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COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Mercredi 3 février 2016
La séance est ouverte à seize heures vingt-cinq.
(Présidence de M. Pierre Morange, coprésident de la mission)
La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède d’abord à l’audition, ouverte à la presse, de Mme Lise Rochaix, présidente de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH), et de M. Housseyni Holla, directeur général.
Mme Joëlle Huillier, rapporteure. L’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation joue un rôle extrêmement important, car c’est d’elle que nous tenons toutes les statistiques sur l’hospitalisation à domicile.
Malgré les circulaires de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) et du ministère des affaires sociales, l’hospitalisation à domicile, qui permet de soigner certains patients de manière innovante, avec davantage de confort, n’augmente pas son activité de façon significative. Nous aimerions savoir pourquoi. Elle représente environ 1 % de l’ensemble des hospitalisations, alors que son coût global est supérieur à ce pourcentage.
Quel type de patient est concerné par l’HAD ? Peut-on connaître, grâce au résumé de sortie standardisé (RSS) et au programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), le coût de l’hospitalisation à domicile par type de pathologie ?
Enfin, quels freins peuvent, selon vous, s’opposer au développement de l’HAD ?
M. le coprésident Pierre Morange. Lors de la précédente audition, M. Antoine Durrleman, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, a souligné le caractère très « rustique » des études microéconomiques. On aurait pu attendre une évaluation plus affinée de l’incidence budgétaire liée au développement de l’HAD : en 2013, la part de l’HAD dans l’activité hospitalière avoisinait 0,6 % ; l’objectif de doublement ne semble pas en vue d’être atteint. Cependant, nous aimerions savoir ce que l’on attendait du développement de l’HAD sur le plan financier, notamment au titre de l’étude d’impact.
Mme Lise Rochaix, présidente de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH). Nous voici d’emblée dans le vif du sujet : je veux parler du caractère « rustique » des études et de l’espoir de rationalisation, qui est un objectif que nous partageons.
Récemment nommée présidente du conseil d’administration de l’ATIH, j’ai beaucoup travaillé avec le directeur général, Housseyni Holla : aussi sommes-nous convenus de nous répartir les questions qui vous intéressent. M. Holla vous communiquera tous les éléments d’information que vous jugerez utiles. Pour ma part, j’évoquerai les perspectives et les enjeux d’études économiques affinées qui permettraient de situer l’HAD dans un continuum entre, d’un côté, l’hospitalisation complète, et, de l’autre, les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et le retour à domicile.
M. Housseyni Holla, directeur général de l’ATIH. Comme pour l’ensemble du secteur sanitaire, l’ATIH a pour mission de collecter, de mettre à disposition, d’analyser et de restituer les données concernant l’hospitalisation à domicile. Elle est également chargée, sous la responsabilité du ministère de la santé, et notamment de la direction générale de l’offre de soins (DGOS), de la gestion technique de la campagne tarifaire. Elle réalise enfin des études de coûts pour l’ensemble du secteur sanitaire, y compris pour l’HAD. Dans ce cadre, elle collecte les données d’activité mensuelles des établissements d’HAD au travers du dispositif du PMSI et réalise une étude de coûts annuelle depuis 2009. Ces données sont restituées grâce à un outil que nous appelons « ScanSanté ». Il existe en effet une famille d’outils de restitution des données de santé : Scope Santé pour la Haute autorité de santé (HAS), ScanSanté pour l’ATIH, et Score-Santé pour les observatoires régionaux de la santé (ORS).
En ce qui concerne le financement, l’ATIH a entrepris de mettre en place une classification médico-économique fondée sur l’analyse des données d’activité et des données de coûts. Ce travail est techniquement assez long et complexe et nécessite des allers-retours avec les professionnels. Il se fait en lien avec les experts des structures d’HAD.
J’en viens aux données figurant dans le PMSI. Dès lors qu’une personne est hospitalisée, que ce soit en HAD ou dans d’autres structures, une collecte d’information est réalisée et centralisée par l’ATIH.
S’agissant de l’HAD, les principales données recueillies lors de la prise en charge concernent l’identification de la structure, la durée du séjour, l’âge et le sexe du patient, son lieu d’habitation, les diagnostics qui ont été formulés, sa dépendance éventuelle, les actes effectués lors de son séjour, sa consommation de médicaments onéreux inscrits ou non sur la liste dite « en sus ». Ce dernier dispositif a été mis en place par les acteurs pour tenir compte de la difficulté de financer certains médicaments dans les structures d’HAD. Compte tenu de l’incidence de ces données sur le financement des établissements d’HAD, l’exhaustivité de ces données est très satisfaisante. Toutefois, on peut se demander si, en termes d’exhaustivité médicale, les diagnostics sont codés de manière satisfaisante. Il y a là une difficulté, car les dispositifs tarifaires ne s’appuient pas clairement sur les diagnostics. Ce n’est pas une information à laquelle les établissements prêtent une grande attention, puisqu’ils ne rentrent pas directement dans le dispositif de financement.
J’en viens aux études de coûts. Le nombre d’établissements dans l’échantillon est en hausse constante, puisqu’il est passé de treize établissements en 2010 à vingt-deux en 2014, ce qui représente, en termes de journées d’hospitalisation, une proportion de 22 %. Ce taux paraît élevé au regard d’autres structures où l’on n’observe qu’un taux de 10 à 12 %. L’HAD compte très peu de structures – 310 environ –, ce qui implique une forte concentration. La fondation Santé Service, à Puteaux, qui figure dans notre échantillon, représente à elle seule 47 % des données. Il y a trois grandes structures d’HAD : Santé Service, l’HAD de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), et Soins et Santé, à Lyon. Les autres structures sont moins importantes.
Outre le taux de sondage important qui est lié à Santé Service, nous avons suffisamment de structures d’HAD dans l’étude des coûts. L’étude des coûts est restituée tous les ans sur le site de l’ATIH. Elle indique le coût global de la journée d’hospitalisation, en distinguant, par catégorie de prise en charge, le coût des intervenants – médecins, infirmiers, masseurs, aides-soignants –, les charges au domicile du patient – médicaments, matériel médical –, les coûts de la coordination médicale, de la continuité des soins, de la logistique médicale et de la gestion de l’HAD.
Grâce à une étroite collaboration entre les fédérations – notamment la Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (FNEHAD) –, l’HAD est le seul secteur où il y ait un benchmarking des établissements participant aux études de coûts. Ceux-ci sont donc capables de se situer les uns par rapport aux autres, alors que, dans la plupart des cas, un établissement se situe par rapport à une référence nationale.
En matière d’études de coûts, les données recueillies sont donc suffisantes.
Mme la rapporteure. Pourquoi, dans ce cas, la réforme de la tarification prend-elle autant de temps ?
M. Housseyni Holla. Nous publierons dans quelques semaines les chiffres spécifiques à l’HAD. Pour l’instant, nous ne disposons que de quelques chiffres clés.
L’HAD compte 309 établissements : 106 000 patients sont pris en charge chaque année, dont 7 000 enfants de moins de dix-huit ans et 24 000 adultes de quatre-vingts ans et plus. Il y a 4,4 millions de journées d’hospitalisation, avec une durée moyenne de 27,5 jours. On note que 70 % des prises en charge en HAD font suite à une hospitalisation conventionnelle et 33 % d’entre elles sont suivies d’une hospitalisation conventionnelle. On déplore environ 10 % de décès.
Les prises en charge qui entraînent le plus de journées sont les pansements complexes et les soins spécifiques, les soins palliatifs et les soins de nursing. Cela représente presque 60 % des prises en charge.
Pour répondre à certaines interrogations du rapport de la Cour des comptes, je précise que seuls 5 000 de ces 106 000 patients relèvent d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), et à peine 300 patients relèvent des autres catégories d’établissements médicosociaux.
Les dépenses d’assurance maladie de l’HAD s’élèvaient à 944 millions d’euros en 2014, en progression de 3 % par rapport à 2013.
Sur les onze premiers mois de 2015, les établissements qui étaient antérieurement sous dotation globale ont connu une évolution de 7,5 %. En ce qui concerne les cliniques, pour lesquelles l’information ne porte que sur neuf mois, la progression est de 2,2 %. Cette évolution est significativement supérieure à celle que nous avons observée en 2014. Certes, ce que l’on observe sur ces onze mois ou neuf mois n’est pas totalement prédictif de ce que l’on observe sur l’année, mais l’évolution sera sensiblement supérieure à celle de 2014.
En ce qui concerne le dispositif tarifaire, je l’ai dit, nos missions sont techniques : nous appuyons la DGOS dans le cadre de la tarification et travaillons avec l’ensemble des fédérations sur le pilotage de la DGOS. Tous les acteurs s’accordent à reconnaître que le dispositif actuel de financement est obsolète : il repose sur des données anciennes – elles datent de 2002 et 2003, avant même l’instauration de la tarification à l’activité – et sur un dispositif de croisement des prises en charge de la dépendance assez peu lisible, ce qui fait que nos moyens d’action sont peu maîtrisés.
Nous devons donc changer de modèle. Pour ce faire, il faut mettre en place une classification médico-économique. À partir des informations que je vous ai données tout à l’heure sur le PMSI et des données de coûts, nous allons créer des catégories de patients selon la nature de la prise en charge, la pathologie et la dépendance. À partir de millions de séjours, nous allons essayer de constituer 50, 100, voire 500 groupes. Ce travail technique complexe nécessite des échanges constants avec les fédérations. Un comité de pilotage a été mis en place sous l’égide de la DGOS : il comprend notamment les représentants politiques des fédérations. De notre côté, nous avons créé un comité technique où siègent des experts des fédérations et au sein duquel nos travaux exploratoires sont débattus jusqu’à ce que nous nous accordions sur une classification. Nous avons pratiqué ainsi pour les soins de suite et de réadaptation (SSR) : nous avons travaillé deux ou trois ans avec les fédérations pour constituer une classification, mais, lorsque les pouvoirs publics ont décidé de mettre en place un dispositif de financement fondé sur des outils techniques, on nous a opposé que ceux-ci n’avaient pas atteint la maturité, que les expériences et les analyses étaient insuffisantes.
Nous risquons de rencontrer le même type de difficulté pour l’HAD. Aussi prévoyons-nous de travailler sur la classification en 2015-2016, avant de l’expérimenter et de l’évaluer en 2017. Le calendrier que nous avons fixé avec la DGOS vise à une mise en place progressive du nouveau modèle de financement à partir de 2019. Nous ne pouvons cependant pas attendre 2019 pour agir sur le dispositif, sur l’organisation, sur la fluidité du parcours des patients, sur l’incitation à prescrire de l’HAD auprès des acteurs. Il faudra actionner d’autres leviers pendant cette période.
M. le coprésident Pierre Morange. Il ressort de votre exposé liminaire que vous avez constitué des cohortes suffisamment volumineuses, en termes de masses démographiques dégagées et de diversité des bassins géographiques, pour que l’on puisse se livrer à une interprétation statistique. Il s’agit de comparer la période ante, pendant laquelle il n’y avait pas d’hospitalisation à domicile, et la période pendant laquelle l’hospitalisation à domicile concerne une fraction x ou y de la population. Avez-vous estimé, fût-ce de manière sommaire, l’incidence financière de l’HAD ? Constatez-vous une réduction du coût de la prise en charge depuis l’introduction de l’HAD ? La sixième chambre de la Cour des comptes indique que des études ont été effectuées, notamment, en matière de chimiothérapie ou de SSR. Il doit donc être possible de réaliser des estimations. A-t-on observé une quelconque diminution des dépenses liées à la prise en charge d’un patient ? Disposez-vous d’informations permettant de clarifier le sujet ? Il est frustrant de se dire que nous n’aurons les résultats qu’à partir de 2019.
L’objectif du Gouvernement, qui vise à faire passer la part de l’HAD de 0,6 % à 1,2 % de l’activité hospitalière, est tout à fait compréhensible. Mais, si aucune étude d’impact ne nous permet de subodorer une amélioration de la prestation de soins fournie et si, de surcroît, nous ne pouvons pas évaluer l’avantage financier qui en découlerait, cela donne un peu le vertige quant à la prise de décision politique en matière sanitaire.
Mme Lise Rochaix. Je suis extrêmement sensible à l’argument selon lequel il faut fonder la décision politique sur des preuves. La question n’a pas été posée de cette façon à l’ATIH, mais, si la mission souhaite que ce travail soit mené dans des délais plus courts tout en répondant aux exigences scientifiques qui permettraient à l’universitaire que je suis de demander au conseil d’administration d’en valider les résultats, je pense qu’il pourra en partie être réalisé. Nous aurons des résultats s’appliquant à une population définie pour un certain nombre d’indications, elles-mêmes précisées par la Haute Autorité de santé. Toutefois, si nous devons faire des extrapolations vers des populations plus larges, il s’agira probablement de patients plus âgés, pour lesquels les besoins d’accompagnement seront plus importants.
Par ailleurs, comme l’indique le rapport de la Cour des comptes, nous avons aujourd’hui le plus grand mal à positionner clairement l’HAD par rapport aux SSIAD et à l’hospitalisation complète. Dans d’autres pays, on ne s’embarrasse pas d’un ménage à trois, si vous me permettez l’expression : on fait seulement la distinction entre le communautaire et l’hospitalier.
Nous devons nous poser la question de l’intégration verticale. Ces modèles économiques devraient voir le jour à l’horizon 2019. Certains leviers permettraient une forme d’intégration du marché, et l’on pourrait rapprocher l’HAD soit de l’hôpital, soit des SSIAD, ce qui donnerait de la fluidité. Ainsi, des patients qui auraient connu un épisode aigu, une chute, par exemple, et qui reviendraient à domicile, pourraient, pendant un temps, bénéficier des services de l’HAD, puis uniquement des SSIAD.
Comme vous, je me demande pourquoi, malgré le volontarisme et les engagements forts du Gouvernement, l’HAD ne progresse pas plus. Des travaux ont permis d’identifier les facteurs de blocage. Certains tiennent à un problème de relais avec la médecine générale. À l’occasion de plusieurs réunions, j’ai pu constater qu’il était difficile de positionner l’HAD entre l’urgence et les services primaires. Des expérimentations s’imposent, dans le cadre desquelles il conviendrait de suivre l’évolution de l’HAD dans le temps et la façon dont elle peut se substituer à d’autres services. La volonté affichée d’une nouvelle gouvernance et le rapprochement entre l’ATIH et le monde universitaire me laissent penser que nous devons être capables de répondre à cette demande si d’aventure la MECSS souhaitait que nous fassions ce genre d’étude.
Mme la rapporteure. Lorsque vous dites, monsieur le directeur général, que les codages des diagnostics sont peu fiables, cela m’inquiète…
M. Housseyni Holla. Je n’ai pas employé l’expression « peu fiables ». J’ai dit que les établissements n’étaient pas incités à coder les diagnostics de manière très fiable.
Mme la rapporteure. Ce qui, pour moi, veut dire qu’ils sont peu fiables ! La charge en soins n’est pas forcément liée au diagnostic. On peut avoir une charge en soins très importante avec un diagnostic moins sévère, mais beaucoup de médicaments.
Vous avez dit que 33 % des patients retournaient à l’hôpital après une hospitalisation. Pouvez-vous les distinguer selon la nature de la structure qui les accueille ? Le rapport de la Cour des comptes considère des structures hospitalières, des cliniques et des associations qui font de l’hospitalisation à domicile. Mais certaines structures ne fonctionnent ni la nuit ni le week-end. Je m’interroge donc sur la rigueur de l’agrément « hospitalisation à domicile ». Les retours en hospitalisation complète, souvent en urgence, sont-ils plus souvent liés à des structures qui n’assurent pas la permanence des soins ?
M. Housseyni Holla. Je n’ai pas, pour le moment, d’explication à vous proposer. Nous avons programmé, dans le cadre de la classification, des analyses pour comprendre si ces retours sont liés à l’état du patient ou à une question d’offre et de demande. Le travail exploratoire permet de réfléchir à différentes questions, celle que vous posez, madame la rapporteure, ou celle de la post-chirurgie, que la DGOS essaie de mettre en place, afin que l’HAD prenne le relais de l’hospitalisation chirurgicale longue. Nous lançons également un travail sur les maladies neurodégénératives, afin de voir dans quelle mesure l’hospitalisation à domicile peut prendre en charge les patients, sans que le tarif soit désincitatif : lorsqu’un patient reste très longtemps hospitalisé, le tarif est dégressif ; le dispositif tarifaire actuel n’est donc pas incitatif pour ces pathologies. Le fait de supprimer la dégressivité ou de maintenir, voire d’augmenter les tarifs, suffira-t-il à amener l’HAD à prendre ces patients en charge ?
Pendant toute cette période d’exploration, jusqu’en 2019, le Gouvernement prendra des mesures pour inciter à l’HAD, tandis que l’ATIH engagera, avec les professionnels, un travail scientifique permettant de baliser le terrain lorsque le dispositif sera mis en place dans son ensemble. En attendant, des actions sont menées pour favoriser, dans le dispositif actuel, la prise en charge par l’HAD. Nous essayons, dans le cadre de discussions avec les acteurs, de lever les freins qui s’y opposent.
Mme la rapporteure. Je comprends que cela prenne du temps, mais si vous pouviez, sans attendre 2019, nous donner des chiffres concernant les patients qui retournent à l’hôpital, en les classant par type de structure, nous vous en serions très reconnaissants.
M. Housseyni Holla. Je m’engage à vous les fournir dans les plus brefs délais.
M. le coprésident Pierre Morange. Mme la présidente ayant spontanément proposé de répondre à une commande de la MECSS, nous acceptons son offre. S’il était possible de décanter le sujet d’ici à la fin de la mission, cela permettrait d’enrichir la réflexion de notre rapporteure.
Nous comprenons la logique de votre démarche, monsieur le directeur général, mais, pour prendre une décision pertinente en termes d’orientation, que ce soit au titre d’analyses multicritères, tarifaires ou autres, il n’est pas forcément nécessaire d’essuyer les plâtres dans le cadre d’un tâtonnement expérimental.
Vous évoquez la notion d’un benchmarking au travers des différents sites de collecte pour établir des extrapolations statistiques. Des systèmes, hospitaliers ou communautaires, ont été développés à l’étranger. Mais comparaison n’est pas raison : notre système est marqué par son originalité et la mixité de son fonctionnement. Il n’empêche que des modèles mathématiques permettraient de faire ressortir des conclusions, en s’appuyant sur les positions prises dans des systèmes de soins à l’étranger, lesquels ont dégagé des marges de manœuvre en termes d’efficience sanitaire ou budgétaire. Je pense, par exemple, aux systèmes catalan, australien ou canadien. Bref, certains modèles ont fait la démonstration de leur efficacité : ils pourraient constituer des éléments de réflexion. Nous avions sollicité sur cette question la Cour des comptes. Auriez-vous, de votre côté, des informations à nous offrir ?
M. Housseyni Holla. Nous n’avons pas mené de réflexion sur les comparaisons internationales, mais nous avons prévu, dans le cadre de nos travaux exploratoires, de faire une bibliographie des différents pays. Nous pourrons vous remettre, dans moins d’un an, une analyse issue de cette bibliographie des prises en charge à l’étranger, du moins en Europe.
Mme la rapporteure. Auriez-vous une cartographie indiquant où se situent les services d’HAD et quels territoires ils prennent en charge ? Je souhaiterais savoir s’il existe des zones non couvertes.
M. Housseyni Holla. Nous avons en effet une cartographie des prises en charge de l’HAD, que nous vous transmettrons. Nous n’allons pas toujours jusqu’à l’intercommunalité. Nous travaillons surtout sur les territoires de santé, qui sont souvent les départements. Cela étant, nous avons mis en place, pour les agences régionales de santé (ARS) qui le souhaitent, un découpage plus fin qui va jusqu’à l’intercommunalité. Nous vous fournirons très rapidement ces informations.
Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je voulais précisément vous interroger sur vos relations avec les ARS. Vous dites : « pour les ARS qui le souhaitent ». Nous souhaiterions, nous, que toutes les ARS aient le même souhait en la matière et qu’elles puissent s’appuyer sur vos travaux !
M. Housseyni Holla. Nous produisons des informations à l’intention de l’ensemble des institutionnels, et donc des ARS, et nous prenons en compte leurs demandes.
En termes d’analyse territoriale, les résultats sont à peu près uniformes pour l’ensemble des régions jusqu’au territoire de santé. En dessous du territoire de santé, nous sommes capables de mettre à la disposition des ARS qui le souhaitent une analyse plus fine. Mais il faut qu’elles découpent leur territoire et nous fournissent la nouvelle cartographie.
Mme Lise Rochaix. Je reviens à la comparaison des systèmes de santé. Une récente revue du Centre Cochrane montre une différence de coût entre le décès à l’hôpital et le décès à domicile. Cela étant, il faut savoir dans quelle perspective se placer en termes financiers. Doit-on prendre en compte le coût total, comprenant les coûts imposés aux ménages en cas de décès à la maison, ou la seule part de l’assurance maladie ? Les études sur ce sujet sont rares. Il s’agit d’un petit segment, celui de la fin de vie, alors que l’HAD couvre des segments potentiellement beaucoup plus larges, surtout si l’objectif est d’étendre les indications.
Mme la rapporteure. Pourriez-vous établir une distinction entre les structures monodisciplinaires et les structures pluridisciplinaires ? Il existe peut-être, par exemple, des centres anticancéreux qui font de l’hospitalisation à domicile, mais uniquement pour des gens atteints de cette pathologie.
S’agissant des HAD publiques, pouvez-vous nous dire s’il entre dans l’hospitalisation à domicile une part des coûts de structure ?
M. Housseyni Holla. La méthodologie appliquée en matière d’études de coûts permet de séparer les coûts de l’HAD des coûts de l’hôpital dans l’HAD intégrée. La méthodologie spécifie d’affecter toutes les charges à l’HAD, mais uniquement les charges de l’HAD. L’échantillon comprend des établissements qui sont à la fois centres hospitaliers et d’HAD. Les études de coûts étant réalisées dans le cadre d’une supervision, des prestataires sont chargés d’aller vérifier la qualité de la répartition des charges. Les superviseurs portent une attention particulière aux HAD qui sont intégrées dans des centres hospitaliers.
M. le coprésident Pierre Morange. Il avait été décidé, il y a quelques années, que toute création d’un lit d’hospitalisation à domicile s’accompagnerait de la suppression de deux lits hospitaliers. Ce dispositif figure-t-il dans votre analyse multicritères ? Il est, certes, très difficile à mettre en œuvre, du fait de la lourdeur des investissements immobiliers et de la gestion des masses salariales. Il ne peut d’ailleurs être envisagé que dans le cadre d’un reconditionnement global de l’offre de soins, si l’on ne veut pas aboutir à des solutions stériles.
M. Housseyni Holla. Je laisserai à la DGOS le soin de vous répondre sur ce sujet, mais il me semble qu’il y a eu un assouplissement : on raisonne désormais plutôt en termes d’activité. Ce frein n’existe pas pour le développement.
Mme la rapporteure. Donc, ce n’est plus un frein.
M. Housseyni Holla. Cela rejoint ce que j’ai dit tout à l’heure : 70 % des patients de l’HAD viennent de l’hôpital. Il serait donc intéressant de calculer le coût global. Cela étant, est-il possible de le faire ? Une HAD intégrée dans un établissement MCO – médecine, chirurgie, obstétrique – n’est-elle pas moins onéreuse ? On peut aussi considérer qu’il y a plus de souplesse si l’HAD est totalement distincte de la structure « hôpital ». Ce sont des thèmes que nous allons aborder dans le cadre de nos travaux exploratoires.
Mme la rapporteure. Lorsqu’une HAD est liée à un établissement de soins, est-ce le même personnel qui intervient ?
M. Housseyni Holla. Le même personnel peut intervenir, mais les charges sont séparées.
M. le coprésident Pierre Morange. Au travers du benchmarking et du comparatif entre hospitalisation à domicile et SSIAD, quels que soient les modèles sanitaires, les modèles canadiens sur le dispositif des hôtels hospitaliers offrent à mon sens une alternative particulièrement pertinente d’articulation par rapport au noyau central d’un établissement de soins. Cela permet de combiner un allégement du dispositif, et donc, une réduction du coût de prise en charge hospitalière, tout en offrant une sécurité sanitaire qui s’inscrive dans la traçabilité et la prise en charge globale par les équipes hospitalières.
Nous avons inclus ce sujet dans un article d’une récente loi de financement de la sécurité sociale. Ces expériences se sont développées, notamment au Canada, mais aussi en Australie. Les premières expériences, qui ont commencé dans l’est de la France, constitueront certainement l’hôpital du XXIe siècle.
Mme Lise Rochaix. C’est une très belle conclusion.
Il faut en effet mener une réflexion sur les hôtels hospitaliers et suivre de très près les expérimentations envisagées par la DGOS. Il y a une telle diversité en termes d’offres, qu’il s’agisse de l’HAD ou de l’hôtel hospitalier, qu’il est difficile de conclure en faveur de tel ou tel modèle.
M. le coprésident Pierre Morange. C’est aussi l’une des obsessions de la MECSS : prudence dans la prise de décision, surtout lorsqu’il s’agit d’investissements aussi lourds que des infrastructures comme les hôtels hospitaliers.
Puis la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Jean Debeaupuis, directeur général de l’offre de soins (DGOS) au ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, et de Mme Isabelle Prade, chef du bureau « prise en charge post-aiguës, pathologies chroniques et santé mentale » au sein de la DGOS.
Mme Joëlle Huillier, rapporteure. Nous souhaitons comprendre quels sont les freins à l’hospitalisation à domicile (HAD) en France, alors que ce mode de prise en charge se développe beaucoup plus rapidement chez nos voisins européens et au sein des pays anglo-saxons. On invoque, en général, la tarification, la formation et l’information des médecins généralistes, les frais liés à la nature des pathologies prises en charge. On mentionne également la coexistence de structures différentes, les unes publiques, les autres privées mais liées à des cliniques, d’autres encore autonomes, certaines travaillant sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre quand d’autres ne travaillent pas le week-end ni la nuit et font appel, en ce cas, au centre 15, ce qui provoque des hospitalisations en urgence – la Cour des comptes a recensé un certain nombre de cas de ce genre. Aujourd’hui, l’HAD représente moins de 1 % des hospitalisations totales, pour une part dans les coûts globaux de soins de 1,7 %.
L’HAD est censée non seulement permettre la réalisation d’économies – est-ce d’ailleurs bien le cas ? –, mais également améliorer le confort des malades.
M. Jean Debeaupuis, directeur général de l’offre de soins (DGOS) au ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Nous nous sommes attelés à une consolidation de l’offre de l’HAD qui implique son développement, un renforcement de ses compétences, une diversification des prises en charge et un affinement de sa pertinence. Pour nous, l’HAD est un outil universel qui apporte, au domicile du patient et, potentiellement, sur l’ensemble du territoire national, une compétence de niveau hospitalier en matière de techniques de soin plutôt qu’en matière médicale. Une telle offre de soins existe dans tous les pays développés – les Anglo-Saxons parlent de home care – et depuis très longtemps en France puisqu’ont été créées, il y a une cinquantaine d’années, de grandes structures d’HAD publiques et privées en Île-de-France et de moins importantes en province. Elles rendent des services très appréciables qui correspondent bien à la stratégie nationale du cadre de santé et du virage ambulatoire définie par le ministère de la santé.
L’HAD a connu un développement très important qu’on peut relier à trois jalons récents, à commencer par l’instauration de la tarification à l’activité, en 2005, qui a permis le doublement de ce type de prise en charge sur l’ensemble du territoire entre 2007 et 2013. Et, après la stagnation qui a suivi, on a constaté un rebond en 2015. Ensuite, la loi de 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) a renforcé les exigences vis-à-vis des structures d’HAD autonomes, en général de statut privé, puisqu’elles sont désormais incluses dans les établissements de santé au sens large. Notons, au passage, que l’obligation de service vingt-quatre heures sur vingt-quatre fait partie, pour nous, des standards que doit respecter toute HAD. Enfin, plus récemment, à l’issue de travaux commentés favorablement par la Cour des comptes, la ministre de la santé a signé une circulaire, le 4 décembre 2013, visant à redéfinir les conditions, à moyen terme, d’un développement ambitieux de l’HAD. Dans cette perspective de relance de l’HAD, nous avions mis en place, à l’été 2012, un comité de pilotage qui associe l’ensemble des acteurs, qu’il s’agisse de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) ou des fédérations de médecins, de gestionnaires… Les travaux de ce comité ont abouti à la circulaire que je viens d’évoquer.
La Cour des comptes et le ministère de la santé s’accordent sur le caractère relativement hétérogène des structures concernées. Théoriquement, tout le territoire national est couvert, mais, souvent, les structures ont une trop petite taille. Notre vision de l’HAD n’en est pas moins, j’y insiste, universaliste : nous n’observons pas de différence de performances ou de pertinence selon le statut des structures – public, associatif ou lucratif – ni selon qu’elles sont ou non adossées à un établissement. Toutes offrent une prestation de soins d’HAD sur prescription médicale – émanant plus souvent des établissements que de la médecine de ville – et toutes obéissent peu ou prou aux mêmes problématiques d’organisation de soins selon une approche territoriale. Certes, des structures trop petites constituent probablement un frein à une professionnalisation sur l’ensemble du territoire desservi, mais, afin d’éviter la concurrence entre structures, nous poussons à la coopération dans des territoires difficiles à desservir.
Dans le cadre des projets régionaux, la variable-clef qui reste à parfaire est de faire comprendre à l’ensemble des acteurs que la prescription d’HAD est globalement bénéfique non seulement pour le patient et pour le système de santé, mais aussi pour les établissements. Le patient peut en effet retrouver à son domicile – et avec le confort éventuel qui lui est propre – la suite de sa prise en charge.
M. le coprésident Pierre Morange. Vous soulignez avec raison l’hétérogénéité des structures, certaines – comme le rappelait la rapporteure – n’étant pas opérationnelles la nuit ni les week-ends. Aussi, qu’en est-il de leur agrément : comment une structure qui n’offre pas la continuité du service, dans le cadre d’une HAD, peut-elle continuer à fonctionner ? En outre, cette absence de continuité peut représenter un frein à la prescription d’une HAD dès lors que le patient ne bénéficierait pas d’un minimum de sécurité sanitaire…
M. Jean Debeaupuis. L’HAD est un métier : aussi parlons-nous plutôt de professionnalisation, de « montée en compétence », y compris en ce qui concerne ce point particulier du cahier des charges, la continuité du service, qui n’est pas obligatoire et est donc laissée à la faculté des structures d’HAD qui peuvent, pour qu’elle soit assurée, se tourner, notamment, vers le centre 15.
M. le coprésident Pierre Morange. Êtes-vous en train de nous dire que c’est la structure d’offre qui définit son cahier des charges ? Quels sont les critères d’agrément pour qu’elle puisse pratiquer l’HAD, critères dont il semblerait curieux, je le répète, qu’elle les définisse elle-même ? N’est-ce pas plutôt à la puissance publique d’en décider ?
M. Jean Debeaupuis. Je voulais simplement signifier que, dans le cahier des charges – qui correspond aux conditions techniques de fonctionnement aux termes desquelles sont délivrées toutes les autorisations, conditions fixées par les textes refondant l’HAD, un peu anciens puisqu’ils datent de 1992 –, ne figurait pas la continuité des soins vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Ce besoin est plutôt apparu au cours de la période récente. Or, dans la plupart des cas et, en particulier, dans le cadre des structures les plus importantes, la continuité est assurée en interne par un relais téléphonique et par des professionnels parmi lesquels, bien sûr, figure le médecin traitant. Les petites structures qui n’ont pas, en interne, les ressources nécessaires pour assurer la continuité ont recours, par convention, à celles d’autres établissements et à celles du centre 15.
Au cours des travaux qui ont abouti à la circulaire de 2013, nous sommes convenus que, à l’occasion de la révision des conditions techniques de fonctionnement et des autorisations d’HAD, nous rehausserions le niveau d’exigence en matière de continuité, conformément aux dispositions de la loi de 2009 qui font de ces structures des établissements de santé. Cette évolution suppose une meilleure formation et une évolution des structures.
M. le coprésident Pierre Morange. Cela conduit-il à une pérennisation des structures existantes ou à exiger davantage des structures légères afin qu’elles se mettent au niveau voulu en matière de prestations, quitte, sinon, à exiger leur fermeture ? Existe-t-il un cadre permettant de donner une injonction de mise en conformité dans un délai qui reste à définir, ou bien a-t-on adopté une stratégie de renouvellement progressif d’agréments – soit une stratégie au fil de l’eau, si je puis employer cette expression ?
M. Jean Debeaupuis. On compte 311 structures autorisées qui couvrent l’ensemble du territoire national, qu’elles soient adossées ou non, récentes ou non. Ce tissu est certes relativement hétérogène et la question se pose du modèle économique : une structure dont l’activité reste faible n’a pas la ressource nécessaire pour répondre aux besoins du territoire concerné. Ainsi, la révision du modèle économique, y compris dans ses composantes médicales ou de continuité des soins, impose une évolution des structures. Or la consolidation de l’offre doit s’appréhender dans la durée : la révision des autorisations ayant lieu tous les cinq ans, les structures qui ne sont pas à même aujourd’hui d’assurer la continuité des soins respectent les conditions techniques de fonctionnement en vigueur. Nous envisageons, pour les futurs schémas régionaux d’organisation des soins (SROS), de rehausser le niveau de ce cahier des charges.
Nous nous sommes aperçus, après coup, que, publiant cette instruction en décembre 2013, nous sommes intervenus un an après la publication des projets régionaux de santé (PRS) en cours, qui seront révisés en 2017 pour s’appliquer pour cinq ans à partir de 2018.
M. le coprésident Pierre Morange. Certes, mais on peut imaginer que, à l’instar de ce qui est pratiqué avec d’autres associations à vocation sanitaire ou œuvrant dans le domaine médico-social, les ARS exigent que les petites structures d’HAD se rassemblent pour atteindre un certain niveau de compétence et de continuité des soins, cette obligation étant assortie de l’octroi d’un financement leur permettant de poursuivre leur activité. Il s’agirait en outre, ici aussi, de diminuer les coûts de gestion de ces structures, leurs frais généraux, mais encore d’en sécuriser la comptabilité et d’en conforter l’assise juridique.
M. Jean Debeaupuis. C’est bien l’orientation qui a été définie par la circulaire. Pour ce qui est de la prise en charge post-aiguë, les ARS ont commencé à agir dans ce sens, même si la totalité du territoire et la totalité de l’offre ne sont pas encore concernées. Les ARS iront aussi vite que possible, mais il faut compter avec les questions de réorganisation : il ne saurait être question, en effet, de perdre un service existant tout en rehaussant le niveau de l’offre tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif.
La récente lettre de mission, envoyée à chaque direction générale d’ARS pour l’exercice 2016, intègre l’indicateur précisant le nombre de patients pris en charge en HAD pour 100 000 habitants, afin de marquer la priorité ministérielle et l’engagement demandé aux ARS en la matière.
Mme la rapporteure. Il semblerait, selon la Cour des comptes, que certaines ARS soient beaucoup plus dynamiques que d’autres quant à l’HAD. Ne pensez-vous pas que l’HAD devrait être systématiquement intégrée – du moins en fonction de ce qui existe – dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) ?
M. Jean Debeaupuis. C’est déjà le cas. Nous disposons de deux outils dans le cadre de la contractualisation entre l’État et les ARS : le CPOM État-ARS et la lettre de mission. L’indicateur que j’ai évoqué vient compléter le CPOM État-ARS et, de même, l’ARS contractualise avec les établissements de santé tels que les structures d’HAD pour réaliser une montée en charge pour la période considérée, en fonction des objectifs fixés.
La question de la tarification a été centrale pour la période 2007-2012. Or le modèle de financement actuel, conçu au début des années 2000, est vétuste. Aussi le consensus de la profession est-il total pour considérer qu’il convient de redéfinir ce modèle. Nous sommes par conséquent engagés dans l’élaboration d’un plan ambitieux, serré, afin de disposer d’un nouveau modèle – les travaux sont en cours entre la DGOS et l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) – offrant une description plus fine de l’activité médicale. Le modèle des années 2000 est en effet assez contraignant, assez fruste et bien moins fin que le programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) ou que celui que nous sommes en train de construire pour les services de soins de suite et de réadaptation (SSR). Il s’agira donc, conformément aux recommandations de la Cour des comptes, de proposer, pour l’horizon 2019-2020, un modèle de financement beaucoup plus opérationnel et ambitieux en matière d’HAD.
Mme la rapporteure. L’horizon 2019-2020 paraît lointain. Le travail à réaliser est sans doute très important, mais je trouve que, pour ce qui ne représente que 1 % des hospitalisations, c’est long.
M. Jean Debeaupuis. Les deux actions sont complémentaires. L’action des ARS est immédiate et, répondant à une vision politique du territoire, vise à renforcer les relations avec les prescripteurs, à faire comprendre que l’HAD est bénéfique et pour les patients et pour le système de santé. La feuille de route, encore une fois, a été donnée fin 2013 par la ministre.
Ensuite, le chantier technique destiné à bâtir un nouveau modèle de financement prendra plusieurs années puisqu’il nécessitera des études de coûts et devra aboutir à une nouvelle classification. Cette durée n’a rien d’exceptionnel si l’on se réfère à la création des programmes « médecine, chirurgie, obstétrique » (MCO), au début des années 2000, ou, actuellement, à celle des SSR. Au reste, nous avons opté pour le calendrier le plus court.
M. le coprésident Pierre Morange. Au cours des différentes auditions auxquelles a procédé la mission – celle des représentants de la sixième chambre de la Cour des comptes comme celle des représentants de l’ATIH –, nous avons été frappés de constater le caractère fragmentaire ou fruste des études médico-économiques en ce qui concerne l’HAD et le manque d’éléments comparatifs qui sont pourtant indispensables à la définition d’une stratégie. Or, la ministre prenant la décision tout à fait judicieuse de développer des alternatives à l’hospitalisation, dans le cadre du virage ambulatoire que vous venez d’évoquer, quelle est à vos yeux la forme de prise en charge la plus pertinente ? Disposons-nous des informations nécessaires pour justifier le choix de tel ou tel type d’offre ?
M. Jean Debeaupuis. Il existe tout de même un certain nombre de données médico-économiques et d’études comparatives nationales ou internationales. Les chiffres de la CNAM montrent par exemple que l’HAD représente environ 900 millions d’euros de dépenses de santé pour l’exercice 2015 pour 4,4 millions de journées, la journée coûtant de 50 à 400 euros, pour une moyenne de quelque 200 euros. L’intervention médicale concernée
– par définition, en phase post-aiguë, celle du médecin traitant – implique la technicité de l’hôpital, puisque ces soins sont certifiés de qualité hospitalière ; il s’agit d’assurer la continuité de soins médicaux et paramédicaux, la dispensation de traitements réservés à l’usage hospitalier, comme les chimiothérapies, le contrôle du circuit du médicament…
Il est difficile de comparer l’HAD à des soins de ville qui, le plus souvent, même sous forme d’exercice coordonné, vont être un peu plus dispersés et un peu moins techniques, y compris dans leur dimension médico-sociale – je pense aux interventions relevant des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD). Pour ce qui est de la comparaison avec les soins hospitaliers stricto sensu – hospitalisation complète ou hospitalisation de jour –, la question ne se pose guère quand on considère les tarifs moyens d’une prise en charge hospitalière, tarifs qui se situent tout de même assez nettement au-dessus de ceux d’une HAD. Dès lors que les soins peuvent être délivrés dans de bonnes conditions de qualité et de sécurité au domicile du patient, on considère que la prescription de l’HAD a une très forte pertinence.
Le problème principal de pertinence traité au cours des années récentes a été le retour précoce à domicile, qui a fait l’objet de critiques, notamment de la part de la CNAM. On a dès lors considéré que le retour précoce ne devait plus relever de l’HAD. Nous sommes donc à même de réserver l’HAD aux seuls soins pour lesquels elle est strictement requise.
Au total, les comparaisons, que je résume ici peut-être un peu grossièrement, sont favorables à l’HAD.
M. le coprésident Pierre Morange. Quel est le prix d’une hospitalisation de jour ?
M. Jean Debeaupuis. Une hospitalisation de jour bien organisée, conforme aux standards en vigueur, revient entre 500 et 700 euros, soit plus du double du coût de l’HAD.
M. le coprésident Pierre Morange. Avez-vous des éléments d’information sur l’hôtel hospitalier, en cours de développement dans l’est de la France ? Cette formule permet de concilier la légèreté de la gestion d’un patrimoine immobilier à fonction hôtelière, mais dans lequel interviendraient des équipes hospitalières et dont la proximité avec l’hôpital permettrait d’alléger les coûts de journée d’hospitalisation.
M. Jean Debeaupuis. Je vous rappelle que l’article 53 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 prévoit pour cinq ans…
M. le coprésident Pierre Morange. C’est bien pour cela que je vous pose la question : c’est parce que nous avons voté une disposition en ce sens.
M. Jean Debeaupuis. …des expérimentations d’hôtels hospitaliers. Le décret d’application va prochainement paraître avec l’appel à projets.
M. le coprésident Pierre Morange. J’entends bien, mais quand nous votons un texte, nous pouvons imaginer qu’une étude d’impact a été réalisée au préalable. Quand nous prenons la décision de développer l’HAD, c’est parce que nous estimons qu’elle sera bénéfique pour le patient comme pour le budget. Vous l’avez fort bien souligné : en gros, entre les 500 euros d’une hospitalisation et une HAD qui tourne autour de 200 euros, on voit bien que cette dernière est profitable tant du point de vue du cadre de vie du patient que du point de vue de la gestion des deniers de l’assurance maladie. De la même manière, on peut penser qu’une réflexion a été menée sur le coût de fonctionnement d’un hôtel hospitalier par rapport à celui d’une hospitalisation lourde.
M. Jean Debeaupuis. En matière de soins hospitaliers, l’hébergement non médicalisé, prévu par l’article 53 de la loi citée, s’ajoutera à la prise en charge hospitalière dont le coût sera équivalent à celui de l’hospitalisation de jour ou de l’hospitalisation complète, soit le double, je l’ai mentionné, du prix de l’HAD. On peut par conséquent penser que la pertinence de l’HAD comme forme de soins plutôt légère en charge post aiguë demeure, sachant que le recours au plateau technique qui nécessite une hospitalisation éventuellement de jour couplée à un hébergement médicalisé coûtera deux fois plus cher.
Mme la rapporteure. Vous êtes revenu tout à l’heure sur le fait que la CNAM s’était opposée à l’HAD pour les retours précoces à domicile. Pouvez-vous nous en dire davantage ? En effet, on constate dans un certain nombre de cas que c’est précisément pour qu’ils ne restent pas à l’hôpital qu’on renvoie les patients à leur domicile.
M. Jean Debeaupuis. J’évoquais uniquement le post-partum.
Mme la rapporteure. Je vous remercie pour cette précision. C’est ce qui se pratiquait au centre hospitalier universitaire (CHU) de Grenoble, si je ne m’abuse.
M. Jean Debeaupuis. Un mode de prise en charge s’intitulait en effet « retour précoce à domicile » (RPAD) dans le cadre du post-partum. La CNAM a constaté que cette formule – impliquant notamment l’intervention de sages-femmes à domicile – ne présentait pas les avantages que nous sommes en train de démontrer en matière de qualité, de sécurité et de coût, et devait donc relever purement et simplement de la prise en charge de ville et non de l’HAD.
Mme la rapporteure. J’ai relevé le cas de plusieurs personnes auxquelles on a laissé le choix entre le centre de rééducation, ou la maison de convalescence, et l’HAD. Je me demande dès lors si l’on ne devrait pas comparer les coûts de l’HAD avec ceux des services de soins de suite et de réadaptation plutôt qu’avec ceux de l’hospitalisation complète.
M. Jean Debeaupuis. Vous avez raison puisque la rééducation est possible, certes, dans le cadre des soins de ville – c’est tout l’objet des programmes d’accompagnement du retour à domicile (PRADO) lancés par la CNAM –, mais également dans le cadre de l’HAD avec des soins d’une technicité un peu supérieure. Ainsi, un certain nombre de prises en charge de l’HAD sont à peu près l’équivalent de prises en charge en soins de suite et de réadaptation avec hospitalisation complète ou hospitalisation de jour.
L’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) prévoit le passage de SSR complets à des SSR de jour, et de SSR de jour à des HAD en rééducation. Certaines formes d’HAD relèvent en effet plutôt du domaine de la rééducation et de la réadaptation.
J’ajoute que les comparaisons en question sont nourries par la Haute Autorité de santé (HAS) qui, en l’occurrence, produit des référentiels pour indiquer quelle forme doit prendre l’HAD en matière de rééducation pour se substituer au SSR complet ou de jour.
Mme la rapporteure. Dans quel délai la HAS doit-elle vous remettre ses conclusions ?
M. Jean Debeaupuis. Elle ne devrait plus tarder.
M. le coprésident Pierre Morange. Dans le cadre du fameux virage ambulatoire, l’assurance maladie a réalisé de nombreux travaux sur les avantages comparés des SSR, notamment en ce qui concerne les suites de la prise en charge post-chirurgicale orthopédique. Cette discussion dure depuis plus de dix ans et les données recueillies sur le coffre-fort de l’assurance maladie doivent être désormais suffisantes pour être exploitées, dans le cadre d’une stratégie nationale de la santé, et donc pour permettre la définition de solutions pertinentes, à défaut, pour le moment, de tirer des conclusions.
M. Jean Debeaupuis. En effet, il y a lieu de renforcer la bonne utilisation des données sur lesquelles le ministère et la CNAM travaillent de conserve.
Mme la rapporteure. Nous avons évoqué le rôle des ARS dans le développement de l’HAD. Ne pensez-vous pas qu’il existe des moyens de pallier la méconnaissance de ces structures de la part des médecins traitants, des médecins prescripteurs, voire des médecins hospitaliers ? Comment réaliser cette coordination entre le médecin hospitalier et le médecin traitant, sachant que plusieurs médecins traitants m’ont avoué trouver l’HAD bien trop compliquée, ajoutant : « Et pour ce que nous sommes payés, ce n’est pas la peine. » Ne doit-on pas répartir les rôles autrement, en inventer de nouveaux, revoir certaines tarifications afin de permettre, d’une part, une meilleure connaissance de l’HAD et, d’autre part, une meilleure organisation médicale ?
M. Jean Debeaupuis. En ce qui concerne le renforcement des compétences
– formation, information, communication institutionnelle avec les médecins prescripteurs –, une des caractéristiques de l’HAD est que, systématiquement, le médecin traitant intervient à domicile et est rémunéré à ce titre comme tous les autres intervenants libéraux dans le cadre du parcours coordonné. En outre, au sein des structures d’HAD, un médecin coordonnateur organise les soins, joue le rôle d’interface entre le médecin prescripteur et le médecin traitant qui intervient à domicile ou avec l’équipe paramédicale. Nous prévoyons de travailler sur cette articulation.
Selon nous, l’un des rôles des ARS, aux termes de la circulaire de 2013 et du plan triennal, consiste à rappeler ce pour quoi l’HAD est faite, de quelle manière elle fonctionne dans les territoires, et à rappeler que les médecins hospitaliers aussi bien que les médecins prescripteurs peuvent demander une HAD pour peu qu’elle soit pertinente. Encore une fois, c’est dans l’intérêt du patient et dans celui, globalement, du système de santé. En effet, il n’y a pas d’opposition entre l’hôpital et la ville, et l’HAD est décidée par le médecin prescripteur après vérification que les soins nécessités par l’état du patient sont techniquement réalisables à son domicile, mais aussi compte tenu de son environnement familial. Dans certains cas minoritaires, complexes et socialement difficiles, cette vérification quelque peu subtile conduit à renoncer à l’HAD.
Dans le cadre de ce que la ministre de la santé appelle le virage ambulatoire, l’HAD est un outil parmi d’autres – outils qui ne s’opposent pas entre eux.
Au titre de la diversification, j’évoquerai une forme de domicile particulière, selon nous très importante, qui est l’établissement médico-social, soit pour les personnes âgées, soit pour les personnes handicapées, et qui représente 4,2 % des journées d’HAD. Malgré un niveau qui reste modeste, la dynamique est assez forte, avec une progression de 17 % en 2014 par rapport à 2013. Nous menons des actions, avec plusieurs ARS avancées sur ce terrain, pour « communiquer » auprès des médecins coordonnateurs d’HAD et auprès des établissements médico-sociaux concernés afin d’établir ou de renforcer leurs liens conventionnels, et pour informer la population que l’on peut bénéficier à domicile, sous certaines conditions, de soins d’une parfaite technicité assurés par de bons professionnels
– information des patients par les professionnels rendue d’ailleurs obligatoire par la loi de modernisation de notre système de santé.
Je souhaite à présent vous rassurer sur la conjonction des efforts fournis par les pouvoirs publics et les ARS, conformément aux recommandations de la Cour des comptes, afin de desserrer certains verrous malgré l’incompressibilité des délais techniques de la réforme de la tarification. Nous travaillons en particulier sur l’articulation entre séjour long en chirurgie et l’HAD, qui n’était pas encouragée jusqu’à présent. En outre, des actions sont possibles, dans le cadre du modèle de financement en vigueur – même s’il est un peu fruste, comme je l’ai déjà qualifié –, en faveur de certaines formes d’HAD comme les chimiothérapies ou les transfusions sanguines. De même, nous avons commencé à réfléchir à la réforme du modèle de financement des traitements coûteux – médicaments, voire dispositifs – qui pourraient constituer un frein à certaines HAD.
Avec les professionnels, au sein du comité de pilotage évoqué précédemment, nous disposons d’un panel de mesures concertées nous permettant de travailler suivant la feuille de route de décembre 2013 sur des actions immédiates, afin de consolider le dynamisme de cette offre de soins particulière et dans le dessein de préparer une réforme plus ample, couplée, donc, à une réforme du financement.
Mme la rapporteure. Les infirmières participent-elles aux travaux du comité de pilotage ? Comment envisagez-vous leur rôle de coordination avec le médecin coordonnateur et le médecin traitant, et ce rôle est-il le même selon qu’elles sont libérales ou salariées ? En outre, peut-on envisager des transferts de compétences, de tâches, entre médecins et infirmières ?
M. Jean Debeaupuis. À ma connaissance la coopération prévue à l’article 51 de la loi HPST ne s’applique pas à la configuration que vous évoquez. L’équipe pluridisciplinaire prévoit, pour le sujet qui nous intéresse, un médecin coordonnateur, un médecin traitant et une équipe paramédicale ou des sages-femmes, mais aussi des infirmières de coordination qui organisent les tournées de leurs collègues intervenant à domicile.
Toutes les fédérations sont présentes au sein du comité de pilotage – qu’elles soient publiques, associatives, lucratives, qu’il s’agisse de la Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (FNEHAD) ou autres. L’ensemble des professionnels travaillant sur le sujet ont pris conscience que si, souvent, on associait les infirmières salariées au modèle public et les intervenants libéraux au modèle associatif ou lucratif, les frontières sont en fait plus souples : de nombreux établissements publics ont compris l’intérêt de travailler davantage avec les libéraux, a fortiori quand on sort du ressort immédiat de l’établissement de santé de rattachement – quand l’HAD est adossée à un établissement. Aussi des équipes se sont-elles recomposées dans le sens d’une meilleure intégration de tous les professionnels libéraux disponibles pour intervenir. Nous considérons cette évolution comme positive et elle fait partie des axes de recomposition et de consolidation de l’offre de soins utile dans le cadre de la circulaire de 2013.
Mme Isabelle Prade, chef du bureau « prise en charge post-aiguës, pathologies chroniques et santé mentale » au ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Des infirmières salariées font partie de l’équipe de coordination de l’HAD. La question se pose de savoir si les infirmières libérales qui interviennent pour le compte de l’HAD sont aussi actrices de la coordination. Cela peut influer sur leur éventuelle rémunération, notamment dans les cas de délivrance de soins palliatifs et de réalisation de pansements complexes, pour lesquels elles perçoivent des rémunérations spécifiques prévues par la convention. Si une infirmière libérale intervient, par exemple, dans un territoire isolé, à une distance significative de l’implantation d’un établissement d’HAD, il faut considérer qu’elle va en effet, d’une certaine manière, jouer un rôle de coordination que l’établissement d’HAD est censé assumer. Dès lors, les négociations tarifaires entre l’établissement et l’infirmière étant libres, elles peuvent intégrer cette fonction de coordination.
Cette plasticité est consubstantielle aux modes d’organisation de l’HAD qui s’adapte aux caractéristiques du territoire où elle s’exerce, au statut des établissements concernés, à leur fonctionnement… Comme l’a précisé le directeur général, on a de plus en plus recours à des équipes mixtes impliquant salariés et libéraux. Les interventions d’infirmières la nuit et le week-end n’étant en général pas assurées par les infirmières libérales, il est donc nécessaire que les établissements d’HAD disposent d’infirmières salariées.
M. le coprésident Pierre Morange. On comprend aisément le caractère mixte de cette organisation. L’hétérogénéité statutaire des intervenants n’a-t-elle toutefois pas déjà été à l’origine de contentieux ?
M. Jean Debeaupuis. Nous avons surmonté l’opposition entre libéraux et salariés évoquée par la rapporteure : elle n’est plus d’actualité au regard de la plasticité d’organisation des HAD et du fait du caractère très professionnel des interventions.
La loi de modernisation de notre système de santé prévoit que les groupements hospitaliers de territoire (GHT) pourront associer à leur projet médical partagé les établissements d’HAD territorialement compétents. Cette disposition nous paraît très importante en ce qu’elle signifie que l’HAD ne sera pas oubliée dans la réflexion sur la gradation des soins.
Mme la rapporteure. Plusieurs prestataires de santé à domicile, qui interviennent parfois en tant que libéraux dans des services d’HAD, m’ont dit que des personnes travaillant dans ce cadre ne le devraient pas, puisqu’elles exercent exactement la même activité qu’eux. Cela m’interpelle.
M. Jean Debeaupuis. Il peut y avoir certaines zones de recouvrement, mais la complémentarité des interventions doit en effet être la règle.
Mme la rapporteure. Il faudra sans doute affiner la définition des critères de prise en charge de l’HAD. Je ne sais pas trop, par exemple, ce que signifie la notion de prise en charge complexe. La DGOS est-elle compétente pour revoir les référentiels d’activité pour l’HAD ?
Mme Isabelle Prade. La DGOS y procède chaque année depuis 2014 – c’était alors autour de la question du post-partum. Avec la direction de la sécurité sociale (DSS) et la CNAM, nous passons en revue les conditions d’admission en HAD telles qu’elles sont décrites dans le guide méthodologique du PMSI, qui est l’annexe de l’arrêté ministériel annuel sur les prestations. Ce document, de plus en plus précis, tient compte des évolutions de la médecine pour l’établissement des conditions dans lesquelles on peut considérer que le patient doit être admis en HAD. Il prend en considération également le souhait de pertinence auquel vous faites référence, mais aussi l’impact des contrôles de l’assurance maladie a posteriori sur la pertinence des séjours. Ainsi, les fédérations hospitalières ont été incitées à s’associer à la révision des modes de prise en charge, pour supprimer des textes les ambiguïtés qui pouvaient subsister et intégrer les nouveautés thérapeutiques qui permettent certaines réalisations en HAD qui étaient auparavant impossibles.
Les prestataires de service et distributeurs de matériels que vous évoquez sont présents en HAD en tant que tels, de la même manière qu’ils sont présents dans le cadre de l’offre de soins, aussi bien en ville qu’à l’hôpital. Il n’y a pas tant de sujets de recouvrement, puisque les prestataires ne sont pas des effecteurs de soins – au contraire des infirmiers libéraux et des médecins traitants. Les prestataires interviennent ainsi en matière de nutrition, d’assistance respiratoire et de perfusion, qui sont des actes de soin également fréquemment délivrés en HAD. On ne peut pas comparer aussi facilement les deux métiers.
Mme la rapporteure. Il n’en a pas moins été constaté que les infirmiers libéraux et les kinésithérapeutes libéraux, notamment, font parfois le même travail que les équipes qui interviennent en HAD.
M. le coprésident Pierre Morange. Est-ce la DGOS qui établit les référentiels ?
Mme Isabelle Prade. Pour les critères d’admission en HAD, oui.
M. le coprésident Pierre Morange. La HAS ne valide-t-elle pas ces référentiels ? On aurait en effet pu imaginer qu’elle ait son mot à dire sur le plan médico-économique et sur celui de l’amélioration du service médical rendu – critère tout de même de plus en plus adapté.
Ensuite, la journée d’HAD intègre toute une série d’actes de soins, mais aussi de fourniture de matériels. Or ces matériels sont souvent délivrés par des entreprises en situation de quasi-monopole. Existe-t-il des données sur le rapport coût-efficacité de ces distributeurs et sur les distorsions de concurrence que peut induire leur position monopolistique, le prix de la journée d’HAD pouvant s’en trouver éventuellement déformé ?
Par ailleurs, sans vouloir anticiper les résultats des prochaines élections, la MECSS s’intéressera à la politique d’achat des hôpitaux à partir du second semestre 2017 – c’est une commande que j’ai effectuée auprès du premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud. En effet, sur les quelque 75 milliards d’euros que représente l’enveloppe hospitalière, 20 milliards sont consacrés à la politique d’achat. Or il existe incontestablement des marges de manœuvre qui permettraient de rationaliser les dépenses. De l’hospitalisation lourde à l’hospitalisation à domicile, on peut imaginer qu’il y ait, au titre du parallélisme des formes, des réflexions similaires…
M. Jean Debeaupuis. Nous intervenons sur les prestations d’HAD et nous intégrons dans notre réflexion, avec l’arrêté annuel ou son annexe, toutes les études des sociétés savantes, de la HAS ou de la CNAM. Nous travaillons par ailleurs sur les différentes articulations que vous évoquez avec les hautes autorités responsables. Pour ce qui nous concerne, notre champ de responsabilité se limite ici à l’HAD.
M. le coprésident Pierre Morange. Nous vous remercions d’avoir répondu de façon aussi exhaustive à nos questions.
La séance est levée à dix-huit heures vingt.