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Commission des affaires économiques

Mardi 3 juin 2014

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 86

Présidence de M. François Brottes Président

– Table ronde nouvelles formes de vente : e-commerce, drive, vente à distance avec la participation de M. Bernard Haurie, directeur de la stratégie de La Poste, M. Pascal Damien, directeur opérationnel d’Auchan drive, M. François Momboisse, président de la Fédération de l’e-commerce et de la vente à distance (FEVAD), M. Xavier Court, cofondateur de vente privée.com et M. Denis Terrien, président du Groupe 3SI

La commission a organisé une table ronde sur les nouvelles formes de vente : e-commerce, drive, vente à distance avec la participation de M. Bernard Haurie, directeur de la stratégie de La Poste, M. Pascal Damien, directeur opérationnel d’Auchan drive, M. François Momboisse, président de la Fédération de l’e-commerce et de la vente à distance (FEVAD), M. Xavier Court, cofondateur de vente-privée.com et M. Denis Terrien, président du Groupe 3SI.

M. François Brottes, Président. Je présente tout d’abord mes excuses à nos invités pour le retard du début de cette audition en raison d’une procédure de vote dans l’hémicycle. J’accueille donc M. Bernard Haurie qui est directeur de la stratégie de La Poste, M. Xavier Court, cofondateur avec Jacques-Antoine Granjon de vente privée.com, qui est le deuxième plus gros chiffre d’affaires du e-commerce en France, M. François Momboisse, président de la Fédération de l’e-commerce et de la vente à distance qui regroupe quasiment tous les acteurs du secteur, M. Denis Terrien, président du Groupe 3SI qui détient une dizaine d’enseignes dans l’e-commerce dont la plus connue est les « 3 Suisses » implantée dans le nord de la France et qui est le premier opérateur privé de services au e-commerce en France avec plus de 3 500 e-commerçants clients, et enfin M. Pascal Damien qui est directeur opérationnel d’Auchan drive, enseigne qui a été pionnière en ce domaine.

Le sujet de cette table ronde est particulièrement vaste ce qui explique que tous les acteurs ne sont pas présents aujourd’hui ; j’avais notamment invité Amazon qui n’était pas disponible à cette date. Il sera donc nécessaire de réaliser une autre table ronde avec cette entreprise, la DGCCRF et l’ARCEP pour la distribution des colis. L’idée de cette audition est de s’interroger sur les nouveaux modes de vente qui sont apparus au cours de la décennie, sur le risque de voir un jour les villes désertées par les commerçants, sur l’importance prise par la vente à distance et en particulier l’e-commerce ainsi que les drives dans ce nouveau paysage commercial qui représente plusieurs dizaines de milliards d’euros car ils modifient le mode de vie de nos concitoyens, à moins que ce ne soient les consommateurs qui changent leur mode de consommation !

Il s’agit en tout état de cause d’un fait qui déplace le débat traditionnel entre, d’une part, les grandes surfaces implantées en périphérie et, d’autre part, les petits commerces de proximité en centre-ville, sans oublier les marchés et les commerçants non sédentaires. Il n’est pas possible aujourd’hui d’ignorer la place importante prise par les différentes modalités de vente à distance qui présentent, sur des sujets comme la fiscalité, le service ou le choix, des problématiques souvent différentes du commerce traditionnel. Ces nouveaux acteurs ne sont pas homogènes, certains sont mixtes et mélangent vente en magasin et à distance alors que d’autres sont très spécialisés sur l’e-commerce.

Le Parlement a discuté il y a quelques mois du projet de loi relatif à la consommation présenté par M. Benoît Hamon dont certaines dispositions en matière de vente à distance vont entrer en vigueur le 13 juin prochain. Il en va ainsi de l’augmentation du délai de rétractation de l’acheteur, le délai de remboursement ramené à 14 jours, la garantie qui passe de 6 à 24 mois et qui engage aussi bien les fabricants que les distributeurs, le démarchage téléphonique et l’accentuation des pouvoirs de la DGCCRF en matière de sanctions administratives.

Vous ne faites pas tous le même métier, certains sont d’ailleurs complémentaires comme la distribution de colis qui constitue un secteur particulièrement dynamique pour La Poste alors que le courrier décroit. Ces métiers peuvent évoluer ou converger et celui qui stocke et vend peut également être le logisticien et le distributeur. Nous sommes donc au cœur de ces évolutions rapides et le législateur qui recherche naturellement la garantie pour le consommateur doit prendre en compte ces nouveaux modèles et les réguler au mieux dans l’intérêt général. La loi étant souvent en décalage par rapport aux pratiques il n’est pas exclu que nous ayons à revenir sur ces sujets que nous venons pourtant de réglementer.

M. François Momboisse, président de la Fédération de l’e-commerce et de la vente à distance (FEVAD). Je vais tout d’abord vous présenter un court bilan chiffré du e-commerce aujourd’hui. J’aborderai ensuite les tendances actuelles, les dispositions de la loi relative à la consommation et ce en quoi le commerce va changer.

Le e-commerce marche bien en France comme d’ailleurs partout dans le monde ; l’an dernier le chiffre d’affaires s’est élevé à plus de 50 milliards d’euros, en croissance de 13 %, et le premier trimestre 2014 connaît une nouvelle croissance de 11 %. Cette croissance est liée à l’augmentation annuelle du volume d’acheteurs qui est de 3 % qui est pourtant en perte de vitesse en raison de la saturation de l’équipement en internet alors que la France ne se place que dixième en Europe sur ce plan avec 78 %, bien loin des taux des pays de l’Europe du nord. En revanche, les Français connectés achètent en ligne à hauteur de 80 % ce qui témoigne d’une confiance forte contrairement à ce que l’on peut observer dans de nombreux pays du sud de l’Europe.

Il s’agit d’un secteur créateur d’emplois, il existe 140 000 sites marchands avec un rythme de création très élevé de 17 % et tout un écosystème d’entreprises qui travaillent en lien avec ces sites. Nous avons d’ailleurs un champion à l’échelon mondial, Criteo, qui intervient dans le secteur du ciblage publicitaire personnalisé sur internet. En termes d’emplois nous serons à hauteur de 100 000 emplois à la fin de l’année 2014, c’est un secteur qui embauche et qui recherche notamment des logisticiens, des informaticiens et des techniciens du marketing du Web avec parfois des difficultés à trouver des personnels qualifiés.

Il est possible de distinguer trois étapes dans l’e-commerce : dans un premier temps il a vendu la même chose que les magasins, ensuite la technologie a permis d’évoluer comme par exemple avec la dématérialisation de la musique ou de la réservation d’hôtels.

M. François Brottes, Président. C’est d’ailleurs un sujet d’actualité puisque le ministre de l’économie vient d’assigner en justice la société Booking.com.

M. François Momboisse. Il n’est pas le seul puisque les autorités de la concurrence de six pays européens ont également engagé des actions similaires. Je souhaite insister également sur le développement du C to C ou commerce collaboratif notamment parmi les jeunes, c’est le cas pour le covoiturage avec Blablacar, pour la location d’appartements avec Airbnb et la revente d’objets sur Ebay. Il s’agit d’une tendance de fond dans tous les pays européens qui est également liée à la situation du pouvoir d’achat. Beaucoup de nouveautés vont sans doute apparaître rapidement car le secteur est en pleine expansion.

En ce qui concerne la loi relative à la consommation il n’y a pas de réelles surprises puisqu’il s’agit de la transposition d’une directive européenne. Il y a certes de nouvelles obligations pour les marchands qui doivent être mises en œuvre particulièrement en matière d’informations précontractuelles. La question la plus complexe concerne l’extension de garantie car le rapport de force entre un site marchand français et un grand fabricant américain est assez déséquilibré et le site s’engage donc sur une garantie sans avoir la certitude de pouvoir se retourner vers le fabricant en cas de problème. Cela dit, la loi va globalement dans le bon sens. Il en va ainsi pour les pouvoirs de la DGCCRF car nous avions notamment proposé qu’elle puisse intervenir lorsqu’un site continue à enregistrer des commandes alors qu’il n’est plus en capacité de fournir la marchandise, comme cela avait été le cas de la CAMIF. Notre seule réserve porte sur le choix du juge administratif pour statuer en la matière en lieu et place du juge commercial.

Pour l’avenir je pense que le commerce va globalement souffrir, les États-Unis prévoient la fermeture de 15 % des centres commerciaux d’ici 10 ans et le ministère du commerce anglais a également publié un rapport assez alarmiste sur ce sujet. En France, la situation apparaît moins critique mais Virgin librairie a dû fermer, les librairies Chapitre connaissent des difficultés. Or il faut se souvenir que le secteur du livre a été le premier concerné par l’e-commerce. Il convient donc d’y être attentif et de ne pas multiplier les ouvertures de centres commerciaux surtout que de tels projets courent sur une décennie. Il y a sans doute un excédent de surfaces de vente de ce type.

En conclusion, je pense qu’il est nécessaire d’accompagner cette croissance du e-commerce qui correspond à une nouvelle attente des consommateurs qui souhaitent acheter quand ils veulent et où ils veulent et, de plus en plus souvent, avec leur smartphone, tout en régulant la croissance du commerce en dur.

M. le président François Brottes. M. Terrien, votre société relève historiquement de la vente à distance et suit les évolutions de ce secteur. Par ailleurs, je signale que vous êtes à l’origine d’une opération qui obtient un succès d’estime relatif, puisque vous avez invité les députés à rencontrer des entreprises. Pour l’instant, huit ou neuf vous ont répondu.

M. Denis Terrien, président du groupe 3SI. Nous en sommes à trente aujourd’hui.

M. le président François Brottes. Comment se passe cette reconversion, ou plutôt cette concurrence nouvelle ? Vous étiez deux ou trois acteurs sur ce marché il y a une vingtaine d’années.

M. Denis Terrien. Le groupe 3SI, anciennement 3 Suisses, c’est une histoire humaine qui a plus de 80 ans, et qui a connu plusieurs mutations successives. Aujourd’hui, un emploi sur quinze dans l’e-commerce est dans notre groupe, sur un total de 100 000. Nous sommes un groupe leader de l’e-commerce en France, en Belgique et en Espagne, mais aussi dans le domaine des services, qui permettent le back-office. Comment y sommes-nous arrivés ? Historiquement, nous sommes passés de la laine aux magasins, puis à la vente par correspondance, à la vente à distance et aujourd’hui à l’e-commerce.

En matière d’e-commerce, notre activité comprend deux parties : les sites d’e-commerce, comme 3 Suisses, qui ont connu des mutations très profondes et très structurantes, ce qui est particulièrement impactant sur l’emploi dans la société et la formation ; et les services aux e-commerçants, qui connaissent une croissance soutenue de plus de 10 % par an. Sur ce volet, nous sommes le premier opérateur privé : plus de 3 500 e-commerçants nous font confiance. Nous avons la chance et l’honneur de travailler avec les e-commerçants assis à cette table.

La Poste n’est en effet pas la seule entreprise qui fournit des services aux e-commerçants. Nous sommes le plus grand concurrent de La Poste pour livrer des colis, dans nos points Mondial Relay par exemple, qui créent de l’activité en centre-ville. Une fois qu’une personne a commandé sur un site, elle peut aller dans un point Mondial Relay et trouver son produit. Ces points sont généralement tenus par de petits commerçants qui sont très heureux de cet apport de trafic. Nous jouons ainsi un rôle social d’animation des centres-villes.

Deuxièmement, nous sommes aussi dans la logistique. Nous avons créé le plus grand centre de traitement de commandes en France. On entend beaucoup parler des sites qui ont été créés par Amazon avec l’aide du Gouvernement. J’ai trouvé cela surprenant car nous avons pour notre part investi sur nos fonds propres.

Cette mutation vers l’e-commerce et les services est engagée depuis 4 ans. Nous avons investi plus de 100 millions d’euros en logistique sur nos fonds propres et plus de 100 millions d’euros en informatique, sur nos fonds propres également. Sur la formation, qui est très importante pour accompagner les personnes qui sont confrontées à ces mutations, 100 000 jours-homme de formation sur trois ans ont été dégagés pour 7 000 personnes. Chaque employée de notre groupe a été formée plus d’une semaine par an depuis trois ans. Nous travaillons beaucoup sur la formation, et aimerions former encore plus, mais nous sommes limités par les moyens.

Pourquoi ce changement ? Et pourquoi les actionnaires ont-ils remis de l’argent au pot, comme l’on dit ? J’ai d’ailleurs bloqué les dividendes pendant 3 ans pour permettre ces investissements. Tout d’abord pour donner un avenir à notre entreprise. Nous avons la chance d’avoir une entreprise qui vit depuis plus de 80 ans, qui a une expérience humaine, sur un projet partagé. Il était de notre responsabilité d’accompagner nos employés dans cette mutation. Deuxièmement, pour maintenir l’emploi dans le Nord. Je ne suis pas ch’ti : j’ai été adopté par le Nord. Dans la région, 20 à 30 % des emplois sont dans ce secteur ; c’est une terre très fertile de l’e-commerce. Ensuite, pour ne pas se laisser dépasser par les concurrents étrangers, il est important que la France développe des acteurs puissants dans l’e-commerce. Nous avons parlé de Criteo, et venteprivee.com est également un bon exemple. Ce sont des acteurs européens mondialement connus, mais ils sont trop peu nombreux. Si l’on regarde quels sont, aujourd’hui, les premiers e-commerçants en France, le premier, Amazon, n’est pas français ; Priceminister, qui est une perle française, a été rachetée par le japonais Rakuten ; le groupe 3SI a été racheté par le groupe allemand Otto. Le marché de l’e-commerce n’est plus français ; il est européen, si ce n’est mondial. On ferait une erreur en croyant que le marché domestique suffit.

Quelle est notre vision de l’e-commerce dans le groupe ? Premièrement, nous faisons le constat de l’explosion de l’e-commerce. Le secteur représente 140 000 sites, qui ont créé 20 000 nouveaux emplois chaque année. En revanche, une étude que nous avons menée a montré que si les vingt premiers sites en France gagnaient 100 millions d’euros il y a trois ans, ils ont perdu 100 millions d’euros l’an dernier. Il faut donc faire attention à maintenir l’emploi.

Deuxièmement, ces mutations sont-elles voulues ou subies ? Nous pensons que nous n’avons pas le choix car des forces très puissantes s’exercent avec la mondialisation. Des acteurs internationaux viennent en France, et le marché de l’e-commerce est mondial. Si nous ne développons pas des sociétés françaises d’e-commerce, eux le feront à notre place et contre nous. De plus, les évolutions technologiques sont extrêmement rapides. Monsieur le président, vous disiez que la loi est souvent en décalage par rapport aux évolutions technologiques. Aujourd’hui, on ne se rend pas compte de ce que ces évolutions engendrent.

Troisièmement, il y a un changement dans les aspirations des consommateurs.

Ces trois événements forcent la croissance de l’e-commerce, qu’on le veuille ou pas. L’e-commerce est devant nous : nous ne venons de terminer que le premier chapitre du livre de l’e-commerce.

Par ailleurs, chez les grands de l’e-commerce dans le monde, un équilibre apparaît entre l’e-commerce et les services. Monsieur le président, vous souleviez la question de savoir si les e-commerçants vont également développer des services. Aujourd’hui, les grands ont développé à la fois des activités de commerce et de services : Amazon avec Amazon Web Services, eBay, avec GSI qui s’est rebaptisé ebay Services, Rakuten, qui, après avoir racheté en France Priceminister, a racheté ADS, qui fait de la logistique, et notre groupe, qui est présent en commerce et en services.

Enfin, les textes législatifs ne peuvent suivre les changements très rapides qui interviennent dans le commerce. Il est vraiment important que vous, qui êtes au cœur de ces problématiques, puissiez connaître au mieux ces évolutions. On voit comment Uber a mis en difficulté les taxis et les VPC en France, alors que cette société n’existait pas sur notre territoire il y a seulement 2 ans ! Voici une profession qui, en deux ans, est en train d’être balayée. Il est donc important que nous puissions venir témoigner devant vous de ces évolutions.

En troisième lieu, l’enjeu humain. Je peux en parler personnellement, ayant connu une mutation très grande dans notre groupe. Il y a vingt ans, l’employé moyen dans notre groupe pouvait passer vingt ans dans le groupe à répondre au téléphone ou remplir sur un ordinateur des fiches qui étaient envoyées par courrier. Aujourd’hui, cette personne a dû changer de rôle. Il y a donc un enjeu humain très fort. On parle de ces enjeux humains devant des catastrophes, et il est vrai que certains groupes ont connu des difficultés. D’autres groupes essayent de les accompagner : c’est notre engagement.

M. le président François Brottes. M. Xavier Court est cofondateur, avec M. Granjon, de venteprivee.com, qui est le deuxième plus gros chiffre d’affaires de l’e-commerce en France après la SNCF, et se classe neuvième en termes de consultations. Cela prouve qu’il n’est pas nécessaire d’être en tête des consultations pour bien vendre !

Par ailleurs, je vous informe que Mme Carole Delga est désormais secrétaire d’État chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire, compte tenu des difficultés de santé de Mme Valérie Fourneyron pour qui nous avons une pensée amicale et de soutien.

M. Xavier Court, cofondateur de vente-privee.com. Je voudrais apporter une correction : nous sommes en effet neuvièmes en termes de consultations mais le classement que vous citez est basé sur le nombre de visiteurs uniques par mois, ce qui n’est pas pertinent quand on parle d’e-commerce. Je pense qu’il n’y a plus de différence entre le commerce et l’e-commerce. Tout comme les magasins qui ont des sites, nous ne comptons pas nos consommateurs s’ils ne viennent qu’une fois par mois. Mais s’ils viennent cinq fois par mois, nous les comptons cinq fois, bien évidemment. Dans ce classement-là, nous sommes deuxièmes derrière Amazon, sans compter eBay.

Tout comme les 3 Suisses, vente-privee.com a connu une mutation. C’est une entreprise que Jacques-Antoine Granjon a créée il y a vingt-huit ans. Je l’ai rejointe il y a dix-huit ans. Notre métier était d’écouler les fins de séries des marques, ce qui est un très vieux métier : on rachetait les stocks des marques et on les revendait à des revendeurs, qu’on appelle plus communément des solderies. Cela allait de Gifi à La Foir’Fouille en passant par Tati et bien d’autres.

M. le président François Brottes. Mais pas comme Marques Avenue ?

M. Xavier Court. Marques Avenue est un concept un peu différent où les marques elles-mêmes créent leurs propres magasins de déstockage. De ce vieux métier, très ancien et classique, nous sommes devenus, grâce au digital, le leader mondial du déstockage en moins de douze ans, puisque venteprivee.com c’est aujourd’hui 1,6 milliard d’euros de chiffre d’affaires, et surtout 2 500 collaborateurs présents à 95 % en France, avec un peu plus de 600 recrutements l’an dernier et 500 l’année précédente. C’est une société qui recrute énormément et qui est présente aujourd’hui dans huit pays européens : en France d’abord, mais également en Espagne, en Italie, en Allemagne, en Angleterre, en Autriche, aux Pays-Bas, en Belgique –et aux États-Unis. Mais nos collaborateurs sont quasi intégralement en France ! C’est l’un des avantages du digital : on peut tout faire à partir de la France, y compris payer ses impôts et ses charges sociales, ce qui est le cas pour venteprivee.com, puisque sur 2 800 collaborateurs, seuls 130 ne sont pas en France. C’est pourquoi il faut soutenir les champions français du digital et les aider à se développer.

Ensuite, je pense que le digital et l’e-commerce en particulier sont une chance exceptionnelle. Je suis un pure player : je ne fais que de l’e-commerce. Et je pense très sincèrement que je ne représente pas l’avenir. Je pense que l’e-commerce « pure player », présent uniquement sur Internet, n’existera plus à terme. Je suis prêt à parier aujourd’hui qu’Amazon ouvrira des magasins. Cdiscount, qui est un immense champion français, est présent dans les rayons des supermarchés Casino, et a déjà des magasins. Vous disiez que vous avez peur d’une ville sans commerces. Je vous rejoins complètement : j’ai un fils qui a 16 ans, et il n’a pas envie d’une ville sans commerces. Il ne se pose pas la question entre commerce et e-commerce. Pour lui, ce sont juste des questions de moment.

Je pense donc que le « pur commerce », c’est-à-dire le magasin non connecté, est totalement mort aussi. Je me prendrai en exemple : je ne supporte plus aujourd’hui d’avoir pris ma voiture ou le métro, d’arriver dans un magasin, de demander une chemise blanche à carreaux en taille 42 et m’entendre répondre que cet article n’est pas disponible dans le magasin. Par contre, le petit magasin dans le sud de la France, ou dans le village de mes parents, à 30 km de Saint-Etienne, ne pourrait-il pas me la vendre ? La Poste fait extrêmement bien son travail. Elle livre en 24 heures ou 48 heures, même plus vite parfois. Il faut reproduire le modèle de Desigual, marque espagnole qui a tout compris : ils ont des magasins, et ils ont intégré le Net comme une brique de plus. Quand vous allez acheter un produit dans un magasin Desigual, ils ont une collection de 6 000 références tous les six mois, et ils les ont toutes dans leurs magasins. Vous allez me dire que c’est impossible. Mais ils y arrivent parce qu’ils n’ont pas de stocks. Ils fonctionnent en 80/20 : Pour les 20 % de références qui se vendent bien, ils ont toutes les tailles et toutes les couleurs. Pour les 80 % qui se vendent moins bien, ils ont une taille par couleur. Vous l’essayez, mais vous ne pouvez pas partir avec. Par contre, la vendeuse - qui reprend alors un vrai métier de vendeur, qui a été oublié, comme les métiers de télévendeurs, alors que ce sont des métiers extrêmement importants -, prend votre commande sur son iPad et vous serez livré ensuite.

Pourquoi le petit magasin de Rivas, qui est multimarques, ne pourrait-il pas faire la même chose ? Toutes les marques ou presque ont aujourd’hui un site internet. Pourquoi me pousser à aller sur le site internet de la marque ? Pourquoi le vendeur, que je trouve sympathique, qui me connaît et me conseille, n’aurait-il pas un iPad, me commanderait la taille qu’il n’a pas et me la ferait livrer chez moi ? Il fait son métier et la marque doit évidemment lui donner une commission.

En ce moment, nous travaillons par exemple avec une grande librairie dans le Sud de la France. Elle livre désormais la France entière ! Je peux aussi vous citer le cas d’un monsieur à Saint-Dizier qui construit des fonds de cheminée et des porte-bûches. Ça pèse extrêmement lourd. Ma femme qui en avait besoin est allée au Bazar de l’hôtel de ville (BHV) et s’est entendue répondre : « Débrouilliez-vous, portez-le ». Elle a préféré faire une recherche sur internet et est tombée sur ce monsieur qui a réalisé un site extrêmement simple. Je pense qu’il ne lui a pas coûté 1 000 euros. Elle l’a commandé depuis Paris. Avant le digital, la zone de chalandise de ce monsieur n’était que Saint-Dizier et peut-être 30 kilomètres autour. Aujourd’hui, c’est le monde entier. C’est pour ça que je crois énormément au e-commerce et au commerce connecté.

M. le président François Brottes. Au sujet des statistiques on m’informe que l’on parle de création de trafic quand on consulte, et une fois que le site est consulté, s’il y a un achat, à ce moment-là on parle de transformation des visites en achats. Tout ça est du jargon de marketing.

M.  Xavier Court, cofondateur de vente-privée.com. Non mais c’est comme dans la ville réelle : comme quand vous entrez dans un magasin et que vous n’achetez pas, vous êtes juste un visiteur. Et quand vous achetez, vous transformez.

M. le président François Brottes. Justement, sur cette transformation, La Poste s’en sort-elle bien en tant que prestataire de ces nouveaux opérateurs ? Vous êtes un des maillons indispensables. Votre réactivité a été saluée. Est-ce pour vous un chiffre d’affaires qui s’accroît ? Y a-t-il des exigences nouvelles pour ce métier ? Il est important que vous nous disiez s’il s’agit pour vous d’un relais de croissance ou pas.

M. Bernard Haurie, directeur de la stratégie de La Poste. Le groupe La Poste est au service de la vente à distance depuis longtemps. Nous accompagnons aujourd’hui le e-commerce non seulement en France mais aussi à l’étranger car le e-commerce se développe également de manière transfrontalière. C’est d’ailleurs mal connu, mais La Poste est un opérateur de colis qui livre dans le monde entier. Aujourd’hui, nous livrons plus d’un milliard de colis par an. La Poste est le quatrième opérateur de livraison de colis dans le monde et le premier en Europe.

Nous avons constamment essayé d’innover, d’abord au niveau de la livraison. C’est là que les demandes sont fortes en termes de services à valeur ajoutée et de délais. Le chiffre d’affaires de ce secteur d’activité s’élève aujourd’hui à près de six milliards d’euros. Il est en croissance de 7 % par an en Europe et de 5 % en France. La Poste a beaucoup innové pour essayer de suivre les besoins de nos clients. L’idée est de limiter les cas frustrants où le colis est livré en votre absence. Nous avons, pour cela, développé des points relais. Nous avons fait du capital-risque en investissant dans un réseau qui s’appelle Kiala. Nous avons nous-mêmes racheté un réseau avec Pickup Services. Nous avons aujourd’hui 7 700 points relais en plus des 17 000 points de contact que La Poste possède sur le territoire. On peut donc se faire livrer dans beaucoup d’endroits. Nous aurons bientôt 14 000 points de relais en Europe pour livrer les particuliers. Nous avons des consignes également. Bref, La Poste a envie d’être le partenaire privilégié pour les livraisons à domicile des particuliers et des entreprises et ce, dans toute l’Europe, dans les années qui viennent.

Je voudrais ensuite revenir sur ce qui a été dit précédemment sur les études. Bien sûr des études aux États-Unis montrent que les grands centres commerciaux, comme Wallmart, vont commencer à fermer. Mais la réalité c’est que, dans le même temps, les commerces de centre-ville renaissent. Je suis, sur ce point, tout à faire d’accord avec M. Xavier Court au sujet de l’avenir des petits commerces connectés qui feront livrer à domicile. Au passage, je vous signale, qu’avec son groupe, La Poste représente 72 % des livraisons à domicile.

Par ailleurs, je tiens à vous rappeler que nous sommes la seule poste dans le monde à avoir réussi à conserver une telle part de marché dans la livraison de colis à domicile. Même les Allemands, qui sont très connus avec DHL, font beaucoup moins en matière de livraison à domicile. Nous avons réussi à conserver un niveau de service qui est relativement apprécié.

Premier point donc : les centres-villes, à mon avis, avec le commerce connecté, vont renaître. Nous allons, par conséquent, nous organiser pour pouvoir aider les commerces de proximité à livrer leurs clients. Nous irons par étape, en commençant par les grandes villes, avec l’idée est d’être un véritable partenaire des commerçants de proximité.

Second point : après avoir fait des efforts importants pour les grands e-commerçants, avec So colissimo par exemple, nous en faisons désormais beaucoup pour les petits e-boutiques en ligne à des prix d’abonnement très peu chers, de l’ordre de 40 € par mois. C’est grâce à ces offres que nous avons réussi à faire venir beaucoup de petites entreprises sur l’e-commerce.

Nous sommes donc prêts à jouer toutes les cartes pour essayer d’aider tout le monde à développer son activité en e-commerce. Nous sommes présents sur toute la chaîne et plus particulièrement sur notre métier d’origine, à savoir la livraison.

M. le président François Brottes. J’ai juste une question. De mémoire, lorsque nous avons transposé la dernière directive postale, sur la question des colis nous avons autorisé ceux qui vendent à être aussi opérateurs de distribution de colis. C’est une faculté qui leur est laissée. L’ARCEP peut les agréer. Pensez-vous que c’est une formule qui peut se développer ? Ou pensez-vous que le métier de « logisticien » est un métier à part ?

M. Bernard Haurie, directeur de la stratégie de La Poste. C’est une question importante que l’on regarde activement, notamment sur le marché nord-américain, parce qu’on voit qu’Amazon, par exemple, a développé des centres en proximité des grandes villes et peut potentiellement développer des solutions de livraison. Je pense objectivement que la concurrence est intéressante car elle fait évoluer. Sur ce cas particulier, cela va nous amener à réfléchir, lorsqu’il y aura des magasins en proximité de nos centres de traitement, à des offres régionales pour pouvoir livrer plus vite. Ça nous a amenés à envisager de travailler avec des partenaires, si c’est nécessaire, en proximité des villes. Cela nous conduit aussi à revoir nos formes de livraison en essayant peut-être de passer à des livraisons sur rendez-vous. Vous savez que les Belges testent aujourd’hui la livraison sur rendez-vous. Tout ça va nous inciter à faire évoluer nos organisations et c’est plutôt une chance pour nous.

M. le président François Brottes. Dernier intervenant de la table ronde : M. Pascal Damien, directeur opérationnel d’Auchan. Vous pouvez nous parler de la vente à distance mais surtout du drive, ces magasins sans fenêtres qui ressemblent à des stations-service. Ce n’est pas d’une gaité formidable mais c’est apparemment très utile. Pardon de faire un peu dans la caricature mais à peine.

M. Pascal Damien, directeur opérationnel d’Auchan drive. J’ai la lourde tâche de remplacer M. Vianney Mulliez, président du conseil de surveillance du groupe Auchan. Mon métier est essentiellement celui du drive. A ce titre, je concours activement à la stratégie « cross canal » du groupe Auchan, un groupe familial qui a aujourd’hui plus de 50 ans, possède 130 hypermarchés et emploie 50 000 salariés à travers la France. Auchan a basé tout son savoir-faire sur l’hypermarché et l’a exporté à l’international. Aujourd’hui cette société est en pleine mutation « cross canal » avec trois grands pavés : Auchan.fr, qui œuvre dans la distribution d’équipements non alimentaires, Auchan direct, pour la livraison à domicile de produits alimentaires et enfin Auchan drive que je connais mieux. Ce dernier a connu un essor fulgurant sur les dernières années. Beau ou pas beau, cela peut se discuter monsieur le président. En tous les cas nous avons fait beaucoup d’efforts et je serais ravi de vous en faire visiter.

J’ai un peu envie de vous raconter l’histoire du drive rapidement car cette histoire est un peu folle. Je n’ai pas connu la création d’Auchan, il y a 50 ans, mais les anciens m’en ont beaucoup parlé et ça a été un grand moment d’euphorie et de bonheur, partagé avec les clients des hypermarchés. Le drive, qui est un peu une création d’Auchan dans les années 2000, a connu un début un peu mou. Puis en 2004, nous avons décidé de mettre le drive sur le web et l’engouement a été total. Le besoin a été immédiatement ressenti. Pourtant, nous étions en 2004 et l’utilisation du web n’était pas aussi spontanée à l’époque. Toute la portabilité, avec les tablettes ou les smartphones, n’existait pas encore.

C’est cela aussi qui va faire la révolution de l’e-commerce et du commerce de demain, il ne faut pas l’oublier : c’est la portabilité qui va nous changer la vie. C’est la façon de commercer et d’acheter qui va changer. Avec le drive, nous avons apporté une vraie solution aux clients. Vous ne pouvez pas imaginer le bonheur que nous avons donné à nos clients, souvent clients historiques des hypermarchés, en leur simplifiant la vie.

Jamais je n’opposerai l’hypermarché au e-commerce. Le drive n’est pas l’ « anti-hypermarché ». De toute façon, le drive ne peut pas vivre seul. Seulement 1 % des clients drive se déclarent « mono-solution », c’est-à-dire que le drive est leur seul et unique moyen de faire des courses. Personnellement, je les plains ! Nos offres aujourd’hui représentent 8 000 à 10 000 références basiques alimentaires. Le drive ne peut pas se substituer demain à l’ensemble des formats de distribution

Il y a une explosion extraordinaire du marché puisqu’alors que le drive n’existait pas en 2004, nous sommes aujourd’hui – j’ai pris le dernier chiffre disponible puisque vous savez qu’Olivier Dauvers assure un décompte quotidien des drives – à 2 497 drives toutes enseignes confondues. Derrière le mot « drive » se cachent plusieurs modèles différents puisqu’il y a les drives solos standards avec des entrepôts dédiés, des entrepôts attenants, il y a du « store picking ». Je souhaite dire que nous avons vécu une époque formidable car nous avons redonné du plaisir aux gens et à nos clients.

Pour conclure et pour rebondir sur un certain nombre de propos qui ont été dits, nous ne sommes plus dans le don, nous sommes vraiment dans le domaine de la dette. Aujourd’hui, le drive est attendu. Il est attendu dans les grandes métropoles, dans les petites villes et les villes moyennes ; il est attendu par les clients et par les habitants, parce qu’ils y ont trouvé un véritable intérêt, une nouvelle façon de vivre. Cela leur rend du temps, leur donne du temps pour faire toute autre chose. Pour conclure, je dirai qu’il y a 50 ans, la règle était « no parking, no business », il est clair aujourd’hui pour Auchan que la règle est « no connect, no business ».

Mme Corinne Erhel. On l’a souvent dit, le numérique bouleverse tous les secteurs d’activité et le secteur de la distribution et du commerce est un des secteurs les plus concernés. Mais il s’agit d’un impact positif. Vous l’avez tous dit, il y a une nécessité absolue d’anticiper, de s’adapter, parce que c’est un mouvement qui est irrémédiable. Cela correspond à une évolution des comportements des clients et c’est en quelque sorte le client qui décide et qui fait le service. Effectivement, ce ne peut être mono-service, il peut être multiple mais, il y a absolument nécessité, en tout cas de mon point de vue, de s’adapter.

Parmi les points clés sur lesquels j’aurais aimé vous interroger, je commence par la logistique, qui est un des points centraux de réussite du développement du e-commerce sous toutes ses formes. Avez-vous des points particuliers à faire remonter, des fragilités, notamment en France, sur ce secteur-là ? On voit bien en effet si on regarde le site le plus connu, Amazon, ou si l’on regarde également vente privée.com, que la logistique est un des points clés de la réussite. J’aimerais donc vous entendre davantage sur ce sujet-là.

D’autre part, vous l’avez dit également, il est nécessaire d’assurer une complémentarité pour le commerce entre magasins physiques et présence digitale. Or, on s’aperçoit en France que, paradoxalement, le taux de pénétration du numérique est assez faible dans les PME et dans le commerce en général. Selon vous, quelles seraient les préconisations pour accélérer ce mouvement d’appropriation de la technologie, d’appropriation de la présence sur le web, qui est un point absolument essentiel afin que le commerce de proximité notamment, et le commerce sous toutes ses formes, continuent à se développer ?

Ma troisième question concerne l’enjeu humain, puisque ces changements supposent bien évidemment une adaptation des compétences et une évolution des fonctions. Comment s’y préparer ? Je vais me retourner vers Auchan. On sait très bien qu’il y a une évolution des fonctions de désintermédiation avec une question sur des métiers plus classiques, par exemple les caissières. Quel devenir ? Comment vous y préparez-vous ? Comment adapter les compétences ? Comment adapter les fonctions aux nouveaux supports ?

Enfin, quelles sont, selon vous, chacun dans vos modèles et dans vos entreprises respectives, les évolutions de rupture qui vont surgir et vont peut-être amplifier ou perturber vos propres modèles ?

M. le président François Brottes. Merci. Je vous explique la règle du jeu. J’ai beaucoup de demandes de questions, je vais donner la parole à tout le monde : trois minutes pour les représentants des groupes, puis les collègues pour une minute. Vous répondrez globalement donc je vous demande de noter les questions qui vous concernent, celles auxquelles vous avez envie de répondre en tout cas, parce que les autres je ne pourrai pas vous obliger à y répondre.

Mme Laure de La Raudière. Merci de vos témoignages à tous sur le développement du e-commerce et sur les nouvelles façons d’acheter et de vendre. Vous l’avez dit, l’Internet et le fait d’être connecté en permanence change l’offre de commerce et change aussi le choix des consommateurs. On voit bien que la transformation numérique des commerçants de proximité est un enjeu majeur. Avez-vous des préconisations à nous faire ? Ma boulangerie n’est pas sur Internet. Pour autant, en tant que consommateur, un dimanche, j’ai eu besoin de commander des choses à ma boulangerie. J’aurai bien aimé pouvoir le faire, avoir le choix et le faire à ma boulangerie de proximité parce que je connais la qualité de ses produits. C’est là que j’ai envie de consommer. Je pense que je ne suis pas la seule dans ce cas-là. Comment agir auprès des commerces de proximité ? Qui doit le faire ? Quels organismes pouvons-nous avoir ? Comment démultiplier les actions ? Quelles sont les idées pour mettre en œuvre véritablement la transformation numérique des commerçants ?

Ma deuxième question s’adresse plutôt à Auchan : comment les drives vont-ils pouvoir lutter contre l’arrivée d’Amazon Fresh ? Aucun d’entre vous n’a réellement parlé de distorsion de concurrence, de fiscalité…

M. le président François Brottes. Du prix du livre,…

Mme Laure de La Raudière. Pourriez-vous nous en dire un mot ?

Vous nous avez aussi peu parlé d’innovation dans la façon d’acheter. Nous avons beaucoup entendu parler avec Corinne Erhel du changement de la fonction de magasin de proximité. Vous en avez un petit peu parlé M. Xavier Court. Cependant, nous n’avons pas du tout parlé du mode de règlement d’achat directement en ligne : on sait bien que l’un des freins pour aller acheter dans un magasin est l’attente à la caisse.

Mme Jeanine Dubié. J’aurai trois questions. L’une porte sur l’offre touristique soumise aux mutations du secteur. En effet, c’est un secteur qui a été largement impacté par la démocratisation d’Internet. Les nouvelles technologies ont bouleversé les modes de consommation des produits touristiques mais elles ont aussi modifié la chaîne de valeur du secteur en favorisant le positionnement de nouveaux acteurs intermédiaires. Ma question s’adressera plus particulièrement à M. Xavier Court puisque, sur le site vente privée.com, on trouve beaucoup d’offres en matière de voyages. Comment protéger l’hôtellerie indépendante face à la politique tarifaire imposée par la commercialisation par Internet ? Comment uniformiser les règles auxquelles les différents acteurs sont soumis pour éviter certaines formes de concurrence déloyale ? Le ministre de l’économie et du redressement productif a engagé le 28 mai dernier une action en justice contre le site de vente de voyages en ligne booking.com afin de mettre fin aux déséquilibres…

M. le président François Brottes. Pas seulement ce site-là !

Mme Jeanine Dubié. Oui pas seulement, en effet. Cette action en justice a été engagée afin de mettre fin aux déséquilibres dans les relations entre les centrales de réservation et les établissements hôteliers. Comment percevez-vous l’intervention de Bercy sur ce dossier ? Comment, de votre point de vue, permettre aux hôteliers, de s’adapter à ce changement de mode de consommation en matière de séjours de vacances ?

Ma deuxième question portera sur l’essor du paiement sur mobile et sera dans le prolongement du questionnement de Laure de La Raudière. Il est vrai que le paiement mobile gagne des parts de marchés à une vitesse impressionnante. Selon le bilan des ventes sur Internet pour le premier trimestre 2014, les ventes sur l’Internet mobile, tablettes et smartphones, enregistrent une hausse de 76 %. Quelle est votre analyse sur cet essor du paiement sur mobile ? Est-il en passe de devenir un véritable canal de vente pour les commerçants ? En même temps, cette généralisation pose la question de l’utilisation des données personnelles et de leur protection. L’achat sur le mobile est-il aussi sécurisé qu’un achat sur l’ordinateur ? Au niveau mondial, le secteur de la distribution figure parmi les 3 premiers secteurs d’activité qui sont victimes des cybercriminels. Enfin, comment s’assurer que le site mobile sur lequel les consommateurs effectuent une transaction est bien protégé ?

Ma dernière question porte sur la taxe Google. Face aux pratiques d’optimisation fiscale dont de nombreux géants de l’Internet sont devenus coutumiers, la France s’était prononcée en faveur de la mise en place au niveau européen d’une taxe spécifique aux entreprises numériques. Le 28 mai dernier, le groupe d’experts de haut niveau nommé pour réfléchir à une éventuelle révision du régime fiscal des entreprises a rendu ses conclusions et a écarté l’hypothèse de cette taxe spécifique pour les entreprises du secteur numérique. Quel est votre point de vue sur cette proposition de mettre en place cette taxe spécifique et comment interprétez-vous les conclusions du groupe d’experts de haut niveau européen ?

Mme Catherine Troallic. Ma question porte sur une crainte partagée par de nombreux élus et dont vous êtes évidemment bien conscients : la crainte de voir définitivement les parts de marché du secteur de vente en ligne progresser au détriment de nos commerces de proximité. Pourtant, chacun a et doit avoir sa place sur le marché. Le secteur du e-commerce bénéficie d’une croissance, cela ne fait aucun doute, et les avantages de l’e-commerce sont indéniables : gestion du budget et gain de temps notamment. Avec la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, nous venons d’adopter des mesures en faveur de la préservation de la diversité de nos commerces qui vivent une période difficile et qui doivent par ailleurs faire face au défi de l’e-commerce. Comment imaginer aujourd’hui une vente en ligne qui ne se fasse plus au détriment de la vente en boutique ?

À l’avenir, et je rejoins le cofondateur de venteprivée.com sur ce sujet, il faudra davantage rendre complémentaires ces formes de vente et de consommation, ces différentes pratiques. Certes, il faut développer des acteurs forts au niveau national face à des acteurs étrangers de l’e-commerce, mais il est indispensable que cela ne se fasse pas au détriment de nos commerces car il est évidemment question de l’emploi. Aussi, pourriez-vous nous en dire plus sur les nouvelles stratégies dites web to store par lesquelles le développement de la vente à distance s’allie avec le commerce physique, notamment le retrait en magasin et les showrooms ? Cela a d’ailleurs été évoqué. Quel bilan pouvez-vous faire à ce stade de la nouvelle stratégie du multicanal qui permet de trouver une synergie entre ces différentes formes de vente ?

Mme Marie-Noëlle Battistel. Le commerce électronique connaît une progression considérable, indéniable, ces dernières années. Qu’il s’agisse du prix, de la diversité de l’offre ou du service annexé, l’e-commerce est plus attractif que jamais. Vous le disiez M. Damien, le développement des smartphones et tablettes autorise un accès à Internet facile qui permet d’acheter en ligne depuis n’importe quel endroit, ou presque car, il demeure malheureusement des secteurs, notamment en montagne, où l’accès est difficile. Il permet d’acheter à n’importe quelle heure également, il est possible de se fournir d’à peu près tout.

Je souhaiterais poser une question sur un secteur plus spécifique, les sites de vente entre particuliers, qui sont de plus en plus fréquentés. On y vend de tout, des locations saisonnières comme des denrées alimentaires ou des contrefaçons. De fausses annonces se développent et de véritables arnaques se mettent en place à travers ces sites.

J’aurai plusieurs questions à ce propos. Quelle est la responsabilité de l’hébergeur dans ces cas de figure ? Qui contrôle ces sites ? Certains vendeurs ou revendeurs parviennent à vivre de ces ventes sans payer de taxe.

Comment se prémunir contre les attaques électroniques, en particulier pour le paiement ? Nous connaissons tous autour de nous des personnes qui se sont fait piéger ; la France est-elle aujourd’hui suffisamment armée dans ce domaine ?

Mme Frédérique Massat. J’aurai deux questions. L’une porte sur les conséquences de la loi Hamon, notamment sur les délais de rétractation. Vous l’avez dit, effectivement, c’est la transposition d’une directive qui a déjà figuré dans un texte avorté de 2011, un projet de loi qui était porté par le Ministre Lefebvre et qui a été repris dans le texte ; il s’agit juste de son application.

Je souhaitais néanmoins savoir quelles sont les conséquences du passage de ce délai de rétractation de sept à quatorze jours sur votre activité, en termes de frais supplémentaires notamment. Y a-t-il eu des assurances en plus à mettre en œuvre, dans le transport… Est-ce qu’il y a eu un changement par rapport à vos marges ?

La deuxième question porte sur une récente étude qui met en avant le fait que le développement du e-commerce ne contribue pas au redressement du déficit commercial français, et qui montre que les sites de e-commerce français sont moins utilisés par les acheteurs étrangers. Avez-vous des pistes de réflexion par rapport à cela ? Que comptez-vous faire, le cas échéant, pour que le taux de pénétration à l’étranger soit plus important ?

M. Joël Giraud. Parallèlement au fait de développer des nouvelles manières de vendre et d’acheter via Internet, on voit émerger dans nos territoires, surtout dans les territoires ruraux d’ailleurs, ce qu’on appelle les « circuits courts ». En quoi le e-commerce peut-il s’adapter à cette demande nouvelle ? À travers l’exemple de certains sites de particulier à particulier comme Le Bon Coin, il est possible de voir que le e-commerce peut aussi favoriser les liens de proximité. Comment faire en sorte que le développement de l’e-commerce se fasse également au service de ces liens commerciaux de proximité ?

M. Fabrice Verdier. Lors d’une rencontre avec Jean-Paul Bailly au cours de laquelle nous avions évoqué le rapport qu’il faisait sur le travail du dimanche, il avait parlé de l’impact que constituait le e-commerce et l’évolution nécessaire pour notre commerce dit « traditionnel », vous l’avez largement abordé. Il parlait d’un partenariat que venait de passer Amazon avec La Poste américaine – dont les postiers travaillent beaucoup moins que les nôtres puisqu’ils travaillent cinq jours sur sept. Amazon venait de passer un contrat « sept sur sept » par lequel la poste s’engageait à livrer sept jours sur sept, l’objectif d’Amazon étant de livrer le produit commandé à « J+12 », non pas « douze jours » mais « douze heures ».

Ma question est simple, avez-vous ce type de projet en France ? Pensez-vous que ce mouvement est irréversible et que le consommateur, plus impatient, voudra avoir le produit quasiment au moment où il le commande, dans les limites physiques que comporte ce type de dispositif ?

M. le président François Brottes. M. Verdier, rapporteur de la loi Pinel.

Mme Marie-Hélène Fabre. Messieurs, alors que deux tiers des français vivent en zone urbaine, seulement 15 à 16 % des commerçants en ligne habitent dans les villes de 100 000 habitants, et 53 % habitent dans des agglomérations de moins de 10 000 habitants. Les nouvelles formes de commerce qui se développent pourraient effectivement être un instrument fantastique de revitalisation de nos territoires.

Tout ce dynamisme économique ne pourrait se développer sans améliorer les réseaux de distribution, c’est pourquoi M. Haurie, directeur de La Poste, je voudrais connaître la manière dont vous envisagez ces mutations et le développement de ces nouvelles formes de commerce. Quel tissu de distribution comptez-vous mettre en place afin de soutenir cette croissance future, et quelle est surtout votre position par rapport à la concurrence ?

J’aurai une deuxième question concernant les emplois. Vous avez été nombreux à aborder tout à l’heure la question des emplois et de la création d’emplois, certains d’entre vous ont par ailleurs parlé de la formation de reclassement des personnels. Je voudrais savoir si vous avez effectivement des courbes donnant des informations sur les types d’emploi, les contrats employés, ainsi que les fluctuations d’emploi sur une année.

M. Frédéric Roig. Dans cette loi sur l’artisanat, le commerce et les TPE, nous avons essayé de redonner ses lettres de noblesse à la qualité d’artisan et nous avons traité beaucoup de questions en rapport avec l’urbanisme commercial. Nous nous sommes rendu compte qu’il y avait là un secteur en pleine mutation du fait des questions qui ont été évoquées sur le e-commerce, sur les ventes à distance et sur les commerces en centre-ville ou en périphérie.

Je rejoins en grande partie certains orateurs sur le fait que nous avons vu avec certaines enseignes de la fédération pour l’urbanisme et le développement du commerce spécialisé (PROCOS) que les commerces aujourd’hui s’adaptaient effectivement et avaient tous un site internet.

Derrière le e-commerce, ce sont des entreprises, et dans ma circonscription un certain nombre de petites entreprises ou de fournisseurs de produits agricoles notamment, qui fournissent des produits à des prestataires qui les re-commercialisent via le e-commerce et par le commerce de proximité. Ainsi, dans un souci également de développement économique, est-on capable aujourd’hui d’avoir des statistiques au sein des politiques publiques qui nous permettraient de mesurer cela ? On parle souvent du « e-» commerce, mais ce terme renvoie également au commerce de proximité, c’est pourquoi je souhaiterais savoir si vous avez des chiffres assez précis en termes d’emploi.

Mme Audrey Linkenheld. Je voudrais commencer par un petit mot sur les drives si vous le permettez, pour rappeler que la loi ALUR essaie de réguler leur installation qui jusque-là n’était soumise, le cas échéant, qu’à une demande de permis de construire. Cette installation sera soumise demain également à autorisation d’exploitation commerciale, ce qui devrait faciliter les questions liées à l’aménagement du territoire, mais aussi à l’esthétique et ne plus soumettre l’e-merchandising à cette seule question d’urbanisme, mais bien à une question d’urbanisme commercial. Dans ce cadre nous pouvons espérer que l’installation des drives se fasse plutôt de manière complémentaire à celle du commerce de proximité.

J’ai pu auditionner un certain nombre d’acteurs et constater que l’installation d’un drive peut aussi entraîner l’installation de commerces de proximité, parce que ce que l’on vient acheter chez vous se complète à ce qu’on achète à la boulangerie, chez le caviste qui eux sont des commerces de proximité.

Je crois me souvenir aussi qu’en matière de produits frais, comme le drive doit être assez réactif, on favorise aussi souvent les circuits courts et l’approvisionnement plutôt par des producteurs locaux, autant que possible, ce qui est plutôt une bonne chose.

Ma question porte sur l’ensemble de vos métiers. Vous avez beaucoup parlé de vos mutations économiques et commerciales ; un certain nombre de mes collègues ont abordé la manière dont vous vous adaptez en matière de politique RH, je sais que certains d’entre vous investissent beaucoup sur la formation, mais nous savons aussi que tout ceci ne s’est néanmoins pas déroulé sans casse sociale. Nous avons tous à l’esprit l’exemple de La Redoute, il y a aussi un plan social en cours chez 3SI avec 198 suppressions de postes.

Ainsi, cela ne se fait pas sans difficulté, mais cela se fait ; y compris avec des politiques de formation. J’aurais voulu que vous nous disiez comment vous vous y prenez pour que les salariés en place puissent faire eux aussi partie de cette adaptation et rester le plus possible dans vos entreprises sans être obligés d’en sortir.

M. Jean-Pierre Le Roch. La France est le pays qui a le plus poussé le concept de drive. Vous l’avez dit M. Damien, il existe 2 500 drives, qui représentent 4 % du marché des produits de consommation. Vous cherchez maintenant à exporter ce concept en Europe ; Auchan, Leclerc sont implantés en Pologne et bientôt en Espagne ainsi qu’au Portugal.

Pouvez-vous nous indiquer comment les enseignes françaises perçoivent les enjeux du drive à l’échelle européenne ? Ma deuxième question – qui a toutefois déjà été abordée par Mme de La Raudière – concerne l’arrivée du nouveau concept d’Amazon Fresh sur le service de livraison à domicile de produits frais, non pas en France, mais qui est annoncée en Allemagne; comment voyez-vous cette arrivée ? Beaucoup d’unions de commerces de centre-ville de petite ou moyenne ville s’interrogent à l’heure actuelle sur leur avenir, comment envisagez-vous celui-ci ?

Mme Annick Le Loch. Ma question s’adresse à M. Damien puisqu’il vend des denrées alimentaires. Aujourd’hui, on parle de commerce, de mode de consommation, et ces dernières semaines ici-même nous avons parlé de loi de consommation, loi de modernisation de l’économie, et précédemment de la loi ALUR. On évoque souvent la guerre des prix, les relations commerciales très tendues et les conséquences sur les producteurs et sur nos industriels en particulier qui sont étranglés. Les drives se sont beaucoup développés ces dernières années, vous avez précisé des chiffres tout à fait éloquents tout à l’heure M. Damien, et ce sans contrainte puisqu’il n’y avait pas jusqu’à aujourd’hui d’autorisation d’exploiter ; qu’en pensez-vous ? Est-ce normal que le législateur ait imposé cette autorisation d’exploiter et ne pensez-vous pas que demain il devrait avoir une taxe, puisque ces drives sont autant d’entrepôts ou assimilés comme tels qui constituent un point de livraison et marquent le paysage commercial ?

M. Razzy Hammadi. Il est vrai que dans les secteurs que nous sommes amenés à rencontrer dans le cadre de notre travail législatif sur le terrain – je dis « sur le terrain » car vente privée.com est une entreprise située en Seine-Saint-Denis – c’est un secteur dont les acteurs expriment quelque chose de positif qui détonne par rapport à l’atmosphère actuelle. Ce climat positif s’observe aussi bien dans le travail de lobbying qui est le leur, c’est-à-dire qu’il y a une volonté à la fois d’intérêt général, de prise en compte de ce qu’est leur situation, que dans les problématiques d’emploi.

Aujourd’hui sur le territoire français, quelles sont vos difficultés en termes de formation ? On voit des territoires jeunes – je parle de la Seine-Saint-Denis – on voit des problèmes en terme d’adaptabilité à ce que sont les évolutions rapides de vos métiers. Ce que vous recherchez, ce ne sont pas forcément des compétences « clef en main », mais des capacités à s’adapter et à évoluer.

Je ne vais pas revenir sur la question de la TVA mais nous avons vu notamment avec la FEVAD à propos de la « loi consommation », qu’on pouvait avoir des mauvaises surprises sur un certain nombre de transpositions de directives. Où en êtes-vous aujourd’hui, puisque vous menez la discussion au niveau européen, en ce qui concerne la TVA européenne qui vise à ce que celle-ci soit payée dans le pays d’achat ? À cette occasion, je tiens à souligner que la perte sur la vente en ligne aujourd’hui en France en raison de l’absence de ce dispositif est de 600 millions d’euros, selon un rapport du Sénat.

Ma dernière question s’adresse bien sûr aux audités mais aussi au président de notre commission, comment faire pour adapter le travail législatif aux évolutions de cette économie ? On parle par exemple du « business de personne à personne », mais aujourd’hui s’il y a des configurations qui ne posent pas problème, c’est le cas par exemple des personnes possédant un jardin et qui vendent leur propre produit sur un réseau social ; qu’en est-il pour des voitures où la responsabilité de l’assureur est engagée ? Il y a des assurances de vingt-quatre heures qui ne couvrent pas forcément tout… Comment peut-on parvenir à être très réactif sans pour autant avoir des « lois aveugles » du fait de contextes différents ?

Nous avons eu lors du débat sur la deuxième loi Duflot une montée au créneau des parlementaires parisiens au sujet d’Airbnb, qui est certes un problème à Paris dans la mesure où des gens achètent explicitement pour louer ou sous-louer. Toutefois, dans des territoires de première couronne comme en Seine-Saint-Denis, cela constitue 800 à 1 200 euros en moyenne de revenu supplémentaire pour des familles qui parfois lorsqu’elles partent en week-end peuvent sous-louer. Je rappelle que nous, la gauche au pouvoir, n’avons pour le moment pas permis 800 à 1 200 euros par an de pouvoir d’achat supplémentaire.

M. Pascal Damien, directeur opérationnel d’Auchan drive. J’évoquerai tout d’abord l’impact du e-commerce sur les structures existantes et donc, le facteur humain. Chez Auchan, 4 000 de nos 50 000 employés dans le groupe sont concernés par le e-commerce via Auchan Drive, Auchan.fr mais aussi Grosbill qui se situe dans le web to store. Ce développement ne s’est pas fait au détriment de l’existant et des formations sont dispensées

M. le président François Brottes. Pouvez-vous préciser ce qu’est le web to store ?

M. Pascal Damien. Cela consiste à commander sur le net et venir chercher l’article concerné sur place, au magasin ; c’est ce que fait Grosbill. Il s’agit de produits techniques que le client vient chercher, ce qui est aussi l’occasion pour lui de commande et d’acheter sur rayon en boutique. Nous pourrons parler plus tard de cross canal et de la façon dont les hypermarchés ont évolué depuis 50 ans, tout en tenant compte de ce facteur humain. Les hypermarchés d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier, ni en nombre ni en superficie ou en offre. J’affirme que, dans ce contexte, l’emploi peut être préservé et que le web est créateur d’emploi dès lors que l’on sait s’y adapter. Le cross canal est une réponse à l’une des caractéristiques de la demande contemporaine qui est tout, tout de suite et partout ; c’est la loi de l’immédiateté.

M. Pascal Damien. Aujourd’hui, nous testons sur la disponibilité de l’offre, qu’elle soit en ligne ou au magasin. En termes de jargon, cela s’appelle, H+X, J+X, J+1.

M. le président François Brottes. En somme, vous pensez ce que le client va acheter avant qu’il ne le fasse lui-même…

M. Pascal Damien. De fait, il s’agit, en quelque sorte, de commerce prédictif : si mon client achète un pot de pâte à tartiner par mois, si je constate qu’à un mois donné, il ne l’achète plus, c’est que je dois lui proposer une promotion sur ce produit.

En ce qui concerne le cross canal, notre chance a été d’avoir déjà une entité capable de fournir car la logistique demeure un point clé. Quid de celle-ci ? Intégrée, dédiée, sous-traitée ? L’avenir le dira.

La question des centres-villes nous poursuit car nous avons, hélas, l’étiquette de « videur de centres-villes ». Le drive n’est peut-être pas beau mais la loi Alur va sûrement améliorer cet aspect. En tant que professionnel, ce qui m’importe, c’est que tout le monde soit logé à la même enseigne. En ce qui concerne la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM), il faut savoir que le e-commerce est un métier très compliqué. Auchan a déjà fermé 4 drives, Intermarché et Carrefour l’ont fait également. Il s’agit d’un modèle économique tendu qui nécessite beaucoup de main d’œuvre, beaucoup d’heures de travail car nous n’avons pas souhaité mécaniser notre activité. L’application de la TASCOM aux drives déstabiliserait le marché alors que nombre d’opérateurs du commerce se demandent déjà s’il y a lieu de continuer à ouvrir des drive.

Amazon fresh est un concurrent important, auquel nous ferons face avec nos arguments historiques que sont le service, le prix et la qualité ; nous nous battrons mieux si la loi nous garantit l’égalité dans les conditions de concurrence. De fait, la loi Alur va freiner le développement du drive ; à titre d’exemple, j’envisageais d’en ouvrir entre 15 et 20 et n’en ouvrirai que 7. Je prévois que cette situation de ralentissement créée par la loi durera 8 à 10 mois.

M. le président François Brottes. Le terme approprié est régulation.

M. Pascal Damien. En ce qui concerne le développement du drive à l’international, je peux affirmer qu’il s’agit d’un concept franco-français. Des entreprises étrangères sont venues nous voir avec une certaine perplexité. Alors que les pays anglo-saxons sont partis les premiers dans le domaine du web alimentaire et de la nourriture livrée, les tentatives ne sont pas probantes en Europe. En Espagne, il s’agit d’un échec, en Italie de même, et, en Pologne, nous sommes en phase d’observation.

J’avoue être intrigué par le manque de développement aux États-Unis, pays du drive in et de la voiture où Walmart commence à développer des concepts drive. Je pense que ce manque d’intérêt relatif pour la formule provient d’habitudes anciennes de consommation et, pour le frais, de la pratique d’achats quotidiens.

M. le président François Brottes. C’est bien la France qui a inventé la grande distribution.

M. Pascal Damien. Effectivement, je pense que M. Gérard Mulliez à l’époque, est revenu d’Amérique avec beaucoup d’idées.

M. Denis Terrien, président du Groupe 3SI. Je vais aborder la question sous l’angle de l’emploi. Nous sommes des dirigeants d’entreprises qui prenons des risques parce que nous sommes convaincus qu’il n’existe pas de dignité humaine sans travail. Il en va donc de notre responsabilité de créer le maximum d’emplois. Lorsque j’ai fondé Amazon, il y a 10 ans, je suis parti de rien, mais je savais que j’allais créer des emplois.

J’ai également eu la chance de diriger le groupe 3SI, anciennement les Trois Suisses, qui était alors en pleine mutation.

En tant que dirigeant d’entreprise il y a deux manières d’aborder cette question, sous l’angle de la logistique, tout d’abord, sous celui de l’e-commerce, ensuite. Il y a quatre ans aucun e-commerçant ne travaillait avec nous, aujourd’hui ils sont plus de 3 500 à le faire. Nous sommes devenus le premier opérateur privé de e-commerce en matière d’offre de service logistique aux e-commerçants. Lorsque la Poste dit qu’elle détient 72 % de parts de marché, j’affirme qu’elle en détient encore trop et qu’il y a encore de la place pour la concurrence ! Notre part de marché dans ce domaine croît de 10 % par an et est créatrice de nombreux emplois, aussi avons-nous besoin de lois qui libéralisent davantage ce secteur. Cette année nous avons créé environ 300 emplois dans le domaine des services.

En ce qui concerne l’e-commerce ensuite, il faut aborder la question des mutations liées au développement du secteur numérique. Je prendrai pour exemple une employée de 52 ans : depuis 20 ans, elle saisissait, pour les Trois Suisses, les commandes qui arrivaient par courrier, elle ne va pas devenir opératrice du net du jour au lendemain. C’est pourquoi il est de notre responsabilité, en tant que dirigeant d’entreprise, d’accompagner les mutations techniques. Nous avons un plan social qui concerne 198 personnes. Plutôt que de bloquer les gens dans l’entreprise, nous avons étudié préalablement quels étaient les emplois dont le bassin du Nord avait besoin afin d’offrir à nos personnels une formation adaptée à ces emplois. Nous avons ainsi identifié 5 types d’emplois et avons rencontré les partenaires sociaux pour accompagner nos personnels vers ces métiers du futur en leur payant la formation idoine.

Oui, cette mutation technique est violente. Elle crée, d’un côté, des emplois pour les sociétés nouvelles, d’un autre côté, elle nécessite, des adaptations, difficiles pour les entreprises anciennes. Sur les différents plans sociaux que nous avons mis en œuvre, au bout de huit mois, 80 % des personnes ont reçu une réponse positive à leur demande de reconversion, au bout d’un an, le taux de réponses positives était supérieur à 90 %. L’accompagnement aux mutations techniques de nos employés se fait donc avec respect.

M. le président François Brottes. Je passe la parole à M. Bernard Haurie, directeur de la stratégie de la Poste, qui est la première entreprise française en nombre de salariés.

M. Bernard Haurie, directeur de la stratégie de La Poste. Il y a eu de nombreuses questions. Je vais commencer par celle concernant la livraison le dimanche. C’est une question particulièrement originale : il est vrai que la poste américaine a testé sur une grande ville de l’Ouest des États-Unis la livraison le dimanche pour le compte d’Amazon. Après des mois d’expérience, celle-ci n’est pas très concluante puisque ce sont seulement 85 colis qui ont été livrés. Malgré tout, l’expérience a été élargie à d’autres villes américaines. Il faut néanmoins savoir que le travail de livraison est confié à des intérimaires et que la Poste américaine a accepté de perdre de l’argent, le flux n’étant pas garanti. La problématique est différente aux États-Unis sachant que les magasins sont ouverts le dimanche ! Nous regardons cette expérience avec intérêt, sans avoir pour autant arrêtés une option définitive sur le sujet. Pour le moment, on livre six jours sur sept, c’est déjà une promesse intéressante à tenir pour les clients, même si l’on cherche à développer les solutions les plus performantes pour la livraison des colis.

En ce qui concerne notre politique des relations humaines, au niveau national, la livraison de colis, aujourd’hui, est en train de dépasser la distribution traditionnelle du courrier. L’adaptation à cette évolution du marché est planifiée, les formations sont adaptées, la Poste ayant fait le choix d’offrir à ses salariés le plus grand nombre de possibilités pour pouvoir évoluer au sein de l’entreprise.

Le commerce sécurisé, notamment entre particuliers, est également une problématique importante. Nous avons essayé de développer des solutions pour permettre son essor, en particulier la mise en place d’une identité numérique ou de paiements sécurisés comme PayLib. Cela nous permet de protéger à la fois le vendeur et l’acheteur. Il faut maintenant développer ces usages : c’est pourquoi nous privilégions une offre gratuite. En tant que grand groupe il nous apparaît important de développer ce type de solutions.

En ce qui concerne le commerce de proximité, au regard de notre mission de service public, nous cherchons à promouvoir les boutiques en ligne. D’accès facile, elles offrent une interface de connexion pour les commerçants. La difficulté réside dans l’appréhension et l’aversion de certains, le boulanger que vous avez évoqué par exemple, vis-à-vis de l’internet. Même si l’on offre des possibilités de prise en main à distance il va falloir développer « l’évangélisation de proximité » afin de convertir les différents acteurs à l’usage d’internet. Il faut s’appuyer sur les relais indispensables que sont les chambres de commerce et d’industrie ainsi que les chambres des métiers. On dispose de 146 000 sites aujourd’hui, c’est encore trop peu, notamment au regard de ce qui existe en Angleterre. De nombreuses marges de manœuvre existent encore, l’association de l’économie numérique (ACSEL) et la FEVAD doivent, en particulier, s’en occuper pour développer l’appétence à l’utilisation de ces outils.

Au-delà, lorsqu’un commerçant commence à avoir une activité importante en matière de colis/jours, nous avons mis en place une activité de colisage afin de sous-traiter cette activité. Je prenais l’exemple d’une mère de famille, à Toulouse, dont l’activité dépasse 50 colis/jour, il va de soi que notre aide lui est indispensable pour pouvoir répondre aux commandes. Des solutions de paiement sécurisé sont également proposées, soit en boutique soit à la livraison. Lorsque le commerce est connecté, un produit vu en magasin, non disponible, peut être livré, pour l’instant, dès le lendemain. On réfléchit également à des solutions pour développer plus rapidement les livraisons pour les commerces de centre-ville.

M. Xavier Court, cofondateur de vente-privee.com. Une des problématiques importante du e-commerce réside dans la question du recrutement. Nous sommes face à une pénurie, celle d’un métier essentiel au développement de commerce en ligne, le métier de développeur. Pour y pourvoir on a créé une école, l’École européenne des métiers de l’internet, (l’EMI), comme Xaviel Niel a créé le 42. C’est un véritable besoin qui n’est actuellement pas pourvu. Pourquoi ? C’est dû à une absence de formation initiale, notre système scolaire n’étant pas adapté à ces personnalités particulières que l’on appelle « les geeks », personnalités que l’on trouve partout, dans le XVIème arrondissement de Paris comme dans les cités de banlieue ! ce que Xavier Niel a bien vu !

M. Razzy Hammadi. À l’heure qu’il est, il va falloir former des enseignants pour répondre à ces besoins et former les jeunes à ces nouveaux métiers mais le temps de réactivité est trop long.

M. Xavier Court, cofondateur de vente-privee.com : Tout à fait. On essaie également de développer la formation continue en interne.

En ce qui concerne la logistique et les services clients : quelles sont les problématiques ? En France, le maillage territorial, routes, infrastructures, logistique, est particulièrement bien développé, Amazon dispose d’entrepôts à Orléans, nous du côté de Lyon : on peut livrer, très facilement et très rapidement toute l’Europe, du nord au sud et de l’est à l’ouest. Qu’est-ce qui manque ? Sans vouloir ressortir le serpent de mer du travail le dimanche, il faut avoir à l’esprit qu’aujourd’hui l’internet a besoin de travailler 7 jours sur 7 et quasiment 24 heures sur 24. Vous évoquiez, M. le député, la Poste américaine qui livre le dimanche. Je suis obligé de fermer le dimanche le service clients de mon entreprise du fait des coûts élevés, des interdictions et problématiques sociales que son ouverture impliquerait. Xavier Niel se trouve confronté au même problème avec Free. Il faut avoir conscience du gisement d’emplois important que représentent la logistique et le service client. Ces métiers, de logisticien, vendeurs en magasin, de service clients par téléphone ou internet, sont des métiers nobles qui ont été oubliés. Ils doivent être en France, s’ils ont été délocalisés, en dehors d’Europe, c’est pour des raisons de coûts. Pourquoi en France ? Parce qu’il faut être très réactif dans le e-commerce, nos services clients se trouvent localisés dans la Plaine Saint-Denis, à Strasbourg mais aussi, un peu, à Barcelone.

Concernant l’aide à apporter au commerce de proximité : je voudrais vous faire part d’une expérience récente. J’ai rencontré deux personnes formidables aux vœux de la CCI de Saint Etienne. Une jeune femme venait de reprendre le commerce de mercerie de la grande rue de Saint-Etienne, elle a immédiatement intégré un site internet qui lui permet de vendre de partout, notamment en Suède. Quant au jeune homme il a repris une usine de bretelles, et son site internet lui permet de vendre dans le monde entier. Pourquoi ont-ils pensé à développer le commerce en ligne ? Grâce à la formation qu’ils ont reçue de la part de la CCI. L’aide apportée doit donc être locale et les chambres consulaires ont un rôle indéniable à jouer dans la formation au commerce en ligne pour les commerces de proximité.

Concernant la distorsion de concurrence et l’optimisation fiscale : c’est un véritable sujet. La taxe Google ne me semble pas être la solution appropriée car elle peut toucher les champions français que nous sommes alors que ce n’est pas sa cible première. Par ailleurs, mes actionnaires américains, ils sont actionnaires à 20 %, ne comprennent pas que les règles applicables au sein de l’Europe ne soient pas toutes les mêmes comparativement à l’homogénéité du territoire américain. Il faut absolument éviter les « trous dans la raquette » : il est difficile d’en vouloir à Amazon de s’installer en Irlande ou au Luxembourg lorsque la législation européenne l’autorise à le faire : l’harmonisation fiscale est donc un préalable.

Concernant le paiement par mobile, Vente privée est un peu en avance, j’entends par là que notre avance est de seulement quelques mois. 40 % du chiffre d’affaires de Vente privée est fait sur mobile, je veux dire par là que 40 % des 3,2 millions de visiteurs uniques par jour se fait sur mobile.

M. Xavier Court, cofondateur de vente privée.com. Je pense profondément que les smartphones sont la baguette magique du e-commerce. Ils nous permettent d’entrer dans un magasin et de le comparer avec son voisin, de commander instantanément une bouteille appréciée chez des amis, et ainsi de suite. C’est une révolution du consommateur.

La question du mode de paiement rappelle le débat autour du paiement « 3D-secure ». Au début, nous avions des doutes car il faisait perdre des clients, les banques ne s’étant pas alignées sur un système unique. Désormais, c’est le cas, mais ce système n’est pas compatible avec les smartphones. Il faut trouver une solution, car les transactions sur mobile correspondent à 40 % des commandes de vente-privee.com, elles atteindront 50 % à la fin de l’année et 80 % dans deux ans.

À propos de la question relative à la protection des petits hôteliers, et de l’action du ministre de l’économie, je ne suis pas le mieux placé pour y répondre, même si nous détenons un site « vente-privee-voyage.com ». Je dirai, avec franchise, qu’il a raison sur le fond, mais tort sur la forme. Au niveau international, cette réaction peut effrayer et n’améliore donc pas l’image de la France. Sur le fond, le ministre a raison, car il est anormal qu’un hôtelier ne puisse pas pratiquer de réduction sur ses tarifs parce que son contrat avec Booking.com le lui interdit. Certes, Booking.com repose sur une très bonne idée, et a aidé les hôteliers à remplir leurs établissements les douze mois de l’année. Mais le digital représente la liberté. Le client décide, garde sa liberté. Simplement, attention à la communication autour de ce sujet.

Sur la crainte de la compatibilité du commerce et du e-commerce, j’aimerais évoquer notre nouvelle opération « Miam miam ». Elle permet à des petits commerçants locaux de vendre et de livrer, pendant quelques jours, dans la France entière. Si le produit rencontre le succès, le commerçant peut créer son propre site et continuer sur cette lancée. Il peut aussi espérer bénéficier d’un référencement national par les grands distributeurs en cas de succès.

À propos du nouveau délai de rétractation instauré par la loi Hamon, je crois qu’il n’y a pas d’effet négatif. C’est plutôt une bonne chose de pouvoir passer d’une semaine à quinze jours. Faisons plutôt attention à ce qu’une plus grande liberté offerte au consommateur n’entraîne pas d’abus. Nous recevons parfois des produits retournés mais clairement utilisés : robes de soirée, chaussures… Mais la loi Hamon limite les failles, notamment celle permise par la Directive qui donnait la possibilité d’une demande de remboursement avant même que le distributeur n’ait reçu le produit en retour.

M. François Momboisse, président de la Fédération de l’e-commerce et de la vente à distance (FEVAD). Sur la question des géants américains, rappelons qu’il s’agit de sociétés exceptionnelles, qui fournissent un service hors du commun, et qui ont de vraies compétences, y compris en termes de fiscalité. On ne peut pas leur en vouloir de choisir de s’implanter dans le pays d’Europe où ils paieront le moins d’impôts. Un article des Échos rappelle aujourd’hui le casse-tête que représente la fiscalité 2.0 pour Bercy. Si tout le monde est d’accord sur les objectifs, l’OCDE doit cependant faire face aux meilleurs fiscalistes auxquels font appel Google ou Apple. Lisez également l’ouvrage de Pierre Bellanger, fondateur de Skyrock et de Skyblog, intitulé La Souveraineté numérique. Il évoque tout ce qu’Internet va changer dans le monde, mais surtout comment ces sociétés sont le bras armé des États-Unis. Rappelons que le patron de Google a été envoyé en mission en Corée du Nord pour une dizaine de jours. Cela montre leur proximité avec le gouvernement américain.

En ce qui concerne Amazon, nous ne connaissons pas son chiffre d’affaires en France. Son audience, cependant, est connue. À égalité avec le deuxième site français il y a trois ans, Amazon était 20 % devant il y a un an, et cette avance est aujourd’hui de 40 %. Comme aux États-Unis, Amazon va plus vite que tout le monde.

Sur les PME et les circuits courts, je m’associe aux propos de M. Xavier Court. Il faut que les petits commerçants se réunissent, avec un moteur qui peut être la chambre de commerce ou le maire.

M. Xavier Court. Cela a été fait au Puy-en-Velay, une expérience très intéressante.

M. François Momboisse. En effet, ils ont su se fédérer, je crois que c’est une nécessité.

Sur le C to C, il faut rappeler que le commerce collaboratif est une vraie tendance, y compris dans les foyers modestes. Le législateur ne devrait pas taxer sauvagement les revenus qui en découlent, car ils sont un soutien pour ces ménages, qui revendent les produits dont ils ne se servent plus plutôt que de les jeter. De la même manière, les vide-greniers se multiplient.

M. le président François Brottes. Dans un vide-grenier, on paye son emplacement.

M. François Momboisse. Certes, mais si vous taxez, ces échanges se feront sans doute au noir. L’avantage du C to C est que cela passe par un outil, par un site internet, qui est un vecteur de confiance.

M. le président François Brottes. Cela rassure du point de vue de la sécurisation du consommateur. Mais du point de vue de la fiscalité, que les échanges se fassent gratuitement ou au noir, le résultat est le même.

M. François Momboisse. Sur la formation, je rejoins M. Xavier Court. Xavier Niel a créé une école, « 42 », qui repêche des personnes ayant manqué le baccalauréat, pour les former, les faire travailler en équipe, de manière positive. Ils trouvent tous un travail. M. Laurent de la Clergerie qui dirige l’entreprise LCLC.com a créé une école similaire à Lyon. C’est un moyen formidable de repêcher des gens qui ont été exclus par le système scolaire mais qui manifestent un intérêt pour l’informatique.

Sur l’e-commerce, je tiens à signaler qu’il faut désormais intégrer la notion de plaisir du consommateur. Aujourd’hui, il peut arbitrer entre commerce traditionnel et commerce en ligne. Pendant des années, on faisait la liste des courses la semaine avant d’y aller le samedi ; aujourd’hui, les gens ont le choix, et préféreront toujours le choix le plus agréable. De même, à l’été 2008, le record du prix de l’essence, à plus de 2 euros le litre, avait entraîné une baisse de la fréquentation des centres commerciaux alors que l’e-commerce a connu une hausse. Les gens arbitrent désormais dans leur consommation de tous les jours.

Comme l’a rappelé M. Razzy Hammadi, il s’agit d’un secteur plein d’initiatives et d’idées nouvelles. La société Blablacar a été créée par un jeune Français, normalien, qui a eu cette idée, et qui est aujourd’hui leader européen. C’est un esprit positif qu’il faut l’encourager.

M. le président François Brottes. Une dernière question adressée à vous tous : que pensez-vous du crédit impôt-compétitivité-emploi ?

M. Denis Terrien, président du Groupe 3SI. C’est une très bonne chose, que nous utilisons à fond. Il aurait été toutefois préférable que l’État ne nous ponctionne pas d’abord de 30 milliards d’euros, avant de nous en rendre 20 milliards.

M. Pascal Damien, directeur opérationnel d’Auchan drive. C’est effectivement un vrai facteur de soutien à l’activité, notamment pour le secteur du drive.

M. le président François Brottes. Cette question intervient dans un débat, y compris dans la majorité, où l’on s’interroge sur la pertinence de conserver le CICE dans les secteurs qui n’exportent pas.

M. Xavier Court. Nous sommes peu concernés, mais l’idée est bonne.

M. Denis Terrien. Le CICE représente pour nous plusieurs millions d’euros par an, qui ont servi à financer des investissements en informatique et en logistique, chacun à hauteur de plus de 100 millions d’euros.

M. Bernard Haurie, directeur de la stratégie de La Poste. Nous sommes de fervents soutiens de cette initiative : la Poste aide les entreprises à exporter et le flux « export » en matière d’e-commerce génère l’activité la plus en croissance de notre entreprise.

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Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 3 juin 2014 à 17 h 30

Présents. - M. Damien Abad, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Yves Blein, M. François Brottes, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Joël Giraud, M. Razzy Hammadi, Mme Laure de La Raudière, Mme Annick Le Loch, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Audrey Linkenheld, Mme Frédérique Massat, M. Hervé Pellois, M. Frédéric Roig, Mme Béatrice Santais, Mme Catherine Troallic, M. Fabrice Verdier

Excusés. - M. Jean-Claude Bouchet, Mme Anne Grommerch, M. Henri Jibrayel, M. Bernard Reynès