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Commission des affaires sociales

Commission des affaires sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Mercredi 18 novembre 2015

Séance de 14 heures

Compte rendu n° 03

Présidence de Mme Gisèle Biémouret et de M. Pierre Morange, coprésidents

Auditions, ouvertes à la presse, sur « la gestion du régime de l’assurance maladie obligatoire par certaines mutuelles » (M. Jean-Pierre Door, rapporteur) :

– M. Benjamin Chkroun, délégué général d’EmeVia, et M. Pierre-Édouard Magnan, trésorier, et M. Romain Boix, président de La mutuelle des étudiants (LMDE)

– M. Philippe Rouet, responsable de la mission accompagnement des régimes partenaires d’assurance maladie obligatoire au sein de la direction déléguée aux opérations (DDO) de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) – Système d’information et Infogérance, Mme Cécile Alomar, directrice des maîtrises d’ouvrage métier, et Mme Catherine Gary, consultante projet, M. Philippe Simon, président de Cegedim Assurances, M. Christian Chaboud, directeur général de MGEN Technologies, et M. Romain Guerry, directeur des affaires publiques

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Mercredi 18 novembre 2015

La séance est ouverte à quatorze heures dix.

(Présidence de Mme Gisèle Biémouret et de M. Pierre Morange, coprésidents de la mission)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède d’abord à l’audition, ouverte à la presse, de M. Benjamin Chkroun, délégué général d’emeVia, et M. Pierre-Édouard Magnan, trésorier, ainsi que de M. Romain Boix, président de La Mutuelle des étudiants (LMDE).

M. le coprésident Pierre Morange. Dans le cadre de nos travaux sur la gestion du régime de l’assurance maladie obligatoire par certaines mutuelles, nous accueillons aujourd’hui des représentants du réseau de mutuelles étudiantes emeVia et de La Mutuelle des étudiants (LMDE).

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Messieurs, que pensez-vous des recommandations émises par le Défenseur des droits dans son rapport sur l’accès des étudiants aux soins ? Quelles réformes envisagez-vous ?

Par ailleurs, l’article 39 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2016, actuellement en discussion, tend à réformer les conditions de délégation de la gestion des prestations d’assurance maladie obligatoire ; entre autres choses, il renvoie à un décret le soin de définir les conditions de ces délégations. Quelles seront pour vous les conséquences de ce changement législatif ?

Plus généralement, comment améliorer l’information des étudiants sur leur système de sécurité sociale ?

La reprise d’une partie des activités de la LMDE par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) ne fausse-t-elle pas la concurrence ?

M. Benjamin Chkroun, délégué général d’emeVia. S’agissant du rapport du Défenseur des droits et des réformes que nous envisageons, nous avons travaillé avec le Défenseur et formulé des propositions.

Le régime de sécurité sociale étudiant applique les règles administratives du régime général, qui sont mal adaptées à la vie d’un étudiant. Ainsi, les droits sociaux d’un étudiant commencent aujourd’hui au 1er octobre : avant cette date, nous ne pouvons ni créer de carte Vitale, ni récupérer des données, par exemple. Or c’est un régime dont le tiers des adhérents change chaque année : 400 000 à 500 000 jeunes s’inscrivent en même temps à la rentrée de l’automne, ce qui crée un goulet d’étranglement.

Nous avons donc proposé de commencer à travailler dès l’inscription de l’étudiant à l’université, afin de pouvoir aller très vite à partir du 1er octobre. Il y a deux ans, nous avons ainsi expérimenté l’instruction des dossiers des étudiants à partir du 1er juillet ; cela nous a permis de fluidifier le système, en repérant plus vite les problèmes posés, par exemple, par la transmission de données entre les régimes des parents et le régime étudiant – ce processus peut en effet être complexe, par exemple pour la mutualité sociale agricole (MSA) ou le régime social des indépendants (RSI). Cette expérience a amélioré la qualité de notre service, ce qui est notre but.

Nombre de recommandations du Défenseur des droits vont dans le sens de nos demandes. Nous lui avons écrit pour formuler d’autres propositions mais nous n’avons pas encore de réponse. La population étudiante diffère de la population générale : il est donc souhaitable d’adapter la réglementation.

M. le rapporteur. Pouvez-vous nous présenter les grandes caractéristiques d’emeVia ?

M. Benjamin Chkroun. EmeVia est une fédération de mutuelles. Nous gérons 952 000 étudiants pour le régime obligatoire d’assurance maladie, et un peu moins de 250 000 étudiants pour le régime complémentaire. Nous réalisons chaque année 1 200 actions de prévention, qui touchent 420 000 jeunes – pas uniquement des étudiants, mais aussi des lycéens, car les addictions ne surviennent pas brutalement au lendemain du baccalauréat.

Nous employons aujourd’hui 461 équivalents temps plein (ETP) pour le régime obligatoire, un ETP gérant donc en moyenne un peu moins de 1 500 étudiants. En trois ans, nous avons augmenté notre productivité de 18 %.

M. le rapporteur. Quel système d’information (SI) utilisez-vous ?

M. Benjamin Chkroun. Nous sommes une fédération ; nos adhérents utilisent différents systèmes. Plusieurs de nos mutuelles utilisent le système fourni par CIMUT, opérateur breton. D’autres ont formé un groupement d’intérêt économique (GIE) pour développer un système propre. Une autre de nos mutuelles utilise un système qui lui appartient.

M. Romain Boix, président de La Mutuelle des étudiants (LMDE). Je commencerai par présenter La mutuelle des étudiants.

Celle-ci se trouve en effet aujourd’hui dans une situation très particulière : elle sort d’une période de restructuration importante, et le chantier n’est pas terminé.

Elle gère aujourd’hui le régime obligatoire et le régime complémentaire de ses adhérents étudiants ; mais le régime obligatoire est, depuis le 1er octobre 2015, une mission partagée, par convention, avec la CNAMTS.

Les difficultés de gestion du régime obligatoire par la LMDE étaient en effet importantes, comme différents rapports l’ont montré. Au cours de la période d’administration provisoire, il y a d’abord eu un rapprochement avec la Mutuelle générale de l’éducation nationale (MGEN). Mais, au cours de l’hiver dernier, cette dernière a manifesté son désir de mettre fin à ce partenariat ; à ce moment, et à vrai dire un peu en amont, la LMDE a souhaité se rapprocher de la CNAMTS.

La LMDE n’est plus depuis le 31 octobre sous administration provisoire, comme elle l’a été pendant un an et quatre mois à la suite de la décision de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Une dernière opération importante demeure en attente : nous espérons que le tribunal de grande instance de Créteil validera notre plan de sauvegarde au mois de janvier prochain.

La LMDE employait entre 500 et 600 ETP ; la cible est aujourd’hui d’une centaine de personnes, pour la gestion du régime complémentaire et de la partie résiduelle du régime obligatoire. Elle continue de gérer 800 000 à 900 000 personnes au titre du régime obligatoire d’assurance maladie, et environ 150 000 à 180 000 adhérents au titre du régime complémentaire.

M. le rapporteur. Quel est votre système d’information ?

M. Romain Boix. Nous étions membres du GIE Chorégie, que nous avons quitté pour rejoindre pour la partie du régime obligatoire le système d’information de la CNAMTS.

M. le coprésident Pierre Morange. Lors d’une précédente audition, le directeur général de la CNAMTS nous a indiqué que quelque 400 ETP pourraient être repris par cet organisme. À quelle masse salariale cela correspond-il ?

M. Romain Boix. Je n’ai pas l’information sur l’évaluation de la masse salariale.

M. le coprésident Pierre Morange. C’est une question pourtant essentielle ! La MECSS contrôle la bonne utilisation de l’argent public. Nous sommes en permanence préoccupés par l’efficience de la dépense publique ! Or la démonstration a été largement faite que ni la qualité de service, ni les coûts de gestion n’étaient à la hauteur des attentes légitimes de la population estudiantine, pour le dire courtoisement.

J’insiste sur la nécessité pour nous de disposer d’éléments chiffrés sur les coûts de l’opération de transfert, qui devront être assumés par l’Assurance maladie. La migration vers la CNAMTS doit permettre d’apporter aux étudiants une meilleure qualité de service – je rappelle les milliers de dossiers à l’abandon, l’absence de réponse au téléphone dans onze ou douze cas sur treize. Elle doit aussi être pertinente en termes de coût de gestion.

M. Romain Boix. Le nombre d’ETP transférés est de 436. Je n’ai pas ici l’information sur la masse salariale mais je vous la transmettrai.

S’agissant des coûts de gestion et de l’efficience de la gestion du régime d’assurance maladie, une diminution progressive de la remise de gestion pour la partie résiduelle du régime obligatoire a été proposée par l’Assurance maladie.

La LMDE a été pendant seize mois sous administration provisoire, ce qui n’est pas anodin. Différents rapports ont fait des propositions, que la LMDE ne regarde pas forcément d’ailleurs d’un mauvais œil – je pense notamment au rapport des sénateurs Catherine Procaccia et Ronan Kerdraon.

La recherche de la solution à ces difficultés importantes de gestion dont souffrait la LMDE – notamment en ce qui concerne le taux de réponse au téléphone et le traitement des courriers – est précisément l’objet même du transfert à la CNAMTS. L’administratrice provisoire de la LMDE, qui a été suivie par l’assemblée générale unanime de la LMDE, a considéré que la mutuelle ne pouvait plus remplir ces missions de façon efficiente ; c’est pourquoi nous nous sommes tournés vers la CNAMTS, qui peut, elle, assurer cette gestion.

M. le coprésident Pierre Morange. Je n’aurai pas la cruauté de souligner qu’il eût été possible d’agir plus tôt. Il faut maintenant examiner les conséquences de ce transfert, sur le système d’information par exemple.

M. le rapporteur. Monsieur Romain Boix, comment la LMDE en est-elle arrivée là ? Cette mutuelle est ancienne, et les rapports ont été nombreux au fil des années – celui du Défenseur des droits est particulièrement éclairant. Où sont les défaillances ? Pourquoi n’agir que maintenant ?

M. Romain Boix. Les premières causes de ces difficultés sont à chercher du côté des conditions de création de la mutuelle, qui ont pesé sur sa capacité à dégager des excédents et à équilibrer ses comptes. La LMDE a en effet été créée à la suite de la disparition de la Mutuelle nationale des étudiants de France (MNEF), sans disposer des fonds propres nécessaires à la création d’une mutuelle, grâce à un dispositif de solidarité entre deux mutuelles : la MGEN remplissait les obligations de solvabilité de la LMDE, sur la base d’une convention de substitution.

La LMDE a aussi, lors de sa création, émis des titres participatifs, principalement détenus par la Matmut et la MGEN. Mais elle n’a pas dégagé suffisamment d’excédents pour rembourser cette dette initiale, et l’endettement a pesé sur les comptes.

Par la suite, lorsqu’il a été constaté que le modèle économique de la LMDE ne lui permettait plus d’assurer correctement ses missions, des décisions ont été prises. Malheureusement, la transformation qui a eu lieu entre 2011 et 2012, au lieu d’améliorer la situation, l’a dégradée, en particulier parce que le périmètre d’emploi n’a pas été réduit, malgré un plan social. Les coûts ont en réalité augmenté, ce qui n’a pas permis de dégager de nouveaux excédents.

Au cours de sa première dizaine d’années d’activité, la LMDE n’a donc pas pu relever la tête, en raison de cet endettement initial – aujourd’hui traité par le plan de sauvegarde et la procédure collective – mais aussi de l’échec de ce plan de transformation.

Par la suite, la gouvernance étudiante a décidé de se rapprocher de la MGEN et de mutualiser la gestion, afin d’améliorer l’efficience et la qualité de service, notamment en transférant une partie de l’activité de gestion et de fonction support à la MGEN. Ainsi, ces activités ne pesaient pas sur les comptes de la LMDE.

Cette transformation n’est pas, je vous l’ai dit, allée jusqu’à son terme ; la CNAMTS a donc été sollicitée pour prendre en charge le régime obligatoire des étudiants.

M. le rapporteur. Vous souffrez donc surtout de l’héritage néfaste de la MNEF ?

M. Romain Boix. La MNEF a été liquidée. Ce n’est donc pas son héritage qui a engendré les dysfonctionnements de la LMDE, mais les conditions de création de celle-ci.

M. le coprésident Pierre Morange. Ces explications ne justifient en rien l’extrême médiocrité de la qualité des prestations. Les coûts de gestion sont de plus très élevés. La LMDE n’a réglé ni l’un ni l’autre de ces dysfonctionnements.

Qu’en est-il maintenant de l’assurance complémentaire, dont vous conservez la compétence ? Les coûts de gestion, considérés comme excessifs par les différents rapports, vont-ils diminuer ? Envisagez-vous une rationalisation, une optimisation de la dépense ?

M. Romain Boix. Le régime obligatoire est en effet désormais traité par la CNAMTS, moyennant la diminution de la remise de gestion déjà évoquée, à raison de : 7,80 euros par bénéficiaire en 2016, 5,60 euros par bénéficiaire en 2017, 4,40 euros par bénéficiaire en 2018.

M. le coprésident Pierre Morange. Globalement, à combien arrive-t-on ?

M. Romain Boix. Environ 7 millions d’euros en 2016, 5 millions d’euros en 2017 et 4 millions d’euros en 2018.

M. le coprésident Pierre Morange. On pourrait considérer que ce ne sont pas là des économies très conséquentes.

M. Romain Boix. Nous partions de 52 euros par bénéficiaire. L’économie est donc importante.

M. le coprésident Pierre Morange. Cela restera à démontrer – car finalement, l’essentiel du travail est confié à la CNAMTS.

Qu’en est-il des coûts de gestion de l’assurance complémentaire ? Avez-vous tiré les leçons de la situation et décidé de rationaliser vos effectifs ?

M. Romain Boix. Nous avons choisi d’établir un partenariat avec le groupe Intériale, avec une direction générale commune. Dans ce cadre, la LMDE entend se concentrer sur son cœur de métier, la gestion du régime complémentaire étant déléguée au prestataire Almerys.

Notre cible en termes d’effectifs est d’environ 100 ETP, soit cinq fois moins qu’auparavant.

La LMDE pourra ainsi se concentrer sur son développement et son activité commerciale auprès des étudiants : affiliation au régime obligatoire, adhésion au régime complémentaire, prévention et accompagnement des étudiants dans leurs démarches.

Nous arrivons ainsi à un rapport de sinistralité, pour le régime complémentaire, d’environ 70 %.

M. le coprésident Pierre Morange. Quel sera alors le coût par bénéficiaire ?

M. Romain Boix. En ce qui concerne le régime complémentaire, notre argumentation devant l’ACPR reposait sur le ratio de sinistralité. Quant au régime obligatoire, les remises de gestion ont vocation à couvrir les coûts de l’activité résiduelle de la LMDE.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous aimerions néanmoins connaître ces chiffres.

M. le rapporteur. Je me tourne maintenant vers les deux représentants d’emeVia.

Comment répondez-vous aux critiques formulées par les différents rapports
– dysfonctionnements, retards de remboursement, pertes de documents –, ainsi qu’aux recommandations du Défenseur des droits ?

Pourrez-vous gérer le tiers payant généralisé, qui figure dans le projet de loi relatif à la santé en cours de discussion ?

M. Benjamin Chkroun. Je commence par revenir quelques instants sur l’article 39 du PLFSS pour 2016. Nous regrettons fortement le vote de ce texte long et illisible – beaucoup de parlementaires l’ont affirmé –, établi sans concertation, sans consultation, sans étude d’impact, alors que cette réforme modifie de fond en comble les conditions de délégation de service public pour les mutuelles. Heureusement, les amendements votés par l’Assemblée nationale ont amélioré le projet de loi.

Nous regrettons aussi que les modalités futures de la gestion mutualiste soient renvoyées à un décret : les parlementaires se voient ainsi retirer la prérogative de statuer sur ces sujets. Nous venons d’ailleurs de recevoir une partie du projet de décret : si vous trouviez l’article 39 du PLFSS pour 2016 incompréhensible, ce projet de décret est bien pire… Cette expérimentation – car nous pensons que c’en est une – est malheureuse.

D’ores et déjà, la mise en place de la protection universelle maladie s’annonce extrêmement complexe : nous sommes un peu interloqués par la teneur de nos échanges avec l’administration. Le 9 octobre, lors d’une réunion à la CNAMTS, nos interlocuteurs avouaient leur ignorance sur les conditions de sa mise en place. Le 5 novembre, nous avions rendez-vous avec M. Thomas Fatome, directeur de la sécurité sociale ; à cette occasion, il nous a annoncé la création d’un groupe de travail sur les conséquences de la prestation universelle maladie sur les régimes délégués et l’Assurance maladie.

Aujourd’hui, nos interlocuteurs nous certifient que la mise en place de cette prestation universelle n’aura aucune incidence sur les conditions d’affiliation des étudiants, mais nous sommes quelque peu sceptiques.

Il y a pour nous deux enjeux principaux. D’une part, le Gouvernement entend faire disparaître progressivement la notion d’ayant droit majeur. Je n’entre pas ici dans les détails techniques, mais je donnerai tout de même quelques exemples. Un étudiant de moins de vingt ans dont les parents sont travailleurs non salariés était jusqu’à présent ayant droit de ses parents, et ne pouvait pas être affilié lui-même à leur régime. Demain, ce même étudiant devra être affilié de plein droit : mais le sera-t-il au RSI ou au régime étudiant ? La direction de la sécurité sociale (DSS) ne sait pas nous répondre. Quant aux étudiants salariés, la règle de la quotité minimale de travail déterminant leur statut d’étudiants ou de salariés a été supprimée. Mais que deviennent-ils ? C’est très flou, et « quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ».

Enfin, nous regrettons la suppression de l’article L. 381-8 du code de la sécurité sociale, issu d’un combat que nous avions mené il y a vingt ans. Il assurait l’égalité des remises de gestion entre les opérateurs des régimes délégués étudiants. En entendant le président de la LMDE, nous comprenons les raisons de cette suppression ; mais cette situation risque de créer des approximations malheureuses.

M. le coprésident Pierre Morange. Pouvez-vous préciser quels sont vos coûts de gestion pour l’assurance complémentaire, y compris les coûts de stratégie commerciale ? C’est un débat récurrent : beaucoup d’affiliés ont du mal à comprendre que leur cotisation à une mutuelle comprenne des frais de publicité, de promotion commerciale… Cela peut être légitime dans un cadre économique concurrentiel, bien sûr, mais cela peut aussi paraître entrer en contradiction avec la prétention à porter un message humaniste.

M. Benjamin Chkroun. Nous représentons ici un réseau de mutuelles. Nous gérons en bon père de famille, ce qui nous a permis de préserver notre équilibre économique : notre gestion est à l’équilibre pour le régime obligatoire et nous dégageons des excédents sur le régime complémentaire – ce qui nous permet de nous développer, mais aussi de ne pas augmenter les cotisations de nos adhérents. Nous n’avons pas grand-chose à voir avec les grands groupes auxquels vous songez : vous ne verrez jamais l’une de nos publicités avant le journal de vingt heures de TF1, ne serait-ce que parce que nous n’avons pas l’argent pour cela !

Il est désormais obligatoire de publier nos coûts de gestion pour la partie régime complémentaire : je vous les transmettrai.

Pour les mutuelles étudiantes, la complémentaire santé est une activité accessoire : le régime obligatoire d’assurance maladie constitue 88 % de notre activité. Notre but premier est donc la gestion efficace, avec une bonne qualité de service, du régime obligatoire. Aujourd’hui, notre taux de réponse au téléphone est de 92 %, parce que nous avons investi dans ce domaine – ce taux est d’ailleurs meilleur que celui de la CNAMTS. De même, 88 % de nos remboursements sont faits en quarante-huit heures, et les 12 % restant en moins de six jours, grâce à nos investissements dans nos systèmes d’information mais aussi grâce à un taux très élevé d’équipement en cartes Vitale.

Notre plus-value, c’est l’adaptation à une population particulière, souvent précaire, souvent à court d’argent, et qui est habituée à des réponses immédiates à ses questions.

M. le coprésident Pierre Morange. Il serait d’ailleurs intéressant que vous nous présentiez votre modèle économique, afin que nous soyons en mesure d’établir des comparaisons entre les différentes mutuelles mais aussi avec l’Assurance maladie. Les chiffres que vous nous donnez impliquent une forte rationalisation.

M. Benjamin Chkroun. Small is beautiful, c’est ce que nous nous disons souvent.

M. le rapporteur. Vous n’avez pas répondu sur la gestion du tiers payant.

M. Benjamin Chkroun. Nous avons été les premiers à mettre en place la carte Vitale. Nous mettrons aussi en place le tiers payant : cela ne pose pas de problème, ni sur le plan technique ni sur le plan opérationnel. Nous avons l’habitude d’essuyer les plâtres des réformes de l’assurance maladie.

M. le rapporteur. Quid de vos coûts de gestion ? Comment fonctionne ce réseau de mutuelles ?

M. Benjamin Chkroun. Pour vous répondre sur les coûts de gestion, je reviens sur le calcul de la remise de gestion. L’Assurance maladie dispose de deux indicateurs, le BAM 102 – coût du bénéficiaire actif moyen dans les 102 caisses primaires d’assurance maladie – et le BAM 50 – coût dans les cinquante caisses primaires les moins chères. Le calcul de notre remise de gestion se fait sur la base du BAM 50. Dans la mesure où nous ne réalisons pas toutes les activités d’une caisse primaire – nous ne versons pas d’indemnités journalières, par exemple –, un coefficient de réalisation est appliqué. Il est, depuis une dizaine d’années, de 77,26 %.

Le BAM 50 est de 65,37 euros ; notre remise de gestion devrait donc être de 50,50 euros. Parce que nous sommes des gens responsables, nous avons accepté de nous en tenir à 50 euros – multipliée par un million d’assurés sociaux, cette différence de 50 centimes n’est pas négligeable. Nous avons accepté de descendre, en 2017, à 46 euros. Cela revient à une diminution, en quatre ans, de 15 % – pour une qualité de service aussi bonne, voire meilleure. Nous nous heurtons maintenant à des problèmes réglementaires ; l’adaptation de la réglementation nous permettrait de réaliser de nouveaux gains de productivité.

M. Pierre-Édouard Magnan, trésorier d’emeVia. Vous nous interrogez également sur le fonctionnement du réseau de mutuelles. Il est simple. Les mutuelles, qui sont régies par le livre II du code de la mutualité, adhèrent à la fédération, selon un mécanisme tout à fait classique, comparable à celui d’une fédération d’associations. La fédération est leur porte-voix ; c’est un outil de coordination nationale, l’interlocuteur du ministère de la santé, du ministère de l’Éducation nationale…

Vous nous avez transmis des questions par écrit avant cette audition ; l’une d’entre elles porte sur nos « coûts de gestion supérieurs à ceux de la CNAMTS ». Nous avons été très malmenés ces dernières années, pour de bonnes et de mauvaises raisons – nul n’est exempt de reproches, même si certains en ont mérité plus que d’autres. En l’occurrence, nos coûts de gestion ne sont pas supérieurs à ceux de la CNAMTS, mais le mode de calcul de la remise de gestion l’empêcherait de toute façon !

Certes, l’un des deux acteurs du régime étudiant a connu des problèmes sérieux, qui ont pesé sur son activité. Mais le système mis en place est globalement très bon, puisqu’il garantit que nous sommes au moins aussi peu chers que la moins chère de toutes les CPAM. Quand nous avons lu certaines mises en cause, dans des journaux importants, nos cheveux, je ne vous le cache pas, se sont dressés sur nos têtes !

Nous rationalisons nos coûts, à commencer par nos coûts de personnel. Nous travaillons aussi beaucoup sur la dématérialisation : nous avons la chance d’avoir un public jeune, rompu aux nouvelles technologies.

Vous nous demandez aussi pourquoi nous avons recours à des systèmes d’information différents de ceux de la CNAMTS. C’est tout simple : cela fait très peu de temps que celle-ci peut mettre à disposition des autres acteurs un système d’information qui leur permette de gérer le régime délégué. Bien sûr, aujourd’hui, le monde de la mutualité mène des réflexions sur ces questions ; nous voyons bien quel est le sens de l’histoire, et que la CNAMTS est maintenant capable de faire ce qui ne lui était pas possible il y a quelques années. Sans doute les systèmes d’information constituent-ils une piste intéressante de rationalisation des dépenses. Nous ne sommes pas des magiciens : il va falloir faire fonctionner nos mutuelles avec une remise de gestion de 46 euros. Or nous sommes aujourd’hui à peu près à l’équilibre. Il faudra donc de nouvelles pistes d’optimisation.

Mais, je le répète, nous n’avons pas choisi de ne pas utiliser le système d’information de la CNAMTS. La question ne se posait pas. Elle se pose désormais, et nous réfléchissons aux réponses à lui apporter.

Sur le plan technique comme sur le plan financier, le régime étudiant de sécurité sociale, quand il fonctionne de façon saine, est particulièrement intéressant pour les finances publiques.

De plus, l’idée qu’un régime soit géré pour partie par ses usagers a une signification politique. Nos missions de prévention, notamment à destination des publics jeunes, sont essentielles ; elles le sont aussi du point de vue financier, à moyen et long terme. Nous y travaillons énormément, même si les violentes mises en cause auxquelles nous avons dû faire face ont beaucoup compliqué notre présence dans les lycées, par exemple.

Notre système fonctionne. Il a connu des difficultés, mais lequel n’en connaît pas ? L’architecture est bonne, et les chiffres donnés par Benjamin Chkroun montrent qu’il est possible de gérer ce régime de manière efficace pour l’étudiant, de manière responsable pour les finances publiques, et surtout de manière utile pour la santé publique.

M. le rapporteur. Combien de mutuelles regroupez-vous ?

M. Benjamin Chkroun. Nous fédérons onze mutuelles étudiantes régionales.

S’agissant des systèmes d’information, je précise que jamais la CNAMTS ne nous a fait de proposition – ni technique, ni financière – pour son Infogérance. Nous sommes des entreprises certes d’économie sociale et solidaire, mais des entreprises : nous investissons, et nous devons voir à long terme. L’Assurance maladie nous expose, de façon un peu péremptoire, son système d’information ; mais nous ne savons ni comment il fonctionne, ni s’il est performant, ni s’il est adapté à notre fonctionnement et à notre public, ni combien il coûte… Nous pouvons tout entendre, et nous avions bien sûr envie de croire M. Frédéric van Roekeghem, ancien directeur général de la CNAMTS, quand il nous vantait un système efficace et peu cher. Mais nous devons agir de façon raisonnée.

M. le coprésident Pierre Morange. Le nouveau directeur général saura peut-être vous convaincre.

Nous ne pouvons que constater, avec les mutuelles, l’absence d’étude d’impact sur l’article 39 du PLFSS pour 2016.

Les grandes mutuelles de fonctionnaires nous ont, quant à elles, fait part de leur perplexité sur l’application du tiers payant généralisé.

Enfin, sans vouloir parler pour le Gouvernement, je crois que la disparition de la notion d’ayant droit majeur est pour l’exécutif une façon de faire de chaque personne majeure un assuré social autonome.

M. le rapporteur. Merci, messieurs. Nous attendons les compléments d’information que vous voudrez bien nous fournir. Ils nous seront utiles pour notre rapport.

M. Romain Boix. Ce sera fait.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous vous demanderons également une évaluation de vos avoirs, qui doivent être à la hauteur définie par les règles prudentielles.

M. Romain Boix. La solvabilité de la LMDE est essentiellement assurée par sa mutuelle substituante. Les marges de solvabilité sont inexistantes aujourd’hui…

M. le coprésident Pierre Morange. J’ai bien compris. Je parlais évidemment de la structure à laquelle vous êtes adossés.

Puis, la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Philippe Rouet, responsable de la mission d’accompagnement des régimes partenaires d’assurance maladie obligatoire au sein de la direction déléguée aux opérations (DDO) de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) – Système d’information et Infogérance, Mme Cécile Alomar, directrice des maîtrises d’ouvrage métier, et Mme Catherine Gary, consultante projet ; de M. Philippe Simon, président de Cegedim Assurances ; et de M. Christian Chaboud, directeur général de MGEN Technologies, et M. Romain Guerry, directeur des affaires publiques.

M. le coprésident Pierre Morange. Mesdames, messieurs, au nom des membres de la MECSS, je vous souhaite la bienvenue à l’Assemblée nationale.

M. Jean-Pierre Door, rapporteur. Dans le cadre de nos travaux sur la gestion du régime de l’assurance maladie obligatoire par certaines mutuelles, il nous fallait impérativement rencontrer les responsables des systèmes d’information, lesquels sont évoqués à chaque audition par les mutuelles et les différents partenaires. Voilà pourquoi nous avons souhaité entendre les représentants du système d’information de la CNAMTS, mais aussi de Cegedim, compagnie privée chargée de l’informatisation, et de MGEN Technologies dont les services et les systèmes ont été évoqués au cours des précédentes auditions.

Pouvez-vous nous présenter vos systèmes d’information respectifs ? Quelles en sont les particularités ? Quelles mutuelles les utilisent ? Comment chaque système a-t-il été choisi, puis développé ? Pourquoi celles et ceux qui ne dépendent pas de l’Infogérance de la CNAMTS ont-ils choisi un autre système d’information ? Quels sont les coûts associés ?

J’ajoute immédiatement une information qui concerne spécifiquement Infogérance : les représentants de l’une des mutuelles étudiantes que nous venons de recevoir nous ont dit vous avoir interrogés sur votre système et ses coûts mais n’avoir jamais reçu de réponse. Je vous indiquerai de laquelle il s’agit afin que vous puissiez résoudre le problème.

M. Philippe Rouet, responsable de la mission accompagnement des régimes partenaires d’assurance maladie obligatoire au sein de la direction déléguée aux opérations (DDO) de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) – Système d’information et Infogérance. L’identité des mutuelles qui utilisent Infogérance est déclinée à la fin du tableau récapitulatif qui vous a été fourni lors de l’audition du directeur général de la CNAMTS. J’en rappelle la liste pour mémoire : dans l’ordre chronologique, nous avons repris la gestion de la MGP (Mutuelle générale de la police), de la mutuelle de la CAMIEG (Caisse d’assurance maladie des industries électriques et gazières), de la MNH (Mutuelle nationale des hospitaliers), puis d’Intériale, une mutuelle de policiers, de LMG (La Mutuelle générale), qui est la mutuelle de La Poste ; de MFP (Mutuelle de la fonction publique) Services et de HFP (Harmonie Fonction publique), dont une partie des assurés a migré vers notre système ; la dernière mutuelle reprise est la LMDE (La Mutuelle des étudiants), pour laquelle nous détenons un mandat de gestion.

Par ailleurs – mais ce n’est peut-être pas tout à fait le sujet –, nous avons repris au sein du régime général de petites mutuelles qui, au titre de l’article L. 211-4 du code de la sécurité sociale, bénéficiaient d’une délégation de gestion de la part des caisses primaires et qui ont annoncé à celles-ci ou à la CNAMTS qu’elles cessaient de gérer le régime obligatoire. Les personnes qu’elles assuraient sont ainsi devenues des assurés du régime général au sein des CPAM.

M. le coprésident Pierre Morange. Dans ces différents cas, y a-t-il eu des difficultés liées aux interfaces entre votre système d’information et ceux, souvent « propriétaires », qui ont été construits avec les structures assurantielles, notamment mutualistes ? Si je vous interroge sur ce point, c’est que l’ « urbanisation » des systèmes informatiques n’est pas une mince affaire. Nous nous en préoccupons depuis la naissance de la MECSS, en 2004, et nous apprécions régulièrement la réponse des responsables successifs de l’assurance maladie à propos de l’avancement méthodique de la valorisation du système, dont la finalisation est toujours repoussée à l’année suivante… Êtes-vous en mesure de nous annoncer qu’en 2015 le système est totalement urbanisé et fonctionne suffisamment bien pour que les autres systèmes soient compatibles avec lui ?

M. Philippe Rouet. Cette question relève entièrement de la direction des systèmes d’information : elle nous dépasse quelque peu.

M. le coprésident Pierre Morange. Mais elle est essentielle. Car sans maîtrise de l’information grâce à la coordination et à l’échange entre les différentes structures, le rendement ne peut être optimal. Or l’objectif de la MECSS est la recherche obsessionnelle du meilleur rapport coût-efficacité. N’oublions pas que les dépenses d’assurance maladie s’élèvent à quelque 180 milliards d’euros par an, pour ne rien dire des autres branches assurantielles.

M. Philippe Rouet. Le système d’information proposé par le régime général aux mutuelles en infogérance est le même que celui des CPAM. Plus précisément, le cœur du dispositif est exactement identique : nous proposons aux mutuelles les mêmes outils qu’aux gestionnaires des caisses. La seule différence résulte du « coût projet », c’est-à-dire du coût de migration des données de l’ancien système d’information vers le nôtre. Ce dispositif fonctionne, il est robuste, et il est éprouvé maintenant que nous avons repris les partenaires que j’ai cités.

M. le coprésident Pierre Morange. Que représentent les mutuelles qui n’utilisent pas votre système ?

M. Philippe Rouet. C’est à mes confrères ici présents qu’il faudrait poser la question.

Pour en revenir au système d’information, les seules adaptations dont il fait l’objet en vue d’accueillir le partenaire visent à proposer au client, c’est-à-dire à l’assuré ou à l’adhérent de la mutuelle, un logo, une adresse et, éventuellement, un numéro de plate-forme téléphonique qui identifient la mutuelle. Il s’agit de personnaliser l’interface à l’intention de l’assuré. De même, le compte assuré sur le site internet ameli.fr est assorti du logo du partenaire : par exemple, lorsque les assurés MNH se connectent, c’est un logo MNH qui s’affiche ; lorsqu’il leur est proposé de contacter leur caisse, c’est vers la MNH qu’ils sont orientés.

En somme, notre offre de service est standardisée : nous ne procédons pas à des développements considérables pour accueillir un partenaire. En effet, l’infogérance n’est pas notre métier : notre métier, c’est l’assurance maladie, c’est-à-dire le remboursement des assurés et leur gestion optimale au coût le plus bas possible. Notre offre de service s’inscrit dans ce cadre : son coût est marginal. Nous reprenons le système d’information tel qu’il existe, assorti des interfaces qui fonctionnent – avec l’assurance vieillesse pour le suivi des carrières, avec les impôts pour la déclaration des indemnités journalières, etc.

M. le coprésident Pierre Morange. C’est un sujet que la MECSS connaît bien pour s’être penchée sur le répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS).

M. Philippe Rouet. Nous sommes justement en train de procéder au « peuplement » du RNCPS, qui se fera en deux phases. Ce week-end, ce sont quatre de nos partenaires qui sont concernés dont la MGP, LMG et la MNH.

M. le coprésident Pierre Morange. Il ne serait pas inintéressant que nous puissions disposer d’une vision d’ensemble de l’arborescence du système, pour nous assurer que l’interconnexion des fichiers est opérationnelle, au moins théoriquement.

M. Philippe Simon, président de Cegedim Assurances. Par rapport aux autres structures auditionnées cet après-midi, Cegedim Assurances a la particularité d’appartenir à un groupe industriel spécialisé dans le marché de la santé.

Nous fournissons des solutions informatiques à nos clients chargés de l’assurance maladie complémentaire, et d’autres solutions à ceux qui ont reçu une délégation pour gérer l’assurance maladie obligatoire. Ce qui concerne plus de 22 millions de personnes protégées au titre du régime complémentaire, et 3,5 millions pour le régime obligatoire.

Nous sommes également fournisseurs de services de tiers payant, pour plus de 20 millions de personnes protégées.

Enfin, nous équipons des caisses nationales d’assurance maladie à l’étranger, ainsi que des organismes publics, notamment en Afrique. Cela intéresse plus de 16 millions de personnes.

Pour décrire notre système, je me concentrerai sur notre activité en France, en commençant par retracer l’histoire de nos équipements.

À l’origine, nous équipions les mutuelles interprofessionnelles et une association, Apria, qui regroupe les principales compagnies d’assurance et gère les portefeuilles des travailleurs indépendants et les professions libérales, mais aussi des mutuelles de fonctionnaires, des régimes spéciaux, dont ceux de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que des mutuelles étudiantes.

Nous avons décidé en 2008 de réinvestir dans un logiciel moderne, appelé ACTIV’RO. À l’époque, nos logiciels étaient d’architecture très ancienne et il apparaissait nécessaire d’ouvrir de plus en plus les systèmes et de les faire communiquer.

M. le coprésident Pierre Morange. S’agissait-il de systèmes fermés dits, en anglais, mainframe ?

M. Philippe Simon. C’étaient des systèmes propriétaires anciens, reposant sur de vieilles techniques ; non pas des mainframe, mais des architectures de type AS400, Bull, etc.

M. le coprésident Pierre Morange. Dont les loyers annuels devaient être très coûteux ?

M. Philippe Simon. En effet, les coûts de licence et de maintenance étaient très élevés. Surtout, les capacités d’échange en temps réel avec le reste du monde avaient montré leurs limites.

En 2008, notre ambition était donc de créer une plateforme multi-régimes pour remplacer nos différentes solutions par une seule. À cette fin, nous avons investi dans le système que j’ai cité ainsi que dans des spécifications concernant le régime général. Nous avions à l’époque un client pilote, La Mutuelle générale, qui a finalement opté pour le système de la CNAMTS – au terme d’un appel d’offres auquel nous avions répondu, ainsi que nos confrères de la MGEN, mais lors duquel la compétition était un peu particulière puisque la CNAMTS fournissait un système sans facturer le projet et que les coûts étaient difficiles à comparer. Ce faisant, La Mutuelle générale, qui était notre plus gros client s’agissant du régime général, a progressivement entraîné avec elle la plupart de nos clients.

Aujourd’hui, notre système est utilisé par la majorité des organismes conventionnés gestionnaires, pour le régime social des indépendants (RSI), des prestations destinées aux artisans et aux professions libérales. Cela représente quelque 3,1 millions de personnes protégées, soit environ 80 % des affiliés au RSI, gérés sur une seule et même plateforme infogérée dans un data center agréé pour héberger les données de santé et doté des meilleures technologies.

M. Christian Chaboud, directeur général de MGEN Technologies. MGEN Technologies est un groupement d’intérêt économique (GIE) qui prend la suite de Chorégie, lequel n’existera plus au 31 décembre 2015. En effet, Chorégie réunissait le groupe MGEN et MFP Services, qui le quitte au 31 décembre. Le 1er janvier, il ne restera donc plus que MGEN Technologies, qui est la direction des systèmes d’information du groupe MGEN dont il réunit trois mutuelles : MGEN, MGEN Action sanitaire et sociale et MGEN Centre de santé. Et lorsque la LMDE aura quitté le GIE, au 31 décembre, celui-ci sera circonscrit au groupe MGEN.

Le système d’information du groupe est destiné à supporter les métiers qui le composent et il est, de ce fait, fortement structuré par eux. Ces métiers sont au nombre de trois : la gestion du régime obligatoire santé, celle du régime complémentaire santé et prévoyance, enfin la gestion d’une offre de soins à travers 33 établissements sanitaires et sociaux. En ce qui concerne le secteur de la santé, l’organisation du système est déterminée par notre choix stratégique d’une gestion intégrée du régime obligatoire et du régime complémentaire, qui permet de proposer à l’adhérent un guichet et un décompte uniques. Si bien que nous pouvons gérer avec les mêmes outils des affiliés au seul régime obligatoire, des adhérents au régime obligatoire et au régime complémentaire et des adhérents au seul régime complémentaire.

De plus, le système d’information est taillé pour faire face au volume traité par la MGEN, que l’on peut caractériser en quelques chiffres : 3,8 millions de personnes protégées ; 4,8 milliards d’euros de prestations versées au titre des régimes obligatoire et complémentaire ; 1,8 milliard d’euros de cotisations perçues ; 74 millions de feuilles de soins électroniques et 10 millions de feuilles de soins papier traitées chaque année ; 2,3 millions de cartes Vitale.

Il ne s’agit pas d’une application, mais d’un système d’information d’entreprise qui se compose, pour la seule partie dédiée aux métiers de la santé et de la prévoyance, de six ensembles d’applications, fortement intégrées et étroitement liées les unes aux autres. En voici le détail : un ensemble de référentiels – les bases de données personnes, offres et contrats ; un système de gestion de la relation avec l’adhérent ; un système de gestion des cotisations santé, pour la partie complémentaire ; un système de gestion des prestations santé, pour le régime obligatoire et le régime complémentaire ; un système de gestion de la prévoyance et de l’action sociale ; enfin, un système décisionnel couvrant toutes les activités de pilotage opérationnel et stratégique.

Qui utilise notre système ? Dans le cadre de Chorégie, nous – MGEN et MFP Services – avions décidé en 2008 d’engager la refonte des applications de gestion des prestations santé. Le système a été développé depuis et son utilisation a été mutualisée. Il s’agit du programme Orion, dont vous avez peut-être entendu parler et qui a été utilisé jusqu’à la fin 2014 par les mutuelles de la « filière intégrée » de MFP Services – celles qui avaient choisi cette gestion intégrée – et par la MGEN. À la suite du changement de stratégie opéré par certaines de ces mutuelles en 2014, cette application ne sera plus utilisée en 2016 que par la MGEN et, pour la partie régime obligatoire, par la MCVPAP (Mutuelle complémentaire de la ville de Paris et de l’Assistance publique). Par ailleurs, la MGEN procède au 1er janvier à une fusion-absorption de la MGET (Mutuelle générale environnement et territoires), laquelle faisait partie de la filière intégrée, ainsi que de la MAEE (Mutuelle des affaires étrangères et européennes) L’ensemble des autres applications du système d’information ont toujours été exclusivement utilisées par la MGEN.

Comment ce système a-t-il été choisi ? En réalité, il a été construit sur mesure, pour partie par des développements spécifiques et pour partie par l’intégration de progiciels du marché. Bâti de manière progressive, il a été adapté au fil du temps de manière à toujours mieux répondre, à la fois qualitativement et quantitativement, aux besoins des métiers du groupe.

Lorsque nous avons décidé en 2008 de refondre nos applications de gestion des prestations, celles-ci étaient vieillissantes et possédaient toutes les caractéristiques que vous avez évoquées, monsieur le président – propriétaires, mainframe, exagérément coûteuses…

M. le coprésident Pierre Morange. À quel montant s’élevaient ces coûts ?

M. Christian Chaboud. Je n’ai pas le chiffre en tête, il faudra que je le recherche pour vous le communiquer.

À l’époque, donc, la MGEN et MFP Services ont constaté ensemble qu’il n’existait pas sur le marché de solution toute prête permettant d’assurer la gestion intégrée du régime obligatoire et du régime complémentaire et de supporter les volumes en jeu. Nous avons donc choisi d’acquérir une souche logicielle, appelée Starweb, que nous pourrions faire évoluer pour construire notre propre système, adapté à nos besoins. Ainsi est né le programme Orion. Ce choix correspondait à la volonté, affirmée en permanence par nos adhérents, de conserver une maîtrise totale de notre cœur de métier : la gestion de l’assurance, obligatoire et complémentaire. Avec Orion, nous disposons aujourd’hui d’une solution moderne, performante, à l’état de l’art technologique et garantissant une sécurité optimale.

M. le coprésident Pierre Morange. Avez-vous une comptabilité analytique ?

M. Christian Chaboud. Oui.

M. le coprésident Pierre Morange. Pourriez-vous, sur cette base, comparer les coûts d’utilisation et de fonctionnement de votre système informatique avec ceux du système de la CNAMTS ?

M. le rapporteur. J’ajoute une question qui s’adresse à chacun de vous : quel est le coût de votre système pour les mutuelles partenaires ?

M. Christian Chaboud. Je vais vous donner les coûts que je connais : ceux du système d’information du groupe MGEN. Mais, je le répète, ce système traite l’ensemble des activités métiers du groupe et les dépenses qui en découlent ne font l’objet d’aucun financement public : les coûts sont exclusivement supportés par les fonds propres et par les cotisations des adhérents du groupe. Le contrat pluriannuel de gestion entre la MGEN et la CNAMTS pour la période 2014-2017 ne prévoit aucun financement de l’investissement ou de l’amortissement des systèmes d’information du groupe MGEN.

M. le coprésident Pierre Morange. En recevant – légitimement – des cotisations de la part des adhérents, vous percevez une fraction de ce qui aboutira à un financement public par un autre intermédiaire.

M. Christian Chaboud. Tout à fait. Simplement, nous agissons sur un marché concurrentiel en ce qui concerne l’assurance complémentaire, et nos adhérents sont très attentifs aux cotisations.

J’en viens aux chiffres. Le coût annuel total du système d’information était en 2014 de 108 millions d’euros, dont 70 millions de coût de fonctionnement – ce que nous appelons le run : exploitation et maintenance corrective – et 38 millions de coût de projet
– développements nouveaux ou maintenance évolutive. Ce budget correspond à un peu plus de 4 % du revenu total du groupe. Cette proportion nous situe dans la moyenne du secteur de l’assurance, où le rapport entre le coût du système d’information et le chiffre d’affaires, auquel on a coutume de se référer en entreprise, est de 3 % à 5 %.

M. le coprésident Pierre Morange. Et si l’on rapporte le coût au nombre de bénéficiaires ? Il s’agit toujours pour nous d’établir des comparaisons, ce qui suppose de disposer des mêmes indicateurs pour tous les organismes.

M. Christian Chaboud. Pour vous répondre, je m’appuierai sur les chiffres cités par notre président, M. Thierry Beaudet, lors de son audition. Il a parlé de 51,10 euros de coût de gestion par bénéficiaire actif du régime obligatoire géré par la MGEN. Sur ce montant, on considère que 11 euros sont imputables au système d’information.

M. Philippe Simon. Je conçois qu’il soit difficile, bien que souhaitable, d’établir des bases de comparaison, tant les périmètres peuvent différer. Je vous donnerai pour ma part un chiffre que nous avons estimé et qui concerne un de nos clients, Apria : pour celui-ci, le coût total de la gestion informatique, correspondant à l’activité liée à ACTIV’RO – maintenance, améliorations techniques, exploitation, réseaux, etc. – que nous facturons est inférieur à 2,20 euros par personne protégée. À cela s’ajoutent des charges propres à Apria concernant, par exemple, l’éditique, la bureautique, le CRM ou le décisionnel.

M. Philippe Rouet. Les mutuelles sont rémunérées par la CNAMTS pour la délégation de gestion dont elles bénéficient s’agissant du régime obligatoire. À ce titre, elles perçoivent des remises de gestion, qui leur sont signifiées par un contrat pluriannuel de gestion.

Lorsqu’une mutuelle nous rejoint et n’utilise que notre système d’information, le coût afférent est directement déduit de ses remises de gestion. À ce jour, à condition que la mutuelle respecte les mêmes « abaques » que les CPAM, ce coût est de 2,10 euros. C’est un coût marginal : nous ne faisons aucun investissement lorsque nous reprenons un partenaire, en dehors de l’investissement projet qui ne lui est pas facturé. Ce coût équivaut au coût informatique d’un assuré CPAM.

M. le coprésident Pierre Morange. Vous l’avez compris, nous aimerions que l’outil de la comptabilité analytique permette de justifier des coûts qui s’échelonnent de 2 à 11 euros pour des prestations qui sont globalisées pour les uns, calculées au coût marginal ou imputées sur d’autres lignes budgétaires pour d’autres. Cela clarifierait l’analyse, au bénéfice de la représentation nationale et des citoyens.

M. Philippe Rouet. Permettez-moi de rappeler que la CNAMTS ne gère que le régime obligatoire.

M. le rapporteur. Qu’en est-il des autres structures ?

M. Christian Chaboud. Pour parvenir au montant de 11 euros, nous nous sommes efforcés de distinguer ce qui ne concerne que le régime obligatoire. Mais la gestion intégrée propre à la MGEN ne permet pas de faire facilement la part des choses.

M. le coprésident Pierre Morange. Même avec la comptabilité analytique ?

M. Christian Chaboud. Nous formulons des hypothèses, fondées sur des clés de répartition que l’on peut toujours critiquer. Il faudrait pouvoir comparer ces hypothèses pour être en mesure de comparer les chiffres.

M. Philippe Simon. Chez nous, la comptabilité analytique est particulièrement pointue, de sorte que les 5 euros dont j’ai parlé correspondent précisément à l’activité régime obligatoire, projet inclus. Mes confrères de la CNAMTS font valoir que le projet n’est pas facturé au client ; mais il faut bien qu’il soit payé d’une manière ou d’une autre. Vous avez raison, monsieur le président : c’est la comptabilité analytique qui permet de comparer les coûts. Je ne vois pas comment on peut accorder du crédit à un chiffre lorsque 50 % des coûts ne sont pas affectés de manière analytique.

M. le coprésident Pierre Morange. C’est tout le problème de notre pays, qui s’enivre de chiffres que ne sous-tend aucune analyse exhaustive des coûts. Cela conduit à s’interroger sur la pertinence de nos choix stratégiques, en termes d’investissement comme de fonctionnement, dans tous les secteurs de l’activité humaine, en particulier dans sa dimension publique, censée incarner l’intérêt national.

M. le rapporteur. J’en viens au fameux article 39 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, qui permet de confier directement aux caisses d’assurance maladie la gestion du régime obligatoire jusqu’alors déléguée aux mutuelles. Les délégations de gestion seraient réformées par le biais d’un décret. Qu’en pensez-vous ?

M. Philippe Rouet. Si la tutelle demande à la CNAMTS de reprendre les assurés de telle ou telle mutuelle, nous le ferons – mais pas du jour au lendemain, naturellement. Il en va de même lorsque le transfert résulte de l’abandon par une mutuelle de la gestion du régime obligatoire : nous fonctionnons alors par projet et faisons en sorte que la migration des assurés vers le régime général s’opère sans aléas, de manière transparente pour l’assuré, qui n’a rien demandé. Nous avons une certaine expérience de telles reprises s’agissant de mutuelles de 35 000 à 40 000 assurés, par exemple HCL (Hospices civils de Lyon) et UMIGA (Union des mutuelles interprofessionnelles du groupe APICL) pour la CPAM de Lyon.

M. le coprésident Pierre Morange. Mais, ici, c’est de près d’un million de personnes qu’il s’agit. Très concrètement, pour les quelque 900 000 bénéficiaires du régime étudiant, quel est le délai nécessaire à la mise en œuvre opérationnelle de la migration ? Celle-ci doit être neutre.

Par ailleurs, abstraction faite des remises de gestion – qui seront en théorie réduites à due proportion du coût de la reprise du régime obligatoire –, le coût de la migration proprement dite a-t-il été évalué ?

M. Philippe Rouet. Je ne peux me prononcer sur un événement qui ne s’est pas encore produit.

M. le coprésident Pierre Morange. On aurait pu imaginer qu’il fasse l’objet d’une étude d’impact minimale !

M. Philippe Rouet. À ce jour, cela n’a pas été fait.

M. le coprésident Pierre Morange. C’est ce que nous avons cru comprendre lors de certaines auditions.

M. Philippe Rouet. Une migration comme celle de la LMDE, avec ses 900 000 assurés, suppose un an de travail.

M. le coprésident Pierre Morange. Voilà qui apporte une réponse très concrète aux interrogations des étudiants.

M. Philippe Rouet. Ces étudiants sont gérés par notre système d’information depuis le 1er octobre. La migration suppose le partenariat avec l’infogérant qui héberge actuellement la solution technique – en l’espèce, MGEN Technologies avec lequel nous avons étroitement collaboré.

M. Christian Chaboud. Sur l’article 39, il ne m’appartient pas de répondre à titre personnel. Je vous renvoie aux propos que mon président, M. Thierry Beaudet, a tenus devant vous. Je me garderai de les paraphraser pour ne pas les trahir.

M. le coprésident Pierre Morange. Il était assez clair sur ce point.

Écartons-nous un instant du sujet qui nous occupe principalement. Comment voyez-vous, du point de vue opérationnel, l’application du tiers payant généralisé ? Les auditions témoignent de la perplexité de ceux qui vont devoir mettre en œuvre la mesure. Ils regrettent d’abord, assez classiquement, l’absence d’étude d’impact. Au demeurant, la complémentaire obligatoire, qui se rapproche du concept de l’assurance maladie obligatoire issu du Conseil national de la Résistance, inspire aussi quelques inquiétudes au secteur mutualiste qui craint d’être absorbé dans le cadre d’une stratégie du type du cheval de Troie.

Pour en revenir à la généralisation du tiers payant, quelle est votre appréciation technique de la mesure, vous qui êtes à la manœuvre ? Qu’en est-il de l’articulation entre les régimes obligatoire et complémentaire dans le cadre du prélèvement automatique des franchises que permet, moyennant l’accord de l’assuré, un amendement gouvernemental déposé au cours de la navette parlementaire ? Nous avons cru comprendre que le dispositif était assez complexe.

M. le rapporteur. Nous aimerions également savoir dans quel délai, selon vous, le tiers payant généralisé pourra être instauré, car nous entendons bien des choses à ce sujet, et dans quel délai vous pourrez vous-mêmes rémunérer les professionnels de santé : moins de sept jours ? Ce délai peut-il être certifié ?

M. Philippe Simon. Cegedim est déjà un opérateur du tiers payant pour 20 millions de personnes, de sorte que sa généralisation ne nous paraît poser aucun problème technique. Nous disposons de tous les outils technologiques permettant de garantir l’efficacité du remboursement et des taux de rejet très faibles, et nous les maîtrisons parfaitement.

L’évolution nécessaire des logiciels, notamment ceux des médecins, pour rapprocher les paiements au titre du régime obligatoire de ceux qui relèvent du régime complémentaire est elle aussi tout à fait à notre portée. Ce point a déjà été étudié.

M. le coprésident Pierre Morange. Dans quel délai peut-on l’envisager ?

M. Philippe Simon. Un délai très bref. Nous allons procéder à une opération pilote au cours des mois qui viennent.

Il serait simpliste de prétendre que, pour proposer aux médecins une solution simple, il faut un opérateur unique. Ce terrain est celui du débat politique. Du point de vue technique, je le répète, les solutions existent et elles sont simples. Nous les avons étudiées ; c’est notre travail.

Quant aux délais de règlement, ils sont aujourd’hui de deux à quatre jours s’agissant du régime complémentaire, mais le dispositif SEPA, par exemple, permet dès à présent de rembourser en temps réel ou à J+1. Le schéma d’utilisation et de remboursement conjugué du régime obligatoire et du régime complémentaire est plus politique que technique.

M. le coprésident Pierre Morange. Et la franchise ? Il faut croire que le sujet n’avait pas été suffisamment étudié puisqu’un amendement gouvernemental a été nécessaire au cours de la navette du texte. Nous ne sommes pas une chambre d’inquisition, mais nous voulons comprendre le fonctionnement du dispositif, dont nous avons bien saisi le principe. Je doute d’ailleurs qu’avant d’opter pour cette mesure, le tour des moyens d’améliorer l’accès aux soins et de réduire les inégalités liées à des obstacles financiers ait été effectué : il serait plus pertinent, à mon sens, de rationaliser la dépense publique pour une meilleure prise en charge, notamment des soins d’optique et dentaires. Mais ne rouvrons pas le débat.

Que pensez-vous donc du prélèvement automatique des franchises, de sa faisabilité ? Est-il lui aussi facile à envisager du point de vue technique ? En outre, le dispositif sera soumis à un plafond défini par décret, ce qui pose un problème juridique eu égard au droit de la consommation : le niveau de prélèvement dépendra d’un texte qui, comme toujours en pareil cas, ne le définit pas précisément.

M. Christian Chaboud. En ce qui concerne le tiers payant, je suis entièrement d’accord avec M. Philippe Simon : la convergence des flux de paiement du régime obligatoire et du régime complémentaire sur le poste de travail du prestataire de santé pose de véritables problèmes politiques, mais non techniques. Les technologies existent, nous faisons déjà du tiers payant et nous saurons le généraliser, quelle que soit la solution politique qui sera retenue.

Quant à la question plus précise que vous venez de poser, franchement, je ne suis pas en mesure d’y répondre aujourd’hui. Je dirais, de même, que nous en sommes capables. Des problèmes juridiques se posent, ainsi, sans doute, que des problèmes politiques, mais le traitement technique par le système d’information ne soulèvera aucune difficulté.

M. le coprésident Pierre Morange. Voilà pourquoi je m’en suis tenu à la question de l’efficience juridique, sur un fondement quelque peu instable puisque la rédaction gouvernementale donnait matière à réflexion – pour parler par euphémisme.

M. Christian Chaboud. Je resterai dans mon rôle de technicien des systèmes d’information et me garderai de me prononcer sur les autres aspects.

M. Philippe Rouet. Comme technicien, je ne suis pas du tout spécialiste du tiers payant. Je suis chargé de piloter l’infogérance et de suivre les partenaires qui sont en infogérance au sein de la CNAMTS, puisque nous sommes le point d’entrée pour les régimes et mutuelles qui utilisent notre système d’information. Je n’ai donc – j’en suis désolé – aucune opinion sur le sujet.

M. Romain Guerry, directeur des affaires publiques de la MGEN. En ce qui concerne la pertinence du guichet unique, comme nous l’avons rappelé lors de notre précédente audition, son coût de gestion est moins élevé que si régime obligatoire et régime complémentaire étaient séparés. Cela mérite d’être précisé, notamment en vue des comparaisons que vous souhaitiez établir entre la gestion du régime obligatoire seul, la gestion à la fois du régime obligatoire et du régime complémentaire, enfin, la gestion du régime complémentaire seul.

M. le coprésident Pierre Morange. Lors de l’audition dont vous parlez, les responsables de mutuelles nous ont dit en substance qu’ils étaient perplexes quant à la mise en œuvre et leurs propos ne se caractérisaient pas par une grande aménité quant à la philosophie du projet. Mais ne rouvrons pas le débat.

M. le rapporteur. Merci d’être venus, mesdames, messieurs. Il n’est pas fréquent que nous entendions des représentants des systèmes d’information, mais il était intéressant que nous vous recevions dans le cadre de nos travaux.

La séance est levée à seize heures.