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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Les chambres consulaires, leurs missions et leurs financements

Mercredi 25 mars 2015

Séance de 13 heures 30

Compte rendu n° 6

Présidence de M. Olivier Carré, président

– Table ronde réunissant des représentants de Chambres de commerce et d'industrie territoriales : M. Jean Vaylet, président de la CCI de Grenoble ; M. Vianney de Chalus, président de la CCI du Havre ; M. Jacques Betbede, directeur général de la CCI Marseille Provence ; M. André Garreta, président de la CCI Bayonne Pays Basque, et M. Bernard Darretche, directeur général ; M. Jean-Louis Nesti, président de la CCI de Corrèze, et M. Michel Pedamond, directeur général ; M. Olivier Rocaboy, directeur de cabinet du président de la CCI Nantes Saint-Nazaire.

M. le président Olivier Carré. Merci à tous d’avoir répondu à notre invitation à participer aux travaux de la mission d’évaluation et de contrôle, qui se penche cette année sur l’organisation et le financement des réseaux consulaires. La commission des finances a en effet été interpellée par les mesures relatives à ces réseaux que le Gouvernement a prises, pour des raisons budgétaires, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015. Nous avons notamment regretté qu’aucune perspective claire ne soit donnée aux réseaux consulaires dans le cadre des réformes en cours, en particulier celle de la gouvernance des politiques économiques dans les territoires, qui est abordée dans le projet de loi pour une nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). On doit en effet s’interroger sur la place que vous avez à occuper dans cette organisation en tant que représentants du monde économique.

Nous souhaiterions donc que vous nous éclairiez non seulement sur la façon dont vous avez perçu ces mesures, mais aussi et surtout sur les perspectives dans lesquelles vous vous inscrivez pour mener une action efficace au service du monde économique et des entreprises. Comment envisagez-vous votre rôle et votre place dans l’organisation consulaire, par rapport à votre tutelle, à CCI France ou à d’autres associations ? Comment améliorer la gouvernance et définir de véritables perspectives, dans un souci d’efficacité au service de notre économie ?

M. Vianney de Chalus, président de la CCI du Havre. Mes collègues et moi-même aujourd’hui présents représentons les CCI territoriales (CCIT) dans toute leur diversité, qu’elles soient métropolitaines, départementales ou infra-départementales. Échelon opérationnel de proximité, les CCI territoriales sont au cœur du système : elles accompagnent les entreprises de leur création jusqu’à leur transmission. Élus par ces dernières, leurs dirigeants sont représentatifs de l’économie territoriale. Le taux de participation aux élections est parfois regardé comme insuffisant, mais au Havre, par exemple, lors des dernières élections, les 26 % de votants représentaient 85 % du poids économique local.

Les CCI territoriales sont également l’échelon du développement concret des territoires, grâce à la gestion d’équipements structurants – ports et aéroports –, l’échelon de l’innovation et de l’expérimentation. Pour répondre à la demande des entreprises, qui souhaitent les voir participer à la coordination de l’action publique, elles contractualisent avec les communautés d’agglomération, les communes et les conseils généraux. C’est également à leur échelon que s’organisent la formation et l’apprentissage.

Les CCIT sont par ailleurs – et je voudrais insister sur ce point – particulièrement affectées par les coupes budgétaires votées pour 2014 et 2015. Le coup de marteau est trop fort et risque de casser l’outil. Celui-ci est pourtant utile aux territoires et aux entreprises, aux besoins desquelles elles ont toujours su répondre et s’adapter, et pour cause : les chefs d’entreprise, clients et élus, sont au cœur du système. Ainsi les chambres ont-elles investi dès le XIXsiècle dans la formation parce que les négociants avaient besoin de cadres parlant anglais et connaissant le commerce et la comptabilité plutôt que de diplômés maîtrisant le grec et le latin. De même, c’est à la demande des entreprises locales que la chambre de commerce a financé la construction des ponts de Normandie et de Tancarville. Si les écoles de commerce des chambres sont encore si performantes, c’est parce qu’à leurs conseils siègent des entrepreneurs qui relaient les besoins des entreprises.

Cette combinaison d’entrepreneurs chargés du pilotage et de collaborateurs professionnels chargés de la gestion représente une importante valeur ajoutée qui n’a guère d’équivalent dans le système français.

Par ailleurs, les CCI territoriales ont conscience de la nécessité pour elles de se réformer et de se réinventer. C’est pourquoi nous avons entrepris une réforme de l’organisation consulaire et créé un nouveau business model : « la CCI de demain ».

Contrairement à ce que l’on peut entendre, la réforme de l’organisation consulaire progresse rapidement. La fusion des CCIT permettra ainsi de ramener leur nombre de 170 à 80 en 2016. Les CCI régionales (CCIR) prennent bien leur place : elles mutualisent ce qui doit l’être, harmonisent et coordonnent les actions des CCIT. J’estime cependant, à titre personnel, qu’il faut veiller à ne pas tout régionaliser, afin de ne pas éloigner les centres de décision des entreprises et de maintenir la proximité. Laissons plutôt aux régions la liberté de s’organiser en fonction de leurs spécificités. Dans le Nord-Pas-de-Calais, par exemple, l’organisation est entièrement régionalisée, mais Lille occupe une position géographique centrale. En Normandie, en revanche, Cherbourg est à quatre heures de Dieppe. Enfin, au plan national, CCI France amplifie avec succès son rôle d’animation et de tête de réseau.

J’en viens maintenant à notre nouveau business model. Actuellement, nous vivons, non pas une crise, mais une période de mutation économique profonde liée à l’importance croissante du numérique, du développement durable et de la mondialisation. Les anciens modèles sont caducs et les nouveaux émergent à peine. Face à de telles transformations, le devoir des chambres est d’informer les entreprises qu’aucune d’entre elles n’est à l’abri de ces évolutions et de les aider à pénétrer l’économie collaborative de demain. Pour répondre à cette priorité, nous avons défini les nouvelles raisons d’être des CCI, qui peuvent se résumer en trois mots : « collectif » – apprendre aux territoires et aux entreprises à chasser en meute –, « territorial » – il s’agit d’être réactif, afin de répondre aux besoins de proximité grâce à une connaissance du tissu local – et « futur » : nous devons aider les entreprises à repenser leur avenir et à pénétrer l’économie de demain.

Ce projet « CCI de demain » a recueilli 95 % des voix lors d’une assemblée générale de CCI France qui s’est tenue début décembre.

Quelle sera la CCI de demain ? Elle doit tout d’abord être une e-CCI, en devenant l’opérateur majeur des services en ligne à destination des entreprises : formalités et accompagnement à distance, services pratiques en ligne. Elle doit être ensuite un accélérateur de business porté par des plateformes physiques CCI (« CCI campus »), en développant la transversalité, la gestion des flux et la mise en réseau des enseignants, des chercheurs et des étudiants et, ensuite, des incubateurs et des entreprises. Elle doit enfin favoriser la business intelligence, en organisant la collecte et la gestion des informations concernant les entreprises.

Grâce à ce projet, le réseau animé par CCI France a une vision de son avenir, exclusivement orienté vers le service des entreprises. Depuis six mois que nous travaillons sur ce dossier, qui a mobilisé 300 collaborateurs et de nombreux élus, nous constatons que le réseau, bien que pris sous la mitraille, se redresse et décide d’aller de l’avant. On peut en être fier et le saluer pour ce qu’il parvient à faire dans ces circonstances.

J’ajoute que le jacobinisme n’est plus du tout adapté à l’économie du futur, qui sera collaborative, réactive et connectée. Or, notre réseau présente de nombreux avantages à cet égard : les CCI territoriales assurent une présence de proximité et font preuve de réactivité tandis que CCI France apporte une cohérence globale.

En conclusion, nous progressons très vite mais, si la baisse de la fiscalité affectée se poursuit en 2016 et 2017 et si les fonds de roulement des chambres font l’objet de nouveaux prélèvements, les CCI disparaîtront. Si telle est la volonté du Gouvernement, qu’il nous le dise, par décence vis-à-vis des élus bénévoles et de leurs collaborateurs.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Vous avez fait allusion, à juste titre, aux problèmes financiers qui se posent et dont nous avons la confirmation audition après audition. Il convient de distinguer deux éléments : d’une part, le prélèvement sur fonds de roulement – dont je persiste à dire qu’il consiste pour l’État à prendre de l’argent aux entreprises pour combler son budget – et, d’autre part, l’évolution de la taxe. Vous nous avez dit qu’il vous était difficile d’envisager l’avenir sans une vision claire de votre situation financière. Pouvez-vous être plus précis sur ce point ?

Par ailleurs, la loi NOTRe aura, dès le 1er janvier prochain, des conséquences très importantes sur l’organisation territoriale puisqu’à compter de cette date, les régions ne seront plus qu’au nombre de treize. On sait, pour en discuter avec eux, que vos ressortissants ont des approches différentes de l’organisation du réseau. Vous avez insisté, quant à vous, sur le rôle de référent des CCI territoriales. Dès lors, comment voyez-vous les choses dans le cadre de la création de vastes régions comportant un nombre important de départements et accentuant l’éloignement géographique ?

M. Jean-Louis Nesti, président de la CCI de Corrèze. De par leur taille, les nouvelles régions vont entraîner un certain éloignement et sans doute conduire au renforcement des CCI métropolitaines. Il est donc très important que les CCI départementales demeurent des établissements publics de plein exercice, dotés de la personnalité morale, afin de conserver une légitimité vis-à-vis des collectivités territoriales. Dans le Limousin, par exemple, la CCI de la Corrèze va intégrer la CCI d’Aquitaine ; or, nous sommes à un peu plus de deux heures de Bordeaux.

M. André Garreta, président de la CCI Bayonne Pays Basque. Dans les rapports consacrés aux CCI, on ne parle que de budget, d’organisation et de schéma. Qu’en est-il du chef d’entreprise, de l’appui économique des entreprises, de l’emploi ? Avant de définir une organisation et un financement adaptés, il faut connaître l’activité de la chambre de commerce. Celle-ci remplit trois missions essentielles : l’appui et le développement économiques, la formation et, le cas échéant, la gestion d’équipements.

Les élus de la CCI Bayonne Pays Basque ont, dès le début de leur mandat, tracé des perspectives. Nous avons donc rédigé un cahier d’orientations stratégiques dans lequel nous exposons notre projet pour le Pays Basque et les moyens que nous entendons y consacrer.

Il nous a semblé que le premier axe important à développer était la proximité, car les entreprises ont besoin d’accompagnement. L’an dernier, nous avons ainsi accompagné 21 604 entreprises, de leur création à leur transmission en passant par leur développement, dont 1 315 créateurs d’entreprise. En quatre ans, nous avons créé quatre incubateurs de pépinières, dans lesquels nous avons investi nos fonds propres : la première, dédiée aux entreprises du numérique et adossée à notre école d’ingénieurs, ESTIA, a permis de créer 24 entreprises ; Olatu Leku, pépinière dédiée aux industries des sports de glisse, accueille 22 entreprises ; Technocité, dédiée aux startups de l’aéronautique, compte 15 entreprises ; LANAZIA, dédiée aux entreprises de l’e-commerce, accueille 19 entreprises. Nous avons donc su déployer des moyens adaptés aux besoins de l’activité actuelle.

Par ailleurs, nous accompagnons les entreprises dans le domaine de l’innovation ; l’an dernier, nous en avons sensibilisé plus de 580 et accompagné 514. Beaucoup d’entreprises accusant un certain retard au plan numérique, nous avons également financé des formations, de sorte que nous sommes aujourd’hui très performants dans ce domaine. Enfin, nous avons créé, avec notre école d’ingénieurs, « Les 24 heures de l’innovation » : 350 élèves ingénieurs ont une journée pour trouver une solution innovante à un projet soumis par 40 entreprises.

Au plan international, nous avons détecté 390 entreprises susceptibles d’exporter et nous en avons accompagné 160. La langue, les règles de droit, l’accueil, les rendez-vous en « B to B » sur site sont parfois des obstacles pour les chefs d’entreprise : à nous de les accompagner sur le terrain. Nous avons également créé une CCI transfrontalière, en mettant nos compétences en commun avec celles de la CCI de San Sebastian. Aujourd’hui, il faut en effet raisonner en fonction du bassin économique et non plus des frontières administratives. Nous avons ainsi permis à 157 entreprises du secteur de la sous-traitance industrielle de se rencontrer. Elles travaillent désormais en commun, des deux côtés de la Bidassoa, au lieu d’aller chercher, comme elles le faisaient auparavant, des compétences en Allemagne ou ailleurs. Ce faisant, elles ont amélioré leur chiffre d’affaires, et ont donc contribué à la création d’emplois.

Nous avons également créé six clusters consacrés à l’industrie des sports de glisse, au tourisme, à l’agro-alimentaire, à la santé, au bâtiment et au digital, ce qui nous permet de promouvoir, pour chaque entreprise, une démarche d’innovation et de mutualisation des moyens.

Par ailleurs, les entreprises de notre région accusant un retard important en matière de taux d’encadrement, nous avons décidé, il y a quinze ans, de créer une école d’ingénieurs. Celle-ci se classe aujourd’hui au trentième rang national sur 240. Le nombre des diplômés est passé de 24 élèves la première année à 190 aujourd’hui, et l’école forme actuellement 700 élèves ingénieurs ainsi que 185 élèves apprentis. Là encore, nous avons répondu à une demande des entreprises.

Enfin, nous gérons le port de Bayonne – qui est le neuvième port de commerce de France et le cinquième par le réseau ferré –, ainsi que le port de pêche de Saint-Jean-de-Luz, qui est le seul, en France, à bénéficier d’une triple certification : qualité, sécurité et environnement.

Il me paraissait important d’apporter ces précisions, car les rapports qui nous sont consacrés, je pense notamment à celui de l’inspection générale des finances, sont souvent à charge.

M. le président Olivier Carré. Personne, ici, ne doute que votre chambre de commerce, comme celles de vos collègues, fait beaucoup pour les entreprises.

Mme Monique Rabin, rapporteure. M. Carré, Mme Vautrin et moi-même croyons aux chambres ; c’est nous qui avons demandé la création de cette mission et nous sommes, tous trois, décidés à faire avancer les choses. Or, chacun d’entre vous a en effet à faire valoir une particularité – qu’elle soit territoriale, qu’elle concerne ses missions ou les rapports avec la chambre des métiers ou la CCIR – qui le distingue des autres. Je souhaiterais que cette audition soit pour vous l’occasion d’avoir, sur ces différents points, des échanges dont nous pourrions tirer des enseignements.

Par ailleurs, le rôle de CCI France semble aujourd’hui reconnu, notamment dans le cadre du projet « CCI de demain ». Toutefois, un courrier nous a été adressé par l’association des chambres de commerce et d’industrie territoriales, qui porte une appréciation différente sur le rôle de la tête de réseau. Je souhaiterais donc vous entendre sur ces divergences.

Nous souhaitons vous accompagner dans l’accomplissement de vos missions mais, si celles-ci doivent évoluer, il faut que nous ayons ce débat. Quant à la question budgétaire, elle est liée à la transparence. Lors de l’examen du projet de loi de finances, si nous n’avons pas pu aboutir de manière satisfaisante et si le dialogue a été rompu, c’est parce que toutes les chambres n’ont pas joué le jeu en répondant de manière transparente aux questions que nous leur posions sur leur construction budgétaire.

Enfin, il pourrait être intéressant que les chambres proposent leur propre schéma. Si celui-ci doit être le plus possible en adéquation avec l’organisation territoriale, il nous paraît néanmoins important de tenir compte des spécificités de chacun.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. J’ajouterai que nous cherchons également à identifier les éventuels doublons dans les actions menées et à connaître la manière dont fonctionne votre organisation.

Ne doutez pas, monsieur Garreta, de notre intérêt pour les chambres. Leurs missions ont été redéfinies dans l’article 1er de la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, et nous n’avons pas l’intention de revenir sur cette disposition. Nous savons que vous êtes des chefs d’entreprise bénévoles et engagés. Notre objectif est d’avancer avec vous ; dites-nous quels sont les points qui vous paraissent importants, tant en termes de fonctionnement qu’en termes budgétaires.

M. Jean Vaylet, président de la CCI de Grenoble. La CCI de Grenoble a pour spécificité d’être une grande chambre, puisqu’elle emploie 700 collaborateurs et 1 000 vacataires, dispose d’un budget consolidé de 90 millions d’euros et réalise des investissements récurrents de 10 millions par an. J’ajoute qu’elle consacre 80 % de son budget à la formation, qu’il s’agisse de formation initiale, avec Grenoble École de management, qui forme 6 000 étudiants, ou encore d’apprentissage – nous formons 2 500 alternants dans 90 métiers – ou de formation continue. En ce qui concerne l’accompagnement des entreprises, nous intervenons à trois niveaux : réglementation, appui aux entreprises et développement du territoire.

La chambre de Grenoble étant gérée comme une société de services, nous avons défini, comme peut le faire toute autre entreprise, une vision à l’horizon 2030, ainsi qu’un plan stratégique et un contrat de mandature dont nous rendons compte de l’exécution aux entreprises.

M. le président Olivier Carré. Pouvez-vous nous donner les grandes lignes de ce plan stratégique ? Avez-vous identifié des obstacles ou au contraire des éléments qui vous paraissent acquis ?

M. Jean Vaylet. Nous considérons qu’en 2030, la région Rhône-Alpes, qui comprend deux métropoles, Grenoble et Lyon, ne constituera plus qu’une grande communauté économique. À Grenoble, nous développons actuellement les technologies et le soft, alors que, demain, nous produirons d’autres biens d’usage. Par conséquent, les besoins des entreprises changeront. C’est dans cet esprit que nous avons défini une vision à très long terme ; nous souhaitions y associer les politiques, mais ces derniers ne se sont pas emparés du projet car la période était complexe pour eux.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Quand était-ce ?

M. Jean Vaylet. Il y a deux ans.

Je souhaiterais apporter un témoignage sur le milieu consulaire, que j’ai découvert en 2010 et qui m’a fortement impressionné. La chambre de Grenoble est en effet gérée par des professionnels comme une société de services, dans le cadre d’un projet de mandature. Au plan régional, huit schémas directeurs ont été adoptés à l’unanimité, puis revus trois ans plus tard en tenant compte de l’environnement. Tout cela dans une mécanique relativement intégrée : centralisation des personnels, de la recette fiscale et fixation de principes de répartition. La proximité est assurée par la création de délégations dans chaque secteur. Au plan national, un certain nombre de choses ont été faites, notamment en termes d’image. Je pense donc que nous sommes aujourd’hui dans une dynamique positive ; je crois à la CCI de demain. Je regrette cependant que le pacte de confiance et le contrat d’objectifs et de performance (COP) signés avec l’État n’incluent pas les moyens et les financements et qu’en décidant dans la précipitation des coupes budgétaires et un plafonnement du montant de la taxe pour frais de chambre (TFC), on ne déstabilise le réseau.

J’en viens aux spécificités de la chambre de Grenoble, qui sont au nombre de deux et tiennent aux relations que celle-ci entretient, d’une part, avec les institutions politiques locales et, d’autre part, avec la chambre des métiers. Au plan politique, nous vivons une période de transition importante, marquée par la mise en place de la métropole de Grenoble, qui s’inscrit dans une dynamique particulière, puisque la ville centre a changé de couleur politique – elle est désormais dirigée par un maire écologiste –, et par la fusion de la région Rhône-Alpes avec la région Auvergne. Dans ce vaste territoire, il est nécessaire de parvenir à un équilibre entre la région et les grands pôles métropolitains. Notre CCI doit être, dans le cadre métropolitain grenoblois, la référence et l’interlocuteur des politiques en matière de marketing territorial, de tourisme et d’animation économique. Il s’agit pour nous d’éviter les doublons ; nous sommes un partenaire idéal : à nous d’apporter des idées.

Par ailleurs, nous nous efforçons de créer des synergies avec la chambre des métiers. Ainsi le responsable du Centre de formalités des entreprises (CFE) de la chambre des métiers assure-t-il également l’encadrement du CFE de la CCI. Nous nous efforçons aussi de gérer en commun les Centres de formation d’apprentis (CFA). Nous avons même proposé à la ministre d’expérimenter le regroupement des deux chambres, au moins pour un certain nombre de métiers et de fonctions.

M. Olivier Rocaboy, directeur de cabinet du président de la CCI Nantes Saint-Nazaire. Pour ma part, j’insisterai sur trois spécificités.

Premier élément : la dimension métropolitaine. Nous avons été de fervents défenseurs de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et de l’émergence des métropoles dans le cadre d’une dynamique régionale. Du reste, l’ensemble des CCI métropolitaines travaillent avec les métropoles, notamment avec l’Association des communautés urbaines de France (ACUF), sur quatre chantiers : l’emploi, l’attractivité, l’innovation et l’enseignement supérieur et la recherche.

Deuxième élément : dans le territoire de Nantes et Saint-Nazaire, nous nous efforçons d’éviter les doublons. En effet, depuis un certain nombre d’années, nous menons une politique de conventionnement et de partenariat systématique avec les collectivités territoriales. Je vous en donnerai trois exemples. À l’échelon infra-départemental, nous avons créé, à Châteaubriant, Ancenis, Saint-Nazaire et Nantes, des Maisons de la création et de la transmission d’entreprise qui regroupent l’ensemble des réseaux d’accompagnement des créateurs d’entreprise. C’est une démarche que nous avons développée en collaboration avec les collectivités, notamment les communautés de communes.

Par ailleurs, nous entretenons depuis de nombreuses années des rapports de confiance avec la métropole nantaise, pour le compte de laquelle nous gérons le parc d’exposition de la Beaujoire, où nous avons porté un investissement de 24 millions d’euros. Nous avons également créé avec la Communauté d'agglomération de la région nazairienne et de l'estuaire (CARENE) et Nantes Métropole une agence de développement unique pour le territoire de Nantes et de Saint-Nazaire. Dans le domaine de la formation, nous investissons actuellement dans un média campus et nous venons d’achever un campus de l’apprentissage à Nantes.

Autre exemple de cette dynamique partenariale au niveau régional, que Mme Rabin connaît pour en être en partie à l’origine : la création d’un hub à l’international sous l’égide du conseil régional, qui fédère l’ensemble des acteurs dans ce domaine ; la région a confié aux chambres la logique d’appui aux entreprises à travers CCI International.

Troisième élément : les relations entre réseaux consulaires. Il se trouve que la CCI Nantes Saint-Nazaire a la particularité de compter parmi ses soixante membres cinq artisans ; l’un d’entre eux est également membre du bureau de la CCI. Les problématiques d’entreprise sont en effet sensiblement les mêmes. Nous avons ainsi développé de multiples coopérations avec la chambre des métiers de Loire-Atlantique : nous animons conjointement des agences interconsulaires en Loire-Atlantique ainsi que les plateformes d’initiatives locales, et nous avons créé, à Saint-Nazaire, une Maison de l’apprentissage qui accueille 500 apprentis issus de nos différents centres de formation.

Nous développons la même politique partenariale avec la chambre d’agriculture, dans le cadre d’une association, 3C44, qui regroupe les trois chambres. Il s’agit de privilégier une approche commune des documents d’urbanisme afin de défendre la place du développement économique dans les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d’urbanisme du territoire de Loire-Atlantique. Bien entendu, certains points suscitent des débats entre commerçants, artisans et agriculteurs, mais nous souhaitons que le monde économique s’exprime d’une seule voix. J’ajoute que nous gérons de manière commune la taxe d’apprentissage au niveau régional et que nous avons développé, également au niveau régional, une démarche commune autour de la troisième révolution industrielle et agricole.

M. le président Olivier Carré. Une fusion des budgets permettrait aux entreprises de ne plus payer deux fois. Avez-vous envisagé cette solution ?

M. Vianney de Chalus. Le chiffre d’affaires des trois quarts des artisans est inférieur à 500 000 euros par an : ils ne sont donc pas soumis à la taxe.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Et le quart restant ?

M. le président Olivier Carré. En regard de leurs marges, cela peut représenter un montant non négligeable qui n’a pas tendance à diminuer.

M. André Garreta. Nous procédons à la révision des valeurs locatives utilisées pour le calcul de la contribution foncière des entreprises. Entre les données datant de 1970 et celles applicables aujourd’hui, il y a parfois un facteur soixante !

M. Jean-Louis Nesti. La diversité des participants à cette table ronde reflète bien celle du réseau. Comme dans de nombreux départements ruraux, je pense au Lot, à l’Aveyron ou au Cantal, la CCI de Corrèze que je préside est en effet une petite chambre de commerce et d’industrie dans un territoire sans métropole.

La diminution de la TFC, qui représente 62 % de notre budget, met en péril l’activité de nos collaborateurs au service des TPE et des PME. En Corrèze, 93 % des dix mille entreprises qui adhérent à la CCI comptent moins de dix salariés : elles ont besoin de conseils et d’accompagnement gratuits.

Entre 2014 et la fin de l’année 2015, nous aurons perdu plus de 30 % de nos collaborateurs. Une nouvelle baisse de la ressource fiscale entraînerait inéluctablement une nouvelle adaptation en termes de personnels qui serait extrêmement préjudiciable car nous ne pouvons être efficaces en territoire rural que si nous sommes présents sur le terrain.

Je vous remettrai le bilan de notre activité pour l’année 2014 : vous constaterez que tout ce que nous percevons, ressources fiscales comprises, ne sert qu’à accompagner les entreprises.

Quant à la ponction sur nos réserves, elle n’arrange rien et elle risque de freiner nos investissements, d’autant que les fonds dont nous disposions étaient destinés à des investissements déjà engagés. Nous construisons par exemple un centre de formation adapté aux besoins de notre territoire. Certes, ce n’est ni une grande école ni une école d’ingénieurs, mais nous sommes fiers de savoir que plus de 90 % des jeunes qui sortent de nos centres intègrent le monde du travail.

M. le président Olivier Carré. En tant que chefs d’entreprise, vous avez tous déjà rencontré des problèmes dans un cycle économique, et su vous adapter. Dans le contexte budgétaire actuel, comment vous réagissez-vous ? Nous sommes convaincus qu’il est légitime et efficace de confier au monde entrepreneurial l’indispensable échelon territorial d’organisation du développement économique.

M. Jean-Louis Nesti. La diminution de la masse salariale que je viens de vous décrire constitue déjà une adaptation. Si ce qui a été annoncé était voté dans le projet de loi de finances pour 2016, nous serions contraints à une nouvelle adaptation qui nous asphyxierait. Sans moyens, comment pourrions-nous agir dans les petits territoires ruraux ? À un moment donné, s’adapter signifiera mourir.

M. le président Olivier Carré. L’évolution à la baisse des ressources est déjà prévue dans le plan triennal. Nous vous demandons de réagir par rapport à ce qui est dans les textes, de prévoir un plan d’entreprise, de nous dire comment vous vous adaptez, et jusqu’où vous pouvez aller. Vous ne pouvez pas vous contenter d’annoncer une catastrophe.

M. Vianney de Chalus. Les chefs d’entreprise savent réagir en cas de coup dur, et s’adapter lorsqu’ils perdent un marché ou un gros client. En l’espèce, nous parlons tout de même d’une baisse de 40 % de nos revenus !

M. le président Olivier Carré. Comment faites-vous ce calcul ?

M. Vianney de Chalus. En trois ans le revenu de la taxe diminue précisément de 37 %. Et je ne parle même pas du prélèvement !

M. le président Olivier Carré. Cet argent reste dans la poche des entreprises.

M. Vianney de Chalus. Comment réagissons-nous ? En Normandie, nous avons décidé, dès 2013, de passer de quatorze à six chambres de commerce. Là où nous comptions deux CCI régionales et douze CCI territoriales, nous n’aurons plus, à la fin de cette année, qu’une CCI régionale et cinq CCI territoriales. Les chambres de proximité ont été fusionnées : autour du Havre, nous avons par exemple créé la CCI de l’estuaire de la Seine qui regroupe trois chambres des deux Normandie. Les chambres d’Elbeuf, Rouen, et Dieppe ont également été fusionnées…

M. le président Olivier Carré. Les regroupements ont-ils plutôt été conduits à partir des divisions administratives que sont les départements ou par bassin économique ?

M. Vianney de Chalus. Nous nous adaptons au terrain. Les bassins économiques constituent à l’évidence les territoires les plus pertinents. La CCI de l’estuaire regroupe la chambre du Havre, celle du pays d’Auge Lisieux-Honfleur, et celle de Bolbec-Fécamp. Géographiquement, ces CCI se situent sur le territoire de deux départements et de deux régions, mais le pont de Normandie les réunit en un bassin économique et un bassin d’emplois parfaitement cohérents.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Ce nouveau schéma aurait-il vu le jour sans la réforme de 2010 et sans la contraction de vos budgets qui vous ont poussés à faire des économies ?

M. Vianney de Chalus. Lancé en 2010-2011, le projet du Grand Paris, de Paris jusqu’à l’axe Seine, a incité les Normands à réagir pour faire face à la métropole. Évidemment, nous avons dû mutualiser nos communications, la passation des marchés publics et d’autres services. Il reste que la rationalisation la plus importante porte sur la fusion des CCI territoriales. Dans les faits, cela signifie que la CCI de l’estuaire aura perdu 30 % de ses effectifs…

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Un lien persiste-t-il entre les CCI territoriales et le département ?

M. Vianney de Chalus. Cela dépend des cas : la CCI d’Elbeuf, Rouen, et Dieppe reste en Seine-Maritime, mais celle de Flers, Granville et Cherbourg se trouve sur deux départements, comme celle d’Évreux et Alençon, ou celle de l’estuaire…

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Votre référence est donc clairement le bassin économique.

M. Vianney de Chalus. Le projet du Grand Paris est à l’origine de la création de l’association Paris Seine Normandie qui regroupe toutes les chambres de commerce et d’industrie de l’axe Seine, et que rejoignent aujourd’hui les grandes entreprises ou les ports situés sur un territoire qui représente 36 % du PIB français. Nous sommes propulsés vers l’avant par un grand projet économique…

M. le président Olivier Carré. Autrement dit, la réponse ne saurait être la même dans des bassins très structurés et dans les zones rurales où le maillage territorial des petites entreprises est beaucoup plus ténu. Manifestement, les CCI sont en mesure de fournir des solutions qui correspondent au terrain, ce qui n’est pas nécessairement le cas de l’échelon institutionnel administratif.

M. Vianney de Chalus. Nous nous adaptons aussi à une crise financière qui est bien réelle : au Havre, nous allons passer à moins de quatorze jours de fonds de roulement !

Nous nous réorganisons, nous mutualisons, mais nous mettons surtout sur pied des projets. Qu’est-ce que « la CCI de demain », sinon une totale adaptation au monde de demain ? Les centres de formalités des entreprises (CFE) virtuels offriront par exemple une meilleure qualité de service tout en permettant de réduire le personnel. Les chefs d’entreprise que nous sommes savent cependant que, pour mener à bien des fusions et des réadaptations, il faut des moyens. Sans moyens, nous sommes morts !

Concernant la question du coût que font peser les CCI sur les entreprises, je rappelle qu’en moyenne ces dernières versent pour les chambres 450 euros par an, et que ce montant est inférieur à 20 euros chez les petits commerçants. Pour leur rendre 3 ou 4 euros, voulez-vous vraiment mettre les chambres en danger de mort ?

M. le président Olivier Carré. 1 euro mal utilisé, c’est toujours un euro de trop. Ce que je vois, c’est ce qui reste aux entreprises pour qu’elles poursuivent leur activité au service de leurs clients.

Monsieur Garreta, dans un courrier qu’il nous adresse, M. François-Xavier Brunet, président de l’association des chambres de commerce et de l’industrie territoriales, dont vous êtes vice-président, nous fait part de son mécontentement concernant les orientations de CCI France présentées lors des auditions du 4 mars dernier. M. Brunet soutient manifestement une autre réforme des CCI. De quoi s’agit-il ?

Mme Monique Rabin, rapporteure. La question de la remise en cause du schéma se pose. Sachant que CCI France et les CCI de région coûtent 200 millions d’euros, n’est-il pas possible de se contenter du maillage des CCI territoriales ?

M. André Garreta. On nous parle de simplification administrative, mais de trois échelons actuellement – CCI France, CCI régionales, et CCI territoriales – on passerait à six : CCI France, CCI régionales, CCI métropolitaines, CCI départementales, CCI territoriales, et CCI locales. Où allons-nous, et comment y aller ? On parle de simplification, mais l’on nous propose des schémas sectoriels, des schémas d’organisation, des COP, des COM. À l’heure d’internet et des réseaux, tout cela n’a rien à voir avec la fluidité exigée par la nouvelle économie. Quelle réorganisation veut-on vraiment ?

L’association des CCI territoriales, qui réunit quarante-huit présidents de CCIT défend le caractère territorial des CCI et leur personnalité juridique : elles doivent pouvoir par exemple passer des contrats avec les collectivités locales, ce que ne peuvent pas faire les CCI locales qui ne sont que des chambres déléguées. Les soixante-quatorze contrats signés par la CCI Bayonne Pays Basque avec la région, le conseil général, des communautés de communes, ou même certaines communes lui procurent des ressources complémentaires et permettent à certains projets d’avancer.

L’association a imaginé un schéma qui s’inscrit dans le cadre de la loi et des récentes délibérations de CCI France. Il est actuellement mis en œuvre en Aquitaine et se fonde sur le regroupement de trois CCI régionales en une seule, en raison du nouveau découpage régional, et sur la transformation de la CCIT de Bordeaux en CCI métropolitaine.

Les fonctions support, les fonctions opérationnelles, les fonctions d’assistance et de conseil pour les CCI territoriales seront mutualisées entre CCIR et CCIM ce qui constituera une source d’économies. La chambre régionale conservera des fonctions fortes avec l’orientation stratégique générale et l’élaboration des schémas, les relations avec les pouvoirs publics régionaux, la répartition de la ressource fiscale, et la fonction paie. Les CCIT continueront de jouer leur rôle de proximité dans leurs fonctions de services publics, d’accompagnement des entreprises, de formation, de gestion d’infrastructures et d’équipements, ou d’interlocuteur des pouvoirs publics locaux. Elles conserveront les fonctions supports non mutualisées comme les finances et la communication.

Dans ce cadre, je me pose une question à laquelle personne ne semble pouvoir répondre : comment seront financées les inéluctables suppressions d’emplois que provoquera la fusion de trois CCI régionales en une seule ?

Les CCI sont dans l’incapacité totale d’assumer ce poids financier supplémentaire. La CCI de Bayonne Pays Basque a déjà supprimé quinze emplois : nous avons fait les efforts que l’on attendait de nous, mais nous ne pouvons pas aller plus loin. Aujourd’hui, notre CCIT n’a plus que vingt et un jours de fonds de roulement.

M. Jean-Louis Nesti. J’écoute mes collègues avec beaucoup d’intérêt, mais ils sont confrontés à des situations qui n’ont rien à voir avec celles que nous connaissons dans les CCI rurales.

Le bassin de vie auquel appartient la Corrèze a la particularité d’être localisé dans plusieurs régions – trois hier, deux aujourd’hui. Or le regroupement de CCI territoriales situées dans différentes régions pose problème. Le plus inquiétant, c’est que la diminution du nombre de nos collaborateurs ne nous permettra plus d’assurer l’accompagnement des entreprises en zone rurale. Une fois de plus, on porte un coup à l’aménagement du territoire. Certains territoires de Corrèze meurent faute d’activité ; si nous ne pouvons plus les aider, la situation empirera. Évidemment, nous ne serons plus en mesure d’accompagner des projets indispensables pour les territoires, comme nous l’avons fait avec l’autoroute A 89 qui traverse la Corrèze ou avec les aéroports, et nous nous trouverons dans l’obligation de couper les vivres aux structures dont nous finançons le fonctionnement. Qui payera ? D’ici à trois ans, on pourrait parfaitement imaginer que nous soyons en cessation de paiement, placés sous la tutelle de l’État.

Dans les territoires urbanisés, les CCI peuvent espérer se transformer en sociétés de services ; en zone rurale, ce sont des organes de service public qui ne peuvent pas se permettre de facturer la plupart de leurs prestations – cela nous arrive malgré tout, comme je vous l’ai indiqué la taxe ne représente que 60 % de nos ressources. Sans moyens financiers, nous ne pourrons plus agir.

M. Jean Vaylet. En région Rhône-Alpes, pour financer la diminution des recettes fiscales, nous avons commencé par mutualiser les fonctions supports, ce qui a permis de réaliser une économie de 20 %. La CCI de Grenoble dont la recette fiscale a diminué de 1 million d’euros a lancé un plan de réduction de ses effectifs de quarante-sept personnes. La recette a fonctionné une fois mais elle ne pourra pas être réutilisée trois années de suite sans que nous nous retrouvions dans l’obligation de revoir nos prestations et d’adapter nos offres de services.

Pour compléter le propos de M. Garreta relatif au financement des plans sociaux, j’appelle votre attention sur la nécessité d’accompagner nos collaborateurs. Nous nous devons de lancer des projets comme « la CCI de demain », mais encore faut-il que nous ayons les moyens de former nos collaborateurs ! L’allégement des structures a un coût, il en est de même du renforcement des compétences.

Le schéma qui s’applique en Aquitaine n’est pas nécessairement transposable dans d’autres territoires. En Auvergne et Rhône-Alpes, par exemple, la mutualisation ne peut pas se faire entre régions via une CCI métropolitaine car nous comptons trois métropoles – Clermont-Ferrand, Grenoble et Lyon. Elle s’opère au niveau régional, et certains sujets sont ensuite traités par délégation. Il n’existe donc pas de solution unique au niveau national mais des solutions adaptées à chaque territoire.

M. le président Olivier Carré. Il me paraît pertinent de s’en remettre à des solutions qui prennent en compte la spécificité des territoires. C’est une bonne stratégie.

M. Vianney de Chalus. En 2012 et 2013, en Normandie, nous avons décidé d’un prélèvement de 15 millions – répartis à égalité entre le financement des fonds de restructuration, le lissage des taux, et les projets régionaux. Nous avions donc de la trésorerie mais, au final, il y a eu un prélèvement de l’État. Cela n’incite pas à mettre de l’argent de côté !

M. Jean Vaylet. Le fonds de péréquation de Rhône-Alpes a été prélevé de la même façon !

M. le président Olivier Carré. Votre logique de gestion n’est pas annuelle mais pluriannuelle. Contrairement à l’État, qui a du mal à se projeter au-delà de trois ans, vous raisonnez, comme les entreprises, sur le long terme.

M. Olivier Rocaboy. En Pays de la Loire, la fusion des CCI de Nantes et de Saint-Nazaire est intervenue en 2011 pour porter le projet métropolitain à l’échelle de l’estuaire de la Loire. Les trois CCI du Maine-et-Loire ne forment désormais plus qu’une seule chambre. L’organisation régionale a été pensée pour une mutualisation fondée sur les compétences existantes. La CCI de Nantes Saint-Nazaire gère par exemple les ressources humaines et les systèmes d’information pour la région. Aujourd’hui, les fonctions supports représentent 13 à 14 % du budget des CCI des Pays de la Loire ce qui signifie qu’on ne peut plus attendre que des gains minimes de ce côté. En conséquence, toute nouvelle baisse des ressources se traduira par un recul de l’activité opérationnelle des chambres. Je rappelle qu’entre le 1er janvier 2013 et le 1er janvier 2015, nous avons supprimé vingt et un emplois. Les dépenses liées à la masse salariale sont en diminution de 800 000 euros.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Le 4 mars dernier, lors de son audition, M. André Marcon, président de CCI France, a salué la loi de 2010 qui consacre le niveau régional comme celui de la décision stratégique. Il a cependant regretté que la loi n’ait pas rendu le schéma directeur prescriptif, ce que je trouve un peu contradictoire. Qu’en pensez-vous ?

L’exonération des entreprises de la taxe visait à alléger leurs charges. À votre connaissance, comment apprécient-elles cette évolution ? Préfèrent-elles économiser 450 euros par an ou renforcer leur CCI ?

M. le président Olivier Carré. Nous ne pouvons pas ignorer ce qui remonte parfois du terrain. Nous entendons des entreprises dire : « Les CCI ne sont plus ce qu’elles étaient ! » Certains estiment que 450 euros, c’est cher – d’autant qu’il s’agit d’une taxe et non d’une cotisation telle que la perçoivent d’autres organisations professionnelles.

M. André Garreta. Au Pays Basque, le montant moyen de la taxe est de 273 euros par entreprise, et pour les entreprises de moins de cinq salariés, il est inférieur à 65 euros.

Notre CCI a effectué plus de 21 000 interventions : elles auraient coûté bien plus cher que le montant de la taxe si les entreprises avaient dû payer un prestataire commercial. Combien coûte la création d’un site internet et un accompagnement au démarrage, le suivi d’une création d’entreprise par une société d’experts, l’accompagnement pour une transmission d’entreprise ? Nous, nous faisons tout cela gratuitement !

Nous comptons 15 700 ressortissants qui bénéficient de 21 000 interventions. Ces chiffres montrent bien qu’ils viennent nous chercher.

M. le président Olivier Carré. Ce chiffre global recouvre des actions très diverses…

M. André Garreta. Précisément, nous intervenons dans de nombreux domaines. Nous avons suivi 1 530 entreprises dans les six mois suivant leur création : croyez-vous que cette prestation ne serait facturée par d’autres que 273 euros ?

M. Jean Vaylet. Les ressources propres de la CCI de Grenoble parlent d’elles-mêmes : elles montrent que les services que nous rendons sont utiles aux entreprises puisqu’elles sont prêtes à les payer. La ressource fiscale ne représente que 15 % de nos recettes.

En tant que porte-parole du MEDEF, même si je ne suis pas ici à ce titre, je puis vous dire que ce dernier se félicite du rôle joué par le réseau des CCI et par les évolutions qu’il met en place.

Madame Rabin, dans le cadre de la loi de 2010, la prise de décision en matière de schéma est assez complexe. À titre personnel, j’estime que le vote d’un schéma prescriptif par les CCI régionales, qui représentent les CCIT, constituerait un gage d’efficacité.

M. Jean-Louis Nesti. Je crois, au contraire, que la mise en place d’un schéma prescriptif irait à l’encontre de l’action des petites chambres territoriales. Nous avons déjà du mal à nous faire entendre aujourd’hui ; si un schéma était imposé d’en haut, cela aurait un effet sclérosant. Les territoires, les entreprises, et les élus bénévoles le vivraient très mal !

M. Vianney de Chalus. Il faut de la liberté et de la confiance, sans toutefois que ceux qui sont ultra-minoritaires puissent tout bloquer. Lorsque 90 % des chambres sont d’accord sur un schéma directeur régional, il faut éviter qu’une seule chambre empêche toutes les autres d’avancer. On ne peut pas être dans le consensus mou lorsque l’on a besoin de réformes fortes.

M. le président Olivier Carré. Nous vous remercions tous pour votre participation à ces fructueux échanges.