalité les efforts de l’État et des collectivités pour essayer de réparer les erreurs d’urbanisme commises pendant les Trente Glorieuses, qui ont créé des poches urbaines, souvent enclavées, peu respectueuses des individus et mal adaptées aux principes égalitaires de la République. Les limites de cette urbanisation sont rapidement apparues, dès la fin des années 70, avec les émeutes urbaines de Vaulx-en-Velin en 1979 ou les affrontements des habitants des Minguettes avec la police en 1981. La France s’est alors progressivement intéressée à ces quartiers, à leurs difficultés sociales, économiques et identitaires.

Au premier regard, on associe quartiers en difficulté et espaces « minéraux », par opposition aux espaces naturels chers aux écologistes. Il s’agit bien entendu d’une approche trompeuse, car la richesse humaine de ces quartiers qui abritent plusieurs millions de citoyens est une chance pour la France.

Pourtant, ce sont malheureusement dans ces quartiers que, en plus des handicaps socio-économiques qu’ils subissent déjà, les habitants sont le plus exposés aux pollutions sonores et atmosphériques. En effet, ces quartiers dits « périphériques » se situent très rarement dans les anciens centres-villes mais plus souvent à proximité des voies rapides, des aéroports et des zones industrielles, nés en même temps qu’eux.

Lors de la campagne présidentielle, le candidat François Hollande s’était engagé à revisiter les outils et les principes d’intervention dans les quartiers, et en août 2012, vous avez, monsieur le ministre, lancé une concertation avec les acteurs de la ville, dont les conclusions ont été présentées par le Premier ministre lors d’un comité interministériel des villes, le 19 février 2013.

La philosophie et les orientations de ce projet de loi vont dans le bon sens en s’inscrivant dans une logique de contractualisation par territoires élargis au-delà des seuls quartiers en « zonage », qui privilégie l’échelle intercommunale et vise à désenclaver les quartiers, à favoriser la solidarité et la péréquation fiscale, et à faire des habitants une force de proposition. J’ajoute que la priorité donnée au droit commun nous semble fondamentale.

Nous le soutiendrons donc, souhaitant toutefois qu’y soient apportées des améliorations, notamment en matière de concertation et de participation des habitants des quartiers à la définition des politiques engagées. Vous nous avez annoncé des amendements gouvernementaux inspirés de l’excellent rapport Bacqué-Mechmache, et nous nous en réjouissons. Nous porterons également des amendements en ce sens.

Par ailleurs, il importe de traiter les millions d’habitants de ces quartiers sur un plan d’égalité avec leurs concitoyens ; c’est pourquoi nous ferons des propositions pour que soient mieux pris en compte les enjeux environnementaux dans les problématiques liées à la qualité et au cadre de vie.

Enfin, il faudra veiller à accompagner les quartiers qui sortiront de l’ancien dispositif sans entrer dans le nouveau – je pense en particulier à la fin annoncée de la plupart des avantages liés aux ZFU, chacun s’accordant sur le fait que l’emploi doit rester au cœur de nos préoccupations.

Ce projet concerne la politique de la ville, mais je m’interroge sur l’aide aux zones rurales, souvent oubliées. Il y règne parfois une grande pauvreté, et bon nombre d’entre elles rencontrent de réels problèmes, leurs habitants étant souvent éloignés des services de base, services publics ou services de santé, et rencontrant de grandes difficultés pour s’y rendre.

Enfin, et en marge du projet de loi, nous attendons beaucoup de la création du Commissariat général à l’égalité des territoires, qui sera l’outil opérationnel de mise en œuvre de la réforme que vous nous proposez.

Pour conclure, je vous prierai de bien vouloir excuser mon absence entre onze et treize heures : nous sommes un petit groupe, et ma présence est requise dans différentes instances.

M. le président François Brottes. Je crains que si vous n’êtes pas là nous ne puissions examiner vos amendements, à moins qu’un autre signataire de votre groupe ne vienne les soutenir, même s’il n’appartient pas à notre commission.

M. Michel Liebgott. Je voulais féliciter le ministre pour la concertation qu’il a engagée. Invités au ministère, nous avons eu droit à une présentation de la réforme, à partir de l’exemple de la ville d’Amiens. Nous ne sommes donc pas surpris par le projet de loi qui nous est proposé aujourd’hui, lequel s’inscrit dans une véritable stratégie de gauche, une stratégie solidaire qui repose sur un critère simple : la pauvreté.

On peut aussi se féliciter que soit pérennisée une politique de la ville un temps contestée dans son principe même. À cet égard, le fait que la DDU se transforme en dotation de la politique de la ville est une bonne clarification.

Je me réjouis également que le projet de loi implique davantage les intercommunalités, notamment à travers la DSC. C’est une façon de montrer que l’on s’adapte à l’évolution de nos territoires.

Enfin, au-delà même de la politique de la ville, la politique menée par l’actuel gouvernement concourt à renforcer la solidarité en faveur de ces quartiers. La mise en place des zones de sécurité prioritaires permet par exemple à des millions de personnes de vivre dans des environnements plus sûrs. Comme dans l’éducation nationale, nous avons mis un terme à la suppression de postes dans la police et la gendarmerie.

Nous devons, cela étant, rester attentifs aux poches difficiles qui demeurent dans les quartiers – je pense en particulier aux copropriétés dégradées –, qu’il faut absolument éradiquer. Il faut aussi veiller, dans le prolongement de la loi SRU, à préserver la mixité sociale. Tout le monde doit prendre sa part des problèmes, et on ne peut continuer à concentrer dans ces quartiers des personnes en grande difficulté.

M. Lionel Tardy. Compte tenu de l’engagement de la procédure accélérée et des délais très serrés de son examen, aujourd’hui en commission et vendredi prochain en séance, force est de constater que ce texte sur la ville n’est pas considéré comme un texte phare du quinquennat Hollande.

Ceci dit, ce qui importe dans les lois touchant à la ville et à la cohésion urbaine, c’est avant tout leur mise en œuvre et leurs implications concrètes pour les citadins. C’est sur ce point qu’il faudra être particulièrement vigilant.

Sur le contenu, je me satisfais du mouvement de simplification qui est ici esquissé. En effet, la politique de la ville regorge d’acronymes et de zonages, ce qui ne contribue pas à la rendre lisible, même si l’objectif final est le même. Il faut aller au bout de ce mouvement : ce sera le sens de certains de mes amendements.

En revanche, je regrette deux choses. D’une part, que les différents calendriers retenus semblent avoir été dictés par des contraintes politiques – les élections municipales de mars, notamment ; d’autre part, que ce projet, au prétexte qu’il est censé dessiner une loi de programmation, soit bavard et se perde dans les définitions.

Encore une fois, il importe que ce texte puisse être opérationnel et offre des outils simples et efficaces. Nous devons éviter qu’il s’en tienne à de simples déclarations d’intention.

Mme Pascale Boistard. Il est question ici de cohésion urbaine, mais, à l’heure où certains s’emparent de la notion d’identité pour la manipuler, je voudrais aborder, pour ma part, la question de la cohésion citoyenne.

Vous avez déposé un amendement concernant la valorisation de l’histoire, du patrimoine et de la mémoire des quartiers. Pour avoir participé au rapport que vous a remis Pascal Blanchard le 24 octobre dernier, je soutiens cet engagement, qui témoigne de votre volonté de remettre le citoyen au cœur de la politique de la ville.

Si nous voulons construire un avenir commun sur une histoire commune, notre conception du renouvellement urbain doit intégrer ces notions de patrimoine, de mémoire et d’histoire, qui doivent se traduire concrètement par des opérations budgétées par les communes, l’État et tous les acteurs concernés. Élus locaux et élus de la nation doivent ainsi contribuer, en lien avec les membres de la communauté scientifique, les acteurs du monde de la culture et de l’éducation, à porter des projets qui font sens.

M. le ministre. Si ce texte est examiné selon la procédure accélérée, c’est notamment parce qu’il a été précédé d’une large concertation, à laquelle ont été associés les parlementaires qui le souhaitaient.

Quant à notre réforme de la géographie prioritaire, elle intervient après la réforme avortée de 2009, laquelle a précisément avorté parce que, en s’appuyant sur des critères partiaux et partiels comme le taux de chômage ou la notion de grands ensembles, notion subjective s’il en est, elle faisait disparaître un bon tiers des zones urbaines sensibles.

Cette géographie prioritaire s’est construite au fil des années par empilement de zonages élaborés à partir de critères évolutifs, voire en dehors de tout critère dans le cas des contrats urbains de cohésion sociale. Pour reprendre l’exemple d’Amiens, cela a abouti à situer certaines zones urbaines sensibles à cheval sur des champs, tandis que, dans d’autres villes, ces ZUS recouvrent des zones pavillonnaires, qui, en l’absence de problème, ne font l’objet d’aucun contrat urbain de cohésion sociale.

Pour que la sectorisation reflète la réalité des territoires, il fallait donc la fonder sur le critère le plus objectif, le plus transparent et le plus englobant possible. C’est le cas du taux de pauvreté. On peut être au chômage sans être pauvre ou habiter un logement social sans connaître de difficulté particulière ; à l’inverse, ne retenir comme seul critère que le logement social écarte d’emblée tous nos concitoyens qui vivent dans des copropriétés dégradées. Le critère du taux de pauvreté permet en revanche d’englober, selon les simulations du ministère, 85 à 90 % des anciennes ZUS ; il permet de surcroît de détecter des quartiers qui échappaient jusqu’alors au zonage. Ce critère unique est totalement objectif et ne permet pas de jouer avec les curseurs pour faire entrer telle ou telle collectivité dans le dispositif.

Notre réforme n’est nullement motivée par les restrictions budgétaires, monsieur Chassaigne, mais par un souci de rationalisation. Pendant des années, on n’a pas voulu supprimer certains zonages pour ne déplaire à personne, si bien qu’aujourd’hui une grande partie des villes qui bénéficient de contrats urbains de cohésion sociale voient leurs actions financées pour de faibles montants, tandis que certaines communes ignorent qu’elles peuvent bénéficier des crédits de la politique de la ville.

Le carroyage vise donc à reconcentrer les crédits là où il y a des besoins et des difficultés. Une fois la liste rendue publique, vous pourrez constater que les quartiers sortants n’auraient sans doute jamais dû intégrer la politique de la ville.

Par ailleurs, j’attire votre attention sur le fait que le nombre de quartiers qui sont actuellement en zones urbaines sensibles et bénéficient, au-delà des crédits de la politique de la ville, d’un certain nombre de dispositifs d’exonération ou de bonification va augmenter : de 751 zones urbaines sensibles, nous allons en effet passer à 1 250 ou 1 300 quartiers prioritaires. Les quartiers les plus en difficulté ne bénéficieront donc pas de moins d’avantages, bien au contraire.

Quant aux autres quartiers, il n’est pas tout à fait exact de dire qu’ils sortiront du dispositif. L’objectif pour 2014 est qu’ils restent en périmètre de veille active, ce qui signifie que les communes pourront continuer à contractualiser avec l’État, mais selon le droit commun. Dans ce cadre, les contrats passés avec le recteur, Pôle emploi, la caisse d’allocations familiale où l’Agence régionale de santé augmenteront mécaniquement leurs moyens.

Je suis soucieux d’assurer la pérennité des dispositifs qui fonctionnent. Dans ces périmètres de veille active, les contrats adulte-relais iront donc à leur terme. De même, nous ferons en sorte que les jeunes puissent continuer à bénéficier du dispositif de réussite éducative, même si c’est selon des modalités différentes.

Mais il existe aussi, monsieur Chassaigne, des communes qui n’ont pas besoin des crédits de la politique de la ville. Les quartiers où cette politique s’applique ont vocation à devenir des quartiers comme les autres, et c’est d’ailleurs ce que réclament leurs habitants.

La création du Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET, à partir de la fusion entre l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’ACSé, et le secrétariat général du comité interministériel des villes, le SG-CIV, vise à muscler les outils de la politique de la ville : le CGET permettra une approche plus globale des politiques territoriales et la mise en œuvre, non seulement des contrats de ville, mais également des contrats État-Région. Nous disposerons ainsi d’un outil plus affûté pour mettre en œuvre les politiques d’égalité des territoires.

La Commission en vient à l’examen des articles du projet de loi.

M. le président François Brottes. Les amendements suivants ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 : les amendements CE1 de M. Michel Piron, CE13 de M. Lionel Tardy, CE32 de M. Denis Baupin – je proposerai à M. Baupin de redéposer cet amendement après l’avoir rectifié dans le cadre de l’article 88 – CE33, CE34 et CE45 de M. Denis Baupin, CE60 de M. Yves Blein – je lui ferai la même proposition que pour l’amendement CE32 – CE71 de M. Jean-Patrick Gille, CE77 de Mme Pascale Boistard, CE97 de M. Francis Vercamer, CE104 et CE105 de Mme Laurence Abeille, et les amendements CE142 et CE145 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. le rapporteur. Je vous ferai remarquer, monsieur le président, que beaucoup de ces amendements proposent un financement par les crédits destinés au programme national de rénovation urbaine, le PNRU.

M. le président François Brottes. Ce serait autant de crédits enlevés à leur destination d’origine.

M. Jean-Patrick Gille. C’est donc bien une question de choix politique !

M. le président François Brottes. Je vous ai déjà proposé une solution pour sauver deux de ces amendements. Et le Gouvernement peut toujours reprendre les autres à son compte.

Avant l’article 1er

La Commission examine l’amendement CE96 de M. Francis Vercamer portant article additionnel avant l’article 1er.

M. Arnaud Richard. Le présent amendement vise à reconduire, pour une période de cinq ans, le dispositif des zones franches urbaines. La réduction des inégalités sociales au sein des quartiers défavorisés visés par le présent projet de loi passe en effet par une action forte tendant à permettre l’insertion professionnelle des habitants de ces quartiers. Or, réduire le chômage endémique qui sévit dans ces territoires passe nécessairement par une politique ayant pour objectif de garantir l’attractivité économique et fiscale de ces quartiers. Dans leur grande majorité, les ZFU ont démontré leur efficacité dans ce domaine. Si elles ne peuvent évidemment pas remplacer une stratégie de développement économique portée par les collectivités territoriales, elles sont un outil indispensable au service de celle-ci.

Par ailleurs, monsieur le ministre, je ne comprends pas que la détermination des quartiers concernés puisse faire l’objet d’une concertation alors que le critère unique devrait être intangible.

M. le ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. C’est le précédent gouvernement qui a décidé que le dispositif des zones franches urbaines devait s’arrêter à la fin de l’année 2014. Deuxièmement, ce dispositif doit être évalué, comme toute politique publique. Il mobilise environ quatre cents millions d’euros par an, sans qu’on sache exactement le nombre d’emplois qu’il a permis de créer, hors effets d’aubaine. Une première évaluation a été effectuée par M. Jibrayel et M. Sordi dans leur excellent rapport d’information. En outre le Conseil économique, social et environnemental, auquel j’ai demandé d’évaluer le dispositif, doit me remettre son rapport d’ici au mois de janvier. Sur cette base, je vous propose que nous cherchions ensemble un meilleur dispositif. En effet, contrairement à ce que vous affirmez, toutes les ZFU sont loin d’avoir fait preuve de leur efficacité. Pour ma part, je suis très attentif à la question de la présence du commerce et de l’artisanat dans les quartiers. Par ailleurs, certains secteurs ont largement bénéficié de ce dispositif sans créer le moindre emploi.

M. le rapporteur. Même avis. Un amendement de M. Jibrayel proposera une réflexion pour déterminer quelles mesures fiscales et sociales à mettre en œuvre pour développer l’activité économique dans les quartiers défavorisés.

La Commission rejette cet amendement.

TITRE Ier

DISPOSITIONS DE PROGRAMMATION

Article 1er : Une politique de la ville refondée et mieux évaluée

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CE15 de M. Damien Abad, CE 136 et CE 137 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Marie Tetart. Cet amendement vise à intégrer le développement économique comme moyen de la politique de la ville, car c’est la vie économique qui assure une vie sociale à l’intérieur des quartiers défavorisés.

M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable. Si la référence à la solidarité nationale est essentielle, il faut aussi réaffirmer la solidarité locale, entre communes d’une même agglomération et entre quartiers d’une même commune.

Quant à l’amendement CE137, il vise à substituer le terme de « populaires » à celui de « défavorisés », qui a paru quelque peu stigmatisant à la commission du développement durable.

M. le ministre. Je vous propose de retirer l’amendement CE15 au bénéfice de l’amendement CE103 du rapporteur, qui ajoutera la même précision à un endroit du texte qui me semble plus opportun. On ne peut pas détailler tous les éléments qui doivent composer la politique de cohésion urbaine.

Je suis défavorable à l’amendement CE137. Les termes « populaire » et « défavorisé » ne sont pas équivalents : il y a des quartiers populaires qui ne sont pas défavorisés pour autant.

Je suis favorable à l’amendement CE136.

M. le rapporteur. L’amendement CE15 est effectivement satisfait par des amendements plus généraux que nous examinerons dans la suite. En conséquence, je vous propose son retrait.

Je suis favorable à l’amendement CE136, qui est conforme à l’esprit du texte. Je suis en revanche défavorable à l’amendement CE137, la réforme visant à concentrer les moyens de la politique de la ville en faveur des quartiers en grande difficulté.

M. Arnaud Richard. Il me semble que l’amendement CE136 ne suffira pas à lui seul à faire pression sur les futurs élus communautaires pour qu’ils assument leur responsabilité envers ces quartiers.

L’amendement CE15 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CE136.

L’amendement CE137 est rejeté.

La Commission examine ensuite l’amendement CE63 de Mme Françoise Dumas.

Mme Pascale Boistard. Cet amendement vise à permettre aux habitants des quartiers défavorisés de s’approprier leur territoire et leur cadre de vie, via l’inscription d’une composante patrimoniale dans la politique de la ville, conformément aux conclusions du rapport de Pascal Blanchard « Histoires, patrimoine et mémoires dans les territoires de la politique de la ville ».

M. le ministre. Je connais, madame Boistard, tout le travail que vous menez dans votre circonscription en faveur de la mémoire des quartiers et je partage totalement votre objectif d’une politique systématique en ce domaine. Je vous demande cependant de retirer votre amendement au profit d’un amendement plus complet que le Gouvernement vous proposera.

Cet amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CE88 de M. Francis Vercamer.

M. Arnaud Richard. L’objectif de ce projet de loi est d’inscrire les nouveaux contrats de ville dans une perspective intercommunale, de manière à renforcer l’équité de l’intervention publique dans les territoires concernés, et de garantir l’équilibre du développement des quartiers où se développent des programmes d’action relevant de la politique de la ville. Toutefois, cet objectif ne doit pas masquer le rôle central de la commune comme échelon de mise en œuvre de la politique de la ville sur son propre territoire. Au contraire, le projet de loi doit réaffirmer cette mission de la commune dans le nouveau cadre de la gouvernance de la politique de la ville. C’est l’objet du présent amendement.

M. le ministre. Clarifier les rôles respectifs des EPCI et des communes est également mon objectif. Un amendement du rapporteur à l’article 5 précisera le rôle de l’intercommunalité en matière de coordination et de diagnostic et celui du maire comme opérateur de proximité. Je vous propose en conséquence de retirer le vôtre au profit de celui-ci.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CE183 du Gouvernement.

M. le ministre. Cet amendement vise à renforcer la cohérence de la politique de la ville en assurant l’intégration du dispositif des contrats de ville dans le cadre de la contractualisation entre l’État et les Régions, afin notamment de pouvoir orienter les crédits européens vers les quartiers prioritaires de la politique de la ville. J’ai signé une convention avec l’Association des régions de France, l’ARF, et l’Association des départements de France, l’ADF, qui se sont engagés à ce que 10 % au minimum des crédits du Fonds social européen et du Fonds européen de développement régional, le FEDER, soient consacrés à ces quartiers – actuellement seuls 2 % des crédits FSE et à peine 7 % des crédits FEDER y sont consacrés.

M. le rapporteur. Favorable.

M. le président François Brottes. Je vous propose de supprimer les mots « de plan » afin de ne pas avoir à modifier la loi à chaque fois que les contrats État-Régions changent de nom.

M. Jean-Patrick Gille. Cela s’impose d’autant plus qu’ils s’appellent désormais « contrats de projet ».

M. Michel Liebgott. Je veux souligner que la proposition de consacrer désormais 10 % des crédits d’intervention européens n’a rien d’anodin.

M. Jean-Patrick Gille. La rédaction proposée par le Gouvernement ne me semble pas suffisamment claire : qu’en est-il des thématiques qui ne relèveraient pas des contrats entre l’État et la Région ?

M. le ministre. J’accepte la rectification que vous proposez, monsieur le président.

Le terme d’« articulation » ne signifie pas que les contrats entre l’État et les Régions devront systématiquement intégrer les contrats de ville ni que ces derniers devront être parfaitement conformes aux premiers. Il s’agit simplement d’éviter que l’échelon intercommunal et l’échelon régional mènent deux politiques de la ville sans aucun lien entre elles.

M. le rapporteur. Il s’agit de mettre en œuvre une double logique. L’objectif n’est pas seulement que les contrats de ville soient signés par un maximum de partenaires. Il faut aussi que les contrats qu’ils passent avec d’autres instances comportent systèmatiquement un volet de politique de la ville.

M. le président François Brottes. Dans l’amendement CE183, les mots « de plan » sont supprimés.

La Commission adopte l’amendement CE183 ainsi rectifié.

La Commission est saisie de l’amendement CE92 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il faut lutter contre les fractures sociales et territoriales mais aussi contre les fractures économiques.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement CE16 de M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Le « développement d’activités pérennes contribuant notamment à la création d’emplois » doit être considéré comme un objectif de la politique de la ville.

M. le ministre. Monsieur Abad, je vous suggère de retirer cet amendement au profit d’un autre, plus complet, que le rapporteur doit nous présenter.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CE166 de la commission des finances.

M. le rapporteur pour avis de la commission des finances. En matière d’accès aux droits, de nombreuses études économiques ou sociologiques ont constaté les différences sensibles entre l’égalité formelle et l’égalité réelle, tout particulièrement pour ce qui concerne l’éducation, le logement, l’emploi ou la santé – autant de sujets qui se trouvent au cœur de la politique de la ville. Cette dernière visant précisément à combattre les discriminations qui empêchent l’égalité formelle de devenir réelle, il faut préciser que la loi parle bien d’égalité réelle.

M. le ministre. Avis favorable.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CE138 de la commission du développement durable.

M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable. L’éducation et la culture font partie des objectifs prioritaires de la politique de la ville.

M. le ministre. Avis favorable.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CE101 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’action en faveur de l’amélioration de l’habitat doit être citée dans l’alinéa 4.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite deux amendements identiques CE94 du rapporteur, et CE167 de la commission des finances.

M. le rapporteur. Il faut que la politique de la ville favorise « la réussite éducative et l’accès au soin ». Je propose d’inscrire ces objectifs à l’alinéa 4.

M. le rapporteur pour avis de la commission des finances. L’accès des habitants des quartiers défavorisés à une éducation de qualité ainsi qu’à une offre de soin adaptée doit faire partie des objectifs généraux de la politique de la ville

M. le ministre. Avis favorable.

M. Arnaud Richard. Je crains que nous n’adoptions des dispositions un peu « verbeuses ». Elles ont parfaitement leur place en annexe, comme dans l’annexe 1 de la loi du 1er août 2003, mais pas nécessairement dans le texte même de la loi.

La Commission adopte ces amendements.

Elle en vient à l’amendement CE139 de la commission du développement durable.

M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable. Puisque nous établissons une liste des objectifs prioritaires de la politique de la ville, citons l’accès à l’emploi !

M. le ministre. Avis favorable. Monsieur Richard, je vous concède que les dispositions que nous adoptons peuvent paraître « bavardes », mais le législateur ne doit oublier aucun des domaines de la politique de la ville afin de faciliter le travail des nombreux professionnels et associations qui œuvrent sur le terrain.

M. le président. Le danger, lorsque nous établissons des listes, c’est d’oublier quelque chose !

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CE64 de Mme Françoise Dumas.

M. Yves Blein. L’insertion professionnelle passe nécessairement par la formation.

M. le ministre. Avis favorable.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Puis, suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte l’amendement rédactionnel CE176 du Gouvernement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement CE181 du rapporteur.

M. le rapporteur. Le terme « agglomération » étant utilisé à de nombreuses reprises dans le texte concernant les communautés d’agglomération, nous proposons de le remplacer par les mots « unités urbaines » afin d’éviter toute confusion.

M. le ministre. Avis favorable.

M. Jean-Luc Laurent. Comment l’unité urbaine est-elle définie ?

M. le rapporteur. Il s’agit de l’unité urbaine au sens de l’INSEE.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient à l’amendement CE140 de la commission du développement durable.

M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable. L’accessibilité en transports en commun doit figurer dans la liste de l’alinéa 4. Il faut désenclaver les quartiers défavorisés.

M. le ministre. Avis favorable.

M. Michel Liebgott. C’est un sujet majeur car les sociétés de transport décident parfois de ne plus desservir certains quartiers. Je peux citer l’exemple d’une commune dans laquelle la création d’une zone de sécurité prioritaire (ZSP) a permis au bus de circuler à nouveau partout. Cela dit, c’est une chose d’inscrire cela dans la loi, c’en sera une autre que de mettre ce principe en œuvre !

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CE179 du Gouvernement.

M. le ministre. La mémoire des quartiers et leur patrimoine doivent être reconnus et valorisés. En la matière, un programme spécifique sera ultérieurement mis en place par le Gouvernement en faveur de tous les quartiers prioritaires relevant de la politique de la ville.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement CE103 du rapporteur.

M. le rapporteur. Les « mesures permettant de stimuler le développement économique et la création d’entreprises dans les quartiers prioritaires » sont au cœur de la politique de la ville.

M. le ministre. Avis favorable.

M. Jean-Marie Tetart. Le groupe UMP soutient cet amendement comme les autres. Nous craignons cependant qu’à force de modifier l’alinéa 4, nous finissions par composer la phrase la plus longue du projet de loi. (Sourires.)

M. Arnaud Richard. L’alinéa 4 devient ridicule : on y trouve tout et rien !

M. le rapporteur. Je fais remarquer à nos collègues que nous débattons d’un amendement qui crée un nouvel alinéa après l’alinéa 4.

La Commission adopte l’amendement.

Elle en vient ensuite à l’amendement CE65 de M. Mathieu Hanotin, qui fait l’objet d’un sous-amendement CE175 du rapporteur.

M. le rapporteur. L’amendement que nous venons d’adopter traitant du développement économique, il est inutile d’y revenir dans l’amendement de M. Hanotin. Cette modification apportée, j’y serai favorable.

M. Yves Blein. Nous acceptons le sous-amendement du rapporteur.

M. Jean-Patrick Gille. Que faut-il entendre par « dispositifs spécifiques pour lutter contre le chômage dans les quartiers prioritaires » ?

M. le rapporteur. Un travail sur ce sujet sera effectué d’ici à la fin 2014. Les emplois francs constituent un exemple de ces « dispositifs spécifiques », mais ces derniers relèveront aussi, par exemple, du domaine fiscal ou social. Chaque signature d’un contrat de ville devra en tout état de cause prendre en compte les mesures en faveur du développement économique, de la création d’emplois, de la formation et de l’insertion.

M. le président. Cette disposition permet aussi de faciliter l’expérimentation.

M. le ministre. Le Gouvernement est favorable au sous-amendement et à l’amendement.

Monsieur Gille, sur proposition de votre assemblée, un dispositif spécifique a par exemple permis aux détenteurs d’un diplôme de niveau bac+3 de bénéficier des emplois d’avenir dans les zones urbaines sensibles.

M. Jean-Patrick Gille. En l’espèce, il s’agissait de prendre des dispositions spécifiques pour application d’un dispositif national alors que l’amendement évoque une politique de l’emploi spécifique pour les quartiers prioritaires.

M. le ministre. Je vous le confirme. Une politique très spécifique est déjà mise en œuvre dans les quartiers prioritaires où Pôle emploi affectera quatre cents des deux mille postes créés. J’ai même demandé que les dispositifs ayant fait leur preuve pour rendre les jeunes plus « accessibles à l’emploi » – coaching, appropriation des règles et des codes – soient généralisés.

M. le rapporteur. Jusqu’à présent, Pôle emploi s’opposait à la mise en place de mesures spécifiques dans tel ou tel quartier refusant de distinguer entre les demandeurs d’emploi et de pratiquer une sorte de « discrimination positive ». Grâce à M. le ministre, les choses ont évolué. Il est bon que la loi évoque désormais l’existence de « dispositifs spécifiques ».

La Commission adopte le sous-amendement.

Puis, suivant l’avis favorable du rapporteur, elle adopte l’amendement CE65 sous-amendé.

Elle examine enuite l’amendement CE141 de la commission du développement durable.

M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable. La lutte contre la précarité énergétique doit être rangée parmi les objectifs de la politique de la ville. Il convient de ne pas creuser de nouvelles inégalités.

M. le ministre. Avis favorable. Il faut même corriger les inégalités actuelles liées à la structure de l’habitat dans les quartiers défavorisés.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement CE115 du Gouvernement.

M. le ministre. Dans l’esprit des décisions prises lors du comité interministériel des villes, le 19 février dernier, il serait bon que la loi reconnaisse l’existence de discriminations liées au lieu de résidence. Un amendement de M. Daniel Goldberg viendra compléter cette disposition.

M. Jean-Patrick Gille. Qu’est-ce que « l’origine réelle ou supposée » ?

M. le ministre. Il s’agit d’évoquer l’ensemble des éléments, avérés ou non, qui suscitent les discriminations auxquelles sont confrontés les habitants de ces quartiers : ils peuvent être d’ordre culturel, ethnique…

M. Daniel Goldberg. Cette formulation issue du code pénal permet de fonder la lutte contre les discriminations.

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l’amendement.

Elle examine l’amendement CE79 du rapporteur.

M. le rapporteur. Il s’agit de poser le principe d’une co-construction de la politique de la ville avec les habitants, les associations et les acteurs économiques, en s’appuyant notamment sur les conseils de citoyens. Un cadre global est proposé ; il appartiendra ensuite au contrat de déterminer les conditions locales de mise en œuvre.

Cet amendement réécrivant l’alinéa 8, je proposerai ultérieurement la suppression de ce dernier, ce qui ferait tomber un certain nombre d’amendements. Quoi qu’il en soit je propose que nous continuions à travailler ensemble sur ce sujet d’ici à la séance, et même au-delà.

M. le ministre. Le terme de co-construction, issu du rapport présenté par M. Mohamed Mechmache et Mme Marie-Hélène Bacqué, est particulièrement bien choisi. Lorsque la co-construction a lieu, nous constatons que les projets évoluent positivement. Elle est indispensable pour que la rénovation urbaine se fasse sans traumatisme, et qu’elle bénéficie aux citoyens au-delà même du quartier concerné.

Mme Pascale Boistard. L’imprécision de la définition de la citoyenneté ne devrait-elle pas nous pousser à préférer les termes « conseils des habitants » à ceux de « conseil des citoyens ».

M. Jean-Patrick Gille. Mme Boistard a raison : les étrangers résidant en France ne sont pas citoyens alors qu’il serait judicieux qu’ils participent à ces conseils. Cet amendement constitue un réel progrès. La co-construction va encore plus loin que la concertation ou l’approche participative.

M. Arnaud Richard. Si nous introduisons la « co-construction » dans la loi, il faut en donner une définition juridique, à moins que nous ne laissions cette tâche au juge administratif qui sera saisi par les habitants d’un quartier pour défaut de « co-construction » d’un projet. Nous allons susciter un contentieux administratif considérable.

Nous sommes tous favorables à une concertation poussée avec les habitants mais il faut veiller à ne pas aller trop loin, et à ne pas utiliser des termes sans fondement juridique.

M. le rapporteur. Les modalités de la co-construction « seront définies dans les contrats de ville ». L’association des acteurs leur permettra de prendre ensemble des co-décisions. Nous souhaitons que le maire ne puisse plus décider seul de raser la moitié d’un quartier sans rien avoir demandé aux habitants.

Pour avoir travaillé au sein du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée sur l’aide aux quartiers défavorisés, je puis vous dire que tous les pays qui nous entourent sont frappés par le manque d’association des habitants aux décisions prises.

Monsieur Richard, l’évolution proposée comporte sans doute des risques juridiques – il nous faudra continuer à travailler sur la question –, mais le jeu en vaut la chandelle. Si les élus sont légitimes pour décider in fine, ils ne peuvent plus construire les projets seuls sans être à l’écoute du vécu, de l’histoire, du ressenti et des vœux des habitants.

Madame Boistard, l’amendement fait référence aux conseils de citoyens qui sont créés par un amendement du Gouvernement après l’article 5, s’inspirant des tables de quartiers préconisées dans le rapport de Mme Bacqué et de M. Mechmache. Je laisse donc le soin au ministre de répondre sur ce point.

Par ailleurs, vous posez des questions légitimes sur la citoyenneté.

M. le ministre. Monsieur Richard, le risque juridique n’est pas moindre avec la notion de concertation. Un citoyen peut toujours intenter une action s’il estime que celle-ci a été insuffisante. Pour définir la co-construction, je n’irai pas comme le rapporteur jusqu’à parler de co-décision mais d’une dynamique permettant à chacun d’avoir sa place.

Le choix terminologique entre conseil de citoyens et conseil d’habitants relève davantage de la philosophie. Je ne pense pas que la citoyenneté procède uniquement de la nationalité. Peut-on considérer qu’un étranger qui paie ses impôts locaux n’est pas un citoyen de notre pays ? Je comprends que le débat ait lieu. Mais le terme de citoyen revêt une connotation différente pour les habitants dans les quartiers populaires – son utilisation dans le rapport de Mme Bacqué et de M. Mechmache en témoigne.

M. Jean-Patrick Gille. Je partage votre conception philosophique de la citoyenneté mais le code en donne pour le moment une définition différente.

Il me semble que le rapporteur s’est un peu laissé emporter en parlant d’une co-décision qui serait encore une étape supplémentaire. Le ministre l’a cependant démenti.

La co-construction consiste selon moi à donner aux conseils de citoyens un droit d’initiative et de proposition quand la concertation se résume parfois à une consultation très limitée des citoyens sur le projet présenté. Il me paraît difficile d’aller jusqu’à la co-décision. En revanche, le contrat de ville pourra préciser sur quel type de projets l’avis du conseil de citoyens est requis.

M. Henri Jibrayel. Je suis plutôt favorable à la co-construction et aux conseils de citoyens.

Dans les quartiers, l’absence d’association des citoyens aux opérations de réhabilitation nourrit la contestation. À Marseille – j’en ai eu la preuve après la visite du Premier ministre – les habitants sont prêts à saisir l’occasion qui leur est offerte de participer à la réhabilitation de ce qui est depuis toujours leur lieu de vie, de ces cités abandonnées par certains bailleurs dont ils sont les gardiens du temple.

La co-construction constitue une révolution qu’il faut bien sûr encadrer juridiquement. Les problèmes rencontrés dans certains quartiers de Marseille viennent de ce que les citoyens ont été écartés. Je préfère le terme de citoyen à celui d’habitant car il renvoie à l’essence de la République. Plus les citoyens sont placés au centre du débat, moins les projets subissent l’échec. Dans la modernisation de la politique de la ville que vous souhaitez conduire, il est indispensable d’associer les citoyens.

M. Christophe Borgel. Avec la co-construction, nous sommes au cœur de la mission de la politique de la ville : il s’agit de retrouver un vivre ensemble qui a été perdu dans certains quartiers sous l’effet des problèmes de sécurité mais aussi de l’abandon – abandon de l’espoir d’une vie sociale mais aussi d’être entendu par les hommes politiques.

La co-construction doit permettre d’aller au-delà de la nécessaire concertation, désormais bien établie dans la politique locale, qui se résume souvent à la présentation d’un projet.

La définition des modalités de la co-construction par le contrat de ville constitue un garde-fou juridique en même temps qu’il donne aux élus la responsabilité d’encadrer le processus. En outre, quel que soit le terme retenu, le risque de contentieux existe.

La loi doit affirmer notre volonté de dépasser l’information-consultation que nous connaissons tous, en ayant à l’esprit que la co-construction sera un processus long et compliqué.

M. Jean-Marie Tetart. Je suis réservé sur l’emploi du terme citoyen qui risque de relancer des débats locaux. Je suis favorable à la co-construction dès lors qu’elle est définie dans le contrat de ville. En revanche, il me semble que la co-décision est une procédure trop complexe.

M. Jean-Luc Laurent. La question posée par la co-construction est la suivante : qui décide afin que l’intérêt général soit pris en compte ? Ce sont les élus et les parties prenantes du contrat de ville après une phase de concertation évidemment.

À ma connaissance, mais j’interroge le ministre, pour les opérations de renouvellement urbain, il existe un dispositif prévu par une circulaire qui permet de constater l’existence d’une majorité d’opposants au projet en consultant les habitants. Je connais des élus qui y ont recours pour donner tout son sens à la concertation.

Le périmètre de la co-construction mériterait d’être précisé : outre les habitants directement concernés par le projet, ne serait-il pas opportun d’y inclure les habitants du quartier voire de la ville ?

Pour moi, il ne fait pas de doute que la citoyenneté est liée à la nationalité. La loi reconnaît la citoyenneté française mais aussi la citoyenneté européenne et la citoyenneté non européenne, qui confèrent des statuts de résident différents. Les conseils de citoyens concernent nécessairement les seuls citoyens français. Il faut donc les élargir à d’autres catégories en parlant de conseils des habitants afin de ne pas introduire une inégalité.

M. Michel Liebgott. La co-construction est incontestablement une question compliquée. J’en comprends l’esprit mais il ne faut pas négliger les considérations juridiques. À cet égard, j’aurais souhaité que le texte mentionne la co-construction « de projet » car la décision appartient aux élus.

Je suis d’accord avec ce qui vient d’être dit au sujet des citoyens. Certains ont d’ailleurs parlé, par un lapsus, de conseils de quartiers qui eux réunissent les habitants.

La rédaction actuelle, qui me paraît très contraignante, pourrait favoriser les contentieux juridiques mais aussi locaux entre décideurs et habitants. Je plaide pour la prudence.

M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable. La distinction entre habitants et citoyens fait écho à celle entre quartiers défavorisés et quartiers populaires. Tout dépend de la définition que vous donnez de ces termes.

Nous ne pouvons plus aujourd’hui faire fi de l’expertise d’usage des citoyens qui sont concernés au premier chef par les projets, depuis le diagnostic jusqu’au suivi de leur mise en œuvre.

La co-construction ne peut pas donner lieu à de la co-décision – la langue du rapporteur a certainement fourché. Nous sommes encore dans une démocratie représentative dans laquelle les élus décident en dernier ressort. Le projet de loi, auquel il est reproché d’être trop technique, s’avère très politique. Je m’étonne que certains aient peur d’une association excessive des citoyens.

M. Arnaud Richard. Je partage l’avis exprimé par M. Laurent à moins que le Gouvernement explique ce qu’il entend par conseil de citoyens. Je suis pour ma part attaché à ce que ce conseil rassemble tous les habitants, ce qui ne peut être le cas en faisant référence aux citoyens. Vous devez être plus précis, monsieur le ministre, dans la définition de la citoyenneté.

M. le président François Brottes.  Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, je vous cède la parole pour répondre aux deux questions qui sont posées : la co-construction est-elle contraignante ? Les habitants sont-ils tous des citoyens ?

M. le rapporteur. Au risque d’effrayer certains de mes collègues, ma langue n’a pas fourché lorsque j’ai évoqué la co-décision.

Par le passé, j’ai pris des co-décisions dans le cadre des conventions ANRU : les habitants ont voté contre le projet de destruction d’immeuble présenté par les urbanistes qui n’était motivé par aucune exigence technique ou de désenclavement.

Les contours de la co-construction seront déterminés localement dans le contrat de ville. Si la volonté des élus et des habitants est de co-décider, si les élus acceptent de se dessaisir d’une partie de leur pouvoir, laissons-leur cette liberté. Ne nous interdisons rien ! Laissons les territoires choisir et préservons la liberté d’initiative. L’amendement ne mentionne que la co-construction. Il appartiendra ensuite à chacun d’en donner sa définition.

Contrairement à ce que l’on peut penser, aucun texte ne prévoit de consultation dans le cadre du programme national de rénovation urbaine. Les bailleurs doivent consulter les locataires en cas de réhabilitation mais ils n’en ont pas l’obligation en cas de destruction d’un immeuble. Le code de l’urbanisme impose une concertation pour la création d’une ZAC ou d’une nouvelle voie. Il ne le fait pas quand il s’agit de raser la moitié d’un quartier. Je vous proposerai des amendements pour remédier à ces anomalies de notre législation.

Les conseils de quartiers sont déjà prévus par la loi pour les villes de plus de 80 000 habitants. S’agissant des conseils d’habitants, les acteurs économiques qui doivent participer à la co-construction ne sont pas nécessairement habitants du quartier. Pour sortir de ce débat, je vous propose, en accord avec le ministre, de rectifier l’amendement afin de retenir l’expression de « conseils citoyens ». Nous devons faire passer le message aux habitants de ces quartiers qui n’ont pas la nationalité française que nous les considérons comme des citoyens à part entière même s’ils ne le sont pas pour l’heure du point de vue juridique.

M. le ministre. Nous pourrions débattre longuement de la définition juridique, philosophique et politique de la citoyenneté.

Dans mes discours, je parle toujours sciemment de citoyens des quartiers populaires, à l’intention des citoyens d’autres quartiers qui portent sur eux une appréciation négative. En utilisant ces termes, j’entends montrer aux habitants desdits quartiers qu’ils sont des citoyens à part entière, quelle que soit leur nationalité.

La création de ces conseils participe de la réintégration dans la communauté nationale et locale de l’ensemble des habitants des quartiers populaires. Si la formulation retenue par le rapporteur le reconnaît, j’y suis favorable.

La co-construction est un sujet politique sur lequel le législateur doit se prononcer. On ne peut pas d’un côté se plaindre de l’abstention et de l’autre ignorer le besoin des citoyens d’être associés à la politique locale. Je ne mets pas nécessairement en cause les élus en disant cela. Dans la rénovation de certains quartiers, les techniciens décident, cédant à la facilité technique ou intellectuelle, de ne soumettre à la concertation qu’un seul projet de désenclavement d’une cité alors que des alternatives existent.

Nous devons changer complètement de méthode. La politique de la ville, ce sont des mesures et des dispositifs. Mais c’est aussi la capacité à mettre en mouvement tous les acteurs – élus, citoyens, techniciens, bénévoles et professionnels.

Le terme de co-construction me semble parfaitement adapté : à chaque étape du projet qui fonde un destin commun, les citoyens sont consultés et associés.

La Commission adopte l’amendement CE79 ainsi rectifié.

La Commission est saisie de l’amendement CE182 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement affirme l’indépendance de l’observatoire national de la politique de la ville.

M. le ministre. Avis favorable.

M. Arnaud Richard. Vous ne pouvez pas mettre à mal une instance indépendante au sein de l’ANRU qui a, par le passé, établi des rapports, parfois sans concession pour tous les gouvernements. En installant le comité d’évaluation et de suivi (CES) auprès de l’ANRU, Jean-Louis Borloo souhaitait disposer d’une critique indépendante sur la politique de rénovation urbaine. En fusionnant le CES et l’observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS), vous choisissez de faire d’une évaluation indépendante une évaluation administrative, qui sera certes moins critique mais est-ce vraiment une bonne chose ? Je ne le crois pas.

M. le rapporteur. Des craintes se sont exprimées sur l’indépendance du futur observatoire. Cet amendement a pour but de les apaiser.

Les dispositions relatives à l’observatoire reprennent les termes employés pour le CES. Son indépendance est donc garantie. Peut-on de surcroît considérer que l’ONZUS était véritablement indépendant ? Il lui a été reproché d’édulcorer ses observations.

Avec cet observatoire, nous créons un outil encore plus indépendant que les précédents.

M. Jean-Marie Tetart. Vous dites que l’indépendance se construit quand les textes le permettent. Est-ce à dire qu’il existe des textes dans lesquels il est fait état de la dépendance d’un organisme ?

M. le ministre. La pratique démontrera l’indépendance de l’observatoire. Quant au CES, chacun sait que la garantie de l’indépendance réside davantage dans l’autonomie des moyens de fonctionnement que dans la liberté de parole. Or cet organisme était financé par l’ANRU.

La précision du rapporteur a pour objet de rassurer ceux qui auraient besoin de l’être.

En tant que ministre de la ville, j’ai besoin d’une évaluation totalement indépendante. À la demande du conseil national des villes, je souhaite que cette instance soit dotée de tous les moyens nécessaires à une évaluation indépendante.

Cette affirmation sera donc une garantie pour ceux qui redoutent une perte d’indépendance du nouvel observatoire : le comité d’évaluation et de suivi de l’ANRU ne disparaît pas parce qu’il était indépendant, mais parce que nous avons besoin d’un outil d’observation et d’évaluation plus efficace.

M. le rapporteur. Je propose de rectifier l’amendement en remplaçant « en toute indépendance » par « de manière indépendante ».

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Puis elle examine l’amendement CE80 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement précise que l’Observatoire national de la politique de la ville doit apprécier la mise en œuvre des politiques en faveur des quartiers prioritaires au regard des objectifs fixés.

M. le ministre. Il me semble satisfait, mais je m’en remets à la sagesse de la Commission.

M. Arnaud Richard. N’avons-nous pas été trop loin dans les ajouts aux alinéas 4, 5 et suivants ? Il faudra s’assurer que cela ne nuit pas à la cohérence du texte d’ici à la discussion en séance publique.

M. le président François Brottes. L’usage de l’adverbe « notamment » est en effet à éviter, mais j’ai trop d’affection pour le rapporteur pour lui demander de retirer l’amendement (sourires).

M. Jean-Patrick Gille. Le texte de l’alinéa 6 commence déjà par les mots « Pour mesurer l’atteinte des objectifs de la politique de la ville ». L’amendement est donc un peu redondant.

M. le rapporteur. Je le retire. Nous y retravaillerons d’ici à la discussion en séance publique.

L’amendement est retiré.

La Commission est saisie de l’amendement CE84 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement propose que l’Observatoire national élabore une méthodologie nationale, qui puisse être reprise par les structures locales d’évaluation. Il s’agit d’appuyer les acteurs locaux. L’ONZUS s’est en effet vu reprocher une vision trop « nationale » et une insuffisance des relations avec le terrain.

M. le ministre. Avis très favorable.

M. Arnaud Richard. Pourquoi ne pas mettre ces observatoires locaux à la disposition des conseils citoyens ?

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle en vient à l’amendement CE66 de Mme Catherine Coutelle.

M. Yves Blein. Cet amendement vise à intégrer aux compétences de l’Observatoire national de la politique de la ville l’analyse spécifique des inégalités entre les femmes et les hommes, souvent criantes dans les quartiers concernés, et à permettre à l’ensemble des données et statistiques qu’il produit d’être sexuées.

M. le ministre. Je comprends la volonté qui inspire cet amendement. Elle rejoint celle du Gouvernement, comme en témoigne la convention que j’ai signée avec la ministre des droits des femmes, Mme Vallaud-Belkacem, pour réduire les inégalités entre les hommes et les femmes dans les quartiers populaires. L’égalité entre les hommes et les femmes sera aussi l’un des trois objectifs nationaux que je fixerai pour l’élaboration des contrats de ville. Je suis donc favorable à cet amendement, bien que je n’aime guère l’adjectif « sexuées ».

M. le rapporteur. Avis favorable. Le terme « sexuées » pourrait éventuellement être remplacé par celui de « genrées ». Nous en reparlerons d’ici à la séance publique.

M. Arnaud Richard. Il est évident qu’un observatoire qui a la charge d’analyser les politiques publiques prendra cette approche en compte. Dès lors, il ne semble pas indispensable de le préciser.

M. le ministre. Je ne suis pas certain que le comité d’évaluation et de suivi de l’ANRU ait abordé les questions de l’accueil de la petite enfance, des conditions du travail des femmes ou de l’habitat des familles monoparentales – qui ont souvent une femme à leur tête – à l’intérieur des quartiers. Il s’agit pourtant d’un organisme d’évaluation pleinement indépendant. Il me semble donc bienvenu d’apporter cette précision.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement CE81 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement précise que le rapport annuel sur l’évolution des quartiers prioritaires de la politique de la ville est remis non seulement au Gouvernement, mais aussi au Parlement.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CE165 du rapporteur, CE143 de la commission du développement durable, CE70 de M. Christophe Borgel et CE168 de la commission des finances.

M. le rapporteur. L’amendement CE165 vise à supprimer l’alinéa 8, dont les dispositions ont été insérées après l’alinéa 5 suite à l’adoption de l’amendement CE79.

M. le ministre. Avis favorable.

La Commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CE143, CE70 et CE168 tombent.

La Commission est saisie de l’amendement CE144 de la commission du développement durable.

M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable. Cet amendement vise à associer les associations siégeant à la Commission nationale de concertation aux instances locales d’élaboration, de mise en œuvre et d’évaluation des actions réalisées en faveur des quartiers prioritaires.

M. le ministre. Je vous invite à retirer cet amendement, qui sera satisfait par celui que je défendrai au nom du Gouvernement sur les conseils citoyens.

L’amendement est retiré.

La Commission adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er  

La Commission est saisie de l’amendement CE73 de M. Daniel Goldberg portant article additionnel après l’article 1er.

M. Daniel Goldberg. Cet amendement vise à faire reconnaître le lieu de résidence comme un facteur potentiel de discrimination. C’est donc une décision importante que nous nous apprêtons à prendre.

Cette question est présente dans le débat public depuis de nombreuses années. Je précise qu’il s’agirait d’une démarche individuelle, et non collective, permettant à une personne qui n’aurait pas été convoquée pour un entretien d’embauche ou recrutée, ou bien qui n’aurait pas accès à un certain nombre de services, d’invoquer ce motif. Nous connaissons tous des citoyens qui ont été confrontés à cette situation en raison de leur quartier, de leur ville ou de leur département de résidence, voire de la ligne de transports en commun qu’ils empruntaient.

Certes, ce que nous inscrivons dans la loi ne se traduit pas toujours dans les pratiques. Mais la reconnaissance de ce vingtième critère de discrimination est importante, y compris pour faire réfléchir les décideurs, mettre en place des dispositifs contraignants pour éviter ce type de discriminations et assurer l’accès à des services comme les services postaux ou les taxis, par exemple.

L’amendement élargit donc au lieu de résidence les cas de discrimination visés par l’article 225-1 du code pénal, l’article L.1132-1 du code du travail et la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation du droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

M. le ministre. J’ai souvent eu l’occasion de débattre de cette question avec M. Goldberg. Comme je l’ai dit tout à l’heure, je me félicite que le Parlement reconnaisse ce vingtième critère légal de discrimination. C’était d’ailleurs une recommandation que la HALDE avait formulée dès 2011, et l’une des décisions du conseil interministériel des villes de février 2013.

M. le rapporteur. Je suis très favorable à cet amendement, qui est l’aboutissement d’un long combat.

La Commission adopte l’amendement à l’unanimité.

Article 2 : L’achèvement du programme national de rénovation urbaine et le lancement du nouveau programme national de renouvellement urbain

La Commission adopte l’amendement rédactionnel CE132 du rapporteur.

Puis elle examine l’amendement CE89 du rapporteur.

M. le rapporteur. Cet amendement vise à articuler les actions conduites par l’ANRU dans le cadre du nouveau PNRU avec celles menées par d’autres acteurs sur l’habitat privé, notamment en matière de prévention de la dégradation des copropriétés.

M. le ministre. Avis favorable. Nous avons constaté lors de la mise en œuvre du PNRU I que l’ANRU n’avait pas la possibilité de traiter directement les copropriétés dégradées situées à l’intérieur ou en bordure des opérations de rénovation urbaine. L’amendement précise les missions de l’ANRU et son obligation de travailler sur l’habitat privé avec d’autres acteurs, au premier rang desquels l’ANAH. Il y aura donc un modèle à trouver dans les villes où l’habitat est très ancien, où se côtoient des copropriétés relevant de la rénovation urbaine et d’autres relevant de l’ANAH.

M. le président François Brottes. J’observe une fois encore – et c’est valable pour un certain nombre d’amendements – que l’usage de l’adverbe « notamment » n’est pas de bonne méthode lorsqu’on légifère. Mieux vaudrait rectifier le texte de l’amendement pour le supprimer.

M. Michel Liebgott. Nous sommes souvent confrontés à ce type de situations dans les régions minières, sidérurgiques ou industrielles. Nous assistons à une dégradation de l’habitat privé dans les anciens centres villes, gagnés par la paupérisation. Or ces derniers ne peuvent le plus souvent faire l’objet d’un traitement, car ils ne relèvent pas du logement social.

M. Arnaud Richard. Il est toujours difficile d’intervenir dans les copropriétés privées dégradées. Pour autant, il ne faudrait pas que le nouveau PNRU empiète sur les actions de l’ANAH. Il semble donc indispensable qu’une convention entre l’ANAH et l’ANRU vienne préciser leurs modalités d’intervention respectives.

M. le ministre. Je partage votre sentiment. L’amendement parle bien « d’articuler » les actions des deux organismes, et les deux dispositifs fonctionnent de concert dans certains quartiers où nous nous trouvons à la fois confrontés à la nécessité de la rénovation urbaine et en présence de copropriétés dégradées. C’est d’autant plus important de le dire que d’aucuns avaient suggéré une fusion des deux organismes.

M. le président François Brottes. Je m’aperçois qu’enlever l’adverbe « notamment » du texte présente un inconvénient : l’articulation du PNRU et des actions menées par d’autres acteurs sur l’habitat privé ne concernerait plus que la prévention de la dégradation des copropriétés. Je suggère donc de ne conserver que le début de la phrase. La phrase à insérer après la première phrase de l’alinéa 12 serait donc la suivante : « Il s’articule avec les actions menées par d’autres acteurs sur l’habitat privé. »

M. le ministre. Lorsqu’on fait référence à la prévention de la dégradation des copropriétés, on pense spontanément à l’ANAH. Êtes-vous sûrs que le texte rectifié soit assez précis ?

La Commission adopte l’amendement ainsi rectifié.

Puis elle examine l’amendement CE74 de M. Jean-Philippe Mallé.

M. Jean-Philippe Mallé. À l’heure de la transition écologique et énergétique, il nous semble important que le PNRU contribue au développement durable des quartiers, notamment en matière de performance énergétique. Mais je suis prêt à enlever l’adverbe « notamment » du texte, monsieur le président.

M. le président François Brottes. Cela signifierait que le programme contribue au développement durable seulement en matière de performance énergétique. Enlever le « notamment » nous oblige à être très exhaustifs. Mais la loi n’est pas un poème : elle doit être claire.

M. Jean-Philippe Mallé. Je vous propose donc le texte suivant : « Ce programme contribue au développement durable des quartiers et à leur performance énergétique. »

M. le président François Brottes. J’ose espérer que le développement durable inclut la performance énergétique. Par ailleurs, j’observe qu’ainsi rédigé, l’amendement n’a plus de portée normative.

M. Arnaud Richard. Dans la mesure où la facture énergétique des habitants de ces quartiers est un vrai sujet, il ne me semble pas inutile d’inclure cette dimension dans le PNRU.

M. le président François Brottes. Je suggère pour ma part le texte suivant : « Ce programme contribue au développement durable des quartiers et à la performance énergétique de leurs habitats. »

M. Jean-Philippe Mallé. Ou alors : « Ce programme contribue au développement durable et à la performance énergétique des quartiers. »

M. le président François Brottes. Je reconnais que le terme d’habitats est restrictif.

M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable. Je défendrai tout à l’heure l’amendement CE149, qui prévoit que l’ANRU adopte une charte nationale de l’habitat durable. S’il est adopté, cela permettra d’étendre les pratiques dont il est question à l’ensemble des opérations de renouvellement urbain.

M. le rapporteur. La problématique du développement durable sera prise en compte dans la charte. En revanche, il est indispensable de préciser que l’ANRU doit se préoccuper de la performance énergétique.

M. François Brottes. Je vous propose de lever la séance et de reprendre ce débat cet après-midi.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du jeudi 14 novembre 2013 à 9 h 30

Présents. – M. Damien Abad, M. Frédéric Barbier, M. Yves Blein, Mme Pascale Boistard, Mme Michèle Bonneton, M. Christophe Borgel, Mme Kheira Bouziane, M. François Brottes, M. André Chassaigne, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Daniel Goldberg, M. Marc Goua, M. Henri Jibrayel, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Lepetit, M. Michel Liebgott, M. Jean-Philippe Mallé, Mme Frédérique Massat, M. Hervé Pellois, M. François Pupponi, M. Arnaud Richard, M. Lionel Tardy, M. Jean-Marie Tetart

Excusés. – M. Dino Cinieri, M. Franck Gilard, M. Joël Giraud, Mme Anne Grommerch, M. Razzy Hammadi, Mme Laure de La Raudière, M. Thierry Lazaro, Mme Annick Le Loch, M. Jean-Claude Mathis, M. Bernard Reynès, Mme Béatrice Santais

Assistaient également à la réunion. – M. Dominique Baert, M. Philippe Bies, M. Jean-Patrick Gille