La mission d’information entend, en audition ouverte à la presse, Mme Marie Adeline-Peix, directrice exécutive de Bpifrance, chargée des partenariats régionaux et de l’action territoriale.
Mme la présidente Véronique Louwagie. Mes chers collègues, nous accueillons Mme Marie Adeline-Peix, directrice exécutive Bpifrance, chargée des partenariats régionaux et de l’action territoriale. Je précise que vous n’êtes pas en charge de la gestion du réseau Bpi en région qui est assurée par M. Joël Darnaud que nous auditionnerons également, mais du partenariat avec les régions, de l’animation des Comités régionaux d’orientation (CRO) prévus par la loi et du conventionnement avec les régions.
Quels montants Bpifrance mobilise-t-elle aux côtés des régions ? Comment répondent-ils aux stratégies régionales ? Pouvez-vous nous donner des exemples de partenariats ?
Mme Marie Adeline-Peix, directrice exécutive de Bpifrance, chargée des partenariats régionaux et de l’action territoriale. Mesdames, messieurs les députés, les partenariats régionaux sont importants compte tenu de l’attachement de Bpifrance à la territorialisation de son action.
Quand on parle de partenariats régionaux, on évoque deux éléments, à la fois complémentaires et différents. D’une part, nous sommes en lien étroit avec les régions parce qu’elles sont membres de notre gouvernance. D’autre part, nous avons mis en place avec elles des dispositifs qui nous permettent d’accompagner au mieux les entreprises de leur territoire. C’est une forme de partenariat qui est moins « gouvernementielle », moins stratégique et beaucoup plus concrète.
Les régions sont partie prenante de la gouvernance de Bpifrance à plusieurs niveaux et d’abord au niveau national puisqu’elles sont membres du conseil d’administration et qu’elles président le Comité national d’orientation (CNO).
Il existe vingt-sept comités régionaux d’orientation – ils sont présents également outre-mer. Ils sont présidés par le président du conseil régional et mobilisent vingt-six membres, représentants de la société civile, élus, mais aussi représentants du monde économique via les CESER, les chambres consulaires, les partenaires sociaux, les représentants qualifiés.
On constate que le mode de fonctionnement des CRO varie selon les régions. Nous y sommes systématiquement associés, puisque les directeurs régionaux de Bpifrance en assurent le secrétariat. Mais la fréquence de réunion de ces comités, le contenu de leur ordre du jour, le périmètre des sujets évoqués varient selon les souhaits exprimés par le président de la région.
Depuis la mise en place de Bpifrance, quatre-vingt-trois comités se sont réunis, certains avant les décrets créant ces CRO. L’année dernière, quarante-cinq comités se sont réunis. Il existe quelques régions où les CRO ne se sont pas réunis, parfois pour des raisons très conjoncturelles. Je pense, par exemple, à la région Languedoc-Roussillon. Dans certaines régions, les CRO se sont réunis régulièrement. C’est le cas de la région Champagne-Ardenne qui réunit son comité une fois par trimestre, alors que la loi prévoit deux réunions par an.
Il s’agit bien de comités d’orientation et non d’engagement : ils ne prennent pas de décision sur les dossiers, ils n’ont pas vocation à examiner les dossiers individuels. Ils travaillent sur des aspects plus stratégiques et opérationnels de mise en œuvre de l’action de Bpifrance sur le territoire. Ils ont vocation à donner un avis sur la façon dont Bpifrance agit, notamment en lien avec la stratégie régionale de développement économique.
Dans certaines régions, il a été fait le choix de ne pas concentrer exclusivement le contenu et les missions de ce comité à la seule action de Bpifrance mais d’en élargir le champ à d’autres sujets, notamment à la stratégie régionale de développement économique, aux priorités du territoire, à la présentation des stratégies en matière d’innovation, ce que l’on appelle les 3S. Par exemple, la région Limousin a fait le choix, dans le périmètre de son comité, de réunir à la fois les membres du CRO et ceux du comité de pilotage qui préexistait de sa stratégie régionale de développement économique afin d’assurer le lien entre Bpifrance et l’écosystème local. Il est important, me semble-t-il, que les CRO ne se focalisent pas uniquement sur l’action de Bpifrance mais qu’ils mettent cette action en perspective avec les réalités territoriales.
Nous faisons systématiquement le point sur l’action de Bpifrance durant les mois précédents et sur les problématiques économiques du territoire. La Banque de France est très souvent représentée et elle apporte une vision de la situation économique et des entreprises.
Des sujets plus particuliers sont mis à l’ordre du jour du CRO en fonction du souhait de son président. Plusieurs comités ont évoqué par exemple l’économie sociale et solidaire, le financement des TPE, parfois des sujets plus sectoriels comme l’économie résidentielle. Certains territoires ont travaillé ces derniers mois sur des stratégies spécifiques. Je pense à la Lorraine avec le Pacte Lorraine, ou à la Bretagne avec le Pacte d’avenir. De même, les conventions de partenariat, qui portent plus sur le deuxième aspect de notre action avec les régions, que l’on a signées ou validées avec dix-sept régions en France, ont souvent été examinées par le comité avant d’être adoptées. Ces conventions mettent en valeur la stratégie régionale, les priorités du territoire et les actions qui peuvent être mises en place avec Bpifrance.
Le CRO, dont le fonctionnement varie selon les régions et l’implication, permet donc l’instauration d’un débat.
Les régions sont partie prenante de notre gouvernance. À l’inverse, ou en complémentarité, nous sommes très souvent associés à un certain nombre de structures régionales. Par exemple, la BPI est souvent membre des agences régionales et acteurs de ces agences. Nous avons été sollicités récemment par la région Provence-Alpes-Côte d’Azur qui a fusionné deux de ses outils pour créer une agence pour l’innovation et l’internationalisation des entreprises. Nous sommes membre fondateur de cette agence. De la même manière, la région Île-de-France, qui a fusionné un certain nombre de ses outils pour créer Paris Region Entreprises (PRE), nous a demandé d’en être membre fondateur. Nous participons à leur gouvernance avec la vision de Bpifrance pour ce qui concerne les conditions d’accompagnement des entreprises. Nous sommes systématiquement partie prenante des plates-formes d’orientation physiques qui ont souvent été mises en place par les régions et qui étaient préalablement portées par la Caisse des dépôts. Ce sont des outils de coordination de l’ensemble des acteurs locaux qui sont plus ou moins dynamiques, très dynamiques en Franche-Comté par exemple où l’ensemble des acteurs de l’écosystème d’accompagnement des entreprises sont mobilisés sous l’impulsion de la région pour mieux accompagner les besoins des entreprises.
Nous sommes extrêmement attachés à un autre aspect de l’action de la BPI qui consiste à répondre, concrètement et au quotidien, aux besoins des entreprises. Nous avons mis en place, principalement avec la collectivité régionale, qui est le chef de file du développement économique, des outils qui couvrent l’ensemble de ces besoins.
Nous avons d’abord mis en place avec les régions les fonds régionaux de garantie (FRG) qui nous permettent de faciliter l’accès au financement des entreprises de leur territoire. Comme vous le disait la semaine dernière le directeur général de Bpifrance, ces fonds de garantie sont l’un des dispositifs les plus utiles et les plus faciles pour accéder aux besoins de financement des TPE. Il y a actuellement vingt-deux fonds de garantie en France. Ces fonds sont abondés par les régions qui fixent les priorités d’utilisation des financements. Ils nous permettent d’accompagner davantage d’entreprises et surtout d’augmenter la quotité de risques pris. Avec des fonds nationaux, nous intervenons en général au maximum à 50 %. Grâce à l’intervention de la région, la part du risque garanti est de 70 %, ce qui permet d’accompagner des projets plus risqués que des banques n’accepteraient pas, même avec 50 % de garantie. Ces fonds nous permettent de couvrir environ 250 millions d’euros de risques par an pour une dotation des régions de 30 à 40 millions d’euros. Il y a donc un effet de levier considérable. Ces 250 millions d’euros de risques permettent de couvrir un peu moins de 800 millions de prêts. Avec les fonds de garantie, nous avons donc une vraie capacité d’intervention et de facilitation de l’accès au crédit pour les entreprises, notamment pour les TPE.
Cet outil a aussi l’avantage de permettre une grande réactivité et une adaptation quasiment en temps réel aux besoins constatés des entreprises. Par exemple, lors de la crise de 2008-2009 les régions se sont demandé comment faire pour soutenir l’économie locale et résoudre l’accès au crédit. La plupart d’entre elles ont utilisé ces fonds de garantie mis en place à l’époque avec Oséo, ce qui a permis de soutenir les trésoreries et de faciliter la structuration financière des entreprises. Ces outils s’adaptent très bien aux stratégies régionales.
La région Rhône-Alpes a souhaité que l’on intervienne principalement en transmission avec les fonds de garantie. En Bretagne, un dispositif spécifique nous permet de garantir les entreprises de la pêche. Les outils s’adaptent donc en fonction des priorités régionales, même s’ils sont construits de façon systématique au niveau national.
Nous avons également développé avec les régions un dispositif de soutien à l’innovation via les fonds régionaux d’innovation (FRI) qui nous permettent d’intervenir en subvention, avance remboursable et prêt. Avec les régions PACA, Centre et Haute-Normandie, nous utilisons ces fonds régionaux d’innovation pour financer les projets de pôle de compétitivité soutenus dans le cadre du Fonds unique interministériel (FUI). Bpifrance apporte l’argent de l’État via le FIU et mobilise l’argent des régions via les fonds régionaux d’innovation quand elles nous le demandent.
En 2014, grâce à ces fonds nous avons soutenu environ 600 entreprises et accordé 40 millions d’euros d’aides. Le montant de la dotation de 2014 est plus important que le montant des aides accordées. Cela s’explique par le fait que ce ne sont pas des financements annuels. Parfois, les régions dotent le fonds de façon pluriannuelle. En réalité, le montant de nos interventions est supérieur au montant de la dotation mobilisée.
Le fonds régional d’innovation et le fonds régional de garantie permettent de mobiliser auprès des régions de l’argent de Bpifrance. C’est un avantage pour les entreprises car, même si on les accompagne avec des financements qui proviennent souvent de différentes sources – de l’État, de la région, parfois de l’Europe –, elles n’ont qu’à constituer un seul dossier. Les délais ne se cumulent pas et la décision est prise plus rapidement que si elle nécessitait un passage en commission permanente. Nous intervenons aux côtés des régions, ce qui veut dire que lorsque la région mobilise un euro, nous en garantissons deux. Et en réalité, grâce à un effet de levier, nous en garantissons cinq et même dix – cinq euros avec un euro de la région et cinq de notre côté.
Ces outils permettent donc de mobiliser l’argent public dans le domaine de l’innovation, là où l’argent est rare alors que les besoins sont très nombreux. Là encore, ce sont les priorités régionales qui sont prises en compte dans la mobilisation de ces financements.
Il existe aussi les prêts de développement territoriaux (PDT) d’une durée de sept ans, avec un différé d’amortissement en capital de deux ans. Quand la région mobilise un euro, nous prêtons cinq euros à l’entreprise et ces prêts s’adaptent, là encore, aux priorités de la région. Par exemple, nous avons un très grand partenariat sous forme de prêt de développement avec la région Bretagne et nous avons mis en place, lorsque le secteur agroalimentaire a connu des difficultés à la fin de l’année 2011 et en 2012, un prêt de développement territorial spécifiquement pour les ETI de l’agroalimentaire. La région nous a dotés de financements pour faciliter le rebond de ces entreprises.
De la même manière, avec la région Nord-Pas-de-Calais, la région Champagne-Ardenne, et la région Île-de-France sous une forme un peu différente, nous avons mis en place un prêt – qui s’appelle prêt rebond en Île-de-France mais dont le nom est différent selon les régions – qui permet d’accompagner des entreprises qui ne sont plus en difficulté – la réglementation européenne ne nous permet pas d’aider les entreprises dites en difficulté – mais dont la situation financière rend difficile l’accès au crédit bancaire classique alors qu’elles ont un vrai projet de développement et des besoins de financement matériels ou immatériels. Grâce aux financements de la région, nous sommes en mesure d’accompagner des entreprises qui ont de réels besoins de financement.
Enfin, même si nous ne sommes pas tout à fait dans la même relation de partenariat avec les régions, nous sommes aussi coactionnaires de quatre-vingt-quinze fonds régionaux ou interrégionaux d’investissement. Les régions ne sont pas toutes parties prenantes à ces fonds. Les régions sont souvent coactionnaires à nos côtés des fonds d’amorçage qui sont les plus récents et montés pour des investissements d’avenir. Ces fonds, qui contribuent à la structuration de l’écosystème local du financement, permettent d’investir dans des domaines plus petits, plus risqués. Là encore, nous sommes aux côtés des régions pour ce faire.
Les fonds mobilisés par les régions et auprès desquels Bpifrance se mobilise interviennent en fonction des priorités stratégiques régionales. C’est essentiel pour nous. Ce sont les régions qui les définissent. Il existe un principe de codécision, mais la région peut faire le choix de nous déléguer entièrement cette décision. C’est ce que font certaines en dessous d’un certain plafond, c’est-à-dire quand le niveau de garantie ou le prêt sont faibles. Quand on est seul à décider, on décide plus vite.
Quand il y a des garanties, la région sait qu’elle doit décider très rapidement parce que la banque a besoin d’une réponse quasiment dans la semaine. Tout se passe très bien : nos chargés d’affaires échangent avec les chargés d’affaires de la région. Dans certaines régions, un vice-président est désigné pour donner un avis politique sur le dossier, dossier qui ne peut pas passer en commission permanente en raison de délais très courts. Mais la possibilité de codécision existe toujours.
De son côté, l’entreprise bénéficiaire est systématiquement informée du fait que l’aide est accordée avec l’argent de la région. Il y a une conotification des aides, parfois même une cosignature du président du conseil régional quand il le souhaite. Dans les contrats de prêts ou d’aide, il est systématiquement mentionné que la région participe, de même que le FEDER est systématiquement mentionné s’il est mobilisé. Nous proposons à la région de mener avec nous, si elle le souhaite, des actions de communication pour faire connaître ces dispositifs et les valoriser.
De façon plus large que la simple valorisation de ces dispositifs, nous avons déployé avec un peu moins de quinze régions des plates-formes d’orientation dématérialisées qui permettent de mettre en valeur, sur des sites extrêmement simples, l’ensemble de l’offre de Bpifrance et des partenaires sur le territoire. Cette valorisation de l’action commune est extrêmement importante parce que notre priorité c’est d’abord que l’entreprise ait une réponse rapide et efficace à son besoin. Nous sommes donc bien dans une logique où un seul dossier est déposé par l’entreprise et où une seule expertise est faite par Bpifrance. La décision peut être prise éventuellement par deux interlocuteurs, mais cela ne nécessite pas que le bénéficiaire soit obligé d’aller frapper à toutes les portes pour chercher des financements.
J’ajoute que ces dispositifs cherchent à être les plus performants possible en termes d’effet de levier et d’optimisation des financements publics. D’une certaine manière, Bpifrance gère l’argent des régions, elle mobilise des financements aux côtés des régions mais surtout elle assume les risques d’épuisement de ces fonds, c’est-à-dire que si le fonds devenait un jour déficitaire, elle ne demanderait pas de l’argent supplémentaire aux régions. C’est donc bien plus qu’un simple opérateur qui gérerait l’argent des régions comme un service financier. À ce titre-là, Bpifrance est un partenaire à part entière et elle est très attachée à ce partenariat.
Mme la présidente Véronique Louwagie. Vous avez indiqué qu’il y avait vingt-sept comités régionaux d’orientation et que l’année dernière quarante-cinq comités s’étaient réunis. Cela veut donc dire que certains CRO ne se sont pas réunis à deux reprises, contrairement à ce que prévoit la loi. Y a-t-il un lien entre une mobilisation moindre de certaines régions qui pourrait transparaître au regard du nombre de réunions et les montants éventuellement déclinés dans les régions ? On s’aperçoit, en lisant les documents que vous nous avez donnés, qu’il y a des distorsions très importantes d’une région à l’autre.
Vous avez évoqué des partenariats avec l’Europe. Existe-t-il des partenariats avec les métropoles, avec de grandes intercommunalités ? Cela pourrait-il être le cas ultérieurement ?
Le dispositif de l’interlocuteur unique est-il toujours respecté ? Une entreprise qui serait implantée dans plusieurs régions aurait-elle la possibilité de faire des demandes dans chaque région ?
M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Les dispositifs existants sont nombreux. Il existe aussi de multiples aides publiques aux entreprises. Le rapport Queyranne fait mention de plus de 5 400 aides dans les différents territoires de notre pays. Comment vous y retrouvez-vous vous-même ?
Les territoires d’outre-mer font-ils l’objet d’actions spécifiques compte tenu des difficultés auxquelles ils sont confrontés ?
Comment sont articulés les différents dispositifs avec le FEDER ?
Mme Marie Adeline-Peix. Vous me demandez s’il y a un lien entre le nombre de réunions du CRO et les montants déclinés dans les régions. En réalité, il n’y en a pas. Les CRO peuvent ne pas s’être réunis à deux reprises pendant l’année pour des raisons conjoncturelles. Par exemple, certains CRO ont changé de président durant l’année. Il est clair qu’un président de région qui s’installe a peut-être d’autres priorités que de réunir un CRO de Bpifrance.
Par ailleurs, il ne faut pas regarder les montants mobilisés de façon brute. On ne peut pas comparer le montant mobilisé par la région Limousin et celui de l’Île-de-France. Pour autant, le Limousin nous confie 80 % de ses budgets d’investissement en faveur de l’innovation. Cela représente beaucoup moins d’euros que ce que nous donne l’Île-de-France, mais ces montants sont essentiels pour accompagner au quotidien les entreprises innovantes en Limousin. Pour nous, c’est la traduction d’un partenariat et d’une confiance très forte. Bien entendu, cela ne veut pas dire que les régions qui nous donnent beaucoup d’argent ne nous font pas confiance.
Je pense que c’est aux régions qu’il faudrait demander pourquoi elles réunissent ou non leur comité régional d’orientation. En réalité, nous avons des contacts quotidiens avec la région qui ne passent pas par ces comités. Ces contacts portent sur des échanges sur la situation de telle ou telle entreprise. Les CRO sont des réunions qui visent à entendre et échanger avec l’ensemble d’un écosystème. Mais ils n’ont pas vocation à être opérationnels au quotidien.
Nous sommes convaincus que la notion de guichet ne correspond pas à la réalité du fonctionnement d’un entrepreneur au xxie siècle. L’entrepreneur n’a pas besoin qu’un endroit soit ouvert de neuf heures à douze heures et de quatorze heures à seize heures à l’exception des veilles de fête où il serait fermé à quinze heures trente. Il a besoin de pouvoir avoir, quasiment en temps réel, et si besoin à trois heures du matin, une information sur la façon dont il peut trouver un soutien dans le territoire où il est implanté. C’est pourquoi nous avons mis en place des plates-formes dématérialisées. Celles-ci ont aussi vocation à permettre à l’ensemble de l’écosystème d’accompagnement des entreprises sur le territoire de s’orienter dans la masse des dispositifs de soutien et d’intervention. Ces plates-formes ne fournissent pas soixante-quinze pages d’informations à un entrepreneur qui devra les lires de la première à la dernière page. Ces plates-formes sont vraiment construites comme des outils d’orientation. Par exemple, une entreprise innovante, de moins de trois ans, avec un capital de tant qui veut investir à l’international doit pouvoir savoir rapidement quels dispositifs existent sur son territoire et quel sera l’interlocuteur le plus performant qui pourra répondre à sa question. Nous travaillons donc avec les régions pour connaître les besoins des entreprises de leur territoire, savoir quel sera le meilleur interlocuteur qui pourra répondre à telle ou telle question.
M. le rapporteur. M. Balmisse nous a indiqué tout à l’heure que la BPI avait investi dans 330 fonds et qu’il existait 95 fonds régionaux et interrégionaux. Quelle est la distinction entre ces fonds ? Certains fonds sont-ils gérés par la direction des fonds de fonds ? Les choses se recoupent-elles et comment ?
Mme Marie Adeline-Peix. Les fonds sont tous gérés par la direction des fonds de fonds qui comprend une division qui ne s’occupe que des fonds régionaux. Les interlocuteurs sont répartis par territoire et chacun siège dans ces fonds régionaux, souvent aux côtés de notre directeur régional. Nos directeurs régionaux ont une vision à 360 degrés, du financement à l’investissement en passant par l’investissement en fonds de fonds. Nos directeurs régionaux connaissent l’ensemble de la palette et sont les interlocuteurs de l’entreprise.
M. le rapporteur. Cela veut-il dire que sur le montant total des souscriptions de la BPi dans les fonds, 575 millions sont consacrés aux fonds régionaux et interrégionaux ?
Mme Marie Adeline-Peix. Les ordres de grandeur sont bien ceux que vous indiquez.
En même temps, les fonds nationaux interviennent sur le territoire. Il y a des logiques qui font que l’on choisit plutôt d’intervenir au niveau national que régional et interrégional ou l’inverse. S’agissant des fonds d’amorçage par exemple, on intervient systématiquement sur des fonds interrégionaux puisque cela fait partie de la doctrine d’investissement du programme d’investissement d’avenir (PIA) pour avoir un niveau de deal flow suffisant, mais on intervient aussi dans des fonds d’amorçage nationaux.
Ce qui est important, c’est que tout cela soit totalement transparent pour les entreprises. Nos directeurs régionaux – et Joël Darnaud reviendra sûrement sur ce sujet – doivent être en mesure de répondre aux besoins des entreprises qui ne sont d’ailleurs pas forcément exprimés et de faciliter le financement de leur projet. Parfois, l’entreprise arrive avec l’idée qu’il lui faut absolument un prêt à taux zéro ou une subvention alors qu’en réalité elle a besoin de fonds propres ou d’une aide internationale. Voilà quel est notre métier au quotidien.
M. le rapporteur. Un document de la BPI indique que 3,7 milliards ont été souscrits dans des fonds de fonds. Que représentent les investissements dans des fonds régionaux compte tenu de l’effet d’entrainement ?
Mme Marie Adeline-Peix. Les 575 millions sont souscrits dans les fonds régionaux, ce qui a permis de mobiliser des capitaux en gestion à hauteur de 2 milliards d’euros. Il y a donc un effet démultiplicateur avec la mobilisation de financeurs privés et parfois la mobilisation de financeurs publics, notamment des régions.
Historiquement, les fonds de garantie étaient portés par les départements. Il y en a encore quelques-uns, mais de moins en moins. Nous avons quelques partenariats avec des métropoles, par exemple avec Paris.
Les départements et collectivités d’agglomération de la région Franche-Comté ont chacun monté un fonds d’innovation à nos côtés qui intervient en complémentarité du fonds régional d’innovation de la région. De même, la communauté urbaine de Lille accompagne les projets innovants sur son territoire en complément du fonds régional de la région Nord-Pas-de-Calais.
Nous avons aussi un grand nombre de prêts de développement à une échelle infrarégionale. Ce sont des petits outils très ciblés et très réactifs qui permettent à la collectivité concernée – souvent un département – d’intervenir précisément en financement d’un projet. Tout l’aspect technique – gestion des remboursements, des prêts – est géré par Bpifrance. Là encore, il y a un effet de levier.
Les partenariats à l’échelon infrarégional sont tout à fait possibles. Ils se feront forcément dans le cadre de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République et en lien avec la région puisque c’est elle qui préside le CRO. Il serait donc très compliqué pour nous de monter des dispositifs sans que la région soit au courant et qu’elle les accepte. Mais les choses se passent avec une certaine fluidité.
Onze de nos fonds régionaux de garantie mobilisent des fonds européens de la génération qui s’achève et quatre fonds régionaux d’innovation mobilisent également des fonds européens. Par ailleurs, nous étions un organisme intermédiaire pour le compte de l’État en innovation sous forme de subvention globale.
Nous sommes persuadés que si nous voulons mobiliser de façon simple et efficace des fonds européens pour les entreprises, il faut le faire via des outils d’ingénierie financière. En effet, avec un outil d’ingénierie financière, l’aide à l’entreprise arrive le jour où le projet est validé. En revanche, quand il s’agit d’une subvention globale, l’aide à l’entreprise intervient le jour où la dernière de ses factures a été certifiée par l’autorité de certification. Il y a un délai administratif considérable qui est souvent critiqué par les bénéficiaires finaux qui, du coup, cherchent désespérément des préfinancements. Parfois même, ils nous disent préférer avoir moins de soutien et pas d’argent de l’Europe plutôt que de l’argent de l’Europe. Je pense que beaucoup de régions souhaitent mobiliser des financements via des outils d’ingénierie financière dont ceux qui sont mis en place par Bpifrance.
Permettez-moi de faire passer deux messages.
Premièrement, il est absolument essentiel que les conditions de mobilisation de ces fonds soient stabilisées le plus rapidement possible pour les opérateurs et surtout pour les bénéficiaires finaux. Demander des justificatifs à une entreprise, c’est possible ; lui demander à nouveau quatre ans après la fin du programme parce que la règle aura changé, c’est inimaginable. Il est indispensable pour les opérateurs et surtout pour les entreprises que les règles soient fixées le plus tôt possible et qu’elles ne bougent pas en cours de programmation. Je dis toujours que l’on sait faire les pieds au mur, mais qu’il ne faut pas faire bouger les murs pendant l’exercice sinon tout le monde se casse la figure.
Deuxièmement, il me semble très important que la réglementation nationale ne vienne pas renforcer les exigences de la réglementation communautaire car c’est très pénalisant pour nos entreprises. Si les conditions de mobilisation de ces fonds sont rendues encore plus compliquées par un niveau de réglementation nationale supplémentaire, à la fin de la programmation on rend l’argent à Bruxelles.
Nous sommes aux côtés des régions et nous travaillons avec elles au quotidien pour voir comment on peut mobiliser de l’argent européen dans nos fonds. Nous adapterons nos systèmes pour le faire de façon performante et efficace, mais les règles doivent être claires.
J’en viens maintenant à la question des DOM. En Guyane, par exemple, nous avons mis en place un prêt de développement spécifique avec des planchers d’intervention plus faibles que pour nos prêts de développement classiques et des exigences un peu moindres en termes d’obligation de contreparties bancaires. Les outils de garantie y sont très utiles, sauf que même avec une garantie de 80 %, parfois les banques ne prêtent pas. Les régions nous demandent de monter avec elles des outils de prêts. Le prêt est alors fait par Bpifrance, ce qui ne pose plus de problème d’accès au crédit ou du moins de mobilisation de la banque. La contrepartie bancaire existe toujours, mais quand Bpifrance s’engage directement, la banque est souvent plus encline à le faire.
Au début de 2014, nous avons monté un fonds de garantie pour répondre aux problèmes survenus à la Réunion suite au passage du cyclone Béjisa. Nous nous adaptons en fonction des demandes des territoires.
Nous avons la capacité d’apporter des réponses à l’entreprise sur notre offre mais aussi sur ce qui se passe autour. Ce qui est important, c’est que les différents interlocuteurs possibles se parlent.
Mme la présidente Véronique Louwagie. Dans les régions, avez-vous des demandes d’intervention du commissaire au redressement productif ?
Mme Marie Adeline-Peix. Nous avons des relations avec les services déconcentrés de l’État et nous essayons systématiquement de trouver, avec les commissaires au redressement productif, des solutions qui sont souvent un peu mixtes. Je rappelle que comme nous sommes très contraints en termes de soutien aux entreprises en difficulté, une partie de la solution ne peut pas être apportée par Bpifrance. Cela dit, nous pouvons aider financièrement une entreprise entre le moment où elle doit passer ce cap difficile et la construction d’un projet d’avenir. Nous sommes en contact avec les commissaires au redressement productif et nos directeurs régionaux travaillent au quotidien avec eux, de même qu’au niveau national nous avons des relations avec le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) et avec l’ensemble de cet écosystème.
Mme la présidente Véronique Louwagie. Nous vous remercions pour votre présentation et vos réponses à nos questions.
Membres présents ou excusés
Mission d'information commune sur la Banque publique d'investissement, Bpifrance
Réunion du jeudi 5 février 2015 à 12 heures
Présents. - M. Éric Alauzet, M. Laurent Grandguillaume, Mme Véronique Louwagie
Excusé. - M. Joël Giraud