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Mercredi 16 décembre 2015

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 16

Présidence de Mme Sophie Rohfritsch, Présidente

– Audition, ouverte à la presse, de M. Ariel Cabanes, directeur de la prospective et de Mme Clémence Artur, chargée des relations publiques du Conseil national des professions de l’automobile (CNPA).....

Mission d’information
sur l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

La séance est ouverte à onze heures trente.

La mission d’information a entendu M. Ariel Cabanes, directeur de la prospective et Mme Clémence Artur, chargée des relations publiques du Conseil national des professions de l’automobile (CNPA).

Mme Sophie Rohfritsch, présidente. Nous recevons les représentants du Conseil national des professions de l’automobile (CNPA), Monsieur Ariel Cabanes, directeur de la prospective, et Mme Clémence Artur, en charge des affaires publiques.

Le CNPA a vocation à représenter tous les métiers de l’automobile autres que les constructeurs et les équipementiers.

Il s’agit d’activités diverses qui vont de la vente à la réparation et au dépannage, des carrossiers aux centres de contrôle technique, sans oublier le secteur des poids lourds et donc une grande partie des professionnels que l’on peut appeler les « diésélistes ».

Plus de vingt grands métiers sont représentés. Sans les énumérer tous, on peut citer également les détaillants de carburants et de lubrifiants, les recycleurs, les distributeurs de pneumatiques ou encore les installateurs de systèmes GPL et même les concessionnaires de motocycles et de voiturettes.

Combien d’emplois sont concernés par ces activités qui sont autant de réseaux actifs et répartis sur l’ensemble du territoire ?

Cette audition est l’occasion de vous entendre sur les défis d’adaptation auxquels vos activités sont confrontées, tant en termes d’emplois, de formation professionnelle que d’investissements.

Dans le domaine de la vente de véhicules, par exemple, les relations des agents et des concessionnaires avec les constructeurs ont-elles évolué au cours des dernières années ? À cet égard, peut-on, identifier certaines spécificités de la part des deux constructeurs français ?

Quelle appréciation portez-vous sur l’évolution du marché de l’occasion et notamment sur les perspectives pour les véhicules diesel des anciennes générations ?

Les membres de la mission seront également très attentifs à vos interrogations comme à vos propositions, en matière réglementaire ou fiscale, au-delà du seul rééquilibrage, au demeurant progressif, des taxations sur l’essence et le diesel, qui devrait être engagé.

M. Ariel Cabanes, directeur de la prospective du Conseil national des professions de l’automobile. Le CNPA représente les entreprises qui forment l’aval de la filière automobile, l’amont étant occupé par les industriels, constructeurs et équipementiers, qui sont regroupés depuis 2009 au sein de la Plateforme automobile (PFA). Nous comptons d’ailleurs proposer que la France adopte une vision systémique de l’amont et de l’aval qui fait défaut aujourd’hui.

L’aval est constitué de 21 métiers très divers, qui vont effectivement de la distribution à la réparation et aux services autour de la mobilité – vous n’avez toutefois pas cité les parcs de stationnement qui peuvent avoir leur importance dans la réflexion sur la mobilité urbaine. Ces activités concernent un peu plus de 100 000 entreprises et, au total, un peu plus de 400 000 emplois.

Nous avons demandé une étude à la Banque de France afin de connaître, en s’appuyant sur des chiffres précis, l’évolution entre 2009 et 2014 des différents métiers, classés en quatre grandes familles parmi lesquelles le commerce et la distribution ou l’après-vente. La filière aval se caractérise par la place qu’occupent les indépendants – 80 % des entreprises ne sont pas liées à l’amont. Autre caractéristique de cette filière, elle compte près de 50 000 très petites entreprises – autoentrepreneurs ou entreprises à zéro salarié –, ce qui impose des exigences fortes en termes de formation et d’évolution de l’emploi pour s’adapter aux mutations de la mobilité et aux nouveaux véhicules.

L’aval représente 400 000 des 600 000 emplois du secteur automobile, soit les deux tiers des emplois.

Lors des États généraux de la filière aval, organisés en mars 2015 à Bercy sous l’égide du ministre, M. Emmanuel Macron, il nous a été demandé de rédiger un Livre blanc de la filière aval. Depuis le mois d’avril, nous avons mené un travail d’analyse, métier par métier, pour identifier les caractéristiques de la filière et pour déterminer les moyens d’en faire un atout pour la transformation des mobilités, de préparer les métiers aux nouvelles technologies et de développer l’emploi.

L’une des caractéristiques des métiers que représente le CNPA tient à leur très grande capillarité. Le petit garagiste en milieu rural, qui souvent répare la voiture mais aussi la tondeuse ou le matériel agricole, est un élément de mobilité et de proximité ; il contribue à l’emploi en permettant à un demandeur d’emploi de se déplacer et à un artisan de travailler en milieu rural. Les mutations de la mobilité préoccupent aussi les territoires ruraux.

Je ne suis pas en mesure de vous présenter aujourd’hui le Livre blanc puisqu’il sera remis officiellement à la fin du mois de janvier mais je peux en dire quelques mots.

Ce Livre blanc rappellera la fiche d’identité des différents métiers. Il doit proposer des pistes pour que ceux-ci se préparent aux mutations qu’implique le passage d’une économie d’usure du véhicule à une économie de l’usage. Il abordera la dématérialisation de la propriété, la gestion de flottes, les systèmes collaboratifs. Il cherchera à répondre à ces questions : comment cette filière, qui est une filière à part entière et pas seulement l’aval des industriels, peut se prendre en charge ? Quels sont les atouts qu’elle peut mettre au service des transitions en cours ?

Ce Livre blanc, intitulé « Un pacte de mobilité », comportera six axes, dont trois axes de transformation : comment préparer les métiers aux évolutions ? Comment faire face aux différentes réglementations et à leurs évolutions ? Comment promouvoir l’emploi et faciliter l’intégration des jeunes à travers des contrats d’apprentissage et des politiques de formation ?

Le CNPA, ce sont aussi des organismes comme l’Association nationale pour la formation automobile (ANFA), et le Groupement national pour la formation automobile (GNFA), qui, du CAP jusqu’au bac + 5, forment à tous les métiers de l’automobile. Comment, à travers ces organismes de formation, va-t-on préparer les jeunes à réparer des véhicules électriques ou à hydrogène ou à gérer des technologies différentes – les véhicules connectés supposent des garages connectés et des services connectés ? Ces nouveaux métiers doivent être mis en place – certains le sont déjà – mais toute la filière doit réussir à former des jeunes pour prendre en charge le véhicule, une fois vendu. Sans des garages et des services connectés, le véhicule connecté mettra du temps à se développer.

Le Livre blanc identifie trois piliers de prospective, à l’horizon 2020, autant de sujets qui sont déjà au cœur de notre actualité : le premier d’entre eux est l’économie circulaire ; l’aval de la filière, c’est avant tout la gestion et l’entretien du parc roulant. Comment entretient-on les véhicules et comment fait-on pour prolonger la vie des véhicules afin d’économiser de la matière première lors de la conception des véhicules ? Comment rendre la maintenance des véhicules beaucoup plus vertueuse en matière de sécurité mais aussi d’environnement ? Le Livre blanc doit comporter des propositions pour « une maintenance verte » des véhicules existants qui sont souvent des véhicules assez anciens – l’âge moyen du parc automobile français est de 8,7 ans. Il faut être conscient que l’impact sur l’environnement ne doit pas être mesuré uniquement pour les nouveaux véhicules mais aussi pour le parc roulant.

1,8 million de véhicules neufs avec des technologies récentes, respectant les normes Euro 5 ou Euro 6, faiblement émetteurs de gaz à effet de serre ou de particules, sont mis sur le marché tandis que l’aval doit prendre en charge un peu plus de 38 millions de véhicules en service aujourd’hui.

Il ne faut pas non plus oublier la fin de vie des véhicules, avec le système de collecte et de recyclage ; ces branches – la collecte, les pneumatiques usagés, les pièces de réemploi ou encore les véhicules hors d’usage (VHU) – sont extrêmement importantes. La filière aval a un rôle à jouer pour assainir les activités de collecte. On sait très bien que subsistent encore beaucoup de zones d’ombre, en dépit de la réglementation, européenne ou française, qui proscrit la destruction sauvage de véhicules ou les marchés parallèles de pièces et de pneumatiques. On connaît les circuits qui permettent aux véhicules ou aux pièces de revenir en France.

Deuxième pilier prospectif, le numérique. L’apparition du véhicule connecté implique des mutations dans les garages et les services afin d’être en mesure d’établir un diagnostic intelligent et de réparer le véhicule, voire le remettre dans l’état initial, l’ambition n’étant pas seulement de faire rouler le véhicule. Nous pourrons aborder la question du contrôle technique, sujet majeur.

Dernier pilier, les énergies alternatives – le véhicule électrique, le véhicule à hydrogène – sur lesquelles nous pourrions nous engager fortement. Quelles peuvent être les ambitions sur ce sujet ? Quels sont les modes de financement que nous envisageons pour pouvoir déployer ou expérimenter ces innovations dans certaines régions ?

Enfin, nous proposons au ministre, sous l’égide du comité stratégique de filière, la création d’une plateforme de la mobilité, aux côtés de la PFA, qui prenne en compte l’ensemble des métiers de l’aval dont le rôle est extrêmement important dans la gestion du parc automobile.

Mme Clémence Artur, chargée des affaires publiques. Les 400 000 emplois de la filière aval ne sont pas « délocalisables ». Ce sont des emplois de service et de proximité.

80 % des emplois ne sont pas dans le giron des constructeurs, ce qui n’empêche pas que subsistent des relations contractuelles ou économiques qui peuvent être compliquées avec certains donneurs d’ordre, que ce soit les compagnies d’assurance ou les pétroliers pour la distribution de carburants.

Depuis la fin du règlement européen d’exemption, subsiste un flou sur le statut du distributeur automobile, qui n’est pas juridiquement défini aujourd’hui. Cela pose des problèmes aux entrepreneurs, à la tête de grosses entreprises – la distribution automobile représente environ 150 000 emplois. Ces chefs d’entreprise doivent assumer des investissements très conséquents afin de respecter les cahiers des charges imposés par les constructeurs pour les showrooms. En outre, ces surfaces sont soumises à la taxe sur les surfaces commerciales. L’environnement économique est donc assez complexe. Or, on observe un léger tassement des ventes de véhicules neufs malgré une année 2015 plutôt satisfaisante. La rentabilité de cette activité est donc quelque peu rognée. L’absence de statut pour le distributeur recrée une relation de dépendance économique importante à l’égard du constructeur. Ainsi, un patron de concession automobile ne peut, aujourd’hui, pas choisir seul la personne qui va reprendre son entreprise ; cette décision fait l’objet d’une négociation avec le réseau « constructeur ». Il n’est pas question de noircir le tableau car, sur le terrain, les choses se passent bien : les réseaux dialoguent avec les distributeurs automobiles. Nous valorisons ce dialogue au travers de la « cote d’amour » des constructeurs, une étude que nous réalisons chaque année auprès de nos concessionnaires et qui donne lieu à un palmarès.

Les relations contractuelles, déjà compliquées, ont toutefois été aggravées par l’article 31 de la loi pour la croissance et l’activité, c’est-à-dire par un article destiné à s’appliquer à la grande distribution. Or, une fois de plus, la distribution automobile tombe sous le coup des différentes réglementations visant la grande distribution. Cet article prévoit une résiliation automatique de l’ensemble des contrats entre un réseau et les différents magasins. Or, un distributeur automobile est lié par trois types de contrats avec son constructeur : un contrat de vente de pièces, un contrat de maintenance, un contrat de vente de véhicules. Cela fait partie d’une nécessaire souplesse dans les relations contractuelles avec les constructeurs que de pouvoir mettre fin à l’un des trois contrats sans pour autant mettre fin aux autres. Les contrats sont en outre assez complexes à renégocier. Les distributeurs sortent rarement gagnants de ce type de rapports de forces. Nous avions alerté sur les difficultés que risquait de faire peser sur nos entreprises cet ajustement législatif qui partait d’une bonne intention mais pour la grande distribution.

M. Ariel Cabanes. Selon l’étude de la Banque de France, entre 2009 et 2014, le nombre d’emplois pour l’ensemble de l’aval a diminué de 4,3 %. Cette décrue s’observe particulièrement dans le domaine du commerce et de la distribution, en conséquence de la baisse des ventes de véhicules neufs : le nombre d’emplois est ainsi passé de 200 000 à 178 000. Dans le même temps, les services ainsi que le commerce et la réparation, eux, créent des emplois. Dans le domaine de l’après-vente et de la réparation, le nombre d’emplois est passé de 142 000 à 146 000. Depuis 2011, on observe un rééquilibrage, notamment en faveur du contrôle technique et de la maintenance des parcs. La filière assume son rôle dans la gestion du parc roulant en créant des emplois.

Autre point encourageant, 64 % des entrepreneurs ont moins de 50 ans et 32 %, moins de 40 ans. Si la formation et la qualité professionnelle sont au rendez-vous et si l’activité répond à un besoin identifié des consommateurs, ces petites entreprises, souvent bâties par un autoentrepreneur, créent des emplois et contribuent au maillage territorial.

Mme Delphine Batho, rapporteure. Je vous remercie pour la vision stratégique très éclairante que vous nous avez présentée. Nous sommes très intéressés par la lecture du Livre blanc et de l’étude de la Banque de France qui devraient être publiés dans des délais compatibles avec le calendrier de nos travaux.

Quelles sont les perspectives d’évolution en termes d’emplois pour la filière ?

Le renouvellement du parc roulant est au cœur de nos travaux tant les différences entre anciens et nouveaux véhicules sont marquées en matière d’émissions polluantes. Quel est votre point de vue sur le marché de l’occasion et la gestion du parc roulant ? Faut-il selon vous accélérer le renouvellement du parc ?

Vous avez mentionné rapidement le contrôle technique. Quelle part de l’activité représente-t-il ? Nous nous interrogeons sur son contenu et sa possible évolution en matière de respect des normes d’émissions polluantes.

Que pouvez-vous nous dire de la pratique du « défapage » ?

L’association UFC-Que choisir, lors de son audition, a insisté sur l’ouverture à la concurrence du marché des pièces détachées. Quel est votre point de vue ?

L’aval de la filière étant en relation directe avec les consommateurs, d’après les informations qui remontent de votre réseau, quel est l’impact de l’affaire Volkswagen ?

Enfin, pouvez-vous nous en dire plus sur la cote d’amour des constructeurs que vous avez mentionnée ?

M. Jean Grellier. Voyez-vous pour l’avenir une égale répartition entre les différentes sources d’énergie – électricité, biogaz, hydrogène – ou pensez-vous que l’une d’elles peut prendre le dessus ? La baisse du cours du pétrole est-elle conjoncturelle ou structurelle ?

S’agissant des pièces détachées, est-il nécessaire de maintenir le monopole des constructeurs français ?

Peut-on envisager une démarche industrielle pour la déconstruction des véhicules viable économiquement ?

M. Philippe Duron. Comment voyez-vous l’évolution du marché de l’occasion face à la progression de l’électrification du parc ? Le marché de l’occasion pour les véhicules électriques, aujourd’hui embryonnaire, peut-il vraiment se développer ?

L’économie d’usage est-elle vouée à être captée par les grands constructeurs et leurs distributeurs ou permettra-t-elle l’émergence d’autres acteurs ?

Depuis la remise en cause de l’exclusivité, comment les distributeurs se positionnent-ils face aux contraintes que leur imposent les constructeurs ? Sont-ils favorables au maintien de l’exclusivité de marque ou à une plus grande liberté qui leur permettrait de vendre un bouquet de produits ?

M. Gérard Menuel. Nous avons retenu des auditions précédentes que le véhicule à hydrogène est une perspective très lointaine. Vous semblez être plus optimistes. Pouvez-vous préciser dans quel calendrier vous inscrivez cette perspective ?

L’âge moyen du parc automobile connaît-il des évolutions ? Et comment se situe la France par rapport aux autres pays européens ?

M. Yves Albarello. Je souhaite également des éléments de comparaison européenne sur le vieillissement du parc.

Il reste beaucoup à faire en matière de collecte – il suffit de constater le nombre de pneus et de carcasses de voitures qui jonchent nos routes de campagne. Les constructeurs mènent-ils une réflexion sur ce sujet pour mettre un terme à ces pratiques ?

M. Gérard Menuel. Peut-on d’ailleurs imaginer demain des pneus dont la durée de vie serait identique à celle du véhicule ?

M. Ariel Cabanes. Au risque de vous décevoir, la réponse est non.

Les services ont vocation à se développer. Il ne faut pas envisager les évolutions par le seul prisme du véhicule particulier. Nous parlons de l’ensemble des véhicules, les véhicules utilitaires légers, les poids lourds et les parcs de semi-remorques ou les bus. S’agissant de l’âge moyen du parc, les véhicules industriels sont un peu plus jeunes, leur renouvellement est plus rapide – l’âge moyen est entre six et sept ans – ; pour le matériel tracté, l’âge varie de dix à quinze voire dix-huit ans. Les problématiques sont donc différentes.

Nous ne disposons pas de prévisions sur l’évolution de l’emploi. Parallèlement à la diminution du nombre d’emplois, on observe un phénomène de vases communicants : les modes de commercialisation et de distribution devenant plus efficients, l’emploi dans ce secteur risque peut-être de se contracter encore mais rien ne le laisse présager pour l’instant. En revanche, l’activité de services va prospérer, c’est une évidence. Nous avons la conviction que les services vont se développer pour pouvoir gérer le parc mais aussi pour mettre en place le garage « social », concept auquel le CNPA est très attaché.

Une personne propriétaire d’un véhicule, âgé de plus de dix ans, ne l’est pas par plaisir mais par nécessité, notamment pour se rendre sur son lieu de travail. Nous devons être inventifs pour lui proposer la réparation ou la remise en état de son véhicule non pas avec des pièces d’origine mais avec des pièces de réemploi, à condition que celles-ci suivent un circuit encadré et soient utilisées dans des filières professionnelles qui respectent les règles de l’art. Nous proposons de mettre en place des « garages sociaux » afin que les vieux véhicules puissent être réparés et entretenus en garantissant la sécurité routière et, quand c’est possible, un verdissement. Grâce ces améliorations, le véhicule continuera ainsi à être utilisé de la manière la plus vertueuse possible.

Mme Sophie Rohfritsch, présidente. Pourquoi faudrait-il des garages dédiés ? Ces garages « sociaux » ne peuvent-ils pas être intégrés dans le réseau classique ?

M. Ariel Cabanes. Ils pourraient trouver leur place dans le circuit classique, bien entendu.

Dans l’après-vente, il faut gérer deux types de véhicules : les véhicules récents sous garantie pour lesquels les réparations sont faites avec des pièces d’origine de la même marque. Pour ces véhicules, il y a l’obligation de remettre le véhicule presque à l’état neuf. En revanche, pour les véhicules au-delà de huit ans, même si l’État propose des mesures incitatives pour le renouvellement du parc – je ne dis pas qu’il ne faut pas les prendre –, leur effet ne se fera pas sentir tout de suite. Nous avons essayé par le passé les bonus et les malus, nous savons qu’ils demandent du temps pour produire leurs effets car l’introduction de nouveaux véhicules sur le marché prend du temps. Nous pourrions imaginer d’aider les acquéreurs d’un véhicule d’occasion répondant aux normes Euro 5 au minimum en leur offrant un contrôle technique gratuit ou encore une carte grise gratuite etc. Les professionnels peuvent s’engager sur une telle mesure, tout en la jugeant insuffisante.

Mais qui peut s’acheter un véhicule d’occasion Euro 5 qui coûte au bas mot 10 000 à 12 000 euros ? Le propriétaire d’un véhicule dont la moyenne d’âge est au-delà de huit ans et la valeur entre 2 000 à 3 000 euros, n’a pas les moyens de s’acheter un véhicule Euro 5.

Grâce au « garage social » utilisant des pièces de qualité, approuvées et garanties par des professionnels, mais issues du démontage du véhicule hors d’usage, le véhicule peut continuer à rendre service.

Mme Clémence Artur. Il est intéressant de différencier ce qui relève du service pour des véhicules neufs qui vont connaître de grandes mutations et ce qui relève de la maintenance pour l’ensemble du parc dont, je le rappelle, l’âge moyen est de 8,7 ans.

L’âge moyen de destruction d’un véhicule dépasse aujourd’hui dix-neuf ans. Le marché de l’occasion nous échappe en partie puisque trois cinquième des transactions se font de particulier à particulier.

Les propriétaires de véhicules anciens, dont on peut préjuger qu’ils connaissent souvent des difficultés économiques, vont se détourner assez rapidement des professionnels de l’automobile, d’abord des réseaux de distributeurs qui sont réputés plus chers et, à terme, du garagiste indépendant en raison de l’essor de l’économie collaborative – le voisin va proposer de faire lui-même les réparations. Cette filière illégale ou grise, qui revêt des formes très différentes – un professionnel qui fait du dépannage le week-end à titre privé comme une personne qui s’y connaît un peu – grignote de plus en plus de parts de marché, tant pour la réparation que, de façon plus sensible encore, pour le recyclage.

L’ADEME estime qu’un véhicule sur deux n’est pas remis dans les centres VHU
– centres de destruction des véhicules hors d’usage – parce qu’ils sont démontés ailleurs, et ce pour deux raisons.

D’abord, les particuliers ignorent parfois leurs obligations à l’égard de leur véhicule qui n’est plus en état de rouler – vous connaissez ces affiches aux feux rouges qui proposent de reprendre le véhicule en échange de 300 ou 400 euros, une solution plus attractive que de faire venir un dépanneur et payer 150 euros pour pouvoir l’emmener en centre VHU. Ensuite, il reste moins coûteux de choisir une autre solution que le centre VHU.

Cette offre de services à caractère social pour les véhicules particuliers est aussi une façon de maintenir de l’emploi. Il sera toujours plus avantageux pour le consommateur de faire appel à un garage avec des professionnels qui utiliseront des vraies pièces de réemploi qui seront traçables, donneront des garanties en matière de sécurité routière et permettront de profiter d’un véhicule au maximum de ses capacités énergétiques, toutes choses que le voisin dont je parlais n’est pas à même d’offrir.

Pour le renouvellement du parc, des mesures incitatives sont mises en œuvre. Toutefois, la prime à la casse a surtout conduit à détruire des véhicules qui avaient à peine une dizaine d’années et qui auraient pu continuer à rouler avec un entretien écologique satisfaisant. Elle a surtout permis aux classes moyennes de s’acheter un véhicule plus performant. Le gros du parc polluant n’en a pas profité. C’est toute la difficulté de ces mesures de bonus ou de prime à la casse que de toucher le bon public : les personnes qui devraient bénéficier d’aide pour l’acquisition de véhicules moins polluants n’en profitent pas. C’est pourquoi le livre blanc envisage la possibilité d’aides à l’acquisition pour les véhicules d’occasion, aides aujourd’hui inexistantes ; les personnes qui possèdent des véhicules norme Euro 4 ou moins ne peuvent pas s’acheter des véhicules norme Euro 5 et ne peuvent pas entretenir leur véhicule dans des conditions satisfaisantes en matière de sécurité et d’environnement.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Combien d’années seront nécessaires pour gérer le stock énorme de véhicules – 38 millions – en garantissant les meilleures performances en matière de respect de l’environnement ?

M. Ariel Cabanes. Premier élément de réponse, un certain temps… Pour résoudre ce problème, la proposition qui nous paraît simple à mettre en œuvre consiste à imposer un contrôle technique annuel systématique au-delà de la septième année. Il s’agit d’une mesure concrète, très claire, qui peut compléter les dispositifs de maintenance avec des pièces de réemploi effectuée par des professionnels. Cette mesure permettrait une photographie du parc, au lieu des études actuelles fondées sur les cartes grises, puisque la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) centralise l’ensemble des données lors du contrôle technique. Le contrôle technique systématique permettrait un meilleur contrôle ainsi qu’une meilleure gestion de l’évolution du parc roulant ancien, et peut-être une accélération de sa mise à niveau ou de son rajeunissement.

Mme Clémence Artur. Le volet pollution du contrôle technique a été renforcé par l’article 65 de la loi relative à la transition énergétique qui est compliqué à mettre en œuvre.

Initialement, le projet consistait en un entretien à visée écologique. Mais il fait plus sens dans le cadre du contrôle technique qui comporte déjà un volet pollution pour certains véhicules et qui est le bon lieu pour poser un diagnostic sur les taux d’émission de CO2. Pour les véhicules utilitaires légers, la visite complémentaire pollution a lieu entre deux contrôles techniques tous les ans à partir de la cinquième année.

La possibilité d’un contrôle technique systématique a été discutée lors de l’examen de la loi sur la transition énergétique et écartée pour des raisons de coût, ce qui est parfaitement audible. Le CNPA avait demandé une enquête du Gerpisa, le réseau international de l’automobile, pour évaluer le coût réel du contrôle technique rapporté au coût d’un véhicule sur une année. Le volet pollution est évidemment moins cher que le contrôle technique complet. Au vu des prévisions à long terme et de comparaisons européennes, il apparaît qu’un contrôle technique plus régulier, sur les deux aspects – pollution et sécurité –, permet d’éviter des réparations très coûteuses par la suite et encourage un entretien préventif. Le CNPA entend parallèlement accompagner les propriétaires de véhicules grâce à l’installation de ces garages sociaux qui leur permettront de faire les réparations au fil de l’eau, et pas uniquement des réparations curatives qui parfois vont coûter très cher, en particulier pour des véhicules dont la valeur intrinsèque n’est plus très importante.

On peut également imaginer des aides sociales ou une TVA incitative, à l’instar de celle qui s’applique dans le bâtiment pour les travaux d’amélioration de la qualité énergétique. La TVA, aujourd’hui à 20 %, pourrait être réduite pour un nettoyage du moteur, l’installation ou le remplacement d’un filtre à particules, la pièce de réemploi, diminuant ainsi les coûts de la réparation. Le contrôle technique reste le point d’entrée, quelles que soient les mesures complémentaires.

M. Ariel Cabanes. Nous voyons croître un marché parallèle des pièces de réemploi mais il échappe à tout encadrement. Il suffit d’aller sur le site Leboncoin.fr

Mme la rapporteure. Des inspections avaient été diligentées pour mettre fin aux décharges illégales. Quel en est le bilan ?

Mme Clémence Artur. La Direction générale de la prévention des risques (DGPR) est très alertée sur le sujet. Mais, première difficulté, elle inspecte les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), elle ne se déplace donc pas chez votre voisin. Ensuite, nos professionnels signalent régulièrement aux préfectures des activités illégales. Mais on constate une certaine forme de tolérance qu’on peine à comprendre.

Sur le site Leboncoin.fr, nous avons, de manière empirique, répertorié les annonces pour une journée, en écartant celles des professionnels – certains s’inscrivent pourtant comme professionnels mais renseignent leur adresse personnelle, laissant à penser qu’ils n’agissent pas dans le cadre de leur entreprise. Au terme de cette compilation, le montant des pièces détachées proposées s’élevait à 3 millions d’euros ! À titre de comparaison, la filière VHU réalise un chiffre d’affaires annuel de 300 millions d’euros. Quant au particulier qui met en vente dans la même journée 50 airbags – alors que les éléments pyrotechniques n’ont pas le droit d’être vendus, y compris par les professionnels –, il ne s’agit pas d’activité de brocante, c’est évident. Il conviendrait d’instaurer une surveillance de ces marchés parallèles.

M. Ariel Cabanes. C’est bien là toute la difficulté. Nous avons des propositions pour mieux encadrer les marchés mais c’est compliqué. Toutes ces activités parallèles échappent à la TVA.

C’est pourquoi nos propositions portent sur le contrôle technique, les garages sociaux, une TVA adaptée pour des véhicules d’un certain âge. De telles mesures seraient incitatives tant le coût est rédhibitoire pour les populations concernées.

On peut inciter les propriétaires de véhicules âgés à entretenir ces derniers dans des conditions économiques acceptables pour eux et au bénéfice de la collectivité.

Autre enjeu, l’après-entretien, on l’a dit, un véhicule sur deux n’est pas démonté. Il suffit d’observer les trafics aux frontières qui alimentent les marchés parallèles. Là aussi, la surveillance doit être améliorée.

Aujourd’hui, les pneus sont collectés presque à 100 % – c’est l’une des filières les plus vertueuses. La collecte fonctionne parce qu’elle s’appuie sur une véritable industrie de valorisation. Si la collecte et le recyclage pour les véhicules ne sont soutenus que par des subventions, sans industrie de valorisation, cela ne marche pas. Bon nombre de recycleurs s’installent attirés par une incitation locale ou des subventions, mais, après quelques années, ils disparaissent.

L’ADEME a réalisé une étude à la demande de la DGPR en 2014 qui souligne la nécessité de créer une industrie de la valorisation. Il y a beaucoup à faire dans le domaine de la déconstruction et de la récupération des matériaux. Les parcs roulants espagnols ou italiens sont un peu plus vieux qu’en France – la crise économique a aussi laissé des traces – ; en Allemagne, le parc est un peu plus dynamique ; en Angleterre, le parc est de même nature. Mais, en matière de recyclage et de valorisation, au Danemark, en Angleterre ou en Allemagne, ont été créées de véritables industries de la valorisation matière. Le ticket d’entrée est entre 200 et 300 millions d’euros mais les industriels investissent. La Chine est très en avance dans le domaine de la récupération des produits en fin de vie, les industries de la valorisation y sont extrêmement fortes. En France, il faut créer un élan pour inciter à la création d’une industrie de la valorisation. Aujourd’hui, le cours des matières premières est un problème. Le modèle économique est remis en question dès lors que les pièces neuves valent moins cher que celles issues du recyclage. Or, le problème n’est pas conjoncturel : le baril de pétrole restera à moins de 50 euros pendant encore quelques années.

Le « défapage » est aussi lié au coût du filtre à particules. Il suffit de déconnecter une partie électronique et le véhicule marche aussi bien.

Mme la rapporteure. Que peut-on faire pour lutter contre cette pratique ?

M. Ariel Cabanes. On peut effectuer une vérification dans le cadre du contrôle technique, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Avec le Livre blanc, nous souhaitons présenter des propositions efficaces dont l’impact est fort mais les coûts pour l’État et les entreprises aussi faibles que possible. La mesure relative au contrôle technique est simple et facile.

Dans un autre registre, on peut parler d’éducation routière puisque le CNPA représente aussi les auto-écoles. Une mesure facile à mettre en œuvre consisterait à proposer le permis de conduire à 1 euro pour les jeunes qui rentrent dans la filière afin d’améliorer son attractivité. Il existe nombre de sujets de cette nature, disparates mais qui donnent une cohérence à l’ensemble, en faveur de cette mobilité nouvelle et un peu plus verte.

Mme la rapporteure. Est-il facile de vérifier la présence d’un filtre à particules dans les points du contrôle technique ?

M. Ariel Cabanes. C’est une constatation très facile à faire.

Mme Clémence Artur. Le délit de « défapage » figure désormais dans la loi sur la transition énergétique. Il est dommage de ne pas avoir prévu les moyens de le constater !

Mme la rapporteure. Je vous livre une annonce que je viens, à l’instant, de trouver sur le site Leboncoin.fr : « … Vous avez des messages d’erreur, votre véhicule se met en mode dégradé, perte de puissance et d’accélération ? Cette modification d’enlever le filtre à particules offre un gain de puissance et une diminution de consommation mais surtout plus jamais de dépenses supplémentaires dues à un filtre à particules défectueux ; cette modification est définitive et indétectable ; elle n’entraîne aucun code défaut et n’altère en rien le passage au contrôle technique … ». Il manque le prix mais une autre annonce propose le « défapage » à 250 euros !

Mme Clémence Artur. Selon les professionnels que nous avons interrogés, les demandes de « défapage » sont rares. Cette pratique s’observe plutôt en dehors des garages comme en témoigne cette annonce.

M. Ariel Cabanes. Aujourd’hui le contrôle technique est visuel, à l’exception de la sonde lambda qui mesure les émissions. Tant que le contrôle reste visuel, l’absence de filtre à particules, comme le dit l’annonce, est indétectable. Il suffit que le contrôle technique soit équipé des moyens de diagnostic dont disposent les garagistes. En connectant la valise de diagnostic, vous êtes averti d’un dysfonctionnement dans la cartographie du moteur. Cela soulève une autre question récurrente et qui sera de plus en plus prégnante : le partage des données entre l’amont et l’aval – les données du véhicule et les données d’usage. Si les données du véhicule sont verrouillées au profit du seul constructeur ou de telle filière, cela interdit aux autres de réparer, d’entretenir ou d’effectuer le contrôle technique.

Nous plaidons donc pour une ouverture des data aux professionnels. Dans le Livre blanc, figure une proposition en faveur d’une « carte Vitale du véhicule ». Le petit garagiste du fin fond de la Lozère ou le centre de contrôle technique auraient accès aux données, ce qu’ils ne peuvent pas faire aujourd’hui. Nous avons entre les mains un outil extrêmement puissant qui permet de mieux contrôler le parc et de le rendre plus vertueux mais il faut donner les moyens aux professionnels de diagnostiquer jusqu’au bout.

Mme la rapporteure. Comment peut-on concilier ouverture des données et secret industriel, argument qui vous sera inévitablement opposé ?

Mme Clémence Artur. La question de l’accès aux données techniques n’est pas récente. Le secret industriel peut être un argument mais si ce secret empêche un garagiste d’intervenir sur un véhicule pour le réparer, la notion de filière avec un grand F perd tout son sens. Je ne pense que ce soit l’intérêt des constructeurs d’entraver la maintenance des véhicules.

Mme Marie-Jo Zimmermann. Le contrôle technique semble incontournable. La modification que vous proposez relève-t-elle du domaine réglementaire ou législatif ?

Mme Clémence Artur. Tout le contenu du contrôle technique relève du domaine réglementaire.

M. Ariel Cabanes. Notre proposition porte sur les véhicules de sept ou huit ans. Cette mesure ne résoudra pas tous les problèmes mais elle est efficace.

Dans le domaine de l’autopartage, des expérimentations sont mises en place par des membres du CNPA, notamment en Bretagne, qui fonctionnent très bien. Un véhicule peut être utilisé par quelqu’un d’autre dans la journée. Il n’est pas immobilisé.

Mme Clémence Artur. Quant au risque que cette économie d’usage soit captée par les réseaux constructeurs et distributeurs, nous constatons que ces réseaux sont en retard, ils n’ont pas encore pris conscience du potentiel de cette économie.

Une expérimentation soutenue par le CNPA dans la région Bretagne permet d’utiliser pour l’autopartage le parc de véhicules d’occasion qui ne sont pas encore vendus par les distributeurs. L’autopartage est plutôt le fait des nouveaux acteurs de l’économie collaborative ou des particuliers. Ce marché se situe aujourd’hui en dehors du champ professionnel, ce qui nous permet d’avoir des discussions enrichissantes avec ces acteurs.

M. Ariel Cabanes. S’agissant des véhicules électriques et à hydrogène, l’offre n’est pas vraiment riche. On ne va pas refaire l’histoire. Mais l’ensemble des membres du CNPA sont en train de s’engager : pour le véhicule électrique, le partenariat avec l’Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (AVERE) peut être un levier très puissant ; l’AVERE vient de signer avec le ministère de l’écologie et du développement durable dans le cadre des certificats d’économie d’énergie pour la période 2016-2018 pour le déploiement de 24 000 bornes de recharge sur le territoire français. Or, les professionnels du CNPA peuvent contribuer au maillage territorial. L’ambition est de parvenir sur les trois ans au déploiement des 24 000 bornes. L’idée est simple : les entrepreneurs ont envie d’investir, la demande existe. Un agent, un concessionnaire ou un carrossier peut posséder comme véhicule de prêt un véhicule électrique de sa marque et en même temps, parce qu’il souhaite promouvoir ce type de mobilité, installer une borne de recharge visible avec un accès au grand public.

Quant à l’hydrogène, il faut avoir la volonté d’avancer ; il existe plusieurs expérimentations. Dans la région de Grenoble, un entrepreneur, concessionnaire Renault, possède aujourd’hui 500 Kangoo à hydrogène qui roulent dans sa région, avec quatre points de recharge. Avec 15 kilos d’hydrogène, l’autonomie est de 400 à 500 kilomètres.

M. Yves Albarello. Quel est le coût d’installation d’un point de recharge ?

M. Ariel Cabanes. Je précise que nous parlons de flottes fermées qui intéressent les professionnels ou les collectivités locales. Ces flottes captives vont se déployer, selon le principe du cluster. Nous comptons promouvoir un certain nombre d’expériences afin qu’elles fassent tache d’huile.

Il existe deux manières pour obtenir l’hydrogène : soit l’hydrogène industriel dont le coût au kilo est plus faible, qui est livré sous forme de bonbonnes. Cette solution permet d’installer des stations plus rapidement et à un coût plus faible. L’électrolyse est plus coûteuse, les bornes de recharge autosuffisantes représentent un investissement d’environ 200 000 à 250 000 euros. Dans les deux cas, il faut s’inscrire dans une logique de gestion de flotte bien identifiée. Une collectivité locale, avec l’appui des partenaires sur le terrain – concessionnaires, garagistes, stations-service – va pouvoir mettre en place cette démarche.

Mme la rapporteure. Qu’en est-il de la réaction des consommateurs à l’affaire Volkswagen ?

M. Ariel Cabanes. On observe un peu de « diesel bashing », c’est évident. Dans les premiers jours qui ont suivi, le contrecoup s’est traduit par une baisse de la fréquentation des halls d’exposition.

Le problème se pose pour les loueurs et les flottes, d’abord au sujet du coût de la reprise des véhicules concernés. Tous les loueurs, de courte ou longue durée, remettent leurs véhicules sur le marché ou les exportent.

Mme la rapporteure. Que représente le marché de la location en France, en termes d’emplois et en nombre de véhicules ?

M. Ariel Cabanes. Nous vous donnerons ces précisions. Le CNPA ne représente que les loueurs de courte durée qui emploient 13 000 personnes.

Le business model des loueurs de longue durée est exclusivement financier.

Lorsque vous êtes propriétaire de votre véhicule, votre approche en matière d’entretien est différente de celle d’un loueur avec un parc de 5 000 véhicules à gérer. Les loueurs exercent une contrainte sur les prix ou le type d’entretien qui va s’accentuer. Mais cette mutation est inéluctable : avec la dématérialisation de la propriété, le citoyen va vouloir être à la fois piéton, cycliste, automobiliste et consommer de la mobilité de différentes manières : il louera une voiture quand il en a besoin. Il faut être attentif à ces nouveaux business models. Des partenariats se nouent avec tous les réseaux – entretien, maintenance, réparation, contrôle technique – mais ils sont contraignants. L’exemple des assureurs l’illustre bien. On revendique la liberté du choix du réparateur là où bien souvent l’assureur vous impose le lieu des réparations. Les choses sont en train de changer. Mais, en matière de dépannage, les plateformes d’assureur vous imposent leur choix. Il reste donc des problèmes à régler.

Mme la rapporteure. Je vous remercie pour cette audition passionnante. Nous sommes impatients de prendre connaissance du Livre blanc et de l’étude de la Banque de France. Nous serons sans doute amenés à nous revoir puisque vous nous avez soumis plusieurs propositions intéressantes.

La séance est levée à treize heures.

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Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Réunion du mercredi 16 décembre 2015 à 11 h 30

Présents. – M. Yves Albarello, Mme Delphine Batho, M. Denis Baupin, M. Philippe Duron, M. Jean Grellier, M. Gérard Menuel, Mme Sophie Rohfritsch, Mme Marie-Jo Zimmermann

Excusés. – M. Denis Jacquat, M. Jean-Pierre Maggi, M. Rémi Pauvros