Accueil > Travaux en commission > Commission des affaires économiques > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires économiques

Mardi 15 avril 2014

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 68

Présidence de M. François Brottes Président
puis de
M. Hervé Pellois Secrétaire

– Examen de la proposition de loi facilitant le déploiement d’un réseau d’infrastructures de recharge de véhicules électriques sur l’espace public (n° 1820) (Mme Frédérique Massat, rapporteure).

– Examen du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l’économie sociale et solidaire (n° 1536) (M. Yves Blein, rapporteur)

La commission a examiné la proposition de loi facilitant le déploiement d’un réseau d’infrastructures de recharge de véhicules électriques sur l’espace public (n° 1820) sur le rapport de Mme Frédérique Massat.

M. le président François Brottes. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre présence. Vous nous aviez indiqué dès la semaine dernière, en préambule de votre audition par la commission des affaires économiques et la commission des finances sur la vente de SFR, que vous souteniez cette proposition de loi et en assumeriez l’impact sur les finances publiques, ce qui était essentiel.

Je suis de ceux qui pensent qu’en France, l’avenir est à l’électricité plus qu’au pétrole, et que nous assisterons à des transferts d’usage en matière de circulation. Ceux-ci passent par le véhicule électrique. Or, sans bornes de recharge, l’usage du véhicule électrique sera limité. Ne serait-ce que pour rassurer les utilisateurs qui craignent de ne pas avoir assez d’autonomie, il importe d’assurer une présence suffisante des bornes sur le territoire national. Cette préoccupation est au cœur de la proposition de loi.

J’informe Mme Dubié que son amendement CE2 a été déclaré irrecevable par la commission des finances.

Afin d’en venir assez rapidement à la discussion des amendements, je vous propose de restreindre les interventions à un orateur par groupe.

Mme Frédérique Massat, rapporteure. Je remercie à mon tour M. le ministre de sa présence, qui témoigne de l’ambition partagée du Parlement et du Gouvernement de faire avancer le dossier du véhicule électrique. Cela suppose le déploiement d’un réseau essentiel d’infrastructures de recharge des véhicules électriques. Tel est l’objet de la proposition de loi que j’ai déposée avec un certain nombre de mes collègues.

Le développement du véhicule électrique est un enjeu environnemental, face aux émissions de CO2, mais aussi un enjeu industriel, tant pour la filière des véhicules électriques que pour le réseau des bornes de recharge électrique. Il est aussi une réponse au projet de directive européenne en cours de discussion, qui imposera aux États membres un certain nombre d’objectifs quant au maillage du territoire en infrastructures de recharge.

D’abord un enjeu industriel. La filière française du véhicule électrique est relativement performante ; encore faut-il l’épauler si nous voulons assurer son développement sur notre territoire. Le maillage que nous proposons ici permettra à l’État d’avoir une action décisive aux côtés des collectivités territoriales et de l’initiative privée.

Les premiers concernés sont les constructeurs automobiles français, puisqu’ils captent 80 % des parts de marché du véhicule électrique pour les particuliers, contre 53 % pour l’ensemble des véhicules particuliers. Sont également concernés de nombreux équipementiers électriques, pourvoyeurs d'emplois locaux.

Ensuite un enjeu écologique, car le développement du véhicule électrique contribuera de façon décisive à la diminution de la pollution de l'air et des émissions de gaz à effet de serre. Les récents pics de pollution nous ont montré à quel point il était vital de s’en préoccuper. Le développement du véhicule électrique contribuera aussi à améliorer le bilan carbone français. Un véhicule électrique roulant en France émet en moyenne 12 g de C02 par kilomètre parcouru, contre 117 g pour le parc français actuel.

C’est enfin un enjeu énergétique. La voiture électrique est une condition nécessaire à la réussite de la transition énergétique sur laquelle nous nous pencherons d’ici peu. Le Président de la République a fixé un objectif prioritaire : réduire la dépendance française aux énergies fossiles. Cela passe par des initiatives fortes dans le secteur des transports, qui représente 32 % de la consommation finale d'énergie, mais 70 % de celle de pétrole. Les véhicules électriques constituent pour certains le chaînon manquant des smart grids que nous avons évoqués à plusieurs reprises dans cette commission.

L'insuffisance du réseau national de bornes de recharge constitue cependant un frein majeur au développement de la voiture électrique. De fait, le véhicule électrique connaît un démarrage moins dynamique qu’escompté. Le nombre d'immatriculations de véhicules 100 % électriques s'élevait à 25 000 à la fin de l'année 2013, ce qui a conduit ERDF à réviser à la baisse son scénario de pénétration – de 1,9 million de voitures électriques à l'horizon 2020 à un nombre compris entre 450 000 et 800 000.

L’année 2013 a toutefois été marquée par une forte croissance : 14 000 véhicules ont été immatriculés pour cette seule année, et on compte désormais 17 modèles de véhicules 100 % électriques et 11 modèles de véhicules hybrides rechargeables. Nous sommes dans une phase d'accélération que la puissance publique se doit d'accompagner.

L'une des deux raisons majeures de ce « retard à l'allumage » est le prix. L'achat d'un véhicule électrique n’est rentable, selon Renault, que si l’on parcourt plus de 10 000 kilomètres par an. Cela s'explique par le coût de la batterie, qui est de 8 000 à 10 000 euros. En revanche, le coût de fonctionnement ne dépasse pas 2 euros pour 100 kilomètres parcourus.

Plusieurs phénomènes devraient contribuer à réduire ce prix d'achat dans les prochaines années. Tout d’abord, le coût des batteries diminuera avec l'effet de série. Ensuite, les clients cibles sont nombreux : les Français résidant en zone rurale ou péri-urbaine, qui effectuent de nombreux trajets pendulaires, les flottes d'entreprises ou encore l'auto-partage. Enfin, les constructeurs proposent des formules innovantes de location de la batterie, si bien qu'en incluant la bonification de l’État, le prix des véhicules électriques proposés par Renault est équivalent à celui des véhicules thermiques de gamme comparable.

L'État a apporté une contribution importante par l'intermédiaire du bonus-malus, créé en 2007. Lors des auditions, un certain nombre de constructeurs ont d’ailleurs regretté la modification du décret s’agissant de la location-vente avec option d’achat, qui semble avoir une incidence sur la clientèle. Je me permets donc de vous alerter à ce sujet, même si cela a un coût pour l’État.

Mais il existe un autre frein que le prix : le manque d'infrastructures de recharge. Certes, en Europe, 87 % des trajets sont inférieurs à 60 kilomètres, alors que l'autonomie des véhicules électriques est de 120 kilomètres réels. Mais il y a le facteur psychologique.

M. le président François Brottes. Cela dépend aussi du sens du vent et de la pente…

Mme la rapporteure. En descente, le véhicule peut se recharger. Il est donc très adapté à nos montagnes, monsieur le président. C’est dire combien le maillage sera déterminant dans les zones rurales et de montagne. Pour de multiples raisons, les opérateurs publics ne se sont pas toujours saisis de la possibilité d’être eux-mêmes maîtres d’ouvrage pour l’implantation de bornes. L’intervention de l’État prend ici tout son sens. Pour être le plus complet possible, le maillage doit prendre en compte ces territoires, ainsi que les villes de 50 000 habitants ou moins, dépourvues de transports publics. Il s’agit ici de combler une fracture en matière d’aménagement du territoire.

Le texte répond donc à un réel besoin : celui d’accélérer le déploiement des infrastructures de recharge et de combler les « trous » laissés par les initiatives déjà prises par les collectivités territoriales et les acteurs privés.

Permettez-moi d’abord de lever une ambiguïté. Il va de soi que les initiatives des collectivités territoriales seront toujours les bienvenues, et continueront à être secondées par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Selon ERDF, le nombre de bornes installées par les collectivités devrait atteindre 14 000 en 2015 ; des territoires qui n’étaient pas du tout couverts jusqu’à présent le seront demain. Néanmoins, il subsiste d’énormes « trous » sur la carte de France, et la possibilité de se déplacer partout sur le territoire avec un véhicule électrique n’est pas garantie. C’est pourquoi un opérateur national est nécessaire.

Dans le cadre des Investissements d’avenir, l'État a confié à l'ADEME le rôle d'opérateur du programme « véhicule du futur ». Un budget de 50 millions d'euros est alloué aux infrastructures de recharge de véhicules électriques ; la subvention couvre le coût d'investissement, à hauteur de 50 % pour l'implantation de bornes de recharge normale ou accélérée et de 30 % pour les bornes de recharge rapide. Les chiffres communiqués par ERDF font état de nombreux projets de déploiement de bornes de recharge par les collectivités territoriales, ce dont nous nous félicitons.

Ces initiatives sont complétées par les projets des acteurs privés. L'article L. 111-5-2 du code de la construction et de l’habitation, introduit par la loi Grenelle 2, prévoit l'obligation d'intégrer des prises de recharge dans les parkings des nouveaux immeubles de bureaux et d'habitation. À compter de 2015, la création de prises sera également rendue obligatoire dans les parkings des immeubles de bureaux déjà existants et les copropriétés.

On compte au total 25 000 bornes de recharge installées par des acteurs privés : 8 000 par des particuliers, 12 000 destinées aux flottes d'entreprise, 1 000 dans les centres commerciaux et 4 000 dans les parkings. À ce jour, c’est l’Île-de-France qui compte le plus grand nombre de bornes, notamment à Paris. Parmi les projets importants, on citera les partenariats entre Renault et Leclerc, Nissan, Auchan et DBT ou encore Ikea, Cora et Nissan.

Certains territoires restent néanmoins très peu couverts. Il est primordial de combler ces « trous » et de lutter contre la fracture entre zones urbaines et zones rurales ou de montagne. Certains réseaux locaux ne comptent pas assez de bornes de recharge accélérée ou rapide ; il convient d’y remédier. Enfin, seul un acteur de taille nationale peut mettre sur pied les infrastructures qui relient les réseaux locaux entre eux. Ce texte permettra notamment d'équiper certaines autoroutes ou routes nationales en infrastructures de recharge, ce qui est difficile dans le cadre des appels à manifestation d'intérêt de l'ADEME.

Au total, un réseau « essentiel » couvrant l'ensemble du territoire, destiné à compléter les initiatives des collectivités et des acteurs privés, pourrait représenter environ 4 500 bornes rapides ou accélérées, pour un coût de 200 millions d’euros selon les premières estimations d'ERDF.

Avant de vous présenter en détail les dispositions de la proposition de loi, je souhaiterais expliquer pourquoi nous n’avons pas souhaité l’intégrer au futur projet de loi sur la transition énergétique. Celui-ci ne devrait certes plus tarder à être déposé devant le Parlement, mais il donnera lieu à de longs débats et à plusieurs navettes. Or, il y a urgence à favoriser le déploiement d’infrastructures de recharge sur notre territoire.

Le texte octroie à l'État une compétence pour déployer des bornes de recharge dans le cadre d'un projet de dimension nationale. Cela ne signifie pas que les collectivités territoriales, jusqu’à présent seules à détenir cette compétence, en seront désormais dépourvues : elles continueront à l’exercer dans le même cadre qu’aujourd’hui. L’État pourra implanter des bornes de recharge sur le domaine public « lorsque cette implantation s'inscrit dans un projet de dimension nationale ». Il ne s'agit donc pas de concurrencer les initiatives locales, mais de les compléter, la dimension nationale s'appréciant au regard du nombre de bornes et de la répartition des bornes à implanter sur le territoire.

L'État peut déployer les infrastructures de recharge pour son propre compte ou par l'intermédiaire d'un opérateur national dans lequel il détient une participation. Le texte ne prévoit pas d'appel d'offres : il ne s'agit pas de déterminer le titulaire d'un marché public, mais d'autoriser le lancement d'initiatives privées sur le domaine public.

Afin de garder le contrôle sur l’opérateur national chargé de déployer ce réseau, le texte exige que l'État conserve une participation dans cet opérateur national. Toutefois, la rédaction actuelle est trop restrictive. Je vous proposerai donc un amendement qui inclut dans le champ du texte les montages suivants : la détention d'une participation dans l'opérateur national par un établissement public, par exemple l'ADEME, et la détention indirecte de participation, par exemple via la Caisse des dépôts.

Dans ce cadre, et uniquement dans ce cadre, le texte exonère l'État ou l'opérateur national de toute redevance. L'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques dispose que « toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique (...) donne lieu au paiement d'une redevance ». Toutefois, le législateur peut prévoir des dérogations à cette règle.

Cette exonération est proportionnée à l'objectif visé. Afin d'accélérer le déploiement des bornes de recharge, il convient d'offrir de la visibilité aux opérateurs intéressés. Sans exonération, ils devraient connaître le montant de la redevance demandée par chaque collectivité concernée avant de pouvoir finaliser le montage financier de leur projet, ce qui serait source de complexité. Par ailleurs, et contrairement au déploiement des réseaux locaux, aucune subvention n'est prévue.

La proposition de loi associe très étroitement les collectivités territoriales à l'élaboration des projets, notamment à l’implantation des bornes.

D'une part, les projets de dimension nationale ont vocation à compléter le réseau des collectivités territoriales et non à s'y substituer. D'autre part, les dispositions proposées garantissent une forte implication des collectivités territoriales : en amont, leurs organes délibérants seront compétents pour se prononcer sur la délivrance des titres d'occupation du domaine public ; en aval, l'alinéa 3 de l’article 1er prévoit qu'elles seront associées à la définition des modalités d'implantation des infrastructures.

Afin de garantir que les implantations soient compatibles avec les caractéristiques techniques du réseau de distribution d'électricité, je vous proposerai un amendement associant à cette concertation les gestionnaires de réseau de distribution d'électricité, c'est-à-dire ERDF et les entreprises locales de distribution. Cette mesure de précaution a pour objectif d'éviter que l'implantation de bornes ne mette en péril la sécurité du réseau et que le renforcement de lignes n'entraîne des surcoûts inutiles. Cette concertation permettra donc de déterminer, localement, les meilleures solutions de déploiement.

Je précise enfin que des projets nous ont été présentés lors des auditions. Bolloré, opérateur du réseau Autolib, propose ainsi le déploiement de 16 000 bornes de recharge rapide sur la période 2015-2018. Renault a imaginé le projet « Corridor », en partenariat avec Nissan, BMW et EDF, tandis que Colas, qui a assuré les travaux du réseau Autolib en collaboration avec Bolloré, propose un réseau de 600 à 1 000 implantations à l'échelle nationale. Il reste à orchestrer tous ces projets.

Cela appelle quelques précisions complémentaires. Ce texte n'est pas la validation d'un choix déjà effectué par le Gouvernement. Il s’agit de permettre à l’État de mettre en œuvre une politique nationale initiée depuis plusieurs années. La rédaction du texte rend possible la coexistence de plusieurs opérateurs nationaux, mais il appartient bien à l’État d’orchestrer l’ensemble.

M. le président François Brottes. Vous constatez que les élus de la montagne sont « auto-rechargeables », monsieur le ministre : de même que nous avons inventé l’hydro-électricité, nous sommes capables de produire sans cesse de l’énergie. (Sourires)

M. Arnaud Montebourg, ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique. Dès le premier plan automobile du mois de juillet 2012, nous avons imaginé la mutation de l’offre industrielle de nos constructeurs, en rapport avec l’évolution de la société, la précaution écologique et sa montée, et le désir de changement de comportement dans la relation du citoyen avec l’automobile. L’outil de liberté qu’était l’automobile a disparu : elle est devenue une charge, un problème et un coût. La réhabilitation de l’automobile est à la charge de l’offre industrielle, qui doit réinventer cette relation. La chute du marché européen de l’automobile, considéré comme un marché mûr, a bien à voir avec une mutation des comportements, et notamment la préoccupation environnementale.

Ce diagnostic posé, nous avons fait le choix d’amener les constructeurs à bouger, d’où la politique des bonus écologiques ou de la voiture écologique populaire, qui permettait – avec un premier bonus à 7 000 euros, aujourd’hui 6 500 euros – de rendre compétitif, pour un ménage moyen ou modeste, le véhicule électrique par rapport à un véhicule thermique à faible émission de CO2. La « Zoé » est fabriquée sur les chaînes de Flins avec des moteurs électriques réinventés par Renault, qui ne connaissait jusqu’alors que les moteurs à piston et à explosion. J’ai visité l’usine de Cléon, en Seine Maritime, où les ingénieurs de Renault ont inventé ce nouveau métier.

Pour le Gouvernement, les bonus pour l’acquisition d’un véhicule électrique étaient le moyen de créer une taille critique et de doper les ventes. Cela a plutôt bien fonctionné : entre 2010 et 2013, nous sommes passés de 184 à 13 954 véhicules immatriculés. La progression est exponentielle, à l’instar de ce que l’on constate dans tous les pays qui ont adopté le véhicule électrique et commencé à installer des bornes de recharge. Certains États américains sont en avance sur la France. Mais partout dans le monde, la progression de la vente de véhicules électriques est deux fois plus importante que celle des véhicules hybrides il y a dix ans. Lorsque les véhicules hybrides sont arrivés massivement sur le marché, il ne s’agissait plus d’un véhicule de luxe mais d’un véhicule accessible aux bourses moyennes ou modestes ; néanmoins, ils ont été beaucoup plus lents à s’installer dans les esprits.

À nos yeux, les bonus ne suffisent pas cependant. Sur le plan budgétaire, les malus financent en effet les bonus. Or, compte tenu de la progression des véhicules hybrides et électriques, les premiers ne suffisent pas à compenser les seconds. Les malus sur les véhicules dont nous décourageons la vente fonctionnent, et on observe un transfert progressif des comportements d’achat. En très peu de temps s’est manifesté un mouvement d’adhésion à l’écologie dans la mobilité individuelle.

Nous avons examiné avec Renault – dont l’État est actionnaire – la carte de vente sur les neuf premiers mois du véhicule « Zoé ». Bien qu’il soit accessible, puisqu’il est au prix de 11 000 euros, soit l’équivalent d’une Clio ou d’une Peugeot 208, ce n’est pas dans les métropoles que ce véhicule se vend le mieux, mais dans les villes de moins de 50 000 habitants, c’est-à-dire là où les transports en commun des collectivités locales sont les plus défaillants et où les trajets entre le domicile et le travail ne sont pas desservis. D’autres pratiques, telles que l’autopartage, avec la transposition d’Autolib à Lyon et à Bordeaux, apparaissent dans les métropoles. Bref, la société change plus vite que nos décisions politiques : nous sommes en retard.

C’est pourquoi figure, parmi les 34 plans industriels que j’ai présentés avec le Président de la République au mois de septembre, un plan dédié au développement des bornes de recharge, qui permettra à l’État de servir la cause de cette mutation et de rattraper ce retard. Son chef de projet est le préfet Francis Vuibert ici présent, qui se tient à votre disposition pour répondre à vos questions. Ce texte est le fruit de ce travail ; porté par les parlementaires qui s’intéressent à ces questions, il est né de la coopération de tout un secteur industriel et du secteur public.

Des initiatives privées et publiques existent déjà. La loi Borloo avait conféré la compétence de l’implantation des bornes aux collectivités locales ; mais convaincre 36 000 décideurs est plus long que de faire appel à un ensemblier – l’État. Nous risquons de perdre du temps, alors même qu’avec Renault et Nissan, notre pays est leader mondial – en nombre de voitures vendues comme sur le plan de la technologie ou du confort et de l’habitabilité – sur le marché du véhicule électrique. Les véhicules présents sur le marché changent la relation presque charnelle que le conducteur entretient avec son véhicule. « Les Français aiment la bagnole », disait Georges Pompidou. Cela n’a pas changé !

Il peut être utile de rappeler les initiatives des collectivités locales qui existent déjà. Ainsi, 45 communes de la région parisienne sont couvertes par Autolib. Il n’y a pas besoin de couverture supplémentaire en bornes de recharge pour les propriétaires de véhicules électriques, car Autolib a des emplacements de recharge ouverts aux usagers tiers non abonnés au dispositif. La mise en œuvre par les collectivités locales n’est donc pas exclusive de la construction de ce réseau national.

Il existe aussi des initiatives privées. Je pense à Auchan et à un certain nombre d’autres chaînes de la grande distribution, mais aussi à la Poste et à la SNCF, qui ont décidé d’implanter des bornes de recharge sur leurs parkings. Toutes ces initiatives sont complémentaires.

L’objectif de cette proposition de loi, que nous approuvons, est de permettre à l’État de fédérer et de coordonner les initiatives, comme celle d’EDF, par exemple, qui, en liaison avec Renault, BMW, Volkswagen et Nissan, propose l’installation de bornes de recharge rapide – une charge complète en trente minutes – dans deux cents points en France, ou celle de Bolloré, qui propose, de son côté, d’installer huit mille bornes, soit seize mille points de recharge, une moyenne de cent quatre-vingt par département, hors région parisienne.

Nous sommes en train d’évaluer avec le préfet Vuibert la distance raisonnable qui doit séparer deux bornes afin d’obtenir un maillage cohérent du territoire : cela doit non seulement simplifier la vie des conducteurs mais également doper la vente de véhicules électriques. Nous sommes leaders mondiaux dans le domaine et entendons faire de la France une puissante base d’exportation.

PSA n’est d’ailleurs pas en reste et a décidé de se lancer dans l’hybride rechargeable, technologie qui offre d’autres possibilités mais qui nécessitera aussi l’usage de bornes.

Il ne s’agit donc pas de déposséder les communes mais d’organiser les investissements des collectivités locales et des organismes privés pour parvenir à mettre en place, en vingt-quatre mois, un réseau national. Avant d’en arriver à cette idée, nous avons laissé du temps aux collectivités locales, mais celles-ci ont évidemment d’autres préoccupations que de construire un réseau national. Cette proposition de loi est donc la bienvenue, et le Gouvernement la soutient avec enthousiasme.

M. le président François Brottes. Voilà qui fixe les limites de ce qui peut être décentralisable ou non en matière d’énergie. Les représentants des groupes vont s’exprimer à présent.

M. François-Michel Lambert. J’ai depuis plus d’un an une Zoé électrique qui affiche aujourd’hui vingt-cinq mille kilomètres au compteur, et je peux confirmer que ces véhicules proposent une autre manière d’aborder la mobilité, sans compter le gisement d’emplois que représente cette filière d’excellence française. La proposition de loi est nécessaire pour permettre le développement d’un réseau de bornes de recharge. Elle doit être appréhendée dans le cadre plus général de la transition énergétique et écologique.

J’appelle néanmoins votre attention sur le fait que l’État ne doit intervenir que lorsqu’il y a carence des communes ou des EPCI, et que les collectivités territoriales doivent être étroitement associées au dispositif. Dans cette perspective, le dernier alinéa de l’article premier, relatif à la concertation, pourrait être utilement amendé en mentionnant clairement que le déploiement devra se faire en lien avec les schémas et les documents d’aménagement, notamment les plans de déplacements urbains (PDU), les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUI) et les SCOT.

Le déploiement des bornes doit être abordé dans la perspective de la troisième révolution industrielle, théorisée par Jeremy Rifkin et en cours de mise en œuvre dans la région Nord-Pas-de-Calais ; en d’autres termes, il doit s’opérer dans le cadre d’une transition énergétique fondée sur les énergies renouvelables et les smart grids plutôt que sur le nucléaire.

Le déploiement du véhicule électrique doit également s’appuyer sur d’autres actions. Il faut d’abord renforcer l’information des utilisateurs sur l’emplacement des bornes, parfois difficiles à localiser. Il faut ensuite inciter les entreprises et les collectivités à équiper leurs flottes de véhicules électriques, puis développer le marché de l’occasion, ce qui est le meilleur moyen de rassurer les acheteurs et de permettre l’apparition d’utilisateurs de second rang. Enfin, au-delà de l’éco-bonus, la politique de soutien aux véhicules électriques doit développer les avantages offerts aux utilisateurs, comme le parking gratuit, la recharge gratuite ou aidée.

C’est dans cet esprit que le groupe écologiste votera cette proposition de loi.

M. Éric Straumann. Grâce à une prime régionale de 5 000 euros, l’Alsace a représenté en 2012 un tiers du marché des véhicules électriques, tandis qu’en 2013, 8 % des véhicules électriques français se sont vendus dans notre région.

Cette proposition de loi ouvre la voie à la création d’un opérateur national chargé d’installer et de gérer des bornes de recharges publiques, ainsi que l’a indiqué à plusieurs reprises M. le ministre, qui déclarait le 14 mars 2014 à La Voix du Nord : « Une loi est prévue en mai pour pouvoir désigner un opérateur unique chargé d’installer les bornes. » Des questions se posent sur le choix de cet opérateur, auxquelles le texte ne répond pas.

Quel rôle sera par ailleurs dévolu aux collectivités territoriales ? Toujours dans La Voix du Nord, le Ministre affirmait que compter sur les collectivités locales pour multiplier les points de recharge était une erreur. Or, le 28 mai 2013, alors qu’il clôturait les rencontres de l’AMF sur le déploiement en France des bornes de recharge de véhicules électriques, il avait insisté sur le rôle fondamental des collectivités locales : « Seules les collectivités locales connaissent les flux des trajets domicile-travail sur leurs territoires. Bien sûr, cela irait plus vite si c’était un opérateur, mais c’est plus pertinent si ce sont les collectivités qui assurent ce maillage territorial. »

Dans l’appel à projets de l’ADEME, seules les villes ou agglomérations de plus de deux cent mille habitants sont éligibles. Qu’en est-il des petites et moyennes communes, dans lesquelles, comme l’a rappelé le ministre, le véhicule électrique connaît un certain succès ?

L’Alsace s’interroge déjà sur la troisième génération de véhicules électriques. En effet, installer des bornes, c’est bien, mais les alimenter, c’est mieux : or le Gouvernement a décidé de fermer la centrale de Fessenheim…

Mme Jeanine Dubié. Le groupe RRDP accueille très favorablement cette proposition de loi. D’un point de vue environnemental, le développement du parc de véhicules électriques s’inscrit dans la politique menée par la France en faveur de la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de lutte contre la pollution atmosphérique ; d’un point de vue économique et industriel, le développement des infrastructures de recharge de véhicules électriques nous semble un levier important. Il est en effet indispensable que l’État soutienne ses constructeurs automobiles, qui font face aujourd’hui à de nombreuses mutations et qui ont investi massivement pour développer ces véhicules de nouvelle génération. C’est pour cette raison que nous saluons le plan Automobile lancé par le ministère de l’économie et le recours aux investissements d’avenir pour financer le déploiement des infrastructures de recharge, essentielles à son développement.

Néanmoins, de nombreux efforts restent à réaliser pour équiper de manière efficace notre territoire, en zone urbaine comme en zone rurale. Pour pallier les insuffisances, le texte qui nous est aujourd’hui soumis propose de créer un réseau essentiel de bornes de recharges sur l’ensemble du territoire national, dont la construction, l’exploitation, l’entretien et la maintenance pourraient être réalisés par un opérateur national.

Si l’engagement du Gouvernement et de la majorité nous paraît positif, il nous semble nécessaire d’éclaircir certains points. Tout d’abord, les modalités de création de cet opérateur national ne sont pas explicitées dans ce texte, qui n’aborde que l’aspect fiscal, à savoir l’exonération de la taxe d’occupation du domaine public. Par ailleurs, il ne faudrait pas que le nouvel opérateur national vienne concurrencer l’offre publique déjà développée par les collectivités, les EPCI ou les syndicats d’électrification, en vertu de l’article L. 2224-35 du code général des collectivités territoriales. L’inquiétude des collectivités est d’autant plus grande sur ce point qu’une borne de recharge électrique représente un investissement de 35 000 à 40 000 euros.

Notre groupe a déposé plusieurs amendements visant, d’une part, à permettre à l’ensemble des acteurs concernés de bénéficier de conditions comparables pour développer des infrastructures de recharge ; et d’autre part, à organiser les conditions de la concertation entre l’opérateur national et les collectivités territoriales. Ces amendements permettront également d’appréhender de manière cohérente le niveau de couverture en bornes de recharge de notre territoire, afin d’offrir un meilleur service aux usagers.

Mme Fanny Dombre Coste. Ce texte vient à la suite du plan automobile de développement de la filière du véhicule électrique et hybride présenté en juillet 2012, qui a débouché entre autres sur les appels à manifestation d’intérêt de l’ADEME. Il s’inscrit également dans le cadre plus large des 34 plans pour la nouvelle France industrielle et des investissements d’avenir, à côté d’autres projets comme la voiture qui consomme deux litres aux cent kilomètres.

Il s’agit donc bien de développer une filière complète, éminemment stratégique pour notre pays, car elle recouvre des enjeux environnementaux – je rappellerai ici la directive européenne en cours d’élaboration sur les carburants alternatifs, qui fait du développement de l’électromobilité un impératif supranational –, mais aussi des enjeux industriels : il s’agit de valoriser un secteur dans lequel nos entreprises innovent et se placent parmi les leaders mondiaux – je pense à Renault, mais aussi à une PME de Montpellier, IES, qui a déposé six brevets ces dix-huit derniers mois.

L’enjeu est enfin économique : il s’agit de rendre du pouvoir d’achat à nos concitoyens en leur donnant accès à une offre d’électromobilité plus économe – un plein équivalent à deux euros –, et, d’autre part, de faire baisser le prix des véhicules électriques en permettant aux industriels de produire plus.

Cette proposition de loi entend donc lever les freins au développement de cette filière et permettre au Gouvernement de définir une stratégie nationale de déploiement des bornes de recharge pour éviter qu’une fracture ne se crée entre les centres urbains et le reste du territoire. Le véhicule électrique doit pouvoir se développer dans les zones faiblement dotées en transports en commun, comme les zones périurbaines, périrurales ou rurales. C’est le sens de l’étude réalisée par Renault, qui montre que 75 % des utilisateurs de véhicules électriques résident dans ces zones, là où le trajet domicile-travail est le plus coûteux par manque de transports en commun.

Sans intervention de l’État, il y a fort à parier que ces zones ne verront pas cette nouvelle offre d’électromobilité se développer. Le maillage territorial des bornes doit être complet et cohérent sur l’ensemble du territoire national pour mettre un terme aux réticences que suscitent chez les acheteurs potentiels la crainte du manque d’autonomie. Or, aujourd’hui, ce maillage se concentre dans quelques grands centres urbains : sur les 6 000 bornes du réseau national, 4 000 sont implantées à Paris.

La proposition de loi doit permettre de compenser ce déséquilibre et éviter les zones blanches. Elle permettra une concertation entre l’opérateur ou les opérateurs désignés et les collectivités territoriales, qui garderont toute leur autonomie, l’État n’intervenant qu’en cas de carence de l’initiative locale ou en complément de celle-ci.

Je salue le travail effectué avec le préfet Vuibert, ici présent, et l’ensemble des acteurs de la filière, qui ont contribué à la définition des perspectives du développement que nous rendons possible aujourd’hui. En attendant que l’excellence de nos entreprises permette d’amoindrir l’autonomie des batteries – ce qui ne manquera pas d’arriver –, cette proposition de loi, au confluent d’enjeux environnementaux, économiques et industriels, est tout à fait pertinente, et le groupe socialiste la soutiendra.

Mme la rapporteure. Je remercie le groupe écologiste pour son soutien et précise à M. Lambert que la capacité d’initiative des collectivités territoriales n’est pas remise en cause par ce texte. Une concertation avec elles aura lieu, notamment dans le cadre des PLUI ou des PLU.

L’information des utilisateurs est d’autant plus essentielle que le réseau se densifie. C’est pourquoi le Gouvernement finance un projet de groupement pour l’itinérance des recharges électriques de véhicule (GIREVE), qui permettra demain aux conducteurs de véhicules électriques de disposer en direct d’informations sur les bornes disponibles.

Monsieur Straumann, cette proposition de loi n’a pas vocation à désigner un opérateur national. C’est une décision qui relève de l’État, et c’est à lui de vous répondre, par l’intermédiaire du ministre.

L’appel à projets de l’ADEME a été modifié et ses délais étendus ; des communes de moins de deux cent mille habitants ou certains petits départements qui n’étaient pas éligibles le seront désormais. Reste que les communes de dix ou vingt mille habitants n’ont pas les moyens de porter seules le déploiement des infrastructures.

J’entends d’autant mieux les préoccupations des syndicats d’électrification relayées par Mme Dubié que le syndicat départemental d’électricité des Hautes-Pyrénées porte un projet de déploiement d’une centaine de bornes. Il va de soi que ces projets sont parfaitement compatibles avec le projet national. Je répète qu’une concertation est prévue avec les collectivités territoriales et le gestionnaire du réseau, acteur majeur du dispositif. Je rassure donc les acteurs locaux : leurs projets continueront d’être éligibles au dispositif de l’ADEME.

Je remercie enfin Fanny Dombre Coste, qui s’est beaucoup impliquée dans l’élaboration de cette proposition de loi et l’accompagne aujourd’hui.

M. le ministre. Vous avez raison, monsieur Straumann, de rappeler que les collectivités locales sont plus légitimes à agir, mais elles sont nombreuses et cela prend du temps. Or, nous devons agir vite. Cela se fera grâce à la mise en place d’un réseau national, géré par des opérateurs qui se compléteront et agiront de concert, en concertation avec les collectivités locales, pour une action plus pertinente.

En ce qui concerne l’opérateur, nous avons deux propositions, de nature différente. La première consiste en un réseau conjuguant seize mille points de recharge lente et des points de charge rapide. Il doit pouvoir se coordonner avec les équipements déjà existants ou en cours d’élaboration, comme dans le Jura où est prévu un maillage de quarante bornes.

Il faut accélérer dès à présent, pour pouvoir atteindre fin 2014 ou mi-2015 50 % de nos objectifs et faire de la France, déjà leader industriel, un leader mondial en matière d’usage de l’électromobilité.

Nous avons demandé à l’ADEME de rectifier les conditions de son appel d’offres, M. Pélissard, président de l’Association des maires de France, ayant indiqué qu’il n’était pas pertinent de le limiter aux communes de plus de deux cent mille habitants.

Nous sommes formellement opposés à l’inscription du déploiement des infrastructures dans les SCOT, dont l’élaboration prend de quatre à cinq ans, et toute correction au minimum dix-huit mois. Lorsqu’il s’agit d’élaborer un réseau national, les collectivités territoriales doivent accepter de voir leurs compétences devenir complémentaires et renoncer à leur capacité de blocage. Je le répète, nous devons aller vite.

Un groupement d’intérêt économique (GIE) a été constitué pour faciliter la localisation des bornes. Des cartes vont être intégrées aux GPS et des applications développées pour les smartphones. Nous travaillons actuellement sur les standards d’interopérabilité.

Concernant le modèle économique sur lequel se développera l’opérateur national, nous souhaitons que le réseau soit réalisé sans subventions, car il s’agit d’infrastructures ayant une rentabilité à long terme. Les propositions qui nous sont faites aujourd’hui vont dans ce sens, ce qui est un avantage par rapport aux réseaux déployés par les collectivités locales. Nous avons donc un intérêt objectif à confier à un ou deux grands opérateurs la réalisation de ce réseau, quitte à prendre des participations au capital, de manière à ce que le financement repose uniquement sur de l’investissement et non sur des aides publiques.

J’ai entendu les remarques de la rapporteure sur les bonus, et nous allons nous employer à corriger les problèmes.

Je veux enfin remercier les parlementaires qui apportent leur soutien à cette proposition de loi d’intérêt public.

La Commission en vient à l’examen des articles.

Article 1er : Octroi d’une compétence à l’État en matière d’implantation d’infrastructures de recharge de véhicules électriques sur le domaine public des collectivités territoriales

La Commission examine, en discussion commune, les amendements CE1 de M. Lionel Tardy et CE6 de la rapporteure.

M. Lionel Tardy. Cette proposition de loi va bien au-delà de la simple exonération de redevance. C’est un véritable coup de pouce que l’État donne aux collectivités territoriales pour la mise en place d’un réseau de bornes de recharge pour véhicules électriques.

Cela relève d’une vision étatique. Je note toutefois qu’il y a un an, M. Montebourg affichait devant l’AMF sa préférence pour une solution privilégiant les collectivités territoriales plutôt qu’un opérateur national.

Force est de constater pourtant que les collectivités ont de fortes réticences à conduire ces projets, compte tenu de la faiblesse de la demande. Par conséquent, une politique de l’offre conduite par l’État se justifie d’autant plus qu’une cohérence interrégionale est souhaitable. Cela dit, au-delà de l’exonération de redevance qui fait consensus, se pose la question du porteur du projet : sur ce point, le texte n’est pas très clair, non plus que sur la manière dont s’articulent les relations entre l’opérateur, les ministres et les collectivités.

Le porteur du projet est désigné ici comme « l’État ou un opérateur au sein duquel l’État détient une participation » : la porte est beaucoup trop fermée à la concurrence. Pourquoi laisser écrire que l’État pourrait mener le projet puisque l’on sait très bien qu’il confiera cette tâche à une entreprise, et que certains – EDF, Bolloré – ont déjà avancé leurs pions ? De même, pourquoi retenir ce critère de participation de l’État ? L’État aura bien la main sur le projet puisque celui-ci sera approuvé de manière discrétionnaire par les ministres de l’écologie et de l’industrie.

Je crains que l’on crée ici une sorte de monopole. C’est pourquoi je propose de confier le projet à un « opérateur national », c’est-à-dire capable d’agir à l’échelle du territoire français. Cela laisse la porte ouverte aux entreprises publiques comme privées, voire à un groupement d’entreprises.

Mme la rapporteure. Mon amendement élargit le champ des montages financiers relatifs à l’opérateur national. Il propose qu’un établissement public – et non seulement l’État – puisse détenir une participation dans cet opérateur national. Cet établissement public pourrait être l’ADEME. L’amendement inclut également le cas des participations indirectes. Ce pourra donc être une autre entité dans laquelle l’État détient actuellement une participation, comme EDF, PSA ou Renault.

Avis défavorable à l’amendement de M. Tardy, car il nous paraît important que l’État ait un pouvoir de contrôle de l’opérateur national, afin de garantir la meilleure couverture du territoire, y compris dans les territoires non rentables. Malgré les initiatives développées par les collectivités locales, il subsiste en effet des zones blanches, notamment dans le centre de la France, en Auvergne, en Limousin ou en Bourgogne, mais également en Rhône-Alpes ou en Languedoc-Roussillon.

M. le ministre. Qu’il n’y ait pas de malentendu : l’État ne sera pas opérateur, mais ensemblier, chargé de veiller à la cohérence du déploiement de ce réseau national. Il pourra entrer au capital du ou des opérateurs – il est même recommandé qu’il le fasse – mais c’est là une forme innovante d’intervention. Pour une fois, il ne dessinera pas les plans d’un jardin à la française, qu’un jardinier, recruté après appel d’offres, serait ensuite chargé de respecter à la lettre ! Intervenant de manière indirecte, il coordonnera le foisonnement des initiatives de terrain. Il s’agit à la fois d’être efficace et d’apporter satisfaction à l’ensemble des territoires.

Le Gouvernement soutient donc l’amendement de la rapporteure et invite la commission à rejeter celui de M. Tardy.

La Commission rejette l’amendement CE1 puis adopte l’amendement CE6.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE5 de la rapporteure.

Elle examine ensuite, en discussion commune, les amendements CE3 de Mme Jeanine Dubié et CE7 de la rapporteure.

Mme Jeanine Dubié. Le porteur du projet doit non seulement se concerter avec la collectivité propriétaire ou gestionnaire du domaine public occupé, mais également avec les personnes morales mentionnées à l’article L 2224-37 du code général des collectivités territoriales. Vu l’investissement que représentent ces infrastructures, il s’agit d’éviter que l’État et les collectivités ne se concurrencent.

Mme la rapporteure. Mon amendement, lui, répare un oubli, en disposant expressément que les gestionnaires de réseaux de distribution électrique seront associés à la concertation sur l’implantation des bornes de recharge. Cela va de soi, puisque sans eux, il est impossible d’évaluer la capacité effective du réseau à supporter les nouveaux équipements. Mais j’ai préféré que cela soit précisé. Il ne faudrait pas qu’au lendemain de l’installation de toutes ces bornes, la France risque de se retrouver dans le noir !

Madame Dubié, la concertation avec les communes concernées est déjà prévue. Il est normal qu’on sollicite leur accord pour cette occupation du domaine public– elles peuvent refuser de le donner. Dans les départements, notamment les plus petits d’entre eux, comme le vôtre ou le mien, où des syndicats départementaux d’électrification ou d’énergies ont pris l’initiative, tous les projets seront pris en compte. N’oublions pas que la première informée des projets dans les territoires, c’est l’ADEME et que l’ADEME, c’est l’État. Les collectivités et l’État ne risquent donc pas de se concurrencer. Ce dernier n’interviendra pas dans les territoires déjà couverts ou en voie de l’être.

Quant à élargir la concertation aux collectivités autres que les communes d’implantation, cela deviendrait complexe. Si des syndicats d’électrification ont décidé de ne rien faire, il n’y a pas de raison que l’État aille solliciter leur avis. Soit ils sont opérateurs et mènent leurs opérations comme ils l’entendent, soit ils ne le sont pas et il n’y a pas à les réintroduire dans un circuit où ils n’ont pas voulu entrer.

Je vous invite donc à retirer votre amendement. A défaut, j’y serai défavorable.

Mme Jeanine Dubié. Dans la mesure où l’article L 2224-37 du code général des collectivités territoriales dispose que les collectivités n’interviennent que si « l’offre est inexistante, insuffisante ou inadéquate », lorsqu’ils n’auront pas démarré un projet, les syndicats d’électrification auront tout intérêt à laisser faire d’abord l’État et à n’intervenir qu’en complément. Comment tout cela s’articulera-t-il ? Vous m’avez rassurée quant à la concertation sur les opérations en cours. Mais je continue de m’interroger pour celles encore à l’état de projet.

M. le président François Brottes. Si j’ai bien compris, les collectivités ne seront pas sollicitées pour le déploiement de ce réseau national. L’idée est de ne pas brider les collectivités ou les syndicats qui souhaitent aller de l’avant.

Mme la rapporteure. L’État interviendra là où les collectivités n’auront pas pris d’initiatives, mais il ne fera que le minimum. Le réseau essentiel ne comportera pas nécessairement de bornes dans la commune touristique où un département ou un syndicat d’électrification aurait pu prévoir d’en implanter ! Les initiatives des collectivités qui prennent en mains ces projets dans une perspective d’aménagement de leur territoire et de développement économique seront toujours supérieures à ce que pourra faire l’État ou son opérateur, qui interviendront plutôt sur les territoires délaissés, par exemple parce qu’ils sont faiblement peuplés. Le déploiement de ce réseau national ne découragera pas les initiatives des collectivités puisque l’État ou son opérateur ne fera que combler les trous.

M. Daniel Fasquelle. Comment s’articuleront action locale et action nationale ? Certaines collectivités n’auront-elles pas intérêt à garder leurs projets sous le coude en attendant le déploiement du réseau national ? L’État interviendra dans les territoires où les collectivités n’auront pas pris l’initiative, dites-vous. Mais comment délimitera-t-on ces territoires et sera-t-on assuré qu’in fine, il y aura bien des bornes de recharge dans toutes les communes de France, en particulier dans les communes touristiques qui, on le sait, ont toujours à réaliser des infrastructures pour une population bien supérieure à leur population permanente, sur la base de laquelle sont pourtant calculées leurs dotations ?

La perte de recettes que la dérogation entraînera pour les communes sera compensée par une majoration de la dotation globale de fonctionnement (DGF). C’est la moindre des choses, mais vu l’évolution de la DGF, cela n’est pas pour nous rassurer !

Mme la rapporteure. Aucune commune ne sera délaissée. Du reste, dans votre secteur, monsieur Fasquelle, les initiatives ne manquent pas. Trois mille cent trente bornes doivent être installées par les collectivités en Nord-Pas-de-Calais – et les communes touristiques n’ont pas été oubliées, car là se situe le plus fort potentiel de consommation. Mais il faut prendre en compte tous les territoires. Le réseau essentiel déployé par l’État sera nécessairement moins dense que celui que pourraient déployer des collectivités. Celles qui se contenteraient d’attendre que l’État intervienne y perdraient sur le plan économique par rapport à celles qui auront pris le taureau par les cornes. La proposition de loi vise à multiplier les bornes de recharge sur l’ensemble du territoire national afin de faciliter l’usage des véhicules électriques et de booster cette filière automobile, mais il y a aussi derrière des visées d’aménagement du territoire et de développement touristique.

M. le ministre. Comment cela se passera-t-il concrètement ? Des opérateurs, au capital desquels l’État aura pris une participation modeste mais réelle, déploieront des infrastructures dans les lieux où ils pensent pouvoir rentabiliser leur investissement. Ils ne solliciteront pas les collectivités sur le plan financier. Mais croyez-vous qu’un investisseur, Bolloré par exemple, déploierait un réseau national sans s’enquérir auprès des collectivités des éléments techniques indispensables, de la densité de population, des flux de trafic, des besoins de stationnement, etc. ? Faisons que la loi, loin d’entraver, encourage, et faisons confiance aux acteurs. L’esprit pratique l’emportera.

Si les collectivités n’ont rien à débourser, elles subiront toutefois une perte de recettes, au demeurant modeste, la surface d’une station de bornes de recharge n’étant guère supérieure à celle d’une terrasse de café sur un trottoir.

Enfin, relativisons le problème. Ni sur les autoroutes, ni sur les routes nationales les collectivités ne seront concernées, car elles n’y ont pas compétence.

Le Gouvernement, favorable à l’amendement de la rapporteure, vous invite, madame Dubié, à retirer le vôtre.

L’amendement CE3 est retiré.

La Commission adopte l’amendement CE7.

Puis elle adopte l’article premier modifié.

Après l’article premier

La Commission est saisie de l’amendement CE4 de Mme Jeanine Dubié.

M. Joël Giraud. Nous demandons que soient élaborés des schémas directeurs d’infrastructures de recharge à caractère indicatif. Couvrant au minimum le territoire d’un département, ces schémas pourraient aller jusqu’à l’échelle de la région, de façon à évaluer le degré de couverture sur les axes interurbains de déplacement.

Mme la rapporteure. Nous ne voulons surtout pas d’usine à gaz ! (rires.) L’objectif de cette proposition de loi est d’accélérer le déploiement des bornes de recharge afin de favoriser le développement des véhicules électriques. Les schémas directeurs que vous préconisez seraient particulièrement lourds à élaborer. Qui d’ailleurs en serait chargé ? Le département ? La région ?

Je comprends l’esprit de votre amendement, sans doute inspiré par les schémas régionaux des énergies renouvelables demandés par l’ADEME. Mais installer des bornes de recharge, ce n’est pas installer une éolienne ou un champ de panneaux photovoltaïques !

Pour savoir où l’on en est à tout instant de l’équipement en bornes de recharge et du bon état de marche de celles-ci, il existe déjà GIREVE, le Groupement pour l’itinérance des recharges électriques des véhicules.

Je vous invite donc, monsieur Giraud, à retirer votre amendement. A défaut, j’y serai défavorable.

M. Daniel Fasquelle. En dépit des innombrables déclarations d’intention en matière de téléphonie mobile comme d’internet haut débit, et même du soutien apporté aux initiatives locales, il demeure beaucoup de zones blanches – nous en connaissons tous dans nos circonscriptions. Pouvez-vous vous engager, monsieur le ministre, à ce qu’il n’y ait pas demain de zones blanches pour les bornes de recharge de véhicules électriques ? Sans aller jusqu’à la mise en place de schémas directeurs régionaux, dont l’idée n’est pas absurde, y aura-t-il un schéma directeur national ? À quel horizon sera-t-on certain de pouvoir trouver un point de recharge tous les 80 à 100 kilomètres ? Un calendrier a-t-il été fixé pour le déploiement du réseau ?

M. le ministre. Pour nous, le plus vite sera le mieux.

Mme Laure de La Raudière. Voilà qui est précis !

M. le ministre. Nous ne pouvons pas être plus précis car les opérateurs seront des entreprises privées, au capital desquelles l’État prendra seulement une participation. Ils nous ont fait des propositions. Nous pensons qu’en 24 mois, sauf imprévu, l’ensemble du territoire aura été à peu près couvert. Mais je ne puis pas prendre d’engagement que je ne suis pas certain de pouvoir tenir. Certains endroits sont très en avance, d’autres très en retard. Je l’ai dit, je ne suis pas Le Nôtre, je ne dessinerai pas le plan d’un jardin à la française. Mais je vous propose de me faire remonter les problèmes dont vous aurez connaissance.

Plusieurs millions de nos concitoyens habitent dans des zones non encore desservies en téléphonie mobile ou en internet haut débit, et il existe bel et bien une fracture numérique. Pour ce qui est des bornes de recharge pour véhicules électriques, on ne peut aujourd’hui parler de fracture. D’une part, le réseau est encore naissant ; d’autre part, on ne compte que quelque 13 000 véhicules. Si une fracture s’avère un jour, nous prendrons les mesures nécessaires avec le ou les opérateurs nationaux, dont l’intérêt est de toute façon de répondre à la demande.

M. Daniel Fasquelle. Le raisonnement devrait être inverse. N’attendez pas que l’usage se développe pour installer des bornes ! Qui achètera une voiture électrique s’il n’est pas certain de pouvoir en recharger les batteries partout ?

M. le ministre. Lisez la proposition de loi, c’est bien ce qu’elle prévoit.

M. Daniel Fasquelle. Je l’ai lue. Son contenu n’est pas celui que vous dites.

M. le président François Brottes. La future loi donnera un cadre qui permettra à un ou plusieurs opérateurs d’intervenir, ce qui n’est pas possible aujourd’hui. L’État sera partenaire de la démarche. Le ministre nous précisera l’échéancier un peu plus tard. À ce stade, on ne fait que déverrouiller le dispositif.

Je ne pense pas moi non plus qu’on puisse comparer le sous-équipement de certaines zones du territoire en bornes de recharge à la fracture numérique pour la raison notamment que la demande s’exprime de façon différente pour les deux, si bien que l’offre elle-même se structure de façon différente. Ce sont les zones denses qui ont fait la réussite du numérique, alors que ce sont plutôt les territoires périphériques qui, parce que les véhicules électriques sont particulièrement bien adaptés aux déplacements péri-urbains, devront être largement équipés en bornes de recharge. Longtemps oubliés, ceux-ci vont revenir au centre des préoccupations.

L’amendement CE4 est retiré.

Article 2 : Gage

M. le président François Brottes. Le Gouvernement confirme-t-il qu’il lève le gage ?

M. le ministre. Le gage est levé.

L’article 2 est supprimé.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

* *

La commission a ensuite examiné le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à l’économie sociale et solidaire (n° 1536) sur le rapport de M. Yves Blein.

M. le président François Brottes. Je tiens à saluer les six rapporteurs pour avis qui nous ont rejoints. Jamais autant de commissions ne s’étaient saisies pour avis d’un projet de loi.

Nous remercions aussi Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique, qui remplace au pied levé Mme Valérie Fourneyron, secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire. Cette dernière rencontre malheureusement des problèmes de santé, et je lui ai transmis aujourd’hui même tous nos vœux de prompt rétablissement.

Mme Lemaire qui, comme Mme Fourneyron, est secrétaire d’État auprès de M. Arnaud Montebourg, a profité de ce week-end pour travailler sur un texte qui, je le rappelle, avait été préparé par M. Benoît Hamon devenu, depuis, ministre de l’éducation nationale.

Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du numérique. Mme Valérie Fourneyron que j’ai vue aujourd’hui va mieux. Elle m’a chargée de vous saluer ; elle est désolée de ne pouvoir être présente aujourd’hui.

Je remercie M. Benoît Hamon pour le travail qu’il a accompli sur ce projet de loi dont l’élaboration a donné lieu à une intense concertation avec les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS). Ce texte est aussi le fruit d’une intense coopération entre l’exécutif et le Parlement ; elle a eu lieu aussi bien au Sénat qu’à l’Assemblée nationale.

Ce projet de loi marque une étape importante dans la vision de l'économie que nous portons pour le XXIe siècle. Avec M. Montebourg et Mme Fourneyron, nous entendons en effet défendre un éventail complet d'actions pour une politique au service des nouvelles formes d'initiatives en direction de l'économie réelle. Ces actions seront les sources de l'emploi, de la croissance et de la qualité de la société que nous voulons construire. Des start-up aux associations et aux grandes entreprises coopératives, il faut faire émerger, faciliter et encourager toutes les initiatives, émanant des entreprises, des associations, des fondations, des coopératives et bien sûr des salariés.

Sur certains sujets, des interactions existent bel et bien entre l’économie sociale et solidaire et le numérique. Le financement participatif, ou crowdfunding, est ainsi un moyen privilégié de financement de l’ESS dont Mme Fleur Pellerin, en tant que ministre déléguée à l’économie numérique, avait assoupli le cadre. L’économie collaborative permet le rapprochement des usagers, des citoyens et des consommateurs grâce à des plateformes numériques. Je n’oublie pas les nouvelles formes d'innovation non technologique, que nous soutenons aussi bien au travers de ce projet de loi que grâce à d’autres dispositifs.

Quand nous promouvons l'économie sociale et solidaire, c'est bien pour construire de nouveaux modes de croissance, de lien social et d’entreprise qui sont nécessaires pour faire de la France un pays compétitif, innovant et plus humain dans sa conception de l'économie. C'est aussi le message de l'équipe que nous constituons au ministère de l'économie, car nous voulons promouvoir toutes les formes d’organisation de l’économie, toutes les formes « d’entreprendre », pour faire vivre une économie plurielle, et rompre avec une économie de la prédation fondée sur la seule recherche du profit. Cette économie doit être recentrée sur la production de valeur ajoutée et sur la création d'emplois.

À ce titre, l'économie sociale et solidaire a toute sa place en tant que vecteur d'un modèle entrepreunarial différent et démocratique, qui réponde aux aspirations nouvelles des citoyens pour une économie qui a du sens. Ce secteur, porteur d'une histoire, a su se renouveler pour devenir une forme attractive pour de jeunes entrepreneurs. Tout l'objet de ce projet de loi est de le reconnaître enfin officiellement, et de lui donner les moyens de changer d'échelle. Ce texte permet aussi de définir clairement l’économie sociale et solidaire afin d’éviter certaines interprétations abusives ou hasardeuses.

Cinq axes caractérisent le projet de loi : l’entrepreneuriat de demain, le « pouvoir d’agir » des salariés, les emplois dans les territoires, l’innovation sociale, et le rôle majeur des associations.

Nous souhaitons reconnaître l’entrepreneuriat de demain, solidaire, responsable, innovant, respectueux de la territorialisation des emplois, à la poursuite d'une utilité sociale. L'ESS est née au XIXe siècle des mouvements coopératifs et mutualistes. Elle présente une furieuse modernité à l'heure où la priorité du court terme et de la rentabilité à tout prix a montré ses limites. Elle est guidée par des principes qui font d'elle une économie inspirante pour inventer le monde post-Lehman Brothers. Ce projet de loi lui donne les moyens de se développer avec toute une palette d'outils de financement, comme les subventions, les fonds propres ou les prêts par l’intermédiaire de Bpifrance.

Ce texte redonne aussi du « pouvoir d'agir » au salarié qui se voit offrir la possibilité nouvelle de reprendre son entreprise sous forme de société coopérative et participative (SCOP), grâce au dispositif de la SCOP d'amorçage, et de créer son activité indépendante dans une coopérative d'activité et d'emploi (CAE). Ces dispositions vont dans le sens souhaité par le Gouvernement qui entend redonner aux salariés une place centrale dans l'entreprise et dans l'économie. Le pouvoir d'agir, c'est aussi donner de nouveaux droits aux salariés. De même que les salariés ont désormais plus de sièges dans les conseils d'administration grâce à la proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle, ils bénéficieront désormais, grâce à la loi ESS, d'un nouveau droit dans les entreprises de moins de 250 salariés : le droit d'information préalable. Avant toute cession, le chef d'entreprise devra informer au préalable ses salariés, afin de leur donner le temps de formuler le cas échéant une offre de reprise.

Ce nouveau droit a pour objectif de faire du salarié un acteur dans son entreprise, un interlocuteur du chef d'entreprise, et de lui permettre de sortir d’une relation encore trop souvent paternaliste. Grâce à ce droit nouveau, le salarié peut devenir une solution en cas d'absence de repreneur. Sa mise en œuvre pourrait mettre fin à la situation scandaleuse de milliers d'entreprises qui ferment chaque année faute de repreneur. Ce n'est pas pour rien que M. Jean Auroux a assisté aux débats du projet de loi lors de son examen par le Sénat ! Le pouvoir d'agir, ce que les Anglais appellent empowerment, constitue une attente forte des citoyens aujourd'hui, qui se traduit dans le choix de leurs loisirs, de leur travail, dans leurs engagements associatifs. L'économie collaborative, qui s’appuie souvent sur des outils numériques, est l’une des formes de mise en œuvre de l’ESS, qui permet à chacun de contribuer activement à un bien ou à un service commun.

L’ESS ce sont aussi des emplois dans les territoires, une composante essentielle des emplois d'avenir, et une source de création d'emplois non délocalisables. L’ESS a créé la moitié des emplois d'avenir ; elle a ainsi contribué à l'inversion de la courbe du chômage chez les jeunes. Il s’agit désormais de pérenniser ces emplois. Les dispositifs prévus dans ce projet de loi sont tous orientés vers la création d'emploi dans les territoires, par exemple grâce aux pôles de compétitivité de l’ESS que sont les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), ou encore grâce à la possibilité pour les collectivités territoriales de prendre une part plus importante dans le capital des sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC). Les entreprises de l'ESS vont pouvoir développer leur activité grâce aux financements que Bpifrance met spécifiquement en place à leur profit et qui sont adossés à la reconnaissance de ce secteur par la loi. Le développement de ces activités et la « solvabilisation » de leurs projets vont les amener de facto à pérenniser les emplois d'avenir.

La présente loi constitue également une loi d'innovation sociale ambitieuse qui regarde vers l'avenir et les formes nouvelles d’organisation de l’économie. Définir l'innovation sociale, c'est combler une partie essentielle du dispositif d’innovation de notre pays, qui ne reconnaissait que l'innovation technologique, et inventer les solutions pour les besoins sociaux de demain qui peuvent concerner aussi bien la mobilité innovante pour les personnes âgées, l’accompagnement de ces dernières par le développement d'activités sportives, que le rapprochement entre sortie d'école et découverte des arts. Cela permet aussi de donner une nouvelle définition du commerce équitable en intégrant la dimension « Nord-Nord », et d’ouvrir la voie à la promotion des circuits courts qui sont une composante de la transition écologique, et de relations commerciales plus respectueuses du consommateur et du producteur.

Ce projet reconnaît enfin l'apport des associations à notre société et à notre économie. Depuis plus de cent ans, les associations constituent dans notre pays le socle du lien social et de la solidarité. Ce sont bien elles qui donnent le meilleur exemple de la "fraternité" de notre devise républicaine. Ce texte leur offre des moyens de se développer, mais il reconnaît aussi l'originalité de leur modèle économique, générateur de valeur ajoutée sociale. Je suis particulièrement fière de soutenir un projet qui conforte la subvention en tant que mode de relation devant devenir la norme entre les financeurs et les associations. Cette revendication portée depuis de très longues années trouve enfin sa traduction législative. C'est donc un signal fort envoyé aux associations en cette année qui a consacré l'engagement associatif comme grande cause nationale.

Modèle économique résilient face à la crise, l'ESS est un modèle qui attire, comme en témoigne la floraison de chaires dans les plus grandes de nos écoles. Ce modèle alternatif doit être conforté et reconnu pour éviter la confusion des genres. L'ESS n'est ni une vitrine ni une économie de la réparation ; c'est une économie conquérante qui œuvre pour une croissance inclusive. L'intérêt de ce projet de loi est de permettre de tracer une frontière entre l'économie classique très capitalistique qui tente de se responsabiliser sans pour autant changer son modèle économique, et l'ESS qui intègre au cœur même de son modèle économique une exigence sociale et démocratique. Ces débats sont aussi intenses au niveau européen. Dans la circonscription d’Europe du Nord qui m’a élue à l’Assemblée nationale, j’ai bien perçu les différences d'approches en matière d'économie sociale et solidaire. En Europe du nord, on évoque la Big Society, qui doit faire reculer l’État pour laisser aux individus la charge de réguler et d’organiser l’action économique et sociale. Là-bas, on parle d’une solidarity-based economy qui n’est en fait qu’une économie de la charité au sens du XIXe siècle, une économie des pauvres. Au contraire, nous voulons pour la France une ESS fondée sur l’économie coopérative, collaborative et sociale. D'une certaine manière, ce projet de loi est un projet de loi de combat pour conforter un modèle économique intégrant des principes de gauche.

Je suis donc particulièrement honorée, au nom du ministère de l'économie, de représenter le Gouvernement devant votre commission pour débattre de ce texte.

M. Yves Blein, rapporteur de la commission des affaires économiques. Ce projet de loi se présente comme un texte cadre, fondateur pour plusieurs concepts, définissant un véritable périmètre permettant de mieux identifier, donc de mieux qualifier, l'économie sociale dans le paysage économique français. Il permet de mesurer le chemin parcouru depuis la création en 1981 de la délégation interministérielle à l'économie sociale sous l'égide de Michel Rocard, confiée à l’époque à M. Tony Dreyfus.

L'économie sociale et solidaire a une longue histoire dont on dit souvent qu'elle trouve ses racines dans le courant de pensée du socialisme utopique, chez des penseurs comme Owen, Fourier ou Proudhon. Si cette référence est juste pour les mouvements coopératifs et mutualistes, elle n'englobe pas le fait majeur qu'a constitué l'adoption, en 1901, de la loi portant liberté du contrat d'association, dont on sait aujourd'hui qu'elle a généré un nombre considérable d'activités. L’ESS constitue aujourd’hui une composante significative de notre économie – 10 % de notre PNB –, présente dans de nombreux secteurs, depuis les besoins non pris en charge par le marché jusqu'aux secteurs les plus concurrentiels de la distribution ou de certains pans de l’industrie. L'ESS est plurielle : elle regroupe aussi bien les associations, les coopératives et les mutuelles que les fondations. Ce modèle d'économie non capitaliste, en ce sens que son objet ne vise pas prioritairement à rémunérer des capitaux, fait aujourd'hui référence, et constitue ce que beaucoup ont appelé le tiers secteur, complémentaire des services publics comme de l'économie capitaliste.

Cette pluralité doit être une richesse et une force qui ont vocation à être adoptées par d'autres ; c'est là tout le sens du concept d’« inclusivité » qu'a porté M. Benoît Hamon à l'origine de ce texte, et dans lequel je me reconnais pleinement, car c'est un élément qui peut permettre de nouveaux développements pour les entreprises de l'ESS.

« Entreprises », car c'est bien le sens de l'article 1er du projet de loi que d'envisager l'ESS comme un mode d'entreprendre. Cet élément est fondamental pour la bonne appréhension de ce texte qui traite de l'activité économique même s’il s'agit d'entreprendre autrement comme l'indiquent les concepts de non-lucrativité ou de tempérance. C'est pourquoi le texte ne concerne pas nécessairement tous les acteurs statutaires de l'ESS : je pense notamment aux nombreuses petites associations, qui n'emploient aucun salarié. Mais, et c'est une spécificité forte de ce secteur, il s'agit d'une autre manière d'entreprendre qui se veut démocratique, patiente, soucieuse de la meilleure participation des parties prenantes, et centrée sur la seule atteinte de son objet social.

Depuis les années 1980, l'ESS s'est progressivement structurée, principalement à l'échelon régional, trouvant souvent auprès des conseils régionaux des partenaires attentifs à ses besoins. Les chambres régionales de l'économie sociale et solidaire en sont la meilleure illustration. Le texte ouvre la voie à un changement d'échelle de l'ESS, lui permettant de se doter d'une représentation nationale qui la positionne comme un véritable partenaire de l'État.

En effet, et c'est l’une des conséquences positives des questions que la crise a posées avec encore plus d'acuité, nos concitoyens, et d'abord les jeunes, sont souvent aujourd'hui en quête de davantage de sens pour leurs activités, notamment professionnelles. C’est ainsi que l'ESS rencontre une attention croissante de leur part et, de manière très prometteuse, de la part des jeunes diplômés qui souhaitent donner davantage de sens à leur vie professionnelle. Dans le même temps, et je sais que M. Jean-René Marsac, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, est particulièrement sensible à ce sujet, l'Europe se saisit également du sujet. Elle le fait certes avec une approche un peu différente, plus fondée sur l'activité que sur le statut, mais cela n'en témoigne pas moins de l'intérêt porté à ce mode d’entreprendre pour répondre aux défis de nos sociétés à l'échelle européenne.

Dans ce contexte favorable, le projet de loi a suscité un fort engouement, aussi bien de la part des parties prenantes qui ont été largement associées à son élaboration, qu'au Conseil économique, social et environnemental qui a créé une commission temporaire dans le cadre de la saisine du Premier ministre et rendu un avis, ainsi qu'au Sénat qui après avoir créé un groupe d'étude sur l'ESS a été saisi le premier du texte, sans parler de l'Assemblée nationale où, phénomène inédit, pas moins de six commissions permanentes se sont saisies pour avis.

J'ai moi-même procédé, souvent en collaboration avec plusieurs des rapporteurs pour avis, à une cinquantaine d’auditions particulièrement riches en informations et propositions. Le texte issu du Sénat comprend de nombreuses avancées par rapport au projet de loi initial : meilleur encadrement des sociétés commerciales se réclamant de l'ESS, politique territoriale de l’ESS, commande publique, dispositifs locaux d'accompagnement (DLA), définition de l'innovation sociale, définition du commerce équitable… Je pense toutefois qu'il peut encore être amélioré, précisé et complété de manière significative.

C'est pourquoi, en accord avec les autres rapporteurs pour avis, j'ai notamment souhaité le restructurer quelque peu pour conférer davantage d'importance au monde associatif qui constitue de loin le plus fort contingent de l'ESS. Je proposerai ainsi que les articles 10, concernant les subventions, et 10 bis, relatif aux DLA, soient déplacés au sein du Titre V qui a également vocation à être enrichi de nouvelles dispositions.

Pour conclure, mes chers collègues, je souhaite souligner que tout au long de la préparation de cet examen en commission, et notamment au cours des auditions, j'ai vraiment ressenti l'enthousiasme que suscite une pareille avancée législative qui mobilise largement la créativité et l'inventivité de chacune des parties prenantes, et qui traduit la capacité d'innovation et de coopération de l'ESS. Je souhaite que l'examen de ce projet en soit une nouvelle illustration.

Je laisserai le dernier mot à deux économistes américains de renom. M. Jeremy Rifkin invite ses lecteurs dans l’un de ses ouvrages à regarder le développement de l’économie sociale en Europe, au Japon et en Amérique latine comme un probable modèle à très fort potentiel pour l’avenir. Elinor Ostrom, prix Nobel d’économie, a travaillé sur un « troisième cadre institutionnel » dans lequel des communautés s’organisent pour gérer ensemble des biens communs, comme le font certains écosystèmes dont les initiatives collectives et responsabilisantes sont raisonnablement et durablement exploitées. J’ai cru percevoir chez ces deux auteurs une forme de salut moderne à l’économie sociale.

Mme Fanélie Carrey-Conte, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. La commission des affaires sociales s’est réunie le 9 avril dernier pour examiner ce projet de loi qui réinvente les termes d’une politique publique de l’économie sociale et solidaire qui n’existait plus depuis plusieurs années en France. Ce texte reconnaît aussi la valeur et la spécificité d’un « mode d’entreprendre » et de principes de gestion qui ne sont pas ceux de l’économie capitaliste classique mais qui incarnent un autre modèle pour lequel le projet, et non le profit, est bien l’objectif premier de l’entreprise dans laquelle la personne prime sur le capital, et dans laquelle la démocratisation de la sphère économique importe. Ce « mode d’entreprendre » a le souci du durable, dans sa gestion comme dans son rapport au territoire.

Ce projet de loi est porteur d’une reconnaissance attendue par de nombreux acteurs. Il comporte de réels outils de développement, aussi bien sur le plan juridique que financier, à même de permettre à cette économie de connaître un essor supplémentaire.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des affaires sociales, saisie des articles 1er, 2, 7, 9A, 9, 11A, 11, 12, 22, 33, 34, 45, 49, 52 et 53, a donné un avis favorable au présent projet de loi, sous réserve des amendements qu’elle a adoptés.

À l’article 1er, qui définit le périmètre de l’économie sociale et solidaire, la commission a souhaité renforcer les principes de gestion applicables aux entreprises de l’économie sociale et solidaire, et notamment aux sociétés commerciales qui pourront désormais faire état de leur qualité d’entreprises de l’ESS.

À l’article 2, qui définit l’utilité sociale, la commission a proposé une nouvelle rédaction visant, tout d’abord, à mettre en avant la lutte contre les inégalités, à citer ensuite parmi ces dernières les inégalités culturelles, et à introduire enfin, comme possible objet social des entreprises recherchant une utilité sociale, l’éducation à la citoyenneté, en mentionnant à ce titre l’éducation populaire.

À l’article 7, qui rénove l’agrément solidaire, la commission a complété la liste des bénéficiaires de plein droit de l’agrément par la mention des organismes d’accueil communautaire et d’activités solidaires (OACAS), dont font notamment partie les communautés Emmaüs.

À l’article 9, relatif à la commande publique, la commission, partant du constat qu’il était nécessaire non seulement de favoriser le développement des clauses sociales mais aussi d’enrichir leur contenu et de veiller à leur réelle efficacité en termes d’insertion des publics en difficulté, a adopté un amendement visant à faire de la qualité des mesures proposées dans le cadre des clauses sociales un critère d’attribution des marchés publics ayant recours à de telles clauses.

La commission des affaires sociales n’a pas souhaité modifier les articles 11A à 12, relatifs à la reprise d’entreprises par les salariés, la rédaction issue du Sénat lui ayant paru équilibrée. Elle a, ensuite, donné un avis favorable aux articles 22, 33, 34 et 45, ainsi qu’aux articles 52 et 53.

Enfin, à l’article 49, elle a souhaité élargir les missions des éco-organismes à la prévention des déchets, secteur où les entreprises de l’ESS sont les plus actives, rejoignant ainsi une initiative également portée par le rapporteur pour avis de la commission du développement durable. Elle a également tenu à ne pas limiter le bénéfice de cet article aux seules entreprises agréées de plein droit, considérant que cette restriction était susceptible d’introduire, indirectement, une inégalité de traitement entre entreprises bénéficiant de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale » (ESUS).

M. le président François Brottes. Madame la rapporteure, vous avez employé les termes « sous réserve » : même si la commission des affaires sociales a adopté un certain nombre d’amendements, il me semble utile de préciser qu’elle a émis un avis favorable sans réserve concernant tous les articles dont elle s’était saisie.

M. Christophe Cavard, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La commission des lois s’est réunie ce matin pour examiner les trente et un articles dont elle s’était saisie, relatifs aux grands principes de l’économie sociale et solidaire, à la transmission des entreprises à leurs salariés, et au droit des coopératives et des associations.

Ce texte permet un changement d’échelle de l’ESS et le portage politique d’une véritable économie de transformation qui place l’humain et le projet collectif au cœur de l’entreprise. L’ESS participe aussi au développement de l’économie locale. Le développement des activités à fort potentiel d’innovation sociale concerne de nombreux domaines : environnement, habitat, services aux personnes et aux entreprises. Ce projet de loi permet aussi d’ancrer à nouveau « l’économie dans le réel ». N’oublions pas que le Conseil constitutionnel a récemment censuré une partie de la proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle !

Les acteurs de ce secteur ont largement montré leur dynamisme et leur capacité de mobilisation. Cela a été particulièrement vrai lors des travaux menés à l’occasion de l’examen de ce texte à l’Assemblée ou au Sénat. Nous avons pu mesurer à cette occasion les vertus de leur culture participative.

Ce projet de loi donne à l’ESS un statut cohérent et souple. Son article 1er reprend les fondamentaux des valeurs de l’ESS, modèle économique aujourd’hui alternatif qui mérite de devenir demain majoritaire dans notre pays. Cela permet à un nombre plus large d’entreprises de se reconnaître dans l’ESS. Le projet définit l’utilité sociale et l’entrepreneuriat solidaire, la place de l’ESS dans le dialogue social, la relation entre les acteurs de l’ESS et la puissance publique, notamment avec la question des marchés réservés ou celle de l’éligibilité au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) qui peut jouer au détriment de certaines entreprises de l’ESS non soumises à l’impôt sur les sociétés. La commission des lois a adopté dix amendements destinés à améliorer le projet de loi sur ces sujets. Elle a donné un avis favorable aux articles dont elle s’était saisie.

M. Régis Juanico, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Ce projet de loi, que nous examinons en présence d’Axelle Lemaire, avec une pensée pour Valérie Fourneyron, permet une reconnaissance officielle des acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS), tout en leur donnant les moyens de se développer.

Les principes de l’économie sociale et solidaire, la lucrativité limitée et la mise en réserve d’une partie des bénéfices, centrent les ressources de l’entreprise sur son projet plutôt que sur la rémunération des actionnaires ; la participation de tous à la gouvernance démocratique aide également l’entreprise à mieux définir ses objectifs et à éviter la prise de pouvoir par un petit nombre d’intérêts. Ce modèle économique se caractérise par une plus grande tempérance, une moindre impatience quant à la rentabilité à court terme et une moindre perméabilité aux convulsions des marchés financiers. Après la loi bancaire, ce texte tire les leçons de la crise de 2008 en proposant un autre modèle de développement économique et social.

L’économie sociale et solidaire est un secteur clé de l’économie française, puisqu’elle représente 10 % du PIB et près de 200 000 structures employant 2,4 millions de salariés, soit un emploi privé sur huit. Bien souvent, ces emplois sont non délocalisables et ancrés dans la vie des territoires. De surcroît, l’économie sociale et solidaire est très dynamique en termes de créations d’emploi : au cours des dix dernières années, les entreprises du secteur en ont créé 440 000, soit 23 % de hausse, contre 7 % en moyenne dans le privé. Alors que l’engagement associatif a été décrété grande cause nationale en 2014, il est également bon de rappeler que 80 % des emplois de l’ESS proviennent des associations.

Le secteur constitue aussi un gisement d’emplois pour l’avenir : selon l’étude d’impact, 100 000 emplois supplémentaires seront créés et, d’ici à 2020, près de 600 000 devront être renouvelés en raison des départs à la retraite, dans des secteurs aussi porteurs que les services à la personne, la petite enfance ou l’économie circulaire. Le financement du secteur de l’ESS sera également mieux assuré à travers l’agrément d’« entreprise solidaire d’utilité sociale », qui remplacera celui d’« entreprise solidaire ».

Les acteurs du secteur pourront s’appuyer sur trois grands leviers d’investissement : 500 millions d’euros dédiés via Bpifrance, la Banque publique d’investissement ; 100 millions d’euros dans le cadre du programme d’investissements d’avenir 2, sous la forme d’appels à projet ; 40 millions d’euros, enfin, avec le Fonds d’innovation sociale.

À ces financements spécifiques s’ajoute une mesure fiscale de soutien à la vie associative : entrée en vigueur depuis le 1er janvier 2014, elle porte l’abattement de la taxe sur les salaires des associations employeuses de 6 000 à 20 000 euros, pour un montant de plus de 300 millions d’euros. Au total, 70 % de ces associations ne paieront donc plus de taxe sur les salaires. En ce domaine, M. Blein et moi aurions même souhaité aller plus loin, dans le cadre du pacte de responsabilité, comme le proposait notre rapport sur la fiscalité du secteur privé non lucratif, remis au Premier ministre en décembre dernier.

La commission des finances s’est saisie pour avis des articles 9 à 10 bis et 34 à 48, ce qui m’a donné l’occasion d’insister sur la sécurisation juridique et financière des associations, ainsi que sur l’engagement associatif. Cet enjeu majeur fait l’objet d’un développement substantiel, notamment au titre V, à travers plusieurs amendements des commissions, en particulier celle des affaires culturelles.

La commission des finances, pour sa part, a adopté une série d’amendements relatifs à la définition de la subvention, au dispositif local d’accompagnement ou à la reconnaissance de l’engagement associatif, par exemple à travers les congés d’engagement bénévole. D’autres amendements à caractère fiscal, portant sur le relèvement des seuils de lucrativité pour les organismes à but non lucratif, seront examinés dans le cadre du prochain collectif budgétaire, conformément au principe de spécialité budgétaire des lois de finances.

Enfin, à titre personnel, je défendrai, avec le soutien d’autres rapporteurs, un amendement sur le volontariat associatif, que j’ai réécrit après l’avoir retiré en commission des finances.

M. Pierre Léautey, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. La commission des affaires culturelles a décidé, en février dernier, de se saisir pour avis de ce projet de loi dont plusieurs dispositions concernent les associations ; elle s’est également saisie du titre relatif aux fondations, qui ont parfois un rôle majeur dans les domaines de la culture, de l’éducation et de la recherche. Réunie la semaine dernière, elle a émis un avis favorable à l’adoption du projet de loi, tout en proposant un certain nombre d’amendements.

Le droit des associations n’a que peu évolué depuis la loi du 1er juillet 1901, alors que le paysage associatif, lui, s’est sensiblement transformé. Forte d’environ 1,3 million de structures, la vie associative française fait preuve d’un grand dynamisme, soutenu par l’action de 12 millions de bénévoles. Les domaines d’intervention vont croissant, comme les besoins de financement. Cependant, le monde associatif est aujourd’hui confronté, comme l’ensemble du tissu économique, à la crise des financements publics, autrefois majoritaires : leur baisse génère d’importantes difficultés de trésorerie et freine l’emploi. Plutôt que d’attribuer des subventions, les collectivités territoriales préfèrent emprunter la voie des marchés publics, juridiquement plus sûre ; cette pratique a cependant des effets pervers et limite considérablement l’autonomie et l’initiative associative. La part des financements privés, collectés auprès des usagers, tend ainsi à augmenter, ce qui pourrait avoir à terme des conséquences néfastes sur la capacité des associations à proposer leurs services à tous.

Le projet de loi répond à ces préoccupations en actionnant différents leviers, sans bouleverser l’équilibre établi par la loi de 1901. Son article 10 vise à remettre la subvention au cœur du financement associatif ; en donnant une définition légale de la subvention – mesure très attendue par les associations comme par les acteurs publics –, il met un terme à l’incertitude qui entourait l’octroi de tels financements au regard du droit de la commande publique.

Le texte tend également à faciliter le recours des associations à d’autres sources de financement, comme les émissions d’obligations, avec l’article 40, ou les dons et legs, avec l’article 43 ; quant à l’article 44, il permettra aux associations reconnues d’utilité publique d’exercer tous les droits attachés à la propriété de biens immobiliers.

Le projet de loi entend également accompagner le mouvement de restructuration qui anime le tissu associatif. La crise économique, mais également la nécessité d’une gestion plus professionnelle, poussent de plus en plus d’associations à se rapprocher, voire à fusionner. Les articles 41 et 42 encadrent ces opérations de fusion, de scission ou de cession d’activités qui s’effectuent aujourd’hui sans base légale et dans des conditions parfois hasardeuses. Je vous proposerai d’étendre cet encadrement aux opérations entre associations et fondations.

Au-delà de ces dispositions utiles, que la commission des affaires culturelles ne propose de modifier qu’à la marge, d’autres points méritent d’être relevés, qui font l’objet d’amendements de sa part. Notre commission a tout d’abord souhaité renforcer les obligations pesant sur les associations qui bénéficient de subventions importantes. Au-delà de 153 000 euros de subventions, toute association est tenue de publier ses comptes, mais cette obligation n’étant assortie d’aucune sanction, elle ne semble qu’imparfaitement respectée. Par ailleurs, la formation des dirigeants bénévoles mériterait d’être renforcée. Je propose, pour ce faire, de créer un fonds dédié, financé par le secteur lui-même, qui pourrait au besoin organiser la formation.

Les auditions que nous avons menées ont également révélé la nécessité de mettre en avant une forme peu connue de financement associatif : l’apport en fonds associatif, avec ou sans droit de reprise. Ni prêt, ni don, ce contrat permet de céder à une association une certaine somme d’argent sans contrepartie matérielle, et de la reprendre si le contrat le stipule. Pour favoriser la passation de tels contrats, la commission vous propose un amendement tendant à la création d’un fonds de garantie des apports en fonds associatifs, financé et organisé par le secteur associatif lui-même, afin d’assurer la reprise de ces fonds par ceux qui les ont apportés.

Enfin, je vous soumettrai deux amendements qui modifient sensiblement le droit de la pré-majorité associative. La participation des mineurs à la vie associative fait l’objet de débats récurrents depuis plusieurs décennies. Avant 2011, la loi de 1901 ne comportait aucune référence aux personnes mineures ; il fallait donc comprendre, dans le silence du droit, que les mineurs pouvaient également passer une convention dans les limites générales définies par le code civil. La jurisprudence avait même considéré qu’il s’agissait là d’actes usuels, que les mineurs pouvaient accomplir seuls ; toutefois, leur participation associative avait été limitée, et certaines préfectures refusaient qu’ils déposent une déclaration. La loi du 28 juillet 2011 pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels a tenté de pallier ce problème en introduisant, au sein de la loi de 1901, un article 2 bis, dont la rédaction est en réalité restrictive par rapport au droit antérieur puisqu’elle introduit un âge à partir duquel les mineurs peuvent constituer une association, et prévoit, pour ceux qui ont une tâche administrative, une autorisation parentale préalable. Afin de redonner à la loi de 1901 toute sa portée à l’égard des mineurs, la commission des affaires culturelles vous propose deux amendements : le premier tend à abroger l’article 2 bis de la loi de 1901 ; le second vise à inscrire dans le code civil les droits des mineurs en matière de vie associative – qu’il s’agisse d’adhésion, de création ou d’administration – et à régler les questions que de tels droits soulèvent quant au rôle des parents et à la capacité juridique des mineurs.

Au-delà des associations, le projet de loi comprend des dispositions relatives aux fondations et aux fonds de dotation, qui jouent un rôle non négligeable dans les domaines de la culture, de l’éducation et de la recherche.

Enfin, je défendrai plusieurs amendements tendant à introduire de nouveaux articles au sein du titre VI, relatif aux fondations. Un amendement tendant à favoriser le mécénat des petites et moyennes entreprises vous sera également soumis.

Pour conclure, je remercie le rapporteur au fond d’avoir associé les rapporteurs pour avis aux nombreuses auditions qu’il a organisées, et qui ont permis d’enrichir le texte.

M. Jean-René Marsac, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères. L’économie sociale et solidaire ayant une dimension européenne et internationale, la commission des affaires étrangères a, elle aussi, souhaité se saisir de ce texte, qu’il importe d’ailleurs d’articuler avec les travaux en cours au sein de l’Union européenne. De nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) et associations de solidarité se réclament, cela va sans dire, de l’économie sociale et solidaire, les pays pauvres y font souvent appel et l’Agence française de développement s’en inspire de plus en plus souvent. De fait, l’économie sociale et solidaire a toute sa place, au niveau international, entre les actions humanitaires et la recherche de la rentabilité par les entreprises classiques : les « rencontres du Mont-Blanc », qui réunissent régulièrement les acteurs du secteur à Chamonix, montrent qu’un développement coordonné entre le Nord et le Sud est possible. À cet égard, une nouvelle définition du « commerce équitable », que la commission des affaires étrangères vous soumettra, permettrait d’intégrer à la fois les démarches « Nord-Sud » et « Nord-Nord ».

La dimension européenne nous semble par ailleurs trop peu présente. Au moment où beaucoup de réflexions, en Europe, portent sur la notion d’« entreprise sociale », il nous paraît important d’affirmer notre manière de voir, d’autant qu’en cette matière, les cultures sont très différentes entre le Nord, le Sud et le monde anglo-saxon. Pour ce faire, nous proposons que le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire publie, tous les trois ans, un rapport sur l’économie sociale et solidaire dans sa dimension européenne, et que les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, les CRESS, tiennent également compte de cette dimension. Plus généralement, nos amendements aux articles 2, 3, 4, 21 et 50 bis tendent à intégrer la dimension internationale dans la définition de l’utilité sociale, et à faire des sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) des lieux d’élaboration économique entre opérateurs du Nord et du Sud, dans un cadre transnational.

Enfin, la saisine de notre commission se justifiait d’autant plus que ce texte s’articule étroitement avec le projet de loi relatif à la politique de développement et de solidarité internationale, présenté par M. Canfin il y a quelques semaines.

M. Philippe Noguès, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. « Produire autrement », « entreprendre autrement » et « consommer autrement » sont autant d’objectifs qui entrent en résonance directe avec le champ de compétences de la commission du développement durable, qui a limité sa saisine à seize articles, se focalisant sur la notion d’utilité sociale, sur les exigences de responsabilité sociale et environnementale des acteurs de l’ESS et sur son ancrage territorial.

Nous nous félicitons que l’utilité sociale soit placée au cœur de la définition de l’ESS et qu’elle inclue le développement durable. L’article 2 précise ainsi que les entreprises qui concourent au développement durable sont considérées comme d’utilité sociale, sous réserve, toutefois, que leur activité intègre également un objectif social ou de maintien et de renforcement de la cohésion territoriale.

Au-delà de cet effort de redéfinition et de clarification du périmètre, le projet de loi vise à mieux articuler les politiques territoriales avec l’économie sociale et solidaire. Parce qu’elle participe de la promotion d’un modèle de développement qui crée des emplois non délocalisables et produit du lien social, l’économie sociale et solidaire contribue, à son échelle, au développement des territoires ; aussi est-ce tout naturellement que la commission du développement durable s’est prononcée en faveur du texte. En son nom, je vous proposerai une série d’amendements visant notamment à compléter les nouvelles exigences en matière d’achats responsables par une prise en compte du développement durable, à améliorer les conditions de mise en œuvre des exigences de responsabilité sociale et environnementale par les acteurs historiques du secteur, et à mieux articuler les politiques territoriales et sectorielles, tant dans la définition des premières que dans l’organisation des secondes, à travers le cas spécifique de la gestion des déchets.

Ce projet de loi a fait l’objet de nombreuses concertations préalables, ce dont tous nos interlocuteurs n’ont pas manqué de se féliciter, soulignant que cela avait permis de trouver un équilibre avec les orientations du Gouvernement, même si les parlementaires ont aussi, bien entendu, joué tout leur rôle pour trouver des améliorations.

M. le président François Brottes. La qualité et le foisonnement des idées que nous venons d’entendre montrent tout l’intérêt des approches thématiques. Ce travail pourra avoir valeur d’exemple.

M. le rapporteur. Je salue moi aussi la qualité de ces interventions. Elles sont au fond à l’image de l’économie sociale et solidaire, dont le périmètre, défini par les statuts des entreprises, s’étend à de multiples secteurs, de la pêche et de l’agriculture jusqu’à l’assurance mutuelle ou, à travers le monde associatif, l’éducation, la culture, la solidarité, la santé et le développement durable. L’élargissement de la base statutaire, tel qu’il figure dans le texte, traduit d’ailleurs la logique inclusive qui était défendue par Benoît Hamon.

Comme le suggère l’intervention de Philippe Noguès, l’économie sociale et solidaire s’inspire directement des principes de développement durable, si ce n’est pas l’inverse. Je remercie également Jean-René Marsac d’avoir rappelé, car on ne le fait jamais assez, la dimension et le poids de l’économie sociale et solidaire dans l’économie mondiale. C’est vrai, par exemple et entre autres, en Italie et en Espagne, où la corporation Mondragon, propriétaire de Fagor-Brandt – dont l’avenir a fait l’objet d’une question au Gouvernement cet après-midi –, est le premier employeur du pays, avec des filiales sur toute la planète, notamment en Europe.

Mme la secrétaire d’État. Je veux à mon tour saluer le travail remarquable du rapporteur au fond et des rapporteurs pour avis. C’est la première fois, dans l’histoire de l’Assemblée nationale, que six commissions sont saisies pour avis : cela montre l’engouement suscité par le sujet dont nous débattons. Nous sommes nombreux, d’ailleurs, à être passés du monde associatif au monde politique. Vous avez eu raison, monsieur Blein, de rappeler l’histoire de l’économie sociale et solidaire, qui, bien qu’elle n’ait qu’une trentaine d’années, existait déjà au Moyen Âge sous d’autres formes, par exemple à travers des coopératives de production de fromage.

Je me réjouis aussi de l’atmosphère à la fois studieuse et chaleureuse qui règne au sein de votre commission, sous la présidence de M. Brottes. Mes propos sur le commerce équitable Nord-Nord ont, semble-t-il, suscité quelques réticences ; mais l’idée d’un commerce durable ne remet évidemment pas en cause la légitimité du commerce Nord-Sud. Il faut avoir une vision ouverte aux formes alternatives, qui jusqu’à présent n’étaient pas incluses dans l’économie sociale et solidaire, comme l’a rappelé M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable.

Le Gouvernement est également sensible à l’aspect territorial de l’ESS. M. Cavard l’a rappelé, le débat a été particulièrement animé au Sénat sur ce point, et devrait l’être aussi à l’Assemblée. L’ESS, au demeurant, s’articule aussi bien au niveau local qu’au niveau européen et international, comme l’a souligné M. Marsac ; avec ce projet de loi, le Gouvernement entend combler le retard du droit sur les pratiques du terrain, notamment associatives, depuis au moins vingt ans.

La fiscalité du secteur privé non lucratif, monsieur Juanico, retient toute l’attention du Gouvernement, et les préconisations du rapport que vous lui avez consacré sont examinées en ce moment même. Cependant, en vertu du principe de spécialité législative, il ne sera pas possible de les inclure dans le présent texte. Cela dit, Bercy est conscient de la distorsion de concurrence créée par le CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dont sont exclues des entreprises innovantes sur le plan social et des entreprises œuvrant dans l’ESS. Je compte d’ailleurs sur votre vigilance pour nous rappeler à l’ordre, si nos réponses en ce domaine ne vous semblent pas satisfaisantes.

S’agissant des associations, le travail conjoint des rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles et de la commission des finances a permis des propositions innovantes, qui permettront de consolider le modèle entrepreneurial non lucratif, et d’inclure le monde associatif dans toute sa diversité. Parmi les 1,3 million d’associations en France, 180 000 œuvrent dans l’ESS, au sens où la définit ce texte.

Enfin, Mme la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales a analysé les aspects socialement innovants, qu’il s’agisse des coopératives d’activité et d’emploi ou du droit à l’information préalable, dispositions qui s’adressent aux structures de l’ESS en général, mais aussi, plus spécifiquement, aux salariés.

Quant au développement durable, de nombreux amendements devraient permettre de l’intégrer davantage dans le projet de loi.

M. le président François Brottes. La parole est à présent aux porte-parole des groupes.

M. Damien Abad. L’ESS ouvre de nombreuses perspectives pour notre économie et la vitalité de nos territoires, et constitue une formidable source de création d’emplois et d’entreprises. Le secteur emploie déjà plus de 2 millions de personnes en France et près de 10 % des salariés, principalement dans les domaines de l’action sociale, de la finance, de l’assurance, de l’enseignement et de la santé. Le groupe UMP est donc lui aussi attaché à ce projet de loi, les principes de l’économie sociale et solidaire n’étant pas l’apanage de la gauche.

Ce texte ne va pas révolutionner l’activité économique même s’il apporte plusieurs réponses adaptées. Si sa triple ambition est la clarification, l’assouplissement et l’institutionnalisation, il ajoute néanmoins des contraintes administratives et alourdit les dépenses publiques. On peut s’interroger sur l’utilité du conseil supérieur de la coopération, sur le développement du conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, ou sur le coût et la pertinence de la conférence régionale de l’économie sociale et solidaire qui devra se réunir tous les deux ans.

Nos critiques portent sur la détermination du champ de l’économie sociale et solidaire, prévue à l’article 1er, et sur les conditions d’obtention de l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale », prévues à l’article 7.

Le dispositif, restrictif, écarte la plupart des sociétés commerciales. Votre définition de l’économie sociale et solidaire est beaucoup plus stricte que celle souhaitée par de nombreux acteurs. Si l’on reprend la définition de l’entrepreunariat social proposée fin 2011 par la Commission européenne, l’essentiel des entreprises du secteur de l’aide à la personne ou celles liées à l’environnement n’en sont pas d’emblée exclues. C’est pourquoi nous vous proposerons un amendement visant à permettre aux entreprises de services à la personne de bénéficier de la qualité d’entreprise de l’économie sociale et solidaire et des droits qui s’y attachent.

Les acteurs de ce secteur, en conjuguant objectifs d’utilité sociale et efficacité économique, s’inscrivent en effet naturellement et pleinement dans le périmètre de l’économie sociale et solidaire. Mieux encore, ce secteur constitue un réservoir d’emploi et de croissance : ses effectifs salariaux ont progressé de 16 % en 2011. Il présente ainsi une offre en pleine croissance mais qui ne saurait couvrir totalement l’augmentation de la demande. Il convient donc de saisir l’occasion qui nous est offerte pour stimuler cette offre.

Nos critiques portent également sur l’information anticipée des salariés, abordée déjà lors de l’examen par cette commission de la proposition de loi visant à reconquérir l’économie réelle, dite « loi Florange ». Nous craignons que ces dispositions, pleines de bonnes intentions, ne se révèlent contre-productives.

Nous avons enfin des réserves quant à la consécration législative du conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire ou encore sur un certain nombre de procédures administratives qui alourdissent le processus.

C’est donc dans un esprit constructif et bienveillant que nous abordons l’examen de ce texte et nous espérons que le Gouvernement et la majorité écouteront nos doléances pour qu’il soit à la hauteur de nos espérances et remplisse la triple ambition déjà évoquée.

M. Jean Grellier. Au nom du groupe SRC, je salue le travail réalisé par Benoît Hamon, fais part de toute ma sympathie à Valérie Fourneyron en lui souhaitant un prompt rétablissement et présente tous mes vœux de réussite à Axelle Lemaire. Je remercie enfin les différents rapporteurs pour avis pour leur travail sous l’égide d’Yves Blein.

Le texte rappelle l’importance de l’économie sociale et solidaire dans l’économie nationale mais aussi et surtout son potentiel de développement dans les différents secteurs d’avenir que sont la transition écologique et énergétique, les services aux personnes – en particulier la « silver economy » –, ou l’économie numérique.

Cette loi-cadre permet une meilleure reconnaissance de ce secteur. Il convient à ce stade de saluer le travail mené par le groupe d’études présidé par Jean-René Marsac et Francis Vercamer, qui se réunit régulièrement pour entendre l’ensemble des acteurs concernés.

Les articles 1er et 2 précisent les éléments structurants de l’économie sociale et solidaire, qu’il s’agisse de gouvernance démocratique, d’affectation des résultats ou de la notion nouvelle d’inclusion qui permet de dépasser le cadre classique des associations, des coopératives et des mutuelles, pour englober les entreprises commerciales conventionnelles qui, si elles intègrent les valeurs précisées à l’article 7, peuvent recevoir l’agrément « entreprise solidaire d’utilité sociale ».

Le texte organise la représentativité du secteur à travers la création du conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire – qui n’empêche pas le maintien du conseil supérieur de la coopération – et la création aussi bien des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire, que des pôles territoriaux de coopération économique qui peuvent contribuer à la mise en place de réseaux de développement sur l’ensemble du territoire.

Le projet de loi permet de sensibiliser les salariés à la reprise d’une entreprise en améliorant leur information au moment de sa cession ou de sa transmission, dans un environnement que l’on peut désormais considérer comme apaisé.

On mentionnera le nouveau statut des SCOP d’amorçage, l’évolution du statut des coopératives d’activité et d’emploi mais aussi de celui des sociétés coopératives d’intérêt collectif.

L’extension de la révision coopérative à tous les statuts coopératifs permettra de vérifier le respect des principes de gouvernance mais aussi des règles d’affectation des résultats aux réserves obligatoires, les capacités d’investissement, ainsi que les modalités d’information des associés ou des sociétaires.

Le principe de coassurance permettra de répondre plus facilement à l’évolution du secteur des mutuelles.

Des précisions sont également apportées dans le domaine associatif sur le statut de la subvention publique, de même que dans le domaine de la commande publique, en particulier pour les entreprises d’insertion par l’économie.

Les valeurs portées par les coopératives, les mutuelles et les associations n’ont sans doute jamais été aussi modernes. Il convient donc de populariser les statuts de ces structures et d’améliorer la formation de leurs acteurs. Les députés du groupe SRC s’engagent avec enthousiasme dans ce débat et proposeront des amendements dont certains sont le fruit de débats locaux.

M. André Chassaigne. Les députés du Front de gauche se réjouissent d’examiner un texte consacré à l’économie sociale et solidaire. À l'inverse des idéologues du marché qui font de l’entreprise capitaliste privée un modèle unique, nous souhaitons encourager la diversité des formes de propriété. C’est un des outils dont nous devons nous saisir fortement à l’heure où la politique néolibérale échoue sur tous les fronts.

Pour répondre aux failles structurelles du capitalisme et pour créer de l’emploi, il est nécessaire d’encourager des formes décentralisées de propriété sociale et de systématiser le recours aux modes d’organisation propres à l’économie sociale et solidaire.

D’ores et déjà, ce secteur est dynamique. Il concentre 13 % du PIB, 2,3 millions de salariés et 10 % de la masse salariale globale.

Le présent texte a pour objectifs de développer, ouvrir et sécuriser juridiquement tous les organismes considérés aujourd’hui comme appartenant à ce secteur : coopératives, mutuelles, fondations, associations. C’est pourquoi nous en abordons l’examen d’un œil favorable.

Je tiens toutefois à vous faire part d’inquiétudes. Ainsi, certains acteurs craignent un dévoiement ou une dilution des financements de l’économie sociale et solidaire : les entreprises – SA ou SARL – qui souhaiteront s’inscrire dans les valeurs de ce secteur redéfni pourront être qualifiées « d’entreprises de l’économie sociale et solidaire ». Aussi ne faudrait-il pas céder sur les principes essentiels. Nous demanderons donc des conditions plus strictes pour les entreprises qui voudront faire partie de l’économie sociale et solidaire et bénéficier de ses financements, notamment via la Banque publique d’investissement. D’où l’importance de bien définir les normes sociales qui décident de l’appartenance au secteur.

Par ailleurs, nous regrettons vivement de ne pas trouver dans le texte un véritable droit de rachat prioritaire à offre égale pour les salariés, qui leur permettrait de reprendre leur entreprise sous forme de coopérative. C’était pourtant un engagement du candidat Hollande, confirmé à de multiples reprises par le précédent ministre chargé de l’économie sociale et solidaire. Le 2 mars 2012, François Hollande s’était en effet engagé, devant la grande majorité des responsables de l’économie sociale et solidaire, à « faciliter la transmission ou la reprise d’entreprises par les salariés en instituant un droit de préférence de rachat à égalité d’offre au bénéfice des salariés ». Or, ce droit, dans le présent texte, devient un simple droit à l’information préalable. Allons-nous accepter de troquer le droit de reprise avec un simple droit d’information qui risque de ne pas avoir d’effet, et qui ne changerait rien aux cessions d’entreprises – au nombre de 60 000 par an –, dont certaines provoquent fermetures d’usines et licenciements ?

Même s’ils souhaitent, comme vous, encourager le plus vivement possible l’accroissement de l’économie sociale et solidaire, les députés du Front de gauche et, parmi eux, les communistes, entendent muscler cet important projet et empêcher les dérives autant que possible. Travaillons ensemble dans cette direction, comme ce fut le cas au Sénat où le texte – modifié par sept amendements communistes – a été adopté par tous les groupes de la gauche.

Mme Michèle Bonneton. Pour la première fois, l’économie sociale et solidaire est inscrite et définie dans un projet de loi dont tous les acteurs auditionnés reconnaissent la qualité. Les écologistes promeuvent ce secteur depuis des dizaines d’années et en ont démontré toute la vitalité. Il s’agit d’un type de développement économique à part entière et pas seulement d’une économie de la réparation.

La définition inclusive proposée aux articles 1er et 2 vise à intégrer dans l’économie sociale et solidaire un champ large d’activités et de modes de fonctionnement. Toutefois, le texte fixe des limites assez précises, et indispensables pour éviter une trop grande dilution. Sont ainsi reconnus comme s’inscrivant dans le cadre de l’ESS les acteurs historiques – associations, coopératives, mutuelles, fondations – mais aussi les entreprises sociales qui auront fait le choix de s’appliquer à elles-mêmes les principes fondateurs du secteur et qui se seront déclarées comme telles.

Les financeurs publics et privés pourront orienter vers ces entreprises des outils de financement adaptés et ainsi amplifier les investissements dans ce secteur. Nous proposons plusieurs amendements à l’article 1er pour renforcer l’idée que l’ESS est plus qu’un simple mode de fonctionnement, mais qu’elle est aussi un mode de développement économique qui vise d’autres objectifs que le profit.

À l’article 2, nous proposerons un amendement précisant que la recherche de l’utilité sociale par une entreprise doit être conforme à la définition de l’ESS donnée à l’article 1er.

Un autre amendement prévoit que l’utilité environnementale soit un critère à part entière qui permette de définir l’utilité sociale d’une entreprise.

Le texte renforce les compétences des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire. Par un amendement, nous rappelons toutefois que les CRESS ne doivent pas mettre en danger les structures existantes comme les agences régionales ou les différents réseaux qui fonctionnent très bien.

En ce qui concerne l’emploi, l’économie sociale et solidaire renferme un fort potentiel à faire fructifier. L’ESS compte déjà 2,4 millions de salariés, soit un emploi non public sur huit, au sein de 200 000 structures. Ces dix dernières années, le secteur a créé quelque 25 % d’emplois nouveaux contre 7 % pour l’économie traditionnelle. D’ici à 2020, ce sont 600 000 emplois qui pourraient être renouvelés en raison des départs à la retraite. L’ESS est présente dans des secteurs en forte croissance comme l’économie collaborative et numérique, les services à la personne, l’aide à domicile, les éco-activités, la transition énergétique.

Le texte redonne du pouvoir aux salariés en facilitant la reprise d’entreprises. Ainsi, les chefs d’entreprise qui souhaiteront céder leurs sociétés devront désormais en informer leurs salariés deux mois auparavant – nous demandons que ce délai soit porté à quatre mois. Cette mesure permettra aussi aux chefs d’entreprise de transmettre leur bien.

Nous avons déposé un amendement visant à renforcer la représentation des salariés non-coopérateurs au sein des instances décisionnelles des coopératives.

Le projet de loi entend redonner du souffle aux SCOP avec pour objectif de créer 40 000 emplois en cinq ans par la création de SCOP d’amorçage, au statut transitoire grâce auquel, durant une période de sept ans, les salariés pourront monter progressivement en puissance au sein du capital de leur entreprise, et par le développement des coopératives d’activité et d’emploi (CAE) qui permettent à des porteurs de projets d’entreprise de créer leur activité en tant qu’entrepreneurs-salariés. Aujourd’hui, 92 CAE accueillent 5 000 entrepreneurs-salariés. Le texte vise à créer 60 % d’emplois nouveaux dans les CAE chaque année.

Les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) devraient se multiplier. Il s’agit de structures rassemblant des entreprises de l’ESS et des entreprises commerciales ainsi que des collectivités locales, des centres de recherche et des organismes de formation. Dans le cadre d’un pôle, les acteurs mettent en œuvre une stratégie de mutualisation, contribuant ainsi à redynamiser le territoire dans lequel ils sont implantés en y créant de l’activité et des emplois non-délocalisables.

Le texte propose de donner à un comité interministériel la compétence d’attribuer le titre de PTCE à telle ou telle structure ou projet. Ce mouvement de concentration administrative nous apparaît contraire aux besoins. Aussi proposons-nous que la décision d’attribuer le titre de PTCE se fasse au niveau régional et que des PTCE non-labellisés puissent continuer leur activité. Nous avons déposé plusieurs amendements en ce sens parmi les quelque soixante-dix que nous présenterons au total.

Ce projet de loi permettra de développer l’ESS pour créer de l’activité économique et des emplois. Son application, une fois voté, montrera que le modèle économique de l’ESS permet d’allier performance économique et utilité sociale.

M. Joël Giraud. Ce texte est à la fois un aboutissement et un commencement. L’aboutissement d’une longue histoire dont tous les acteurs de l’économie sociale et solidaire peuvent être fiers, la reconnaissance d’un mouvement social et économique original, et le commencement d’une autre étape attendue par les responsables politiques que nous sommes, celui du changement d’échelle. Je le dis d’autant plus volontiers que je suis élu dans un département où le pourcentage d’emplois issus de l’ESS est le plus élevé de France – l’enclavement crée souvent la nécessité de l’autodéveloppement, lui-même souvent parfaitement compatible avec l’ESS.

Je salue le double objectif de ce texte ambitieux. L’économie sociale et solidaire, ce sont des acteurs aux origines, aux visages, aux ambitions, aux activités, aux âges, aux statuts multiples et singuliers. L’exercice de définition n’était pas simple, mais il était nécessaire et nous le trouvons plutôt réussi.

Le Gouvernement a retenu une définition inclusive de l’économie sociale et solidaire. Aux côtés des acteurs historiques de l’ESS – mutuelles, associations, coopératives – les entreprises commerciales dotées d’un mode de gouvernance démocratique, poursuivant une utilité sociale et y affectant une majorité de leurs bénéfices rentreront désormais dans le champ de l’ESS. Cet « agrément solidaire » rénové permettra aux acteurs d’accéder à des avantages fiscaux, aux ressources de l’épargne salariale solidaire, aux 500 millions d’euros promis à l’ESS par la BPI.

C’est à la fois un sésame pour des entreprises soucieuses de leur utilité sociale et une chance pour le développement du secteur. L’élargissement de l’ESS doit être encadré comme il se doit et accompagné pour que les exigences démocratiques et sociales restent au cœur du projet de développement de ces entreprises.

Nous proposerons des amendements afin que ces nouveaux acteurs soient vraiment porteurs des valeurs de l’ESS, des valeurs historiques et résolument modernes, et pour que cet agrément « économie sociale et solidaire » ne puisse être usurpé. Nous sommes très satisfaits dans l’ensemble de la logique qui sous-tend ce travail de définition. Il était plus que temps de reconnaître ce tiers secteur qui, malgré son âge avancé et ses perspectives prometteuses, n’avait pas de définition.

Au-delà du texte, qui ne pourra pas tout, il nous faut continuer à apporter à ce secteur, si présent dans nos quotidiens, la reconnaissance qu’il mérite.

En ce qui concerne le changement d’échelle, le texte propose des mesures structurantes. Il confère un cadre juridique simple et protecteur qui doit faciliter l’accès aux financements. L’encadrement de la subvention, la réactivation des titres associatifs sont d’excellentes mesures. Ces outils sont déterminants pour la pérennisation et le développement du mouvement associatif. Nous présenterons un amendement pour préciser et sécuriser le dispositif, notamment en cas de fusion d’associations.

On peut regretter que le texte soit moins abouti pour les associations qu’il ne l’est pour le mouvement coopératif mais il faut le considérer comme une étape essentielle, un socle sur lequel nous pourrons nous appuyer pour consolider plus tard le dispositif.

L’approche « catégorielle » était nécessaire mais n’est pas suffisante : nous regrettons que l’approche transversale ne soit pas plus développée.

La transmission des entreprises dans le secteur coopératif est un problème préoccupant. Il convient de mieux préparer l’éventuelle cession de l’entreprise avec le concours des salariés. Nous avons pu aider à réaliser dans le passé de telles opérations mais j’attends aussi beaucoup de ce projet de loi quant au droit d’information et à l’accompagnement des salariés dans les reprises et transmissions. Les trois quarts des entreprises reprises par des salariés existent toujours cinq ans après la cession. Nos collègues sénateurs du groupe RDSE ont pu consolider le texte sur ce point et nous veillerons à ce que leurs apports soient maintenus. Nous défendrons des amendements précis. Il faut tout faire pour que des entreprises en bonne santé ne ferment plus faute de repreneurs. Il faut tout faire pour préparer et accompagner les salariés dans une démarche de reprise.

Conscient des avancées réelles que représente le projet de loi non seulement pour l’économie sociale et solidaire, mais aussi pour l’économie et l’emploi en général, pour le développement des territoires, pour une économie non-délocalisable, parfois au-delà de nos frontières – les acteurs de l’économie sociale sont des acteurs de la solidarité internationale et de la coopération décentralisée –, le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, tout en espérant le succès de ses amendements visant à sécuriser et enrichir le texte, apportera à celui-ci un soutien enthousiaste.

M. le président François Brottes. Je propose que Mme la ministre et M. le rapporteur répondent au début de la réunion de 21 heures 30.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 15 avril 2014 à 16 h 15

Présents. - M. Damien Abad, Mme Ericka Bareigts, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, M. François Brottes, M. André Chassaigne, M. Dino Cinieri, Mme Fanny Dombre Coste, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Daniel Fasquelle, M. Joël Giraud, Mme Pascale Got, M. Jean Grellier, M. Philippe Kemel, Mme Laure de La Raudière, M. Jean-Luc Laurent, Mme Annick Le Loch, Mme Annick Lepetit, Mme Audrey Linkenheld, Mme Frédérique Massat, M. Yannick Moreau, M. Hervé Pellois, M. Dominique Potier, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, M. Éric Straumann, M. Lionel Tardy, Mme Catherine Troallic, M. Fabrice Verdier

Excusés. - Mme Anne Grommerch, Mme Marie-Lou Marcel, M. Philippe Armand Martin, M. Jean-Charles Taugourdeau

Assistaient également à la réunion. - Mme Fanélie Carrey-Conte, M. Christophe Cavard, M. Régis Juanico, M. François-Michel Lambert, M. Pierre Léautey, M. Jean-René Marsac, M. Philippe Noguès, M. Philippe Vigier