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Mardi 5 avril 2016

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 39

Présidence de Mme Delphine Batho, Rapporteure

– Table ronde, ouverte à la presse, avec les représentants du secteur de l’automobile au sein des grandes centrales syndicales, avec la participation de : pour Force ouvrière-Métaux (FO-Métaux) : M. Christian Lafaye, M. Laurent Smolnik, M. Jean-Yves Sabot et M. Jean-Philippe Nivon ; pour la Fédération générale des mines et de la métallurgie-CFDT (FGMM-CFDT) : M Philippe Portier, M. Franck Daout, M. Jean-François Nanda et M. Sébastien Sidoli ; pour la CFTC : M. Albert Fiyoh Ngnato, M. Eric Heitz, M. Emmanuel Chamouton et M. Franck Don ; pour la Fédération de la Métallurgie–CGC (CFE-CGC) : M. Éric Vidal, M. Jacques Mazzolini et M. Frédéric Vion.

Mission d’information
sur l’offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

La séance est ouverte à seize heures quarante.

La mission d’information a organisé une table ronde avec des représentants du secteur de l’automobile au sein des grandes centrales syndicales. Elle a entendu : pour Force ouvrière Métaux (FO-Métaux) : M. Christian Lafaye, délégué syndical central FO PSA, M. Laurent Smolnik, délégué syndical central FO Renault, M. Jean-Yves Sabot, secrétaire fédéral en charge de l’industrie automobile à la Fédération FO Métaux et M. Jean-Philippe Nivon, ingénieur qualité Valéo ; pour la Fédération générale des mines et de la métallurgie-CFDT (FGMM-CFDT) : M Philippe Portier, secrétaire général, M. Franck Daout, délégué syndical central Renault, M. Jean-François Nanda, délégué syndical central adjoint Renault et M. Sébastien Sidoli, du comité stratégique PSA ; pour la Fédération des travailleurs de la metallurgie – FTM-CGT : M. Richard Gentil, administrateur Renault, M. Denis Bréant, animateur du collectif fédéral automobile, M. Vincent Labrousse, animateur du collectif fédéral emboutissage, M. Fabien Gache, délégué syndical central de Renault ; pour la CFTC : M. Albert Fiyoh Ngnato, responsable des services de l’automobile, M. Eric Heitz, membre du bureau Fédéral de la CFTC Métallurgie et responsable CFTC équipementier automobile, M. Emmanuel Chamouton, responsable CFTC au sein de la direction de la recherche et du développement PSA Peugeot Citroën et M. Franck Don, délégué syndical central CFTC PSA ; pour la Fédération de la Métallurgie–CGC (CFE-CGC) : M. Éric Vidal, responsable du dossier filière automobile, M. Bruno Azière, délégué syndical central Renault, M. Jacques Mazzolini délégué syndical central PSA Peugeot Citroën et M. Frédéric Vion, représentant syndical CFE-CGC au comité de groupe JTEKT.

Mme Delphine Batho, présidente et rapporteure. Nous accueillons aujourd’hui les responsables des grandes organisations syndicales de la filière automobile.

Il s’agit de FO Métaux, de la Fédération générale des mines et de la métallurgie-CFDT, de la CFE-CGC et de la CFTC.

La Fédération CGT des travailleurs de la métallurgie, qui avait donné son accord pour participer à cette table ronde et constitué sa délégation, nous a prévenus, en début d’après-midi, qu’elle ne pourrait pas y assister.

Je remercie les présents d’avoir répondu à notre invitation et d’avoir constitué des délégations qui représentent différents groupes ou entreprises du secteur.

Nous avons considéré qu’il était indispensable d’entendre les organisations syndicales alors que nous multiplions les auditions et les visites de sites industriels.

Je rappelle que la présente mission d’information a été créée par la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale cet automne, après ce qu’il est convenu d’appeler l’« affaire Volkswagen », mais qu’elle entend aborder la problématique de l’offre automobile en France sous plusieurs angles : industriel bien sûr, mais aussi énergétique, fiscal et social.

Nous ne limitons pas notre réflexion aux seuls constructeurs français et nous souhaitons porter notre attention sur la filière dans son ensemble. Cela signifie que la situation économique et de l’emploi chez les équipementiers, grands et petits, relève aussi des problématiques retenues par la mission.

Dans un premier temps, je propose que chacune de vos organisations puisse exposer son analyse de la filière et des grands enjeux économiques ou sociaux durant cinq minutes. Puis nous vous poserons un certain nombre de questions plus précises.

M. Jean-Yves Sabot, secrétaire général chargé de l’industrie automobile à la Fédération FO-Métaux. Je concentrerai mon intervention sur tout ce qui concerne le monde du travail.

En France, la filière automobile représente encore près d’un salarié sur dix. C’est donc un des pans importants de l’activité industrielle française.

La crise économique de 2008 a placé la filière automobile dans une situation difficile. Nous avons vu un grand nombre d’externalisations, un grand nombre d’établissements fermer, la situation des sous-traitants devenir extrêmement délicate et la filière redimensionner son appareil productif à la baisse, tout cela de manière durable.

Nous n’avons eu de cesse, comme je le crois, nos collègues présents aujourd’hui autour de cette table, de souligner, lors de la mise en place de la filière automobile, à la suite des Etats généraux, qu’il était important de réfléchir à la manière de regagner des volumes de production en France et à se préparer à la redimensionner. Aujourd’hui, le risque est de devoir compter avec une filière automobile moribonde.

Nous avons constaté que certaines compétences ont pu être perdues, notamment chez les équipementiers, ce qui peut poser des problèmes à la filière automobile.

La situation de l’emploi est déterminée par le niveau de production en France. Nous avons assisté à beaucoup d’externalisations. Aussi, tous les discours sur la réindustrialisation nous laissent-ils un peu sceptiques ! Nous aimerions que l’hémorragie soit limitée à terme, et que l’on puisse conserver un bon niveau de production en France.

On a beaucoup parlé, ces dernières années, de la nécessaire internationalisation de la filière. Les grands constructeurs, les grands équipementiers sont devenus des groupes mondiaux qui raisonnent au plan international. En France, la filière s’est beaucoup attachée à la capacité d’internationalisation des entreprises françaises. FO souhaite rappeler qu’il ne faut pas oublier non plus nos capacités d’exportation et nos savoir-faire. Si l’on veut défendre nos emplois et nos savoir-faire, il convient de continuer à soutenir nos établissements, nos usines, nos centres de recherche.

J’en viens au diesel qui a été au cœur du scandale Volkswagen, mais pas uniquement. Comme les organisations qui sont autour de cette table, nous ne sommes pas insensibles aux questions environnementales. Il est donc important de se diriger vers une industrie propre. Il faut trouver le point d’équilibre entre l’intérêt économique des entreprises, la problématique environnementale et surtout le volet social. J’appelle l’attention de la mission d’information sur l’enjeu que représente la diésélisation de la filière pour l’emploi en France.

Les constructeurs français sont des diésélistes tout à fait performants au plan mondial, et le parc automobile est diésélisé dans une très forte proportion. Il faut prendre garde aux évolutions et à leur rythme, pour permettre des reconversions raisonnées des établissements.

Il ne faudrait pas voir fermer, comme cela fut le cas après 2008 chez les constructeurs, les usines de motorisation. Nous préférerions pouvoir travailler sur des reconversions douces.

Il est important également d’envisager la situation de notre industrie automobile en France à travers le prisme de ce qui se passe chez nos principaux voisins, notamment les Allemands qui ont une forte capacité de lobbying et savent très bien comment protéger leur propre industrie.

J’appelle votre attention sur le fait qu’il faut bien mesurer quelles sont les mutations importantes, pour que les groupes qui sont implantés sur le territoire – ils ne sont pas tous français – puissent maintenir des emplois et des savoir-faire.

Enfin, il faut intégrer l’aval de la filière dans la réflexion sur l’automobile. En effet, ce secteur compte pour beaucoup – le commerce représente 400 000 salariés – et il tiendra probablement une grande place dans les réflexions à venir sur les mutations de l’automobile.

M. Christian Lafaye, délégué syndical central FO PSA. PSA est très attaché au sujet du diesel. Nous avions demandé des contrôles indépendants sur les émissions polluantes. Il serait intéressant de savoir où en sont ces contrôles.

M. Jean-Philippe Nivon, ingénieur qualité chez Valeo, délégué syndical central FO. Je concentrerai mon propos sur les équipementiers puisque je fais partie de Valeo.

Les équipementiers ne se focalisent pas sur un constructeur plutôt que sur un autre. Vous avez parlé du dieselgate. La communication a été très forte en France par rapport au nombre de véhicules concernés aux États-Unis. Cette affaire a eu un impact important sur la vente de véhicules en France puisque les gens se sont rués sur les véhicules essence : c’est ce que j’appelle, en tant que Lyonnais, une décision parisienne. Or le diesel est vital pour les gens qui habitent à la campagne car l’essence coûte très cher. Faites attention aux conséquences que pourraient entraîner les décisions que vous prendrez, à l’issue de vos travaux, en ce qui concerne le pourcentage de véhicules diesel et de véhicules essence.

Pour sortir des problèmes de pollution auxquels elle est confrontée, la Chine va importer beaucoup de véhicules diesel. Le lobbying anti-diesel que l’on constate actuellement en France n’est-il pas trop poussé ? Voilà une question que je voulais poser, les équipementiers étant directement affectés par les stratégies des constructeurs, qu’ils soient français – Renault, PSA – ou étrangers – BMW, Volkswagen –, car, comme l’a dit M. Sabot, les équipementiers travaillent avec tous les constructeurs.

M. Éric Vidal, responsable du dossier filière automobile, Fédération de la métallurgie-CGC. Je vous remercie de nous donner l’occasion de nous exprimer.

Je souhaite vous présenter la délégation de la CFE-CGC. Frédéric Vion, qui travaille dans la région lyonnaise, est représentant syndical CFE-CGC au comité de groupe de l’entreprise JTEKT, et Jacques Mazzolini est délégué syndical central de PSA. Pour ma part, je travaille chez Renault, et je suis animateur pour la filière automobile, pour la CFE-CGC. Par ailleurs, je tiens à excuser Bruno Azière, souffrant, qui est délégué syndical central de Renault, pour la CFE-CGC.

Cela fait longtemps que la CFE-CGC est active dans la filière automobile qu’elle soutient.

Force est de reconnaître que l’automobile n’a pas bonne presse. On entend plus facilement que l’automobile tue les gens et qu’elle pollue les villes plutôt qu’elle emploie 700 000 personnes en France, si l’on inclut ceux qui construisent les automobiles et ceux qui en font le commerce, la maintenance et l’après-vente. Il faudrait le rappeler plus fortement ; j’espère que c’est ce que vous ferez dans votre rapport.

Cette mauvaise image est due également au nombre d’emplois détruits. Il y a effectivement moins de gens qui travaillent aujourd’hui dans le secteur automobile qu’en 2001 ou encore en 2011. Cela dit, même s’il y a moins d’emplois, il y a toujours autant d’embauches. Il devrait même y avoir, je le pense, des vagues d’embauches à venir. Mais je ne suis pas certain que cela soit ancré dans la tête de tout le monde !

L’industrie automobile a externalisé certaines de ses fonctions qui sont sorties parfois du giron de la métallurgie. Mais si l’on constate des pertes d’emplois dans la métallurgie, ce n’est pas le cas pour d’autres branches qui travaillent pour l’automobile – je pense à la branche des services. D’un point de vue comptable, ces gens-là sortent de l’automobile alors que ce secteur pourvoit à ces emplois.

Nous nous attendions à ce que la France soit un des piliers des véhicules électriques, et de manière générale décarbonés. Aujourd’hui, nous nous demandons si ce ne sera pas plutôt la Chine qui sera leader en la matière. C’est grave, car c’est une avance technologique qu’il ne faut pas laisser aux autres puisqu’elle générera des emplois. Ce sujet nous préoccupe beaucoup.

Les métiers de l’industrie automobile bougent énormément. Si les gens sont de moins en moins mécaniciens, ils sont compétents en matière de numérique et de contrôle d’objets connectés, ce qui veut dire qu’il y a là un vivier d’emplois et de compétences phénoménal. Les enjeux en termes de formation initiale, et surtout de formation continue, sont importants. Il faut permettre aux gens de se former à de nouvelles technologies, et ainsi de monter en compétences.

Les équipementiers pressentent qu’il va y avoir encore des rapprochements, ce qui, d’un point de vue social, nous fait frémir car, en général, qui dit rapprochement dit diminution d’effectifs. Il faudra donc être vigilant.

La filière a su passer la crise de 2008-2009, certes avec des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), mais tout cela s’est fait dans un contexte social relativement calme compte tenu de la tempête à laquelle elle a fait face. Aujourd’hui, l’industrie automobile française se relance, grâce surtout à la signature d’accords de compétitivité avec les organisations syndicales.

Quand une entreprise ou un site a signé un accord de compétitivité, le problème c’est de trouver les gens pour faire le travail et non de trouver du travail. Ce qui est important, c’est la négociation sur le terrain, au plus près des besoins, soit des établissements, soit des petites ou des grandes entreprises, et d’avoir la possibilité de parler le plus en amont possible de tous les sujets délicats. J’entends par sujet délicat par exemple un rapprochement entre deux entreprises. En la matière, les représentants du personnel et les organisations syndicales doivent être mis au courant le plus tôt possible, de façon à voir comment le virage peut être pris.

M. Jacques Mazzolini, délégué syndical central PSA Peugeot Citroën, Fédération de la métallurgie-CGC. Je veux revenir sur les évolutions qui attendent la filière automobile.

Nos collègues ont décrit la situation actuelle. Le nombre d’emplois a effectivement considérablement chuté dans le périmètre de la filière tel qu’on a l’habitude de le considérer, étant entendu que le périmètre n’est pas nécessairement représentatif de l’ensemble des personnes qui travaillent pour la filière automobile et que cette filière va considérablement évoluer dans un futur proche pour intégrer d’autres compétences que mécaniques, notamment toute la technologie embarquée. Partout, en Europe ou ailleurs, le virage du véhicule électrique, de l’hybridation, de la connectivité et du numérique, sera pris. Nous avons intérêt à ce qu’il soit plutôt pris chez nous pour que les premiers emplois soient générés sur notre territoire et que les technologies irradient depuis l’Europe, et non que l’Europe devienne un réceptacle de technologies qui seront développées ou construites en Chine, par exemple.

M. Frédéric Vion, représentant syndical CFE-CGC au comité de groupe JTEKT. J’ai lu avec attention parmi les premières auditions que vous avez faites, celles d’Éric Poyeton, directeur de la Plateforme automobile et mobilités (PFA), et de Louis Schweitzer, le Commissaire général à l’investissement. Ce dernier a fort bien décrit le dieselgate.

Aujourd’hui, la filière automobile française est en retard par rapport à la filière automobile allemande s’agissant de sa structuration. Comme le véhicule sera demain davantage un moyen de communication qu’un moyen de transport, il faut à tout prix que vous exhortiez la PFA et la filière automobile française à rattraper le retard qu’elle a pris par rapport à ses concurrentes, notamment à l’Allemagne, de façon que le lobbying fait au niveau européen puisse s’exercer également au niveau français et que la pépite que constitue encore aujourd’hui la filière automobile française ne soit pas gâchée dans dix ou quinze ans.

M. Franck Don, délégué syndical central CFTC PSA. J’ai le plaisir de vous présenter Albert Fiyoh Ngnato, responsable des services de l’automobile, Éric Heitz, responsable CFTC équipementier automobile, et Emmanuel Chamouton, responsable CFTC au sein de la Direction de la recherche et du développement de PSA Peugeot Citroën. Pour ma part, je suis délégué syndical central CFTC chez PSA.

Effectivement, la filière automobile a connu un choc en 2008, avec les conséquences que l’on sait, notamment des restructurations. Puis a éclaté l’affaire du diesel, que l’on peut regretter. Cette affaire n’est peut-être pas arrivée au bon moment et elle n’a peut-être pas été suffisamment anticipée. La « maison automobile » est donc aujourd’hui en grande restructuration et elle connaît de profonds changements.

Ces changements sont liés d’abord aux orientations politiques environnementales. Il est clair que des progrès importants ont été effectués en ce qui concerne le diesel. Mais qui peut soutenir que le diesel existera encore dans trente, quarante ou cinquante ans ? Il faut donc rapidement exploiter d’autres filières. Cela veut dire qu’il va falloir commencer à procéder à un rééquilibrage entre moteurs essence et moteurs diesel. En parallèle, et dans la foulée, il faut travailler sur les moteurs hybrides et faire en sorte que ceux-ci montent en puissance et soient améliorés pour assurer au moins l’interface avec le véhicule tout électrique. C’est ce que l’on voit apparaitre avec des sociétés comme Tesla. L’idée paraît séduisante, tant en termes de performance que d’autonomie du véhicule.

Ces changements sont liés ensuite à l’adaptation des points de vente, de l’après-vente, grâce à des moyens digitaux, pour satisfaire le client. Un constructeur pourrait très bien, à l’avenir, élargir sa gamme de services en proposant, par exemple, une assurance, un parking, l’entretien, etc. Il pourrait y avoir également des points de vente multimarques, des réseaux de pièces de rechange. Bref, il y a là de nombreuses idées à creuser pour essayer de sortir le constructeur automobile du carcan dans lequel il est enfermé, c’est-à-dire ne fabriquer que des automobiles.

Au-delà de nos points de vente, il faudra aussi adapter nos usines – on parle beaucoup de l’usine 4.0 – en les équipant de nouveaux robots intelligents et d’une communication entre les différents outils de production et les chaînes d’approvisionnement. Tout cela nécessite d’anticiper la formation des salariés, de ceux qui sont en place aujourd’hui et, dans un deuxième temps, des futurs salariés. Aussi faudra-t-il travailler en amont, avec l’Éducation nationale, pour former les gens qui viendront travailler dans ces usines du futur.

On oublie souvent que la vision des usagers sur la mobilité a évolué. Je pense à l’autopartage, au covoiturage. On pourrait très bien avoir un véhicule selon le besoin du moment. Par exemple, si je suis à Paris la semaine, une petite voiture électrique me suffit bien pour aller au travail. Par contre, comme j’ai des enfants, il me faut le week-end une voiture plus grande et d’une plus forte cylindrée. Pourquoi ne pas envisager de payer une certaine somme chaque mois pour bénéficier d’un service qui me permettrait d’avoir un véhicule qui correspondrait à une situation donnée ? J’ajoute que les jeunes n’ont pas la même perception de la possession d’un véhicule que ma génération. Je pense que la filière automobile est restée un peu trop longtemps « droit dans ses bottes ». Il est encore temps de changer.

Bien sûr, il faut développer le véhicule autonome, qui peut avoir un impact positif sur la sécurité routière. L’usager de demain pourra allumer son ordinateur alors que sa petite voiture électrique autonome le conduira jusqu’à son travail. Et comme elle est électrique, elle aura aussi l’autre avantage de ne pas polluer.

Mais toutes ces évolutions exigent une révolution dans nos entreprises avec un élargissement des compétences et de ne plus raisonner en simple fournisseur d’un produit mais d’un service. La CFTC, qui a compris cet aspect, est prête à l’accompagner parce qu’elle pense que c’est le seul moyen moderne aujourd’hui de préserver les emplois et les sites industriels sur le territoire français. Bien sûr, comme je l’ai dit, il conviendra de former les salariés pour assurer la transition, et de recourir à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) telle qu’elle a été conçue, c’est-à-dire en anticipation et pas attendre que les problèmes surviennent pour mettre en place des mesures qui ne sont plus de la GPEC, du moins dans l’esprit.

Les sites industriels doivent anticiper plutôt que subir, être en action plutôt qu’en réaction, faire les investissements nécessaires pour intégrer les nouvelles technologies. Bien évidemment, des aides pourraient leur être attribuées dans ce cadre-là.

Nous regrettons que les organisations syndicales de manière générale ne soient pas associées aux décisions de l’entreprise. Des comités paritaires stratégiques commencent à voir le jour ; c’est un beau premier pas, mais ce n’est pas suffisant. On doit aller plus loin dans la démarche. Nous sommes encore loin, très loin du système de cogestion à l’allemande – je ne sais pas si je le verrai pour ma part. Avant d’arriver à un tel système de cogestion à l’allemande, on pourrait peut-être trouver un système intermédiaire que l’on pourrait appeler de co-construction avec les organisations syndicales. Ce serait déjà un premier pas.

M. Albert Fiyoh Ngnato, responsable des services de l’automobile, CFTC. Je souhaite intervenir sur la filière aval qui est très importante. En réalité, avec 470 000 salariés, c’est la cinquième branche en France. En fait, au total ce sont 700 000 personnes qui vivent de toute cette filière.

Comme l’a dit mon collègue de la CFE-CGC, la filière automobile est décriée. Pourtant, aucun autre secteur n’a fait autant d’innovations en matière d’écologie, et il n’a pas attendu pour se lancer dans l’économie solidaire. De plus, pour minimiser ses coûts, l’automobile a dû se réinventer : en utilisant les produits issus de la déconstruction pour fabriquer de nouvelles voitures, elle participe à la politique décarbonée. Et elle dépense beaucoup d’argent dans le traitement des huiles.

Quand on parle de mobilité, on pense à toutes les entreprises qui tournent autour du GAFA ou de la finetech. Mais n’oublions pas que c’est l’automobile et toute la filière aval qui ont créé l’autopartage et les modes de déplacement doux.

La filière automobile dépense beaucoup d’énergie pour se faire accepter alors qu’elle est en grande souffrance en matière fiscale. Regardez les bénéfices qu’engendrent les entreprises de la finetech par rapport à l’entreprise automobile traditionnelle que nous connaissons qui est pourtant créatrice d’emplois. Si Blablacar est un très bon concept pour le pays, en réalité elle ne génère pas autant d’emplois qu’un constructeur automobile. Il en est de même des gens qui vendent des voitures sur Internet et qui ont le statut d’autoentrepreneur !

On demande aux entreprises de mener demain une politique décarbonée. Mais encore faudrait-il leur donner les moyens en termes fiscal et humain. À l’instant, M. Don a cité Tesla. Mais cela reste à démontrer que cette entreprise, qui s’inscrit dans un marché de niche, est meilleure qu’une entreprise automobile traditionnelle de masse qui fait vivre des millions de familles. On ne peut pas raser du jour au lendemain une industrie qui a tant fait pour la croissance de la France et qui est porteuse d’une espérance sociale pour tant de gens. Et je ne suis pas sûr que le législateur soit prêt à tout changer. Pour que les voitures connectées fonctionnent correctement demain, encore faudrait-il que le législateur modifie les lois. Le code de la route tel qu’il existe aujourd’hui n’est pas adapté à ces véhicules. Et a-t-on prévu des parades au cas où des hackers paralyseraient l’économie ?

Il faut donc continuer à soutenir l’industrie automobile française, afin qu’elle soit compétitive demain, et cela alors que la Chine est en train de prendre une place de plus en plus importante.

M. Philippe Portier, secrétaire général de la Fédération générale des mines et de la métallurgie-CFDT (FGMM-CFDT). Je partage très largement les propos de mes collègues en ce qui concerne notamment la mauvaise image de l’automobile. En regardant les personnes présentes autour de cette table, je me dis aussi que nous avons encore certains efforts à faire en matière de mixité !

Mme Delphine Batho, présidente et rapporteure. Ce n’est pas propre au secteur automobile !

M. Philippe Portier. Mais il ne faut pas lâcher l’affaire !

Renault a signé un accord de compétitivité de 710 000 véhicules par an, volume qui n’est pas encore atteint. Cela devrait sécuriser les sites d’assemblage, ce qui est important. Chez PSA, l’objectif est d’un million de véhicules. Par contre, tous les sites ne sont pas forcément sécurisés.

Le Gouvernement a mis en place une politique dite de l’offre sur le plan macroéconomique. Bien entendu, la filière automobile en profite. Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et le Pacte de responsabilité ont des effets qui se feront certainement sentir davantage encore en 2016, parce que les salaires sont plus élevés dans l’industrie que dans les services par exemple. Ils seront donc davantage concernés par les réductions de charges.

Les entreprises ont vu leurs marges améliorées, ce qui est dû aussi à l’embellie du secteur et pas uniquement au CICE et au Pacte de responsabilité. On voit aussi le retour des investissements, ce qui est une bonne chose. Dans le même temps, des entreprises continuent à demander à leurs salariés de consentir beaucoup d’efforts alors qu’un patron se permet de doubler son salaire…

Les accords de compétitivité ont leur raison d’être, mais la compétitivité-coût trouve rapidement ses limites. Il faut s’intéresser de plus près à la compétitivité hors coût. Développer la fibre de carbone pour alléger les véhicules est un élément structurant pour toute la filière. On peut penser aussi à l’expérimentation des véhicules consommant deux litres aux 100 kilomètres qui est très fédératrice pour la filière.

On parle moins de l’esprit collaboratif tout au long de la filière. Je pense aux donneurs d’ordres vis-à-vis de leurs sous-traitants et de leurs fournisseurs et aux fournisseurs vis-à-vis de leurs sous-traitants. Cet aspect me semble économiquement plus efficace que la compétitivité-coût. Il faut savoir que, dans une usine d’assemblage, la masse salariale représente 5 % de son chiffre d’affaires. Aussi, pour gagner 10 % de masse salariale, on agit sur 5 % du chiffre d’affaires. Si ce raisonnement est psychologiquement important pour les chefs d’entreprise et pour M. Gattaz, il ne tient pas la route en termes économique.

En 2014, le groupe de sous-traitance automobile Altia a fait faillite. Ce groupe avait été construit de bric et de broc grâce au Fonds de modernisation des équipementiers automobiles (FMEA) qui avait été créé lors des Etats généraux de l’automobile. Il était constitué de beaucoup de rachats de sociétés qui étaient en redressement ou en liquidation judiciaire. Le consortium Altia voulait permettre à des entreprises de ressembler aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) allemandes. Avec la CGT, nous avions tiré la sonnette d’alarme à plusieurs reprises, mais nous n’avons jamais été entendus ! C’est regrettable, car l’État, qui était actionnaire à hauteur de 20 % je crois, a perdu beaucoup d’argent.

Il manque donc à la filière automobile des lieux où pourrait s’instaurer un dialogue social. C’est un élément sur lequel on pourrait progresser sensiblement.

La filière automobile en France est très hétérogène. On peut donc difficilement avoir un raisonnement standardisé. Certaines entreprises ont une masse salariale qui représente 5 % du chiffre d’affaires, tandis que pour d’autres elle atteint les 20 %. Les enjeux et les remèdes ne sont donc pas les mêmes. Voilà pourquoi nous sommes attachés à tout ce qui peut être négocié au niveau de l’entreprise.

C’est à ce niveau que l’on trouvera des solutions intelligentes et non en prenant de grandes dispositions qui concerneraient toute la filière.

On note aussi que les fournisseurs et les sous-traitants voient leur part à l’exportation augmenter, passant d’un tiers en 2010 à la moitié aujourd’hui.

On peut s’interroger sur ce qui se passe actuellement au Maghreb où beaucoup de nouvelles capacités sont en train de se développer. Je me souviens que, lorsque les capacités se sont développées dans l’est de l’Europe, le discours était le même : cela devait concerner le marché local. Or on a vu les surcapacités ainsi engendrées et les difficultés que tout cela a entraîné. Aussi faut-il avoir une vision très précise sur le Maghreb. Je ne dis pas qu’il ne faut rien développer là-bas, bien au contraire. Mais cela doit faire l’objet d’un dialogue, ce que les Allemands savent mieux faire que nous. Ils sont capables de dire en effet que telle chose peut être délocalisée tandis que telle autre doit être gardée sur leur territoire. Ce dialogue n’existe pas en France, ce qui est fort regrettable.

La France devra faire preuve de rigueur et de fermeté en ce qui concerne les futures normes d’émissions de dioxyde de carbone (CO2) en Europe pour 2030, car il y aura beaucoup de lobbyings de la part de pays qui ne souhaitent pas aller dans ce sens.

Certains constructeurs ont un discours ambivalent puisque, d’un côté, ils sont plutôt favorables à des normes exigeantes, tandis que, de l’autre, ils se livrent à du lobbying pour qu’elles ne le soient pas trop pour des questions de rentabilité de leur capital ou de leurs investissements. Pour autant, je pense que l’industrie française a intérêt à ce que les normes soient les plus dures possible. On a vu, avec la crise aux États-Unis, que c’était un bon point pour l’industrie européenne.

Nous avons aussi beaucoup de mal à lire ce qui se passe autour du bonus-malus. Nous n’arrivons pas à cerner la logique des changements…

Mme Delphine Batho, présidente et rapporteure. Ça change chaque année !

M. Philippe Portier. Tous ces changements ne sont pas sains, car le bonus-malus est un outil de politique industrielle.

Enfin, s’agissant du prix de l’essence et du diesel, à mon sens rien ne justifie de privilégier le diesel par rapport à l’essence.

M. Franck Daout, délégué syndical central Renault, FGMM-CFDT. PSA et Renault ont un savoir-faire en matière de motorisation, à tel point que même des constructeurs allemands ou étrangers font tout pour avoir nos moteurs dans certaines de leurs voitures. J’ajoute que, jusqu’à preuve du contraire, Peugeot et Renault n’ont pas triché et n’ont pas l’intention de tricher sur le passage des différentes normes.

Renault et Peugeot possèdent respectivement une et deux usines de moteurs. Cette activité ne nous inquiète pas, à court et moyen terme. Je rappelle qu’à Cléon, en Normandie, 300 millions d’investissements sont prévus d’ici à 2018, ce qui nous rassure.

L’hybridation est dans les cartons chez Renault comme chez Peugeot, et Carlos Tavares l’a confirmé ce matin à la radio. Il en est de même en ce qui concerne la motorisation électrique où Renault est le leader sur le marché. Ce qui nous inquiète, par contre, c’est la posture politique. Par définition, une voiture électrique a besoin d’être rechargée.

Or il y a un décalage entre les discours et la réalité. Si Renault sait, en interne, que 95 % des utilisateurs de voitures électriques sont tellement satisfaits de leur voiture qu’ils ne feraient rien pour en changer, il est conscient aussi que ces utilisateurs rencontrent bien des difficultés pour la recharger. Dès le départ, il y a eu un quiproquo puisque la population que l’on a visée, c’était celle qui était capable d’acheter une voiture électrique comme voiture citadine, alors que les proches banlieues, les néoruraux ont peut-être davantage la capacité d’utiliser la voiture électrique que les citadins. Même si Autolib’ est un modèle économique qui fonctionne bien, il est clair que c’est bien hors des villes et non pas dans les villes, qui par ailleurs font le nécessaire pour améliorer leurs transports, qu’il est possible d’étendre ce modèle.

Nous pensons que, pour avoir un constructeur fort et une filière forte, il faut également un dialogue social fort et innovant. Certes, des avancées ont été obtenues avec les accords de compétitivité chez Peugeot et Renault, mais il reste encore de la marge. S’il fallait faire passer un message, c’est bien de faire en sorte que, dans un avenir proche, le dialogue social fasse partie de la performance économique des entreprises.

M. Sébastien Sidoli, du comité stratégique de PSA, FGMM-CFDT. Nous sommes à l’aube du tournant du digital, qui est pourvoyeur d’emplois et de compétences. Aussi faut-il insister sur la formation des salariés et leur évolution vers ces nouveaux emplois.

Comme l’a dit mon collègue, nous sommes à l’aube du nouveau contrat social N°2 qui sera bientôt examiné chez PSA.

M. Philippe Portier. En 2008, nous avions déjà proposé de choisir deux régions ou des territoires sur lesquels on mettrait en place des infrastructures de recharges électriques avec la bonne densité. Cela permettrait de lancer la pompe de la production en série de ces véhicules et de tester en grandeur nature les infrastructures associées à des véhicules électriques largement déployés. Des incitations fiscales pourraient accompagner cette expérimentation.

Mme Delphine Batho, présidente et rapporteure. Vous avez indiqué quels sont les défis d’avenir auquel le secteur est confronté.

Certains d’entre vous ont parlé de l’image du secteur. Notre travail est de chercher les solutions pour sortir de la crise de confiance actuelle par le haut. Bien évidemment, nous travaillons sur les questions relatives aux normes, aux contrôles, nous réfléchissions à la manière de garantir une transparence et une fiabilité vis-à-vis des consommateurs et à redéfinir la position de l’État par rapport à la question des choix technologiques.

Certaines des personnes que nous avons auditionnées parlent de neutralité de l’État, c’est-à-dire que l’État exigerait une norme sur les émissions polluantes. Ensuite, il appartiendrait aux constructeurs de la respecter avec la technologie de leur choix.

Le parc ancien roulant émettant des particules polluantes substantielles, nous avons clairement identifié dans nos travaux que la filière aval pouvait jouer un rôle d’entretien et d’incitation au renouvellement du parc.

Plusieurs d’entre vous ont dressé le paysage d’un marché complètement mondialisé, globalisé et hyperconcurrentiel.

Vous pensez, les uns et les autres, que l’évolution des usages de l’automobile et du numérique va aller beaucoup plus vite que ce que tout le monde avait prévu. Dans ce contexte, comment voyez-vous l’avenir du rôle de l’État actionnaire chez Renault et chez PSA ? Quelles sont vos remarques en la matière ?

Plusieurs d’entre vous ont parlé du dialogue social à l’échelle de la filière, même si je vois que certains sujets ne peuvent être traités que par entreprise. À travers vos interventions, j’ai compris que des sujets globaux comme la formation ou la compétitivité globale du secteur mériteraient un traitement à l’échelle de la filière. Un processus de cette nature a-t-il eu lieu lors des Etats généraux de l’automobile en 2008-2009 ? Que faudrait-il mettre en place concrètement pour aller vers un dialogue social innovant ?

M. Jean-Michel Villaumé. Dans la presse d’aujourd’hui, on évoque le nouveau plan stratégique de PSA, avec des objectifs que l’on peut retrouver chez d’autres constructeurs, notamment chez Renault, comme la baisse des coûts, l’augmentation de la rentabilité, le développement des marchés et le lancement de nouveaux modèles. Par exemple, PSA devrait proposer vingt-six nouveaux modèles dans les cinq prochaines années et développer la voiture électrique et hybride. Que pensez-vous de la politique mise en place chez PSA ? S’agit-il de bonnes nouvelles pour vous les salariés ? Pour ma part, je suis élu de l’aire urbaine Belfort-Montbéliard, située à dix kilomètres de Sochaux.

Lors de la 21e Conférence des parties à la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP21), les organisations syndicales et patronales de la branche des services de l’automobile ont signé un « Pacte climat ». En quoi cela consiste-t-il concrètement ? Quels sont les engagements de ce pacte ?

M. Jean Grellier. Je vous remercie pour vos témoignages. Ce qui nous rassure, c’est que vos analyses ont beaucoup de cohérence.

Vous avez parlé, à plusieurs reprises, de la formation. Au sein du Conseil national de l’industrie, une démarche transversale a été faite entre les différents comités stratégiques de filière, et un rapport a été présenté par Mme Isabelle Martin, de la CFDT. De quelle manière pouvez-vous agir pour que les programmes de formation générale et de formation professionnelle puissent intégrer les orientations qui ont été produites dans ce rapport qui a fait l’objet d’un consensus entre les différents partenaires des comités stratégiques de filières ? Ils abordent les éléments fondamentaux de l’avenir de l’ensemble des filières industrielles.

Vous avez parlé également des choix technologiques – Madame la rapporteure a parlé de neutralité technologique. Comment voyez-vous ce sujet ? J’ai dit aux constructeurs qu’il fallait plaider pour une concertation entre les acteurs de la filière et les pouvoirs publics car les réseaux de distribution d’énergie sont fonction des choix qui sont faits. Là aussi, les partenariats sont nécessaires pour les développer. Je crois que cela fait partie des éléments fondamentaux de l’avenir de la filière.

Je partage votre position sur la restructuration de la filière, pour faire en sorte qu’un certain nombre d’activités soient associées au développement de la filière automobile.

Enfin, je peux témoigner qu’une usine automobile, c’est bien, c’est beau, c’est enrichissant pour un territoire et c’est très triste quand ça ferme !

M. Jean-Philippe Nivon. Actuellement PSA et Renault représentent 30 % des activités de Valeo. Serait-il possible que l’État actionnaire donne, à travers la stratégie de ces deux constructeurs, un peu plus d’activité aux sites implantés en France ? Les sites comme Valeo ou d’autres équipementiers procurent de l’activité à des équipementiers de rang 2, voire de rang 3.

M. Franck Don. À titre personnel, je ne suis pas persuadé qu’un État actionnaire puisse avoir une impulsion industrielle. Par contre, il doit avoir une impulsion sociale et agir pour modifier et embellir le dialogue social, ce qui permettra un bon climat social. Ce serait une erreur que de faire intervenir l’État actionnaire dans les décisions industrielles. D’ailleurs, on a vu que les usines où l’État était actionnaire étaient les premières à s’externationaliser et à s’implanter ailleurs – on l’a appris bien plus tard !

M. Villaumé nous demande ce que nous pensons quand un patron annonce la baisse des coûts, l’augmentation de la rentabilité et des externalisations. Je lui répondrai que nous pensons la même chose que lorsque le Chef de l’État parle de diminuer le chômage et la pauvreté : ces objectifs sont tout à fait louables. La baisse des coûts et l’augmentation de la rentabilité ne sont pas des gros mots. L’important est de savoir comment on le fait, avec quels accompagnements et ce que l’on propose aux salariés. Si on considère que la rentabilité est un gros mot et qu’il ne faut pas en faire, on risque de rencontrer des problèmes qui seront du ressort de la pauvreté et du chômage.

M. Albert Fiyoh Ngnato. Effectivement, nous étions à la COP21 et pas uniquement pour y faire de la figuration. Nous avons signé un accord pour faire partie de tout le schéma, de la construction de l’automobile jusqu’à sa destruction, et contribuer à faire baisser l’impact carbone de toute la filière.

Nous pensons depuis longtemps que l’automobile doit prendre toute sa place dans la politique nationale sur tout ce qui a trait à l’écologie : la mobilité, l’éco-partage, les politiques douces, la formation du consommateur pour qu’il puisse utiliser la voiture autrement. Tout cela contribue clairement à faire changer les mentalités, à voir l’automobile autrement.

M. Emmanuel Chamouton, responsable CFTC au sein de la direction de la recherche et du développement PSA Peugeot Citroën. Tout à l’heure, il a été question de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. En la matière, on oublie trop souvent le mot « prévisionnelle » qui renvoie à une vision à moyen et long termes. Or quand un problème surgit, on est plutôt dans sa résolution à court terme, ce qui peut conduire à des mécanismes qui ne correspondent pas aux objectifs de la GPEC. Il faut réfléchir à ce qu’il convient de faire pour gérer correctement le devenir de l’entreprise tout en étant en mesure de faire évoluer les salariés vers des métiers d’avenir. Or on ne forme pas un électronicien, par exemple, en quinze jours. Il faut réussir le challenge de l’évolution des salariés pour qu’ils soient capables de réaliser les tâches dans l’entreprise. Et si l’on apporte de réelles compétences pour une activité, on pourra éviter aussi des externalisations. Si chaque collaborateur apporte de la valeur ajoutée, le problème de l’externalisation se posera beaucoup moins.

M. Sébastien Sidoli. Je pense que l’État a son mot à dire sur le salaire de nos PDG et sur la fermeture d’une usine !

M. Franck Daout. L’État a son rôle, chez Peugeot comme chez Renault. Il y a quelques années, quand Peugeot a traversé des difficultés, heureusement que l’État était là pour reconstruire un avenir à l’entreprise.

L’État a aussi sa place chez Renault. À cet égard, je ne reviendrai pas sur le chahut qui a eu lieu l’an dernier à la même époque à propos des droits de vote double ! Pour notre part, nous avions pris une position très claire sur cette affaire.

L’État pourrait même aider les organisations syndicales qui siègent maintenant dans les conseils d’administration. Ce serait la moindre des choses que les parts variables des salaires de M. Tavares ou de M. Ghosn répondent à des critères sociaux, voire à la RSE. Cela se fait un peu aujourd’hui, mais de façon timide. Nous aimerions que l’État s’exprime sur ce sujet et qu’il s’associe à nos demandes.

Les accords de compétitivité ont permis de discuter hors des coûts directs. On a abordé les autres coûts, ce qui est positif et a permis un zoom sur la qualité et les compétences des salariés. Mais les deux accords de compétitivité, tant chez Peugeot que chez Renault, vont être rediscutés. On voit les mauvaises habitudes réapparaître, c’est-à-dire que l’on nous compare avec des usines chinoises et espagnoles ! J’ai bien peur que l’on retombe dans les travers que l’on a connus dans les années 2013. On aura une filière forte et des constructeurs forts si et seulement si on a un dialogue social fort et de qualité.

M. Jacques Mazzolini. L’État est un actionnaire de circonstance. En tout cas, c’est ce qui s’est passé récemment avec PSA. Mais ce fut vrai aussi pour Renault bien avant. L’État, comme tout actionnaire, a un certain nombre d’exigences à faire valoir. Il est entré au capital de ces entreprises parce qu’elles ont eu besoin d’aide, mais aussi parce qu’il a la volonté de conserver en France, à la fois des entreprises et une filière automobile forte, et de préserver l’emploi sur le territoire.

Comme l’a dit Franck Don, il ne s’agit pas d’avoir un État stratège et industriel qui donne le cap industriel de l’entreprise. Par contre, cela rassure les salariés de savoir qu’un actionnaire de référence s’attache à maintenir des activités sur le territoire national et qu’il veille au respect des clauses réciproques dans des accords, et c’est un gage de stabilité pour l’entreprise.

M. Franck Don. Je suis tout à fait d’accord avec ce que vient de dire Jacques Mazzolini.

M. Éric Vidal. Je veux revenir sur le dialogue social à l’intérieur de la filière. Ce que voulait dire tout à l’heure Philippe Portier, c’est qu’il n’y a pas, au niveau de la filière, un endroit pour parler avec un peu de hauteur sur des sujets vraiment difficiles. Depuis un ou deux ans, on arrive toutefois à parler localement des sujets difficiles…

Mme Delphine Batho, présidente et rapporteure. Permettez-moi de vous interrompre. Existe-t-il un endroit où les entreprises de la filière parlent entre elles des sujets stratégiques et difficiles ?

M. Éric Vidal. Peut-être. Je dis « peut-être » parce qu’il y a une partie de la filière automobile qui n’est pas accessible aux organisations syndicales, c’est tout ce qui concerne le déploiement de politiques technologiques et de stratégies.

Mme Delphine Batho, présidente et rapporteure. Vous voulez donc dire que ces élaborations stratégiques ne sont pas partagées avec le corps social.

M. Éric Vidal. Elles peuvent être partagées au sein de comités stratégiques qui sont attachés à des accords de GPEC, mais pas à un niveau stratégique plus global au niveau de la filière. Et je ne suis pas sûr que ce soit souhaitable.

Je souhaiterais qu’il y ait une espèce d’instance supérieure qui permettrait, quand un problème survient, d’y réfléchir tous ensemble.

J’ai participé à l’élaboration du rapport qui a été présenté par Mme Isabelle Martin. Vous demandez ce que l’on peut faire dès à présent. Je vous répondrai qu’il a fallu attendre que les nouvelles régions, qui sont l’un des grands acteurs de la formation, se dessinent. Nous allons travailler dans chaque région au sein de toutes les instances qui existent, notamment les comités paritaires interprofessionnels régionaux pour l’emploi et la formation (COPAREF), pour faire avancer les choses.

J’ajoute que la filière automobile cherche actuellement à structurer des campus des métiers et des qualifications dans les régions. Il est clair que les organisations syndicales ont leur rôle à jouer en la matière. Cette demande a été portée via un projet d’investissements d’avenir. Dès que tous les feux seront au vert, de belles choses pourront être faites pour répondre aux questions que vous posez sur la formation.

M. Christian Lafaye. Je pense que l’État ne soutient pas beaucoup sa filière automobile.

Je veux dire au parlementaire qui a posé une question tout à l’heure avant de partir…

Mme Delphine Batho, présidente et rapporteure. Il doit participer à un vote en ce moment même.

M. Christian Lafaye. …qu’une circonscription autour de Sochaux a fait, soi-disant, un appel d’offres pour un parc autonomie, et qu’elle a finalement investi dans des Fiat. Belle moralité de nos élus…

L’État doit soutenir beaucoup plus fortement ses constructeurs automobiles.

Mme Delphine Batho, présidente et rapporteure. Doit-il soutenir ses constructeurs automobiles ou les automobiles produites en France ?

M. Christian Lafaye. Vous avez raison de poser cette question. L’État doit soutenir les automobiles produites en France.

J’entends les uns et les autres tirer à boulets rouges sur le moteur thermique, et en particulier sur le moteur diesel. On se soucie peu des grands projets de certains constructeurs sur des moteurs qui consomment très peu. PSA développe aujourd’hui des moteurs qui consomment deux litres aux 100 kilomètres. Si l’on n’appelle pas cela lutter contre la pollution, je ne sais pas ce que c’est ! En la matière, on aurait vraiment besoin que l’État nous aide à soutenir ces projets.

Mme Delphine Batho, présidente et rapporteure. C’est le cas du projet deux litres aux 100 kilomètres qui est soutenu par le programme des investissements d’avenir.

M. Christian Lafaye. Tout à l’heure, je me suis permis un petit tacle car j’ai vu que le parc automobile de l’Assemblée nationale n’était pas français à 100 % !

J’ai fait partie de ceux qui ont porté le projet de l’autocontrôle indépendant. J’avais demandé que l’État contrôle les véhicules produits en France de façon indépendante. Mais aujourd’hui, on ne voit pas grand-chose arriver. On sait que les deux constructeurs français sont très propres. Cela pourrait constituer un atout en termes de marketing. On montrerait à la nation que nos véhicules sont sains.

M. Jacques Mazzolini. Quand on parle de pollution, il faut savoir qui est exactement notre ennemi ! On parle beaucoup des particules émises par le diesel dans l’agglomération parisienne. Mais il ne faut pas oublier que la lutte contre le changement climatique passe par la réduction des émissions de CO2. Il sera compliqué, voire impossible, d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixé en termes d’émission de CO2 sans recourir fortement au diesel, parce que les motorisations à essence ne nous le permettront sans doute pas.

M. Christian Lafaye. Savez-vous où il y a le plus de particules fines ? Au niveau des stations de métro, en raison des plaquettes de frein des rames de métro.

Mme Delphine Batho, présidente et rapporteure. Je connais un peu le problème, mais il ne faut pas opposer les sujets les uns aux autres. Ce n’est pas parce qu’un problème de santé se pose pour les salariés de la RATP, question qui doit par ailleurs être prise à bras-le-corps, qu’il ne faut pas traiter les autres problèmes de pollution aux particules.

M. Jean-Yves Sabot. La filière aval, qui est une branche en tant que telle, celle des services de l’automobile, dispose de son propre organisme paritaire collecteur agréé (OPCA). La question du dialogue social ne se pose donc pas tout à fait dans les mêmes termes que dans le secteur industriel où il n’y a pas d’OPCA dédié à l’automobile, ni de convention collective de l’automobile. Nous aimerions, et je rejoins en cela ce qu’ont dit mes collègues, avoir des lieux de dialogue social un peu plus performants qu’aujourd’hui.

En matière de formation dans la filière aval, des choses très intéressantes ont été faites ces dernières années, notamment grâce aux différents plans « Compétences-emplois » qui se sont succédé et qui ont été soutenus par l’État. Ces plans ont permis de vrais résultats. Cela permet d’apporter une aide aux entreprises en matière de formation tout en leur demandant, en contrepartie, des engagements sur l’emploi.

Le pacte climat relève un peu de cette même logique. Toutes les organisations qui se sont engagées sur le pacte climat se sont aussi engagées sur les différents plans « Compétences-emplois ». Cela semble cohérent, tant de la part des partenaires sociaux que des organisations d’employeurs, qui cherchent des solutions pour l’emploi et souhaitent afficher leur volonté de proposer des solutions de mobilité propres pour l’avenir. En cela, ils contribuent à redorer l’image de l’automobile.

Concernant le dialogue social dans la filière automobile, je ferai remarquer que la PFA n’est pas paritaire. Faut-il qu’elle le soit ? Je ne le sais pas. Les organisations syndicales ne sont pas associées à la réflexion sur toute une série de sujets. Il y a bien un comité stratégique automobile composé d’un bureau qui se réunit régulièrement, mais la plateforme qui anime vraiment la vie de la filière n’est pas paritaire.

Au niveau de l’aval, une réflexion est en cours pour constituer une plateforme de la mobilité. Notre organisation syndicale espère que cette plateforme sera paritaire, en tout cas que les partenaires sociaux et les représentants des organisations syndicales y auront une véritable place pour pouvoir appréhender le dialogue social de manière un peu plus satisfaisante que ce qui a pu vous être dit autour de cette table. Si j’ai bien compris, cette structure pourra travailler de manière associée, et non concurrentielle, avec la PFA.

M. Éric Vidal. Structurer la filière automobile est un sacré chantier. On parle de 4 000 entreprises très hétérogènes. On peut penser qu’elle met beaucoup de temps à se structurer depuis qu’ont eu lieu les États généraux de l’automobile. Mais on n’a pas encore trouvé le bon modèle. Tout le monde veut y concourir. Pour ma part, je suis peut-être optimiste, mais j’ai bon espoir que l’on parvienne, à force de discussions, à faire valoir que les organisations syndicales sont aussi de grandes parties prenantes de ce qui se passe dans la filière automobile. C’est long, mais je ne vois pas comment on pourrait aller beaucoup plus vite avec 4 000 entreprises et autant d’hétérogénéité.

M. Philippe Portier. S’agissant du dialogue de filière, on pourrait peut-être expérimenter une démarche de responsabilité sociale des entreprises, c’est-à-dire ne pas borner le dialogue aux seuls partenaires sociaux et l’élargir aux organisations non gouvernementales (ONG) qui s’occupent de l’environnement, aux collectivités territoriales, bref à toutes les parties prenantes qui sont concernées. On le voit, l’automobile est à un vrai tournant et il serait intéressant de mettre tous les acteurs autour de la table, ce qui permettrait de trouver les pistes les plus optimales et de mettre tout le monde dans le sens de la marche. En tout cas, c’est quelque chose que nous défendons ardemment. Aujourd’hui, pour PSA et Renault, la RSE consiste surtout à faire de belles brochures sur un papier glacé, à collecter beaucoup d’informations, mais guère plus.

Mme Delphine Batho, présidente et rapporteure. Vous avez parlé de pollution locale et de pollution globale. Il faut peut-être introduire une vision des choses qui prenne en compte tous les différents facteurs, sinon on risque de retomber dans ce qui a été vécu par le passé, c’est-à-dire qu’un choix de politique publique a un effet pervers sur l’autre, par exemple le bonus écologique basé seulement sur le CO2 qui a eu un impact sur les particules, d’autant que les véhicules diesel de l’époque ne sont pas les mêmes que ceux qui sont disponibles aujourd’hui. Une nouvelle approche reviendrait à prendre en compte l’ensemble des émissions, qu’il s’agisse des émissions de CO2, de particules ou d’oxydes d’azote (NOx), et d’avoir un système de tableau de bord qui permettrait de prendre en compte l’ensemble des facteurs. Sinon, on aboutit à des effets pervers et on commet des erreurs.

M. Éric Vidal. Je veux poser une question de béotien : le bonus-malus change-t-il tous les ans ? Peut-on y changer quelque chose pour avoir une vision plus stratégique ?

Mme Delphine Batho, présidente et rapporteure. Que ce soit en termes d’investissement d’infrastructures ou de dispositifs de soutien à l’évolution du type de véhicule, il est évident que la question de la prévisibilité, de la lisibilité et de la stabilité des dispositifs de l’État est absolument majeure. Je vous confirme que nous dirons un certain nombre de choses sur le sujet et que nous ferons des recommandations. Mais nous n’en sommes pas encore là puisque nous poursuivons nos auditions.

M. Jacques Mazzolini. Tout à l’heure, M. Villaumé a fait allusion au plan que M. Tavares a annoncé aujourd’hui. Nous sommes effectivement dans une entreprise qui bouge beaucoup, ce qui nous rappelle qu’il y a quelques années elle était en passe de ne plus bouger du tout. Nous préférons qu’elle soit dans l’état dans lequel elle est aujourd’hui, même si cela pose des questions d’un point de vue social parce que les bouleversements que vit cette entreprise ont des conséquences sur les salariés qui sont obligés de suivre, de s’adapter à des rythmes quelquefois importants. Et on en revient encore une fois à l’importance du dialogue social en interne, et peut-être au rôle de régulation de l’État qui veille à ce que l’entreprise puisse continuer à être bien vivante, voire remuante et en pleine adaptation, tout en s’inscrivant dans un contexte de régulation sociale qui permette aux salariés d’en tirer profit en termes de bénéfices individuels et de sécurité en ce qui concerne leur vie dans l’entreprise.

Mme Delphine Batho, présidente et rapporteure. Nous avons bien entendu le message.

M. Jean-Philippe Nivon. S’agissant de la formation, je ferai une métaphore. La filière automobile est un peu comme un iceberg : au-dessus il y a PSA et Renault, et au-dessous les équipementiers de rang 1, de rang 2 et de rang 3. Toutes les décisions qui sont prises pour les constructeurs ont un impact sur les autres.

Soyez vigilants sur les orientations qui vont figurer dans votre rapport, car elles risqueraient d’avoir un impact positif pour les constructeurs mais négatif pour les équipementiers. Tout à l’heure, M. Portier a parlé d’Altia que je connais bien puisque c’est un des fournisseurs avec lequel j’ai travaillé. Valeo a été l’un des grands contributeurs de sa chute puisqu’il y avait des problèmes de qualité mais aussi des problèmes financiers. Quand un grand constructeur et un gros équipementier font travailler d’autres petits équipementiers, les conséquences sont importantes.

Les petits équipementiers n’ont pas accès à la formation. Passer à l’industrie 4.0 fait peur aux petits qui ont une quarantaine de salariés, parce que cela signifie la fermeture de leur entreprise. Mettre des robots est en effet synonyme de perte d’emplois !

M. Albert Fiyoh Ngnato. J’appelle votre attention sur le fait que la filière aval comprend 125 000 entreprises. Cela dit, elles sont déstabilisées actuellement, notamment par les entreprises qui s’installent dans le digital. Le secteur de l’auto-école, par exemple, qui fait également partie de cette filière aval connaît actuellement de grandes difficultés car n’importe qui peut s’installer et donner des cours de conduite, ce qui aura un impact direct sur la sécurité routière. En réalité, il s’agit d’un métier très spécifique. Donner des cours de conduite ne s’improvise pas.

Je veux revenir un instant sur le Pacte climat. Quand vous allez aujourd’hui dans une station-service, vous ne voyez plus d’huiles posées n’importe où car elles sont désormais complètement recyclées. Quant à la filière des pneus, c’est une filière d’excellence. Des usines se créent pour recycler tous les détritus issus de l’automobile.

M. Laurent Smolnik, délégué syndical central FO-Métaux Renault. L’État a, bien évidemment, toute sa place et toute son utilité. Il devrait faire très attention aux partenariats que peut avoir Renault et à ses alliances qui sont uniques au monde. Je parle, bien évidemment, de Nissan.

Tout à l’heure, j’ai entendu parler du danger du Maroc. Renault à Tanger, deuxième usine de l’alliance Renault-Nissan, a bénéficié d’une fabrication dans une zone franche qui lui permet d’exporter plus de 80 % de sa production hors de son pays. À l’époque, FO avait évoqué la création de zones franches en France permettant d’y réintroduire des productions pour mieux les exporter. Il faut savoir que Renault est son propre importateur de véhicules : il fabrique moins que ce qu’il vend sur le territoire. Cette question avait été posée à Carlos Ghosn et au ministre Arnaud Montebourg. Il faudrait une fiscalité qui permette une plus grande exportation vers les autres pays, ce qui a d’ailleurs été fait à Tanger.

Mme Delphine Batho, présidente et rapporteure. On produit plus que ce que l’on vend en France.

M. Laurent Smolnik. Je parle de Renault, pas de Peugeot. Actuellement, Renault produit quelque 600 000 véhicules et l’objectif est de 710 000 unités. Et nous espérons faire beaucoup plus. Quant à Peugeot, il en produit 1 million.

À une époque, alors que la Clio était fabriquée en Turquie et à Flins, il a été question d’affecter une partie de la production de cette voiture vers la Turquie. Après un débat politique et médiatique, Renault a revu sa copie pour réaffecter des véhicules sur l’usine de Flins.

On vient d’affecter une partie de la production de la Clio en Slovénie en raison, semble-t-il, d’une sur-demande. En fait, nous sommes un peu victimes de notre succès. Le communiqué de presse de Renault parle de l’affectation sur Flins de la Micra, tout en annonçant qu’il va investir sur la Slovénie pour fabriquer la Clio. Ce que je comprends, c’est que l’on ne récupérera jamais ce qui va partir sur la Slovénie. L’État a donc tout à fait son rôle, surtout quand il est actionnaire dans une entreprise comme la nôtre.

Pour le moment, on peut estimer que la Micra devrait se vendre, mais ce sont les clients qui décideront. On voit que ce qui fait fonctionner un site de production en général – et ce n’est pas innocent si Toyota a investi à une époque à Onnaing, près de Valenciennes – ce sont les véhicules de segment B, puisque ce qui se vend avant tout ce sont les voitures de segment A et B, de la Twingo à la Clio en passant par la Yaris. Certes, on est content que les modèles haut de gamme soient fabriqués à Douai, mais les volumes restent infimes. Certes, on est content que les véhicules électriques soient fabriqués à Flins – ce sont environ 25 000 véhicules qui sont produits sur une année. Mais ce sont les voitures des segments  A et B qui représentent des volumes très importants. Une fiscalité plus intéressante sur des territoires nous permettrait de réintroduire des productions dans l’hexagone.

Mme Delphine Batho, présidente et rapporteure. Messieurs, je vous remercie pour votre disponibilité.

La séance est levée à dix-huit heures quarante.

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Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'offre automobile française dans une approche industrielle, énergétique et fiscale

Réunion du mardi 5 avril 2016 à 16 h 30

Présents. – Mme Delphine Batho, M. Jean Grellier, M. Jean-Michel Villaumé

Excusés. – M. Yves Albarello, M. Frédéric Barbier, M. Jean-Marie Beffara, M. Philippe Duron, M. Jean-Pierre Maggi, M. Gérard Menuel, Mme Marie-Jo Zimmermann