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Mardi 29 mars 2016

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 35

Présidence de Mme Sophie Rohfritsch, Présidente

– Audition, ouverte à la presse, de M. Gilles Le Borgne, directeur de la recherche et du développement, membre du comité exécutif de PSA Peugeot Citroën.

Mission d’information
sur l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

La séance est ouverte à seize heures quinze.

La mission d’information a entendu M. Gilles Le Borgne, directeur de la recherche et du développement, membre du comité exécutif de PSA Peugeot Citroën.

Mme la présidente Sophie Rohfritsch. Mes chers collègues, nous recevons cette après-midi M. Gilles Le Borgne, directeur de la recherche et du développement, membre du comité exécutif de PSA Peugeot Citroën. Il est accompagné de Mme Virginie de Chassey et de Mme Valérie Lachouque, chargées des affaires publiques pour le groupe.

M. Le Borgne est un expert réputé en matière de conception automobile et exerce à ce titre d’autres responsabilités au sein de la filière. Il codirige en effet le programme 2 litres/100 km, dont nous avons déjà beaucoup parlé, et assure depuis 2015 la présidence du comité technique de la plateforme de la filière automobile.

Monsieur, nous allons vous interroger sur des données importantes pour l’information de notre mission. Pourriez-vous nous indiquer le montant consacré chaque année à la recherche et au développement par votre groupe, nous donner des exemples de ce qui relève d’innovations de rupture ou simplement d’améliorations techniques ? La distinction entre ces deux catégories est souvent incertaine : si les constructeurs insistent sur les nouvelles options technologiques que le conducteur pourra utiliser, le bénéfice de ces options est la plupart du temps peu perceptible par les utilisateurs et le grand public.

Nous souhaitons également connaître le coût moyen pour un constructeur des actuelles procédures d’homologation d’un nouveau véhicule – sur ce point, les organismes concernés ne nous ont pas apporté de réponses très assurées. Ces coûts seront certainement bien plus élevés quand les nouvelles normes seront en vigueur, c’est pourquoi nous aimerions connaître votre évaluation des coûts actuels et à venir.

Pour ce qui est de la réduction de la consommation des véhicules et des émissions de CO2, considérez-vous que les différents modes d’hybridation des moteurs essence ou diesel constituent des formules ayant vocation à se généraliser dans toutes les gammes ? Un récent article du quotidien Les Échos faisait état d’une nouvelle technique d’hybridation légère, le « mild hybrid », moins coûteuse et pouvant être adoptée par de nombreux constructeurs, y compris pour des véhicules d’entrée de gamme.

Enfin, pour ce qui est des objectifs de réduction des oxydes d’azote – les NOx –, PSA valorise avec succès un système de dépollution dit Selective catalytic reduction (SCR). Pensez-vous faire école sur ce point et avez-vous d’ores et déjà constaté un intérêt pour ce type de dispositif de la part des autres constructeurs ? Un effet d’entraînement aurait toute son importance pour convaincre les pétroliers – que nous auditionnons régulièrement, comme nous le ferons encore demain – de distribuer dans leurs stations l’additif à base d’urée qui permet un fonctionnement optimal de ces systèmes de dépollution.

Je vous donne la parole pour un exposé liminaire, à la suite duquel Mme la rapporteure et les députés qui le souhaitent vous poseront des questions.

M. Gilles Le Borgne, directeur de la recherche et du développement, membre du comité exécutif de PSA Peugeot Citroën. Madame la présidente, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, je vais commencer par une bonne nouvelle : PSA va mieux. En 2015, nous avons enregistré le premier exercice bénéficiaire depuis cinq ans, avec un résultat net de 1,2 milliard d’euros et une marge opérationnelle de 5 % de la division automobile. Nous revenons de très loin, puisque nous étions au bord de la faillite en 2013, et nous ne voulons plus nous retrouver dans une telle situation : de ce point de vue, notre performance constitue notre seule protection dans la durée. Pour que PSA soit maître de son destin, l’agilité et l’excellence opérationnelle sont indispensables dans tous nos métiers. Dans ce contexte, PSA expliquera le 5 avril prochain son nouveau plan stratégique, baptisé « Push to pass ».

Nous sommes actuellement confrontés à des défis technologiques gigantesques, dont les deux plus importants sont la transition énergétique et l’offensive pour l’émergence du véhicule autonome et connecté. Pour ce qui est de la transition énergétique, nous investissons d’une part dans les moteurs thermiques diesel et les moteurs essence performants, d’autre part dans les chaînes de traction électrique, que ce soit avec le plug-in hybrid ou la nouvelle génération de véhicules électriques, développée avec notre partenaire chinois Dongfeng Motor Corporation (DFM). Ces lancements interviendront à partir du début de l’année 2019, afin d’être en concordance avec les limites de CO2 qui seront imposées en Europe en 2020, puis en 2021.

Le deuxième volet de notre offensive technologique concerne l’émergence du véhicule autonome et connecté. La première raison d’être de cette technologie est de renforcer la sécurité de nos clients. Comme vous le savez sans doute, 90 % des accidents corporels sont aujourd’hui liés à une erreur humaine : l’automatisation de la conduite peut donc améliorer grandement la situation. Nous souhaitons également redonner du temps utile à nos clients, afin de pallier le fait que certaines conditions de circulation, notamment en ville, ne sont pas susceptibles de procurer du plaisir de conduite. Enfin, le véhicule autonome permettra de fluidifier la circulation en centre-ville.

Nous devons relever ces défis dans des conditions difficiles. Il s’agit d’abord d’un cadre réglementaire instable et tardif, en Europe comme en Chine. Le facteur le plus consommateur de ressources est celui constitué par les objectifs en matière de dépollution. Globalement, un délai de cinq ans est indispensable entre deux normes, et un délai d’application entre la première application et la généralisation à la flotte est idéalement compris entre dix-huit et vingt-quatre mois. En effet, l’industrie automobile est fortement capitalistique, et les développements auxquels nous procédons requièrent du temps en R&D comme au stade de la mise en place industrielle. À défaut – c’est plutôt la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui –, ces évolutions ne se font pas dans de bonnes conditions, notamment au regard de l’optimisation économique pour le constructeur, mais également du point de vue des clients.

La deuxième source de difficulté pour nous réside dans la plus grande sévérité des normes, à l’origine de surcoûts plus difficiles à assumer par les constructeurs généralistes que par les constructeurs de véhicules premium.

Loin de moi l’idée de critiquer les normes : je ne fais que souligner que leur coût relatif diffère en fonction de la gamme des véhicules. Proportionnellement, un surcoût de 1 000 euros de technologies nouvelles est plus facile à transférer à l’acheteur d’une voiture coûtant 45 000 euros à 50 000 euros qu’à l’acheteur d’une voiture de 20 000 euros.

Enfin, l’affaire Volkswagen, sur laquelle je ne m’étendrai pas, a jeté l’opprobre sur tout le secteur automobile.

Face à toutes ces difficultés, PSA n’a qu’une solution, consistant à élever le niveau d’efficience de ses investissements, à ajuster ses périmètres en R&D et dans le domaine industriel sur ses métiers clés, dont certains sont complètement nouveaux – je pense notamment à la transition énergétique. En matière de R&D, les dépenses en jeu sont considérables. Le coût pour le passage d’une norme Euro – d’Euro 3 à Euro 4 ou d’Euro 4 à Euro 5, par exemple – est variable, mais s’établit entre 1 et 1,5 milliard d’euros, ce qui correspond à la totalité de notre résultat net pour 2015. À chaque évolution de norme – la norme Euro 6 s’est divisée en trois normes, la première s’appliquant en 2014, la deuxième en 2017 et la troisième en 2020 –, nous avons 250 applications véhicule – par véhicule, j’entends un ensemble de groupes motopropulseurs associés à une silhouette – à modifier en Europe, et plus de 100 en Chine : ce sont donc, à chaque fois, plus de 350 applications à modifier complètement.

Le coût de développement d’une chaîne de traction hybride, par exemple le plug-in hybrid sur lequel nous sommes en train de travailler, est de l’ordre de 450 millions d’euros en R&D et en capital expenditure (CAPEX). Quand nous développons from scratch – en partant de zéro – une toute nouvelle famille de moteurs, comme nous l’avons fait récemment avec le moteur PureTech, cela nécessite d’investir un milliard d’euros – ce qui couvre l’ensemble des coûts de développement, à la fois pour le moteur atmosphérique et pour le moteur turbo – qui, je le rappelle, s’est vu décerner en 2015 le prix « Moteur de l’année » dans sa catégorie par un jury international. Nous travaillons d’arrache-pied pour que chaque euro investi le soit de la manière la plus efficace possible.

En matière industrielle, nous avons les mêmes soucis. Même si PSA a l’intention de développer un certain nombre de moyens industriels dans le domaine de la traction électrique en France, la transition ne pourra se faire qu’avec la montée en puissance de cette technologie sur le marché. Or, la chute accélérée du diesel en France et en Europe, à un rythme bien plus rapide que nos prévisions ne le laissaient penser, amènera forcément à des évolutions, que nous avons en partie anticipées avec l’augmentation du volume du moteur EB turbo. Aujourd’hui, notre groupe produit la totalité de ses moteurs diesel en France, contrairement à nombre de ses concurrents qui produisent leurs moteurs au plus près des usines de consommation.

En janvier 2016, la part du diesel dans les ventes de véhicules particuliers en France est tombée à 52 %, ce qui représente 7 points de moins par rapport à janvier 2015 et 22 points de moins par rapport à janvier 2012. Désormais, le diesel ne représente plus que 38 % des achats des ménages. Au total, le recul du diesel, combiné à la montée en puissance des nouvelles technologies, plus coûteuses et moins rentables – je rappelle que l’écart de coût entre un véhicule thermique et un véhicule électrique est de l’ordre de 7 000 euros – risque de peser sur les volumes et sur les marges, ce qui nous oblige à constamment nous adapter et à réfléchir à des évolutions pour protéger la performance de l’entreprise, seule condition de sa viabilité. Pour cela, nous devons plus que jamais faire preuve d’anticipation, comme nous le faisons avec la transition énergétique et la transition technologique que constitue la mise au point du véhicule autonome.

Nous anticipons d’abord dans le domaine de la dépollution. Comme Carlos Tavares et moi-même l’avons rappelé ici même en avril 2015, PSA est l’inventeur du filtre à particules, qu’il a introduit en première mondiale dans sa gamme de véhicules diesel en 2000, avec plus de dix ans d’avance sur la réglementation.

Aujourd’hui, nous sommes le seul constructeur à avoir généralisé la technologie SCR, reconnue comme la plus efficace pour traiter les oxydes d’azote. Nous l’avons introduite sur l’ensemble de nos moteurs diesel à partir de septembre 2013 afin de répondre à la première version de la norme Euro 6, et elle est présente sur la totalité de notre ligne de produits depuis septembre 2015. Grâce au potentiel de la SCR et à son savoir-faire – là encore, nous serons certainement pionniers –, PSA saura se conformer à l’objectif d’un facteur de conformité de 1 plus 0,5 – ce deuxième chiffre correspondant à l’incertitude de mesure, sur laquelle je reviendrai – pour les émissions d’oxydes d’azote en 2020 : nous serons même en mesure d’atteindre cet objectif dès 2017.

Il est absolument essentiel que le réseau de distribution d’AdBlue, c’est-à-dire de l’urée nécessaire au fonctionnement du dispositif SCR, se développe de manière à ce que l’ensemble de nos clients puisse facilement refaire le plein d’AdBlue – nos véhicules sont équipés d’un réservoir de dix-sept litres de ce produit.

Nous avons également anticipé en matière de réduction des émissions de CO2. Depuis plus de dix ans, PSA est dans le trio de tête en Europe – la région la plus exigeante dans ce domaine – du point de vue du Corporate average fuel economy (CAFE), c’est-à-dire la moyenne pondérée de la consommation par nos ventes. Depuis deux ans, nous occupons même la position de leader européen, avec une flotte de véhicules neufs ayant émis, l’an dernier, 104,4 grammes de CO2 par kilomètre, alors que la moyenne du marché se situe à un peu moins de 120 grammes par kilomètre. Compte tenu de la masse moyenne de ses véhicules, l’objectif assigné à PSA pour 2021 est de 91 grammes par kilomètres, alors que l’objectif fixé par l’Union européenne à la même date est de 95 grammes au kilomètre
– peut-être avons-nous travaillé trop tôt ou trop vite à la réduction de la masse de nos véhicules par rapport à nos concurrents, puisque les constructeurs allemands se situent plutôt aux alentours de 100 grammes. L’atteinte de cet objectif va beaucoup dépendre du mix essence-diesel et des véhicules électrifiés. Or, le coût de ces solutions est très variable et aujourd’hui, le diesel est de loin la motorisation présentant le meilleur rapport coût-efficacité pour gagner des grammes de CO2.

Accélérer la transition énergétique se traduit évidemment par des surcoûts assumés par le constructeur, le client ou l’État. Dans tous les cas, seule la performance va protéger notre entreprise, qui se doit de pouvoir absorber les surcoûts par des efforts supplémentaires, faute de pouvoir les transférer sur ses clients dans un monde ultra-concurrentiel.

Un autre élément d’anticipation réside dans la démarche de transparence que nous avons adoptée à la suite de la crise provoquée par l’affaire Volkswagen. La consommation exprimée en litres aux 100 kilomètres et les émissions de CO2 en grammes par kilomètre sont directement proportionnelles. Compte tenu de sa légitimité en matière de réduction de consommation, PSA a pris l’initiative de travailler avec deux ONG, Transport & Environment (T&E) et son partenaire français, France Nature Environnement (FNE), afin de mesurer la consommation de ses véhicules en usage réel.

Le protocole de test est aujourd’hui défini, et nous l’avons présenté dans le cadre du dernier salon de Genève. Pour être recevable, il est supervisé par le Bureau Veritas, qui apporte les voitures et scelle les trappes à carburant, les valves des pneus, le calculateur moteur et le body control unit – en français « boîtier de servitude intelligent » (BSI) –, qui est une sorte de calculateur centralisant les informations reçues par les différents capteurs du véhicule. Le 1er mars dernier, nous avons annoncé les consommations en usage réel de trois de nos véhicules de grande diffusion ; nous disposons aujourd’hui des résultats d’une dizaine de véhicules, et allons continuer nos essais de manière à publier cet été une trentaine de résultats mesurés selon ce protocole, qui seront accessibles à nos clients sur le site Internet de nos trois marques.

Cette initiative unique va permettre de fournir au public une information totalement transparente sur les consommations réelles, et nous invitons tous les constructeurs à nous rejoindre. Dans un deuxième temps, à l’horizon mi-2017, avec la mise en place du Real driving emissions, nous produirons selon le même protocole les mesures d’émissions d’oxydes d’azote. Je rappelle qu’une telle mesure n’est pas prévue par la réglementation actuelle.

Dans le domaine de la voiture communicante, PSA a une fois de plus joué un rôle précurseur en étant pionnier de l’appel d’urgence, qui permet aux clients, en cas de panne ou d’accident, d’être pris en charge par un opérateur qui les identifie, les localise et leur envoie une assistance technique ou les secours – notamment quand un airbag s’est déclenché, ce que nous pouvons détecter à distance. Ces services équipent déjà plus de 1,8 million de véhicules PSA en circulation, et nous avons eu 16 000 appels à des services d’urgence dans seize pays différents depuis le lancement du service eCall en 2003, que la réglementation ne rendra obligatoire en Europe que courant 2018.

Pour ce qui est des véhicules autonomes, nous avons été les premiers en juillet dernier à faire circuler sur les routes de France – avec l’autorisation des ministères concernés, que nous remercions – quatre prototypes de différents niveaux d’automatisation, sur plus de 10 000 kilomètres de route ouverte, ainsi que sur plusieurs routes en Espagne. Nous avons réalisé de nombreuses expériences prometteuses au niveau 2 – hands off – et au niveau 3 – eyes off, en attendant de pouvoir le faire au niveau 4 – mind off – et au niveau 5 – driverless. En novembre 2015, nous avons effectué 3 000 kilomètres de roulage autonome entre la France et l’Espagne ; nos premières fonctions d’automatisation de conduite apparaîtront dès 2018 sur les voies rapides et les parkings, tandis que les fonctions de conduite autonome se mettront en place à partir de 2020, en commençant par la circulation sur voie rapide. Nous aurons d’ailleurs besoin d’un changement de la législation pour être autorisés à mettre ces véhicules sur le marché.

Même en anticipant une transition énergétique progressive et technologiquement neutre, nul ne sait aujourd’hui quelle technologie va l’emporter. Chez PSA, nous insistons beaucoup sur le fait qu’une approche des pouvoirs publics privilégiant la neutralité technologique est indispensable : il s’agit de raisonner sur les résultats recherchés et non sur la solution technique. À condition que ces résultats nous soient indiqués suffisamment à l’avance, je peux vous garantir que nous disposons des laboratoires – je ne pense pas seulement à ceux de PSA, mais à l’ensemble de ceux auxquels nous pouvons faire appel – et des ingénieurs capables de trouver et de développer les solutions dont nous aurons besoin.

Cela dit, cette transition aura un coût, qui ne sera que partiellement supporté par le consommateur, ce qui suppose pour nous d’accélérer nos gains de compétitivité. La filière a besoin d’un dialogue continu avec les pouvoirs publics afin de trouver le meilleur équilibre entre l’état de l’art et le coût financier de la réglementation. En tant que constructeur généraliste, nous devons offrir des véhicules pour tous.

Il existe des technologies nouvelles pour lesquelles PSA investit et monte en puissance. Pour autant, elles sont peu abordables pour une clientèle de masse et leur diffusion sera progressive. À court terme, le diesel que nous qualifions de propre, c’est-à-dire conforme à la norme Euro 6 dans toutes ses versions, est la solution la plus abordable et la plus répandue pour atteindre les objectifs de CO2 à l’horizon 2020-2021.

Enfin, il est essentiel que la France et l’Europe ne deviennent pas des territoires « autophobes », car les constructeurs automobiles sont synonymes de force industrielle pour la France et pour l’Europe.

Mme Delphine Batho, rapporteure. Je rappelle, afin d’éviter de rouvrir des débats que j’estime dépassés, qu’il n’existe ni diesel « propre », ni essence « propre ».

Pouvez-vous nous dire ce que vous inspire l’affaire Volkswagen ? Le fait qu’un constructeur fasse appel à un logiciel truqueur vous a-t-il surpris ?

Pouvez-vous nous en dire plus sur le protocole que vous avez mis en place en partenariat avec Transport & Environment et France Nature Environnement en réaction à l’affaire Volkswagen et à la prise de conscience par le grand public de l’écart existant entre les protocoles actuels d’homologation et les conditions réelles de circulation des véhicules ? Pourquoi, en l’état actuel, excluez-vous les NOx des informations que vous rendez publiques sur la consommation et les émissions des véhicules ?

Au sujet des NOx, vous avez dit que vous seriez capables de respecter la norme européenne de 2020 dès 2017.

M. Gilles Le Borgne. Je n’ai pas que ce serait facile !

Mme la rapporteure. Cela permet d’éclairer le débat sur le facteur de conformité et d’illustrer le fait que certains constructeurs sont techniquement capables de l’atteindre plus vite. Pourriez-vous entrer dans les détails du fonctionnement de la SCR, notamment en ce qui concerne la température requise pour le mettre en œuvre ?

Vous avez évoqué la technologie faisant appel à l’urée. Cela ne pose-t-il pas la question des rejets d’ammoniac ?

Enfin, vous avez évoqué la nécessité que les pouvoirs publics fassent preuve de neutralité technologique, et indiqué qu’un délai de cinq ans était indispensable pour effectuer la R&D et le développement industriel permettant d’assurer le passage d’une norme à la suivante. J’aimerais savoir si la recherche nécessitée par l’évolution des normes absorbe la totalité du budget de R&D d’un constructeur, ou si la recherche peut, au contraire, devancer des évolutions de normes futures – je pense notamment à l’un de vos concurrents, qui présente aujourd’hui un plan de vision de long terme à l’horizon 2050 sur la façon dont il va développer un certain nombre de technologies.

M. Charles de Courson. Voyez-vous dans les années qui viennent – le cas échéant, dans quel délai – des innovations technologiques majeures de nature à permettre d’allonger fortement la distance d’autonomie des véhicules ? Sur ce point, la plupart des constructeurs que nous avons auditionnés considèrent que si l’hybride est prometteur, il semble plus difficile d’envisager des avancées décisives dans le domaine du moteur intégralement électrique.

Quelle part de marché voyez-vous à terme pour la voiture intégralement électrique et les véhicules hybrides, pour les particuliers et les professionnels ?

Le concept de véhicule autonome s’installe progressivement en France, mais reste actuellement cantonné à des usages très précis – je pense notamment à l’aide au stationnement. Ne pensez-vous pas que le cadre juridique, ou plutôt son absence, freine les efforts de recherche dans ce domaine ?

Enfin, pour ce qui est du crédit d’impôt recherche, pouvez-vous nous dire à combien s’élève la somme consolidée que vous récupérez à ce titre, et ce que vous pensez de la brillante idée de certains de nos collègues, consistant à calculer le CIR au niveau du groupe ? À votre avis, à combien s’élèverait la perte subie par PSA si une telle mesure était adoptée ?

M. Gérard Menuel. Pour ce qui est des objectifs du véhicule 2 litres/100 km, est-ce l’évolution du moteur qui constitue l’élément essentiel, ou peut-on considérer que d’autres paramètres importants entrent en jeu – je pense notamment au poids des véhicules, qui influe beaucoup sur la consommation ? La mise au point de nouveaux matériaux composites vous permet-elle d’accomplir des progrès dans ce domaine ?

M. Julien Dive. Vous avez indiqué que le coût de développement d’un nouveau moteur hybride se traduisait par un coût de 450 millions d’euros en R&D, tandis que la recherche nécessaire à la mise au point d’une nouvelle famille de moteurs coûtait un milliard d’euros.

M. Gilles Le Borgne. J’ai en fait donné deux exemples : d’une part, celui du coût de développement d’une chaîne de traction hybride, de l’ordre de 450 millions d’euros, d’autre part, celui de la mise au point des versions atmosphérique et turbo de l’EB PureTech - , s’élevant à un milliard d’euros.

M. Julien Dive. J’aimerais savoir si ces montants sont propres à PSA, ou recouvrent également les recherches que peuvent effectuer les entreprises auxquelles vous faites appel en tant que donneur d’ordre – je pense aux équipementiers de rang 1 et de rang 2, notamment à Valeo et au centre d’essais turbo de Bruay-la-Buissière, le CRITT M2A.

Par ailleurs, j’aimerais savoir si la notion de maintenance prédictive a vocation à s’appliquer particulièrement au véhicule intelligent et connecté : peut-on imaginer qu’il soit possible d’identifier à l’avance les probables points de rupture ou les risques d’encrassement du moteur ou de pollution ?

Enfin, au sujet des moteurs thermiques, vous avez évoqué le diesel « propre ». Cependant, ayant eu la chance de visiter votre site de la Française de Mécanique à Douvrin, près de Lens, où sont produits les moteurs essence, j’ai cru comprendre que la dynamique actuelle semblait plutôt s’appuyer sur les moteurs essence hybrides downsized, c’est-à-dire des moteurs dont le poids a été réduit, afin d’alléger le poids du véhicule.

M. Denis Baupin. Je remercie notre rapporteure d’avoir clos le dossier du diesel « propre », ce qui a calmé la quinte de toux qui m’avait pris quand le sujet a été évoqué.

Une fois n’est pas coutume, je veux saluer la démarche du constructeur automobile qu’est PSA, consistant à travailler en partenariat avec Transport & Environment, France Nature Environnement et Veritas. Cela montre qu’il est possible d’innover en matière de gouvernance sur les questions de pollution de l’air et, même si nous attendons des résultats concrets, il s’agit d’une initiative méritant d’être soulignée, car il est évident que T&E et FNE ne délivreront pas leur label sans avoir pu procéder à des vérifications rigoureuses. Vous dites que les chiffres de consommation réelle seront consultables sur votre site, et j’aimerais savoir si ce seront désormais les seuls chiffres auxquels vous ferez référence dans vos publicités.

Vous avez dit que l’une des difficultés auxquelles vous ayez à faire face résidait dans le caractère tardif du cadre réglementaire, mais n’est-ce pas en partie en raison du lobbying exercé par les constructeurs automobiles afin de retarder les choses au maximum que la mise en œuvre de ce cadre réglementaire traîne en longueur ? Par ailleurs, quand vous nous dites être en mesure de respecter dès 2017 la norme qui ne s’imposera qu’en 2020, doit-on en déduire que PSA ne demande pas qu’il y ait en 2017 des facteurs de conformité supérieurs à 1,5 ?

En ce qui concerne le moteur Hybrid Air, on espérait beaucoup que l’alliance avec DFM permette un développement de cette technologie prometteuse en matière d’absence de pollution. Où en êtes-vous ?

La technologie SCR présente l’inconvénient de produire de l’ammoniac, comme l’a dit notre rapporteure, mais aussi du protoxyde d’azote, qui est un gaz à effet de serre très puissant. Avez-vous des précisions à nous apporter sur ce point ?

Enfin, pensez-vous que le paradigme de la voiture à tout faire, c’est-à-dire capable d’emmener une famille en vacances, mais ne servant la plupart du temps qu’à transporter une personne seule, va se perpétuer, ou que d’autres visions de l’automobile soient susceptibles de se développer – je pense à des véhicules plus adaptés à un usage individuel ?

M. Yves Albarello. Je m’associe à Denis Baupin, ce qui est rare, pour féliciter PSA pour son spectaculaire redressement, qui n’a pas été facile, et ma satisfaction de voir l’image des marques Citroën et Peugeot prendre trois points par rapport au trimestre dernier – vous occupez actuellement les quatrième et cinquième positions au classement faisant apparaître l’image des constructeurs, ce qui est une bonne performance.

Les constructeurs semblent miser sur une hybridation légère, et j’ai lu que PSA sortirait dès 2017 un nouveau modèle basé sur cette technologie. Pouvez-vous nous en dire plus sur les avantages de cette solution ? Par ailleurs, votre concurrent direct, Renault, va sortir un modèle qui ne devrait émettre que 76 grammes de CO2 au kilomètre, ce qui est très peu. Pensez-vous être en mesure d’égaler ce niveau d’émission avec votre propre modèle diesel ?

M. Jean Grellier. J’aimerais savoir ce que vous pensez des véhicules 2 litres/100 km : cette technologie vous semble-t-elle porteuse d’avenir ?

Les véhicules à hydrogène constituent-ils pour PSA une piste de réflexion à courte ou brève échéance ?

Vous plaidez en faveur de la neutralité technologique des pouvoirs publics, mais ne faudrait-il pas que l’État et les grands constructeurs se concertent un tant soit peu ? Ne pas le faire risque en effet d’avoir des conséquences malheureuses en termes de fiscalité et d’équipement – je pense à la distribution des énergies qui s’imposeront demain.

Je me félicite du redressement de PSA – vos dirigeants aussi, si l’on se réfère à ce qui vient d’être dit dans la presse à leur sujet –, mais je me fais toutefois l’écho des critiques émises par certains sur le fait que PSA n’élargisse pas sa gamme de véhicules à la production de 4X4 ou de coupés très haut de gamme, par exemple. Est-ce vraiment l’expression d’une stratégie de la part de votre groupe, et le cas échéant comment la justifiez-vous ? Avez-vous, au contraire, l’intention d’étendre votre production à d’autres secteurs du marché automobile que ceux que vous occupez actuellement ?

Mme la présidente Sophie Rohfritsch. Je vous précise que vous pouvez faire l’impasse sur la question portant sur la rémunération des dirigeants de PSA, puisque nous auditionnerons prochainement M. Tavares et M. Ghosn.

M. Gilles Le Borgne. L’affaire Volkswagen nous a évidemment beaucoup étonnés – je n’en dirai pas plus, car nous ne commentons jamais ce qui se passe chez nos concurrents.

Pour ce qui est du protocole conclu avec T&E et FNE, nous avons annoncé cette initiative exactement un mois après l’affaire Volkswagen, c’est-à-dire en octobre dernier. Nous avons ensuite consulté largement afin de trouver des partenaires disposés à travailler avec nous et, en novembre, nous avons fait part de notre association avec T&E, l’organe technique et scientifique avec qui nous travaillons tous les jours, FNE, qui est la principale ONG française dans son secteur d’activité, et le Bureau Veritas. Je précise que nous ne payons pas les ONG, par nature indépendantes, mais que nous rémunérons le Bureau Veritas.

En pratique, les essais sont réalisés par Veritas, et l’organisation T&E peut venir y participer quand elle le souhaite. Nous avons défini un protocole en ouvrant la totalité de nos bases de données marketing – ce que nos clients achètent – et la banque de données d’usage, à laquelle la R&D se réfère pour savoir comment les utilisateurs conduisent – y sont mesurés de nombreux facteurs, parmi lesquels les enfoncements de pédales, les freinages et la consommation. Nous disposons également des données climatiques, correspondant à un client moyen. L’ensemble de ces renseignements a permis de définir des conditions d’usage pour un client moyen représentatif de la consommation pour un modèle donné et un carburant donné, que l’on va transposer à l’ensemble des clients ayant acheté ce modèle. Cette approche, basée sur le principe du client moyen, n’exclut pas que l’on puisse se trouver en présence de très grands écarts-types de consommation en fonction de la personne utilisant le véhicule.

En résumé, nous avons défini scientifiquement un client moyen avant d’affecter l’ensemble des paramètres associés – la masse, les équipements de la voiture, les niveaux d’accélération, les vitesses moyennes – dans un parcours Real driving emissions (RDE) situé à Carrières-sous-Poissy. Cela nous permet de déterminer la consommation moyenne de nos clients, et ceux-ci devraient même être en mesure de paramétrer leur consommation en fonction de leur style de conduite – calme, dynamique, faisant beaucoup de route… D’ici à l’été, nous allons publier la consommation de trente de nos voitures pour un client moyen. Tout le monde ne consommera pas la même chose, mais une personne ayant une consommation beaucoup plus élevée que l’estimation moyenne devra se poser des questions sur sa conduite, et tirera sans doute grand profit d’un stage d’éco-conduite !

Si les essais que nous effectuons portent uniquement sur le CO2, c’est pour répondre à ce qui constituait une importante préoccupation pour nos clients ; nous les étendrons aux NOx dès que nous disposerons des premiers véhicules devant avoir le Real driving emissions, c’est-à-dire au printemps de l’année prochaine. Nous nous sommes mis d’accord avec nos collègues et amis de T&E et FNE afin d’aller progressivement vers une transparence complète, qui ne s’arrêtera pas aux NOx : dès que les appareils le permettront, nous ferons des essais pour mesurer les particules en nombre, le monoxyde de carbone (CO) et tous les éléments sur lesquels portera la deuxième évolution de la norme Euro 6, s’appliquant à l’homologation des nouveaux types à partir de septembre 2017.

La SCR est un procédé assez simple consistant à injecter, en amont du catalyseur SCR, de l’urée en solution aqueuse à environ 30 %. Sous l’effet de la température élevée – la réaction commence à un peu moins de 200 °C –, l’urée se décompose en ammoniac, qui réagit à son tour avec les oxydes d’azote pour former, par réduction, du diazote et de l’eau. L’une des difficultés est que l’urée, liquide aqueux, doit être protégée du gel par un dispositif de réchauffage. Nous avons opté pour un réservoir de dix-sept litres d’urée, implanté sur l’ensemble de notre plateforme et qui nous permet d’afficher, pour la norme Euro 6, une autonomie concordant avec le rythme auquel les vidanges moteur doivent être effectuées. Cette autonomie va diminuer lorsque le facteur de conformité va être fixé à 1,5, c’est-à-dire 1 plus 0,5.

Le chiffre de 0,5 correspond à la dispersion liée au portable emissions measurement system (PEMS), un système de mesure des émissions embarqué sur le véhicule, constitué d’une plate-forme fixée sur l’attelage du véhicule à tester et reliée au tube d’échappement, ce qui permet d’analyser l’intégralité du flux des gaz d’échappement. Le PEMS est un système dynamique, dans lequel la voiture se déplace sur un parcours, et son utilisation se traduit par une dispersion, c’est-à-dire une incertitude de mesure de l’ordre de 45 milligrammes au kilomètre – selon l’estimation fournie par le Joint Research Centre (JRC), un laboratoire européen faisant référence. Ce dispositif coûte 100 000 euros, contre 2,5 millions d’euros pour un banc à rouleaux, consistant en un système de rouleaux sur lesquels la voiture à tester roule dans une pièce fermée, l’intégralité des gaz émis étant emprisonnée dans un grand sac avant d’être analysée.

Atteindre l’objectif de 1 plus 0,5 n’a rien de facile, mais nous avons déjà investi dans la technologie SCR et estimons donc pouvoir atteindre cet objectif dès septembre 2017.

Quand nous avons pris la décision d’exploiter la solution de l’urée, il y a quatre ans et demi, j’ai eu pour tâche, en tant que chef des plateformes, de déterminer la meilleure façon d’y installer le réservoir de 17 litres, ce qui n’a pas été une mince affaire. Nous avons pris le parti de caler nos volumes de manière à ce que la présence du réservoir soit transparente pour le client, qui dispose aujourd’hui d’une autonomie de l’ordre de 20 000 à 25 000 kilomètres, s’inscrivant dans les pas de vidange moteur : le plein d’urée se fait en temps masqué par rapport à l’intervalle entre deux vidanges.

Atteindre l’objectif de 1,5 va nécessiter de consommer plus d’urée, ce qui va avoir pour effet de diminuer l’autonomie. Il va donc falloir que l’urée soit disponible dans les stations-service : or, si celles-ci sont équipées d’un réseau de pompes délivrant de l’urée à 40 litres/minute pour les poids lourds, rien n’est encore prévu pour les véhicules particuliers. Nous avons engagé des discussions avec les pétroliers, qui hésitent encore à investir sur une technologie diesel. Nous avons donc besoin que vous nous aidiez en les incitant à mettre en place un réseau de distribution sur l’ensemble du territoire européen.

Comme je l’ai dit, la technologie SCR produit de l’ammoniac, un gaz dangereux théoriquement susceptible de glisser vers la canule d’échappement en l’absence de NOx à réduire. Cela dit, nous sommes aujourd’hui en mesure d’affirmer que nous avons trouvé le moyen de supprimer ce risque, et nous garantissons qu’il n’y a aucune fuite d’ammoniac à la sortie de nos pots d’échappement.

Mme la rapporteure. Si je comprends bien, vous n’avez pas fait le choix de changer la taille du réservoir, mais celui d’imposer des pleins d’urée plus fréquents. Quelle sera l’autonomie des véhicules concernés ?

M. Gilles Le Borgne. Cela dépend du style de conduite, mais je dirai en moyenne 6 000 à 7 000 kilomètres.

Mme la rapporteure. Lorsque nous allons passer des tests New European Driving Cycle (NEDC) aux tests real driving emissions (RDE), l’injection de l’urée va se faire sur une plage de temps beaucoup plus longue. Mais que se passe-t-il tant que la température proche de 200 °C n’est pas encore atteinte ?

M. Gilles Le Borgne. On règle les paramètres du moteur afin d’être dans les conditions dites low NOx. Dans un moteur diesel, vous avez une relation directe entre les NOx émis et le CO2. On va donc dégrader la combustion du moteur pour émettre moins de NOx et davantage de CO2. Lorsque la température requise est atteinte, il y a production d’ammoniac et réduction des NOx.

Pour ce qui est de la nécessité d’adopter une attitude de neutralité technologique, je dirai que le véhicule décarboné représente environ 50 % de notre effort en R&D. Le restant se répartit comme suit : 25 % affectés au véhicule connecté autonome, 25 % correspondant à diverses actions liées à l’attractivité pour nos marques. Nous avons maintenant des ADN de marques bien identifiés – le confort Citroën, le i-cockpit de Peugeot, les matériaux nobles de chez DS… – qu’en tant que patron de la R&D, je me dois de nourrir.

Il m’a été demandé quel était le coût des règlements pour une voiture. Sur une centaine d’objets réglementaires, je dois me conformer à 49 à 52 règlements européens pour obtenir des Mines le numéro d’enregistrement européen d’un véhicule. Le coût global, noyé parmi les validations auxquelles nous procédons à chaque fois que nous sortons un nouveau modèle de voiture, s’élève à quelques centaines de kilo-euros. Des essais particuliers sont réalisés, soit sur les composants eux-mêmes, soit sous la forme d’essais de synthèse réalisés sur les véhicules.

En revanche, les coûts en valeur peuvent être beaucoup plus élevés. Ainsi, on estime que la première version de la norme Euro 6 s’était traduite par un surcoût de plusieurs centaines d’euros – j’ai coutume de dire plus de deux cents euros mais moins de cinq cents. Le tire-pressure monitoring system (TPMS), c’est-à-dire le système permettant de détecter le sous-gonflage des pneus, les normes sur les émissions de bruit, ou encore le remplacement du fluide frigorigène R-134 par le R-1234yf dans les systèmes de climatisation – rendu célèbre par un contentieux judiciaire impliquant Mercedes – ont un coût réglementaire variant d’une à quelques dizaines d’euros. Plus que le coût d’obtention de l’homologation, s’élevant à quelques centaines d’euros, c’est la somme des coûts de chacun de ces éléments qui, pour un véhicule donné, va avoir la répercussion la plus importante sur le coût total du véhicule.

Peut-être vous rappelez-vous que PSA avait lancé en 1994 des 106 et des Saxo électriques basées sur la technologie nickel-métal hydrure. Depuis, nous sommes passés à la technologie lithium-ion, qui représente un progrès énorme en termes de densité énergétique des batteries. Les batteries équipant les véhicules actuels sont comprises entre 100 et 130 wattheures par kilo (Wh/kg) ; elles devraient passer aux environs de 200 Wh/kg à l’horizon 2020, puis à 250 ou 260 Wh/kg. Ces batteries étant installées dans un volume fini, leur autonomie est proportionnelle à leur taille. Si l’on peut atteindre une autonomie de 300 à 350 kilomètres pour une voiture de taille normale, il est clair qu’à l’heure actuelle, nous ne disposons pas de la vision technologique permettant à un véhicule électrique de rallier Paris à Marseille en une fois.

Un véhicule hybride se définit par la quantité d’énergie électrique embarquée. Le micro-hybride, qui est un stop & start, ne comporte pas de batteries supplémentaires. Le mild hybrid embarque 0,2 à 0,5 kWh. Le full hybrid, dont il existe des modèles chez Toyota, mais aussi chez nous, avec le HYbrid4, embarque 1 kWh, ce qui offre 3 ou 4 kilomètres d’autonomie en mode zero emission vehicle (ZEV) – mais la plupart du temps, la batterie n’est utilisée que comme réservoir de puissance pour économiser du carburant : les véhicules ne sont pas vraiment équipés d’une traction électrique. On passe ensuite au plug-in hybrid, qui embarque environ 10 kWh de batterie, soit dix fois plus que le full hybrid et vingt fois plus que le mild hybrid, ce qui offre une autonomie de 50 à 60 kilomètres en mode ZEV – cette technologie n’a de sens que si l’utilisateur recharge les batteries : à défaut, il est en mode de traction thermique, avec l’inconvénient d’embarquer 200 kg de batterie ! Enfin, le véhicule électrique embarque de 30 à 70 kWh de batterie.

Nous estimons que l’ensemble constitué par les véhicules électriques et les plug-in hybrids représentera pour PSA, à l’horizon 2020-2025, environ 10 % des véhicules vendus, avec sans doute une prépondérance des véhicules hybrides, dans une proportion que je ne peux préciser.

En matière d’autonomie des véhicules, il existe cinq niveaux. Le niveau 1 correspond au foot off, qui équipe déjà un grand nombre de véhicules, avec le système active cruise control ; le niveau 2 est le hands off, où la voiture se conduit elle-même, mais sous le contrôle du conducteur ; le niveau 3 est le eyes off, qui permet d’envoyer des SMS ou de lire le journal, mais avec des temps de réquisition du chauffeur de l’ordre d’une dizaine de secondes ; le niveau 4 est le mind off, qui permet théoriquement au « conducteur » de dormir dans la voiture ; enfin, le niveau 5 est le driverless, qui ne nécessite pas d’être au volant – ce niveau est illustré par le test de la Google Car par une personne aveugle.

M. Yves Albarello. Ce n’est plus une voiture !

M. Gilles Le Borgne. Les fonctionnalités que je viens de décrire sont amenées à se développer dans les mois et les années qui viennent. Nous avons prévu à l’horizon 2020 d’introduire le niveau 2, puis le niveau 3, avec le système traffic jam chauffeur, qui permettra à l’utilisateur de laisser la voiture se conduire toute seule sur le périphérique.

Pour cela, encore faut-il que la législation évolue, car nous sommes aujourd’hui limités au niveau 2 – hands off – à basse vitesse. La convention de Vienne, à laquelle se réfèrent les codes de la route de tous les pays, exige en effet que le conducteur tienne le volant. Évidemment, en l’état actuel de la législation, il n’est pas conseillé de croiser les gendarmes en mode hands off : il y a toutes les chances pour que cela vaille une amende au conducteur concerné. Le Comité technique automobile, que je préside, adresse régulièrement des position papers aux administrations dans le but de faire évoluer la réglementation, à commencer par la convention de Vienne.

Le crédit d’impôt recherche représente 113 millions d’euros pour PSA. Il s’agit d’une somme importante, correspondant à celle engagée par notre direction de la recherche et de l’ingénierie avancée (DRIA) pour l’advanced engineering, c’est-à-dire l’ensemble des travaux amont, présentant des maturités inférieures à 6 sur notre échelle de classement et sur lesquels on ne peut donc s’engager, leur viabilité n’étant pas démontrée.

Le véhicule 2 litres/100 km n’est pas vraiment un véhicule, mais plutôt un cadre général constituant l’une des actions du plan de la Nouvelle France industrielle, et ayant pour objectif de développer des briques technologiques. Même si Renault et PSA sont très actifs sur ce projet, ils restent concurrents, comme le sont entre eux Michelin, Valeo et Plastic Omnium : nous avons tous pour objectif de développer des produits susceptibles d’intéresser des clients, y compris à l’étranger. Le cadre du véhicule 2 litres/100 km comporte quatre axes : l’hybridation – avec l’objectif de parvenir à une émission moyenne d’environ 50 grammes de CO2 par kilomètre ; le rendement, que nous cherchons à améliorer en allégeant les masses en mouvement dans le moteur, en réduisant les frottements et en travaillant sur la thermodynamique ; la consommation, abordée dans le cadre d’une approche holistique – nous traitons l’ensemble de la voiture, qu’il s’agisse de sa masse, de ses moteurs, de sa consommation électrique, ou du contact des pneumatiques avec la route, aidés en cela par notre champion national, Michelin ; enfin, la connexion, car si vous êtes bloqué dans un embouteillage, il est intéressant que la voiture puisse vous indiquer un chemin plus fluide afin que vous consommiez moins.

Depuis le lancement de ce cadre en septembre 2013, quarante projets sont en cours, ce qui représente 458 millions d’euros de R&D et environ 150 millions d’euros d’aides publiques – sous forme d’aides directes ou d’avances remboursables. PSA et Faurecia n’étaient jusqu’à présent pas éligibles aux aides publiques, se trouvant placées sous le statut de l’entreprise en difficulté, mais cela vient de changer et, fin 2016, nous aurons 90 projets en cours pour 690 à 850 millions d’euros et des aides de l’ordre de 250 millions d’euros – je précise que plus de soixante PME sont associées à ces projets. J’insiste sur le fait que le véhicule 2 litres/100 km est un cadre dans lequel le Comité technique automobile que j’ai l’honneur de présider donne des axes de travail : il définit en quelque sorte un champ magnétique général au sein duquel s’alignent dix pôles – les laboratoires, les pôles de compétitivité, ou encore l’Association régionale de l’industrie automobile (ARIA).

Pour ce qui est du projet Hybrid Air, nous sommes en stand-by. Nous avons atteint le niveau de maturité TRL6, ce qui signifie que nous sommes prêts à nous lancer dans le développement, mais nous n’avons pas réuni les conditions technico-économiques qui nous permettraient de le faire. Un coup décisif, si ce n’est fatal, a été porté à ce projet quand les autorités chinoises ont confirmé que les aides associées à la réglementation new energy vehicle (NEV) seraient réservées aux plug-in hybrids (PHEV) et aux véhicules électriques (BEV). Il nous a semblé extrêmement difficile de nous lancer dans le développement d’un projet pour lequel nous ne recevrions aucune aide, c’est pourquoi nous y avons renoncé en 2013, à une époque où nous ne disposions pas de capacités de financement.

Mme la rapporteure. Ne vous faudrait-il pas d’autres partenaires ?

M. Gilles Le Borgne. À l’origine, notre partenaire Bosch devait développer le moteur tandis que nous étions chargés de la chaîne de traction, nous avait demandé de trouver au moins un autre partenaire du secteur de l’automobile, avec un volume d’au moins 400 000 unités par an. Aujourd’hui, ces conditions ne sont pas réunies.

J’en viens au paradigme de la voiture, évoqué par M. Baupin. Ce qui dimensionne une voiture, c’est avant tout sa capacité d’accélération, la vitesse maximale n’ayant qu’une valeur indicative compte tenu des limitations de vitesse réglementaires : l’accélération, elle, constitue un important facteur de sécurité, en ce qu’elle permet au conducteur de se dégager rapidement en cas de besoin. Pour ce qui est du nombre de places, il se trouve que l’acheteur d’un cabriolet – je pense à la 206 CC ou à la 207 CC, par exemple – est toujours rassuré de pouvoir compter sur deux places supplémentaires, fussent-elles symboliques : c’est ce que l’on appelle « l’alibi d’usage » dans notre jargon, et c’est un élément extrêmement important de la relation entre un automobiliste et sa voiture, dont nous devons tenir compte en prospective.

Vous m’avez demandé si désormais, nos publicités feraient exclusivement référence aux chiffres correspondant à la consommation réelle de nos véhicules. La réponse est non, puisque nous avons l’obligation légale de communiquer sur le seul règlement qui s’impose à nous, un règlement datant des années 1970, revu dans les années 1990, mais aujourd’hui complètement obsolète, puisqu’il ne prend pas en compte la climatisation ni les boîtes à six vitesses – il serait interdit de passer la sixième vitesse sur le banc à rouleaux. En revanche, nos clients pourront accéder librement aux informations relatives aux consommations réelles, sans doute au moyen d’un comparateur. Par ailleurs, tous les nouveaux véhicules – je pense notamment à la future 3008 ou à la future C3 – seront soumis à la nouvelle procédure et les tests correspondants seront disponibles lors de l’achat.

Pour ce qui est d’un lobbying supposé de l’automobile, je vous invite à relire toutes les déclarations faites par PSA au Sénat ou à l’Assemblée nationale : vous constaterez que nous avons toujours demandé à ce que le règlement WLTP soit mis en œuvre le plus rapidement possible. Aujourd’hui, il y a un écart entre la réglementation et la consommation de nos clients – entre 1,5 et 1,8 litre/100 km d’écart pour les trois premiers véhicules sur lesquels nous avons communiqué au salon de Genève –, que la mise en œuvre du nouveau cycle va permettre de réduire de moitié. Comme nous sommes bien placés en termes de consommation réelle, nous avons tout intérêt à ce que le cycle de réglementation qui nous est imposé soit le plus représentatif des usages réels de nos clients, car cela évite des incompréhensions, voire des retours qualité suscités par la déception de constater des écarts entre les valeurs affichées en fonction du cycle imposé réglementairement et l’usage réel du véhicule.

J’insiste sur le fait qu’atteindre l’objectif de 1 plus 0,5 dès 2017 n’aura rien de facile : nous travaillons sur des dispositifs récents, dont la mise au point n’est pas terminée. Les tests WLTP et WLTC s’effectuent toujours sur des bancs à rouleaux, car ces dispositifs nous permettent de garantir les résultats obtenus grâce à la certification de Bureau Veritas. L’objectif de 1 plus 0,5 ne constitue pas l’horizon ultime de nos performances, puisque le progrès n’a pas de limites. Cela dit, il convient de veiller à ce que les normes réglementaires soient en cohérence avec la capacité technique des systèmes : plus l’objectif se rapproche de zéro, plus il devient difficile de gagner ne serait-ce qu’une décimale.

M. Denis Baupin. Puisque vous êtes prêts à passer à 1,5, vous ne demandez pas à ce que le facteur de conformité soit fixé à 2,1 en 2017 ?

M. Gilles Le Borgne. Je répète que nous dimensionnerons nos modèles à 1,5 dès septembre 2017.

La technologie mild hybrid, qui constitue le deuxième niveau d’hybridation, embarque environ 350 wattheures de batterie. Elle comporte un système électrique réversible de l’ordre d’une dizaine de kilowatts, associé la plupart du temps à un dispositif dédié de 48 volts, ce qui permet de gagner 8 % à 10 % de consommation en moyenne. Nous travaillons sur cette technologie avec nos partenaires, et allons prochainement prendre la décision d’engager ou non son développement.

J’ai coutume de dire que PSA est en veille active sur le dossier du véhicule à hydrogène. Recourir à cette technologie n’a de sens que si l’hydrogène mis en œuvre est propre, c’est-à-dire s’il ne provient pas du cracking de méthane, qui l’assimile à une énergie fossile. On pourrait d’ailleurs étendre ce raisonnement à la totalité des technologies de propulsion électrique : du fait de l’origine de l’électricité, un véhicule électrique produit, du puits à la roue, de 20 à 30 grammes de CO2 au kilomètre en France ; en Allemagne, où 50 % de l’électricité est d’origine nucléaire, la production de CO2 est de l’ordre de 105 grammes au kilomètre, et l’on avoisine les 150 grammes en Chine ! La traction électrique résout les problèmes d’émissions polluantes localisées, mais elle n’est pas une solution du point de vue du réchauffement climatique. Pour en revenir à l’hydrogène, il existe par ailleurs un certain nombre de freins technologiques liés à la compression, au transport et à la distribution de l’hydrogène, qui justifient que nous n’ayons pas entrepris pour le moment de programme actif dans ce domaine, même si nous n’y sommes pas hostiles.

Pour ce qui de l’extension de notre ligne de produits, notre core models strategy nous a conduits à diminuer fortement notre nombre de modèles – 26 véhicules pour l’ensemble du monde. Par ailleurs, un programme spécifique va nous permettre de développer des véhicules haut de gamme.

Mme la rapporteure. Au sujet de votre vision stratégique et prospective, vous avez évoqué dans votre propos liminaire une chute rapide du diesel en France, notamment pour les voitures des ménages. Comment voyez-vous le segment de marché du diesel pour l’avenir, tant en ce qui concerne les véhicules que les usagers ?

Lorsque nous avons auditionné l’économiste Élie Cohen, il a établi des comparaisons entre la croissance de l’effort de recherche de certains constructeurs européens et celle d’un constructeur français – autre que PSA –, montrant que la première était très supérieure à la seconde sur la période 2003-2013. Que pouvez-vous nous dire sur l’effort de R&D de PSA ?

Selon vous, de quelle manière l’État peut-il encourager l’innovation et la R&D ? Lorsque la Commission des affaires économiques a auditionné Carlos Ghosn, il a expliqué que le crédit d’impôt recherche ne faisait que compenser les écarts de coûts d’ingénierie de la France par rapport à d’autres pays. Selon lui, « le coût chargé – c’est-à-dire les salaires plus les charges – de l’ingénierie en France est l’un des plus élevés au monde (…). Le CIR permet de ramener le coût de l’ingénierie française à des niveaux acceptables ». Qu’en pensez-vous ?

Au sujet des pôles de compétitivité, vous nous aviez dit, lors de notre visite, qu’ils se faisaient concurrence entre eux. Quel rôle pourrait jouer l’État pour organiser un soutien efficace à l’innovation et à la R&D ?

Le programme 2 litres/100 km ne constitue-t-il pas un objectif déjà dépassé ? De ce point de vue, le rôle de la puissance publique n’est-il pas de fixer un horizon technologique plus ambitieux, comme nous l’ont dit certaines des personnes que nous avons auditionnées ?

Comment voyez-vous, en termes de stratégie, la question de l’évolution des usages, c’est-à-dire d’un marché qui va de plus en plus vers le véhicule d’entreprise au détriment du véhicule particulier, et où l’âge moyen de l’acheteur d’une voiture neuve ne fait qu’augmenter – les jeunes générations ayant une relation différente à l’automobile, en tout état de cause moins basée sur le rapport de possession ?

M. Gilles Le Borgne. Je commencerai par répondre à la question de M. Dive relative aux montants de R&D. Les montants que j’ai indiqués – 450 millions d’euros pour le développement d’une chaîne de traction hybride, un milliard d’euros pour la mise au point de la nouvelle famille de moteurs EB – s’entendent R&D et CAPEX confondus : une partie de cette dépense correspond donc à l’achat de l’outillage des équipementiers. Il peut toujours y avoir des écarts entre le prix amorti des pièces et ce que l’on paye upfront, mais globalement cela représente bien la totalité des capitaux que nous devons investir pour sortir nos produits.

Pour ce qui est du diesel, il est clair que nous assistons aujourd’hui à un rééquilibrage. Le mécanisme est extrêmement fort en France, où nous n’avons pas attendu le scandale Volkswagen pour assister à un véritable « diesel bashing ». Le phénomène est beaucoup moins prononcé en Europe : l’évolution de la part du diesel est nulle en Allemagne, et l’on n’assiste qu’à une très légère diminution au Royaume-Uni. Pour notre part, nous anticipons une normalisation du marché entre diesel et essence et, quand nous avons annoncé l’année dernière une augmentation capacitaire pour notre moteur EB turbo PureTech, cela témoignait de notre volonté de prendre acte du rééquilibrage en cours. Nous sommes là avant tout pour servir nos clients, à qui nous devons proposer un éventail de technologies parmi lesquelles ils puissent choisir. Cela dit, un diesel moderne est une superbe machine constituant une vraie solution pour réduire le CO2, et nous aurons besoin d’une proportion significative de diesel pour atteindre les objectifs de 2020.

Dans le cadre de notre feuille de route « Back in the Race » de 2014, Carlos Tavares avait situé l’effort de recherche à accomplir entre 7 % et 8 % du chiffre d’affaires de la division automobile, ce qui représente 2,9 milliards d’euros – environ 1,8 milliard d’euros en R&D et 1,1 milliard d’euros de CAPEX pour l’année 2016. Ces chiffres peuvent apparaître faibles par rapport à ceux de certains de nos concurrents. Cela dit, nous disposons depuis quelque temps d’un plan de travail visant à optimiser chaque euro investi. Dans le cadre de la core model strategy, nous séparons les développements de nos véhicules particuliers en cinq programmes, avec énormément de carry over et de carry across entre les véhicules d’un même programme, et nous travaillons aussi pour d’autres marques, notamment Opel, qui peuvent ainsi proposer des véhicules très différents des nôtres en apparence, mais qui ont en réalité beaucoup de points communs.

Par ailleurs, nous nous efforçons d’être sélectifs dans les programmes que nous décidons de développer, ce qui explique, par exemple, que nous soyons restés en veille active sur les véhicules à hydrogène. Nous avons également décidé de ne développer qu’une technologie, la SCR, lors de la mise en application de la norme Euro 6. Nombre de nos concurrents ont, eux, fait le choix de développer deux technologies, à savoir à la fois la SCR et le lean NOx trap avec EGR (recirculation de gaz d’échappement) haute pression et basse pression.

Enfin, dans le cadre du programme DRIVE, nous nous sommes fixé pour objectif d’obtenir des gains en rupture sur l’ensemble des domaines de la R&D, qu’il s’agisse des gains de structure, d’organisation, sur les schémas opérationnels de développement – moins un développement dure longtemps, moins il coûte –, ou encore résultant de l’utilisation massive du numérique : depuis 2007, contrairement à nombre de constructeurs, nous n’avons plus d’outillage prototype pour réaliser nos voitures. L’ensemble de ces mesures permet de réaliser des gains très importants, de l’ordre de 300 millions d’euros, ce qui représente une voiture nouvelle complète par an.

Mme la rapporteure. Quel est le coût de la R&D effectuée en France ?

M. Gilles Le Borgne. Comme je l’ai dit tout à l’heure, nous bénéficions d’un crédit d’impôt recherche de 113 millions d’euros, ce qui est très significatif et correspond à nos dépenses d’advanced engineering.

Il y a aujourd’hui cinq pôles de compétitivité travaillant dans le domaine de l’automobile – j’y inclus le pôle i-Trans situé dans la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, consacré en grande partie aux bus. Les pôles de compétitivité sont des organisations comprenant des adhérents, le plus souvent des petites et moyennes entreprises, qu’ils aident à préparer des dossiers de financement ; ils ont également vocation à irriguer le champ de tout ce qui intéresse les grands donneurs d’ordre de l’industrie automobile française, de façon à ce que tous les programmes de recherche rencontrent des clients.

Leur organisation régionale, et qui couvre pratiquement l’ensemble des technologies, ne me paraît pas forcément une bonne chose : il serait plus logique qu’ils soient spécialisés par domaine et qu’ils couvrent la totalité du territoire national, voire qu’ils s’étendent au-delà, afin de mieux répondre aux défis européens et mondiaux. On pourrait, par exemple, avoir un pôle « systèmes » en Île-de-France, un pôle « matériaux métalliques » dans le grand Est et un pôle « matériaux composites » dans le grand Ouest. Cela permettrait aux pôles de disposer d’une meilleure connaissance du tissu français, et non simplement régional, et de créer un effet de masse dans un domaine donné afin de gagner en efficacité. J’ajoute que certains équipements coûtant extrêmement cher, par exemple des cabines moteur, sont actuellement dispersés un peu partout alors qu’une meilleure disposition permettrait de créer un effet de synergie.

L’objectif consistant à proposer des véhicules 2 litres/100 km n’est certainement pas dépassé, surtout si l’on précise que ces véhicules doivent être abordables.

Mme la rapporteure. Même en tant qu’horizon technologique ?

M. Gilles Le Borgne. La mise au point d’un véhicule 2 litres/100 km abordable, c’est-à-dire à moins de 15 000 euros, constitue un challenge extrêmement ambitieux. Ensuite, tout dépend du taux d’hybridation choisi, mais comme je vous l’ai expliqué, embarquer de trop grandes quantités d’énergie électrique a pour effet de faire monter les coûts dans des proportions impossibles à transférer aux clients.

L’évolution des usages est une vraie question. L’acheteur d’un véhicule neuf a 53 ans en moyenne pour ce qui nous concerne. Chaque décennie a sa mode : ainsi, il y a quelques années, l’analyse générationnelle nous conduisait à distinguer les « momos », les « bobos », les « yoyos »… En réalité, on continue à constater qu’à partir d’un certain âge, les adultes fondent une famille et ont des enfants qu’il faut bien véhiculer – et ce n’est pas le phénomène de la famille recomposée qui réduira les besoins de solutions de transport ! Il est en revanche une évolution incontestable, celle du passage de la propriété à l’usage du véhicule. C’est un élément sur lequel nous réfléchissons beaucoup, en observant notamment les pratiques de peer-to-peer qui se développent, mais il est encore un peu tôt pour en parler.

Mme la présidente Sophie Rohfritsch. Nous vous remercions pour vos explications passionnantes et détaillées.

La séance est levée à dix-sept heures cinquante-cinq.

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Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Réunion du mardi 29 mars 2016 à 16 h 15

Présents. - M. Yves Albarello, Mme Delphine Batho, M. Denis Baupin, M. Jean-Marie Beffara, M. Charles de Courson, M. Philippe Duron, M. Jean Grellier, M. Philippe Kemel, M. Gérard Menuel, Mme Sophie Rohfritsch

Excusés. - M. Denis Jacquat, M. Jean-Pierre Maggi

Assistait également à la réunion. - M. Julien Dive