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Commission des affaires sociales

Commission des affaires sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Lundi 27 octobre 2014

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 02

Présidence de Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure, puis de Mme Gisèle Biémouret, coprésidente

Auditions, ouvertes à la presse, sur la mise en œuvre des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) (Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure) :

– Pr Marie-Ève Joël, présidente du conseil scientifique de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), et M. Jean-Yves Barreyre, vice-président du conseil scientifique

– Mme Geneviève Gueydan, directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), Mme Emmanuelle Dubée, directrice adjointe, M. Xavier Dupont, directeur des établissements et services médico-sociaux et M. Étienne Deguelle, directeur adjoint de la compensation de la perte d’autonomie

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Lundi 27 octobre 2014

La séance est ouverte à dix-sept heures trente.

(Présidence de Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure,
puis de Mme Gisèle Biémouret, coprésidente de la mission)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède d’abord à l’audition, ouverte à la presse, de Mme Marie-Ève Joël, présidente du conseil scientifique de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), et de M. Jean-Yves Barreyre, vice-président du conseil scientifique, sur la mise en œuvre des missions de la CNSA.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Les précédentes auditions ont montré la place importante prise au cours des dix dernières années par la CNSA, qui est devenue incontournable.

Madame la présidente, je vous propose de nous présenter les missions du conseil scientifique et les principaux travaux que vous avez menés ou à venir.

Mme Marie-Ève Joël, présidente du conseil scientifique de la CNSA. Le conseil scientifique assiste le conseil de la CNSA et son directeur pour préciser les orientations de la Caisse et la conduite d’un certain nombre d’actions. Il est saisi pour avis sur des questions scientifiques et techniques et intervient dans le cadre de l’élaboration du programme d’action en matière de soutien aux études, recherches et actions innovantes pour définir les priorités. Il exerce plus largement une fonction d’aide à la décision et d’appui méthodologique par une participation assez forte à l’animation du comité de la section V, qui distribue les subventions de cette section du budget de la CNSA, et d’expertise au travers de commissions spécialisées à la vie plus ou moins éphémère, telles que celles sur le projet de vie en 2013, sur l’évaluation, la structuration de la recherche, le guide pour la collecte des données au niveau local ou le système d’information partagé pour l’autonomie des personnes handicapées (SipaPH).

Ce conseil est composé de 22 membres, dont 11 nommés et 11 représentants des ministères ou organismes importants concernés. Il est pluridisciplinaire, puisqu’il comporte des démographes, des épidémiologistes du handicap, des gériatres, des médecins de la réadaptation, des psychiatres, des sociologues, des économistes, et tient deux séances d’une journée par an, avec une activité en croissance.

Il a rendu une série d’avis sur le programme de recherche ou sur certains chapitres prospectifs du rapport d’activité du conseil, et s’est autosaisi sur la prévention et la fragilité. Il a également répondu à des demandes extérieures : ainsi, le Dr Antoine Flahault est venu nous informer de l’urgence de développer des cours en ligne ouverts à tous (MOOCs) en vue de former les proches aidants.

Par ailleurs, le conseil scientifique participe aux comités d’appels d’offres, pour apporter son expertise sur certains appels d’offres, notamment ceux gérés par l’Institut de recherche en santé publique (IReSP), comme l’appel à recherches « handicap psychique et majeurs protégés », ou ceux menés avec l’Agence nationale de la recherche (ANR).

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. S’agit-il bien d’appels à projets ?

Mme Marie-Ève Joël. Oui, sachant que la partie consacrée aux sciences humaines et sociales s’est développée.

Depuis 2011, la participation aux travaux de la section V, dont une partie concerne la recherche appliquée, s’est accrue. Le conseil intervient pour donner une expertise sur les projets présentés ; à l’expertise interne à la CNSA s’est d’ailleurs ajoutée une expertise externe. Depuis 2011, un membre du conseil scientifique et, depuis 2014, deux membres de ce conseil participent au comité de la section V, où les priorités sont définies de façon pragmatique et où les décisions sont prises par consensus. Il s’agit d’une aide à la décision pour objectiver au maximum l’attribution des crédits.

Une partie de ces travaux est présentée au conseil scientifique pour faire ressortir les difficultés méthodologiques et les succès constatés. Beaucoup d’acteurs de terrain ont de bonnes intuitions de recherche qui intéressent les services de la CNSA, mais il est parfois difficile de présenter un projet de recherche parfaitement cohérent et remplissant les conditions d’une méthodologie satisfaisante.

Nous avons réfléchi aux moyens d’apporter une aide méthodologique à cet effet. Nous avons notamment expérimenté des appariements entre un chercheur financé par la CNSA et une équipe de terrain ayant une bonne idée, sachant que les ressources sont limitées dans le temps en termes d’accompagnateurs.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente et rapporteure. Êtes-vous davantage sollicité dans ce domaine ? Avez-vous des recommandations précises à faire ?

Mme Marie-Ève Joël. La demande est en effet croissante en la matière. Nous avons pensé à réaliser l’équivalent des programmes hospitaliers de recherche clinique (PHRC) dans le secteur médico-social. Quant à l’appariement individuel, où la CNSA joue un rôle d’intermédiaire, il est lourd à conduire car il n’y a pas assez de chercheurs et d’équipes suffisamment étoffées sur la perte d’autonomie, même si le vieillissement au sens large attire davantage les chercheurs. Pour séduire ceux-ci, on ruse en faisant appel à de bons généralistes, que l’on incite ensuite à travailler sur la perte d’autonomie.

Nous avons un groupe travaillant sur la structuration de la recherche dans ce secteur. Il faut probablement employer d’autres voies que la simple incitation financière.

(Présidence de Mme Gisèle Biémouret, coprésidente de la Mission)

Mme la rapporteure. Comment voyez-vous les choses évoluer ? Dans combien de temps pensez-vous y voir plus clair ?

Mme Marie-Ève Joël. Nous nous sommes donné une année. Mais il faut bien voir que, pour la recherche, nous n’avons pas d’équipes pluridisciplinaires importantes sur la perte d’autonomie, comme au Personal Social Services Research Unit (PSSRU) à la London School of Economics (LSE) en Angleterre ou à l’institut Karolinska en Suède, qui disposent d’équipes d’une cinquantaine de chercheurs. Cela n’implique pas pour autant de créer des structures lourdes. Mais il faut un passage de relais entre les générations de chercheurs, ce que permettent de telles équipes. Il convient de sensibiliser le secrétariat d’État à l’enseignement supérieur et à la recherche à ce problème.

Mme la rapporteure. Pouvez-vous citer des exemples de travaux menés en Angleterre dont on pourrait s’inspirer ? Avez-vous des échanges avec les autres équipes européennes ?

Mme Marie-Ève Joël. En Angleterre, l’évaluation conduite par le National Institute for Health and Clinical Excellence (NICE) joue un rôle important. Les expérimentations sont systématiquement évaluées et, lorsqu’une évaluation est concluante, elle est suivie de recommandations en matière sanitaire et médico-sociale.

M. Jean-Yves Barreyre, vice-président du conseil scientifique de la CNSA. En Angleterre et, surtout, en Suède et en Australie, les chercheurs parviennent à bénéficier de fonds internationaux ou européens – qu’ils viennent de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ou du Conseil de l’Europe – à côté des subventions nationales. Nous pourrions largement nous améliorer sur ce point, d’autant que cela offre au chercheur une perspective d’avenir, qui n’est pas limitée au lien avec son organisation universitaire.

Mme Marie-Ève Joël. Je participe à un groupe de recherche sur le vieillissement qui essaie de mobiliser les énergies des 140 chercheurs qui en sont membres pour participer aux appels d’offres européens, mais cela reste très laborieux et il y a peu d’équipes françaises en sciences humaines et sociales capables d’animer un projet et d’en assumer la responsabilité. Ce n’est pas que les chercheurs français soient mauvais, mais nos collègues anglais ayant une action de lobbying à Bruxelles réunissent par exemple chaque année les principaux responsables des contrats européens pour les encourager à se porter candidats.

Dans le cadre du travail mené sur la section V, s’est reposée la question de la « priorisation » des thèmes de recherche. Nous avons d’ailleurs prévu d’organiser un séminaire d’une journée pour essayer d’avancer sur ce point dans le trimestre à venir.

Nous poursuivrons aussi les travaux de la commission d’évaluation et nous allons nous interroger sur l’opportunité de recourir aux MOOCs et sur le fait de savoir s’il est du rôle de la CNSA et du conseil scientifique de s’impliquer dans ce type de démarche de formation.

Mme la rapporteure. Votre commission spécialisée a mené des travaux sur la notion de projet de vie. Vos conclusions rejoignent-elles celles de M. Denis Piveteau dans son rapport « Zéro sans solution » rendu public en août 2014 ? Comment verriez-vous le rôle de la CNSA dans l’amélioration du parcours des personnes handicapées et des personnes âgées dépendantes ?

M. Jean-Yves Barreyre. La question du projet de vie a été abordée depuis la création de la CNSA. Le rapport Piveteau, comme le rapport Vachey, a été réalisé par un ancien directeur de celle-ci : il y a donc nécessairement un lien entre ses propositions et celles de la Caisse.

Les recherches financées dans le cadre de la section V montrent que les personnes dépendantes voudraient être accompagnées dans ce qu’elles souhaitent faire. Cela renvoie à une mission confiée à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Mais on s’est aperçu qu’il ne fallait pas simplement accorder cette mission à cette instance et qu’un projet de vie est très évolutif, sachant que la demande porte d’abord sur ce qui est urgent. Les principaux rapports nous ont montré qu’il fallait accompagner la construction du projet de vie et que cette décision se faisait toujours en continu. D’où l’idée, que l’on trouve dans les deux rapports que j’ai cités, que l’orientation conduise à construire un projet dans tous les domaines de la vie des personnes – ce qui rejoint la position de l’OMS et certains travaux antérieurs à la création de la CNSA. Les dispositifs devraient par ailleurs être cohérents entre eux.

Avec la loi du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées et celle du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, il y a d’un côté un projet de soins et, de l’autre, un projet d’autonomie. Or la loi ne dit pas qu’il faut organiser ces deux projets de façon cohérente. La question est de savoir qui doit faire en sorte que cette révolution législative douce aboutisse à une révolution organisationnelle, de manière à proposer une réponse coordonnée. Si les réflexions de la société civile et des chercheurs convergent à cet égard, il faudra leur donner une traduction concrète, ce qui pourrait être fait par exemple dans le cadre de la future loi de santé.

Mme la rapporteure. Nous disposons d’outils sur ces sujets. Cela constituera le débat de l’année à venir et la position que vous exprimerez en la matière aura beaucoup d’importance.

M. Jean-Yves Barreyre. D’autres travaux confortent cette nécessaire cohérence. Ainsi, une des propositions était de faire correspondre la période de mise en œuvre des schémas départementaux personnes âgées-personnes handicapées avec celle des schémas du plan régional de santé (PRS), alors qu’ils sont aujourd’hui décalés. Cela permettrait, conformément à ce que suggéraient le rapport Vachey et celui du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM), de faire un diagnostic territorial partagé valable pour l’ensemble de ces schémas. Sinon, les professionnels, les familles et les personnes concernées seront mobilisés sur des schémas différents alors qu’il s’agit du même territoire et souvent des mêmes personnes.

Mme la rapporteure. Quelles sont vos réflexions sur l’articulation entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social, dont on dit trop souvent qu’ils sont encore très cloisonnés ?

M. Jean-Yves Barreyre. Le fait d’avoir des diagnostics territoriaux partagés pour l’ensemble des schémas permet déjà une articulation relativement forte. Les travaux de recherche indiquent la façon de faire de tels diagnostics. Dans beaucoup de textes résultant des travaux de la CNSA, on retrouve notamment les propositions de l’HCAAM de faire des projets pilotes sur des territoires autour des populations relevant des deux champs que j’ai évoqués, afin d’aboutir à une véritable coopération et non, seulement, à des partenariats aléatoires et ponctuels. Les rapports estiment qu’il faut une triple expertise : celle des personnes, celles des aidants familiaux et celle de ce que l’on appelle les experts institués, c’est-à-dire les professionnels et les chercheurs. Nous sommes en train de tester cela dans le cadre du troisième plan autisme, ce qui change la manière d’évaluer les ressources du territoire. Le fait de partir des besoins des personnes permet en effet de faire émerger un autre diagnostic, qui permettra de construire de nouvelles réponses.

Mais nous sommes confrontés à certaines limites législatives et réglementaires. Si on entre dans cette nouvelle logique, il faut mettre en place des appels à projets territoriaux liés à une population, alors qu’aujourd’hui les appels à projets se font par type d’établissement. On est en effet encore dans le cadre de l’organisation de la loi du 30 juin 1975 en faveur des personnes handicapées. Il faudrait que l’on puisse faire un appel à projets dans lequel ceux qui répondent sont, non pas les spécialistes du médico-social ou du sanitaire, mais les ressources du territoire, sociales, médico-sociales et sanitaires, et qu’une enveloppe territoriale puisse financer les ressources en fonction de cette réponse. Cette autre logique renvoie à une adaptation de la réglementation et de la législation. Les acteurs de terrain sont prêts à y adhérer.

Mme la rapporteure. Comment ont été proposés les appels à projets territoriaux ? J’avais l’impression que c’était encore un peu difficile pour les organismes gestionnaires ou les associations d’entrer dans une démarche de ce type.

M. Jean-Yves Barreyre. Nous sommes toujours entre une révolution législative et une révolution organisationnelle. Sur les principes, tout le monde est d’accord, sauf qu’il faut tenir compte d’un financement au prix de journée, déterminant pour un établissement, qui s’inscrit par ailleurs dans une logique associative gérant plusieurs établissements. Et quand on en vient à l’administration du plan et à sa mise en œuvre, on retrouve des appels à projets par type d’établissement. Il y a du côté des promoteurs d’actions médico-sociales ou sanitaires, que sont les associations par exemple, et du côté des administrations et des collectivités territoriales, un manque de culture dans la manière de traduire les grands principes en modèles organisationnels, car cela ne correspond pas à ce qui existe.

Vous êtes à un moment charnière, caractérisé par la réforme territoriale, la préparation de la deuxième génération de projets régionaux de santé (PRS) et le lancement d’une réflexion sur la tarification. Il y aurait une opportunité à prévoir à partir de 2016-2017 un système nouveau en tenant compte de l’ensemble de ces éléments. Généralement, quand il y a une initiative locale, elle est bloquée par l’échelon départemental ou régional, et réciproquement. Une telle réforme serait facilitée par les travaux de la CNSA avec la société civile et les chercheurs. Mais il nous faut davantage communiquer sur ce que cela signifie en termes de résultats pour que chacun prenne ses responsabilités.

Mme la rapporteure. Il faut du temps pour que ce changement de culture aboutisse. Les travaux récents apportent des propositions concrètes en ce sens et devraient permettre d’aller plus loin. Ils montrent bien l’apport nouveau de la CNSA.

Mme Marie-Ève Joël. L’option retenue de financer des travaux de recherche et d’étude larges était bonne car elle a permis de souligner l’existence de toutes sortes d’innovations et de projets intéressants. Nous en sommes au stade de l’ « industrialisation », qui n’est pas le plus simple.

Mme la rapporteure. Quels échanges avez-vous avec l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH), l’Agence nationale d’appui à la performance (ANAP) et l’Agence nationale d’évaluation de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) ?

Mme Marie-Ève Joël. M. Didier Charlanne, directeur de l’ANESM, participe à notre conseil scientifique. Il en fut de même avant lui.

M. Jean-Yves Barreyre. Il ne revient pas au conseil scientifique de définir les rapports entre les agences. Mais quand, d’un côté, l’Agence des systèmes d’information partagés (ASIP) travaille sur le dossier médical personnel (DMP) pendant des années et, de l’autre, la CNSA sur le guide d’évaluation multidimensionnelle (GEVA), sans se rencontrer, on peut s’interroger sur l’absence d’articulation entre les deux.

À mon sens, les rapports entre la CNSA, l’ANESM et l’ANAP devraient reposer au minimum sur un programme commun et il devrait y avoir une articulation plus forte entre elles sur les diagnostics territoriaux partagés, les systèmes d’information et ce qui doit accompagner le changement. Les agences ont chacune leur logique, dont la rationalité doit être dépassée. L’ASIP ne peut ainsi travailler que sur le DMP. Mais si une disposition législative prévoyait qu’il faut répondre par des plans personnalisés de soins et d’autonomie, les agences seraient obligées de travailler davantage ensemble.

Le fait d’avoir transformé le dossier médical personnel en dossier médical partagé constitue à cet égard une première avancée, car cela permet à des professionnels dans différents domaines de la vie des personnes d’avoir accès à des données utiles pour répondre à leurs besoins.

Mme la rapporteure. Quel bilan dressez-vous de la réalisation des objectifs mentionnés dans la convention d’objectifs et de gestion (COG) conclue entre la CNSA et l’État ?

Mme Marie-Ève Joël. Il n’y avait rien dans la COG sur la partie scientifique. Il n’y a donc pas vraiment de bilan à tirer. Cependant, cette partie devrait être introduite dans la prochaine COG.

Mme la rapporteure. Les directeurs des MDPH que nous avons auditionnés nous ont fait part du manque d’outils de pilotage et d’indicateurs, notamment concernant le suivi des places en établissement. Vos travaux peuvent-ils permettre de répondre à ces difficultés ?

M. Jean-Yves Barreyre. S’il y a eu depuis le début de véritables échanges entre la CNSA et les MDPH, il y a longtemps que l’on aurait dû mettre en place l’outil dont vous parlez. Je rappelle cependant que pour la mise en place de l’un des premiers outils, le GEVA, il a fallu veiller à ce que la CNSA n’impose pas aux conseils généraux, qui pilotaient les MDPH, une formalisation de ce type d’évaluation. La direction générale de la cohésion sociale (DGCS) disait en conséquence qu’il ne fallait pas informatiser tout de suite alors qu’existaient d’autres outils. On n’a pu donc aller au bout de l’industrialisation de l’outil pour des raisons politiques.

Par ailleurs, quand on a demandé aux conseils généraux d’inscrire le GEVA dans l’organisation générale de leur mode d’approche des populations, ils nous ont dit qu’ils attendaient la fin de la barrière des âges. Or pendant quatre ans, on a tergiversé sur la mise en œuvre de cette mesure et les conseils généraux ont déclaré qu’ils n’installeraient les outils dans leurs services et dans les MDPH que lorsque cette question serait réglée.

Quant au suivi des places vacantes, il y a longtemps que nous savons l’assurer – il y a eu déjà un dispositif en Rhône-Alpes en 2007-2008 à cet effet –, mais pour connaître ces places, il faudrait que, quand les MDPH définissent une orientation, elles soient sûres que lorsqu’une personne est accueillie, la CNSA en soit informée. Un système informatique relativement simple pourrait être mis en place pour repérer à quel moment une place est inoccupée. Ce suivi est donc techniquement réalisable et je pense que la question sera réglée courant 2015.

De même, si vous ne travaillez que sur les systèmes d’information des MDPH sans que chacun des lieux d’accueil sanitaire et médico-social ait un tronc commun renvoyant aux MDPH comme aux agences régionales de santé (ARS), cela ne marchera pas.

Autre exemple : l’enquête ES « handicap », qui n’a pas été informatisée en raison de blocages ridicules, devrait être annualisée – au lieu de fournir une information tous les quatre ans –, non pas en la différenciant des dossiers personnels, mais dans un même dossier personnel articulé avec un tronc commun avec la MDPH, avec des extractions possibles confortées en fichiers PDF réinscriptibles. Cela suppose donc une approche cohérente des systèmes d’information.

Mme la rapporteure. Tout le monde aujourd’hui est prêt à avancer sur ces sujets mais cette perte de temps a beaucoup pénalisé le secteur.

J’avais cru comprendre aussi que lorsque les MDPH ont été mises en place, elles ont eu une appréhension sur ce que serait cet accompagnement, qui pouvait être vécu comme un contrôle.

M. Jean-Yves Barreyre. Depuis, les mentalités ont évolué.

Mme la rapporteure. Tout à fait.

Mme Marie-Ève Joël. Il y a beaucoup à faire mais le problème est de savoir où l’on s’arrête et de cibler les priorités.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret. Comment sont recensées les bonnes pratiques qui pourraient être dupliquées un peu partout ?

Mme Marie-Ève Joël. On voit passer beaucoup de projets : 169 ont été ainsi financés au cours des quatre dernières années. Mais si le conseil scientifique examine parfois des projets achevés, nous sommes frustrés de ne pas savoir ce qui se passe ensuite, la diffusion d’une innovation relevant des services de la CNSA ou d’une décision politique.

M. Jean-Yves Barreyre. La CNSA a aussi apporté des financements pour le logement des personnes autistes. À cette occasion, on est allé chercher dans tous les départements les expériences pertinentes, qui donnent lieu à des préconisations. En outre, on demande aux chercheurs de faire des recommandations en repérant les innovations.

Ce travail de recensement des bonnes pratiques est essentiel, même s’il est difficile.

Mme la rapporteure. Nous vous remercions.

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède ensuite à l’audition, ouverte à la presse, de Mme Geneviève Gueydan, directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), de Mme Emmanuelle Dubée, directrice adjointe, de M. Xavier Dupont, directeur des établissements et services médico-sociaux, et de M. Étienne Deguelle, directeur adjoint de la compensation de la perte d’autonomie, sur la mise en œuvre des missions de la CNSA.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure. Mesdames, messieurs, nous vous remercions d’avoir répondu à notre invitation.

Cela fait plusieurs mois que la MECSS auditionne les différents acteurs susceptibles de l’éclairer sur la CNSA qui a pris une place très importante dans le secteur médico-social. Faire un rapport sur l’évolution de ses missions, dix ans après sa création, nous a paru important, d’autant que nos travaux législatifs et les rapports qui ont pu être réalisés ces dernières années nous montrent combien la CNSA a su contribuer à la réflexion sur certains sujets de société, comme la perte d’autonomie, le vieillissement, ou la place des établissements et des personnes en situation de handicap.

Madame Gueydan, vous avez été nommée, il y a peu, directrice de la CNSA. J’imagine que vous avez beaucoup de choses à nous dire.

Mme Geneviève Gueydan, directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Madame la rapporteure, la première question que vous nous avez adressée porte sur la gouvernance et le positionnement de la CNSA et la répartition des compétences entre la CNSA et les différents acteurs avec qui elle est amenée à travailler.

La CNSA a d’abord une fonction de caisse traditionnelle, c’est-à-dire qu’elle finance la compensation individuelle et collective. Elle est chargée de l’affectation des moyens aux agences régionales de santé (ARS) dans le cadre d’un dialogue de gestion préalable aux campagnes de tarification qui permet d’affiner les besoins des ARS et d’essayer de répartir les moyens en prenant en compte la réalité des territoires. Elle verse également aux départements des concours, ce qui leur permet de financer l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH) sur la base de critères paramétriques s’agissant de la fixation du montant des dotations pour les conseils généraux. L’accent a été mis, dans la dernière convention d’objectifs et de gestion (COG), sur les indicateurs de coût. Par exemple, une enquête sur le coût d’une place en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) est en cours.

La CNSA apporte aussi un appui technique aux acteurs de terrain. Comme elle intervient sur un champ partagé entre l’État et les conseils généraux, elle appuie aussi bien les ARS que les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Le projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement lui confie de nouvelles missions d’appui aux équipes médico-sociales (EMS) et une compétence en matière de constitution de référentiels. La CNSA apporte un soutien juridique à des acteurs comme les MDPH, diffuse les « bonnes pratiques » en matière d’accueil, met à disposition des outils, des systèmes d’information, des guides méthodologiques. Ce rôle est un peu atypique puisque, tout en étant un organisme national, la CNSA travaille au plus près des acteurs de terrain pour essayer de les outiller.

Enfin, la CNSA joue un rôle d’expertise, d’appui à la recherche et à l’innovation, ce qui, là aussi, est assez atypique ; 10 millions d’euros sont consacrés à cette fonction. Elle apporte ainsi un appui significatif à des programmes de recherche dans le champ médico-social qui désormais ne bénéficient pas nécessairement de beaucoup d’autres sources de financement. Cette mission très importante mériterait d’être encore plus affirmée à l’avenir, dans la limite des moyens de la CNSA.

Ce qui fait l’originalité de la CNSA, c’est le croisement de ses missions avec sa gouvernance et ses équipes. La gouvernance, c’est ce conseil très diversifié de quarante-huit membres qui représentent tous les acteurs du champ médico-social. Lors de son audition, la présidente de la CNSA, Mme Paulette Guinchard, a insisté sur cette notion, assez originale, de démocratie médico-sociale, qui constitue une vraie richesse.

Par ailleurs, la CNSA ne dispose pas de services déconcentrés. Elle agit à travers les réseaux d’autres acteurs. Elle est associée au secrétaire général du ministère pour le pilotage des ARS sur les champs liés à ses compétences. Elle appuie également les MDPH. Bref, elle fonctionne de manière totalement différente des autres caisses, voire des autres administrations centrales. À elle de prouver que ce qu’elle apporte est pertinent.

Ce que j’apprécie beaucoup, c’est la grande diversité des équipes de la CNSA. Ses agents ont des parcours professionnels différents : ils peuvent venir de l’État, de la sécurité sociale, des collectivités territoriales, etc. C’est un apport en termes d’expertise mais aussi de culture.

L’une des originalités de la CNSA est d’être en lien étroit avec les acteurs de terrain. Ceux qui l’ont conçue il y a dix ans ont eu une bonne intuition par rapport à ces politiques qui, par ailleurs, sont décentralisées. Pour reprendre les termes de MM. Denis Piveteau et Alain Cordier, cela positionne la CNSA dans son rôle d’assistance à maîtrise d’ouvrage (AMOA), c’est-à-dire qu’elle n’est pas une administration centrale, qu’elle n’est pas là pour concevoir une politique, des textes, mais pour alimenter la réflexion et surtout projeter ce que seront les conditions opérationnelles de déploiement de ces politiques sur le terrain. La CNSA met en œuvre ces politiques à travers les missions de financement, d’appui technique et d’expertise que je viens d’évoquer.

Nous avons trois tutelles : la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), la direction de la Sécurité sociale puisqu’une grande partie de nos ressources dépend de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM), et la direction du budget.

La CNSA cosigne la circulaire de la campagne tarifaire.

Mme la rapporteure. Ce n’était pas le cas il y a encore quelque temps, et cela pouvait poser problème.

Mme Geneviève Gueydan. C’est une évolution salutaire qui date de 2013. Il est plus facile de rappeler à une ARS quelles sont les orientations quand on les a cosignées et que l’on contribue à garantir leur mise en œuvre opérationnelle.

Nous passons des conventions avec les conseils généraux, des conventions d’amélioration de la qualité de service, des conventions de la section IV sur le soutien de l’aide à domicile. Cette contractualisation se fait dans le respect de la libre administration des collectivités territoriales mais sur des objectifs de politique publique partagés, à partir de financements qu’apporte le niveau national.

La CNSA fait aussi tout un travail d’animation.

Nous commençons à réfléchir à la façon dont nous pourrons appliquer la future loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement. Nous pourrons nous inspirer de nos méthodes de travail avec les MDPH, mais nous avons bien conscience que nous sommes au cœur des compétences des conseils généraux et de leur organisation propre telle qu’ils l’ont conçue depuis la mise en œuvre de l’APA avec des équipes très intégrées. Il faudra engager le dialogue avec eux pour voir comment travailler ensemble et poser un diagnostic actualisé sur l’APA, sur les disparités en matière de mise en œuvre, ce qui nous servira de point d’appui pour travailler sur la diversité des pratiques.

Mme la rapporteure. Vous répondez à l’une de nos questions sur les disparités. Le travail qui sera engagé dans le cadre de l’application de la future loi permettra de voir comment les conseils généraux pourront s’impliquer sur un sujet qui les concerne directement.

Mme Geneviève Gueydan. À la demande de l’Assemblée des départements de France (ADF), une étude est en cours sur les disparités qui existent en matière d’APA et de PCH, dont les résultats seront disponibles au premier trimestre 2015. Il s’agit d’une étude assez lourde, un premier volet ayant été traité avec la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) du ministère des affaires sociales. Nous en sommes à la seconde étape : des questionnaires quantitatifs ont été adressés aux cent départements, et nous menons un travail beaucoup plus approfondi sur les quinze où des enquêtes de terrain sont effectuées. Nous essayons de mettre en relation les disparités qui existent en matière de montant, de taux de pénétration des aides, de taux d’acceptation, avec différents facteurs explicatifs : soit organisationnels, soit socio-économiques, soit de politique départementale. Cela permettra de mettre sur la table une sorte de diagnostic à partager en appui de la mise en œuvre des mesures de la loi.

Les quinze départements retenus pour cette étude sont différents les uns des autres. Il y a des départements urbains, des départements ruraux, des départements de taille moyenne, petite, ou plus grande. Nous souhaitions nous rapprocher de la réalité de la grande diversité des territoires.

Mme la rapporteure. Peut-on penser que cette étude complétera l’expérimentation en cours sur les maisons départementales de l’autonomie (MDA) avec les trois départements pilotes ?

M. Étienne Duguelle, directeur adjoint de la compensation de la perte d’autonomie. Trois départements ont été retenus : la Corrèze, le Cantal et la Côte-d’Or. D’autres départements ont développé des MDA sous des modalités différentes.

Mme Geneviève Gueydan. L’étude porte sur l’APA et la PCH et sur l’organisation à mettre en place pour informer le public, l’orienter, instruire les demandes, évaluer. L’un des départements retenus a créé une MDA, mais ce n’est pas le cœur de la réflexion.

Mme la rapporteure. Cela pourrait nous permettre d’avoir une vision plus large.

La question des MDA reste d’actualité et j’aimerais avoir votre avis sur ce point. Si les MDPH doivent évoluer vers les MDA, ce que l’on peut penser, il me semble que la CNSA pourrait accompagner les départements qui expérimentent déjà cela et peut-être élargir le panel des départements qui seraient d’accord pour le faire. Cela permettrait de valider les critères qui répondraient aux besoins énoncés par le secteur des personnes âgées et celui des personnes handicapées, les inquiétudes s’exprimant peut-être un peu plus du côté des personnes handicapées. Chacun a compris, je crois, que cette évolution vers les MDA devait se faire de manière réfléchie en apportant des garanties sur les questions qui sont posées, c’est-à-dire que chaque département ne peut pas faire quelque chose seul dans son coin. La grande étude que vous menez pourrait peut-être nous permettre de bénéficier de quelques éléments supplémentaires.

Mme Geneviève Gueydan. S’agissant des MDA, on doit entendre la position des associations et des départements. Il est logique que les associations du secteur du handicap soient attachées à un mode de gouvernance qui les intègre dans des instances qui, comme la commission exécutive (COMEX) ou la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), jouent localement un rôle très important dans l’accès aux droits, dans l’orientation. C’est ce que fait la loi en maintenant le principe du groupement d’intérêt public (GIP). C’est l’une des avancées très importantes de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Cela fait plus d’une dizaine d’années que les départements gèrent l’APA. Par ailleurs, ils ont « récupéré » la tutelle des MDPH et ont engagé à cette fin des moyens conséquents. Pour rendre le meilleur service aux habitants, il est légitime qu’ils réfléchissent à la mutualisation, à la proximité des informations et à l’utilisation optimale des moyens significatifs qu’ils y consacrent. Le projet de loi, tel qu’il est rédigé, préserve la gouvernance tout en montrant la voie sur la façon de mutualiser l’information, l’accueil et l’orientation. Il offre la possibilité d’aller plus loin sur les formes de mutualisation en ce qui concerne l’évaluation. Ce qui est intéressant dans les MDA qui ont été créées sur le terrain, c’est cette dialectique entre le souci de proximité et de mutualisation, c’est-à-dire le fait de faire bénéficier les personnes âgées et les personnes handicapées de certains points positifs dans l’organisation du service. Par exemple, pour les personnes âgées, il existe souvent des structures infra départementales gérées par le département, qui donnent le premier niveau d’information, mais qui n’existent pas nécessairement dans le secteur du handicap. Faire profiter les personnes handicapées d’un premier niveau d’information de proximité va plutôt dans le bon sens. De même, il peut être intéressant de faire bénéficier les personnes âgées, dans le cadre d’évaluations complexes, de l’apport d’un ergothérapeute qui travaille d’habitude à 80 % avec les personnes handicapées.

Il faut veiller à la prise en charge de la spécificité des différents publics. En effet, le champ du handicap, qui est très complexe, a besoin, à un moment donné, d’une information de deuxième niveau très pointue. Quand on travaille sur l’orientation, on est sur un registre totalement spécifique, propre à chacun des deux publics. Il faut concilier ces trois pôles que sont la proximité, la mutualisation et la spécificité de la réponse. Il faudra travailler de façon très concertée avec les deux parties et la DGCS, afin que se dégage de cette concertation le décret qui fixera les critères de labellisation.

Vous nous interrogez sur les systèmes d’information. Ce n’est pas le point fort de la CNSA, mais tout n’est pas de sa faute.

Mme la rapporteure. Nous l’avons bien compris.

Mme Geneviève Gueydan. Pour l’avoir vécu de l’autre côté de la barrière – à l’époque, je travaillais dans une collectivité locale – je dirai que le contexte était particulier. Il avait été choisi de ne pas faire un système d’information national descendant et de laisser les acteurs de terrain, les départements, s’outiller. Cette décision pèse encore lourdement sur le système d’information des MDPH, qui est le plus embryonnaire. Ce qui fait le plus cruellement défaut, c’est la connaissance des publics et des besoins.

Ces dernières années, des progrès importants ont été réalisés s’agissant du lien avec les ARS. M. Xavier Dupont vous en avait parlé lorsqu’il était venu avec M. Luc Allaire. Il s’agit d’outils qui sont à la fois utiles pour elles et pour la CNSA. L’angle d’attaque qui a été choisi ces dernières années consiste à mettre en place des outils « gagnant-gagnant », à double usage, local et national. L’une des grandes avancées dont on commence vraiment à voir les fruits en termes de pilotage réside dans la mise à disposition de l’application « harmonisation et partage d’information » (HAPI), qui sert à la fois à la tarification des ARS et au pilotage local de leurs enveloppes de tarification et qui permet à la CNSA d’avoir des données de plus en plus fines sur l’exécution budgétaire. Le deuxième exemple, qui verra sa traduction en 2015, est un outil qui servira à la fois aux ARS et à la CNSA dans le champ de la programmation des places avec le double aspect programmation financière et ouverture de places. C’est la fusion de deux outils un peu cloisonnés qui existaient historiquement. Ce sera un outil très précieux pour améliorer le pilotage national et local. Le troisième exemple qui va changer la donne dans les deux ans à venir concerne le suivi des comptes administratifs mais aussi le dépôt des budgets. Les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESMS) pourront déposer leur budget prévisionnel et leur compte administratif sur un système d’information qui pourra être utilisé à la fois par les ARS et par la CNSA qui disposera de données de pilotage, d’analyse des coûts.

Le grand chantier, c’est celui du système d’information des MDPH. On vous a expliqué, je crois, les options que nous devrons trancher l’année prochaine. Le contexte n’est pas simple puisque, depuis dix ans, les MDPH se sont outillées mais ne l’ont pas toujours fait très bien. Nous sommes dans un contexte de décentralisation. Il faudra donc faire les choses en bonne intelligence avec les conseils généraux, même si la future loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement nous donne les outils juridiques pour faire prévaloir un système d’information partagé. Il faudra concevoir un outil à la fois convaincant et rassurant pour les acteurs de terrain, afin qu’ils adhèrent à ce type de démarche. C’est un travail de très grande ampleur, puisqu’il faut faire ce qui ne l’a pas été depuis dix ans.

Mme la rapporteure. Il semble que les départements ont, dans le cadre de l’ADF, suivi ces sujets tout au long des débats qui ont précédé l’élaboration de la loi. Certes, cela ne veut pas dire qu’ils sont prêts à tout changer demain, mais ils ont dû prendre conscience qu’il était nécessaire que tout le monde se mette en ordre de marche. Je vois bien quelles difficultés cela soulève, mais j’avais eu l’impression que les discussions avaient permis de faire avancer la réflexion.

Mme Geneviève Gueydan. L’ADF a été associée au diagnostic du système d’information des MDPH. Elle avait été saisie par la ministre pour exprimer sa position sur la perspective d’un système d’information unique. Elle s’était positionnée favorablement. C’est un point d’appui précieux, essentiel pour la suite des travaux. Pour autant, l’exercice est relativement complexe.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret. En tant qu’élue au conseil général du Gers, je peux vous dire que les associations qui interviennent au domicile des personnes handicapées ou âgées sont en grande difficulté. J’ai eu à connaître le cas d’une association qui a été en cessation de paiement, et qui heureusement a été reprise. Il y a des difficultés organisationnelles et financières pour mettre en place ces politiques.

Une autre difficulté concerne la tarification au niveau des EHPAD. Je suis par ailleurs présidente d’un conseil de surveillance d’un hôpital qui comprend une maison de retraite publique. Je constate que ces établissements rencontrent des difficultés quotidiennes de personnel et d’organisation.

Mme Geneviève Gueydan. Cela fait partie du contexte d’intervention de la CNSA et des politiques de compensation de la perte d’autonomie. La fragilisation du secteur de l’aide à domicile est une réalité. Des éléments de réponse ont été apportés ces dernières années. La CNSA était impliquée, notamment à travers le financement des fonds d’urgence. De ce point de vue, le texte relatif à l’adaptation de la société au vieillissement apporte une réponse un peu plus structurelle. En solvabilisant mieux les personnes âgées, on peut espérer soutenir l’activité des services d’aide à domicile et les rémunérer de façon plus adaptée.

La CNSA essaie de soutenir des démarches de modernisation du secteur à travers les conventions avec les départements. Ces démarches de modernisation que sont la télégestion, le chèque emploi service universel (CESU), l’appui au regroupement des associations et à la formation de leur personnel permettent d’offrir une prestation de qualité. Ces éléments de sécurisation doivent permettre d’orienter le choix des personnes âgées ou handicapées vers ces associations. Nous avons dressé le bilan de ces conventions pour travailler sur la nouvelle génération des conventions relatives à la section IV, sur lesquelles nous pourrons nous appuyer en 2015, notamment pour travailler plus finement en matière de diagnostic des territoires, car on voit bien que les situations sont extrêmement différentes entre le milieu rural, où il existe des problématiques très fortes de déplacement et de mobilité des aides ménagères, et le milieu urbain, où l’on se heurte à des problèmes de recrutement avec un turnover très important en raison d’un marché de l’emploi parfois plus dynamique. Les conventions montrent que les problématiques sont très diversifiées. Aussi, il nous faut peut-être aller encore plus loin en matière d’adaptation des actions que l’on finance à partir de ces diagnostics. Ce sera aussi un gage de mise en œuvre plus efficace. On voit qu’il y a des délais en ce qui concerne le démarrage et la montée en charge des actions, ce qui est normal, mais est lié parfois à un manque de travail en amont.

Mme la rapporteure. Grâce aux travaux qui ont été menés et aux rapports récents qui ont été rédigés, nous connaissons la situation du secteur des personnes âgées et celui des personnes handicapées. Chacun souhaite mettre les réponses davantage en cohérence et les adapter sur les territoires. La dimension territoriale pose encore problème car les fonctionnements sont assez cloisonnés. Tout à l’heure, M. Jean-Yves Barreyre indiquait qu’il faudrait parvenir à une révolution organisationnelle, afin d’apporter une réponse qui soit partagée par les différents acteurs, et non pas des morceaux de réponse qui conduisent finalement à des situations difficiles, voire à des situations de rupture. J’ajoute que les départements vont bientôt vivre une sorte de révolution. Peut-être faudra-t-il saisir cette occasion pour revoir toutes ces questions.

Vous nous avez dit que la CNSA allait devoir travailler avec les départements à travers la future loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement. Cela pourra peut-être permettre d’avancer sur ces sujets, de rassurer et de redonner un peu de cohérence à ces organisations. Comme le disait tout à l’heure Mme Marie-Ève Joël, cette future loi nous donne l’impression d’être à un moment particulier qui nous permettra peut-être de franchir de nouvelles étapes. Dix ans après la création de la Caisse, vous avez pu mesurer tout le chemin parcouru. Quels sont les enjeux principaux de la CNSA pour les dix prochaines années ?

Mme Geneviève Gueydan. Nous allons certainement devoir approfondir davantage les démarches entreprises ces dernières années dans la programmation et la mobilisation des réponses. On voit bien qu’il est nécessaire d’agir à différents niveaux territoriaux. Il y a des enjeux en matière d’équilibre de l’offre sur des échelles territoriales qui peuvent dépasser le département, être au niveau régional, voire supra interrégional pour des handicaps assez rares. Les expérimentations menées ces dernières années nous montrent que pour construire des réponses individualisées, il faut être sur des niveaux territoriaux assez fins. Bien sûr, ces pilotages peuvent être réalisés par les départements, par les ARS, par les acteurs qui ont une vision de l’offre et une capacité de mobilisation de l’offre qui dépasse le territoire infra départemental. C’est le sens des démarches d’intégration autour des personnes âgées telles qu’elles ont été mises en place dans le cadre des maisons pour l’autonomie et l’intégration des malades d’Alzheimer (MAIA). Pour avoir une réponse adaptée aux personnes âgées et une continuité de la réponse, il faut faire travailler ensemble des acteurs sanitaires, médico-sociaux et sociaux qui ont l’habitude de collaborer au quotidien. Cela se fait souvent sur un territoire infra départemental. C’est ce que met en avant le rapport « Zéro sans solution » élaboré par le premier directeur de la CNSA, M. Denis Piveteau.

La création de plusieurs milliers de places, que nous avons connue ces dernières années, a été utile. Il faudra continuer de les décliner jusqu’au bout puisqu’elles ont permis de franchir des étapes positives, mais ce n’est pas nécessairement cette voie que nous emprunterons dans les années à venir. Nous aurons certainement besoin d’offres plus flexibles. Il faudra passer de la notion de place à celle de réponse accompagnée, afin de ne pas laisser les publics les plus fragiles, ceux qui sont dans les situations les plus complexes, se débrouiller seuls. Cela doit se faire en articulant les différents niveaux territoriaux et en mobilisant les acteurs en bout de chaîne. Le rapport de M. Piveteau préconise ainsi la création de groupes opérationnels de synthèse, sorte de coopération opérationnelle autour des personnes et des situations. À l’avenir, il faudra travailler sur ces registres-là, déjà à l’œuvre dans les pratiques des acteurs de terrain, mais qui ne sont pas faciles car l’organisation repose plutôt sur des logiques cloisonnées. On se heurte aussi à des problèmes de légitimité quant au pilotage de ces modes d’organisation coopératifs conçus pour transcender les frontières d’intervention. Ce sont les chantiers majeurs du secteur médico-social pour les années à venir, et j’espère que la CNSA pourra apporter sa contribution en termes d’accompagnement des acteurs de terrain.

Mme la rapporteure. La sous-consommation de l’objectif global de dépenses « personnes âgées » avait déjà été évoquée il y a quelques années et avait fait l’objet d’un rapport de la commission. On a l’impression que les choses se sont bien améliorées. Je ne voudrais pas que vous pensiez que nous avons des doutes sur cette affaire. Nous avons bien compris pourquoi c’était compliqué. L’interprétation qui est faite de la sous-consommation n’est pas toujours très juste ; elle ferait croire que les crédits ne sont pas utilisés ou qu’ils ne servent pas au secteur alors qu’ils ont été attribués. Où en êtes-vous sur ce sujet ?

M. Xavier Dupont, directeur des établissements et services médico-sociaux. Comme vous l’avez dit, la tendance est à la réduction de la sous-consommation de l’objectif global de dépenses, notamment pour les personnes âgées, essentiellement parce que les plans de création de places portent leurs fruits. Les places qui avaient été à l’origine des reports de crédits ont été mises en place. Il a été démontré ces trois dernières années, et le conseil en est régulièrement informé, que l’on a réduit, en fin d’exercice, la sous-consommation. Et cette année encore, on s’attend à ce que l’exercice 2014 se traduise par une nouvelle réduction de la sous-consommation.

Mme la rapporteure. Les nouvelles conventions d’appui à la qualité de service, conclues avec les départements, autorisent la CNSA à suspendre le versement de ses concours aux départements en cas de non-transmission du rapport annuel de la MDPH, de son compte administratif, des états récapitulatifs de dépenses des prestations APA et PCH ou des données relatives au système d’information partagé pour l’autonomie des personnes handicapées (SipaPH). Existe-t-il aujourd’hui des situations de ce type ? Comment la CNSA travaille-t-elle sur ces questions ?

Mme Emmanuelle Dubée, directrice adjointe de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. De mémoire, la possibilité d’utiliser cette mesure a été évoquée une fois lors d’une discussion avec un département, mais la disposition n’a jamais été appliquée. Le fait même d’évoquer cette possibilité a immédiatement débloqué la situation. Le mieux est de ne pas avoir à mettre en œuvre ce type de mesure.

Mme la rapporteure. Nous avions compris que, en effet, cela se passait mieux.

Mme Geneviève Gueydan. Nous sommes en train de réfléchir à la nouvelle convention d’amélioration de la qualité de service, la future loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement élargissant le champ de la contractualisation. Les conventions devront comporter un volet sur les conférences des financeurs.

Nous aimerions aussi intégrer un volet sur le portail consacré aux personnes âgées. Il s’agit d’un élargissement du champ d’intervention de la CNSA à l’information du grand public, ce que nous n’avons jamais fait. Ce portail donnera des informations au grand public sur les droits, sur le type d’offre de service et il devra prévoir des outils opérationnels, notamment des annuaires sur l’offre. Un moteur de recherche permettra de calculer le reste à charge. Nous sommes en train de construire ce portail, afin qu’il soit opérationnel au moment de l’entrée en vigueur de la loi, voire un peu avant.

Nous voulons concevoir ce portail comme un outil de premier niveau d’information, d’orientation pour les personnes âgées et leurs aidants, qui devra les orienter vers l’information locale. L’annuaire des structures, notamment des EHPAD, sera national. Ce portail comprendra également un annuaire des centres locaux d’information et de coordination gérontologiques (CLIC), la géolocalisation permettant aux personnes de trouver le CLIC qui correspond le mieux à leur territoire. Ce portail renverra aux sites des conseils généraux où le public pourra y trouver des informations beaucoup plus fines sur les ressources locales. Nous voudrions donc intégrer dans nos conventions le principe d’une coopération des conseils généraux à notre portail. Pour ce faire, nous avons déjà saisi tous les présidents de conseil général afin qu’ils nous désignent des référents. Un certain nombre de départements participent au groupe chargé de l’élaboration du portail et nous disent ce qu’il est pertinent de mettre sur ce type de site.

De même, la loi prévoit que l’on accompagne les équipes médico-sociales des départements, dans une logique de plus grande harmonisation des pratiques et des droits réels tels qu’ils sont mis en œuvre sur le terrain pour les personnes âgées. La convention devra expliciter quelques principes autour de cette collaboration.

Mme la rapporteure. Cet outil rendra certainement beaucoup de services. Vous pourrez répondre au problème de l’accès à l’information.

Mme Geneviève Gueydan. Nous devrons jouer sur les deux registres, national et local. Il ne s’agit pas de concurrencer les sites des conseils généraux, mais de venir en complément. Beaucoup de départements ont en effet déjà développé des sites d’information qui comportent une partie sociale avec des éléments pratiques sur l’offre de service local. Ils expliquent à quelle porte frapper pour déposer une demande d’APA, parfois ils permettent même de déposer une demande en ligne. Nous fournirons une information sur les droits, la présentation des aides. Nous essaierons de faire un effort de précision mais aussi de lisibilité et de pédagogie, car il ne s’agit donc pas de citer tous les articles du code. Bref, il faut trouver le juste équilibre. Si les conseils généraux veulent utiliser les CLIC comme outils opérationnels, ils le pourront.

Mme la rapporteure. Combien y a-t-il de CLIC en France ? Je vous pose cette question car j’ai eu l’impression que, ces dernières années, ces structures retournaient plutôt dans le giron du département. Pour ma part, j’ai suivi la mise en place de deux CLIC qui rendaient d’ailleurs de grands services. Ils ont été rapatriés dans les unités territoriales des départements.

Mme Geneviève Gueydan. Nous avons une vision nationale des CLIC puisque la première version du portail qui arrivera en 2015 comportera un annuaire de tous les CLIC. J’avoue ne pas avoir en tête le résultat de ce travail, mais si vous le souhaitez nous pourrons vous faire parvenir des éléments.

On voit qu’il y a eu des politiques départementales assez contrastées, certains territoires ayant internalisé ces structures dans leurs services.

Mme la coprésidente Gisèle Biémouret. L’État a incité à la création de CLIC, avant de se désengager quelque peu. Bien qu’une multitude d’informations soient données, on se rend compte sur le terrain que même des personnes qui sont dans le circuit n’ont pas les bonnes informations. Il y a des CLIC dans le département du Gers, mais peut-être ne sont-ils pas assez visibles. Les personnes qui ont besoin d’informations ne se tournent pas vers ces centres. Peut-être y a-t-il trop d’informations. Dans ce cas, mieux vaudrait avoir un seul site d’information qui renverrait ensuite vers les bons sites.

Mme Geneviève Gueydan. Notre site ne répondra pas à toutes les questions. Encore faudra-t-il que les gens sachent qu’il existe et qu’ils le consultent. Tout l’enjeu sera de faire connaître le site et de trouver des alliés opérationnels pour ce faire. D’où l’importance des conseils généraux, des centres communaux d’action sociale (CCAS), voire du réseau des pharmaciens, de celui des médecins, pour faire la promotion du site. Nous commençons à réfléchir sur la stratégie de communication.

Je pense que l’existence d’une réserve nationale est pertinente dès lors qu’elle est bien cadrée et qu’elle reste dans des proportions raisonnables. Elle est pertinente dans la mesure où elle peut aider des projets innovants. En ce qui concerne l’autisme, par exemple, les réserves nationales ont permis d’aider des projets qui n’entraient pas totalement « dans des cases » ou qui concernaient des territoires où les dotations étaient un peu étriquées. Mais il faut faire attention à ce que le montant de la réserve nationale soit tel, en investissement ou en fonctionnement, qu’il ne perturbe pas à l’excès le souci d’équité territoriale et de rééquilibrage de l’offre. De ce point de vue, la règle qui a été fixée dans le cadre du plan autisme selon laquelle la réserve nationale représente 5 % de l’enveloppe globale semble assez pertinente et équilibrée.

Mme la rapporteure. Il faudrait pouvoir fixer des pourcentages en fonction des besoins spécifiques.

Mme Geneviève Gueydan. Mais cela peut contribuer à perturber la répartition selon des critères plus objectifs. Cela dit, la réserve nationale peut permettre de donner un coup de pouce à des projets intéressants.

Mme la rapporteure. Je souhaite revenir sur le rôle du conseil scientifique auquel vous attachez beaucoup d’importance. Tout à l’heure, leurs représentants nous ont montré que les demandes allaient croissant, mais qu’il fallait travailler sur la définition méthodologique de l’approche de ces demandes afin de voir comment les prioriser. Le conseil scientifique est peut-être l’une des structures de la CNSA que nous connaissions le moins.

Mme Geneviève Gueydan. Il me semble que la question de la recherche et de l’appui à l’innovation englobe et dépasse le conseil scientifique. Dix millions d’euros sont réservés à la CNSA pour appuyer la recherche dans ce champ et l’innovation. Il s’agit de la section V de son budget. Il se trouve qu’un conseil scientifique, qui réunit des experts pointus, reconnus, est associé à la mise en œuvre de ce volet du champ d’intervention de la CNSA. Plutôt que de le faire avec l’appui ponctuel de tel ou tel expert, la CNSA a en son sein un organisme qui peut apporter un regard un peu différent de celui d’un organisme administratif, d’acteurs de terrain qui mettent en œuvre les politiques ou de celui du secteur associatif. C’est une grande richesse potentielle.

J’ai pu constater que des progrès ont été réalisés, ces dernières années, pour mieux articuler ce conseil scientifique avec l’activité opérationnelle de la CNSA. Il n’est pas évident de faire travailler ensemble et cohabiter un conseil scientifique composé d’experts, de chercheurs, et une structure comme la CNSA qui distribue des financements et appuie des acteurs opérationnels. Le fait d’avoir associé, ces dernières années, le conseil scientifique à la définition des appels à projets de recherche est très intéressant. Dorénavant, deux membres du conseil scientifique participent au comité d’examen des projets. Ils nous disent où concentrer les moyens pour soutenir des projets et où être associés à l’expertise des demandes de subvention sur des projets innovants. En 2015, nous aimerions travailler de façon plus approfondie avec le conseil scientifique, car nous allons devoir réfléchir au renouvellement de notre convention d’objectifs et de gestion (COG) avec l’État pour la période 2016-2019. Il serait intéressant que soit intégrée une dimension d’appui à la recherche et à l’innovation, qui n’est pas très présente dans la convention antérieure. Nous avons demandé au conseil scientifique de nous aider à réfléchir sur ce sujet et de nous faire des propositions sur la façon dont on peut être encore plus pertinent dans les projets de recherche et dans le soutien à l’innovation.

En matière de recherche, les appels à projets thématiques permettent de dire quels sont les grands thèmes sur lesquels nous sommes prêts à soutenir des recherches. Mais, la recherche étant extrêmement émiettée, il peut arriver qu’elle soit vraiment faible sur certains thèmes et plus forte sur d’autres. Il faut l’accompagner dans la durée, sinon les résultats ne sont pas intéressants. Par exemple, le suivi des cohortes est très intéressant, mais il suppose des efforts financiers sur plusieurs années, efforts que les différents financeurs ont du mal à conduire. On voit bien que les acteurs de la recherche sont extrêmement éparpillés. Il y a eu une première tentative, à travers les chaires dans le champ du handicap, pour essayer de structurer la recherche. Mais il faut certainement aller plus loin. Je sais que c’est l’un des thèmes prioritaires de réflexion de Mme Marie-Ève Joël.

S’agissant du soutien à l’innovation, l’offre médico-sociale doit évoluer pour apporter des réponses plus flexibles, car les personnes ne veulent plus nécessairement avoir une réponse pour toute la vie ou pour de longues périodes. Par exemple, elles veulent pouvoir rester à domicile et bénéficier de soins conséquents tout en étant aussi parfois accueillies de jour dans des structures. En tout cas, la demande sociale va dans ce sens. Ce n’est pas radicalement nouveau, beaucoup de choses se font déjà sur le terrain, mais il faudra accompagner ce mouvement. De ce point de vue, la section V pourrait permettre de soutenir les projets innovants qui vont dans ce sens.

De même, ces dernières années, la CNSA a participé au défrichage de thèmes que l’on retrouve maintenant dans la loi. C’est peut-être parce qu’elle a contribué à des actions sur l’aide aux aidants et la lutte contre l’isolement que ces sujets sont tombés dans le patrimoine des politiques publiques de compensation de la perte d’autonomie. Jusqu’à présent, on a beaucoup compté sur les remontées spontanées de projets. Il faut poursuivre sur ce registre, car il donne de l’oxygène aux acteurs de terrain et permet de capter des projets intéressants. Il faudrait également définir un thème annuel, sur lequel on serait plus particulièrement demandeur de projets, parallèlement à ceux qui remonteraient spontanément. Ce sera l’un de nos chantiers en 2015.

Mme la rapporteure. Je vous remercie pour ces réponses, qui nous montrent bien comment le conseil scientifique pourra appréhender les nouveaux enjeux avec vous.

Vous l’avez compris, notre mission s’intéresse à la mise en œuvre des missions de la CNSA. Comme vous êtes directrice de cette Caisse depuis peu de temps, vous apportez un regard neuf. Je souhaiterais que notre rapport précise le rôle éminemment important de la CNSA au cours de ces dix dernières années et qu’il l’aide à trouver davantage de force dans son action et à la conforter dans ses missions. Peut-être pourriez-vous évoquer deux ou trois sujets sur lesquels vous aimeriez que nous insistions. Vous venez d’ailleurs d’en évoquer un en disant que la CNSA a pu, grâce au conseil scientifique, défricher un certain nombre de problèmes.

Mme Geneviève Gueydan. La CNSA doit continuer à utiliser pleinement sa spécificité, c’est-à-dire être cet acteur national proche des acteurs de terrain car le secteur médico-social sera confronté, dans les prochaines années, à des évolutions certainement importantes, à des recompositions. Grâce à sa connaissance de la mise en œuvre très concrète des politiques publiques, elle peut contribuer à apporter sa pierre à la réflexion sur l’évolution des dispositifs au moment où des réformes sont conduites. Si nous ne pilotons pas ces réformes, pour autant nous pouvons donner notre vision des choses. Ensuite, nous pouvons aider à mettre en œuvre ces politiques publiques. Par exemple, nous pouvons appuyer les MDPH dans la mise en œuvre des changements nécessaires préconisés par le rapport « Zéro sans solution » de M. Denis Piveteau.

Nous pouvons aussi aider les associations dans les évolutions qu’elles vont elles-mêmes devoir porter. Certes, les ARS sont en première ligne, mais nous pouvons leur donner des outils.

On voit que le concept d’intégration qui a été testé avec les MAIA est en train de faire des petits, d’être repris dans le contexte, plus large, des parcours. Le projet de loi de santé insiste beaucoup sur ce point. Nous pouvons contribuer à apporter l’expérience de cadres sur lesquels nous travaillons depuis quelques années, et qui sont encore en phase de déploiement et de rodage, dans le champ des personnes âgées comme dans celui du handicap.

Nous ne connaissons pas encore les contours détaillés de la future réforme territoriale. Dans un contexte qui va peut-être rebattre les cartes en matière de positionnement des acteurs de terrain qui portent ces politiques, nous devrons jouer un rôle de sécurisation, d’appui, d’accompagnement, parce qu’il n’est jamais simple de vivre une réforme organisationnelle tout en continuant de porter une politique. Je pense aux MDPH. La CNSA pourrait être un élément de continuité, d’appui, d’aide à la gestion de ces transitions pour que les savoir-faire ne se perdent pas.

Grâce au portail que nous allons créer, nous nous orientons vers une information en direction du grand public. Il s’agit pour nous d’un challenge très important. Ce sera l’un de nos chantiers majeurs. Nous avons nos propres enjeux de gestion et d’outils opérationnels à mener à bien.

Mme la rapporteure. Je vous remercie pour cet échange très intéressant. Je souhaite que le rapport que nous allons rédiger à l’issue de nos auditions nous permette de faire partager le regard que nous avons sur le rôle important de la CNSA. Sachez que nous sommes tout à fait convaincus du rôle que vous jouez depuis dix ans et que vous confortez notre analyse sur un certain nombre de points.

Mme Geneviève Gueydan. C’est le fruit d’un travail collectif. Il nous faudra rester à la hauteur dans le futur.

Mme la rapporteure. J’ai tenu à entendre M. Alain Cordier, ancien président de la CNSA, et M. Denis Piveteau, qui fut le premier directeur de la CNSA, pour qu’ils nous fassent bénéficier de leur regard rétrospectif sur cette Caisse. Dix ans après la création de la CNSA, ils ont pu nous apporter leur éclairage que vous avez conforté sur un certain nombre de points.

La séance est levée à vingt heures quinze.