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Mercredi 25 novembre 2015

Séance de 16 heures

Compte rendu n° 10

Présidence de Mme Sophie Rohfritsch, Présidente

– Audition, ouverte à la presse, de M. Laurent Benoit, président-directeur général de l’UTAC-CERAM et de Mme Béatrice Lopez de Rodas, directrice de la marque « UTAC »

Mission d’information
sur l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

La séance est ouverte à seize heures dix.

La mission d’information a entendu de M. Laurent Benoit, président-directeur général de l’UTAC-CERAM et Mme Béatrice Lopez de Rodas, directrice de la marque « UTAC ».

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente. Nous recevons M. Laurent Benoit, président-directeur général du groupe UTAC-CERAM (Centre d’essais et de recherche appliqués à la mobilité), une structure privée se déclarant indépendante, héritière de l’Union technique de l’automobile, du motocycle et du cycle (UTAC), créée en 1945. M. Benoit est accompagné par Mme Béatrice Lopez de Rodas, directrice de la marque « UTAC ».

L’UTAC est un organisme connu et reconnu dans le milieu de l’automobile pour ses activités tenant à l’homologation, à la certification ainsi qu’aux expertises et essais sur véhicules.

Nous vous demanderons, madame, monsieur, de nous préciser, en premier lieu, les caractéristiques de chacune de ces activités et en fonction de quelles bases réglementaires elles s’exercent. On peut légitimement penser que, pour l’homologation des véhicules neufs, l’UTAC intervient dans le cadre d’une sorte de délégation de service public, donc qu’elle est placée sous une ou plusieurs tutelles ministérielles. D’ailleurs, l’UTAC est-elle en situation de monopole pour l’homologation de véhicules des constructeurs français, au moins pour leur mise en circulation sur le marché national ? Ou bien une concurrence existe-t-elle dans un cadre européen entre organismes comparables ?

L’affaire Volkswagen a mis en lumière, aux États-Unis, des fraudes de la part de ce groupe, du moins jusqu’aux révélations d’organisations non gouvernementales (ONG) et de milieux universitaires. Parmi les premières réponses apportées à cette affaire, la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a chargé l’UTAC d’une opération de vérification du respect des normes d’émission à l’échappement sur une centaine de véhicules tirés au sort, donc a priori non directement fournis par les constructeurs. Comment avez-vous procédé et sur la base de quel protocole technique ? Il semble que les premiers résultats confirment les défaillances mises à jour outre-Atlantique ; la question est de première importance car plus de 900 000 véhicules concernés par ces fraudes auraient été commercialisés en France par le seul groupe Volkswagen.

En outre, deux organismes placés dans le cadre des activités de l’UTAC peuvent retenir l’attention de notre mission.

Le premier est l’Organisme technique central (OTC) dont les pouvoirs publics ont conféré la gestion à l’UTAC. Cette structure a pour vocation de recenser, au plan national, les résultats du contrôle technique obligatoire, d’abord pour les véhicules légers puis, plus récemment, pour les poids lourds. L’UTAC ou l’OTC ont-ils formulé des propositions de réforme à partir des résultats des contre-visites pour défauts constatés en matière de pollution moteur ? D’après les rapports annuels de l’OTC, ce motif de contre-visite existe bien mais il arrive loin après les défaillances constatées sur les pneumatiques, l’éclairage ou le freinage. Comment cela s’explique-t-il ? Que mesure-t-on en matière de pollution lors d’un contrôle technique ? Quelle est la différence avec les normes requises pour l’homologation d’un véhicule neuf ?

Le second organisme est le Bureau de normalisation automobile (BNA), initialement créé par les constructeurs en 1927. Dans le domaine des émissions à l’échappement, le BNA a-t-il été amené à faire des propositions techniques ou réglementaires aux pouvoirs publics ? Enfin, au titre de sa mission d’assistance des industriels et des administrations, a-t-il été impliqué dans les négociations conduites à l’échelon européen et qui ont abouti, le 28 octobre dernier, à de nouvelles normes assorties d’un calendrier de transition ?

M. Laurent Benoit, président-directeur général de l’UTAC-CERAM. L’UTAC est en effet une société privée qui réalise 50 millions d’euros de chiffre d’affaires et travaille avec de nombreux clients puisque ses activités sont très diverses, qu’il s’agisse de l’homologation – son activité historique, qui représente de 15 à 20 % du chiffre d’affaires de l’entreprise –, du contrôle technique, des essais – soit plus de la moitié du chiffre d’affaires –, mais aussi de l’événementiel – nous louons nos deux circuits automobiles à l’occasion du lancement de nouveaux produits, ou bien, sur l’autodrome de Linas-Montlhéry, nous faisons revivre les grandes heures de la course automobile… Nous nous déployons en outre au niveau international et sommes implantés en Russie et en Chine notamment, surtout dans le cadre de notre activité d’homologation.

Le BNA, par ailleurs, logiquement rattaché à l’UTAC, s’occupe des normes, comme lorsqu’il s’est agi de la standardisation, au niveau européen, des charges des véhicules électriques – Allemands et Français s’étaient affrontés sur la question de savoir quelle était la bonne prise – au passage : nous avons perdu. Nous évoquerons aujourd’hui devant vous davantage la réglementation, sur laquelle s’appuie, précisément, l’homologation. Nous disposons d’un service dédié, la réglementation étant une activité spécifique.

Nous avons, je l’ai dit, deux circuits automobiles, l’un, donc, à Linas-Montlhéry, créé en 1924, où se trouvent également des laboratoires techniques développés par l’UTAC arrivée en 1945 ; l’autre centre, situé à Mortefontaine, à côté de Senlis, dans l’Oise, est avant tout un circuit automobile fondé par la société SIMCA en 1956.

Je précise pour finir que le groupe compte 360 collaborateurs.

Mme Béatrice Lopez de Rodas, directrice de la marque « UTAC ». Nous sommes chargés des activités de réglementation et d’homologation – c’est le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, par le truchement de la direction régionale et interdépartementale de l’environnement et de l’énergie (DRIEE) de l’Ile-de-France et, en son sein, du Centre national de réception des véhicules (CNRV), lui-même dépendant du Service énergie, climat, véhicules (SECV), qui délègue l’autorité d’homologation.

L’UTAC est par conséquent le service technique désigné par les autorités françaises pour réaliser les essais d’homologation dans le cadre des réglementations européennes. Après les essais, nous rédigeons un rapport accompagné d’un dossier technique et le transmettons au CNRV qui signe les fiches d’homologation en vue de la commercialisation des véhicules.

En France, nous sommes le seul service technique mais il faut savoir qu’une homologation délivrée par un État membre de l’Union européenne (UE) est valable dans les vingt-sept autres.

M. Laurent Benoit. J’ajoute que cela signifie que les constructeurs français ne sont pas obligés de passer par nous.

Mme Béatrice Lopez. C’est d’ailleurs le cas avec les groupes PSA et Renault auxquels il arrive d’aller dans d’autres pays membres de l’UE pour faire homologuer leurs véhicules – je pense à la Roumanie, à l’Espagne… Donc un constructeur n’est pas lié à un pays en particulier.

M. Laurent Benoit. Reste que nous réalisons la majorité des homologations pour PSA et Renault. Cela s’explique par notre proximité géographique : nous sommes à Montlhéry et Renault à Lardy, c’est-à-dire à 10 ou 15 kilomètres et PSA à Vélizy-Villacoublay, soit à 25 ou 30 kilomètres ! Il est dans l’intérêt pour le constructeur d’être proche de nos centres pour homologuer ses prototypes. Le fait que la qualité de nos services techniques soit connue et reconnue compte également.

Mme Béatrice Lopez. Pour ce qui est de la concurrence, on entend souvent que nous subissons une pression de la part des constructeurs pour délivrer des homologations. Il faut savoir que nous appliquons les textes. Certes, tout texte est interprétable et il est vrai que certaines autorités en ont une lecture différente. Cela étant, s’il n’est pas exact que nous subissions une pression, on nous fait valoir que telle autorité interpréterait le texte de telle manière. Or, j’y insiste, nous nous en tenons strictement à la réglementation et ce n’est pas l’UTAC seule qui décide de la lecture des textes, nous le faisons en lien avec le ministère en charge de l’écologie et de l’environnement.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente. Vous venez de préciser que les constructeurs peuvent aller faire homologuer leurs véhicules dans n’importe quel pays de l’Union européenne (UE). Les sociétés chargées de l’homologation sont-elles soumises aux mêmes exigences, aux mêmes normes que vous ? Cette question me préoccupe quelque peu.

Mme Béatrice Lopez. La norme en question est européenne et identique pour tout constructeur désireux de commercialiser ses véhicules en Europe. Certains services peuvent se révéler plus cléments lorsque sont en jeu de nouvelles technologies qui ne sont pas forcément prises en compte par la réglementation – les premières évoluant parfois plus vite que la seconde.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente. Et vos services, concernant ces nouveautés, appliquent-ils immédiatement la réglementation, en vue de l’homologation ?

Mme Béatrice Lopez. Tout dépend de la nouveauté …

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente. Donnez-nous un exemple.

Mme Béatrice Lopez. Le décalage que je mentionnais vaut rarement pour tout ce qui concerne les émissions polluantes – nous parvenons, en la matière, à bien encadrer l’exercice. Je pensais davantage à des domaines comme la signature lumineuse où la conception va parfois loin dans l’innovation, le constructeur souhaitant alors faire homologuer une nouvelle technologie qui n’est pas encore autorisée par la réglementation. Aussi, certaines autorités accepteront quand d’autres ne le feront pas. En cas d’acceptation, la directive qui encadre les exercices d’homologation prévoit qu’on ne saurait homologuer une innovation qui présenterait un quelconque risque en matière de sécurité et en matière d’environnement. On peut homologuer une innovation et ensuite demander des amendements au texte.

M. Laurent Benoit. J’ajouterai que la Commission européenne s’est saisie de l’affaire et a examiné la qualité des services techniques. Nous disposons de l’expertise nécessaire pour réaliser les essais dans nos laboratoires. Nous avons une autre expertise
– reconnue au plan international – en matière de réglementation : nous allons défendre la réglementation future dans l’ensemble des domaines liés au secteur automobile aux niveaux européen et mondial. Je précise à cet égard que si le label Technischer Überwaschungs Verein (TÜV), en Allemagne, est gage de sérieux, il n’en va pas de même pour certains services techniques dans d’autres pays qui n’ont pas de laboratoire et ne travaillent pas sur la réglementation européenne et pour lesquels un « ménage » s’imposerait.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente. Ce que vous dites là est important, pouvez-vous aller plus loin dans vos explications ?

Mme Béatrice Lopez. Il existe deux instances réglementaires : l’Union européenne à Bruxelles et l’Organisation des nations unies (ONU) à Genève. Au sein de l’UE, différents comités réunissant les industries, les ONG, les fédérations, élaborent les textes qui ensuite sont examinés par le Conseil européen et par le Parlement européen. À Bruxelles, nous discutons surtout de la partie politique et des spécificités européennes. À l’ONU, nous travaillons davantage sur les procédures, les essais. L’UE et l’ONU tendent à se rapprocher en ce qui concerne les procédures d’essais. À Genève, la Commission européenne représente les 28 États membres, aux côtés des autres parties contractantes : Japon, États-Unis, Chine, Inde … Je précise que, n’étant pas autorisés à voter les textes, nous agissons en tant qu’experts techniques auprès des autorités françaises.

Mme Delphine Batho, rapporteure. Pouvez-vous nous indiquer le coût d’une homologation pour un constructeur ? Je souhaite une réponse très précise. Ces coûts sont-ils identiques pour les différents services d’homologation des différents pays européens puisque vous évoquiez la possibilité pour un constructeur de faire homologuer ses véhicules dans son pays ou un autre au sein de l’UE ?

L’UTAC a-t-elle homologué des véhicules des marques Audi, Skoda, Seat, Volkswagen et Porsche, toutes concernées par la fraude au dioxyde de carbone par rapport à la norme européenne ?

Avez-vous déjà refusé d’homologuer un véhicule ? Il est de notoriété publique qu’existent des pratiques d’optimisation des tests dans la perspective d’une homologation ; aussi, de quelles garanties déontologiques pouvez-vous vous prévaloir dès lors qu’à ma connaissance l’actionnaire principal de l’UTAC est le Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA) ? Cette question ne vaut pas que pour l’UTAC, d’ailleurs, mais pour l’ensemble des organismes européens de certification, dont la situation est comparable.

Enfin, j’ai noté avec grand intérêt quelles étaient les parties prenantes au sein des comités qui, à Bruxelles, discutent des textes. En effet, la Commission européenne refuse d’en communiquer la liste aux députés français !

Mme Béatrice Lopez. Quand vous souhaitez connaître le coût d’une homologation, s’agit-il du coût d’une homologation consommation-émissions ou bien le coût global d’une homologation ?

M. Laurent Benoit. C’est très compliqué.

Mme Béatrice Lopez. Il existe en effet 70 réglementations et je serais incapable de vous donner le coût de chacune.

Mme la rapporteure. Et en ce qui concerne les émissions polluantes ?

Mme Béatrice Lopez. Le coût d’un test d’émissions sur un banc à rouleaux est difficile à évaluer car le véhicule peut passer en une fois ou, si l’on n’atteint pas tel pourcentage de la valeur limite, on procède à un deuxième voire à un troisième essai, la moyenne de ces trois essais devant être inférieure à la limite.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente. Vous avez tout de même un ordre d’idée…

Mme Béatrice Lopez. Il faut tenir compte d’autres essais préalables : il faut caler le véhicule avant l’essai d’émissions, il faut mesurer la résistance à l’avancement sur piste… Aussi, je dirais : quelques milliers d’euros. Nous vous communiquerons de toute façon les données que vous souhaitez.

M. Laurent Benoit. Selon moi, il s’agirait de plus de 10 000 euros au total.

Mme Béatrice Lopez. C’est qu’il y a, en effet, comme je viens de l’indiquer, toute une série d’essais à réaliser avant l’essai proprement dit.

Mme la rapporteure. Il serait utile, pour les travaux de la mission d’information, que vous nous communiquiez le détail des coûts depuis le point de départ jusqu’au point d’arrivée.

M. Laurent Benoit. Il est rare qu’un véhicule soit totalement nouveau, que la plateforme soit nouvelle, le moteur soit nouveau… On reprend donc, en général, des parties existantes. Nous pourrons donc plus facilement vous communiquer des données dans l’hypothèse où tout est nouveau.

Mme Béatrice Lopez. Je précise, pour votre compréhension, que l’essai est le même pour mesurer la consommation et les émissions de polluants.

Avons-nous déjà refusé des homologations ? La réponse est : oui. Si le véhicule ne respecte pas les limites fixées par la réglementation, il sera de toute façon refusé. Le constructeur reprend alors le véhicule, effectue de nouveaux réglages et reviendra et finira par passer, en tout cas pour ce qui concerne les émissions. Pour ce qui est de la consommation, nous vérifions à 4 % près la valeur de consommation déclarée par le constructeur.

Mme la rapporteure. Le dossier d’homologation est-il public ?

Mme Béatrice Lopez. Il n’est pas public mais vous pouvez, je suppose, l’obtenir auprès des autorités françaises.

Mme la rapporteure. Ce point reste à vérifier : j’ai entendu dire qu’il y avait un débat assez dur à propos de la communication de ces informations, notamment pour des raisons de concurrence entre constructeurs.

Mme Béatrice Lopez. Nous ne sommes pas habilités, en effet, à divulguer ces données ; mais une fois que le véhicule est commercialisé, je ne vois pas pourquoi ces informations devraient rester confidentielles.

M. Laurent Benoit. En matière de sécurité, si le véhicule ne respecte pas la réglementation, le constructeur le reprend, ce qui occasionne des retards. J’ignore si Renault ou PSA ont décidé de lancer le Kadjar, mais il finira bien sur le marché, même avec six mois de retard à cause de la nécessité de l’améliorer s’il ne satisfait pas aux normes. Aucun constructeur ne bénéficie d’un quelconque passe-droit. Aucune homologation de l’UTAC n’a jamais été remise en cause, ce qui montre bien la qualité des dossiers que nous élaborons.

Par ailleurs, pour répondre à une autre de vos questions, nous n’avons malheureusement pas homologué de véhicule Volkswagen – que nous aimerions bien avoir pour client, indépendamment de l’affaire qui a éclaté il y a peu… Ce sont probablement les TÜV qui ont homologué Volkswagen et nous n’aurions pas, a priori, mieux décelé qu’eux la fraude aux émissions d’oxyde d’azote (NOx) puisqu’il s’agissait, pour le constructeur, de faire en sorte que le service réglementaire ne voie pas la fraude.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente. Ce n’est pas rassurant.

Mme Béatrice Lopez. Vous avez également évoqué l’optimisation. Elle est permise par les textes en vigueur et pratiquée, par conséquent, légalement : des tolérances sont admises pour certains paramètres d’essais. La Commission européenne s’est emparée du sujet afin de limiter cette flexibilité et c’est pourquoi nous travaillons, depuis 2009, sur cette fameuse procédure Worldwide harmonized Light vehicles Test Procedures (WLTP), laquelle devrait être adoptée début 2016. La tâche est d’autant moins facile que nous sommes vingt-huit autour de la table : industrie, services techniques, laboratoires, experts, ONG… Aussi cette nouvelle réglementation sera-t-elle le fruit de compromis environnementaux, techniques, politiques…

Quant à la Real Driving Emission (RDE), elle doit permettre de mesurer les émissions polluantes en conduite réelle. Ce type d’essai est complètement différent des essais sur banc à rouleaux. On ne pourra jamais obtenir de coefficient 1, à savoir l’équivalence des essais sur banc à rouleaux et des essais en conduite réelle : c’est techniquement impossible puisque l’environnement extérieur, pour ceux-ci, va influer sur la mesure, qu’il s’agisse du vent, de la température, du revêtement, de la façon dont le véhicule est conduit…

Mme la rapporteure. J’en reviens à ma question relative à la garantie d’indépendance de l’homologation, étant donné que votre organisme, comme ceux qui lui sont comparables dans les autres pays européens, sont la propriété des constructeurs.

M. Laurent Benoit. Nous réalisons les dossiers mais nous ne les validons pas nous-mêmes ; c’est en effet le rôle du CNRV qui dépend lui-même de la DRIEE et qui est donc un organisme public – et nous travaillons en bonne intelligence avec le CNRV.

Mme Béatrice Lopez. Avant tout essai d’homologation nous avons des discussions avec le CNRV : nous nous mettons d’accord sur le type de véhicule à tester et dans quelle configuration. Ce dialogue se poursuit après que nous leur avons fourni les résultats des essais et le dossier, afin que nous signifiions éventuellement au constructeur ce qui ne va pas. Nous sommes donc bel et bien contrôlés par les autorités.

Mme la rapporteure. De quelle manière la désignation de tel ou tel organisme comme service technique est-elle matérialisée juridiquement ?

Mme Béatrice Lopez. C’est un arrêté qui le fixe.

M. Laurent Benoit. Je reviens sur votre question initiale concernant notre indépendance. L’UTAC est une union de syndicats liés à la mobilité comme le CCFA, donc, mais également la Fédération des industries des équipements pour véhicules (FIEV), les syndicats représentants les deux roues, les trois roues, les carrossiers… Or le budget de l’UTAC n’est pas financé par des cotisations de ces syndicats, mais par la vente de prestations à des clients. PSA et Renault représentent ainsi 12 ou 13 millions d’euros sur les 50 milliards de chiffre d’affaires de l’UTAC. Nous leur vendons tous types de prestations – événementiel y compris. Nos bénéfices sont destinés à l’autofinancement de notre croissance et il n’y a aucun flux financier avec les syndicats en question. Notre façon de travailler est en outre contrôlée par un comité technique. Le fait que nous soyons une union de syndicats présente plusieurs avantages dont celui de ne pas être opéable, ce qui garantit notre complète indépendance.

Mme la rapporteure. Selon mes informations, l’UTAC-CERAM serait une société anonyme par actions simplifiée (SAS) avec un actionnaire unique, en l’occurrence le CCFA.

M. Laurent Benoit. Non. L’UTAC est bien une union de syndicats. Reste que parmi ces derniers figurent effectivement des SAS, des sociétés commerciales – nous devons pouvoir vendre nos prestations. Au sein du conseil d’administration, le CCFA est minoritaire en voix.

M. Denis Baupin. Est-ce votre organisme qui a réalisé l’homologation de la Renault Espace diesel ? Que pensez-vous dès lors, question subsidiaire, des révélations d’une ONG allemande dont on parle depuis un peu moins de vingt-quatre heures ? Avez-vous des éléments à ce sujet et vous paraissent-ils crédibles ? Si oui, y a-t-il eu une réelle optimisation ou bien un trucage, s’il s’avérait en effet que les véhicules en question émettaient 25 fois plus de NOx qu’annoncé, selon ladite ONG ?

Ensuite, une enquête du magazine Auto Plus a mis en évidence des écarts très significatifs – 40 % en moyenne – entre la consommation des véhicules révélée par les tests et celle constatée. Avez-vous des éléments d’information sur la façon dont a été réalisée cette enquête ?

Plus globalement, on admet désormais que tout le monde – du moins dans un cercle relativement restreint dont le consommateur était exclu – savait qu’il existait un écart entre les résultats des tests et la réalité du fonctionnement du véhicule. Dans la mesure où de nombreuses données issues de vos tests restent confidentielles, la rapporteure l’a rappelé, trouvez-vous normal que, lorsque l’on vend un véhicule à un client, on affiche une consommation – homologuée – dont vous admettez pourtant clairement que les critères ne sont pas représentatifs du fonctionnement du véhicule ? N’y a-t-il pas là un problème éthique ? Ne devrait-on pas prévoir des règles interdisant au constructeur de se prévaloir de chiffres qui relèvent presque de la publicité mensongère, quitte à prévoir des clauses selon lesquelles il conviendrait de déclarer que la réglementation n’a pas été enfreinte mais que les chiffres annoncés ne correspondent pas vraiment à la réalité ?

Visiblement, afin de rassurer les consommateurs, PSA a décidé de s’associer avec l’ONG Transport & Environnement pour réaliser des tests sur ses véhicules. Avez-vous des informations à ce sujet ? Ces tests sont-ils différents de ceux que vous pratiquez, sont-ils plus crédibles parce que réalisés par une ONG ?

À la suite du scandale de Volkswagen, l’idée d’une agence d’homologation européenne est en discussion. Quel est votre avis sur un éventuel passage à un autre statut ?

Enfin, l’UTAC reçoit l’ensemble des données des contrôles techniques des véhicules. Il y a là une matière gigantesque à même de contribuer à la compréhension de la vie des véhicules. Selon vous, sans révéler d’informations confidentielles, dans quelle mesure la mission pourrait-elle enquêter sur ces données ?

Mme Béatrice Lopez. Pour ce qui est des écarts constatés entre la consommation affichée à la suite des tests et la consommation réelle, je puis affirmer qu’en trente ans de métier, jamais il n’a été avancé que les mesures réalisées en laboratoire seraient représentatives de la réalité. J’ai été interrogée sur le sujet il y a trente ans et je déclarais la même chose. Les essais faits en laboratoire le sont à des fins de comparaison entre véhicules. Encore une fois, des paramètres maîtrisés en laboratoire ne le sont pas en service réel. La nouveauté concerne plutôt les émissions polluantes.

Nous avons découvert dans la presse ce qui a été révélé sur le Renault Espace. Nous souhaitons nous assurer que le protocole utilisé est bien le même que lors de l’homologation. J’y insiste : avant l’essai sur banc, il convient de réaliser d’autres essais – dont il s’agit ici de savoir s’ils ont bien été effectués.

M. Laurent Benoit. En effet, l’Espace a été « épinglée », vous y avez fait allusion, par l’ONG Deutsche Umwelthilfe (DUH) qui se dit sérieuse et qui avait déjà « épinglé » l’Opel Zafira, ces deux véhicules devant d’ailleurs passer en phase 2 chez nous. Ignorant le protocole suivi par DUH, nous ne savons pas ce qu’il vaut mais il n’y a pas de raison, si cette association a trouvé quelque chose, que nous ne le trouvions pas à notre tour.

Mme Béatrice Lopez. Je vous donnerai la même réponse à propos de l’enquête du magazine Auto Plus : nous ne connaissons pas les protocoles utilisés. Il est prévu de prendre contact avec eux pour connaître leur méthodologie. En attendant, nous ne pouvons pas juger des écarts observés.

M. Laurent Benoit. L’association Global New Car Assessment Program (Global NCAP) mène une réflexion au niveau européen sur ces questions touchant à l’environnement, dans le but, éventuellement, de définir une sorte de protocole, de Green NCAP plus précis que la réglementation et plus proche de la réalité.

Euro NCAP, le programme d’évaluation européenne des automobiles, organisme international indépendant, est plus sévère que la réglementation en vigueur. Le protocole d’Euro NCAP est très sérieux en matière de sécurité.

Mme la rapporteure. Dans quelle mesure peut-on considérer que l’intransigeance du contrôle d’homologation est plus stricte, aujourd’hui, pour ce qui concerne la sécurité du véhicule, qu’en ce qui concerne la pollution ?

Dans le cadre de vos conseils aux autorités françaises, avez-vous recommandé le dépassement de 110 % de la norme NOx entre 2017 et 2019 et de 50 % à partir de 2020, critères retenus le 28 octobre dernier par la Commission européenne ?

Pourriez-vous en outre répondre aux questions de la présidente et de M. Baupin sur le contrôle technique ? Vous avez un rôle de collecteur des données – que nous allons demander aux bons interlocuteurs – mais également un rôle quant aux méthodes de contrôle, quant à l’information et à la formation des contrôleurs…

Enfin, on nous a affirmé, d’un côté, qu’il fallait procéder à un travail de démontage coûteux pour vérifier qu’il y a une triche ou non, au moment du contrôle technique des véhicules censés être équipés d’un filtre à particules, quand d’autres nous ont déclarés que cette vérification ne figurait pas au nombre des critères de contrôle.

Mme Béatrice Lopez. Les critères d’homologation sont les mêmes en matière de sécurité et en matière d’environnement. Il s’agit des deux critères principaux retenus par la directive-cadre 2007/46/CE.

En ce qui concerne la décision du 28 octobre dernier, encore une fois, nous intervenons en tant qu’expert technique. Nous n’avons donc pas droit à la parole, au sein du Technical Committee on Motor Vehicles (TCMV), sur les décisions politiques.

Mme la rapporteure. Que vous a-t-on demandé alors ?

Mme Béatrice Lopez. Ce jour-là, de ne rien dire. (Sourires.) Nous sommes là en tant que support technique.

En amont de ce comité technique, se réunissent des groupes de travail qui élaborent la réglementation, mais nous n’intervenons qu’en ce qui concerne les procédures d’essais. Nous pouvons en effet, grâce à nos laboratoires, réaliser des essais préparatoires au futur protocole. Une fois que le protocole des essais est défini, la discussion passe au niveau politique auquel nous n’avons pas accès.

Mme la rapporteure. Si je comprends bien, vous avez été amenés à intervenir sur le détail du protocole WLTP ou sur le détail du protocole RDE, mais pas sur les décisions relatives au dépassement de normes.

Mme Béatrice Lopez. C’est tout à fait exact. Nous n’intervenons que sur les protocoles d’essais.

Ensuite, comme vous l’avez très bien dit, nous hébergeons tous les résultats des contrôles techniques et nous en faisons des analyses statistiques pour le compte du ministère. En tant qu’expert technique, nous participons aux protocoles donnés dans les centres de contrôle technique. Vous vous doutez bien que les mesures réalisées dans le cadre des contrôles techniques ne peuvent être de même nature que les essais réalisés en laboratoire d’homologation. Lors du contrôle technique d’un véhicule diesel, la mesure des fumées, de nature optique, n’a ainsi rien à voir avec celle, beaucoup plus précise, des particules, en masse et en nombre, effectuée en laboratoire.

M. Denis Baupin. Sur quoi portent les statistiques que vous établissez ?

Mme Béatrice Lopez. Le nombre de véhicules refusés, les défauts constatés, la plus ou moins grande sévérité des centres… Il ne s’agit pas de statistiques portant sur le fait de savoir, par exemple, si tel véhicule a tant de mètres moins un en opacité.

M. Laurent Benoit. Si le contrôle n’est pas concluant en ce qui concerne les fumées, l’automobiliste doit aller faire réparer son véhicule. Sur cette partie, c’est du « on-off », alors que sur d’autres points, l’évaluation peur être plus qualitative. Aussi, pour répondre à votre question, il y a, selon moi, une vraie pauvreté des données du contrôle technique sur le fait de savoir comment un véhicule vieillit – ce n’est donc pas le bon biais.

Mme la rapporteure. Ça pourrait l’être…

Mme Béatrice Lopez. Des réflexions sont en cours au niveau européen pour rendre le contrôle technique plus « parlant ». Nous pratiquons désormais un essai relatif aux systèmes de diagnostics embarqués (OBD, pour On Board Diagnostics), qui permet de vérifier que le véhicule détecte bien des défauts du dispositif antipollution, cela par le signalement lumineux, de couleur orange, au conducteur qui doit donc aller chez son garagiste. Dans le cadre du contrôle technique on va seulement vérifier si la lampe orange fonctionne – ici aussi, c’est du « on-off », ce qui reste assez sommaire.

M. Denis Baupin. Et en ce qui concerne une éventuelle agence européenne d’homologation ?

Mme Béatrice Lopez. L’UTAC y est très favorable. Nous en avons véritablement « ras le bol » que les autorités se montrent plus clémentes ! Nos laboratoires sont soumis à la norme ISO/CEI 17025:2005, ce qui coûte très cher. D’autres autorités n’ont pas de laboratoire et donc n’investissent pas en la matière. Aussi, si l’on pouvait harmoniser les processus d’homologation avec des exigences plus sévères, nous serions preneurs.

Nous investissons dans la compétence à hauteur de 10 % de notre chiffre d’affaires. Il s’agit de maintenir nos moyens, de les renouveler en fonction des nouvelles réglementations. Nous investissons enfin dans de nouvelles orientations automobiles. Il serait donc bon que, comme leur nom l’indique, tous les services techniques aient une compétence technique.

Mme la rapporteure. Y a-t-il une forme de concurrence entre organismes d’homologation en Europe et, si ce n’est sur le prix, est-ce sur la sévérité du contrôle ?

Mme Béatrice Lopez. Les prix sont à peu près tous équivalents, mais il est vrai qu’on peut noter une différence quant au nombre d’essais. Quand on connaît le prix d’un prototype, si nous exigeons trois essais alors que tel autre service n’en demandera qu’un, vous vous doutez bien que le coût ne sera pas le même. C’est en jouant sur les à-côtés qu’on pourra faire varier le coût d’une homologation.

Mme la rapporteure. Nous ne vous avons guère interrogés sur les procédures en cours : deux membres de la mission s’en occupent en particulier et nous poserons certaines questions directement au ministère dont vous êtes le service technique délégataire, étant donné que vous ne pouvez naturellement pas nous communiquer certaines informations.

M. Laurent Benoit. Nous ne savons pas du tout ce que PSA et Transport & Environnement vont enfanter. J’ai lu dans la presse que l’ONG était censée proposer à PSA des tests les plus cohérents possibles. Nous aurons l’occasion de voir demain M. Cuenot, de Transport et environnement, et comme il parle beaucoup (Sourires), nous en saurons plus sur son point de vue. Cette ONG est visiblement très indépendante et souvent très dure avec les constructeurs, aussi le groupe PSA n’a-t-il pas choisi le partenaire le plus facile.

Mme Marie-Jo Zimmermann, présidente. Nous vous remercions.

La séance est levée à dix-sept heures vingt.

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Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Réunion du mercredi 25 novembre 2015 à 16 heures

Présents. - M. Frédéric Barbier, Mme Delphine Batho, M. Denis Baupin, Mme Estelle Grelier, Mme Marie-Jo Zimmermann

Excusés. - M. Yves Albarello, M. Jean-Marie Beffara, Mme Françoise Descamps-Crosnier, M. Denis Jacquat, M. Jean-Pierre Maggi, M. Rémi Pauvros, Mme Sophie Rohfritsch