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Mercredi 2 décembre 2015

Séance de 12 heures

Compte rendu n° 12

Présidence de Mme Sophie Rohfritsch, Présidente

– Audition, ouverte à la presse, de M. Philippe Maler, inspecteur général de l’administration du développement durable et de M. Jean-Bernard Erhardt, administrateur en chef des affaires maritimes du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD).

Mission d’information
sur l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

La séance est ouverte à douze heures cinq.

La mission d’information a entendu M. Philippe Maler, inspecteur général de l’administration du développement durable et M. Jean-Bernard Erhardt, administrateur en chef des affaires maritimes du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD).

Mme la présidente Sophie Rohfritsch. Nous recevons aujourd’hui deux hauts fonctionnaires, MM Philippe Maler et Jean-Bernard Erhardt, qui, dans le cadre du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), ont récemment rédigé un rapport sur la coordination des actions ministérielles pour l’usage du gaz naturel liquéfié (GNL) comme carburant dans les transports routiers.

Ce travail s’inscrit dans la continuité d’une réflexion administrative plus large et de moyen terme. Le GNL est en effet reconnu comme l’une des composantes de la transition énergétique à l’échelon européen.

Notre mission d’information entend examiner les potentiels de chacune des filières « carburant », comme nous l’avons fait hier pour l’hydrogène et les piles à combustible. Le GNL est d’ailleurs considéré comme un carburant alternatif au sens de la directive européenne n° 2014/94 du 22 octobre 2014. À ce titre, la France sera tenue de notifier, avant la fin de l’année prochaine, son cadre national de déploiement des infrastructures de distribution du GNL.

Le gaz naturel liquéfié a pour particularités positives de très peu émettre d’oxydes d’azote (NOx) et de particules fines, contrairement au diesel, et de réduire sensiblement le niveau sonore des moteurs. Son utilisation pour les poids lourds devrait donc être favorisée. Pourtant, à ce jour, on ne compterait que quelques dizaines de véhicules de transport recourant, en France, à ce carburant. En outre, il n’existerait actuellement aucune station-service délivrant du GNL dans un cadre public : les points de distribution restant limités à des entreprises ou à des collectivités.

Au-delà du transport de marchandises, pourquoi le recours au gaz naturel liquéfié semble-t-il peu envisageable pour les véhicules légers ?

À l’expérience le gaz de pétrole liquéfié (GPL), qui concerne depuis plus de vingt ans les véhicules légers, et qui, après avoir enregistré des périodes de relative diffusion, ne paraît plus être considéré comme très « porteur ». Les situations sont-elles comparables ?

Pourrez-vous nous expliquer pourquoi la France est en retard ? Une fiscalité nettement plus favorable au GNL par rapport au diesel serait-elle la condition première au développement de ce carburant propre ?

Ces interrogations sont d’autant plus légitimes qu’il existe en France de grands groupes gaziers ainsi qu’une tradition de recherche et développement qui devraient nous placer à la tête de cette technologie.

M. Philippe Maler, inspecteur général de l’administration du développement durable. Le CGEDD est un organisme placé auprès de la ministre chargée de l’écologie. Il est consulté sur toutes les politiques entrant dans le champ d’action du ministère et, en l’occurrence, le transport et la transition énergétique.

Les travaux de notre mission n’ont concerné que les aspects relatifs à l’entreprise et à la filière du transport, alors qu’au départ il s’agissait d’une question contingente regardant le domaine maritime.

Le gaz naturel liquéfié est un produit industriel transformé dans les pays de production depuis le gaz naturel, et liquéfié à moins 160 degrés Celsius ; son volume est 600 fois moindre que celui du gaz naturel. Il est transporté dans des navires appelés méthaniers vers l’un des trois – bientôt quatre – terminaux méthaniers de France, où il est regazéifié afin d’être utilisé comme un gaz classique. Depuis quelques années, l’utilisation du GNL comme produit industriel, notamment comme carburant, constitue un fait nouveau : certaines entreprises ont d’ailleurs abandonné le fioul ou le gaz naturel.

Le GNL n’est pas un gazole froid. Il est stocké à basse température dans des réservoirs cryogéniques. Son volume est deux fois moindre que celui du gaz naturel compressé (GNC). Il offre une autonomie double de celle du GNC, et permet une puissance des moteurs supérieure. En revanche, une de ses caractéristiques est qu’il faut beaucoup rouler – plusieurs centaines de kilomètres par jour – afin de vider le réservoir, car la stagnation du produit entraine une vaporisation du gaz susceptible de nuire à sa qualité.

En 2012, une mission nous a été confiée pour répondre à un problème posé par le transport maritime utilisant principalement comme carburant le fioul, un produit dont les caractéristiques écologiques sont très mauvaises mais dont le prix est très bas. Or, une réglementation internationale et européenne prohibant l’émission de soufre par les navires circulant – en ce qui nous concerne – en Manche et en mer du Nord, est intervenue. Force est de reconnaître que, à la différence des pays scandinaves, l’armement maritime français n’y a guère été sensible : la ministre de l’écologie a donc été saisie de la question.

Au départ, notre mission ne devait durer que quelques mois, mais il s’est avéré que la question à traiter excédait largement celle de la propulsion des navires. Cela nous a conduits à travailler durant à peu près deux ans, en mettant en relation professionnels et administrations afin de créer un environnement favorable à l’utilisation du GNL comme carburant maritime. Nous avons ainsi été amenés à étudier les conditions objectives, réglementaires et financières, dans lesquelles fonctionne le secteur.

Le GNL n’est pas, en France, une success-story, pour la simple raison que, le prix du pétrole s’étant effondré, le gazole marin est devenu aussi peu coûteux que l’était antérieurement le fioul. Cela a sans doute été profitable aux entreprises – une étude du ministère a montré que les risques de faillite étaient sérieux, particulièrement pour les ferries –, mais cela a retardé la promotion du GNL, car les investissements nécessaires dans les navires et les installations de stockage à terre sont très lourds.

En 2013, le ministère a étendu le mandat de la mission aux secteurs routier et fluvial.

Le transport routier de marchandises représente 40 000 emplois : la flotte est composée de 250 000 camions – de plus de 3,5 tonnes – et de 200 000 tracteurs, appartenant pour une partie à des entreprises effectuant du transport en compte propre ; c’est un chiffre assez faible au regard du nombre de véhicules circulant en France. Toutes les normes techniques et réglementaires applicables au secteur sont d’origine européenne, alors que la concurrence internationale est extrêmement forte puisqu’une part importante du kilométrage réalisé dans la zone est le fait de non-résidents. De fait, les trajets au départ de la France ne représentent que 15 % du trafic international, et 0 % du transit : le camion étranger circulant sur notre territoire constitue donc un réel sujet d’intérêt.

Mais, si le nombre des véhicules concernés est relativement faible, le volume des émissions polluantes est, en revanche, considérable : selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), le trafic des véhicules de plus de 3,5 tonnes – ce qui inclut les autocars – a produit 23 % des émissions françaises de NOx en 2011. De son côté, le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (CITEPA) estime que ce trafic a été à l’origine de 7,2 % des émissions nationales de CO2 en 2012. On constate ainsi que les politiques de réduction des émissions de polluants concernent un secteur stratégique ; à cet égard, il faut reconnaître que la profession est parfaitement au fait de la question et a proposé des solutions intelligentes, sans pour autant renoncer au carburant diesel qui reste dominant.

Bien que les avis demeurent partagés, notre rapport a procédé à un certain nombre d’évaluations de l’impact éventuel du recours au GNL en termes d’émissions polluantes. Si les chiffres relatifs au NOx ne sont guère probants, ils le sont bien plus pour le CO2, quand bien même, là aussi, des estimations très divergentes sont en circulation. Le volume de 25 % est souvent avancé, mais il ne concerne que la mesure effectuée entre le réservoir et la roue
– l’hélice pour le maritime – ; or, s’agissant du CO2, ce qui importe, ce sont les émissions mesurées à partir du puits jusqu’à la roue ou l’hélice.

Afin d’arriver à définir une position française officielle, nous sommes parvenus à un accord entre les gaziers et l’ADEME et à définir une méthode commune de mesure des émissions de CO2 dues au transport, sachant qu’au sein de l’Union européenne chaque pays rencontre les mêmes difficultés. C’est là un point essentiel, qui fait d’ailleurs l’objet de l’une des recommandations de notre rapport.

Le recours au bio-GNL comme au bio-GNC constitue indéniablement une solution d’avenir, qui concerne un volume de production très important et permettrait de résoudre à la fois le problème des émissions de polluants et celui des émissions de CO2. Au demeurant, la mise en œuvre de cette perspective théorique pose des questions d’arbitrages et d’équilibres ne relevant pas des travaux de notre mission.

Le rapport explore les pistes d’utilisation du GNL et du GNC, les vertus de ces deux gaz étant les mêmes dans leur usage en tant que carburant destiné aux véhicules. Pour sa part, l’investissement se décompose en deux sujets : celui du réseau de distribution, beaucoup moins coûteux pour le domaine terrestre que pour le secteur maritime, et celui des véhicules. Aujourd’hui, les véhicules adaptés à ces nouveaux carburants sont coûteux puisque fabriqués en très petites séries, à la différence des poids lourds ; par ailleurs, les aides ne concernent que les véhicules particuliers. À cet égard, notre questionnement est le suivant : si peu de véhicules sont concernés, leur construction n’en relève pas moins d’investissements d’entreprise ; il existe tout de même divers moyens de faciliter ce type d’investissements sans nécessairement recourir à la prime.

En ce qui concerne l’approche industrielle, 13 800 camions, soit 5,7 % du parc, et 20 000 tracteurs, soit 10 % du parc, ont été construits en 2014. À la différence des véhicules légers, il n’existe pas de constructeurs français ; en revanche, trois entreprises construisent des camions sur notre sol : Iveco, Renault Trucks – suédois depuis une quinzaine d’années – et Scania. Toutefois, la France est exportatrice nette de moteurs à gaz, puisque Iveco construit une part non négligeable de ces moteurs en France, dans son usine de Bourbon-Lancy : la France dispose donc d’un savoir-faire dans la construction de moteurs à gaz. Les données relatives aux emplois issus de ces activités nous proviennent des industriels eux-mêmes : environ 1 000 équivalents temps plein (ETP), dont 150 créations nettes.

Enfin, la filière GNL concerne tout ce qui relève de la cryogénie, ce qui excède le seul transport routier ou maritime, pour laquelle la France détient un indéniable savoir-faire industriel en développement, et, depuis deux ans, nos industriels s’y intéressent beaucoup plus, à l’instar du groupe Air Liquide. Je tiens à signaler qu’il existe dans notre pays un fort potentiel au sein du secteur du gaz, même si cela outrepasse le cadre du rapport. La technologie du moteur à gaz, qu’il soit comprimé ou liquéfié, est maîtrisée, ce qui signifie que nous n’avons pas de recherche et développement à faire, à l’exception du biogaz et, surtout, de l’hydrogène.

Mme Delphine Batho, rapporteure. Notre mission ne s’intéresse pas uniquement aux véhicules particuliers, mais aussi au transport routier, qui est singulièrement stratégique. Vous considérez dans votre rapport que, pour les deux décennies à venir, le GNL constitue la seule solution technologiquement au point pour le transport routier ; j’aimerais que vous puissiez nous apporter des précisions.

Pourriez-vous, par ailleurs, fournir des informations ainsi que des comparaisons au sujet de la situation et des perspectives des pays européens, mais aussi dans d’autres zones géographiques, comme la Chine et les États-Unis ?

Enfin, vous n’avez pas abordé la question stratégique des réseaux, sur laquelle nous serions heureux d’entendre vos conclusions.

M. Gérard Menuel. Il me semble que vous avez tenu des propos quelque peu contradictoires, en évoquant, au sujet du GNL, la contrainte de couvrir beaucoup de kilomètres quotidiens, tout en considérant qu’il n’y avait plus de travaux de recherche et développement à accomplir : n’y aurait-il pas justement là une recherche à mener ?

M. Jean Grellier. Les trois constructeurs de poids lourds que vous avez évoqués disposent-ils tous du même savoir-faire industriel, ou certains sont-ils plus avancés que d’autres ?

M. Philippe Maler. Dans le domaine de la construction de véhicules à gaz, Iveco est, de loin, le principal constructeur européen ; c’est une filiale du groupe Fiat, qui se consacre, lui, aux véhicules légers.

M. Jean Grellier. Pouvez-vous nous renseigner au sujet des diverses filières du gaz, biogaz compris, susceptible d’être utilisé comme énergie pour les moteurs ? Des réflexions sont actuellement en cour concernant le rétrofit – ou réaménagement –, concernant notamment les bus ; il s’agirait d’accroître leur longévité en adaptant leurs moteurs au gaz.

M. Philippe Maler. Le rétrofit est couramment pratiqué en Espagne ; en France, il se heurte au manque d’enthousiasme des compagnies d’assurance ; au demeurant, les camions fonctionnant au GNL sont très utilisés et, en conséquence, très vite revendus – après avoir roulé 100 000 kilomètres au minimum, généralement hors de notre pays. Aussi ne suis-je pas sûr que le rétrofit puisse constituer une solution, du moins pour des camions, a fortiori pour des tracteurs de remorques. La profession n’a d’ailleurs pas exprimé de demandes particulières à cet égard.

M. Jean-Bernard Erhardt, administrateur en chef des affaires maritimes (Conseil général de l’environnement et du développement durable). Le GNL est conditionné dans des réservoirs. A ma connaissance, ceux de marque Chart sont à 8 bars ; une soupape d’évaporation sert à prévenir l’échauffement du GNL non utilisé au-delà de 16 bars. C’est pourquoi, afin de maintenir le GNL froid dans le réservoir, il faut l’utiliser régulièrement et faire plusieurs centaines de kilomètres par jour. En effet, le modèle économique veut que le transporteur achète du gaz en tant qu’énergie, et non pour qu’il se trouve éventé : ne pas utiliser le GNL acheté constituerait un non-sens économique.

Afin d’éviter ce phénomène de vaporisation – le boil-off gas –, il est possible d’utiliser le GNL compressé dans des réservoirs à 200 bars, ce qui réduit les risques et permet de ne pas utiliser son véhicule pendant plusieurs jours. Stocké à moins 163 degrés Celsius, le GNL est essentiellement formé de méthane ; de son côté, le gaz de pétrole liquéfié, qui est du butane propane, est stocké à pression atmosphérique liquide à moins quinze degrés.

Pour répondre à votre question sur les enseignements tirés de l’utilisation du GPL, madame la présidente, et particulièrement sur les accidents liés aux valves, j’indiquerai que, dans le domaine du GNL, toutes les normes techniques sont définies ou en cours de définition, notamment pour les stations-service d’approvisionnement. Les véhicules utilisant le GNL répondent à un règlement international édicté par la Commission économique des Nations unies pour l’Europe (CEE-ONU) et qui est entré en vigueur à l’automne dernier : il définit les normes applicables à ces véhicules, y compris celles du réservoir.

Dans notre rapport, nous avons souligné l’enjeu que constitue la formation de tous les acteurs impliqués dans la chaîne logistique qui seront conduits à manipuler du GNL, de façon à éviter les erreurs dues à l’absence de procédures ou les réactions inappropriées en cas d’incident. L’Association française du gaz (AFG), avec laquelle nous travaillons, a déterminé un référentiel de formation des chauffeurs-livreurs ; par ailleurs, notre mission approfondit actuellement ce point en participant aux travaux du sous-groupe GNL du Forum européen du transport durable.

Dans le cadre de la préparation de la programmation pluriannuelle de l’énergie, nos travaux au sein des ateliers biogaz ont montré qu’il faut partir de ce gaz et l’épurer afin d’obtenir du biométhane pour parvenir à une qualité susceptible d’être utilisée comme carburant. À partir du biométhane, on obtient du bio-GNC compressé à 200 bars, ou, en le liquéfiant – à condition d’avoir de petites unités de liquéfaction – afin de l’obtenir sous forme liquéfiée à moins 163 degrés Celsius.

Le rapport insiste sur la nécessité de mettre en place une chaîne logistique de bio-GNL. Nous devons aussi étudier avec l’ADEME quels peuvent être les gains attendus de la liquéfaction du biométhane en termes de réduction des émissions de CO2. Aussi, des travaux supplémentaires de recherche et développement, restent probablement à mener, et nous souhaitons rencontrer des équipementiers, notamment le groupe Air Liquide, afin d’évoquer la question des stations GNL.

M. Philippe Maler. Le transport routier constitue un métier nécessitant de potentiellement pouvoir aller partout ; cela signifie que vos véhicules doivent pouvoir se rendre là où ils sont appelés. Ainsi, une compagnie de ferries, dans le cadre d’une série de deux ou trois liaisons fixes, peut parfaitement fonctionner avec ses propres réserves de carburant. De son côté, un transporteur routier peut tout faire partout, surtout si sa flotte est composée de gros véhicules. Il faut donc être assuré, où que l’on se trouve, de trouver du carburant à un prix économiquement valable. Cela vaut aussi pour le GNL maritime.

Nous savons que la ressource est d’une ampleur et d’un coût tels que, dans la durée, il constituera un carburant compétitif ; faudra-t-il encore qu’il le soit écologiquement. Nous avons consulté bien des acteurs, dont l’ADEME : tout en restant prudents, nous avons estimé que nous disposons de deux décennies pour ne pas dire d’avantage ; dans un tel laps de temps, plusieurs camions seront nécessaires, ce qui n’est pas le cas des navires.

M. Jean-Bernard Erhardt. En ce qui concerne la Chine, la littérature disponible montre un fort développement du GNL dans le transport routier, mais aussi fluvial, sur le Yang-Tsé, ainsi que maritime. Préoccupé par la pollution, ce pays investit dans la lutte pour la qualité de l’air. On assiste à une augmentation consistante du nombre d’unités de liquéfaction du gaz et de terminaux destinés à maintenir le circuit d’approvisionnement. De très nombreux véhicules terrestres et autres transports fluviaux utilisent désormais le GNL comme carburant, en outre, les projets de construction de bateaux compatibles se multiplient.

Les États-Unis mènent une politique à l’échelon fédéral : la United States Environmental Protection Agency (EPA) et la United States Maritime Administration (MARAD) promeuvent les projets GNL, à la fois pour la navigation maritime et fluviale, sur les Grands Lacs ainsi que pour les transports routiers. Le très bas prix du gaz dans ce pays favorise le développement de l’utilisation du GNL par les opérateurs de transport.

Par ailleurs, des États fédérés, tels la Californie, ou même des États dépourvus de littoraux, encouragent activement le recours au GNL et au GNC et développent des stations-service adaptées au transport routier.

M. Philippe Maler. Le site internet de la société américaine UPS Express décrit la composition de la flotte et retrace les quantités de GNL utilisées ainsi que les zones où il est recouru à l’hybride électrique et au diesel. La rationalité de l’organisation en fait le cas d’école d’une entreprise ayant compris son intérêt.

En Europe, l’usage du GNL est récent ; il existe, en plus forte proportion qu’en France, dans trois pays. En Grande-Bretagne, le recours au GNL s’est développé à la manière d’une génération spontanée, il n’existe pas de politique globale : la Vehicle Certification Agency (VCA) édicte les règles applicables à la propreté des véhicules terrestres. Ce pays s’est récemment équipé d’un terminal méthanier à South Hook, sans pour autant disposer de plateformes compatibles.

Les Hollandais se sont dotés du Gate Terminal, plateforme GNL fonctionnant comme une sorte de club, auquel des gaziers, des transporteurs et des industriels peuvent s’affilier moyennant un droit d’entrée : tout est organisé autour de ce terminal, à partir duquel le gaz est distribué ; cette organisation diffère en tout de la nôtre. Les Hollandais dominent le transport routier européen depuis longtemps : leur organisation est rationnelle et fonctionnelle ; leur flotte comprend 300 véhicules environ, certaines entreprises disposent de 20 camions et les chiffres du kilométrage sont éloquents. Il faut garder à l’esprit que, dans ce pays, la préoccupation de la qualité de l’air préside à toute construction d’infrastructure, bien plus qu’en France.

En Espagne, le mouvement a été inverse puisque c’est le monde économique qui s’est constitué en association, impliquant les deux domaines maritime et routier ; l’administration n’est impliquée que dans une moindre part. Cette situation s’explique par la présence, dans ce pays, de huit terminaux méthaniers qui ne connaissent pas, aujourd’hui, une activité florissante, au point que l’un d’entre eux, bien qu’inauguré, n’a jamais fonctionné. Le réseau « tuyau » étant peu développé, le GNL, très utilisé, doit être acheminé.

Les Espagnols ont beaucoup investi le sujet ; ils recourent largement au rétrofit, car la crise économique n’encourage guère l’acquisition de camions neufs. La politique suivie est très volontariste : leur plan de développement prévoit 2 000 poids lourds fonctionnant au GNL à l’horizon 2020.

M. Jean-Bernard Erhardt. Depuis plusieurs années, les pays nordiques sont les plus avancés dans l’utilisation du GNL comme carburant maritime. La Norvège utilisait déjà ses ressources gazières et disposait d’un fonds « NOx » résultant de cotisations d’entreprises. Avec ce pays, la Suède, le Danemark et la Finlande constituent un réseau de petits terminaux méthaniers qui approvisionne en GNL les flottes terrestres et maritimes.

Sur la petite centaine de navires recourant aujourd’hui au GNL, la moitié au moins se trouvent dans ces pays, surtout en Norvège : les projets se multiplient dans les pays nordiques, mais aussi en Allemagne ; en Espagne, l’armateur Balearia transforme ses ferries afin d’utiliser ce carburant. Nous avons appelé l’attention de l’administration maritime et des ports français sur le développement de la concurrence des ports européens : depuis Zeebrugge, tous les ports de la mer du Nord disposent de leur propre réglementation et de leur logistique d’approvisionnement des navires en GNL. Aussi les ports français ne doivent-ils pas rater ce rendez-vous s’ils veulent demeurer compétitifs.

M. Philippe Maler. À l’époque où nous établissions notre rapport, il n’y avait pas, en France, de stations publiques de distribution de GNL terrestre ; aujourd’hui, il en existe deux et d’autres sont en construction, dont certaines bénéficient de financements communautaires. Nous encourageons nos partenaires à recourir à ces financements, que d’autres pays ont su utiliser beaucoup mieux que nous dès le départ, car ils sont stratégiques.

M. Jean-Bernard Erhardt. Dans le cadre financier pluriannuel européen 2007-2013, un ensemble de projets d’infrastructure a bénéficié de plus de 500 millions d’euros de financement, et de 160 millions d’euros du fonds dédié au réseau de transport transeuropéen. La part française a été très faible : trois projets seulement, pour un peu plus de 2,5 millions d’euros. Sur cette période, nous avons utilisé les sources de l’Agence pour l’innovation et les réseaux (INEA), qui gère les financements du réseau de transport transeuropéen (RTE-T). Avec le Bureau de promotion du shortsea shipping (BP2S), l’AFG et l’Association française du gaz naturel pour véhicules (AFGNV), nous avons conduit des actions d’information des opérateurs.

À cette occasion, nous avons pu examiner des dossiers déposés par des opérateurs français dans le cadre du dernier appel publié par la Commission européenne en 2014. Au cours de cette année, 25 projets d’utilisations du GNL ont été retenus par la Commission : dix sont axés sur les transports routiers, parmi lesquels trois sont français, ce qui dénote un intérêt plus marqué de nos entreprises pour les financements européens d’infrastructures. L’attractivité de l’aide par subventions réside en ce que les études sont cofinancées à 50 % par le RTE-T, les travaux à 20 % pour le routier et à 30 % pour les autoroutes de la mer.

Mme la présidente Sophie Rohfritsch. Messieurs, nous vous remercions pour cette présentation riche et détaillée.

La séance est levée à douze heures quarante-cinq.

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Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Réunion du mercredi 2 décembre 2015 à 12 heures

Présents. - Mme Delphine Batho, M. Jean-Marie Beffara, Mme Estelle Grelier, M. Gérard Menuel, Mme Sophie Rohfritsch

Excusés. - M. Yves Albarello, M. Xavier Breton, M. Jean-Pierre Maggi, M. Rémi Pauvros, Mme Marie-Jo Zimmermann