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Commission des Finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mission d’évaluation et de contrôle

Les chambres consulaires, leurs missions et leurs financements

Mardi 9 juin 2015

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 27

Présidence de M. Olivier Carré, président

– Audition conjointe de M. François Lucas, premier vice-président de la Coordination rurale, et de M. Josian Palach, secrétaire national de la Confédération paysanne, accompagné de M. Jacques Bonati.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Messieurs, nous aimerions comprendre quels sont, dans le cadre de vos activités syndicales, les liens que vous entretenez avec les chambres d’agriculture. Nous aimerions également avoir votre appréciation sur vos relations avec l’APCA, et sur la qualité des services rendus aux agriculteurs par le réseau des chambres d’agriculture.

M. Josian Palach. Nous nourrissons d’importants griefs à l’égard des chambres d’agriculture dont il faudrait que la gouvernance soit complètement revue. En effet, et depuis très longtemps, comme cela ressort du rapport Perruchot, les chambres d’agriculture sont d’abord au service du syndicat majoritaire.

Je peux vous en donner un exemple. Je suis élu à la chambre d’agriculture de Tarn-et-Garonne. Cette chambre tient trois sessions budgétaires de deux heures par an. Son bureau est uniquement composé de représentants du syndicat majoritaire. Ceux-ci éditent un journal départemental qui tient à la fois d’un journal de chambre d’agriculture et d’un journal syndical, où les syndicats minoritaires n’ont pas droit d’expression.

Les chambres d’agriculture sont au service de la FNSEA et sans modification profonde du mode de gouvernance, le système perdurera.

Certes, les chambres d’agriculture ont largement contribué au développement agricole. En termes de productivité, elles ont réussi et même au-delà de toute espérance. Mais en termes de protection de l’environnement ou d’emploi, le bilan est catastrophique. Ce qui se justifiait il y a une quarantaine d’années n’a plus de raison d’être plus. Pourtant, le système n’est pas remis en cause.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Au-delà du problème de gouvernance, dont j’ai bien compris qu’il était majeur à vos yeux, y a-t-il aussi un problème de service rendu aux agriculteurs ?

M. Josian Palach. Il faudrait différencier ce qui relève des missions de service public des prestations commerciales. Beaucoup de chambres ont tendance à privilégier ces dernières. Mais sans doute faudrait-il définir les unes et les autres ! Ainsi, l’établissement d’un dossier PAC relève-t-il de la mission de service public ou s’agit-il service commercial ?

M. François Lucas. Les relations que nous entretenons avec le réseau de l’APCA, en tant que syndicat, sont quasiment inexistantes. Mais, comme mon collègue Josian Palach, je suis élu d’une chambre d’agriculture. En outre, notre syndicat, la Coordination rurale, est majoritaire dans trois chambres, et majoritaire dans une quatrième avec la Confédération paysanne. Or, dès que l’on est élu majoritaire dans une chambre, les relations avec l’APCA deviennent beaucoup plus étroites, pour ne pas dire prégnantes. Dans les circonstances actuelles – je pense à la régionalisation –, il serait préférable que l’APCA soit un peu plus éloignée, un peu moins pressante et un peu moins dirigiste. Tout cela pour vous dire que l’APCA ne se tourne pas vers les autres syndicats.

Sur la qualité des services, je dirais, tout comme mon collègue, qu’il faut distinguer entre les « services rendus » et les « services vendus », cette distinction étant importante quand on aborde la question du financement des chambres.

En premier lieu, le taux de pénétration des chambres chez les agriculteurs est généralement faible. La chambre a ses clients. Les techniciens ont leurs habitudes chez certains agriculteurs. Personnellement, j’ai passé quasiment trente ans de mon existence professionnelle sans jamais voir personne de la chambre d’agriculture. Sans doute n’en avais-je pas besoin et étais-je suffisamment autonome, mais la première fois que j’ai été élu, je l’ai fait remarquer à mes collègues ! Il y a donc à la fois de bons clients, qui ont créé des relations de sympathie, et des agriculteurs qui ignorent totalement ce que fait la chambre et n’ont donc aucune relation avec elle – sauf maintenant avec le centre de formalité des entreprises (CFE), passage obligé en cas d’installation ou de reprise.

En deuxième lieu, vu de l’intérieur, on peut dire que globalement, les chambres d’agriculture sont compétentes. Leurs personnels assurent des prestations de qualité et des services qui ne sont pas forcément marchands, en matière de conseil technique, de développement économique, ou de gestion du foncier. Elles sont en relation avec les collectivités pour l’établissement des documents d’urbanisme – POS, PLU, etc. – et constituent des interlocuteurs compétents – bien que pas toujours reconnus.

En résumé, le potentiel de services que les chambres peuvent rendre est important. Cependant, si elles ont un bon maillage territorial, leur taux de pénétration auprès des agriculteurs reste à améliorer. Or, et cela renvoie au début de notre propos, quand la connotation syndicale est trop forte et que la chambre est devenue une annexe ou le bras armé d’un syndicat, la pénétration en pâtit. Malgré tout, et pour le pratiquer, il est tout à fait possible d’en faire totalement abstraction dans ses relations avec les agriculteurs. On peut très bien être majoritaire dans une chambre et aller sur le terrain sans jamais faire référence à son appartenance syndicale.

Mme Monique Rabin, rapporteure. Dans un contexte de rationalisation financière, quelles devraient être les missions prioritaires d’une chambre d’agriculture? Quelles sont les missions qu’il conviendrait de développer, conformément à l’idée que vous vous faites de l’agriculture de demain ? Faut-il s’en tenir au schéma actuel ?

M. François Lucas. Les missions prioritaires sont souvent à l’opposé de ce que font les chambres. Celles-ci ont tendance à les perdre de vue, dans la mesure où elles sont dans une logique de rentabilité et de services vendus.

Il faudrait mettre l’accent sur le développement économique qui passe par l’exploration de nouvelles voies comme les nouvelles productions ou la méthanisation qui ne sont pas évidentes a priori pour les agriculteurs, ou le soutien au tourisme rural quand les agriculteurs peuvent en être acteurs.

Par ailleurs, les chambres ont un rôle à jouer dans le domaine du développement technique qui passe par les nouvelles technologies qu’il convient de vulgariser. Mais malheureusement, ce sont des secteurs où il est difficile d’être marchand. Avant de fournir des prestations aux agriculteurs, il faut d’abord les sensibiliser et les informer très en amont. Ces missions, qui sont importantes, sont les plus difficiles à mener.

M. Josian Palach. Je reviendrai sur le premier point. Nos relations avec le réseau consulaire sont nulles en tant qu’organisation syndicale – y compris au niveau national entre la Confédération paysanne et l’APCA.

Quelles missions les chambres d’agriculture devraient conserver ? Les missions d’information, par exemple sur les programmes régionaux de conseils régionaux ou sur les aides qui peuvent être spécifiques, sont importantes. Les chambres doivent diffuser ce type d’informations à l’ensemble des paysans. Or ce n’est pas toujours le cas. Ainsi, le conseil régional Midi-Pyrénées avait accordé des aides d’investissement sur certains matériels. Des paysans n’en ont pas fait la demande parce qu’ils n’avaient pas été informés. Les réseaux alternatifs informent, mais ils n’ont pas la capacité de toucher l’ensemble des producteurs. C’est le rôle de la chambre de communiquer les informations sur tout ce qui se passe en ne se contentant pas de le faire par l’intermédiaire d’un journal qui est avant tout un journal syndical.

Par ailleurs, en matière de développement agricole, les chambres d’agriculture devraient davantage travailler sur la pluralité des systèmes et s’intéresser au paysage agricole dans son intégralité. Mais cela nous renvoie, une fois encore, aux pratiques de gouvernance.

M. Charles de Courson. J’ai trois questions à vous poser.

Premièrement, ne pensez-vous pas qu’il faudrait élargir les missions des chambres d’agriculture à l’agro-industrie ?

Deuxièmement, ne pensez-vous pas que l’on gagnerait à transformer ces établissements publics nationaux que sont les chambres d’agriculture en établissements publics régionaux ? Je vise les chambres régionales et ce qui reste des chambres départementales, l’APCA pouvant être maintenue sous la forme d’un établissement public national. Les régions vont être amenées à gérer le deuxième pilier de la Politique agricole commune et ce n’est donc plus au niveau national que les choses se décideront.

Troisièmement, n’estimez-vous pas que le financement actuel des chambres est archaïque ? Il est fondé sur la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFNB), qui est payée par le propriétaire ; ce dernier peut, dans certains cas, la répercuter, dans la limite de 20 %, sur le propriétaire – à défaut de dispositions contraires dans les baux ruraux. La TFNB est un impôt dont les valeurs locatives sont complètement archaïques et ne sont absolument plus représentatives de la richesse. Par exemple, l’agriculture hors sol qui s’est développée ne paie pas un sou de foncier non bâti et ne contribue donc pas au financement des chambres, alors qu’elle bénéficie de leurs prestations.

Ne faudrait-il donc pas réformer le financement des chambres ? Et si oui, dans quelle direction ?

Mme Monique Rabin, rapporteure. Ne pourrait-on pas moderniser les modalités de leur financement en changeant l’assiette, en prenant en compte le chiffre d’affaires, ou la valeur ajoutée ?

M. Charles de Courson. Ou le revenu…

M. François Lucas. La mission essentielle d’une chambre d’agriculture – mission qui concerne autant les élus que les personnels administratifs – doit être de servir d’interface avec l’administration. Et quand je parle d’interface, je ne parle pas de courroie de transmission ! Il s’agit de recouper les informations, la réglementation, voire les attentes de l’administration avec celles des agriculteurs.

Les chambres sont – et doivent continuer à être – un espace où les agriculteurs peuvent savoir ce que veut dire l’administration ou ce qu’elle veut, et où l’administration peut savoir ce que disent les agriculteurs, et ce qu’ils ressentent. Et on le voit quand se pose, par exemple, un problème de tuberculose bovine : pour savoir quoi faire, l’État passe par la chambre d’agriculture ; celle-ci est incontournable.

Faut-il élargir les missions des chambres à l’agro-industrie ? C’est une question de financement à un moment où l’on se demande déjà si l’on pourra conserver le train de vie des chambres et le personnel employé dans chaque département, d’autant que les capacités contributives des agriculteurs sont « à la limite ». Mais c’est aussi une question de compétences. Cela impliquerait de recruter des ingénieurs de haut niveau, moins généralistes que les ingénieurs agronomes actuellement en place. L’agro-industrie, c’est en effet autant le marketing, que les processus de fabrication et bien d’autres choses.

Je ne suis pas persuadé du caractère judicieux de cette proposition, sans compter que les chambres d’industrie et de commerce sont aussi en relation avec l’agro-industrie.

M. Charles de Courson. Les coopératives ont bien des représentants dans les collèges ?

M. François Lucas. Il faut voir quel est le rôle des coopératives dans les chambres pour se rendre compte que leur présence est bien discrète. Pour elles, ce n’est pas là que les choses se passent : elles vivent leur vie et règlent leurs problèmes ailleurs qu’avec les chambres.

M. Charles de Courson. Ne pensez-vous pas que ce soit une faiblesse des chambres ?

M. François Lucas. C’est une faiblesse. Mais quels moyens leur donne-t-on pour qu’elles deviennent fortes ?

On peut aussi se poser la question de savoir quel degré d’autonomie les chambres doivent avoir par rapport à la tutelle nationale. Ainsi, vous vous prenez l’exemple de la régionalisation des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) du deuxième pilier de la PAC. Mais n’est-il pas nécessaire d’avoir, face à la complexité et la disparité que cela est susceptible de créer entre les régions, un système suffisamment centralisé pour avoir une forme d’harmonisation ou pour jouer les « amortisseurs » ? On pourrait craindre en effet que le territoire hexagonal ne devienne hétérogène, avec des régions attachées au conseil régional et vivant leur vie indépendamment de la structure nationale. On sait que l’APCA, à elle seule, n’est pas capable de compenser la volonté d’autonomie que pourraient avoir les chambres régionales.

Sur le financement, vous soulevez un problème réel : l’assiette n’est plus pertinente. Dès lors, il faut se poser certaines questions. Quelle est la capacité contributive des agriculteurs ? Faut-il prendre en compte le chiffre d’affaires ? On pourrait faire référence aux modalités de financement du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CASDAR) mais cela supposerait que l’on reste à budget constant pour ce compte et que l’on évite de retomber dans les ornières de l’Association nationale pour le développement agricole (ANDA) qui, à une certaine époque, participait au financement des chambres, mais de façon peu orthodoxe…

Quoi qu’il en soit, nous ne serions pas opposés à ce qu’une partie du financement des chambres d’agriculture soit davantage en rapport avec la surface économique des exploitations que ne l’est la taxe actuelle.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Avez-vous d’autres éléments dont vous souhaiteriez nous entretenir ?

M. François Lucas. L’effet de la participation contributive au déficit national par le budget des chambres a créé un réflexe de Pavlov : pour s’en sortir, toutes les chambres se disent qu’elles doivent développer la vente de certains services. Mais le jeu risque de ne pas être très loyal. En effet, vendre des services suppose des clients, et si possible des clients captifs… On en a un excellent exemple avec les déclarations PAC de crues 2015. Pour les chambres qui doivent faire face, il s’agit certes d’un défi à relever mais en même temps, elles reconnaissent que leurs prestations de service ont augmenté au-delà de leurs espérances, et que cela leur permet de passer le cap du prélèvement. D’ailleurs, l’APCA a très docilement accepté ce prélèvement.

Le grand empressement de l’APCA en faveur de la régionalisation est également un point sur lequel il faut s’arrêter.

Ainsi, j’appartiens à la grande région Poitou-Charentes. Je ne suis pas opposé à une mutualisation des moyens. Mais de quels moyens  s’agit-il ? À l’idée que la future chambre régionale s’empare non seulement des moyens de la communication mais de l’ensemble de la communication pour faciliter le travail des chambres départementales, j’ai tendance à avoir des boutons ! Il y a de quoi s’inquiéter quand on tient à sa singularité, que l’on souhaite avoir une communication adaptée à ce que l’on est, et que l’on voit comment fonctionnent les chambres…

Les chambres d’agriculture étaient très favorables à la régionalisation, bien avant la réforme des régions. Elles étaient sur une logique de région administrative. On ne peut s’empêcher de penser que leur objectif était de limiter le risque de voir les syndicats minoritaires se développer. Ainsi que je vous l’ai indiqué, notre syndicat est majoritaire dans trois départements, le quatrième n’étant pas non plus favorable à la FNSEA. En cas de régionalisation, nous disparaîtrons « par dilution ».

Vous êtes là pour tout entendre : j’appartiens à la chambre d’agriculture de Charente, qui se trouve au sein d’une région qui en comprend quatre. Les trois autres chambres départementales ont décidé de nous réduire au silence : des réunions se passent sans nous et nous sommes exclus de certaines équipes de travail.

En outre, nous considérons que les chambres départementales doivent rester le maillon de la proximité. Et l’on mesure ce que deviendra la proximité, lorsque la future chambre régionale couvrira Aquitaine, Poitou-Charentes et Limousin et si, de Bordeaux, on doit gérer ce qui se passe au pays Basque et dans la Creuse…

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Un an après avoir entendu que les départements allaient être supprimés, nous assistons à une redépartementalisation dans pratiquement toutes les régions. M. de Courson et moi-même, nous allons nous trouver dans une même région, la fameuse LACA – acronyme de Lorraine-Alsace-Champagne-Ardenne et pas plus tard que vendredi, le ministre de l’intérieur nous a vanté les mérites du département !

M. François Lucas. Ne nous a-t-on pas inculqué dès le plus jeune âge qu’il fallait réfléchir avant d’agir ?

M. Josian Palach. Faut-il élargir les missions des chambres à l’agro-alimentaire ? Nous ne voyons pas le lien qu’il peut y avoir avec l’agriculture. L’agro-alimentaire fait partie du secteur commercial, de la transformation et de l’industrie. C’est plus avec les interprofessions que l'agro-alimentaire peut avoir des liens, puisque c’est là que se retrouvent la production et la transformation et cela serait souhaitable, la distribution.

Faut-il régionaliser les chambres départementales ? Un échelon départemental de proximité doit être maintenu en imaginant toutefois un fonctionnement un peu différent, avec des antennes départementales permettant une certaine proximité, et une organisation plus régionale. Cela dit, avec les grandes régions, la question va être plus compliquée.

Les chambres d’agriculture sont peut-être des structures un peu lourdes par rapport au nombre de paysans actifs. On a fait disparaître beaucoup de paysans, mais on a gardé telles quelles les chambres d’agriculture. On peut s’interroger sur leur efficacité …

M. Charles de Courson. Vous voulez « dégraisser le mammouth » ?

M. Josian Palach. Cela pourrait se justifier dans certains cas, comme on peut se demander s’il était vraiment utile de conserver les 36 000 communes de France, dont certaines n'ont que 30 électeurs…

Mme Catherine Vautrin, rapporteur. En effet, on peut avoir ce type d’interrogations.

M. Josian Palach. On pourrait peut-être imaginer autre chose, qui ne correspondrait pas forcément au découpage actuel. La chambre d’agriculture couvre un département et quand le département est homogène, c’est une bonne solution. Mais quand le département est diversifié, pourquoi ne pas créer des antennes spécialisées sur telle ou telle partie et sur plusieurs départements ? Cela paraîtrait cohérent et serait plus efficace.

Le financement des chambres est certainement archaïque. Quel serait le mode de financement le plus pertinent ? On peut penser au CASDAR qui est alimenté par une partie de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitants. Mais il faudrait multiplier les sources de financement du CASDAR par quatre ou cinq. En effet, son budget est de 120 millions d’euros, et celui des chambres est au minimum de 500 millions d’euros…

M. Jacques Bonati. Le système peut en effet être considéré comme archaïque. Vous parlez de prendre en compte le chiffre d’affaires. Cela reviendrait à reporter sur les paysans des dépenses aujourd’hui supportées par des gens qui ne sont pas forcément des paysans. Mais ces derniers pourront-ils le répercuter sur le prix de leurs ventes ? C’est une question que nous nous posons en tant que représentants syndicaux.

M. Charles de Courson. Le système est archaïque : juridiquement, le foncier non bâti est payé par le propriétaire. Certes, celui-ci peut répercuter 50 % de la taxe pour frais de chambre d’agriculture sur l’exploitant – certains le font, d’autres pas. Mais les chambres d’agriculture ne sont pas composées à 50 % de propriétaires, et à 50 % d’exploitants. La plus grande partie est composée d’exploitants.

Par ailleurs, l’assiette n’est pas du tout représentative des facultés contributives, tant des propriétaires que des exploitants. Quelle autre assiette choisir ?

Personnellement, j’ai toujours été contre les taxes sur le chiffre d’affaires. Quoi qu’il en soit, l’assiette prenant en compte le chiffre d’affaires n’est pas compatible avec la directive européenne sur la TVA – même si on s’est bien gardé d’évoquer la question de l’eurocompatibilité du CASDAR et de l’ANDA.

La valeur ajoutée peut être une piste, de même le revenu - le revenu des exploitants, donc le bénéfice agricole et le revenu des propriétaires, qui est le loyer réel. Mais ce ne sont que des pistes.

M. Jacques Bonati. Les paysans pourront-ils le répercuter ? En fin de compte, n’est-ce pas le consommateur qui paiera ? Et surtout, tous les paysans pourront-ils supporter ce transfert de charges ? C’est tout de même cela le problème principal. On a demandé aux paysans de produire beaucoup et à bas prix. Mais ces prix seront-ils suffisamment rémunérateurs pour leur permettre de supporter une charge supplémentaire ?

Mme Monique Rabin, rapporteure. En France, quelle est la proportion de propriétaire et d’exploitants ?

M. Jacques Bonati. Deux tiers d’exploitants et un tiers de propriétaires.

M. Charles de Courson. Il arrive souvent qu’un exploitant soit propriétaire d’une partie des terres qu’il exploite. La situation est très variable selon les régions. Le pourcentage des fermes dont les terres sont la propriété de l’exploitant atteint dans certains secteurs 60 %. Dans le Nord de la France, il est à peine de 30 % – ce sont souvent des terres familiales.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Au début de cette audition, vous avez fait allusion à la nécessité de réformer la gouvernance. Quel est votre point de vue en la matière ?

M. Josian Palach. Nous sommes dans une chambre consulaire, qui n’est pas un parti politique, mais qui est au service de l’ensemble de la profession. On pourrait imaginer que le bureau des chambres reflète mieux la pluralité de la profession et que le mode d’élection assure une représentation beaucoup plus proportionnelle que ce n’est le cas. On dit que cela pourrait provoquer des blocages. Je ne le crois pas. Ainsi, je fais partie du conseil d’administration du Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (CNIEL) et là aussi, malgré des points de vue différents, il est possible de s’exprimer.

M. Charles de Courson. Les élections ont-elles lieu à la proportionnelle ?

M. Jacques Bonati. Il y a cinq collèges. Le premier, le plus important, est élu selon une proportionnelle aménagée : sur 21 élus, 11 sièges sont attribués à la liste arrivée en tête, les sièges restants étant répartis entre toutes les listes, ce qui signifie que la liste arrivée en tête obtient 15 sièges sur 21. Pourquoi la liste qui arrive en tête est-elle surreprésentée alors que dans les conseils régionaux par exemple, la prime pour la liste arrivée en tête est plus faible.

M. Charles de Courson. Elle dispose d’un quart des sièges.

M. Jacques Bonati. D’autres collèges, comme celui des anciens exploitants ou des propriétaires, fonctionnent au scrutin majoritaire, chaque catégorie ayant deux sièges. Le cinquième collège comprend des institutions telles les caisses du Crédit Agricole, ou Groupama, etc. Il semble obsolète et une révision s’impose.

Enfin, le vote de la Fédération pèse d’autant de voix que les syndicats ou organismes affiliés. Il existe donc une surprime de la Fédération qui aboutit à une représentation complètement monolithique. Même si un syndicat obtient de nombreuses voix, il n’est absolument pas assuré de participer au bureau.

Depuis les dernières élections, les représentants du premier collège  sont élus aux chambres régionales au scrutin proportionnel. Les élections dans les autres collèges ont lieu au scrutin majoritaire. Voilà pourquoi, même si un syndicat est majoritaire au sein du collège « anciens exploitants » ou « exploitants » dans une chambre, il sera forcément « dilué » dans les autres collèges.

Cela forme un système de gouvernance avec des collèges obsolètes, qui fait que la représentation est monolithique.

M. Charles de Courson. Elle n’est pas monolithique, puisque le principal collège est élu à la proportionnelle avec une prime au gagnant. Cela dit, on pourrait envisager de diminuer la prime au gagnant.

M. Jacques Bonati. C’est à tort qu’on qualifie nos deux syndicats de minoritaires dans la mesure où ils obtiennent ensemble un peu plus de 50 % des voix – et ce pourcentage est relativement stable. Quel est l’intérêt d’une telle prime pour la liste arrivée en tête?

M. Charles de Courson. C’est comme à l’Assemblée nationale, où avec 32 % des voix seulement, on peut avoir la majorité en sièges. Cela pose quelques problèmes de gouvernance par la suite…

M. Jacques Bonati. Si deux syndicats obtiennent ensemble près de 50 %, la pratique du syndicat majoritaire est telle qu’on laisse rarement de place aux autres syndicats dans les instances, en particulier au bureau.

M. Charles de Courson. En politique, on s’allie…

Mme Monique Rabin, rapporteure. La question du mode d’élection des chambres d’agriculture n’est pas l’objet de notre mission. Mais nous pouvons toujours en traiter sous l’angle de la gouvernance et des conséquences sur la définition des stratégies des chambres.

M. Josian Palach. Et aussi sous l’angle de l’efficacité car l’ensemble des paysans doivent pouvoir bénéficier des services rendus par les chambres.

M. Charles de Courson. Quand vous êtes vous-mêmes majoritaires, appliquez-vous ces principes ?

M. Josian Palach. La Confédération paysanne est majoritaire dans une seule chambre, celle de La Réunion. Il faudrait aller y enquêter sur ce que l’on pense de la façon dont cette chambre remplit son rôle…

Mme Catherine Vautrin. Avez-vous quelque chose à ajouter ?

M. Josian Palach. S’agissant du prélèvement sur le fonds de roulement des chambres, c'est un fusil à un seul coup car les chambres qui se sont fait ponctionner feront en sorte que cela ne se reproduise plus !

Sur le point des difficultés de certaines chambres et sur une éventuelle péréquation,  nous n’avons pas les moyens de faire un état des lieux précis et de savoir quelles sont les régions riches ayant des bases contributives élevées et celles qui ont des bases contributives plus faibles. Mais il existe des services compétents qui peuvent le faire.

Mme Catherine Vautrin, rapporteure. Il nous reste à vous remercier.

——fpfp——