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Mercredi 30 avril 2014

Séance de 16 heures 45

Compte rendu n° 10

Présidence de M. Jean-Christophe Fromantin, Président

– Audition commune sur l’influence française dans le monde avec M. Xavier Darcos, ancien ministre, président de l’Institut français ; M. Christophe Musitelli, directeur du département Langue française, livre et savoirs de l’Institut français ; Mme Mercedes Erra, présidente d’Euro RSCG ; M. Michel Foucher, géographe, professeur à l’École normale supérieure d’Ulm, et Mme Sophie Pedder, chef du bureau parisien de The Economist

Mission d’information
sur la candidature de la France à l’exposition universelle de 2025

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Les expositions universelles ont lieu tous les cinq ans : la dernière s’est déroulée à Shanghai en 2010, la prochaine se tiendra à Milan en 2015 et la suivante à Dubaï en 2020. Les pays candidats à celle de 2025 devront déposer leur dossier en 2016, les États membres du bureau international des expositions devant désigner le pays organisateur en 2018.

Notre Mission vise à comprendre la mécanique des expositions universelles, le processus de décision de ces grands événements, à comprendre en quoi l’organisation de l’exposition universelle contribuerait au rayonnement de la France, de son économie, de ses entreprises, de ses territoires, de son urbanisme, de ses villes. Il s’agit de savoir comment une telle opération pourrait réenclencher une perspective positive, stimuler l’innovation.

Depuis deux mois, nous avons déjà abordé la saga des expositions universelles françaises au XIXe siècle, entre 1855 et 1900, qui ont été à chaque fois des accélérateurs de progrès, d’enthousiasme, d’innovation et une source d’affluence – on compare souvent les 53 millions de visiteurs de l’exposition de 1900 aux 70 millions de celle de Shanghai en 2010 – comparaison qui montre, alors que les moyens de communication ne sont plus les mêmes, le succès de la dernière grande exposition universelle française.

La présente audition a pour objet l’influence et l’esprit positif qu’une telle initiative pourrait insuffler à un pays réputé pessimiste, résigné, voire fataliste.

Monsieur Darcos, vous êtes, entre autres, ambassadeur en mission pour l’action culturelle extérieure de la France.

M. Xavier Darcos, ancien ministre, président de l’Institut français. Je ne suis pas un spécialiste des expositions universelles, aussi voudrez-vous bien excuser le caractère confus de mon intervention.

Tous ceux qui voyagent sont frappés par le très grand prestige de Paris, capitale marquée par la culture et par des symboles qui renvoient, précisément, à des expositions universelles antérieures – on pense évidemment à la Tour Eiffel. Voilà un argument très fort en faveur de l’organisation d’une exposition universelle à Paris.

Une telle manifestation offrirait en outre l’occasion de montrer de la France ce que l’on n’en dit pas toujours. À l’étranger, l’image de la France est très positive en matière culturelle, patrimoniale, historique, architecturale, en termes de design, de mode, de magasins de luxe… Or cette image positive cache des réalités économiques plus intéressantes et plus utiles pour nous et que pourrait souligner une exposition universelle. Ainsi, peu de gens ont conscience de l’importance du livre, du cinéma, de la télévision, des jeux vidéo – autant d’éléments de notre génie et de notre action économique. Quand on visite les studios d’animation Pixar, il n’est pas nécessaire de parler américain : tous les dessinateurs sont français et tous ont été formés en France.

Ceux qui souhaitent que l’exposition universelle de 2025 soit organisée à Paris devraient d’abord s’appuyer sur cet argumentaire : la France a quelque chose d’autre à dire que ce qu’on en dit d’habitude, qui ne doit bien sûr pas être rejeté pour autant.

Ensuite, parmi les éléments qui rendent visibles une nation ou une grande collectivité, comptent désormais des « signaux » architecturaux – on pense au modèle, désormais ancien, de Bilbao, exporté dans le monde entier. Or, pour ce qui est d’une vision organisatrice, d’une vision de la ville, la France a de très grandes compétences. Les architectes français sont connus et présents dans le monde entier.

Une exposition universelle aura donc à parler de cette évolution fondamentale de l’organisation sociale qu’est la conurbation, la mégapole, l’organisation architecturale – je l’ai dit –, l’organisation logistique des grandes cités, les transports, sujets sur lesquels la France a des acteurs de premier plan.

Il ne faut renoncer à rien de ce qui fait l’identité française en matière esthétique, artistique, de design, de mode, de gastronomie, de mode de vie. Quand on va à Las Vegas, toutes sortes de signaux renvoient à la folie architecturale américaine, mais les trois grands noms qu’on lit sur les affiches sont tout de même ceux de trois grands cuisiniers français – et il faut réserver longtemps à l’avance si l’on veut une place dans leurs établissements…

Il reste une puissance figurative encore visible du génie français, au sens traditionnel, qu’une exposition universelle devrait mobiliser.

M. Christophe Musitelli, directeur du département Langue française, livre et savoirs de l’Institut français. Le département que je dirige cherche à mettre en valeur universitaires, écrivains, chercheurs, sur des thématiques à propos desquelles nous considérons que la France a une position originale. Il s’agit, dans cette perspective, de créer des dialogues à travers, notamment, la traduction des œuvres, en mettant en contact des acteurs de la société civile et des acteurs plus institutionnels. Nous travaillons sur cette chose très complexe, très fine et en même temps indéfinissable qu’est l’image. Comment donner de la France une image qui dépasse cette morosité dont on nous accuse et nous accable ?

Je viens de passer huit ans aux États-Unis : quatre ans à San Francisco en tant qu’attaché culturel et quatre ans à New York en qualité de conseiller culturel adjoint de l’ambassade de France. La première impression de la France, au retour, est difficile. On peut néanmoins parier sur l’attractivité de notre pays. Pendant mon séjour aux États-Unis, j’ai en effet noté un désir, une appétence, une curiosité remarquable pour tout ce qui était français : de la cuisine à Marcel Proust, du cinéma de niche jusqu’à quelques best sellers. Il n’est ainsi pas anodin de constater que le bouquin qui se place en tête de liste sur le site Amazon est celui de l’économiste français Thomas Piketty qui apporte une vision différente sur des sujets d’actualité. Cette curiosité, qui a souvent du mal à être économiquement tangible, trouve là, de manière assez évidente, une application. Il faut parier sur le fait que la France a encore des choses à dire : la conférence sur le climat, l’année prochaine, va mettre l’accent sur le rôle pivot que joue notre pays sur les grandes thématiques de l’avenir.

M. Xavier. Généralement, dans les milieux les plus divers, cette prétention de la France à parler pour l’Humain et pas seulement pour des identités, ne nous est pas totalement déniée, j’y insiste, au point même que dans le lexique de pays très éloignés de nous, comme la Chine, une partie de notre vocabulaire littéraire est devenue du vocabulaire philosophique. Ainsi la notion de romantisme a-t-elle un sens très précis pour les Chinois et renvoie à l’idée d’insurrection, de révolution beaucoup plus qu’à un mouvement littéraire propre à la France.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Quel écho peut avoir l’idée que la France accueille une exposition universelle et en quoi l’organisation de celle-ci pourrait-elle renforcer l’optimisme et la confiance ? Que penser d’une telle candidature alors que la France a subi des échecs, dont un récemment pour l’organisation des jeux olympiques ?

M. Michel Foucher, géographe, professeur à l’École normale supérieure d’Ulm. Je n’ai pas la prétention de dessiner la stratégie de cette candidature, même si les premières réunions auxquelles j’avais été convié à la mairie de Neuilly, il y a deux ans, m’avaient plutôt rassuré.

Quel peut être l’objectif d’une telle exposition pour la France en Europe ? Au plan externe, il s’agit de redevenir prescripteur. Nous sommes influents, mais nous ne sommes pas prescripteurs : le journal Le Monde, par exemple, n’est pas traduit en anglais alors que The Economist ou le Financial Times sont lus partout. À part Radio France internationale – et, dans une très faible mesure, France 24 –, nous ne disposons plus de plateforme de prescription. La France maîtrise mal son image extérieure : souvent, ce n’est pas elle qui parle de la France. Le 20 avril 2013, François Hollande a inauguré l’Institut Pasteur de Shanghai – le trente-deuxième ! C’est une aventure qui a commencé en 1891, mais personne ne le sait. Nous sommes une puissance médicale et scientifique mondiale. Mais nous laissons les autres retranscrire notre morosité ; les Américains déplorent l’image que nous avons de nous-mêmes. Un premier objectif consisterait à reprendre la parole sur la réalité du pays.

Ensuite, il faut viser non seulement l’extérieur, mais également la population française et européenne. Le principal impact des Jeux olympiques de Londres a été de donner au public britannique une image moderne, actualisée dont on voit aujourd’hui les effets en termes de croissance. Ces Jeux ont donné au public britannique une image qu’ils avaient un peu perdue depuis la fin de la Seconde guerre mondiale ou depuis la crise de Suez. Ma thèse est que le rebond de l’économie britannique s’explique par le regain de confiance en soi donné par les Jeux.

Réfléchissons par conséquent aux deux objectifs d’une telle exposition : reprendre le contrôle de notre image extérieure et en finir une fois pour toutes avec la pensée du déclin.

Il faut en finir une fois pour toute avec cette pensée du déclin entretenue par la presse nationale. J’en veux pour preuve le succès considérable de l’Atlas de l’influence française au XXIe siècle auprès des journalistes de la presse régionale qui lui ont consacré des couvertures, des doubles pages – notamment dans Ouest France, Les dernières nouvelles d’Alsace, Nord éclair, La Montagne, Le Progrès de Lyon – l’une des questions récurrentes étant de savoir si ce livre avait été écrit pour remonter le moral des Français. Ce n’est pas le cas, mais, s’il peut y contribuer… En revanche, cet ouvrage a fait l’objet d’une censure de la presse nationale, à l’exception du Figaro. J’avais envoyé un article sur le sujet au journal Le Monde qui ne l’a jamais publié – on m’a demandé un papier sur l’Ukraine à la place. Stéphane Rozès m’a donné une explication en me déclarant un jour : l’identité française est abstraite à Paris, incarnée en province.

Cette exposition universelle serait l’occasion exceptionnelle de modifier le regard de nos concitoyens sur la réalité de la France.

J’en viens aux présences françaises dans le monde. L’image de la France est composite : elle recouvre à la fois Pixar et le Paris de Hemingway. Ce qui intéresse les cinéastes et les cinéphiles américains, c’est la Nouvelle vague. En voyageant, le décalage dans le temps entre l’image qu’on a d’un pays et sa réalité m’a frappé : il est souvent d’une génération, voire plus. Notre difficulté est donc de rester fidèles à notre héritage – sans la dimension rayonnement, phare du monde et donneurs de leçons – tout en présentant une image moderne. Nos visiteurs veulent les deux.

J’ai fait faire par nos postes diplomatiques des enquêtes sur l’image de la France. Les réponses sont extraordinairement diverses. Au Vietnam, on nous demande des actions d’urbanisme ; on a formé 4 000 médecins vietnamiens, crée l’université scientifique et technique de Hanoï – ils ont gagné Dien Bien Phu et n’ont pas de complexe à notre égard. En Algérie, c’est la langue : on tient à la langue française parce que l’arabisation forcée a été une régression. En Russie, c’est l’art de vivre. En Chine, Xavier Darcos en a parlé, c’est le romantisme, mais également la délicatesse, l’audace. Au Brésil, c’est le positivisme : la devise d’Auguste Comte, « Ordre et Progrès », figure sur le drapeau. Ce pays nous confie des dossiers économiques, des dossiers de formation – il va nous envoyer 10 000 étudiants – dans des secteurs scientifiques et techniques. Comme tous les pays émergents qui sont souverainistes et westphaliens – et pas du tout coopératifs –, ce qui intéresse le Brésil, c’est le début de la Ve République, la France des grands programmes.

Nous devons par conséquent valoriser nos réalisations scientifiques et techniques – je n’ai rien contre LVMH et les parfums Hermès, mais cette image du luxe et de l’art de vivre nous empêche de vendre des TGV. Il faut essayer de rééquilibrer l’ensemble des domaines d’excellence et de présence.

Nous devons par ailleurs être attentifs aux profils de la France : elle ne représente pas la même chose pour un Marocain, pour un Argentin ou pour un Brésilien. La première langue de destination de textes français est le chinois depuis 2013. Le premier consommateur de livres français, en dehors des pays de la francophonie du Nord et du Sud est l’Allemagne. Nous devons être sensibles à ces aspects, à ces attentes. En outre, nous devons cultiver bien mieux notre hospitalité : nous ne sommes pas très polis… Nous invitons de nombreux étrangers à participer à des colloques, des séminaires, des bourses d’études, à l’ENA
– 4 000 élèves dont 400 Allemands, 350 Britanniques, l’ancien ambassadeur de Chine en France… –, à l’École militaire... Or nous n’envoyons pas la petite carte postale, début janvier, pour présenter les vœux de la France ! À l’inverse, Britanniques et Américains sont maîtres dans l’art de cultiver les liens. Nous devons devenir plus hospitaliers, plus courtois, plus fidèles. La France n’est plus le phare du monde. Nous devons éviter le nationalisme intellectuel.

On attend de nous que nous évitions la banalisation américano-globale qui nous menace. On attend de nous des idées – peu nombreux sont les pays qui ont des idées sur la marche du monde. L’Institut français organise une ou deux fois par semaine, quelque part dans le monde, un débat d’idées. J’y ai participé : c’est extraordinaire. Les effets s’en feront sentir dans cinq ou dix ans. En somme, nous devons nous montrer attentifs à ce que l’on attend de nous, à notre image ; nous devons produire des idées, les partager et les mettre en œuvre avec d’autres.

Je conclurai en citant un texte fondateur, le discours où le général de Gaulle, depuis Alger, le 30 octobre 1943, à l’occasion du soixantième anniversaire de la fondation de l’Alliance française, appelle à la résistance armée et à la résistance intellectuelle et invente le concept d’influence culturelle. Selon lui, il faut « se laisser pénétrer par les courants du dehors », faute de quoi « l’autarcie mènerait vite à l’abaissement ». Il évoque l’émulation internationale. On parle aujourd’hui des classements internationaux : ils nous font beaucoup de bien même si nous ne les fabriquons pas nous-mêmes ; nous sommes terrorisés par le classement de Shanghai ou par le classement du Times Higher Education et tout le monde en tient compte. Le général de Gaulle estime donc que « l’émulation internationale est un ressort dont il ne faut pas que l’Humanité soit privée, mais les hautes valeurs ne subsisteraient pas dans une psychologie outrée de nationalisme intellectuel ». Et il continue : « Nous avons, une fois pour toutes, tiré cette conclusion que c’est par de libres rapports spirituels et moraux, établis entre nous-mêmes et les autres, que notre influence culturelle peut s’étendre à l’avantage de tous et qu’inversement peut s’accroître ce que nous valons. »

Une anthropologue brésilienne a réalisé une étude très intéressante sur la mission universitaire française dans les années 1930-1940 au Brésil – ce sont les intellectuels français qui ont créé l’université brésilienne, qu’il s’agisse de l’ethnologie, de la sociologie, de l’anthropologie, de l’histoire et de la géographie… Selon elle, il existe une différence entre l’influence et la présence. Dans ce dernier cas, un professeur vient, donne son cours, recueille des données et repart pour en faire un livre ou une thèse. Et il y a celui qui vient avec des idées et les partage, les laissant quand il repart – c’est l’influence. Nous avons besoin de bien savoir ce que l’on attend, quel est l’effet final recherché, comme disent les militaires. Je me tiens à votre disposition pour discuter de la stratégie.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Existe-t-il, selon vous, Sophie Pedder, des ressorts susceptibles de nous être utiles ?

Mme Sophie Pedder, chef du bureau parisien de The Economist. La morosité des Français n’est pas une invention étrangère : on peut la mesurer grâce aux sondages ; elle s’exprime dans les articles de presse, les livres, les débats. Elle est très frappante pour les étrangers, d’autant qu’on ne la retrouve pas dans les autres pays, y compris ceux plongés dans de graves difficultés : d’après un sondage de 2013 du Pew Global Attitude, les Français sont plus pessimistes que les Afghans et les Irakiens !

Frappant également est le décalage entre ce pessimisme et les atouts réels du pays dans les domaines culturel, économique, technologique… Et la voix de la France compte toujours en matière de sécurité géopolitique – je pense à ses actions extérieures au Mali, en Centrafrique, à ses positions au sein du Conseil de sécurité à l’ONU, ou encore aux discussions relatives au conflit syrien. Le Royaume-Uni semble pour sa part plus en retrait sur plusieurs théâtres d’opérations extérieures.

Néanmoins, depuis une douzaine d’années, la France n’a pas réalisé son potentiel économique - ne serait-ce que si l’on compare sa situation avec celle de l’Allemagne - et se retrouve dans une situation surprenante : elle est à la fois au cœur de l’Europe et le maillon faible de la zone euro. Il est capital, si vous voulez modifier l’image de la France, de changer également la réalité économique. On ne peut changer la marque « France » sans qu’elle recouvre une réalité plus solide. J’espère que le pays commence à être sur la bonne route
– cela me semble le cas depuis très peu de temps.

Quelle pourrait être la spécificité de ce projet  d’exposition universelle ? Ce que la France fait à merveille et dont on ne parle pas assez, le mariage réussi de tradition et de modernité dont le tout récent défilé de mode de Karl Lagerfeld au Grand Palais, à Paris, vient de donner une excellente illustration. L’exemple, apparemment anecdotique, reflète ce que sait faire un pays qui construit le viaduc de Millau, ouvrage d’une créativité architecturale exceptionnelle, pour relier des territoires ruraux dotés d’un patrimoine traditionnel. En d’autres termes, il est indispensable de ne pas projeter une image uniquement romantique de Paris et de la France : à la tradition, il faut associer l’avenir par l’architecture, le design, l’innovation médicale…

Cet aspect a été mis en valeur par les Britanniques aux Jeux olympiques de 2012 : sans oublier l’histoire du pays, Londres a réussi à transmettre une image d’inclusion de toute sa population et d’inventivité, traduite par la cérémonie d’ouverture des Jeux. J’ai le souvenir que le film projeté par les Français au moment de présenter la candidature de Paris à l’organisation des Jeux olympiques était beaucoup plus tourné vers le passé. L’aspect historique ne doit pas être négligé, mais il est indispensable de le marier à une modernité française, parfois méconnue à l’étranger ; l’exposition universelle pourrait être le vecteur de la renaissance économique du pays.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Vos propos, madame, et ceux de M. Foucher, corroborent les résultats d’un récent sondage de l’IFOP. Il révèle que 83 % des Français estiment qu’une candidature du pays à l’organisation de l’Exposition universelle de 2025 serait une bonne chose – un taux très supérieur à ce que nous imaginions –, et les personnes favorables à ce projet y voient très majoritairement l’occasion d’une synthèse entre patrimoine et innovation.

Mme Sophie Pedder. L’exposition « Paris 1900, la Ville spectacle » en cours au Petit Palais rappelle précisément que l’Exposition universelle de 1900 fut organisée par un pays confiant en sa technologie, ce que montra notamment la construction du métro. Si cet esprit est retrouvé, la perspective d’une exposition universelle redonnerait à la France un souffle très puissant.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Selon vous, madame Erra, la candidature de la France à l’organisation d’une exposition universelle en 2025 contribuerait-elle à redonner à nos concitoyens confiance en leur capacité d’innovation et en leur avenir ?

Mme Mercedes Erra, présidente d’Euro RSCG. Le sujet est d’importance. À New York, d’où je reviens, j’ai constaté l’excellent accueil fait à la nouvelle campagne publicitaire d’Air France, dont les codes visuels insistent délibérément sur le caractère éminemment français de la Compagnie : on y a trouvé normal qu’Air France proclame la France. De même le groupe hôtelier Accor fait-il la promotion de la belle marque Sofitel sous l’intitulé « Life is Magnifique », signalant par ces mots la garantie d’un art de vivre à la française dans le respect de la culture des pays où les hôtels sont installés. Dans les deux cas, les valeurs positives associées à la France sont affirmées, et bien reçues.

Lorsque j’ai pris connaissance du projet d’organisation d’une exposition universelle en France en 2025, j’ai immédiatement pensé qu’il fallait le mener à bien : il est nécessaire de faire feu de tout bois pour redonner confiance à nos concitoyens. Je puis témoigner que la communication a permis à de nombreuses entreprises de commencer à se redresser avant même que la réalité économique n’embraye : quand la direction vers laquelle on tend est dite, on se met à travailler pour changer le monde. Lorsqu’Air France se fixe pour objectif de « Faire du ciel le plus bel endroit de la terre », cela donne une autre vision du métier et cela entraîne le personnel de bord. La France a besoin d’être entraînée, et la confiance en son avenir est un enjeu majeur.

Nous avons, nous aussi, constaté la « déprime » qui afflige notre pays, alors que la crise économique y a été beaucoup plus atténuée que dans la plupart des autres pays, qui n’ont pas les amortisseurs sociaux dont nous nous sommes dotés – ce que l’on oublie de dire. Le niveau d’inquiétude de la population ne laisse pas d’étonner. La moitié des Français voient dans la mondialisation une très grande menace et non une opportunité ; 60 % jugent que notre pays est mal placé pour résister à la mondialisation ; 70 % pensent que nous sommes dans une phase de dépression collective et 68 % considèrent que notre société va dans une mauvaise direction. Voilà qui fait de notre population l’une des plus pessimistes au monde, et voilà qui nous dépeint toujours comme les plus tristes, les plus frileux, les plus inquiets, alors que nous vivons dans un pays merveilleux. Nos visiteurs ne s’expliquent pas cet état d’esprit.

Les Français n’étant pas nés avec le gène du pessimisme, il convient d’analyser ce phénomène. Quels en sont les responsables ? Les medias, certainement, qui se plaisent à raconter des histoires tristes. Il y a aussi que nous n’osons pas être positifs comme peuvent l’être les Américains : contrairement à eux, nous doutons toujours de l’intérêt de notre modèle. Et puis, en amont, il y a un système éducatif qui peine à donner confiance aux jeunes qu’il forme, si bien qu’ils sortent de l’école très tristes ; seraient-ils moins cultivés mais gais que nous nous porterions mieux, car on connaît d’autres populations peut-être moins cultivées mais en meilleure forme !

Cependant, ces Français tristes ne se satisfont pas de l’être et aspirent à autre chose : 60 % d’entre eux pensent que la France doit changer, 56 % aspirent à un nouveau départ collectif et 90 % se disent favorables à la création d’une « marque France ». On note à ce dernier sujet une évolution marquée : beaucoup de ceux qui, en 2009, étaient effrayés par cette notion sont devenus en quelque sorte plus « commerçants ».

Si, à ces Français malades d’une « déprime » qu’il faut soigner assez vite et qui aspirent au changement, on dit : « Croyons en nous, définissons une nouvelle positivité autour d’une fierté française comme il existe une fierté américaine assumée », on peut espérer ranimer la foi. Je participe aux forums « Osons la France », et j’observe qu’on est applaudi quand on tient ce discours positif ; nous devons tous nous y astreindre. Le projet d’exposition universelle répond à une envie et elle aura un grand succès auprès du public interne.

Par ailleurs, on exagère le rejet que le monde fait de la France. Certains de nos messages au monde ont pu, cela est vrai, être mal perçus. J’ai ainsi le souvenir d’une banque américaine ayant jugé insupportables certaines appréciations particulièrement vindicatives portées sur les gens qui construisent la fortune en France ; cela a créé une nervosité. Pour autant, une étude que nous avons réalisée récemment révèle un lien très intéressant avec la France. Dans un monde où la puissance n’est plus seulement anglo-saxonne mais aussi chinoise et brésilienne, la perception de la France à l’étranger diffère selon les pays. Nous avons des enthousiastes – la Chine, l’Inde, le Mexique. Un cran en-dessous, on trouve des opinions très positives – celles du Brésil et de la Turquie. Ensuite s’expriment quelques réticences et du scepticisme en Allemagne, au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Australie, ce qui ne signifie pas de la négativité. Le monde souhaite que les cultures s’équilibrent, pense que la France peut participer de cet équilibre, et cela intéresse. C’est une très bonne chose pour attirer des étudiants étrangers ; ainsi les étudiants chinois sont-ils très attirés par les MBA de HEC – à condition, naturellement, que l’on ne leur dise pas qu’ils ne peuvent venir, ou qu’ils doivent ensuite quitter le territoire français au plus vite.

L’étude met en lumière deux autres éléments enthousiasmants. Le premier est que plus jeunes sont les personnes interrogées, plus élevé est le taux d’opinions favorables : les jeunes du monde entier ont une opinion de la France plus positive encore que les gens plus âgés, peut-être parce qu’elle représente une culture alternative qui les intéresse. Par ailleurs, ceux que nous définissons dans le corpus échantillonné comme les « influenceurs » ont une opinion de la France meilleure que celle de la population « centrale », ce qui signifie que cette tendance s’amplifiera.

Sur quels éléments cette opinion favorable est-elle fondée ? À 71 %, les personnes interrogées considèrent que « le sens de la beauté » appartient à la France. C’est fondamental : je rappelle que le succès d’Apple n’est pas tant dû à ce qu’il a investi dans la recherche qu’au fait d’avoir fabriqué de beaux objets au design très soigné.

Est ensuite évoquée la qualité, notion plus importante encore. Pour nous qui avons fait parfois des choix industriels maladroits en ne privilégiant pas le critère de l’extrême qualité que nous pouvions construire, cela est encourageant.

Et puis on nous parle de culture, une culture au croisement de la tradition et de la modernité, qui attire énormément le monde. Nous avons là une force extraordinaire. À un moment où beaucoup pensent, en Europe et dans le monde, que la société est engagée dans une mauvaise voie et que la spiritualité fait défaut, c’est un argument formidable. D’ailleurs, ce que nous créons, nous, publicitaires, qui essayons de mettre les produits en avant, ce sont des objets culturels – sinon, nous n’obtiendrions pas de résultats. Je vous donnerai pour exemple le banal petit yoghourt créé par Danone, dont la marque a fait un produit culturel car il symbolise toute la santé du monde. Dans ce yaourt, il y a une idée très importante. L’idée doit certes respecter la réalité, mais elle doit aussi la tirer en avant.

Cette notion est transposable sur le plan politique, cela a été dit : que produit-on, sur le plan culturel, lorsqu’on défend une vision du monde au point de continuer à envoyer des gens se battre pour cela ? La France a ce que n’ont ni l’Espagne ni l’Italie : la capacité à représenter un point de vue sur le monde – et, à l’étranger, les gens en parlent. Il y a là un gisement considérable de richesses à exploiter si l’on voulait bien appuyer au bon endroit et travailler.

Enfin, nous avons du mal à mettre en exergue nos capacités d’innovation. Là encore, nous devons faire feu de tout bois, puisque nous avons des mathématiciens et des ingénieurs d’exception et un enseignement qui conduit à l’innovation. Nous devons mettre ces caractéristiques en avant car, dans l’innovation, aussi il y a de la brillance. Voyez le succès que rencontrent les lieux de culture qui ont accepté d’ouvrir des salons de thé : ce mélange des genres, tout français, plaît.

Tous les indicateurs dont nous disposons vous donnent raison d’envisager l’éventualité d’une exposition universelle dans notre pays ; cela ferait un bien fou aux Français, car cela construirait la confiance. C’est essentiel, car je n’ai jamais vu que l’on avance sans confiance. Nous devons donc insister sur nos forces, celles de nos entreprises, de nos inventeurs, de nos designers, de nos décorateurs, employés partout dans le monde.

Comment faire pour être fiers de nous-mêmes et, en même temps, puisque l’on nous taxe parfois d’arrogance, changer ? Arrogants, bien d’autres le sont, mais ils savent aussi se montrer accueillants. En termes de communication, les deux mots clefs me paraissent être la fierté, sans aucun doute, et l’ouverture, à tout prix. Une exposition universelle organisée en France pourrait réapprendre que nous avancerons si nous sommes fiers de nous-mêmes et intéressés par les autres et par ce que leurs réalisations ont d’admirable.

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Il est frappant de constater que votre conclusion recoupe celle de la longue réflexion menée par une trentaine d’étudiants de La Sorbonne, d’une dizaine de nationalités. Appelés à choisir quel pourrait être le thème d’une exposition universelle en France, ils ont retenu l’hospitalité, dans toutes ses composantes : l’ouverture, l’échange et la communication.

M. Bruno Le Roux, rapporteur. Il était passionnant de vous entendre parler de notre pays et de ses habitants. J’aimerais maintenant vous entendre nous dire comment nous pouvons présenter au mieux notre candidature, pour l’emporter. J’ai été frappé par les applaudissements suscités, dans une salle de cinéma au public plutôt jeune, par une publicité de TF1 axée sur le thème : « Et si on voyait les choses de manière positive ? ». À un moment où certains ouvrages tendent à accréditer la thèse que la France semble disparaître du monde et que l’influence de sa culture recule, où la mode est au dénigrement permanent de notre pays, quels éléments devrions-nous mettre en avant ? Existe-t-il des thèmes spécifiquement français qui intéressent le monde et sur lesquels nous pourrions construire l’exposition, ou notre réflexion doit-elle être plus universelle ? Notre principal défi est de faire partager notre envie de bouger pour provoquer une spirale positive comme en connaît Londres qui, forte du succès des Jeux olympiques de 2012, envisage, semble-t-il, de présenter aussi sa candidature à l’organisation d’une exposition universelle en 2025. Je ne suis pas certain que l’image de la France qu’a projetée notre pavillon à Shanghai ait été la meilleure. Pour convaincre du bien-fondé de notre projet, devrons-nous transmettre des messages différenciés selon nos interlocuteurs, très divers, du Bureau international des expositions ?

M. Michel Foucher. Il faut dresser le profil qu’a la France dans chacun des pays qui votent. Ainsi, notre ambassadrice à Kampala, à qui je demandais ce qu’évoque la France pour l’Ouganda, ne m’a répondu ni « les Pères blancs » ni « Total », pourtant omniprésent, mais « Napoléon », c’est-à-dire l’État de droit et la nation. Pour sa part, le Président Xi Jinping, invité à clore le forum économique franco-chinois organisé au Quai d’Orsay, nous a parlé de littérature, de l’apprentissage du marxisme à Paris par Zhou En Lai et Deng Xiao Ping, et de la Révolution française… Il est déterminant de connaître en amont la constellation des images de la France dans les pays concernés et de travailler en fonction de ces diverses perceptions.

Le dénigrement de notre pays ne mérite pas que l’on s’y arrête, puisque vous avez avancé la solution : c’est l’exposition universelle, nouveau projet qui va passionner les gens. Ne perdez pas de temps avec des textes qui ont fait des diagnostics souvent utiles mais aussi souvent très orientés. On sait que le discours du déclin, depuis la publication d’un certain article en 2003, était une machine de guerre dirigée contre le pouvoir en place à l’époque ; dix ans plus tard, le même discours est repris, en plus sonore. N’entrez pas dans ce débat.

Tradition ou modernité ? Il faut les deux. Je rappelle aussi que la population française est plus jeune que la moyenne européenne, et incidemment que plus de la moitié de la population et composée de femmes ; or les Françaises, depuis les salons du XVIIIe siècle, contribuent très largement à l’image de notre pays. N’oublions donc ni notre jeunesse ni la dimension féminine de la France.

Le thème de l’hospitalité me plaît beaucoup. Nous ne sommes pas hospitaliers, chacun s’en rend compte dès qu’il débarque à l’aéroport Charles-de-Gaulle. Sur ce point, nous devrons faire un effort considérable, et j’espère qu’en 2025 on aura construit une ligne de transport collectif directe entre Roissy et Neuilly… Je pense l’exposition universelle comme une porte ouverte : il nous faut refaire la preuve que la France est traditionnellement ouverte aux autres. Mme Predder l’a dit, la force du Royaume-Uni est d’avoir fait fond sur le multiculturalisme de Londres, en portant l’idée de ville mondiale. En France, cette réalité n’est pas assumée. Nous devrons mettre en avant l’accueil et l’hospitalité, et prouver la réalité de cette ouverture. C’est ce qui sera le plus difficile.

Mme Mercedes Erra. L’exposition universelle représente un hommage et une ouverture au monde, cela ne concerne pas seulement la France. Il convient de montrer notre intérêt pour ce monde qui n’a jamais autant bougé qu’à notre époque. Placer notre candidature sous ces auspices donne une indication de l’envie française d’accueillir le monde.

Les gens qui viennent en France pensent qu’ils vont vivre une expérience relevant du registre du plaisir. Lorsque l’on arrive à New-York, on entend dire : « Ce sont des Françaises » ! Cette phrase signifie que le moment sera plus drôle et plus intéressant, que la nourriture sera meilleure, que l’atmosphère sera plus gaie. Cette légèreté et cette culture du plaisir, nos amis américains l’appellent l’« art de vivre ». Nous ne devons pas rejeter cette facette : il est merveilleux que le monde soit porté par l’art de vivre, que les entreprises créent un art de vivre, et que nous véhiculions ces valeurs de culture, d’intelligence et de plaisir. Les Américains trouvent que la beauté des Françaises réside dans « l’air de rien » et dans le naturel. Bien entendu, tout cela est très travaillé, mais c’est l’effet produit qui compte.

La France doit défendre une candidature à la fois universelle et dénuée de tout ennui. Les étrangers ont l’impression qu’un événement organisé par les Français sera plus agréable que n’importe quel autre. Je suis sensible à l’hospitalité, mais il faut en donner la preuve ; elle ne peut pas être déclaratoire, et il est difficile d’en faire l’un des thèmes de la candidature. En revanche, celle-ci doit mettre en avant la générosité et l’universalité, la France étant assimilée à cette dernière.

La démonstration de notre intérêt pour le monde qui bouge prendra un contour moins formel que celle qu’aurait choisie un Allemand. Pour prendre un avion, l’Allemand arrivera toujours plus à l’heure que le Français, qui arrivera toujours moins en retard que l’Italien. Nous portons des images sur lesquelles il convient de surfer, car elles sont indestructibles. Mélangeons l’ouverture – une exposition universelle n’est pas une exposition sur la France – au style français ; en effet, l’expression « French touch » continue de faire le tour du monde et nous devons insérer le flair français dans cette aventure.

M. Michel Foucher. Une motion de synthèse serait « Paris, désirs du monde » ; il convient que le terme ambigu de « désirs » apparaisse. Monsieur le président, nous avions parlé d’amour lors de la première réunion ; vous en souvenez-vous ?

M. le président Jean-Christophe Fromantin. Absolument ! Nous tournons continuellement autour des thèmes d’hospitalité et de rencontre avec l’autre, facteur de richesse. Quatre cents étudiants provenant de différents pays ont travaillé sur ce sujet depuis un an et ont fait part de leur angoisse d’une standardisation culturelle. L’étude que l’on a conduite a montré que ce sont les personnes les plus âgées et les plus jeunes qui soutenaient le plus l’idée de la tenue d’une exposition universelle en France. Les premières ont en mémoire l’apport de cet événement à la France au XIXème siècle et les secondes craignent le processus de lissage induit par la mondialisation. Un projet de cette envergure permet, comme vous l’avez tous souligné, de réintermédier la culture.

M. Xavier Darcos. Il convient d’évoquer les conditions matérielles de l’hospitalité ; pour nous autres qui voyageons toutes les semaines, le retour à Paris s’apparente à l’enfer : arriver à Roissy, c’est arriver à Kinshasa lorsque l’on vient d’un grand aéroport du monde. Y aller aussi, d’ailleurs ! Les agressions sur le trajet entre le centre de Paris et Roissy sont un sujet dont les étrangers vous parlent.

L’approche française de la culture repose sur un paradoxe : nous avons souvent montré un intérêt précurseur pour la diversité des cultures, mais nous la théorisons plus que nous la pratiquons. La culture française reste abstraite pour un jeune : lui s’intéresse aux mangas japonais, au rap, à la danse africaine, au cinéma asiatique ou indien, à la danse contemporaine, à l’art contemporain chinois, aux arts primitifs et au design suédois plus qu’aux meubles Louis XIII. Nous sommes donc hospitaliers aux influences étrangères, notre culture est assimilatrice, mais ce phénomène reste méconnu.

Monsieur le président, vous parliez avec justesse de la crainte de la standardisation de la culture, que beaucoup expriment, y compris ceux qui passent leur temps sur Google, parlent à l’américaine et sont fascinés par l’American way of life. Lorsque l’on recherche une alternative à cette standardisation, c’est souvent la France que l’on évoque, notamment en Asie. La motivation de l’apprentissage du français dans de nombreux pays repose sur la volonté de se démarquer de la culture anglo-saxonne. Nous pourrions mobiliser cette ressource, qui ne traduit aucun refus mais qui incarne « l’autre des cultures du monde ».

Les intellectuels français – pas ceux dont les Américains parlent toujours et qui sont morts il y a cinquante ou cent ans comme Jacques Derrida, Michel Foucault, Jean-Paul Sartre ou Roland Barthes – ont débattu de la manière dont le français pourrait s’abstraire de la culture nationale, et de grands écrivains – Jean-Marie Gustave Le Clézio, Michel Le Bris ou Erik Orsenna – ont réfléchi à la création d’une littérature-monde en français, celle qu’attendent les étrangers pour disposer d’une alternative à la domination anglo-saxonne.

Mme Sophie Pedder. Je ne connais aucun projet relatif à une candidature de Londres à l’organisation d’une exposition universelle.

La France doit retrouver sa trajectoire de croissance économique réelle, et la volonté d’organiser cet événement doit accompagner ce retour, mais elle n’en sera pas le moteur.

Il convient que le message de la candidature soit authentique ; j’aime l’idée de la remise en question des préjugés sur la France, mais il ne faut pas aller trop loin dans cette voie. La France n’a pas l’image d’un pays hospitalier, mais l’accueil à l’aéroport de Roissy ou le service désagréable dans les restaurants font partie de son charme. L’authenticité doit primer ! Par ailleurs, l’idée du mariage entre un aspect connu de la France et un qui l’est moins me séduit : ainsi, vous pourriez mettre en avant des couples comme mondialisation et terroir local, modernité et tradition ou passé et avenir.

Mme Mercedes Erra. Une exposition universelle ne doit pas constituer un prétexte à ne parler que de nous ! Parlons du monde, mais utilisons une façon française de le faire. Si je prononce des phrases comme « Il faut aimer la France » ou « Aimer la France et aimer le monde », le regard porté sur l’extérieur est intéressant. Bannissons l’ennui et faisons ressentir notre amour du monde.

Ne nous gênons pas non plus pour reconnaître que les étrangers adorent manger notre fromage et boire notre vin ; il faut mélanger l’intellect et le bonheur, car cette combinaison est très française. La légèreté nous ressemble et se niche sous la plume de nos plus jolis écrivains – on rit beaucoup en lisant Marcel Proust. Mettons en avant notre générosité qui transparaît dans notre intérêt pour le monde et associons-la au désir et au plaisir. Nous avons l’air d’éprouver du plaisir en travaillant et nos comportements ne sont pas régis par des codes : c’est un peu cela la France et c’est ce qui fait envie au monde ! La candidature à l’organisation de l’exposition universelle doit donc être une source de plaisir pour les Français et pour les étrangers.

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Membres présents ou excusés

Mission d'information sur la candidature de la France à l'exposition universelle de 2025

Réunion du mercredi 30 avril 2014 à 16 h 45

Présents. - M. Jean-Christophe Fromantin, M. Bruno Le Roux, Mme Catherine Quéré

Excusés. - M. Yves Albarello, M. Alexis Bachelay, Mme Marie-Odile Bouillé, M. Jean-Louis Gagnaire, M. Noël Mamère, Mme Martine Martinel, M. Hervé Pellois