Accueil > Contrôle, évaluation, information > Les comptes rendus de la mission d’évaluation et de contrôle

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Les chambres consulaires, leurs missions et leurs financements

Mardi 31 mars 2015

Séance de 14 heures 15

Compte rendu n° 7

Présidence de M. Olivier Carré, président

– Table ronde réunissant des représentants de chambres de commerce et d’industrie régionales : M. Pierre-Antoine Gailly, président de la CCI Paris Île-de-France, M. Gilles Curtit, président de la CCI Franche-Comté, M. François Cravoisier, président de la CCIR Champagne-Ardenne, et Mme Corinne Genin, directrice générale, M. Nicolas Chiloff, président de la CCI Centre, et M. Romuald de Pontbriand, directeur général, M. Jean-Baptiste Tivolle, directeur général de la CCI Nord de France, M. Christian Jouve, directeur général de la CCI Midi-Pyrénées, et M. Jean-Paul Tourvieille de Labrouhe, directeur général de l’Association des chambres de commerce et d’industrie des outre-mer (ACCIOM).

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Mes chers collègues, nous poursuivons les travaux de la Mission d’évaluation et de contrôle sur les réseaux consulaires par une table ronde regroupant les représentants de différentes chambres de commerce et d’industrie régionales, que nous remercions de leur présence.

Messieurs, je vous laisse la parole pour un premier tour de table.

M. Pierre-Antoine Gailly, président de la CCI Paris Île-de-France. Je m’exprimerai en notre nom à tous, avant d’apporter quelques précisions relatives à l’Île-de-France.

Cette mission permet tout d’abord de faire le bilan de la loi de 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, qui a affirmé le fait régional : les représentants de chambres régionales que nous sommes seront demain en ordre de marche pour adapter les chambres aux futures grandes régions.

Elle a également permis la mise en place, inégalement achevée selon les régions, de véritables schémas régionaux destinés à mutualiser des services, et donc à réaliser des économies, tout en préservant la proximité, gage d’efficacité.

Elle a, par ailleurs, permis de déterminer des stratégies, souvent articulées avec les conseils régionaux. L’Île-de-France s’est engagée dans un schéma de fusion quasi-totale. Les CCI Nord de France et Champagne-Ardenne ont engagé une démarche similaire. Il faut toutefois savoir que le rapprochement interrégional aura parfois pour conséquence de rebattre les cartes. Les CCI des deux Normandie avaient anticipé la loi.

Quant au débat métropolitain, lui aussi inscrit dans la loi, il a tantôt clarifié, tantôt compliqué la situation. Les régions dotées de métropoles représentent autant de cas particuliers.

S’agissant de la mission des trois corps d’inspection de l’année dernière – inspection générale des finances (IGF), inspection générale des affaires sociales (IGAS) et conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies (CGEIET) –, les premières auditions auxquelles vous avez procédé ont donné lieu à des propos sur la transparence qu’il convient de rectifier de manière solennelle.

La lettre de mission indiquait clairement que l’objet de cette inspection conjointe était de comparer l’action des chambres de commerce et d’industrie avec celle d’autres établissements publics, qu’ils soient départementaux, régionaux ou nationaux – autrement de savoir ce que nous faisions mieux ou moins bien que les autres. J’ai participé à toutes les réunions avec les corps d’inspection : or, dès la troisième réunion, lorsque nous avons demandé quand commencerait la comparaison, l’exercice s’est arrêté brutalement, au motif que les responsables de cette mission n’avaient pas à leur disposition les chiffres de telle ou telle ARD (agence régionale de développement), de telle ou telle AFPA (agence pour la formation professionnelle des adultes) ou d’Ubifrance ! Lorsque, la semaine suivante, nous leur avons fourni ces éléments, ils ont refusé de les prendre en compte.

Je tiens donc à souligner que les chambres de commerce et d’industrie ont pratiqué la transparence : jusqu’au mois de juillet, nous avons fourni aux trois corps d’inspection tous les éléments de comptabilité générale et analytique à notre disposition. Nous ignorons ce qu’ils sont devenus par la suite. L’accusation de défaut de transparence ne saurait être supportée par les chefs d’entreprise de l’ensemble du réseau.

Nous avons tenu à répondre au projet de rapport – qui n’a pas été rendu public. Les chambres ont répondu à chaque point soulevé dans les quelque quarante pages des documents d’inspection – la synthèse ne fait que deux ou trois pages. On y trouve quelques perles : être accusé d’être trop riche parce qu’on se désendette est un symptôme original ; être accusé d’avoir perçu trop de fiscalité au motif que l’on dégage des résultats positifs est tout simplement inacceptable.

Où en sont les chambres de commerce et d’industrie après la loi de finances 2015 ? Je répondrai pour celle de Paris Île-de-France. À la suite du prélèvement de 100 millions d’euros et en raison de la baisse de la fiscalité, je confirmerai dans deux jours devant l’assemblée générale un plan de suppression de 499 postes sur 5 000. Ce plan vient après une première opération de même nature, présentée il y a trois ans, consécutive à la politique de fusion pratiquée en Île-de-France et qui portait sur 400 postes. Avec 900 suppressions de postes, la baisse approche les 20 % de l’effectif global. Après avoir épuisé les joies de la mutualisation, taillé notamment dans les fonctions support et tout ce qui pouvait se regrouper pour améliorer notre efficacité, nous attaquons désormais les œuvres vives, constituées, pour la CCI de Paris Île-de-France, à hauteur des deux tiers par l’enseignement et l’apprentissage. Si les lois de finances 2016 et 2017 continuent sur la même lancée que celle de 2015, nous devrons faire des choix dramatiques à tous points de vue.

Un prélèvement de 100 millions d’euros n’est pas sans conséquence en termes d’investissements. Le fonds de roulement pour 2015, après la réduction de nos investissements, ne sera plus que de quelques jours. Il faut aussi tenir compte du fait que le plan de suppression des postes coûtera une quarantaine de millions d’euros.

J’ajouterai que l’investissement de l’Île-de-France, de l’ordre de quelque 55 millions d’euros chaque année – 90 % dans les écoles et 10 % dans l’électronique – sera divisé par deux, voire par 2,5 – le niveau du curseur n’est pas encore définitivement arrêté.

Si, d’aventure, la même politique était poursuivie, nous annoncerions vraisemblablement dès le mois de septembre un nouveau plan social visant plusieurs centaines de collaborateurs.

L’accélération de la régionalisation ne doit pas remettre en cause notre proximité avec les territoires. Je rappelle que la réforme de l’organisation consulaire a été votée à 77 % en Assemblée générale avec 8 % d’abstention. Il vous a été dit lors d’une précédente audition que l’association des CCIT comptait cinquante-huit membres : seule une vingtaine a voté contre la réforme, ce qui relativise quelque peu les clivages que d’aucuns aiment à mettre en avant.

Toutes les chambres de France travaillent sur la numérisation et la formation : les campus régionaux ne s’intéressent pas seulement aux grandes écoles mais également aux centres de formation d’apprentis (CFA), sans oublier l’intelligence économique.

La CCI Paris-Île-de-France n’a pas attendu le début de l’année 2015 pour considérer que, dans une période de très forte attrition des recettes, l’union faisait la force. En décembre dernier, le budget pour 2015 et les clés de répartition pour 2016 et 2017 ont, pour la première fois, été adoptés à l’unanimité, Seine-et-Marne et Essonne comprises, ce qui est significatif pour ceux qui ont encore en mémoire les événements de 2010. Ainsi, le changement de mandature, qui interviendra à la fin de 2016, ne sera pas affecté par des débats financiers intestins.

De plus, au début du mois de décembre 2014, la CCI Paris Île-de-France a passé un accord avec le conseil régional, qui porte notamment sur les moyens de capter et d’orienter vers les entreprises les fonds européens, de sécuriser les crédits d’apprentissage ou de poursuivre dans les années à venir le cofinancement des services d’appui croisés entre l’agence régionale de développement et la CCI. Nous nous inscrivons bien dans une hypothèse de régionalisation, y compris avec les collectivités locales correspondantes.

M. François Cravoisier, président de la CCIR Champagne-Ardenne. Alors que la CCIR Champagne-Ardenne s’est efforcée d’appliquer correctement la loi de 2010, elle s’en trouve aujourd’hui lourdement pénalisée, après avoir réalisé une économie substantielle de plus d’1,2 million d’euros, via la régionalisation des fonctions support, et mis en place le même système comptable et de gestion au sein de toutes les CCIT et de la CCIR. La CCIR Champagne-Ardenne se voit en effet aujourd’hui ponctionnée de 17 millions d’euros sur les 500 millions prévus, ce qui représente quasiment une année de fiscalité. Nos cinq chambres de commerce et d’industrie territoriales seront donc amenées à réduire leurs investissements. Je rappelle que trois de ces CCIT ont une activité d’aménageur, c’est-à-dire qu’elles créent des parcs d’activités pour accueillir les entreprises, en vue de favoriser le développement économique des territoires. Elles investissent notamment dans des ports – je pense à celui de Givet. Les zones d’aménagement seront pénalisées dans les années à venir, puisque quelque 18 millions d’euros d’investissements sont soit annulés soit reportés.

Certes, la Champagne-Ardenne étant une petite région, sa CCIR ne compte que 260 collaborateurs : toutefois, quarante postes seront supprimés à terme – nous en sommes à vingt-cinq aujourd’hui –, ce qui représente 17 % à 18 % de la masse salariale.

Nous ignorons pour le moment comment nous pourrons construire notre futur mariage avec l’Alsace et la Lorraine pour devenir la région « ALCA ». Nous y travaillons, tout en étant inquiets pour notre pérennité.

M. le président Olivier Carré. Quelles sont vos pistes de travail ?

M. François Cravoisier. Elles concernent de nouveau l’organisation, notamment les fonctions support, l’harmonisation et la classification, ainsi que notre rôle et nos missions, qui varient d’un territoire à l’autre. Il serait ainsi possible de créer un grand centre d’appel, d’autant que la Champagne-Ardenne n’en dispose pas, contrairement à l’Alsace et à la Lorraine, ou encore un observatoire réalisant des études sur l’ensemble de la nouvelle région, ce qui permettrait de réaliser dans les années à venir beaucoup d’économies.

La CCIR Champagne-Ardenne s’était fixée pour objectif de rassembler l’ensemble des CCIT en un seul établissement public : ce projet est aujourd’hui abandonné, dans la mesure où les présidents de CCIT, face à la création de grandes régions, ont tendance à faire marche arrière pour revenir à un établissement par territoire, c’est-à-dire par département. Les Lorrains ont voté la création d’une CCI territoriale ayant le périmètre de l’ancienne région Lorraine et les Alsaciens se sont engagés dans la même démarche. Le schéma à venir verrait la création de quatre établissements publics : l’établissement public régional de l’ALCA auquel s’ajouteraient trois établissements correspondant aux anciennes régions. Nous ne sommes pas opposés aux CCIT : nous essayons au contraire de travailler par bassin et de renforcer notre présence dans les territoires dans le cadre d’une nouvelle organisation.

M. Gilles Curtit, président de la CCI Franche-Comté. La Franche-Comté est appelée à fusionner avec la Bourgogne : nos deux régions ont été très en pointe sur le sujet. Les dix présidents des CCI de Bourgogne et de Franche-Comté ont tenu la semaine dernière un bureau commun en vue de tracer les premières pistes de fusion de nos deux établissements.

Deux visions différentes s’opposent pour le 1er janvier 2017. La première consiste à choisir dès aujourd’hui un modèle pour que les nouveaux élus puissent disposer dès le 1er janvier 2017 d’une CCIR en état de fonctionnement. La seconde privilégie un rapprochement du back-office – service d’appui, relations humaines, directeur administratif et financier, service informatique – afin de permettre aux nouveaux élus, au 1er janvier 2017, d’organiser la nouvelle CCI régionale comme ils l’entendront. Dès maintenant, les deux CCIR travaillent ensemble aux mutualisations potentielles.

Les effectifs de la chambre de commerce et d’industrie de Franche-Comté, les quatre CCIT compris, s’élèvent à 235 personnes, soit 215 équivalents temps plein. Elle a réalisé, comme l’a souligné le rapport du Sénat sur les CCI, une régionalisation poussée du service d’appui, qui peut être déconnecté des réalités quotidiennes de nos ressortissants, ainsi que de plusieurs fonctions opérationnelles : l’international – une fonction régalienne des chambres de commerce et d’industrie –, et deux grandes filières industrielles, l’automobile et l’énergie, que nous avons regroupées dans un pôle unique, PRDI, qui bénéficie des fonctions d’expertise d’appui à l’industrie de diverses institutions : l’Agence d’intelligence économique de Franche-Comté (AIEFC), l’ARIST, qui s’occupe de l’innovation et des brevets, Enterprise Europe Network, qui s’occupe des relations avec l’Europe, le pôle Développement durable et environnement, ainsi que le Mouvement français pour la qualité (MFQ), qui est hébergé dans nos murs et avec lequel nous travaillons sur la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Nous avons déjà réalisé des économies et les coupes budgétaires que la CCIR Franche-Comté subit l’affectent de manière particulièrement grave compte tenu de son niveau de dépendance à la ressource fiscale. La Franche-Comté n’ayant ni ports ni aéroports, sa dépendance s’élève à 65 % alors que la moyenne du réseau français des CCIR est de 30 % – ce taux peut descendre à 15 % pour certaines grandes CCIR. Dans la mesure où les coupes budgétaires, qui sont réparties de manière homothétique sur l’ensemble du territoire, affectent fortement notre chambre, celle-ci devra mettre en œuvre un plan social qui concernera cinquante-deux personnes. Le quart de nos effectifs, qui ont déjà baissé de 20 % depuis 2008, sera supprimé, puisque nous perdrons 4 millions d’euros de recettes fiscales si la baisse de 37 % de recettes fiscales des CCIR de 2014 à 2017 est confirmée.

M. Jean-Paul Tourvieille de Labrouhe, directeur général de l’Association des chambres de commerce et d’industrie des outre-mer (ACCIOM). La problématique des CCI d’outre-mer n’est pas la même que celle des CCI de métropole.

L’ACCIOM a été créée en 2011 pour réunir les onze chambres de commerce des départements et des collectivités d’outre-mer. Pour satisfaisante que soit la loi de 2010, elle n’en a pas moins le défaut de ne pas traiter du cas très spécifique des CCIR mono-CCIT. C’est pourquoi les chambres de commerce et d’industrie d’outre-mer souhaitent quelques aménagements, s’agissant notamment de l’obligation d’établir un schéma directeur, faute de quoi il devient impossible d’emprunter : l’objectif de ce schéma directeur étant de prévoir la carte des CCIT, quel intérêt dans le cas de CCIT unique ?

Le problème essentiel demeure, toutefois, celui des ressources. Bien que les CCI des outre-mer n’aient aucune capacité de mutualiser leurs services puisqu’elles n’ont qu’une CCIT-CCIR, leur traitement fiscal est identique à celui des CCI de la métropole. Elles ont même subi une double peine, puisqu’elles ont perdu, dans la même période, les concessions des ports et des aéroports, ce qui a des conséquences gravissimes dans des îles comme la Martinique ou La Réunion.

La loi a, en effet, accordé aux GPM (Grands ports maritimes), qui sont des établissements publics spécifiques, la concession des ports au 1er janvier 2013. À cette date, les CCI de La Réunion, de la Guyane ou de la Martinique ont perdu la concession de leurs ports.

Quant aux aéroports, leur concession, comme en métropole, a été transférée à des sociétés anonymes d’exploitation, dans lesquelles l’État est actionnaire à hauteur de 60 %, les CCI à hauteur de 25 % et les collectivités territoriales à hauteur de 15 %. Les CCI ne sont donc plus gestionnaires, ce qui représente pour elles des pertes sèches : en 2010, le volume budgétaire des CCI des quatre DOM – je mets à part le cas de Mayotte, dont l’assimilation législative est progressive – s’élevait à plus de 300 millions d’euros : il n’est plus aujourd’hui que de 117 millions, ce qui n’est pas sans remettre en cause la structuration financière des chambres. Paradoxalement, alors qu’il est structurellement impossible aux CCI d’outre-mer de mutualiser leurs services puisqu’elles n’ont qu’une seule CCIT, la mutualisation des fonctions support – informatique, communication, DRH, comptabilité – avec leurs concessions est devenue impossible… Les CCI d’outre-mer sont donc particulièrement inquiètes, d’autant qu’elles subissent déjà les handicaps récurrents des outre-mer : un tissu économique constitué à 95 %, voire 98 %, de TPE, des déplacements longs et difficiles, des coûts de structures ou un engagement très fort en matière de formation, compte tenu d’un taux de chômage qui est le double de celui de la métropole.

Les CCI d’outre-mer ont joué le jeu : elles ont conscience de devoir participer à l’effort national. Toutefois, le fait qu’elles subissent le même régime fiscal que celles de la métropole finit par les mettre en danger.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. La nouvelle approche financière des CCI s’ajoute donc, pour les CCI d’outre-mer, au fait d’avoir déjà perdu la gestion des grands équipements. Ai-je bien résumé cette double peine que vous avez évoquée ?

M. Jean-Paul Tourvieille de Labrouhe. Tout à fait, madame la rapporteure.

M. Christian Jouve, directeur général de la CCI Midi-Pyrénées. Je suis à la fois le directeur général de la CCIR Midi-Pyrénées et de la CCI métropolitaine. La CCIR a délégué à la CCI métropolitaine toutes les fonctions support afin de réaliser des économies.

Je tiens à insister sur l’articulation entre la région et la métropole, laquelle est mon quotidien, en appelant votre attention sur les conséquences pour les PME, en termes de lisibilité économique, de la répartition prévue dans le projet de loi relatif à la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). On parle souvent du millefeuille administratif, mais il y a aussi le millefeuille économique : à chacun son entreprise… Les CCI sont les passerelles de neutralité entre les différents établissements, notamment les collectivités territoriales, et l’État.

Demain, les CCI démontreront qu’elles ont toute leur place en matière de proximité. Se donner les moyens d’apporter une réponse identique dans toutes les régions de France est un véritable pari. C’est pourquoi les réformes à venir, notamment celles des collectivités territoriales et des métropoles, orienteront le travail des CCI. Le service public à apporter aux entreprises est un enjeu majeur par rapport aux ressources fiscales. Il ne faut pas non plus oublier que les aides du Fonds européen de développement économique et régional sont désormais accordées directement aux régions. Nous assistons donc, en matière de leadership économique, à une concentration des enjeux sur les territoires, ce qui n’est pas sans poser la question du lien entre les entreprises et les CCI, et qui devrait amener à orienter le projet de loi NOTRe vers une plus grande proximité.

M. Jean-Baptiste Tivolle, directeur général de la CCI Nord de France. En ce qui concerne le rapprochement entre le Nord et la Picardie, je prendrai en considération trois facteurs.

Le premier est psychologique, s’agissant notamment de la désignation de la nouvelle capitale : Lille ou Amiens ? Je tiens simplement à rappeler que la chambre de commerce et d’industrie d’Amiens compte 9 000 ressortissants quand celle de Lille en compte 52 000. Il ne faut pas non plus oublier que la CCI Nord de France a mis en place la réforme de 2010 dans un « jusqu’au-boutisme », aujourd’hui pénalisé par des incertitudes budgétaires, politiques et organisationnelles. À l’inverse, la CCI de Picardie a beaucoup moins progressé : son réseau est encore très éclaté.

Il y a un an, notre CCI votait, comme la CCI Champagne-Ardenne, la fusion totale des chambres dans un seul établissement public, la personnalité morale n’étant pas un facteur de négociation politique majeur pour développer l’économie de régions qui évoluent.

M. le président Olivier Carré. Connaissez-vous le même effet retour ?

M. Jean-Baptiste Tivolle. Oui, puisque la chambre régionale Picardie est une CCI « ultralight », avec quatre CCIT qui défendent leur périmètre, conformément aux textes, d’ailleurs. Sa démarche va donc à l’inverse de la nôtre. Nous sommes, nous, depuis 2006, dans une démarche de fusion des chambres. Il faut rappeler que nous partions de quatorze chambres, dont chacune avait sa justification historique – le bassin textile, le bassin minier – avec un poids industriel non négligeable. J’ai vu que, lors des précédentes auditions, vous vous intéressiez particulièrement aux bassins d’emplois : nos chambres ont été redessinées non pas en fonction les bassins d’emplois mais en fonction les flux économiques, qui sont désormais verticaux. Ils traversent la Picardie, qui est placée sur l’axe central qui va de Paris à la Belgique et à l’Europe rhénane.

La loi exigera de nous, demain, de procéder à de nouvelles fusions. Il faudra donc tout reprendre en termes d’organisation. Nous le ferons avec enthousiasme. Je tiens toutefois à préciser que la CCI Nord de France compte 1 200 collaborateurs, hors les ports dont les 1 000 personnels ont un statut particulier. Quant à la CCI de Picardie, elle compte 400 collaborateurs, qui attendent avec impatience de connaître le nouveau contexte dans lequel ils évolueront.

J’ai recensé quatre sujets majeurs.

Le premier concerne les schémas directeurs, qui soulèvent la question de fond de la représentativité politique et de la volonté des entrepreneurs de s’inscrire dans un projet économique. Philippe Vasseur, président de la CCI Nord de France, souhaite, dans un premier temps, s’inscrire dans un projet économique commun avec la Picardie. La répartition des compétences et les luttes de pouvoir attendront.

Le deuxième, c’est le budget. Pierre-Antoine Gailly a bien résumé la situation. La transparence des chiffres est avérée. Les préfets, qui les valident tous les six mois, pourraient aisément les envoyer à la tutelle nationale, qui, à son tour, pourrait facilement les traiter. Nous n’avons ni détourné ni dissimulé aucune somme !

M. le président Olivier Carré. Nous n’avons jamais rien prétendu de tel.

M. Jean-Baptiste Tivolle. Selon la rumeur, les chambres de commerce et d’industrie sont riches ! : qu’est-ce que cela signifie ?

Je vous présenterai deux exemples d’effets négatifs, en termes de gestion, du prélèvement sur les fonds de roulement des CCI.

Le troisième sujet concerne les partenariats. M. Gailly a évoqué celui de la CCI Paris Île-de-France avec le conseil régional d’Île-de-France. Le CCI Nord de France a notamment signé, avec le président de la région Nord-Pas-de-Calais, M. Percheron, une délégation de service public pour l’action à l’international. Ce travail devra être amplifié.

Le quatrième et dernier point concerne les personnels, sujet sur lequel on lit tout et n’importe quoi. Si les CCI emploient 30 000 salariés, c’est qu’il leur faut des collaborateurs pour assurer leurs missions. Je tiens d’autant plus à faire passer ce message que j’ai été membre, dix ans durant, de la Commission paritaire nationale.

Nous avons le sentiment d’être deux fois pénalisés : tout d’abord dans la dynamique de projet d’établissement, qui a été partagée par tous les élus et tous les collaborateurs – nous avons élaboré deux conventions avec les 1 500 collaborateurs présents sur le cap fixé par les présidents des CCI ; pénalisés ensuite dans les bénéfices que nous pensions tirer de la mutualisation inscrite dans la loi de 2010 : ceux-ci ont fondu comme neige au soleil, en raison de la baisse des ressources fiscales et du prélèvement immédiat – nous devons verser 20 millions dans les quinze prochains jours.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Vous deviez nous donner deux exemples concrets de problèmes engendrés par le prélèvement sur les fonds de roulement…

M. Jean-Baptiste Tivolle. Premier exemple : depuis dix ans, nous portons le projet dit « Calais Port 2015 ». Calais est un petit port, mais le premier port transmanche : dans le cadre de la fusion des chambres, la CCI Côte d’Opale associe Calais, Boulogne – premier port de pêche et site industriel de transformation de poissons – et Dunkerque, port national. Dans le cadre de notre stratégie, 650 millions d’euros sont consacrés à cet investissement. L’État y contribue à hauteur de 100 millions, dans le cadre du contrat de plan État-région signé il y a trois semaines par le Premier ministre, et la Commission européenne l’a inscrit dans les grands projets d’investissement du plan Juncker. De son côté, la CCI avait provisionné 15 millions pour capitaliser la Société d’exploitation des ports du détroit, qui doit porter les investissements à la demande à la fois du conseil régional, qui nous a de nouveau confié la délégation de service public, de M. Cuvilier, alors secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche et, enfin, de notre tutelle qui souhaitait l’encourager. Nous avions également provisionné 10 millions d’euros pour financer des études et les conduire pour le compte de la région. Nous avions évidemment laissé ces 25 millions d’euros dans nos comptes : ils n’y sont plus puisque nous devons les reverser intégralement, si bien que nous avons dû emprunter 15 millions pour réaliser ce projet qui permettra de créer entre 850 et 1 000 emplois. Voilà comment le plus grand projet portuaire européen a été sanctionné !

Je donnerai un second exemple, qui concerne le numérique. Dans la région de Valenciennes, Mme Létard, sénatrice et présidente de la métropole, a engagé, à la suite de M. Borloo, un projet de développement massif du numérique. La CCI s’est engagée aux côtés du monde politique et des organisations patronales pour construire la Serre numérique, qui sera inaugurée prochainement par la ministre concernée, en y investissant 35 millions d’euros. Ce projet magnifique devrait générer entre 850 et 2 000 emplois dans une zone où le taux de chômage est très élevé. Les réserves prévues pour financer ce bâtiment, aujourd’hui réalisé, s’élevaient à 17 millions d’euros. Or le président de la CCI Grand Hainaut doit envoyer au titre de la ponction sur le fonds de roulement un chèque au Trésor pour le 15 mai prochain ! Comment ne pas être amers, alors que, en sus des efforts consentis au titre de la loi de 2010, nous avions demandé une approche différenciée, sachant que nos marges de manœuvre se réduisent de jour en jour du fait notamment de la réduction massive de la masse salariale ? Comme nous l’avons souligné devant la commission sénatoriale, le personnel de Nord de France a diminué, en raison des fusions, de 27 %. Nous tenons tous les chiffres à votre disposition, à l’euro et à l’agent près.

L’approche indifférenciée des situations budgétaires est source d’incohérence car elle ne tient pas compte de la spécificité des projets de développement des territoires, visibles, incontestable et décidés, qui plus est, en parfait accord avec le conseil régional, le représentant du Gouvernement, les édiles et les représentants du monde patronal.

Mme Monique Rabin, rapporteure. La mission n’a pas simplement pour objet d’évaluer la loi de 2010 : nous souhaitons aborder avec vous les pistes qui pourraient être empruntées pas seulement pour réduire les moyens, mais pour réaliser les projets qui vous tiennent à cœur et que soutiennent tant la tutelle que vos partenaires.

J’ai plusieurs fois posé la question de la transparence au cours des différentes auditions. Lors du débat budgétaire, plusieurs parlementaires, dont j’étais, ont tenté de convaincre le Gouvernement de moduler le prélèvement selon les forces et les faiblesses de chaque CCI : or il nous a été très difficile d’obtenir leurs comptes. Je ne pense pas que les chambres de commerce et d’industrie ici présentes soient visées, mais d’autres, plus locales, ont eu un peu plus de mal à faire connaître l’état d’avancement de leurs projets.

C’est pourquoi le choix a été fait de réduire l’assiette des fonds de roulement des CCI sur laquelle portait le prélèvement du seul montant des investissements de formation financés pour partie par les investissements d’avenir. Toutefois, ces exemples du port de Calais et de la Serre numérique doivent nous faire réfléchir. Il faut que nous obtenions la liste des projets qui sont collectivement soutenus – j’étais présente lorsque Calais a défendu son projet devant la Banque européenne d’investissement – car ils méritent d’être regardés de près. Nous devons réfléchir ensemble à la manière d’aborder les budgets à venir des CCI.

M. le président Olivier Carré. Mais il faut reconnaître que la confiance s’est quelque peu diluée…

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Dès la première audition, nous avons demandé à M. Marcon, président de CCI-France, de dresser l’inventaire de tous les projets abandonnés ou pénalisés du fait de ces prélèvements sur les fonds de roulement, d’un côté, et de l’anticipation de l’évolution de la taxe, de l’autre. Nous devons mesurer les conséquences financières de ces mesures sur l’économie locale : il ne faut pas oublier, en effet, que ces prélèvements ont ciblé l’argent des entreprises, qui a finalement abouti à combler le déficit de l’État !

M. Nicolas Chiloff, président de la CCI Centre. La région Centre, qui était une des plus grandes de France avant la modification des limites géographiques des régions, en est devenue l’une des plus petites. Composée de six départements, elle ne dispose pas de métropole. C’est une région rurale, dotée de CCIT de proximité.

La CCI Centre, qui compte 450 collaborateurs et 450 vacataires pour l’enseignement, n’a pas attendu la réduction des ressources budgétaires pour diminuer ses effectifs de 20 % depuis le début de la mandature ; c’était un de nos objectifs. Nous avons mutualisé presque toutes les fonctions support (ressources humaines, finances, informatique), ce qui a permis de faire passer leur poids de 15 % à 11 % du budget – il existe encore des marges de manœuvre. La CCI a également mutualisé l’international : un accord-cadre couvrant l’ensemble des fonctions de développement économique de la région est en instance d’être signé avec le conseil régional.

Nos ressources fiscales représentant 64 % de notre budget ; du fait des mesures prises par l’État, 50 % des investissements prévus sont annulés ou reportés – c’est le cas notamment du développement d’un quartier d’affaires, que nous devions réaliser avec l’agglomération d’Orléans. Qui plus est, certaines de nos CCIT passent en trésorerie négative. Vous avez raison, madame la rapporteure : l’État a bel et bien transféré sa dette sur les chambres de commerce et d’industrie ! Les CCIT doivent donc emprunter, mais ceci est interdit par la loi pour couvrir les frais de fonctionnement. Des emprunts réalisés pour payer des investissements éventuellement déjà lancés serviront donc à boucher les trous des CCIT. Le transfert de dettes opéré par l’État est inacceptable ! Il a réussi un tour de passe-passe en subtilisant l’argent des entreprises et en transférant sa dette sur les chambres de commerce et d’industrie.

M. le président Olivier Carré. Vous avez tous l’esprit entrepreneurial : sur quelles mesures convient-il, à vos yeux, de revenir de manière constructive et comment comptez-vous satisfaire celles que le législateur et le Gouvernement ont prises ? Tâchons de construire ensemble un discours cohérent afin d’aider le Gouvernement, s’il le souhaite, à sortir de l’ornière.

M. Pierre-Antoine Gailly. En matière de transparence, on ne parle jamais de ce que j’appelle « l’écrêtement au-dessus du plafond de TA-CVAE » – taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – : 50 millions par an ! Nous avons fini par en trouver le montant dans l’Évaluation des voies et moyens annexé au projet de loi de finances. En matière de transparence, il est possible de faire mieux. Lorsqu’on ajoute à ces 150 millions sur trois ans un prélèvement qualifié d’« exceptionnel » de 170 millions d’euros sur les ressources affectées en 2014 au fonds de financement des chambres de commerce et d’industrie et le prélèvement de 500 millions de 2015, on arrive à plus de 800 millions d’euros ! Un tel détournement d’un argent que les entreprises avaient destiné à l’investissement ne peut qu’entretenir la suspicion.

Oui, toutes les CCI établissent des plans pluriannuels d’investissement. Il y a deux ans, le rapporteur du projet de loi de finances nous avait puissamment aidés à faire adopter un amendement qui précisait la trajectoire fiscale des chambres de commerce et d’industrie. Je me suis permis de le rappeler à l’actuel ministre chargé du budget.

Une CCI qui gère une école ne s’intéresse pas uniquement à l’année en cours. Lorsqu’au 1er avril on n’a aucune indication sur les ressources éventuelles de cette école pour les deux années suivantes, on est obligé de piloter à l’aveugle, ce dont nous ne sommes absolument pas responsables. Si nous avons souhaité une trajectoire fiscale, c’est qu’elle est indispensable à la fois pour défendre des investissements au plan pluriannuel mais également pour expliquer à nos personnels la façon dont il faudra gérer une chambre comme la CCI de Paris Île-de-France avec 500 collaborateurs en moins. Il y va de notre responsabilité sociale à l’égard de nos équipes. Aucun chef d’entreprise ne peut se dispenser d’une vision pluriannuelle.

L’État doit arrêter de prélever l’argent que les CCI avaient provisionné pour réaliser des projets majeurs.

La perspective d’un nouveau plan social au mois de septembre prochain nous est insupportable, d’autant que nous serons en pleine rentrée scolaire : ce n’est pas nous qui avons choisi cette date absurde. La CCI Paris Île-de-France ajustera ses budgets d’investissements : ils seront divisés par deux au moins sur les cinq prochaines années. Nous serons contraints, je le répète, de réduire la force vive.

M. le président Olivier Carré. Concrètement, combien de formations fermerez-vous ?

M. Pierre-Antoine Gailly. Pour des raisons de dialogue social, il ne m’est pas possible de répondre à votre question, qu’il s’agisse des formations elles-mêmes ou du nombre des personnels concernés. Nous avons déjà expliqué aux équipes que l’ensemble des écoles de gastronomie entreront dans une logique de filière placée sous une même « ombrelle » – Ferrandi –, ce qui nous permettra de mutualiser certaines dépenses.

La CCI, qui gère 32 000 élèves dans vingt-quatre écoles, procédera selon cette logique de filière chaque fois que ce sera possible. J’espère ne pas avoir à me pencher de nouveau sur le sujet au mois de septembre prochain.

Ajoutons que nous sommes dans l’incertitude totale pour ce qui concerne la taxe d’apprentissage. Lorsque la mission d’inspection nous a demandé de chiffrer le risque, nous avons avancé un montant de l’ordre de 50 millions d’euros au plan national. Il faut savoir que la réforme de la taxe, adoptée en 2014, n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact. En revanche, lorsque nous fléchons la volonté des entreprises, qui ne peuvent plus, désormais, affecter qu’un peu moins de la moitié de leur taxe, nous nous apercevons que nous serons à coup sûr obligés de réduire les moyens de certaines formations dispensées par les CFA. Pour certaines, ce sera même la double peine !

M. François Cravoisier. Certaines chambres consulaires ont choisi de créer des parcs d’aménagement à la place ou en partenariat avec les collectivités. Elles ont mis de côté de l’argent pour acquérir des terrains auprès du monde agricole, pour payer les fouilles archéologiques qui représentent un coût non négligeable, pour porter ces terrains pendant parfois trente ans. Aujourd’hui, elles se retrouvent fortement pénalisées parce qu’elles n’ont plus les moyens d’investir dans ce type d’équipement.

Autre exemple : l’école de Reims et celle de Rouen ont fusionné pour créer NEOMA, franchissant ainsi largement les frontières et les limites d’une région.

Nous voulons aller de l’avant, mais nous sommes comme un oiseau à qui l’on aurait rogné les ailes… Voilà quelle est la situation dans certaines CCI.

On nous dit que nos fonds de roulement ne doivent pas dépasser quatre-vingt-dix jours. Mais ils nous permettent de répondre à des sollicitations d’entreprises ou de collectivités en fonction d’événements qui se passent sur un territoire.

Dans les Ardennes et la Haute-Marne, deux départements sinistrés qui perdent des habitants, si les chambres consulaires ne donnent une dynamique, qui d’autre le fera ? En nous privant de moyens financiers, on nous enlève ce rôle-là.

Il y avait quatre CFA dans chacun de nos départements. Avec le soutien du conseil régional, nous créons le CFA Interpro de la région Champagne-Ardenne : tout cela exige des investissements. Autant d’initiatives auxquelles on porte un coup d’arrêt.

Sans oublier enfin les inquiétudes des organisations syndicales, qui nous interpellent constamment sur leur avenir. Le réseau des CCI comprend 26 000 collaborateurs. Quid de leur avenir ? Le dialogue social est difficile : ils avaient vingt-deux employeurs sur notre territoire, ils n’en auront plus que treize. Nos collaborateurs sont très inquiets et ils aimeraient avoir une vision triennale. Que leur répondre aujourd’hui ?

Vous parliez des décisions du Gouvernement ; mais de loi de finances en loi de finances, comment pourrons-nous gérer, nous investisseurs, aussi bien la formation que l’aménagement du territoire ? Voilà la question que je voulais vous poser, au nom des organisations syndicales.

M. Gilles Curtit. En Franche-Comté, nos projets sont beaucoup plus modestes que ceux qui viennent d’être exposés, du fait de notre taille et de la surface de notre territoire.

La chambre de commerce et d’industrie territoriale du Doubs avait un projet d’antenne sur Pontarlier – Pontarlier est une zone frontalière avec la Suisse, très porteuse en termes d’emplois et en fort développement. Le terrain avait été acheté. Mais la construction ne pourra pas être entreprise puisqu’il manque environ 1 million d’euros. Autre exemple : l’École de gestion et de commerce (EGC), qui était supportée par la chambre de Haute-Saône, devra être fermée, ce qui entraînera des suppressions de postes.

Sur de petits territoires comme le nôtre, nous portons des projets importants financés par l’Europe, l’État, le conseil régional. Par exemple, le projet Filauto est destiné aux acteurs de la filière automobile et nous travaillons à la fois à la diversification des produits et à la diversification des marchés. Si nous n’avons pas une trésorerie suffisante, nous ne pourrons plus soutenir ces projets pour lesquels nous avançons les fonds et qui dépassent largement notre surface financière normale.

Je voudrais vous faire part de l’imprimé 1259 reçu vendredi dernier qui explique le petit tour de passe-passe fiscal de l’administration : produit de la taxe additionnelle sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TA-CVAE) plafonnée de la CCI Franche-Comté : 7,6 millions d’euros ; prélèvement de l’État : 7,525 millions d’euros ; produit de la TA-CVAE 2015 : 92 000 euros. Les versements, deux douzièmes, que devait nous faire la Direction régionale des finances publique à partir du mois prochain sont supprimés : nous ne savons ni quand ni comment nous serons payés… Dès lors, les personnels s’inquiètent, ils se demandent s’ils pourront percevoir leur salaire. Voilà la réalité du prélèvement sur fonds de roulement qui n’est pas neutre, puisqu’il vient alimenter le fonds de TA-CVAE ! L’État a déjà prélevé l’argent et nous ne savons pas quand nous le récupérerons.

Enfin, nous avons, bien sûr, passé des conventions avec le conseil régional de Franche-Comté, depuis 2012, sur l’ensemble des politiques industrielles et surtout internationales. Nous sommes reconnus comme acteur international, l’année dernière, on nous a confié l’internationalisation de l’agroalimentaire.

M. Jean-Paul Tourvieille de Labrouhe. Dès la loi de 2010, les CCI d’outre-mer, voyant cette double peine annoncée, ont créé l’Association des chambres de commerce et d’industrie des outre-mer. Cela me permet d’être venu vous voir au prix de 1,20 euro, ce qui aurait coûté sinon 3 000 ou 4 000 euros à un président de CCI d’outre-mer…

Nous avons également mis en commun des capacités d’ingénierie. Quand une chambre de commerce d’outre-mer crée une école de gestion et de commerce bac +3, une autre l’aide à la mettre en œuvre. Par exemple, le guichet Europe est commun à la Guyane, à la Martinique et à la Guadeloupe. Mais cet exercice a ses limites, car une EGC bac +3 doit être présente sur le terrain. Du coup, il y a cinq EGC outre-mer ; si ces régions étaient côte à côte comme en métropole, il n’y en aurait que deux ou trois.

Quelles sont les mesures envisageables pour l’avenir ?

Il est très compliqué de mutualiser les moyens supports entre des chambres distantes de plusieurs milliers de kilomètres. Le dialogue avec les chambres de métiers paraît s’imposer. L’histoire est en route, même si en Outre-mer, il y a des sensibilités locales différentes. Comme nous avons perdu la concession des ports et des aéroports, chambres de commerce et chambre de métiers se retrouvent sur les mêmes missions : 40 % de nos ressortissants sont communs et eux-mêmes ne s’y retrouvent pas. Il est certainement possible de réaliser des gains de productivité, sous réserve de l’encourager. Sur ce point, la loi de 2010 n’est pas suffisante puisqu’elle prévoit la possibilité de groupements interconsulaires, autrement dit la création d’une troisième chambre. Il faut, au contraire, de la simplicité et de l’efficacité. Enfin, il faut que la tête de réseau, CCI France, soit forte, et financièrement autonome.

M. le président Olivier Carré. Est-ce que tout le monde valide CCI France ?

M. François Cravoisier. Si nous réussissons un certain dialogue social, c’est grâce à CCI France. Si nous pouvons parler de CUBE 2020, c’est grâce à CCI France. Si nous avons pu renforcer ce type d’action et organiser des manifestations au niveau national, c’est encore grâce à CCI France.

Mais comme CCI France perçoit une dotation en provenance de chacune de nos régions, la question peut être posée de savoir s’il ne faudrait pas économiser la tête de réseau, la réduire à peau de chagrin et ne rien en faire.

M. Pierre-Antoine Gailly. Une tête de réseau est indispensable. Il ne se passe pas une journée sans que j’y sois physiquement ou que j’y participe. Son financement est une autre histoire. La nature des besoins de l’outre-mer, de telle région à prédominance rurale – en disant cela, je ne porte aucun jugement de valeur – ou de régions métropoles et a fortiori de la région capitale, mérite un deuxième niveau de réponse, ce que nous n’avons peut-être pas le temps de faire aujourd’hui.

M. Jean-Baptiste Tivolle. CCI France est une instance politique indispensable, mais doit rester une instance politique. Mais il faut éviter de croire que les politiques de développement économique aujourd’hui très régionales peuvent être, à un moment ou un autre, pensées de façon centralisée. Nous sommes tous ici témoins que nos politiques régionales sont fonction des particularismes régionaux. Dans ce cadre-là, quand on engagera une réflexion sur l’avenir de CCI France, il faudra peut-être voir ce que signifie la répartition commerce-industrie-services qui est devenue presque une contrainte administrative dans certaines chambres de commerce pour l’organisation de leurs effectifs.

S’agissant du budget de CCI France, il faut être extrêmement prudent. Pour ce qui concerne le Nord-Pas-de-Calais, nous dénonçons une mesure qui a été introduite dans la loi de 2010, à savoir la notion de prélèvements obligatoires ou quasi obligatoires dès lors qu’ils sont validés ou votés par l’assemblée générale de CCI France. Quand il s’agit d’affecter des sommes à telle association de défense au niveau national, pourquoi pas ? Mais quand il s’agit de payer un système d’information de gestion des ressources humaines (SIRH) de plusieurs millions d’euros au motif que cette mesure aura été décidée collectivement, cela peut poser des problèmes au moment de l’élaboration des projets dans les régions. Il faudra donc bien traiter la question du budget de CCI France à un moment ou un autre.

La loi de 2010 a le mérite de tout dire. Cela étant, toutes les mesures qu’elle a prévues n’ont pas été appliquées. Entre 2007 et aujourd’hui, si la progression est certes visible, mais lente.

M. le président Olivier Carré. Elle est hétérogène sur le territoire.

M. Jean-Baptiste Tivolle. La loi de 2010 prévoit la possibilité d’une certaine hétérogénéité. Et c’est peut-être en cela qu’il faut l’améliorer. Les décisions prises à une large majorité lors de la dernière assemblée générale de CCI France vont clarifier les choses et permettre d’avancer, quelles que soient les oppositions locales.

Je ferai plusieurs propositions.

Vous avez sans doute entendu parler du caractère prescriptif des schémas directeurs. Si, sur dix, voire quinze CCI, l’une d’entre elles s’oppose à l’application d’un projet, cela bloque tout le système : on l’a vu en Lorraine, en Champagne-Ardenne, durant un temps dans le Nord. Voilà une préconisation applicable immédiatement qui permettrait de débloquer le dispositif.

Le vrai sujet, c’est le projet de développement économique dans chaque région, et c’est là tout l’intérêt de la représentativité des élus et du travail des services. Sur ce point, il conviendrait de bien préciser, peut-être à travers la loi NOTRe, l’adéquation entre le projet de développement économique tel qu’il est perçu par les chambres de commerce et le schéma régional de développement économique. C’est ce qui se passe dans ma région compte tenu de la notoriété du président de la chambre, mais cela n’est peut-être pas le cas dans toutes les régions de France.

Un mot sur les effets de levier de la ressource fiscale. Un euro de ressource fiscale mis dans un projet global de développement de la région correspond à trois euros levés et près de trois euros économisés dans le budget du conseil régional. C’est la contribution des chambres qui, peu ou prou, permet à tel ou tel programme de se réaliser.

Je ne suis pas persuadé que le rôle d’une chambre de commerce se limite à accomplir des formalités et accessoirement un peu d’enseignement. Elle peut porter des projets de nature bien différente et beaucoup plus ambitieux.

La question des partenariats est une question d’actualité, à travers la loi NOTRe et le débat sur les métropoles. La notion de métropole va être appréhendée différemment après la loi : on voit différemment Strasbourg du sud de Troyes ou Lille quand on est à Soisson. La question de l’attractivité et du rôle des métropoles doit être repensée. Mais surtout, c’est l’adéquation avec la politique publique qui doit être revue.

Actuellement, nous signons des conventions avec l’État, avec une contrepartie financière de l’État qui reste assez modeste, alors qu’avec les régions cette contrepartie existe. Dans une région comme la mienne, la chambre de commerce contribue à hauteur de 6 millions d’euros et le conseil régional à hauteur de 4 millions d’euros. Nous avons environ quarante-cinq collaborateurs et quasiment une délégation de service public. C’est une bonne structuration. Mais quand on additionne tous ceux qui travaillent, au niveau de la région, d’une chambre de commerce et de l’État pour le développement économique, on aboutit à des doublons, ce qui représente un coût non négligeable pour le contribuable. Peut-être faudra-t-il que le législateur se penche sur la question. Au travers de la loi NOTRe, il faudra bien préciser, sans être exclusif, qui fait quoi.

Enfin, au vu du travail réalisé par François Cravoisier et un certain nombre d’élus, je ne résiste pas à demander la révision du rôle de la tutelle dans cette commission paritaire nationale. Il est très difficile d’avoir une tutelle muette. Ou bien on considère que la délégation employeur a le pouvoir de réformer, auquel cas on met à mal le double, sinon triple jeu extrêmement stérile entre les syndicats, la tutelle et la délégation employeur, ou bien on estime qu’il y a une tutelle parce qu’il s’agit d’un établissement public de l’État. Mais la tutelle doit s’exprimer à un moment ou un autre, elle ne peut pas persister à dire qu’elle n’est pas là pour cela.

M. Pierre-Antoine Gailly. Rappelons que l’objet même de la mission d’inspection qui a eu lieu il y a un an et demi concernait la répartition entre différents acteurs sur un même territoire. Mais cette question n’a jamais été traitée.

On commence à voir le tissu se déchirer. Je ne sais pas comment la région Rhône-Alpes va remplacer ERAI, l’Agence de développement économique rhônalpine à l’international, qui a volé en éclats dans sa propre région, avec des répercussions dans d’autres régions où elle s’était posée en prestataire de services. ERAI a ouvert vingt bureaux à l’étranger dans des pays où des chambres françaises à l’étranger sont implantées depuis cent ans sans consommer un centime d’argent public. Là aussi, il faudra procéder à un travail de comparaison.

M. Christian Jouve. Le taux d’intégration des jeunes qui sortent des centres de formation est élevé. S’il n’y a plus de formations, il n’y aura plus de jeunes formés, et donc moins d’emplois. L’objectif des chambres de commerce reste d’apporter aux entreprises de la croissance par la compétitivité et de permettre la création d’emplois. Pour ma part, je peux vous citer quelques projets moins connus, par exemple dans le Lot, dans les Hautes-Pyrénées, dans des secteurs où il faut créer de l’attractivité. Dans une CCI de l’Ariège, par exemple, l’existence d’une seule classe a un effet majeur au plan économique. Faire ses études dans une grande ville, c’est simple ; dans ces territoires ruraux, c’est beaucoup moins évident. Il est donc important d’y maintenir des centres de formation qui représentent, en termes d’emplois, 40 % de nos effectifs. J’ai presque envie de dire que l’avenir des chambres repose sur l’appui qu’elles apporteront aux entreprises en matière de formation : face aux agences de développement régional, départemental, de communauté de communes, elles ont leur épingle à tirer du jeu. Peut-être faudrait-il aussi réfléchir à un partenariat avec l’éducation nationale qui pourrait mieux défendre la formation professionnelle dans les territoires.

N’oublions pas non plus la formation des entrepreneurs tout au long de la vie. Je vous invite à consulter les statistiques de réussite qui sont élevées, notamment dans les territoires les plus ruraux.

M. Pierre-Antoine Gailly. Dans la droite ligne de ce que vient de dire Christian Jouve, je veux citer quelques chiffres. Le réseau consulaire compte 100 000 apprentis. 7 % d’entre eux décrochent alors que la moyenne nationale est de 20 %. Le taux de placements et de diplômes est de 85 % alors que la moyenne nationale est de 68 à 69 %. Tout simplement parce que ce sont des chefs d’entreprise qui pilotent les conseils d’orientation des écoles et qui expriment directement les besoins de la région.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Je vous rappelle que c’est nous, parlementaires, qui avons souhaité cette mission. Je l’ai demandée à M. Carrez, président de la commission des finances, parce que je ne voulais pas que l’on reparte sur un dialogue de sourds comme ce fut le cas lors de l’examen du budget. Nous avons le souci d’avancer, et vous avez vu que mes collègues et moi-même sommes sur la même longueur d’ondes sur ce point.

Au fur et à mesure des auditions, nous nous heurtons à un problème de lisibilité globale. En effet, si vous avez des points communs – la question financière et la formation – votre organisation et vos partenariats sont très différents. Il nous faudra donc sans doute travailler un peu plus avec les collectivités territoriales, car chacune a sa manière de faire propre.

Lors de l’examen du budget, nous avons cherché à identifier les engagements juridiques pris par les chambres sur des investissements à venir. Mais je pense que vous pouvez faire valoir cette question ; en tout cas, je vais y travailler avec le Gouvernement, et engager une discussion à partir d’exemples précis.

M. François Cravoisier. Un dernier exemple des absurdités des réseaux consulaires : quand vous créez une entreprise de restauration, vous dépendez de la CCI. Si votre objet social comporte la mention « vente à emporter », vous dépendez du réseau des chambres de métiers et de l’artisanat… Simplifions tout cela ! Peut-être y aura-t-il moins de présidents, moins d’établissements, moins de directeurs, mais on aura simplifié la vie des entrepreneurs. Outre la formation et l’aménagement du territoire, notre rôle premier est d’assister les créateurs et repreneurs d’entreprises. Grâce à nous, un certain nombre de créateurs sont formés, soutenus, suivis au quotidien. Mais comment voulez-vous qu’un créateur sache où aller quand il a une multitude d’interlocuteurs ?

Mme Monique Rabin, rapporteure. CCI France ou les CCI ont-elles évoqué ce point dans le plan « Faire simple » de Thierry Mandon ?

M. Pierre-Antoine Gailly. Oui.

M. Nicolas Chiloff. Je veux revenir sur les dégâts causés par les prélèvements. On a évoqué le passé ; pour ma part, c’est le futur qui m’inquiète et la perspective d’un nouveau prélèvement. A-t-on besoin ou non, des CCI en France ? Veut-on sauver les CCI ou, au contraire, les tuer ? Il y a actuellement, dans ces chambres de commerce, des chefs d’entreprise bénévoles – dans ma région, ils sont deux cents environ – qui donnent de leur temps pour développer l’économie de leur territoire. Je considère que les CCI jouent un rôle de premier plan en termes de développement économique. Il serait vraiment dommage de perdre l’expertise de ces chefs d’entreprise en fonctionnarisant les chambres de commerce. Or je crains que l’on prenne ce chemin. Je veux insister sur ce risque majeur qui malheureusement pointe le bout de son nez dans les couloirs de Bercy.

Nous n’avons été ni entendus, ni écoutés. Je dirai même que nous avons été humiliés. Il serait dommageable de poursuivre dans cette voie.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Je suis très engagée dans ma région. Nous y avons fait beaucoup de belles choses ensemble. Si on n’y croyait pas, on ne serait pas là. Ce que vous venez de dire figurera dans le compte rendu : c’est tout l’intérêt des auditions. Au contraire, nous sommes dans une démarche de rationalisation.

M. Jean-Paul Tourvieille de Labrouhe. Je veux revenir sur l’emploi des jeunes et la formation. En la matière, je parlerai de triple peine pour l’outre-mer. Lors de la réforme de la ventilation de la taxe d’apprentissage, un dispositif spécifique à l’outre-mer avait été prévu sous la forme d’un différentiel de 10 % sur la liberté d’affectation. Or celui-ci a purement et simplement disparu, sans discussion préalable, sans information, alors que la particularité de l’Alsace-Moselle a été préservée, et nous en sommes heureux pour eux. Il aurait été intéressant que l’outre-mer soit associée à cette modification. Nous nous posons également des questions sur la collecte en cours.

M. Jean-Paul Tourvieille de Labrouhe. Cela s’est fait lors de la loi de mars 2014 sur la formation professionnelle. L’inquiétude de M. Gailly sur la taxe d’apprentissage est décuplée outre-mer.

Je compléterai pour conclure l’exemple de M. Cravoisier : la prochaine fois que vous recevrez des amis chez vous, madame la rapporteure, s’ils vous offrent des roses, c’est qu’ils seront allés chez un commerçant ; s’ils vous apportent une composition, c’est qu’ils seront allés chez un commerçant-artisan car un commerçant qui confectionne des bouquets devient un artisan. Plus personne ne s’y retrouve ! Il y a là une piste de simplification évidente.

M. Pierre-Antoine Gailly. Vous avez parlé de lisibilité globale, de rationalisation, d’organisation, ce qui montre assez bien ce qui se passe actuellement. Aucun système d’une collectivité locale ne sera dans l’état de cohérence de celui des chambres de commerce d’ici à dix-huit mois lorsque les décisions de l’assemblée générale du 23 février 2015 auront pris leur plein effet. On n’y peut rien si c’est différent dans une région monocentrée, physiquement et démographiquement compacte et dans une région qui s’étend sur 500 ou 600 kilomètres et qui comprend une ou plusieurs métropoles, ou des points de concentration de population et d’activité.

En Île-de-France, il y a un établissement public régional puis des établissements publics locaux, les chambres sont des personnes morales. Aujourd’hui nous fonctionnons en harmonie budgétaire. Voilà le système qui va être valable pour toute la France. Il y aura bien un seul système, même s’il sera dosé ou décliné différemment selon les contraintes géographiques des bassins d’emploi. Et il va se rationaliser, c’est évident.

On a cité beaucoup de chiffres. On a parlé de 42 % d’augmentation en euros constants du produit de la taxe affectée entre 2002 et 2012 ; c’est vrai. Mais on oublie de dire que de 2012 à 2015 la baisse des taux atteint 36 %, hors prélèvement. Autrement dit, en 2015 on n’est ni plus ni moins qu’à mi-chemin entre 2002 et 2003. Si d’aventure les deux tranches supplémentaires de 10 % chacune s’appliquaient, on serait à moins 58 %. On reviendrait au niveau de 1995. Depuis, tous les volumes d’appui aux entreprises, d’éducation formation, y compris l’apprentissage, d’aide à l’international ont été multipliés entre 2,5 et 3,5. Et je vous parle de dépenses en euros constants. Pourquoi veut-on casser cette génération d’hommes et de femmes de bonne volonté qui n’ont qu’une envie, participer au développement économique de leur territoire et de leurs entreprises ? Il faut remettre ces chiffres en perspective et ne pas s’arrêter à celui de 2002-2012. L’Inspection générale des finances n’a pas fait le rapport attendu, mais elle aura au moins imprimé ce chiffre !

M. Gilles Curtit. Un mot sur le rôle de redistribution de la taxe pour frais de chambre (TFC). La région Franche-Comté compte deux grands groupes industriels, Peugeot et Alstom, qui payent des taxes très élevées. Or nos politiques industrielles, économiques, commerciales et de services sont centrées en majorité sur les TPE et les PME. Si cette redistribution n’existe plus, ce sont des TPE et des PME qui payent très peu de TFC qui seront touchées.

Pierre-Antoine Gailly a cité le chiffre de 1995. Si ces prélèvements sont effectués dans cette trajectoire de 37 % en 2017, pour la région Franche-Comté cela signifierait revenir au niveau de la ressource fiscale de 1992…

Les chefs d’entreprise ont du mal à comprendre que l’État puisse organiser la ponction à un tel niveau et ils ne comprennent pas pourquoi ils sont traités ainsi.

M. François Cravoisier. Les CCI sont un parfait exemple de solidarité entre les entreprises. C’est un élément qui devrait parler à ceux qui nous gouvernent aujourd’hui.

M. Christian Jouve. La somme des initiatives locales ne fait pas une stratégie. Il ne faut pas mélanger l’organisation, le pouvoir et la dynamique. La stratégie des CCI de région, notamment parce que la région est chef de file de l’économie, doit trouver sa correspondance. Il faut éviter les déperditions. La somme de tout ce que l’on a pu faire depuis la loi de 2010 n’a pas réussi à générer une dynamique globale. La loi NOTRe nous en donne l’opportunité. Il faut que les CCI soient en mesure de répondre à cet objectif régional, avec les chambres territoriales, dans le cadre d’une organisation qui ne fige pas la dynamique, sinon on reviendrait en arrière. Créez-nous une dynamique : vous verrez que vous serez surpris !

Mme Monique Rabin, rapporteure. Ce n’est pas en raison d’un manque d’intérêt à l’égard du monde économique que les prélèvements ont été décidés. Pour ma part, j’ai coécrit, avec la chambre des Pays-de-Loire, le schéma directeur, le schéma de développement économique de la région.

Vous savez que la baisse des prélèvements obligatoires n’a pas frappé que les chambres. Il suffit d’entente les difficultés que rencontrent les communes, l’Agence de l’eau, etc. pour s’en convaincre. Je vous le dis avec force : nous ne nous désintéressons aucunement du monde économique. Nous avons essayé d’être les plus justes possible pour réaliser ces prélèvements. Cette mission a pour but de se repencher sur cette question.

Je reprends votre conclusion : il nous faut aller au bout des préconisations de la loi de 2010. Appuyons-nous sur ce qui a été fait, essayons peut-être de faire en sorte que notre attitude soit fonction de la puissance et du poids économique des chambres. On voit bien qu’il faut tendre vers quelque chose de plus individualisé.

——fpfp——