Accueil > Contrôle, évaluation, information > Les comptes rendus de la mission d'information

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Mission d’information commune sur la banque publique d’investissement, Bpifrance

Jeudi 19 mars 2015

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 12

Présidence
de Mme Véronique Louwagie,
Présidente

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Thierry FRANCQ, commissaire général adjoint à l’investissement

Mme la présidente Véronique Louwagie. Nous allons maintenant aborder l’action de la BPI en tant qu’opérateur de l’État pour la mise en œuvre des crédits du programme d’investissements d’avenir destinés au soutien aux entreprises et aux filières industrielles. Il est en effet essentiel que nous ayons une vision précise des contours de cette action et des financements qui y sont consacrés, notamment pour pouvoir en apprécier la cohérence, voire les synergies avec les autres opérations de la Bpi en matière d’innovation.

Nous accueillons donc ce matin M. Thierry Francq, commissaire général adjoint à l’investissement.

M. Thierry Francq. La Bpi qui est la résultante de deux opérateurs historiques –Oséo pour l’innovation et les prêts et CDC Entreprise pour les opérations en capital (fonds et fonds de fonds) – est un opérateur extrêmement important pour le programme d’investissements d’avenir (PIA).

Aujourd’hui, la Bpi opère au total d’une enveloppe de 7 milliards d’euros au titre des PIA I et II (sur un total de 47 milliards d’euros) pour mener, pour le compte de l’État, des actions qui sont de trois ordres :

– le financement de l’innovation par des subventions et des avances remboursables pour des projets de recherche-développement, par exemple par le programme collaboratif PSPC (projet structurant pour la compétitivité) ;

– des prêts aux PME qui sont des prêts ciblés visant à renforcer la compétitivité de ces entreprises en cherchant à réduire l’empreinte énergétique de leurs opérations ou à développer le numérique et la robotique. Ce sont pour la plupart des prêts bonifiés ;

– des opérations en capital regroupant deux types actions d’une logique un peu différente. D’une part, des fonds de fonds ont pour objectif de combler les lacunes du capital-investissement. Il s’agit d’abord de rendre possible l’amorçage – en renforçant les capacités d’action de cette industrie au service des entreprises innovantes, c’est le rôle du fonds national d’amorçage (FNA) – ou encore, comme le fait le fonds de fonds Multicap, de régler un problème de taille des tickets d’investissement en permettant des investissements importants car ceux-ci restent en France bien inférieurs à ceux des États-Unis par exemple. D’autre part, des opérations en capital par des fonds en direct permettent de financer des projets spécifiques – le fonds Ecotech favorise par exemple le développement durable. Je pourrais également citer le fonds numérique. Un dernier fonds de ce type est en cours de constitution pour la mise en œuvre des 34 plans industriels pour la France. Le PIA II a pour vocation de financer les innovations qui ont un caractère d’excellence dans ce cadre. Cela n’est cependant pas exclusif d’autres projets industriels de mise en œuvre d’innovations qui peuvent également être éligibles au PIA.

Pour revenir à l’analyse de l’action de la BPI, trois points méritent d’être soulignés.

Premièrement, nous sommes satisfaits de manière générale de la performance de la BPI en tant qu’opérateur. Du fait de sa génétique – Oséo et l’Anvar –, elle permet une alliance avantageuse de compétences techniques en matière d’innovation et de compétences financières.

Deuxièmement, lorsqu’il s’agit de soutien aux PME en fonds propres, le fait d’avoir un réseau suffisamment capillaire et pro-actif dans les territoires est un atout pour la BPI, que n’avaient pas ses prédécesseurs. Pour qu’il soit efficace, le PIA se doit, en effet, d’être parfaitement irrigué afin que les initiatives viennent du terrain. C’est une des raisons qui a conduit à transférer une partie du programme numérique de la CDC vers la BPI dans l’objectif qu’elle aille au-devant des entreprises. Les dirigeants de PME ne sont pas en permanence au courant des appels à projets. La Bpi a vocation à effectuer cette démarche pour permettre, in fine, le choix du meilleur dossier.

Enfin, la capacité de la BPI à industrialiser les processus est essentielle car c’est un gage de rapidité. Nous avons par exemple élaboré un dispositif « fast track » qui permet de traiter de bout en bout, en trois mois, des dossiers de R&D collaboratifs afin d’atteindre l’objectif de déploiement du PIA.

On peut effectivement s’interroger sur la manière dont se fait le départ entre les actions en compte propre de la BPI et celles effectuées pour le compte de l’État.

En matière de prêt, la BPI dispose d’éléments génériques : elle offre des catalogues de produits simples qui irriguent tous les types de secteurs, pas forcément avec une logique d’innovation. Les prêts robotiques, numériques ou les prêts verts sont accordés dans le cadre d’une action appelée Usine du futur. Dans les territoires, les régions vont contribuer à détecter les entreprises ayant un fort potentiel de modernisation et éventuellement les accompagner pour définir des solutions techniques qui leur permettent de moderniser profondément leur processus de production. C’est ce qui distingue, dans le domaine des prêts, les opérations menées pour le PIA par rapport aux opérations en compte propre de Bpifrance.

Par ailleurs en matière d’innovation, une banque ne pouvant distribuer en compte propre des subventions et des avances remboursables, Bpifrance ne peut être qu’un opérateur pour ce type d’actions.

S’agissant des opérations en fonds propres, Bpifrance est essentiellement un opérateur de type fonds de fonds, qui vise à irriguer l’industrie du capital-investissement. Le PIA finance des opérations qui portent sur des projets précis, comme le numérique, les technologies écologiques et les projets industriels.

Je tiens à souligner que Bpifrance est une banque : lorsqu’elle investit ses fonds propres dans le capital d’une entreprise, cela étant par définition plus risqué que les prêts, la logique prudentielle impose des limites aux risques de ces opérations. Cela n’est pas le cas pour le PIA puisqu’il s’agit de fonds d’État qui ne sont pas soumis à ces mêmes contraintes et permettent de prendre des risques que les banques ne pourraient assumer. Par exemple, dans le cadre des projets industriels, nous envisageons une opération importante en fonds propres dans une unité de production qui sera une première mondiale dans le domaine médical. Nous pourrions imaginer un investissement au titre du PIA de l’ordre de 80 millions d’euros, ce qui pour une banque ne serait pas possible.

Tout ceci est en réalité un continuum et nous investissons parfois à parité entre Bpifrance pour son compte propre et Bpifrance opérateur du PIA, notamment dans le capital-développement. Cela permet d’avoir des tickets plus élevés, ce qui est un des objectifs recherchés pour la croissance des entreprises.

Mme la présidente Véronique Louwagie. Je voudrais revenir sur le pilotage des investissements d’avenir opérés par la BPI. Existe-t-il des comités régionaux qui réunissent des représentants du CGI et ceux de la BPI et par qui sont prises les décisions d’investissement ?

Quel est le niveau d’utilisation aujourd’hui par la BPI des 7 milliards d’euros que vous avez évoqués ? Pouvez-vous nous indiquer la répartition du montant utilisé entre les différentes actions menées ?

S’agissant enfin des investissements en fonds de fonds, existe-t-il des financements d’autres organismes qui interviendraient en complément ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. S’agissant de l’innovation, l’expertise industrielle en matière d’innovation de la BPI est-elle suffisante ? Les difficultés de l’action Plateforme mutualisée d’innovation à sélectionner des projets en raison de l’exigence communautaire d’investissement avisé – un seul projet sélectionné sur treize présélectionnés – vous ont conduit à réorienter cette action vers un programme qui n’intervient qu’en aide d’État, ce qui a permis de finaliser plus rapidement et plus simplement trois projets de plateformes. Pouvez-vous nous donner plus d’explications sur ce point et cela change-t-il le rôle de Bpifrance dans la mise en œuvre de ce programme à moyen terme ?

S’agissant de l’offre de financement aux entreprises en matière de prêt et d’investissement, considérez-vous qu’une réorientation des instruments publics est nécessaire ? Y a-t-il suffisamment de visibilité ?

Mme la présidente Véronique Louwagie. Comment s’opère le suivi des investissements d’avenir par le CGI et quels sont les critères d’évaluation ?

M. Thierry Francq. Bpifrance en tant qu’opérateur du PIA a, comme tous les autres opérateurs, trois fonctions :

Premièrement, elle est l’interlocuteur des porteurs de projet, souvent en amont même du dépôt d’un dossier, pour les informer des attendus d’une action.

Deuxièmement, elle instruit le dossier : la BPI va mobiliser ses compétences financières et techniques pour évaluer la pertinence du projet sur le plan de l’innovation, c’est-à-dire analyser le potentiel d’innovation tant sur le plan technologique que du point de vue du marché, et se poser la question de savoir si le porteur de projet aura financièrement les moyens de le mener à bien, c’est-à-dire la capacité de rembourser son prêt ou dans le cas de fonds propres, si une rentabilité correcte peut en être attendue.

Selon les actions la gouvernance est différente : pour les prêts la loi bancaire s’applique. Ce dont de petits dossiers dont nous déléguons la décision au réseau bancaire de Bpifrance. Pour les fonds, le principe de la gestion d’actifs s’applique : c’est la société de gestion d’actifs logée à l’intérieur de Bpifrance qui est responsable en dernier ressort des décisions d’investissement. Un comité consultatif où sont représentés le CGI, les ministères de tutelle et les personnes qualifiées, donne un avis sur les opérations. Aujourd’hui dans les fonds que nous structurons avec Bpifrance, si l’on ne peut pas forcer Bpifrance à faire une opération, le CGI a cependant un droit de veto.

S’agissant des opérations d’aide – subventions et avances remboursables –, nous sommes dans la gouvernance classique du PIA : sur la base de l’instruction, c’est le comité de pilotage interministériel, auquel sont adjointes des personnalités qualifiées, qui propose la sélection des projets. Nous déléguons parfois la décision au comité de pilotage pour les petits dossiers, mais là encore le CGI garde un droit de veto, qui est toutefois très rarement utilisé. Le projet remonte sinon au premier ministre, qui l’autorise ou délègue cette autorisation au CGI.

La troisième fonction de Bpifrance, qui est fondamentale, est d’assurer le suivi des projets. Il y a d’abord un suivi comptable et financier. Dans des projets d’innovation, il peut y avoir des jalons, il faut alors revenir sur le projet, vérifier que le jalon est atteint pour libérer les sommes ultérieures. Dans les opérations de fonds propres un fonds n’est pas inerte, il suit ses investissements, il lui faut gérer les actifs. Enfin, comme dans la gestion bancaire classique d’un prêt, il y a un suivi à effectuer. Ceci représente le suivi opérationnel.

Ensuite, l’évaluation de l’impact de l’action doit être menée. L’opérateur est chargé de récupérer les indicateurs nécessaires pour l’évaluation, il peut participer à la définition de la méthodologie applicable qui est décidée par le comité de pilotage, il nous aide donc à mener ces évaluations et peut d’ailleurs aussi mener ses propres évaluations en interne.

Mais, à terme, le principe est celui d’une évaluation indépendante. L’opérateur organisera sous l’égide du comité de pilotage une expertise externe, dont les budgets ont été prévus dans les crédits du PIA.

Cette évaluation n’est pas encore faite. Elle ne pourra être réalisée, complètement et scientifiquement, que quand les actions auront produit tous leurs effets. S’agissant de celles en cours depuis un certain temps, nous commençons à disposer d’éléments pour juger de leur efficacité. Nous sommes, par exemple, en train d’étudier une première série de prêts verts du PIA 1. Un premier bilan de cette action, relativement complet, pourra être effectué dans le courant de l’année.

À ce stade, il est donc très difficile de faire un bilan dans le domaine de l’innovation puisque la plupart des projets ne sont pas terminés. Il est difficile de porter un jugement tant que l’on n’a pas abouti à la phase de commercialisation. Ceci dit, notre sentiment est que nous avons beaucoup de bons dossiers avec de vraies innovations. Certes, il y aura des défauts car ces projets sont risqués, ce qui est normal. D’une certaine manière, si aucun projet n’échouait, cela voudrait dire que l’action n’a pas atteint son objet.

S’agissant des fonds, nous avons procédé aux premières réalisations d’actifs. Deux entreprises dans le domaine écotech ont déjà été revendues – et même introduites en bourse - avec des plus-values, et pour un cas une plus-value très importante.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Concrètement, de quels éléments disposez-vous pour suivre les fonds de fonds ?

M. Thierry Francq. Les éléments dont nous disposons sur le fonds national d’amorçage (FNA) nous semblent assez positifs. Ce fonds est opérationnel depuis l’été 2011. Il a souscrit dix-sept fonds dont la taille totale est de 657 millions d’euros. On constate un effet de levier d’un pour un alors que l’objectif minimal était de deux pour un. La taille moyenne des fonds est proche de 40 millions d’euros alors que nous avions un objectif de 25 millions d’euros. Par rapport à nos attentes en termes de nombre de fonds, de taille et de coinvestissement, le bilan est donc positif même s’il n’est pas, à ce stade, définitif. On ne peut pas encore juger de la rentabilité de ces fonds mais nous n’avons pas d’alerte sur ce point.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Comment contrôlez-vous ces fonds de fonds ?

M. Thierry Francq. Le fond de fonds fait un reporting régulier sur les opérations qui sont menées et sur la situation des fonds dans lesquels il a investi.

Aujourd’hui, 67 millions d’euros sont investis dans les entreprises par les fonds bénéficiaires de capitaux du FNA. Ce chiffre peut surprendre, car il semble bas. Mais il ne nous inquiète nullement pour deux raisons. Premièrement, un fonds de fonds a une période d’investissement de quatre à six ans et il investit dans des fonds qui ont, eux-mêmes, une période d’investissement de même durée. Un certain temps est donc nécessaire avant que les fonds parviennent aux entreprises. Deuxièmement, en règle générale dans l’amorçage, lorsque vous investissez 100 euros au premier tour, vous investirez lors des autres tours – sauf si cela se passe mal – entre 300 et 400 euros. À ce stade, n’ont été réalisés essentiellement que des premiers tours. La réalité de l’apport total est donc plus beaucoup important que ces 67 millions d’euros. Nous considérons que nous sommes sur un bon rythme.

L’autre fonds de fonds, le Midcap, qui a démarré depuis un an, connaît aussi des débuts positifs. Depuis l’été dernier, le fond a engagé 115 millions d’euros dans des fonds sur un total de 400 millions. Ce démarrage est prometteur et il est possible que nous remettions au pot prochainement.

Aujourd’hui, sur l’enveloppe de 7 milliards d’euros, les montants engagés sont de 3,798 milliards, les montants contractualisés sont de 3,554 milliards, et les montants décaissés sont de 2,928 milliards. Ce qui reste à engager relève essentiellement du PIA 2 qui vient de démarrer. Globalement, sur les actions de Bpifrance, nous n’avons donc pas de difficulté liée à la consommation des crédits.

Les 7 milliards d’euros se répartissent de la façon suivante : 1,9 milliard de subventions, 0,9 milliard d’avances remboursables, 2,8 milliards de prêts, 1,3 milliard de fonds propres. 600 millions d’euros abondent des fonds de garantie.

Mme Véronique Louwagie, présidente. Vous avez indiqué que les sociétés de gestion d’actifs participaient à la décision et que le comité consultatif avait un droit de veto. Avez-vous utilisé ce droit de veto et à combien de reprises ?

M. Thierry Francq. À ma connaissance, le droit de veto a été utilisé deux fois depuis un an et demi que je suis en poste. Dans le premier cas, l’opération a été jugée très risquée et peu porteuse d’avenir. Dans le second cas, qui est un peu particulier, nous avons estimé qu’il existait un risque de réputation. Nous représentons l’État et nous sommes sans doute plus attentifs qu’un gestionnaire d’actif à ce type de risque, d’autant que ce cas concernait le domaine financier qui n’est pas, pour nous, prioritaire.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Ces fonds de fonds sont une forme d’externalisation de l’action de la BPI en matière d’investissement. Cette externalisation vous semble-t-elle plus efficace qu’un investissement direct ? Comment sont maîtrisés et suivis ces investissements ? Les investissements directs ne permettent-ils pas une meilleure maîtrise des choix ?

M. Thierry Francq. Notre action doit être suffisamment plastique dans le choix des instruments. Par ailleurs, nous poursuivons deux objectifs distincts dont l’un peut être atteint par les fonds de fonds, et l’autre par un investissement direct.

Le fond de fonds répond à une logique macro-économique. Nous intervenons par ce moyen lorsque l’on constate que le marché français n’a pas une capacité suffisante par rapport aux besoins des entreprises, dans l’objectif de pallier une défaillance du marché pour un type donné d’opération, par exemple l’amorçage. L’enjeu, pour nous, n’est pas de connaître précisément et finement quelles sont les opérations ou les entreprises soutenues, même si nous pouvons le faire grâce à notre participation aux comités consultatifs de ces fonds. L’action du FNA en matière d’amorçage paraît à cet égard satisfaisante au regard des témoignages et des éléments dont nous disposons. Ceci peut cependant évoluer très vite. La principale difficulté de ce type d’action est que, lorsque vous détectez une faille de marché, plusieurs générations de projets seront impactées car la durée de vie fonds peut être de dix ans.

Les fonds en direct procèdent d’une logique très différente. Ils sont mis en œuvre soit lorsque l’on considère qu’il n’y a pas assez de capital-risque dans un domaine particulier, par exemple dans l’écologie, soit pour soutenir une stratégie de filière et pour apporter des capitaux à des projets spécifiques.

Je considère toutefois qu’il y a trop d’instruments d’intervention. Les entrepreneurs peuvent se sentir perdus, même si le rôle d’un opérateur de la BPI est de le diriger vers le bon instrument. C’est la raison pour laquelle, pour une question de lisibilité, nous avons limité le nombre d’instruments dans le PIA 2. Par exemple, nous n’avons constitué qu’un seul fond pour l’ensemble des projets industriels, quel que soit le secteur.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. N’y a-t-il pas une forme de contradiction ? Dans la phase d’amorçage, les projets qui n’arrivent pas à émerger sont souvent ceux qui disposent de peu de fonds propres. Or, 80 % des interventions sont gérées par des fonds de fonds et en suivant une logique financière, l’investissement n’ira peut-être pas forcément là où se trouve le besoin. Un investissement direct n’est-il pas préférable ?

M. Thierry Francq. Il me paraît naturel que la majorité des interventions se fasse par l’intermédiaire de fonds de fonds. Cependant, cela est appelé à évoluer lorsque la demande provient du terrain. La logique du PIA est, en effet, que les besoins soient définis pas le terrain et non pas décrétés d’en haut. Ce sont les parties concernées d’un secteur qui imaginent des projets structurants pour leur secteur. Certes, il existe des orientations politiques qui mettent l’accent sur tel ou tel secteur. Mais les projets doivent venir du terrain.

Ainsi, dans le PIA 2, le fonds que nous créons est pour l’essentiel un fonds direct car il existe des stratégies de filière élaborées, en partenariat entre l’État et les industriels du secteur dans le cadre des plans pour la nouvelle France industrielle. Le fonds direct se justifie pleinement dans ce cas. Il serait dangereux de procéder autrement, sauf à opter pour une logique de planification économique qui n’est pas adaptée.

Si l’on devait constater – ce qui n’est pas le cas actuellement – que, dans l’amorçage, la masse des capitaux disponibles paraît suffisante, il faudra en rester au fond de fonds existant dans ce domaine. Un tel fond de fonds ne rendrait, en effet, pas service au marché car il conduirait à une inflation des prix. L’intervention par un fonds de fonds ne doit pas relever d’une politique permanente et l’idéal est qu’à terme l’on n’en ait plus besoin. Il ne serait pas opportun de créer une situation de confort pour les gestionnaires d’actifs dont le métier est de rechercher et de convaincre des investisseurs, et non de solliciter le concours de l’État. Il faut maintenir une certaine tension dans le système.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Êtes-vous en mesure, aujourd’hui, de vérifier le niveau de fonds propres demandé sur ces projets d’amorçage pour voir si l’on soutient des entrepreneurs qui ont peut-être peu de fonds propres mais de très bonnes idées ?

M. Thierry Francq. C’est évidemment très difficile. Une étude macro-économique est nécessaire pour savoir s’il y a besoin de fond de fonds et dans quel domaine. Un jugement micro-économique sur une collection de projets n’est pas pertinent.

Les fonds sont utiles mais les entreprises doivent un jour en sortir. Il faut prêter attention à la bourse. Il faut intégrer cet élément au regard de la chaîne de financement des PME de croissance.

Je dois encore vous répondre sur les PFMI (plateformes mutualisées pour l’innovation) et nos relations avec les régions. S’agissant des PFMI, la situation était assez complexe à analyser sur le plan des aides d’État au sens du droit européen car il y avait tout à la fois des fonds propres et des subventions à viser. Ce type de dossier doit être évité dans la mesure où la commission européenne a tendance à les mettre en doute avec le risque de requalification des fonds propres en aide d’État. Je précise que nous avons financé huit projets sur les treize présentés dans ce cadre-là : trois projets ont abouti en tant que PFMI et cinq autres ont été redirigés avec succès sur d’autres outils.

Enfin, je souligne qu’un dispositif spécifique et expérimental sera mis en œuvre dans cinq régions dans le cadre du PIA 2, dans lequel Bpifrance jouera un rôle d’instruction et les régions et l’État, représenté par le Préfet, co-décideront des investissements.

Mme la présidente Véronique Louwagie. Je vous remercie.