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Commission des affaires sociales

Commission des affaires sociales

Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Mercredi 6 avril 2016

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 11

Présidence de M. Pierre Morange, coprésident

Auditions, ouvertes à la presse, sur l’hospitalisation à domicile (Mme Joëlle Huillier, rapporteure) :

– M. Nicolas Brun, président d’honneur du Collectif interassociatif sur la santé (CISS), coordonnateur du pôle protection sociale santé à l’UNAF et représentant des usagers à l’HAD de l’AP-HP, et M. Sylvain Fernandez-Curiel, chargé de mission Santé au CISS

– Table ronde réunissant des syndicats de médecins

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE
DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Mercredi 6 avril 2016

La séance est ouverte à seize heures quinze.

(Présidence de M. Pierre Morange, coprésident de la mission)

La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède d’abord à l’audition, ouverte à la presse, de M. Nicolas Brun, président d’honneur du Collectif interassociatif sur la santé (CISS), coordonnateur du pôle protection sociale santé à l’UNAF et représentant des usagers à l’HAD de l’AP-HP, et M. Sylvain Fernandez-Curiel, chargé de mission Santé, sur l’hospitalisation à domicile (Mme Joëlle Huillier, rapporteure).

M. le coprésident Pierre Morange. MM. Brun et Fernandez-Curiel, bienvenue à l’Assemblée nationale. Je vous rappelle le cadre de cette mission : la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) s’intéresse à l’hospitalisation à domicile (HAD) et recherche – comme pour tous les autres sujets qu’elle étudie – le meilleur rapport coût-efficacité au service des usagers.

Mme Joëlle Huillier, rapporteure. Nous sommes d’autant plus heureux de vous accueillir que vous serez probablement les seules personnes auditionnées à représenter les usagers. Nous souhaiterions avoir votre regard sur l’hospitalisation à domicile comme alternative à l’hospitalisation conventionnelle.

M. Nicolas Brun, président d’honneur du CISS. Je vous propose de me détacher des questions pour évoquer non pas les éléments économiques, pour lesquels il existe des interlocuteurs bien plus compétents que nous, mais les difficultés que rencontrent les patients dans le cadre de l’hospitalisation à domicile.

M. Sylvain Fernandez-Curiel, chargé de mission Santé du CISS. Au préalable, je vais rappeler ce qu’est le Collectif interassociatif sur la santé (CISS) : il s’agit d’un collectif qui regroupe 42 associations de patients, de consommateurs et de familles issues de plusieurs champs. Dans notre réflexion, nous nous demandons toujours si les patients ont suffisamment d’information. Or, pour l’hospitalisation à domicile, il y a une difficulté, dont atteste le peu de remontées qui nous sont faites venant du terrain.

Mme la rapporteure. Pourquoi est-ce si peu connu ?

M. Sylvain Fernandez-Curiel. L’offre du système de santé est très complexe. En ce qui concerne les soins à domicile pour des maladies graves ou chroniques, l’offre est très hétérogène en fonction des territoires : les SSIAD, les CLIC, les MAIA, les réseaux de santé. Pour s’y retrouver dans ce paysage complexe, patients et familles sont souvent très seuls. La loi de modernisation du système de santé a certes prévu un nouveau service d’information en santé.

Mme la rapporteure. Est-ce que c’est au patient à connaître l’offre ou au prescripteur ?

M. Sylvain Fernandez-Curiel. C’est aussi au prescripteur mais il est lui-même noyé dans cet univers complexe. Le service d’information en santé pourra peut-être y répondre en fonction de ses modalités de mise en œuvre. On ne sait pas s’il s’agira d’un site internet, d’une mission locale avec du personnel, etc. C’est une question que les délégués locaux du CISS vont poser aux agences régionales de santé (ARS). C’est donc l’un des points importants : rendre visible l’offre de soins.

M. Nicolas Brun. La population a effectivement une certaine incompréhension du système, et je ne suis pas sûr que l’acronyme HAD soit connu de tous ; mais le plus grave, c’est que les professionnels de santé n’ont pas non plus nécessairement une vision claire. J’ai été représentant des usagers pendant quinze ans à l’AP-HP. En quinze ans, je n’ai pas entendu parler une fois de l’HAD alors qu’elle existe. Dans la discussion que l’on pouvait avoir sur la prise en charge, l’HAD n’avait aucune visibilité.

Mme la rapporteure. Y compris par rapport à d’autres modes de prise en charge ?

M. Nicolas Brun. Oui. Le fait de présenter l’HAD comme une alternative à l’hospitalisation conventionnelle, dans la culture très hiérarchique de l’hôpital, est une façon de minorer son importance. L’hospitalisation à domicile n’est pas une véritable hospitalisation pour certains praticiens hospitaliers. Je ne suis pas certain non plus que les services sociaux aient compris quelles étaient les opportunités ouvertes par l’HAD. Ce travail pour mieux identifier le rôle de chacun n’est pas fait. Il faudrait que les médecins qui vont travailler à l’hôpital, comme ils le font pour les cabinets de médecine générale de ville, aillent dans les structures d’HAD.

Mme la rapporteure. Que pensez-vous de l’hypothèse suivante : une infirmière pourrait ne plus être affectée à un hôpital mais à un patient ?

M. Nicolas Brun. Ce serait très bien pour assurer une continuité. Il y a cependant des spécificités dans la prise en charge à domicile qui nécessiteraient des formations adaptées pour les soignants. S’agissant de la méconnaissance des professionnels, les médecins libéraux n’ont pas une connaissance approfondie du milieu ambulatoire et de l’HAD en particulier. Il faut penser à faciliter la tâche du médecin traitant, d’autant qu’il va devoir assumer une prise en charge particulièrement lourde. Il faut réussir à intégrer le médecin traitant au sein de l’équipe de l’HAD pour accompagner le patient.

M. le coprésident Pierre Morange. Ce qui essentiel, et je sais que c’est au cœur des préoccupations du CISS, c’est donc l’information. Sur une structure aussi spécifique que l’HAD, la collégialité est la règle et le partage de l’information est donc essentiel. Nos systèmes informatiques ont néanmoins de nombreuses lacunes en termes d’interopérabilité. Le dossier médical personnel (DMP), dont la conception a été confiée à la Caisse nationale d’assurance maladie, risque d’être une arlésienne. Est-ce que le CISS a eu des contacts avec le directeur général et quelles étaient vos demandes ?

M. Sylvain Fernandez-Curiel. Nous avons beaucoup travaillé avec le gouvernement au moment de la loi de modernisation du système de santé. Nous sommes très favorables au développement du DMP, même s’il faut être très vigilant non seulement s’agissant de la sécurisation des données mais aussi des enjeux du masquage de certaines informations par le patient. S’il y a ces garanties, si c’est l’assurance maladie qui se charge de la mise en place du DMP, nous y sommes très favorables. Il faut toutefois constater que pour le moment, des DMP sont ouverts mais restent vides. Il faudra peut-être inventer de nouvelles rémunérations pour les acteurs de santé afin que ceux-ci s’impliquent davantage dans cette démarche. Il y a notamment un travail de synthèse à faire, qui doit être rétribué.

Mme la rapporteure. Il est vrai que c’est du travail supplémentaire au moment de l’ouverture du DMP mais c’est également par la suite beaucoup de temps gagné !

M. Nicolas Brun. Nous en sommes persuadés. Il faudrait sans doute trouver des systèmes qui facilitent le travail de saisie ou des logiciels métiers qui puissent automatiquement basculer dans le système DMP. La technologie évolue rapidement. Après, je dois dire que je ne suis pas expert dans ce domaine, mais nous savons bien que les éditeurs de logiciels travaillent sur ce sujet ; on ne désespère donc pas d’y arriver.

M. le coprésident Pierre Morange. Nous accueillons justement dans l’audition suivante les syndicats de médecins.

M. Nicolas Brun. Ils vous parleront de sous, ce que nous ne ferons pas…

M. le coprésident Pierre Morange. C’est la raison pour laquelle l’exécutif, avec grande pertinence, a confié la responsabilité du DMP à l’assureur maladie, c’est-à-dire à la sécurité sociale. Que du bon sens !

M. Nicolas Brun. Nous verrons comment ils s’en sortent. Mais nous sommes aujourd’hui sur quelque chose qui s’étiole. Il faudra donc avoir des outils, que ce soit celui-là ou d’autres, qui permettront la coordination. Nous le voyons d’autant mieux à l’HAD. Sans coordination dans l’HAD, nous pouvons arriver à des situations tout à fait dramatiques.

Un deuxième sujet touche aux questions relatives au secret médical. La loi l’étend à la notion d’équipe, nous y sommes également favorables. Nous sommes conscients qu’avec le développement des maladies chroniques et le vieillissement de la population, la prise en charge devient de plus en plus partagée entre plusieurs intervenants. Il faudra aussi voir que le parcours n’est pas linéaire, qu’il y aura des allers-retours. Nous allons associer le médical et le médico-social, voire le social. Tout ça étant combiné, c’est au travers de l’ensemble de ces éléments que doit se construire une prise en charge.

Nous serons cependant très attentifs à ce que les échanges d’informations restent centrés sur ce qui est nécessaire à la prise en charge, et soient effectués au moment où cela est nécessaire ; nous serons également attentifs à la définition du professionnel qui pourra recevoir cette information. Il n’y aurait rien de pire qu’une expansion désordonnée créant une suspicion grandissante qui ferait que le patient perdrait confiance vis-à-vis des professionnels, ou que les professionnels n’auraient eux-mêmes plus confiance vis-à-vis du système.

Sur cette question de l’information, La Cour des comptes a relevé, à la page 27 de son rapport, que « les familles des patients qui pourraient souhaiter pour leurs proches une prise en charge à domicile éprouvent de leur côté une difficulté fréquente à connaître les possibilités d’accès à une hospitalisation à domicile ».

Si vous le voulez bien, puisque nous serons les seuls à parler d’usagers, je voudrais vous lire quelque chose. L’un de nos collègues est malheureusement décédé il y a dix jours, et il a été lui-même confronté à ces problèmes. Il s’agit d’un témoignage de sa femme. Nous avons trouvé que ses propos pourraient éclairer votre commission.

« Philippe avait écrit et clairement dit de ne pas être hospitalisé ; il m’avait fait promettre de ne pas l’hospitaliser. Étant médecin moi-même, je savais que les lâchers de ballons pouvaient entraîner un manque d’oxygénation cérébrale. Le 10 mars j’ai donc cherché à lui mettre en place une HAD avec de l’oxygénation à domicile ; il suffisait d’avoir une prescription de son médecin traitant, mais je me suis retrouvée face à un mur inhumain refus du corps médical !

« Le médecin traitant de Philippe étant absent, la remplaçante du cabinet a purement refusé de faire la prescription prétextant que « ce n’est pas mon client » ! Elle n’a pas plus proposé de venir le voir au domicile.

« J’ai cherché comment pouvoir bénéficier d’une HAD avec de l’oxygène à domicile ; mon pharmacien, un homme extraordinaire, a contacté le médecin traitant qui était en formation. Il m’a appelé. Après lui avoir exposé la situation, je lui ai demandé de prescrire une HAD avec de l’oxygène. « Madame, on ne donne pas de l’oxygène comme cela, c’est vraiment n’importe quoi ; s’il a des métastases cérébrales à quoi cela servirait-il ? Je sais qu’il ne voulait en aucun cas être hospitalisé mais vous ne lui demandez pas son avis, vous appelez une ambulance et ils l’embarquent de force à l’hôpital ». Je lui répète que Philippe avait écrit qu’il ne voulait pas être hospitalisé et m’avait fait promettre de respecter sa volonté, « promis ou pas vous le faites embarquer sinon vous êtes une criminelle ! ».

« Après une nuit éprouvante, le vendredi 11 mars au matin, j’ai contacté l’ancien médecin traitant de Philippe sur la région parisienne […], celui-ci a pris contact avec [XXX] pour une prise en charge en HAD. Le docteur lui répond qu’il faut amener Philippe à l’hôpital à sa consultation aux urgences.

« Le “Plan national 2015-2018 pour le développement des soins palliatifs et l’accompagnement en fin de vie” précise que le patient doit être placé au cœur des décisions qui le concernent, le respect de la volonté du patient étant déterminant pour la qualité de la fin de sa vie. Rester maître de sa vie jusqu’au moment où on la quitte, voilà l’enjeu de dignité auquel le Gouvernement est attaché.

« Il n’est pas prévu pour la mise en place d’une HAD une hospitalisation préalable ni un passage aux urgences mais une évaluation de la situation réalisée par l’équipe de coordination de l’HAD, qui se rend toujours au domicile pour confirmer la faisabilité de la prise en charge et fixer les conditions matérielles et les compétences requises par le projet de soins de la personne. Personne n’est venu. »

Ce patient est décédé 48 heures après.

Mme la rapporteure. Peut-on continuer ? Parce que nous en étions au tout début. Comment trouver l’HAD ? Comment prescrire ?

M. Sylvain Fernandez-Curiel. Nous sommes là sur une partie concernant la demande du patient. Comme nous l’avons vu, celle-ci n’est pas toujours entendue.

Nous voulions souligner un passage du rapport de la Cour des comptes qui propose une admission via les urgences (page 38). Pourquoi pas ? Mais encore une fois, il y a des conditions à respecter avant une prise en charge en HAD. Il faut, notamment, vérifier l’adaptabilité du domicile à une telle prise en charge et voir s’il y a des aidants qui sont prêts à s’engager. Il s’agit d’un investissement important. S’il faut passer par les urgences, pourquoi pas, mais selon nous les choses doivent être anticipées. Pour certains patients, atteints par exemple de maladie chronique, il faudrait préparer le travail, vérifier que le logement est adapté et que l’entourage est partant pour qu’en cas d’aggravation, l’HAD puisse être enclenchée rapidement. Il s’agit d’une question majeure pour nous.

Mme la rapporteure. Ce que l’on peut constater, en fin de compte, c’est que la prise en charge en HAD intervient soit comme alternative à une hospitalisation, soit en sortie d’hospitalisation. La sortie d’hospitalisation est selon moi prévisible. En revanche, faire le choix de l’HAD plutôt qu’un transfert à l’hôpital est à mon avis plus complexe. Sur le DMP et sur l’échange des données, j’avais réfléchi à l’HAD de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris. Y a-t-il selon vous une bonne circulation des informations ?

M. Nicolas Brun. C’est difficile de le déterminer. L’HAD de Paris dispose d’une bonne organisation. Le système informatique est parfois défectueux, mais il y a tout de même une bonne coordination et l’HAD a beaucoup de moyens. Dans l’ensemble la communication fonctionne assez bien.

Sur le domicile, d’expérience, nous avons peu de réclamations sur l’HAD. Les personnes, une fois prises en charge, sont assez satisfaites. Il peut y avoir des conflits s’il y a une mauvaise organisation des passages, parce qu’il y a une multitude d’intervenants. Ce nombre peut être un risque de conflit et de tension, voire d’un refus d’HAD. Cet élément est donc extrêmement important, et si l’on souhaite que l’HAD prenne toute sa dimension, des garanties sont nécessaires pour que les choses soient cadrées.

Mme la rapporteure. Mais qui doit organiser ?

M. Nicolas Brun. C’est l’HAD qui doit organiser les passages, y compris avec tous les prestataires de services.

Le deuxième élément à prendre en compte est le fait que nous intervenons au domicile. L’HAD est un établissement de santé, mais elle intervient dans la sphère privée. Nous entendons souvent les personnes avoir l’impression d’être dépossédés de leur domicile. L’espace privé est aussi un lieu de vie.

M. Sylvain Fernandez-Curiel. Il y a tout un sujet autour des aidants, en particulier. La formation des professionnels doit également être adaptée, notamment dans la dimension « qualité et sécurité des soins » où l’on rencontre aussi des dysfonctionnements : par exemple des personnels qui ne se lavent pas les mains – chose que l’on peut retrouver à l’hôpital, bien sûr. La formation des professionnels doit être spécifique pour ceux qui se rendent à domicile.

On doit ensuite s’intéresser à l’articulation entre l’HAD et les soins de ville. Dans les objectifs que vous nous avez présentés – que nous n’avons pas atteint pour l’instant puisque nous sommes à 0,6 % –, nous souhaitons mettre les soins de ville en avant. Mais pourront-ils suivre ? On touche là au sujet des territoires en tension et des déserts médicaux où il n’y a pas de médecins disponibles pour faire les visites à domicile. Globalement d’ailleurs, le nombre des visites à domicile a tendance à se réduire ; on peut se demander à ce propos si la rémunération de la visite à domicile est suffisante.

Mme la rapporteure. Il faut aussi prendre en compte la possibilité de favoriser les transferts de tâches, du médecin vers l’infirmière et de l’infirmière vers l’aide-soignante, etc.

M. Sylvain Fernandez-Curiel. Vous évoquiez dans les questions qui nous ont été adressées la délégation de tâche, et plus particulièrement l’article 51 de la loi Hôpital Patient Santé Territoire ; le CISS était présent dans un comité de suivi, un groupe de travail, au sein de la Haute autorité de santé, que nous avons quitté. En effet, nous n’étions pas satisfaits au regard de la qualité et de sécurité du soin. Il s’agissait de considérations intuitu personae, alors que nous voudrions une montée en compétences de l’ensemble de la profession d’infirmier et un réel transfert de compétences.

Sur ce dernier point, quelques éléments dans la loi santé nous semblent intéressants comme les nouveaux métiers, ou les infirmières en pratique avancée. Mais il y a un écart entre les infirmières et les médecins, et les médecins nous disent qu’ils sont débordés. C’est une difficulté à laquelle on est fréquemment confronté avec les professionnels de santé, qui se disent tous débordés, mais qui ne renoncent à aucune tâche. Nous sommes donc favorables à condition que les personnes soient correctement formées, et qu’il n’y ait pas qu’une simple délégation de tâche.

Mme la rapporteure. Pensez-vous que les aidants familiaux bénéficient de tout l’accompagnement nécessaire lors d’une HAD ?

M. Nicolas Brun. Clairement non. De nombreux rapports ont montré les difficultés des aidants, l’épuisement qu’engendre l’HAD et les difficultés pour ces aidants de reconnaître cet épuisement. Lorsqu’on leur propose un soutien psychologique, auquel ils ont droit, la réponse est souvent négative – seul le patient serait concerné –, mais lorsqu’on suggère que le psychologue du service d’HAD les appelle, la réponse est souvent positive. L’aidant se sent à la fois investi d’une responsabilité parfois démesurée, et démuni face à des cas complexes ou des pathologies lourdes, pouvant concerner également des enfants.

Il faut également faire un travail d’accompagnement à propos de ce que l’on va demander aux aidants : même si les infirmières, les aides-soignants et les professionnels passent régulièrement au domicile, une partie de la responsabilité au quotidien est transférée à l’aidant, notamment lorsque le patient est tombé ou veut changer de place et que l’on ne peut attendre le passage du soir. Il y a un accompagnement et des formations à faire pour permettre à l’aidant de réaliser ces actes nécessaires dans une prise en charge en HAD.

Il est très positif que l’article 1er de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé mentionne le rôle des aidants familiaux, mais il va falloir concrétiser cela dans une dimension plus importante. Si on veut développer l’HAD, il va falloir développer l’accompagnement et le soutien aux aidants pour offrir un service qui ne soit pas dégradé.

Le rapport de la Cour des comptes insiste sur les économies liées à l’HAD, qui sont présumées plus que démontrées. Pourtant, il ne faut pas que les patients aient le sentiment que c’est une solution d’économies, mais que l’HAD répond à un besoin et offre bien un service de qualité, y compris continuer à vivre dans son environnement quotidien. Un discours axé sur les économies potentielles ou sur la baisse de la durée des hospitalisations – et cette problématique est la même dans le cadre du développement de la télémédecine –, risque d’amener les patients à voir l’HAD comme une offre de soins dégradée.

M. le coprésident Pierre Morange. Cela n’interdit pas, dans une démarche pédagogique, de faire du patient un acteur éclairé dans le système de santé mis en place grâce à la solidarité nationale, et non un simple consommateur doté d’un pouvoir de décision et d’un droit de tirage sur le système de santé. Sa prise en charge doit pouvoir se faire au plus proche de son domicile, mais il n’est pas dans une fonction de décision vis-à-vis des choix qui doivent prendre en compte la rationalisation de la prise en charge médicale.

M. Nicolas Brun. La population est consciente des limites du système et du fait que la proximité n’est pas nécessairement synonyme de qualité ; elle est consciente qu’il faut aller vers une prise en charge graduée et adaptée ; mais il y a un accompagnement pédagogique à faire.

M. le coprésident Pierre Morange. Si à la MECSS, nous sommes les gardiens des principes de rationalisation et d’examen des rapports entre coûts et efficacité, ce n’est pas pour faire des économies, mais pour respecter l’effort de nos concitoyens et les priorités de la politique nationale de santé.

M. Sylvain Fernandez-Curiel. Si nous sommes convaincus de la nécessité d’examiner la pertinence des soins, il faut que l’HAD ne soit pas vécue comme une solution imposée, pour les patients comme pour les aidants.

Il nous semble nécessaire que la situation de l’aidant fasse l’objet d’une réévaluation régulière. Il peut avoir besoin d’un répit ; une fois que la « machine HAD » est mise en place, ils ont parfois le sentiment d’être débordés. Quelques études montrent que les aidants sont parfois en plus mauvaise santé à la fin d’une HAD que les patients qu’ils ont accompagnés…

Nous avons reçu récemment un témoignage relatif à une patiente atteinte de la maladie d’Alzheimer et mise en HAD, ce qui n’est forcément une solution adaptée : l’aidant, censé être une cheville ouvrière, est par la suite devenu un obstacle, car il vivait très mal la situation de son conjoint. Il est devenu alcoolique, menaçant et a menacé physiquement les personnels de l’HAD ; il a fallu arrêter l’HAD. Alors que chacun s’accorde à dire que la capacité de l’aidant doit être évaluée avant la mise en place, il manque une réévaluation périodique de la situation des aidants, qui peuvent sombrer dans la dépression ou la maladie eux-mêmes – cela a d’ailleurs un coût pour la solidarité nationale.

Mme la rapporteure. Surtout si l’aidant est lui-même malade suite à une situation d’aidant dans une HAD.

M. Nicolas Brun. L’aidant peut se retrouver dans une situation de stress, face à l’invasion de son domicile par l’HAD, au déclenchement nocturne d’alarmes, etc.

En outre, il faut prendre en compte l’apport des nouvelles technologies à l’HAD, pour offrir un soutien au professionnel, qui se retrouve seul face au patient à domicile. Il faudrait développer les outils de réassurance et de télé-expertise, qui faciliteront le recours à l’HAD. Elles permettront également de fournir une aide au patient et aux aidants pour le suivi et l’observance du traitement.

M. Sylvain Fernandez-Curiel. Nous avons également reçu des remontées concernant la fin de parcours en HAD : l’HAD peut se terminer par le retour à la vie normale, ou parfois par le décès du patient. Or cette prise en charge – finalement assez sécurisante – peut parfois s’arrêter un peu brutalement : la sortie de l’HAD n’est pas toujours bien préparée, comme la sortie des établissements de santé. On ne présente pas forcément les nouveaux interlocuteurs – comme les SSIAD – et le basculement dans une autre prise en charge.

M. Nicolas Brun. Nous avons eu une réclamation d’une personne qui ne comprenait pas pourquoi on la faisait sortir de l’HAD. Les patients ont besoin de lisibilité sur leur parcours en HAD, sur la préparation de l’après-HAD, sur la coordination avec les soins de suite, etc. Certaines personnes ont parfois le sentiment d’être ballotées comme une balle de ping-pong ; elles souhaiteraient ainsi continuer en HAD, ce qui leur paraît plus rassurant.

En cas de décès, il existe un souci avec les éléments de l’HAD – les équipements, les déchets, etc. – présents au domicile. Leur enlèvement peut être douloureusement ressenti par les familles, comme trop précipité ou, au contraire, trop tardif.

Il conviendrait que la sortie soit mieux préparée. Les HAD qui écrivent une lettre à la famille en cas de décès sont souvent bien ressenties.

M. Sylvain Fernandez-Curiel. Il y a un soutien psychologique à prévoir en sortie d’HAD. Parfois la présence humaine liée à l’HAD s’interrompt un peu brutalement, alors que les « stigmates » tels que les équipements restent trop longtemps après.

M. le coprésident Pierre Morange. Et parfois la facturation qui elle ne s’interrompt pas, ce qui occasionne des débours réclamés par l’assurance maladie.

M. Nicolas Brun. La Cour des comptes observe qu’il manque des évaluations médico-économiques du recours à l’HAD : nous souhaiterions que soit également évalué le reste à charge pour le patient et les éventuels transferts de charges des établissements de santé vers les patients. Le surcoût peut mettre en difficulté des familles.

Mme la rapporteure. Qu’est-ce qui pourrait rester à la charge des patients ?

M. Nicolas Brun. Nous n’avons pas d’exemples précis, mais nous souhaiterions que cette absence de reste à charge soit évaluée.

Il faudrait également examiner les situations de précarité des patients qui empêchent le recours à une HAD.

M. le coprésident Pierre Morange. S’agissant de ce volet social, que nous avons pu évoquer lors de précédentes auditions, il ne relève pas uniquement du volet assurantiel de la protection sociale.

Dans une logique de contrôle et d’évaluation, avez-vous mené une démarche d’évaluation de la qualité des HAD, qui s’apparenterait à la démarche des palmarès des établissements qui sont publiés par certains médias, malgré leurs limites méthodologiques ?

Enfin, avez-vous des recommandations pragmatiques à nous faire sur l’HAD en général ?

M. Sylvain Fernandez-Curiel. Nous prenons cette démarche de « palmarès » avec des pincettes ; mais nous sommes partenaires de la Haute autorité de Santé pour le site Scop Santé, pour développer et rendre simple d’accès des indicateurs de qualité des établissements non simplistes. Nous ne faisons pas directement d’évaluations mais nous sommes associés aux démarches de la HAS ; nous travaillons à la coordination et la formation des représentants des usagers qui siègent au sein des établissements de santé – les HAD étant des établissements, elles disposent de commissions des relations avec les usagers, qui ont vocation à analyser les plaintes et à œuvrer à l’amélioration de la qualité. Nous soutenons des démarches privées, basées sur les témoignages de patients.

M. le coprésident Pierre Morange. La HAS a eu une logique d’agrément qui consiste à examiner la qualité des établissements comme un stock et non comme un flux. Avez-vous développé une capacité d’écoute permettant de mettre en évidence, par exemple, la problématique de l’absence de permanence des soins dans certaines HAD ?

M. Nicolas Brun. Puisque l’HAD est un établissement de santé, elle doit présenter les mêmes garanties en termes de sécurité du parcours de soins.

M. Sylvain Fernandez-Curiel. En termes d’observation et de contact avec le public, le CISS gère la ligne Santé Info Droits, qui est un accueil téléphonique pour toute question juridique ou sociale relative à la santé des patients. Les questions de ruptures dans le parcours de soins représentent une problématique qui est importante. Il y a peu de remontées concernant spécifiquement l’HAD, mais elle ne représente que 0,6 % des journées d’hospitalisation.

Nous vous ferons part par écrit de nos recommandations concernant les patients, qui expriment globalement le souhait d’être maintenu à domicile. Cela concernera la question du respect du caractère de ce domicile, et également la nécessité d’études médico-économiques montrant l’absence de reste à charge pour le patient.

M. le coprésident Pierre Morange. Je vous remercie messieurs.

Puis la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale procède à une table ronde réunissant des syndicats de médecins, ouverte à la presse, sur l’hospitalisation à domicile (Mme Joëlle Huillier, rapporteure).

M. le coprésident Pierre Morange. Nous avons le plaisir d’accueillir pour cette table ronde autour de l’hospitalisation à domicile : le Dr Renaud Péquignot, secrétaire général de l’Avenir Hospitalier ; le Dr Rémy Courderc, secrétaire général de la Coordination médicale hospitalière (CMH) ; le Dr Jacques Trévidic, président de la Confédération des praticiens des hôpitaux (CPH), et le Dr Jacques Bétremieux, son secrétaire général ; le Dr Béatrice Fazilleaud, vice-présidente de la Confédération des syndicaux médicaux de France (CSMF), et l eDr Luc Duquesnel, président de l’UNOF-CSMF (branche des médecins généralistes de la CSMF) ; le Dr Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France (FMF) ; le Dr Michel Triantafyllou, vice-président de l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH), et le Dr Alain Jacob, son délégué général ; le Dr Jean-Louis Bensoussan, secrétaire général adjoint du Syndicat des médecins généralistes (MG France) ; et le Dr William Joubert, secrétaire général du Syndicat des médecins libéraux (SML).

Je vous souhaite la bienvenue à l’Assemblée nationale et vous demande d’excuser l’absence de certains de nos collègues de la MECSS qui est liée, non pas à un manque d’intérêt, mais à la densité de l’ordre du jour parlementaire, en particulier l’examen du texte relatif au droit du travail qui incombe à la Commission des affaires sociales dont notre mission est issue.

Nous avions besoin d’avoir votre point de vue sur l’hospitalisation à domicile, la HAD, cette alternative à la prise en charge hospitalière, dont les objectifs de développement définis par l’exécutif n’ont pu être atteints. Nous aimerions en connaître les causes.

Mme Joëlle Huillier, rapporteure. Madame, messieurs, je vous remercie pour votre présence. Nous aimerions d’abord que vous répondiez chacun à trois séries de questions :

Premièrement, qui prescrit ? Êtes-vous en capacité de prescrire de l’hospitalisation à domicile ? Pourquoi n’en prescrit-on pas plus ?

Deuxièmement, quel est le rôle du médecin traitant ? Quel rôle voulez-vous et pouvez-vous jouer dans l’hospitalisation à domicile ?

Troisièmement, quelle rémunération pour l’accompagnement du patient par le médecin traitant en cas d’hospitalisation à domicile ?

Dr Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France (FMF). Je ne répondrai à aucune de ces trois questions parce que, dans le programme de la FMF, il est écrit clairement qu’il faut définir le rôle de chacun, le rôle de l’hôpital et des médecins libéraux.

La FMF veut que les hôpitaux aient les moyens de fonctionner correctement à l’intérieur de l’hôpital, et que l’hôpital cesse de sortir de ses murs, de façon que les médecins libéraux, les infirmières et les kinésithérapeutes libéraux aient les moyens d’accueillir correctement les patients et d’empêcher qu’ils aillent, justement, à l’hôpital, et que les hôpitaux soient dans leur vrai rôle qui est l’hospitalisation.

Nous voulons clairement que soit supprimée l’hospitalisation à domicile, de la même façon que nous voulons que soient modifiés les SAMU. Dans les zones urbaines qui sont à moins de vingt minutes d’un centre d’urgence, les SAMU n’ont qu’à se comporter comme dans les autres pays européens, c’est-à-dire transporter les patients. Les événements du 13 novembre l’ont clairement démontré : les SAMU n’ont gardé aucun patient sur place, ils les ont transportés à l’hôpital et en faisant cela en moins de vingt minutes, ils ont sauvé des vies
– alors que le but initial était de faire en sorte que les équipes ne se fassent pas tirer dessus.

Si l’on ose toucher à ces deux dogmes-là, si l’hôpital ne sort plus de ses murs et que les médecins, les infirmières et les kinésithérapeutes libéraux ont les moyens d’accueillir les patients, on changera les mentalités, on sera en passe de régler le déficit et de faire en sorte que chacun trouve du bonheur dans son rôle.

Au moment de la canicule, en 2003, s’est tenue une réunion au ministère du travail avec 150 administratifs et 3 médecins libéraux – comme c’est habituellement le cas. Les médecins libéraux, trois médecins généralistes de syndicats différents, ont dit qu’ils n’avaient pas besoin de journées d’hospitalisation à domicile ni d’équipes de gériatrie avancée, mais d’une aide-soignante à domicile pour faire boire la personne, lui faire prendre une douche, l’alimenter et alerter le médecin si nécessaire. Le problème n’était pas de repeindre en plaqué or les urgences de M. Pelloux, mais d’éviter qu’on y arrive avec 42 degrés de température corporelle. C’est cela, la vraie prévention.

Donc, si l’on a les moyens de maintenir à domicile les personnes âgées, dépendantes ou fragiles, et de faire de la prévention, on change radicalement les mentalités et on arrête de dire que c’est à l’hôpital de faire le travail que ces « incapables » de libéraux ne savent pas faire.

L’hospitalisation à domicile coûte, me semble-t-il, 900 millions d’euros par an, et le coût moyen de journée est de 194 euros. Or, lors d’une grande discussion à la CNAM avec 48 syndicats, il a été dit que pour prendre en charge un hémiplégique qui nécessite pas moins de cinq ou six professions – médecin, kinésithérapeute, infirmière, pharmacien, orthophoniste, équipementier – on allait percevoir environ 150 euros par an – au prix d’une évaluation féroce. Si c’est cela la revalorisation prévue pour maintenir des gens à domicile, non !

Permettons à l’hôpital de communiquer directement avec la ville, faisons en sorte que le médecin soit prévenu au moins 24 heures à l’avance que l’on envisage d’en faire sortir tel ou tel patient. Cela permettra de s’organiser, dans la mesure où l’on dispose de moyens suffisants, avec l’infirmière, le kinésithérapeute, le médecin et l’aide-soignante, et pas uniquement au sein d’un service de soins infirmiers à domicile (SSIAD). En effet, ces structures travaillent cinq jours par semaine ; le samedi et le dimanche, on se trouve coincé, et cela coûte cher. On est alors obligé d’hospitaliser le patient parce que personne ne peut s’en charger, y compris dans les maisons de retraite. Celles-ci emploient du personnel intérimaire qui n’a pas l’habitude de la personne âgée et la fait hospitaliser. Elle se retrouve souvent aux urgences hospitalières, ce qui coûte cher à la collectivité.

Voilà le point de vue de la FMF : que l’hôpital cesse de sortir de ses murs, que les libéraux aient les moyens d’accueillir correctement les patients, et que l’on améliore la communication. Je pense qu’on pourrait tous y gagner. Mme Touraine a exigé que les patients sortent de l’hôpital avec un courrier. L’avantage d’être installé depuis quarante-trois ans, c’est que j’avais entendu Mme Simone Veil dire la même chose en 1975 ! Mais depuis cette date, rien n’a été fait.

M. le coprésident Pierre Morange. Est-ce que ce point de vue est unanimement partagé par l’ensemble de la confrérie ici présente ? On peut imaginer qu’il y ait éventuellement des opinions différentes, ce qui serait normal.

Certaines remarques reviennent fréquemment lorsque l’on aborde le sujet de l’HAD, par exemple sur l’utilité de cette prise en charge lorsque la situation médicale du patient s’avère compliquée, et sur la nécessité d’assurer la continuité du service. Ce n’est pas que les professionnels libéraux ne soient pas en capacité d’y répondre, mais il y a parfois des disciplines extrêmement pointues qui nécessitent des formations particulières.

S’agissant de la délivrance de soins dans le cas d’un parcours en HAD, vous avez fait référence aux SSIAD qui, bien évidemment, ont des heures d’ouverture et de fermeture, notamment le week-end. Avez-vous le sentiment que l’ensemble des professionnels de santé, qu’ils soient médicaux ou paramédicaux, sont à même d’assurer cette permanence des soins et de relever ces défis ?

Dr Jean-Paul Hamon. Tout dépend des moyens que l’on est prêt à y mettre.

On parle en ce moment de virage ambulatoire. Mais derrière, qu’y a-t-il comme moyens ? Nous sommes tout à fait capables d’organiser une permanence des soins, d’assurer une continuité des soins, mais on ne peut pas continuer à travailler dans les conditions actuelles.

Récemment, j’ai été obligé de réhospitaliser quelqu’un qui s’était cassé le col du fémur. La première fois que je l’ai vu, il venait de sortir de l’hôpital, un vendredi soir. Il était hémiplégique, on ne lui avait pas donné de courrier. J’ai reconstitué son parcours avec le courrier que l’orthophoniste hospitalier avait fait à l’orthophoniste libéral, et avec l’ordonnance de sortie. C’est inacceptable !

Pourtant, on peut tout à fait se débrouiller s’il y a une infirmière en place, si le matériel est installé et que l’on peut joindre le médecin hospitalier. À ce propos, je tiens à vous préciser que j’ai le numéro de téléphone portable de tous mes correspondants spécialistes, mais seulement de quatre médecins hospitaliers – en quarante-trois ans d’exercice. La communication doit donc s’améliorer.

Dr Jean-Louis Bensoussan, secrétaire général adjoint du Syndicat des médecins généralistes (MG France). Je serai beaucoup plus bref et je répondrai à vos trois questions. Je précise toutefois qu’il ne faut pas confondre le virage ambulatoire, que la profession demande, avec la HAD ou la sortie d’un certain nombre de services hospitaliers hors leurs murs pour aller faire des soins. Le virage ambulatoire n’est pas la HAD, ce sont des moyens pour la médecine de ville, et notamment pour la médecine générale que je représente ici.

Qui prescrit ? Dans l’immense majorité des cas, ce sont les services hospitaliers. Pour ma part, en trente-trois ans d’exercice libéral, je n’ai pas prescrit une seule fois une HAD. J’ai fait un petit sondage dans mon entourage, et il s’avère qu’il y a à peu près deux ou trois patients en HAD par an et par médecin généraliste.

Pourquoi les médecins traitants prescrivent-ils directement si peu de HAD ? C’est que souvent, quand on appelle la structure d’HAD, on nous répond que le patient n’est pas assez malade, ou qu’il est trop malade. S’il est trop malade, on nous propose de l’hospitaliser, de le faire passer par les urgences, avant que les services ne prennent le relais ; or 24 ou 48 heures aux urgences coûtent entre 2 000 et 4 000 euros, sans parler de la dégradation de l’état du patient. Et s’il n’est pas assez malade, on nous fait comprendre que nous devons nous débrouiller. Voilà donc mon expérience, qui correspond à celle de mes confrères.

Quel est le rôle du médecin traitant ? Il a un rôle de coordination et de suivi pendant toute la durée de cette HAD. Il doit être aussi celui qui décide de la sortie de l’hospitalisation à domicile, et du retour à un suivi normal – j’ai le cas en ce moment.

La rémunération ? C’est très important. Je pense qu’une visite auprès d’un patient en HAD devrait être aujourd’hui – et pas demain après la négociation conventionnelle – payée au tarif de la visite dite « longue », c’est-à-dire 56 euros. En effet, ces visites prennent toujours beaucoup de temps ; on a des documents à consulter, des feuilles à remplir, des traitements à mettre à jour.

Donc ce doit être au moins considéré comme une visite longue, systématiquement, avec une rémunération supplémentaire pour les réunions de coordination quand l’hospitalisation dure longtemps. Je verrais volontiers une réunion tous les quinze jours, trois semaines.

Dr William Joubert, secrétaire général du Syndicat des médecins libéraux (SML). Sur la fréquence d’intervention, je retiens ce qui a été dit. Je suis resté moi-même des années sans avoir à prescrire de HAD. Mais il se trouve qu’il y a quinze jours, j’ai fait une hospitalisation à domicile, qui a duré une semaine.

En fait, le problème tient au périmètre d’intervention de l’hospitalisation à domicile. On retrouve clairement ce qui vient d’être décrit, à savoir : un hôpital hors les murs qui vient s’imputer sur un objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) de la médecine de ville, qui veut un virage ambulatoire et les moyens de le faire mais ne l’obtient pas.

On fait des comparaisons avec le PRADO, ou programme d’accompagnement du retour à domicile après hospitalisation – on parle de « miroir PRADO ». On parle également des sorties d’orthopédie. Ce n’est pas le rôle de la HAD, mais le rôle de la médecine de ville. Nous nous battons avec la CNAM depuis maintenant deux ans et demi pour obtenir les moyens de la coordination. Car la médecine de ville peut le faire, mais elle n’a pas les moyens de se coordonner.

On commence timidement avec ce que nous qualifions de « règlement arbitral » applicable aux structures de santé pluri-professionnelles de proximité, qui est une usine à gaz, avec des équipes fermées qui ne permettent pas à tous les assurés et à tous les professionnels de santé de se coordonner. Mais les moyens de la véritable coordination, nous ne les avons pas obtenus.

On va donc donner à l’HAD les moyens d’assurer cette prise en charge, que la médecine de ville va réaliser avec une meilleure qualité, et où elle est parfaitement légitime. C’est ce que vous avez décidé.

Je terminerai sur le coût. On intervient tellement peu souvent sur la HAD que franchement, ce n’est pas notre problème. Clairement, cela doit s’inscrire dans une coordination globale. Et donc, la coordination globale redevient aussi conventionnelle.

Dr Luc Duquesnel, président de l’UNOF-CSMF. À la CSMF, nous considérons que la HAD est indispensable pour deux raisons : d’abord, pour prendre en charge en ambulatoire un certain nombre de nos patients et éviter des hospitalisations ; ensuite, pour favoriser un retour à domicile et raccourcir ainsi les durées de séjour hospitalier.

Selon nous, le dispositif fonctionne très bien quand on respecte les motifs d’accès à la HAD, quand on demande son avis au médecin traitant, car ce n’est pas toujours le cas, et quand on respecte le rôle du médecin traitant dans la prise en charge de son patient.

Le médecin traitant a en effet un rôle pivot. Or, dans certains endroits, il n’est plus présent ; cela équivaut pour nous, très clairement, à une rupture du parcours de santé et du parcours de soins. Comme les deux situations existent, le ressenti des médecins généralistes peut être totalement différent. Le médecin traitant a enfin son mot à dire au moment de la sortie d’HAD.

Il arrive que le médecin coordonnateur prenne la place du médecin traitant. Pour nous, c’est complètement inadmissible ! Qui connaît mieux que nous, depuis dix ou vingt ans, le patient et son environnement familial ?

Pourquoi ne prescrit-on pas plus souvent l’HAD ?

Même s’il y a des regroupements, on doit respecter le maillage du territoire. Les liens entre les professionnels aussi bien libéraux que les équipes d’HAD sont importants. Si les territoires sont très grands, la coordination est beaucoup plus difficile.

Le médecin traitant, HAD ou non, doit conserver son rôle de pivot dans le parcours. Aujourd’hui, des patients que l’on suit en ambulatoire, qui sont pris en charge par des SSIAD mais qui ne peuvent plus l’être pour des raisons économiques, ne relèvent pas de l’HAD. On finit par les hospitaliser, ce qui est un comble. On pourrait donner davantage de moyens aux SSIAD pour pouvoir continuer à les prendre en charge.

Ensuite, l’HAD est méconnue.

Enfin, les modes de rémunération sont inadaptés pour les médecins libéraux, comme d’ailleurs pour les autres professionnels de santé libéraux. Les actes en HAD sont des actes longs. Une réunion de coordination au domicile du patient dure 45 minutes. Les visites durent longtemps, surtout si la pathologie est lourde.

Tout cela n’incite pas à développer cette modalité de prise en charge. Nous en avons discuté plusieurs fois avec la Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (FNEHAD). Celle-ci, dont le nombre d’adhérents est relativement limité, nous a dit que si l’on ne revalorisait pas les actes des médecins généralistes, personne ne voudrait plus adhérer à la FNEHAD. Je pense qu’il faudrait trouver le moyen de revaloriser normalement les actes des médecins traitants, à la hauteur de l’investissement qu’ils consentent à faire.

Si les médecins traitants sont mieux impliqués dans la prise en charge de leurs patients, on aura plus souvent recours à l’HAD, et donc moins à l’hospitalisation. D’ailleurs aujourd’hui, dans l’immense majorité des cas, ce sont les services hospitaliers, qu’ils soient publics ou privés, qui ont prescrit l’HAD à mes patients, afin de diminuer la durée moyenne de leur séjour. Car ils y ont intérêt, ou subissent des pressions en ce sens.

Enfin, le médecin traitant doit garder un rôle pivot dans cette prise en charge, même si la coordination avec le médecin coordonnateur est essentielle. À chacun ses compétences. Et pour éviter une rupture de parcours, il faut prévoir une rémunération adaptée.

Dr Michel Triantafyllou, vice-président de l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH). En tant que médecin hospitalier et représentant d’un intersyndicat des praticiens hospitaliers, vous ne vous étonnerez pas que j’aie un point de vue quelque peu décalé par rapport à ceux qui viennent d’être exprimés.

Pour nous, l’HAD fait partie de ce que l’on peut appeler une médecine de parcours, mais elle n’est pas faite uniquement pour réduire la durée de séjour : c’est aussi une façon de rapprocher le soin chronique et complexe du lieu de vie de la personne. Si j’ose dire, c’est une approche plus « écologique » des soins que l’on veut apporter à la personne. Il ne s’agit pas que l’hôpital reste à l’hôpital et que la médecine de ville reste la médecine de ville, mais c’est la synergie entre ces deux pratiques médicales qui doit être, de mon point de vue, le moteur des HAD.

Ensuite, il est évident que le médecin traitant doit être le pivot de l’HAD. Cela va de soi, et il ne faut pas qu’il se fasse déposséder par des coordonnateurs ou d’autres prestataires de services, comme on l’observe assez souvent. Car cela dénature cette prise en charge.

Je pense que l’on va parler des grosses ou des petites structures d’HAD, et je termine donc directement par la question des lieux substitutifs au domicile, EHPAD, maisons d’accueil spécialisé ou foyers de vie.

Je suis psychiatre et je sais que les personnes handicapées psychiques ou mentales, ou les personnes autistes, justifient souvent des hospitalisations à domicile, surtout lorsqu’elles ont des pathologies complexes, à la fois psychiatriques, somatiques, diabétiques, cardiovasculaires, etc.

Or dans tous ces lieux-là, les infirmières sont très rares. Même si c’est une infirmière qui prépare les médicaments, c’est un éducateur spécialisé ou un auxiliaire de vie qui les délivre. Les conditions sont loin d’être satisfaisantes, et je pense que le développement de l’HAD est particulièrement nécessaire pour les personnes qui se trouvent dans les lieux substitutifs au domicile.

Dr Alain Jacob, délégué général de l’INPH. Je ne reprendrai pas ce que vient de dire mon collègue Triantafyllou au nom de l’INPH. Je dirai toutefois que l’on en a un peu assez du mur qui se construit et se reconstruit entre la médecine dite ambulatoire et l’hôpital. Il faudra bien un jour que cela cesse, qu’il y ait une porosité entre les deux secteurs. Cela permettra d’améliorer l’efficience de l’un comme de l’autre et d’éviter des ruptures de prise en charge pour le patient, qui y trouvera un plus grand confort.

Aujourd’hui, l’information a du mal à circuler dans un sens et dans l’autre : on ne sait pas toujours pourquoi il a été décidé d’hospitaliser un patient quand il vient de l’extérieur ; et celui-ci sort évidemment le vendredi soir ou le samedi matin sans que rien n’ait été prévu. C’est évidemment dommageable.

Maintenant, qui prescrit l’HAD ? Très souvent, le médecin hospitalier. Pour qu’il le fasse de façon cohérente, il faudrait qu’il connaisse mieux l’hospitalisation à domicile. Or, actuellement, ce n’est pas le cas. Il ne sait pas ce qu’il y a derrière le mur de l’hôpital. Il a l’impression que la terre est plate et qu’après, il y a un précipice. Il faut absolument sortir de cette situation.

Il faut que les médecins, notamment les jeunes médecins qui font bien souvent les ordonnances de sortie, soient mieux informés et comprennent que l’on ne fait pas sortir un patient complexe le samedi matin sans avoir prévu son infirmière à domicile, prévenu son médecin traitant, etc.

Il faut absolument faire tomber ce mur et faire circuler l’information, autant pour les médecins de l’hôpital sur ce qu’il y a à l’extérieur, que pour les médecins de l’ambulatoire sur ce qu’est l’hôpital. Cette porosité doit exister dans les deux sens. Le médecin ambulatoire doit entrer dans l’hôpital et le médecin hospitalier en sortir. C’est fondamental.

Ensuite, comme l’a dit Michel Triantafyllou, le médecin traitant est évidemment le point central d’une hospitalisation à domicile. Le médecin coordonnateur de l’HAD ne peut pas jouer son rôle.

Enfin, différents professionnels interviennent pendant l’HAD. Il est nécessaire, à la fois, d’organiser des réunions de coordination et de rémunérer ces professionnels de manière correcte. J’observe, notamment, que les actes de certains d’entre eux ne sont pas toujours bien pris en compte dans la nomenclature. En particulier, l’évaluation de la douleur par un personnel infirmier n’est pas cotée ou est mal cotée, ce qui rend les choses assez difficiles.

Je n’ai pas de remarque sur la rémunération du médecin traitant.

On peut dire que la HAD, qui permet une sortie précoce du patient, permet aussi de rapprocher celui-ci de son domicile, de ses proches et des soins de proximité, et probablement de réduire son exposition au risque nosocomial hospitalier. En effet, passer deux ou trois jours à l’hôpital n’entraîne pas le même risque nosocomial qu’y passer une semaine. Donc, au plus vite on sort de ce lieu « mortifère », comme vous l’avez dit…

M. le coprésident Pierre Morange. Il ne l’a pas dit, même s’il l’a pensé assez fort…

Dr Alain Jacob. Je l’ai pris avec le sourire… Diminuer le risque nosocomial est important. Car il permet de limiter le coût direct de l’hospitalisation en réduisant à la fois la durée de celle-ci, mais aussi le risque nosocomial et les coûts qu’il engendre.

Il faudra sûrement discuter de la porosité entre les deux secteurs et de leur complémentarité, et de la continuité des soins entre les SSIAD, l’HAD et les prestataires de services privés qui interviennent sans apporter la même sécurité – le plus souvent, il n’y a pas de compétence médicale et la présence du médecin traitant est rare, au moins au moment du montage du projet, ce qui est assez préjudiciable.

Comme on l’a fait remarquer, la taille des structures d’HAD est très variable, entre les grosses organisations comme Santé-Service et les HAD montées à partir d’un établissement hospitalier ou, éventuellement, d’un centre hospitalier. Il est d’ailleurs probable que les groupements hospitaliers de territoire (GHT) auront la tentation, ou le besoin, d’organiser une HAD – en coopération, bien sûr, avec les praticiens libéraux. Ce sera l’occasion de faire tomber les murs pour mieux discuter du parcours du patient aux différentes étapes de sa maladie, ainsi que de la prise en charge des maladies chroniques.

Dr Renaud Péquignot, secrétaire général d’Avenir Hospitalier. Je suis gériatre et je m’occupe d’un service de rééducation gériatrique et neurologique. Nous avons souvent recours à l’HAD, et notre hôpital de Saint-Maurice a créé une HAD de rééducation ; il s’agit d’une HAD spécialisée. Cela m’amène à répondre à l’objection du Dr Hamon.

Pour moi, l’HAD est indispensable, en particulier si elle apporte ce que l’on ne trouve pas facilement en ville. En effet, dans une HAD classique, le médecin traitant joue, au niveau de la prise en charge médicale, un rôle majeur et quasi « total ». Mais une HAD de rééducation permettant à des patients de sortir de neurologie ou d’orthopédie pour aller directement à leur domicile, avec un médecin coordinateur spécialisé en médecine physique et réadaptation (MPR), peut apporter une incontestable valeur ajoutée.

Qui prescrit ? Pour moi, c’est très majoritairement le médecin hospitalier, pour deux raisons. Premièrement, l’HAD émane de l’hôpital. Deuxièmement, c’est pendant l’hospitalisation que l’état du patient varie au jour le jour. Le médecin hospitalier est donc à même d’apprécier le moment précis où le patient peut entrer en HAD.

Cela répond aux interrogations des libéraux qui se plaignent que les patients qu’ils souhaitent faire accepter en HAD sont toujours considérés comme trop malades, ou pas assez. Il est exact qu’il est plus aisé de se déterminer à l’hôpital, lorsque l’on a le patient sous les yeux et que l’équipe dépend de l’hôpital.

Pourquoi ne prescrit-on pas assez de HAD ? De notre point de vue, c’est très clairement par manque de place. Notre HAD, par exemple, refuse du monde.

À quel prix ? Pour l’HAD de rééducation, il est clairement insuffisant. En effet, le tarif est à peu près identique entre une HAD polyvalente avec un kinésithérapeute de ville qui passe vingt minutes auprès du patient et une HAD de rééducation avec kinésithérapie, ergothérapie, orthophonie, psychomotricité. C’est le gros problème de notre HAD, qui n’a pas les moyens d’apporter son expertise, alors qu’elle permet précisément au service de neurologie, par exemple, de faire sortir des patients de l’hôpital directement en ville – bien entendu, s’ils le souhaitent et si c’est possible. Les patients veulent avant tout être bien rééduqués, mais ils préfèrent suivre leur rééducation en ville, si c’est faisable.

Dr Jacques Bétremieux, président de la Confédération des praticiens des hôpitaux (CPH). Je reprendrai en partie les propos qui ont déjà été développés.

L’HAD fait partie des outils qui permettent de rapprocher l’hôpital des patients. En psychiatrie, nous avons voulu développer de tels outils, mais ceux-ci se sont rapidement bloqués en raison de problèmes de financement. Pour autant, d’autres formes d’équipes mobiles de soins à domicile sont appelées à se développer.

Je voudrais m’arrêter sur la notion d’équipe. Notre collègue a insisté à juste titre sur la nécessaire coordination des médecins et sur l’importance de la place des médecins traitants, avant, pendant et après l’HAD. Une HAD, c’est une équipe de différents professionnels qui accompagnent les patients. Dans notre spécialité, c’est tout à fait essentiel.

Comme l’a fait remarquer notre collègue, les orientations se font à partir de l’hôpital. Pour nous, c’est très clair : c’est bien à l’hôpital de le faire. Cela correspond tout à fait à notre point de vue.

L’HAD est le lieu où l’on pourrait inventer de nouvelles formes d’articulation entre l’ambulatoire et l’hospitalisation, en phase avec les réseaux de soins dont la place est très importante, et d’autres partenaires – sociaux, EHPAD, etc. Cela suppose de le prendre en compte au moment de la formation, et donc de faire évoluer de façon conjointe la culture des uns et des autres.

Dr Jacques Trévidic, président de la CPH. J’observe moi aussi que même si c’est encore difficile à entendre, il faut faire disparaître les murs entre l’hôpital et la ville et travailler en équipe. C’est important.

Par ailleurs, je remarque que l’insuffisance des systèmes d’information s’observe à chaque bout de la chaîne : lorsque les patients arrivent à l’hôpital, nous manquons d’informations, y compris sur les traitements médicamenteux ; de la même façon, quand ils sortent, les informations ne sont pas transmises correctement, et ne le sont pas dans les délais. Pourtant, ce sont des problèmes dont on entend parler depuis de nombreuses années. Visiblement, les solutions simples sont sans effet. Mais il n’y a pas que dans le domaine de la santé que les problèmes de systèmes d’information se posent. Il y a eu beaucoup de missions parlementaires sur le sujet…

M. le coprésident Pierre Morange. Il y en aura une prochaine sur le big data. J’en serai le rapporteur.

Dr Jacques Trévidic. Il est clair qu’il faut absolument essayer de progresser en ce domaine, surtout si l’on doit essayer de communiquer entre nous. C’est dans l’intérêt des acteurs comme des patients.

Qui prescrit l’HAD ? Tout le monde l’a dit, ce sont plutôt les médecins hospitaliers.

Quel est le rôle du médecin traitant ? Le médecin traitant a clairement un rôle pivot dans le cadre de l’HAD.

Que pensons-nous de la rémunération ? Nous n’avons pas grand-chose à en dire, dans la mesure où le sujet concerne bien plus les libéraux.

Je terminerai en remarquant que l’HAD ne coûte pas forcément moins cher que l’hospitalisation. Fondamentalement, ce n’est pas le plus important, parce qu’il faut voir d’abord l’intérêt de cette prise en charge pour les patients. Mais il ne faut pas imaginer que l’on va faire des économies de cette façon. C’est clair, notamment dans certaines spécialités comme celles dont on a parlé, la psychiatrie, la rééducation, etc.

M. le coprésident Pierre Morange. Le sujet a tout de même été abordé dans le dernier rapport de la Cour des comptes, qui soulignait l’insuffisance des études médico-économiques sur l’HAD. De ce fait, les tarifications pour la prise en charge de l’HAD ne sont pas adossées à des études médico-économiques. Or ces études permettraient de définir les axes stratégiques d’une politique visant à développer des solutions alternatives s’agissant des établissements de soins.

Dr Jacques Trévidic. En même temps, est-ce que l’on développe l’hospitalisation à domicile parce qu’elle coûte moins cher, ou parce que cela présente un intérêt pour le patient ? Il ne faut pas prendre la question à l’envers.

Dr Rémy Couderc, secrétaire général de la Coordination médicale hospitalière (CMH). C’est le privilège de celui qui parle en dernier : presque tout a déjà été dit.

Je voudrais insister sur la notion de réseau. À l’heure où l’on met en place les GHT, il convient de s’interroger sur l’intégration de l’HAD dans les GHT. C’est une question à laquelle je n’ai pas de réponse. Mais c’est un aspect de la relation ville-hôpital, laquelle doit être mûrement réfléchie. Je pense qu’il faudrait évoquer cet aspect au moment de l’élaboration du fameux projet médical partagé.

Je voudrais également insister sur le problème de la formation. Vous avez cité le rapport de la Cour des comptes, dont certains chiffres étaient assez effrayants. Je pense notamment au très bas pourcentage d’internes qui passent ou font des stages en HAD. C’est peut-être une des raisons de la faiblesse de la prescription et de l’utilisation de cet outil qui, pour moi, est un élément important dans la prise en charge, et dans la continuité de la prise en charge du patient.

J’observe que l’on n’a pas parlé de l’information des patients, qui me semble toutefois importante. Il faut former non seulement les cliniciens mais aussi les patients, pour qu’ils soient prêts à accepter ce type d’hospitalisation.

J’ai moi aussi noté l’hétérogénéité des structures, qu’il s’agisse de leur taille ou de leurs missions. Tout à l’heure, certains ont parlé de missions extrêmement spécifiques, tout à fait définies, et donc parfaitement évaluables. Mais il existe des structures dont les missions sont moins claires.

Plus généralement, vouloir augmenter l’utilisation de ce type de prise en charge nécessite une évaluation, qui manque aujourd’hui pour répondre à toutes vos questions.

Enfin, aux trois questions que vous avez posées, je répondrai de la même façon que l’ensemble de mes collègues.

Mme la rapporteure. J’ai remarqué que vous aviez quasiment tous dit que l’HAD était prescrite par les médecins hospitaliers. Mais vous vous placez en sortie d’hospitalisation. Lorsqu’il s’agit d’éviter une hospitalisation, ce n’est pas au médecin hospitalier d’intervenir, mais au médecin traitant de ville. Alors, pourquoi les médecins traitants ne prescrivent-ils pas davantage d’HAD ? Parce qu’il manque des structures ? Parce que les structures qui sont en place ne répondent pas aux besoins du patient ? Parce que les médecins ne sont pas assez formés ? J’aimerais connaître votre sentiment.

Dr Jean-Paul Hamon. Il y a plusieurs raisons à cela.

On a mis en avant la méconnaissance des étudiants. Mais en fait, le problème n’est pas là : s’ils faisaient, au cours de leur cursus, au moins un an de stage en libéral, je peux vous dire que le manque de communication entre la ville et l’hôpital n’existerait plus. C’est cela qu’il faut changer.

Vous dites que la communication ne se fait pas et que l’on attend le big data. Il se trouve que j’ai participé au lancement du dossier médical partagé (DMP) en 2004, parce que j’avais déployé, de mon côté, une messagerie sécurisée avec Apicrypt – qui fonctionnait. M. Jacques Sauret, qui n’était pas encore directeur du groupement d’intérêt public sur le DMP, s’est levé et a déclaré : « dites au ministre Douste-Blazy que nous ne sommes pas prêts ». Mais on serait prêt si, en en-tête des messages que l’on envoie à l’hôpital ou à nos correspondants spécialistes ou hospitaliers, figuraient les allergies, les intolérances, le traitement, une ligne d’antécédents, une ligne de vaccinations et les coordonnées du patient. Dans ces conditions, je peux vous dire que la prise en charge s’en trouverait singulièrement améliorée.

Il faut donc modifier les études, mettre en place une communication simple basée sur la messagerie et supprimer tous les maniaques de l’informatique hospitalière qui ne sont même pas capables de communiquer entre services !

Je vous livre mon expérience : un interne me téléphone pour me parler d’un patient qui a déjà été hospitalisé dans ce même hôpital, pour me demander ce qu’il prend comme médicaments, quelle est sa pathologie, etc. Comme vous l’avez remarqué, certains patients sont poly-pathologiques et vont souvent à l’hôpital. Donc, il m’appelle pour obtenir les renseignements que je lui ai déjà donnés et quand je lui demande son adresse de messagerie où je puisse les lui envoyer directement, il m’indique qu’il faut que je les imprime et que je les lui envoie par télécopie. C’est invraisemblable quand on voit l’argent qui a été dépensé en matière d’informatique hospitalière ! Franchement, les informaticiens d’hôpital, je les mettrais en Sibérie dans les mines de sel !

Mais surtout, il faut que nous, médecins libéraux, ayons le droit de prescrire ce qui est réservé aux médecins hospitaliers. Par exemple, quand je veux maintenir quelqu’un à domicile ou accompagner une fin de vie, je n’ai pas le droit de prescrire de l’Hypnovel : il faut que ce soit un médecin hospitalier qui le fasse. Si je veux traiter un ulcère compliqué à domicile, je ne peux pas utiliser les VAC (traitement par pression négative) parce qu’il faut, soit faire partie d’un réseau, soit que ce soit en HAD. Je ne peux pas prescrire de VAC. Je suis obligé d’hospitaliser mon patient pour qu’il revienne avec le traitement. Ce n’est pas acceptable !

En conclusion, il faut modifier la formation. Il faut veiller férocement à l’argent que vous donnez pour tous ces plans d’informatisation. Quand je pense que l’on parle de relancer le DMP alors que l’on y a déjà englouti 500 millions, je considère que c’est un scandale ! Enfin, il faut nous permettre de prescrire ce qui est réservé aux hospitaliers. Et je peux vous assurer que cela ne coûtera pas cher. Voilà les solutions !

M. le coprésident Pierre Morange. On ne va pas refaire le débat sur le DMP. Nous sommes tous convaincus de la gabegie budgétaire qui en est résultée, du fait que les motivations des uns et des autres ne sont pas uniquement dues à l’incompétence, en matière d’informatique, d’autres Thomas Diafoirus qui peuplent les ministères. Il faut souligner aussi les intérêts « conséquents » d’un certain nombre de multinationales, qui ont vu dans le DMP l’espoir de marchés colossaux et ont proposé des solutions juste ingérables. Mais c’est un autre sujet.

Le sujet de la messagerie sécurisée est un peu à la base de la philosophie de la CNAM, dans le cadre de la mise en place d’un dispositif généralisé à l’horizon 2017 – ce qui est une heureuse décision. Même si comparaison n’est pas raison ni excuse, je rappellerai l’expérience de nos collègues anglais, qui s’est traduite par un débours financier encore plus important que le nôtre et les a amenés à abandonner complètement leur projet. Devant cet échec, l’Ordre national des médecins allemand a lui-même pris un peu de recul au regard de la mise en œuvre d’un tel dispositif.

Donc, on l’a bien compris, la complexité du sujet n’est pas une justification. En effet, il faut l’aborder avec un certain pragmatisme, qui s’adosse à des expériences réussies.

Dr Luc Duquesnel. Qui prescrit, qui demande ? Je voudrais revenir sur ce que vous disiez, docteur Péquignot. Si le patient est hospitalisé, ce qui est le cas le plus fréquent aujourd’hui, on ne le mettra pas en HAD sans que le médecin hospitalier en ait fait la demande, bien sûr avec l’accord du médecin traitant et du service d’HAD – le médecin coordonnateur. Cela se fait en coordination entre ces trois médecins. Reste que l’avis du médecin traitant est essentiel : mettre en place une HAD peut-être assez lourd pour la famille. Et si le patient est en ambulatoire, la HAD peut constituer une alternative à l’hospitalisation
– dans la mesure, bien sûr, où la structure d’HAD existe.

Vous parliez tout à l’heure de l’hétérogénéité des structures d’HAD et de leurs missions. Ce qui nous frappe surtout, en tant que médecins généralistes, ce sont les modes de fonctionnement de ces structures. Il arrive que nous ne soyons pas informés, qu’on ne nous demande pas notre avis et qu’on ne reçoive pas de courrier. Nous sommes mis au courant par l’infirmier ou par la famille. Vous pensez bien que dans ces cas-là, l’image qu’on a de l’HAD est telle qu’on ne risque pas d’y mettre nos patients.

Enfin, vous avez parlé des systèmes d’information. Aujourd’hui, nous travaillons en exercice coordonné : ambulatoire, médecin, infirmière, équipe de soins primaires, hôpital, service d’HAD. Mais il arrive que l’on communique encore entre nous avec des dossiers papier, par post-it, par téléphone ; cela signifie qu’en dehors du dossier papier, il n’y a aucune traçabilité. Je ne suis pas sûr que les mines de sel en Sibérie évoquées par Jean-Paul Hamon soient suffisantes pour régler le problème…

Dr William Joubert. On a évoqué les freins à l’HAD, et notamment le fait que nous ne puissions pas, ou plus, avoir accès à certaines prescriptions. Mais le frein principal réside dans le périmètre qui est donné à l’HAD par la Cour des comptes : on voit bien que toutes les nouvelles activités vers lesquelles l’HAD tend à se développer peuvent être assurées par la médecine de ville. Elle aspire à le faire depuis des années, en coordination.

Nous avons proposé une modélisation de la prise en charge de la coordination entre médecins, pharmaciens, infirmières, kinésithérapeutes, orthophonistes, etc. Cela suppose d’avoir des outils d’information qui permettent de communiquer entre nous, et des niveaux de parcours de soins, dans la mesure où l’on va intervenir en équipes.

Ces équipes de soins que nous réclamons ne sont pas des équipes de soins primaires, ni les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) de la loi de modernisation de notre système de santé – qui vont enfermer les patients et les praticiens dans des modèles inaccessibles ou peu accessibles à la médecine de ville. Ce que nous souhaitons, c’est que vous nous donniez les moyens de faire de la coordination en ville. Nous prendrons alors notre place, et toute notre place. Mais nous n’avons pas les moyens de le faire.

M. le coprésident Pierre Morange. On met souvent en avant ce déficit de moyens. Je crois qu’il y a une unanimité en faveur de la mise en œuvre opérationnelle d’une véritable hospitalisation à domicile, que le corps de santé libéral pourrait se réapproprier – dans la mesure où il a le sentiment d’en être complètement écarté.

Mais qui devrait fournir les moyens en direct ? Le dispositif devrait-il être adossé aux moyens de l’assurance maladie ? Y avez-vous réfléchi ?

Dr Renaud Péquignot. Pour moi, bien évidemment, un patient arrive en HAD parce que le médecin traitant, le médecin coordonnateur de l’HAD et le médecin hospitalier y sont tous les trois favorables. Quand je parlais de prescription, je parlais de celui qui lance le processus, qui est le médecin de l’hospitalisation complète.

Pour ce qui est des moyens, je ne voudrais pas être grossier, mais depuis dimanche soir, je sais où va l’argent qui est subtilisé à la santé un peu plus chaque année : au Panama. Si vous en cherchez, embauchez des contrôleurs fiscaux : 80 milliards par an…

M. le coprésident Pierre Morange. La fraude sociale nous coûte 25 milliards d’euros au minimum ! Nous avons produit quelques rapports sur le sujet, et nous avons pu en faire la démonstration.

Dr Renaud Péquignot. On pourrait même y ajouter 52 milliards de niches sociales, dont l’intérêt n’est pas « évident », selon la Cour des Comptes.

Je voudrais être un peu plus précis sur la tarification, car je pense que cela conditionne en partie la provenance des prescriptions. L’HAD est rémunérée au plus juste, ce qui veut dire que pour que l’équipe d’HAD puisse s’en sortir, elle est obligée de trier ses patients « sur le fil ». C’est pour cette raison qu’elle tient à conserver une totale maîtrise : un patient qui n’est pas tout à fait assez gravement atteint, on va lui demander des comptes ; un patient qui est un tout petit peu trop gravement atteint va lui coûter trop cher.

Pour apporter un peu de souplesse au dispositif, il faudrait pouvoir appliquer des tarifs différenciés. C’est un peu le sens de mon intervention de tout à l’heure sur la chaîne de rééducation : pour pouvoir accueillir davantage de patients, et pour pouvoir être plus ouvert sur l’origine de la prescription, il faudrait que l’HAD puisse rentrer dans ses fonds et que la palette de gravité des patients soit un peu plus vaste.

M. le coprésident Pierre Morange. Ce qui nous renvoie, éventuellement, au sujet des référentiels, qui a été souligné par nombre de personnes auditionnées – notamment la Cour des comptes.

Dr Jean-Louis Bensoussan. Pour répondre précisément à votre question, il faut se mettre dans la « vraie vie » du généraliste qui va voir à domicile un patient dont l’état s’aggrave. Sa visite dure vingt, trente minutes, voire quarante minutes, mais rarement plus. Il faut donc se décider vite, sous la pression de la famille et de l’entourage. Le plus souvent, on décide l’hospitalisation.

Si l’on décide directement de la mise en place d’une HAD, on prend tout sous sa responsabilité. C’est possible, et on est formé pour cela. Mais il arrive, de temps en temps, qu’on ait besoin d’un avis spécialisé qui nous fournira l’élément qui nous manque.

En revanche, quand le patient fait l’objet d’une sortie normale parce qu’il va mieux, mais que son état s’aggrave dans les jours ou les semaines qui suivent, nous devrions plus facilement pouvoir lui proposer la HAD afin de lui éviter une nouvelle hospitalisation.

Or on se heurte au fait qu’il n’y a pas de place. Le budget des structures d’HAD est tellement serré qu’elles sont toujours pleines : elles n’ont pas de lit disponible. Elles répondent qu’il faut attendre huit jours, qu’il faut voir, que le patient est trop malade, ou pas assez. Et les problèmes de délai font que, souvent, on est obligé de réhospitaliser celui-ci.

Mme la rapporteure. Je voudrais vous interroger à propos des familles. Prenez-vous toujours leur avis en cas de prescription en HAD ? Regardez-vous comment le domicile est constitué ? Prenez-vous en compte la famille et sa capacité physique et psychologique d’avoir un malade à la maison ?

Dr Rémy Couderc. Je voulais revenir sur le problème des moyens et des référentiels. Dans le compte rendu de l’étude de la Cour des comptes, il était spécifié que vingt et un établissements avaient répondu. En fait, les établissements d’HAD n’ont ni comptabilité analytique ni moyens informatiques. C’est l’un des facteurs de biais dans la construction éventuelle de référentiels. Et je pense qu’il est essentiel de régler ce problème si l’on veut arriver à une juste rémunération des actes établis en HAD.

Par ailleurs, on est amené à penser que le développement de l’HAD pourrait être financé par un transfert de moyens de l’hôpital, puisque ce développement se traduira par réduction du nombre de personnes hospitalisées. Mais le raisonnement est un peu court, car la pathologie des patients hospitalisés augmentera aussi, dans la mesure où les patients les moins gravement atteints seront en HAD. Je crois donc que la question est assez compliquée, et que l’on n’est pas près d’y répondre.

Dr Michel Triantafyllou. Nous avons fait l’expérience en psychiatrie : si les aidants familiaux ont développé ce que l’on appelle « la capacité à entourer, accueillir et accompagner », le retour à domicile des patients se passe beaucoup mieux. Je pense donc qu’il est fondamental de lancer des programmes de formation, d’éducation thérapeutique à destination des tiers aidants familiaux – au sens plus large de l’environnement familial des patients. C’est l’une des clés de la réussite d’une HAD, préventive, ou en post cure. Le Centre collaborateur de l’OMS pour la santé mentale (CCOMS) a fait une étude sur les formations et les profils des tiers aidants…

M. le coprésident Pierre Morange. Par qui sont assurées les formations ?

Dr Michel Triantafyllou. Il s’agit d’un programme conjoint entre l’université Paris VIII et le CCOMS.

Dr Luc Duquesnel. Pour nous, il s’agit de savoir non seulement qui paie, mais surtout si on va être payé et à quelle hauteur. Les médecins généralistes ont identifié que l’on appelle des « actes longs ». L’un de nous a fait référence à la visite longue. Pour les patients en soins palliatifs, les réunions de concertation à domicile durent une heure. De telles réunions sont essentielles à la réussite de l’HAD, et hors HAD pour des patients qui sont en soins palliatifs. Elles permettent d’éviter des hospitalisations au cours de ces prises en charge.

Maintenant, qui paie ? Nous souhaiterions que ce soit un acte dans la nomenclature. Quant au montant de l’enveloppe, il faut qu’il soit ajouté à notre ONDAM. Mais nous avons eu une mauvaise expérience avec la majoration pour personne âgée : les maisons de retraite qui sont au tarif global refusent de nous la verser : comme elles ont une enveloppe globale, si jamais elles versent cette majoration au médecin généraliste, elles seront davantage déficitaires. Voilà pourquoi nous souhaiterions qu’une lettre clé s’impose à tout le monde.

J’en viens à l’avis des familles. Celui-ci est essentiel dès le départ. Si j’ai insisté sur l’importance de la concertation avec le médecin traitant, c’est parce qu’une HAD, notamment pour un patient en fin de vie, est très intrusive et peut-être anxiogène. Le projet thérapeutique doit être partagé par tous. Il arrive – je le vois au cours de mes gardes de régulation – d’hospitaliser des patients en HAD en fin de vie ou en soins palliatifs parce que leur famille angoisse. On le fait à la demande de la famille, alors que je suis sûr que le patient voudrait rester à domicile.

Cela se passe lorsque le projet thérapeutique n’a pas été suffisamment partagé par l’équipe – l’équipe de l’HAD, l’infirmière, le médecin généraliste, tout le monde. Vous imaginez bien l’état dans lequel se trouve le patient, qui va devoir passer six heures sur un brancard avant d’être pris en charge aux urgences. Le réhospitaliser dans de telles conditions n’est pas l’idéal.

Très clairement, on doit permettre au médecin traitant de s’investir beaucoup plus en HAD. Aujourd’hui, entre autres, la tarification est un frein énorme. Si l’on ne prend pas en considération le temps que nous y passons, nous ne sommes pas incités à y recourir.

M. le coprésident Pierre Morange. Le temps qui nous est imparti est quelque peu dépassé. Je vais donc vous demander d’intervenir de façon très concise, et de nous livrer vos conclusions et vos recommandations. N’hésitez pas à aller au-delà des généralités : nous attendons de vous des propositions pratiques. Et si elles nous semblent particulièrement pertinentes, nous aurons à cœur de proposer de les décliner soit sous forme réglementaire, soit sous forme législative.

Dr Jean-Louis Bensoussan. Très souvent en effet, c’est le praticien hospitalier qui propose l’HAD. S’il n’y a que des pansements à faire, l’HAD sera temporaire, jusqu’à la cicatrisation, et elle sera relativement bien acceptée par la famille. Il en va différemment quand on est dans du soin palliatif. Je remarque de plus en plus souvent que seule une petite partie de la famille comprend ce qu’il en est, et que cela se terminera par le décès de leur proche. Nous risquons alors de nous trouver confrontés au fils, au neveu, ou à toute autre personne qui s’étonne de voir son parent alité et qui demande qu’on l’hospitalise pour le soigner. Il est donc très important que le service hospitalier nous assure que l’on a bien informé la famille qu’on était dans du soin palliatif et dans une fin de vie. Cela me paraît essentiel.

Par ailleurs, très souvent, l’HAD transforme la pièce principale du domicile en un hôpital, avec le lit, le matériel, les perfusions et les tables. Et, j’observe qu’il est très difficile ensuite, pour la famille, de retrouver un lieu de vie normal.

Dr Renaud Péquignot. C’est un peu particulier, mais notre HAD de rééducation est toujours précédée d’une visite à domicile avec un ergothérapeute, éventuellement une assistante sociale ou un psychologue pour tester l’accessibilité des lieux et la solidité psychologique des familles. Lors de nos premières expériences, nous nous sommes aperçus que la cause du retour rapide à l’hospitalisation complète est moins l’inadaptation du domicile – parce qu’on la voit d’entrée de jeu – qu’une trop grande confiance dans la solidité du conjoint ou des enfants. C’est alors l’échec assuré en quelques jours.

Quant à mes conclusions, je vous les enverrai par mail.

Dr Jean-Paul Hamon. J’ai dit tout à l’heure que l’on avait besoin d’un peu de souplesse, de matériel et des médicaments nécessaires. En fin de vie du patient, lorsque la famille se rend compte de ce que c’est que de mourir à domicile, il faut qu’elle soit solide. Quant au médecin généraliste, il devient bricoleur et finit par apprendre le métier d’ergothérapeute « sur le tas » : il sait qu’une personne d’une certaine corpulence va avoir du mal à passer, qu’il va falloir enlever les portes pour pouvoir utiliser le fauteuil roulant, etc.

Si nous étions prévenus un peu en avance que le malade va revenir à son domicile, ce serait bien. Bien souvent, on découvre qu’il arrive en HAD alors que tout est installé. On est censé nous demander notre avis avant. Or on ne le fait jamais.

M. le coprésident Pierre Morange. Ce propos conclusif n’a évidemment pas vocation à terminer le débat. Nous sommes dans l’attente de vos différentes contributions. Et comme je vous le disais, nous aurons le plaisir de vous accueillir autour de notre prochaine thématique : la gestion des données au titre du SNIIRAM (système national d’information inter-régime de l’assurance maladie) et du PMSI (programme médicalisé des systèmes d’information) et ses enjeux stratégiques, tant en termes de politique de santé à l’échelle nationale, que de confidentialité et de sécurisation des données. De tels enjeux suscitent de très gros appétits de la part d’un certain nombre d’investisseurs dans le monde informatique, commercial et assurantiel.

Je vous remercie.

La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.