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Mission d’information commune sur la banque publique d’investissement, Bpifrance

Jeudi 9 avril 2015

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 19

Présidence
de Mme Véronique Louwagie,
Présidente

–  Table ronde, ouverte à la presse, sur le financement des entreprises artisanales : M. Jean-Pierre Crouzet, président de l’Union professionnelle artisanale (UPA) et M. Pierre Burban, secrétaire général, M. Henry Brin, président du conseil de l’artisanat de la Fédération française du bâtiment (FFB), M. Patrick Gérion, directeur général de la Caisse mutuelle de garantie de la mécanique (CMGM) et de la Centrale de garantie des industries mécaniques, électriques et électroniques (CEMECA), M. Michel Cottet, directeur général de la société de caution mutuelle pour les entreprises d’artisanat et de proximité (SIAGI),

Mme la présidente Véronique Louwagie. Nous poursuivons les travaux de la mission d’information commune par une table ronde consacrée au financement des entreprises artisanales. La question de l’accès au crédit se pose en effet dans des termes bien spécifiques pour les TPE et pour les artisans, dont les stratégies de croissance nécessitent un accompagnement particulier. Qu’attendent les artisans, dans le paysage bancaire actuel, de la création d’une banque publique d’investissement ? Comment voient-ils le positionnement de Bpifrance, son rôle et son efficacité ? Quelles sont les évolutions qui leur paraîtraient nécessaires ?

Je précise que M. François Moutot, directeur général de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat, qui devait également participer à cette table ronde, ne pourra nous rejoindre en raison de la grève des contrôleurs aériens.

M. Henry Brin, président du conseil de l’artisanat de la Fédération française du bâtiment. Les entreprises artisanales connaissent des problèmes de trésorerie, notamment depuis la crise de 2008 et l’entrée en vigueur, la même année, de la loi de modernisation de l’économie, dont les dispositions relatives aux délais de paiement affectent particulièrement les métiers du bâtiment. Cette loi a créé un véritable choc. Aujourd’hui, non seulement nous devons payer nos fournisseurs en temps et en heure sans bénéficier de la souplesse qui existait auparavant, mais nous avons davantage de difficultés à recouvrer nos créances.

Les institutions consulaires et la Fédération française du bâtiment ont fait la promotion de Bpifrance, mais force est de constater que les artisans ont davantage de relations avec leur propre banque, qui est plus proche d’eux, qu’avec Bpifrance, qui est implantée dans les chefs-lieux de région. Au-delà, nous avons pu profiter, même si ce fut à doses homéopathiques, du CICE qui, après quelques ratés, a permis à certains d’entre nous de stabiliser leur fonds de roulement et leur trésorerie même si la situation n’est pas encore pérennisée.

Par ailleurs, nous déplorons que le bâtiment soit tenu à l’écart des actions en faveur de l’innovation car nous pourrions, compte tenu des préconisations actuelles en matière d’amélioration du bâti et de normes environnementales, être plus innovants et développer des process qui ne sont pas encore suffisamment utilisés en France.

Enfin, nous souhaiterions que les financements de Bpifrance soient un peu plus en phase avec la réalité. Nombre d’entreprises ont en effet, je le répète, des problèmes de trésorerie : même si leurs carnets de commandes sont remplis, elles ont bien souvent du mal à assurer à la fois le recouvrement de leurs créances et le paiement de leurs factures.

M. Patrick Gérion, directeur général de la Caisse mutuelle de garantie de la mécanique et de la Centrale de garantie des industries mécaniques, électriques et électroniques. La filière de l’industrie mécanique compte 40 000 entreprises, 11 000 PME et 29 000 TPE, qui réalisent un chiffre d’affaires de 120 milliards par an.

S’agissant de Bpifrance, je souscris aux propos de M. Brin : ce n’est pas une banque de proximité. Or, les petites entreprises sont habituées à travailler avec leurs banquiers locaux. Un groupe comme celui des banques populaires, par exemple, détient 50 % des parts du marché des TPE et des PME et offre des produits adaptés aux besoins de ces entreprises. Par ailleurs, ses méthodes de travail sont à la fois différentes et complémentaires de celles de la société de caution mutuelle que j’ai l’honneur de diriger. Quand Bpifrance travaille par scoring, sans rencontrer les PME et en délégant les pouvoirs de décision à la banque, nous, nous examinons chaque dossier que nous soumettons à des comités d’agrément composés de chefs d’entreprise qui analysent son aspect économique plutôt que son aspect financier.

J’ajoute que nous nous interrogeons sur le coût réel de l’intervention de Bpifrance, car le coût affiché est souvent un coût net des ponctions opérées sur les fonds de garantie. Nous souhaiterions connaître le coût brut de ses engagements, car nous sommes, quant à nous, précautionneux dans nos interventions, de sorte que nos coûts de sinistre sont très bien maîtrisés.

M. Michel Cottet, directeur général de la société de caution mutuelle pour les entreprises d’artisanat et de proximité. Selon les statistiques de la Banque de France – qui sont partielles puisqu’elles ne comptabilisent que les déclarations de concours supérieures à 25 000 euros –, 38 milliards d’euros de crédits ont été distribués l’an dernier aux TPE, lesquelles sont pour moitié des entreprises artisanales à hauteur de 60 % des entreprises individuelles. Les sociétés de garantie, qui ont vocation à accompagner le financement de ces entreprises, ont été créées pour combler des failles de marché. Elles ont pour mission d’encourager les entreprises, ou de les dissuader lorsque le projet économique ne semble pas viable. N’oublions pas en effet qu’il s’agit d’une économie de proximité, dont les marchés sont très étroits ; il convient donc de porter une attention particulière à l’analyse du risque de crédit.

Le capital de la SIAGI, créée en 1966, est détenu à 60 % par les chambres de métiers et de l’artisanat, à 25 % par les banques et à 15 % par Bpifrance, laquelle est d’ailleurs actionnaire d’autres sociétés de garantie – je pense à l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) et à la Société de garantie mutuelle des associations (SOGAMA). La SIAGI, quant à elle, intervient dans le secteur artisanal. Outre le partage du risque avec la banque, elle assume un rôle d’expertise.

La garantie représente environ 10 % des 38 milliards de crédits distribués, ce qui ne signifie pas pour autant que les failles de marché représentent 10 % de l’ensemble. Toutefois, selon le dernier rapport de l’observatoire du financement des TPE et de l’institut supérieur des métiers (ISM), en date de février 2014, 75 % à 80 % des demandes de financement des TPE sont satisfaites. La part de demandes non satisfaites s’explique sans doute par de bonnes raisons, notamment économiques, mais aussi par le manque d’éclairages donnés au réseau bancaire.

À cet égard, je voudrais insister sur la différence qui existe entre les mécanismes de garantie et Bpifrance et sur leur complémentarité. Cette différence est nécessaire dans la mesure où le financement de l’économie suppose que le spectre d’intervention soit large, à la fois généraliste et spécialisé.

En quoi sommes-nous complémentaires ? Nous avons décidé, il y a quelques années, de travailler le plus en amont possible de la décision de la banque. Ainsi les chargés de clientèle bancaires nous sollicitent-ils pour se faire une première opinion de la faisabilité d’un projet – sur 10 000 sollicitations, nous en écartons rapidement 2 000, soit parce que le projet ne tient pas la route, soit parce qu’il est dangereux pour l’entrepreneur.

Mais nous intervenons encore plus en amont, puisque nous avons mis en place un dispositif de pré-garantie, pour lequel nous nous appuyons sur les réseaux consulaires et les organisations professionnelles, chargés de réaliser le premier tri économique. Nous nous sommes en fait inspirés des lettres d’intention créées par une société de garantie croate mais, à la différence de cette dernière, qui émet ces lettres directement, nous avons choisi de faire intervenir les corps constitués, afin de bénéficier d’un meilleur maillage du territoire et d’assurer un traitement individuel des TPE. J’ajoute que nous veillons à ce que le coût économique de ce type de dispositifs reste raisonnable. De fait, ces interventions très en amont constituent la partie la plus dépensière de la chaîne de valeur car, pour les 2 000 dossiers que nous écartons, nous avons réalisé une expertise sans être rémunérés.

Par ailleurs, nous partageons avec Bpifrance un quart de nos dossiers, selon la problématique de risque. C’est ici que joue notre complémentarité : la garantie publique intervient lorsque le risque devient moins supportable pour un système mutuel. Je rappelle que les banques privées peuvent assumer environ 80 % des risques, les 20 % restants étant assumés pour une part par le cautionnement mutuel, qui repose sur la solidarité professionnelle, et pour une autre part par la solidarité régionale ou nationale.

M. Jean-Pierre Crouzet, président de l’Union professionnelle artisanale. L’UPA représente 55 branches professionnelles et 1,3 million d’entreprises, qui réalisent 400 milliards d’euros de chiffre d’affaires. En outre, une entreprise exportatrice sur trois est une entreprise artisanale. Pourtant, Bpifrance n’intervient qu’auprès d’1,4 % des entreprises de ce secteur. Force est donc de constater que nos entreprises ignorent son existence ; le manque de communication est un véritable problème à cet égard. Du reste, les études réalisées par l’Institut supérieur des métiers et la Direction générale des entreprises (DGE) montrent que le monde de l’artisanat s’autofinance.

Mme la présidente Véronique Louwagie. Si le préfinancement du CICE a permis de faire connaître Bpifrance à de nombreuses entreprises, cela n’a manifestement pas été suffisant, puisque vous nous dites, monsieur Crouzet, que les entreprises artisanales ignorent son existence. Avez-vous une idée de la manière dont on pourrait les informer ?

Monsieur Cottet, pourriez-vous nous donner quelques éléments sur le coût de la garantie de la SIAGI ? Est-il comparable à celui de Bpifrance ?

Monsieur Gérion, vous avez fait état du défaut de proximité de Bpifrance. Pensez-vous que les chargés de clientèle des banques traditionnelles sont bien informés de ses produits et qu’ils pourraient mieux les faire connaître des entreprises ?

Enfin, monsieur Brin, vous avez évoqué l’amélioration du préfinancement du CICE. Ce processus d’amélioration est-il, selon vous, toujours en cours ou constate-t-on un tarissement de ces financements ?

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Nous savons que les TPE et les travailleurs indépendants – dont la contribution à la création de richesses, à l’emploi et à l’animation des territoires n’est plus à démontrer – rencontrent des difficultés pour financer leur trésorerie, obtenir des garanties et accéder au financement. Toutefois, Bpifrance n’a pas été concue pour s’adresser directement à l’ensemble des entreprises françaises ; c’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle a conclu des partenariats avec des banques commerciales. Néanmoins, les sociétés de caution mutuelles peuvent, grâce à des dispositifs innovants tels que la lettre de pré-garantie de la SIAGI, aider les TPE à avoir accès à ces financements. Dès lors, ne faudrait-il pas « muscler » ces sociétés de cautionnement en leur apportant des moyens supplémentaires afin d’en faire le bras armé du financement des TPE et des travailleurs indépendants ? Par ailleurs, il semblerait qu’il existe actuellement des difficultés d’accès au préfinancement du CICE. Pourriez-vous nous apporter un éclairage sur ce point ?

M. Jean-Pierre Crouzet. N’y voyez pas de l’hostilité envers les startups ou les grandes entreprises, mais force est de constater qu’en dépit des déclarations d’amour adressées aux TPE, la plupart des décisions prises concernent les grandes entreprises : l’activité artisanale et le commerce alimentaire de proximité sont démobilisés. Aussi est-il nécessaire de communiquer en direction de ces entreprises, notamment celles qui exportent, car elles ignorent les aides qu’elles peuvent obtenir de Bpifrance.

Cette communication doit tout d’abord, me semble-t-il, être adaptée à ces entreprises, dont les dirigeants exercent divers métiers : commerçant, investisseur, producteur, manager… Par ailleurs, pourquoi le secteur bancaire de proximité n’informe-t-il pas les entreprises de l’accompagnement dont elles pourraient bénéficier ? Nous nous sommes félicités de la création de Bpifrance, mais son évolution suscite de nombreuses interrogations ; cela ne fonctionne pas. Le secteur de l’artisanat recèle une richesse extraordinaire, certaines branches investissent et, pourtant, Bpifrance n’intervient pas dans ces investissements. Comment expliquer que cette catégorie d’entreprises, qui est majoritaire, ne profite pas d’un tel outil ?

Mme la présidente Véronique Louwagie. Ne serait-ce pas aux réseaux consulaires ou aux organismes professionnels tels que l’UPA d’informer les entreprises plus efficacement ?

M. Jean-Pierre Crouzet. Je ne peux pas m’exprimer au nom des réseaux consulaires mais, pour ce qui est des organisations professionnelles, il est incontestable qu’elles peuvent contribuer à cette communication. En ce qui concerne la médiation du crédit, par exemple, grâce aux échanges que nous avons eus avec la médiatrice, Mme Prost à l’époque, nous avançons progressivement mais très lentement, compte tenu du nombre d’entreprises concernées. Nos organisations professionnelles sont en effet de bons relais pour transmettre ces informations. Encore faut-il que leurs responsables aient des relations avec Bpifrance, ce qui n’est pas le cas actuellement.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Bpifrance ne vous reçoit-elle pas régulièrement ?

M. Henry Brin. S’agissant du CICE, il me semble qu’après les ratés observés lors de sa mise en œuvre, nous sommes parvenus à une certaine stabilité dans les remboursements. Il est vrai que le CICE a permis à nos entreprises de reprendre un peu leur souffle dans la tempête qu’elles traversent, mais elles rencontrent toujours des difficultés de financement.

Tout à l’heure, Mme la présidente a suggéré que les chargés de clientèle des banques pourraient informer les entreprises de l’existence de Bpifrance. Mais, sur le terrain, nous avons le sentiment qu’ils sont davantage concurrents que partenaires. Or, l’artisan entretient une relation privilégiée, de proximité, avec son banquier.

La Fédération française du bâtiment a mené des actions d’information concernant Bpifrance, mais nous nous sommes aperçus que le système n’était pas forcément en adéquation avec les attentes des artisans. Ainsi, le secteur du bâtiment essaie de s’adapter aux priorités définies par le Gouvernement en matière d’innovation, mais nous constatons qu’il n’entre pas dans le cadre défini par Bpifrance. Peut-être faudrait-il faire un effort dans ce domaine afin de permettre à un certain nombre d’artisans de se développer et, au-delà, de trouver des solutions à des problèmes récurrents.

Autre enjeu majeur pour l’artisanat : la transmission d’entreprise. Là encore, Bpifrance aurait un rôle à jouer. Non seulement une entreprise a davantage de chances de réussir lorsqu’elle est transmise que lorsqu’elle est créée, mais la transmission permet de contribuer au lien entre les générations et à la perpétuation des savoir-faire.

M. Michel Cottet. Le coût est la traduction du modèle économique. Il est donc délicat de comparer les coûts de la garantie pour la SIAGI, d’une part, et pour Bpifrance, d’autre part. Mais, pour vous donner un ordre de grandeur, au cours du dernier trimestre 2014, le taux d’intérêt moyen des crédits aux TPE était de 2,65 %. S’y ajoute, lorsque nous intervenons, le coût additionnel du mécanisme de garantie, qui est compris entre 0,60 % et 2,10 %. Le taux maximal, appliqué notamment à une création d’entreprise, devrait même être beaucoup plus élevé, mais nous réalisons une péréquation afin de permettre un accès au crédit à un prix mesuré. Bpifrance, quant à elle, applique un taux qui se situe entre 0,45 % et 0,60 %, quelle que soit la finalité du financement.

Ce différentiel s’explique par le fait que Bpifrance délègue la décision alors que la SIAGI se déplace et rencontre les entreprises : cela a un coût, que nous répercutons sur le bénéficiaire de la garantie. M. Dufourcq vous a indiqué, lors de son audition, que la garantie coûtait 100 millions d’euros par an à Bpifrance, sans rien lui rapporter. Nous, nous nous devons d’être rentables.

J’ajoute que, pour éviter que l’amplitude ne soit trop importante, nous sommes obligés de conquérir des risques de bonne qualité pour financer les risques de moins bonne qualité. Cela paraît facile sur le papier, mais les taux d’intérêt étant très bas, la concurrence entre banques est assez féroce et le choix du mécanisme de garantie dépend, sauf dans le cas de la lettre de pré-garantie, de la banque.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. La lettre de pré-garantie a précisément ceci d’intéressant qu’elle permet à l’entrepreneur de se présenter devant un banquier en disposant déjà d’une garantie, ce qui peut favoriser l’acceptation de son projet.

M. Michel Cottet. Au plan micro-économique, cet outil nous permet de capter un flux en amont et, au plan macro-économique, c’est un remède à l’autocensure des entreprises et des banques, dont nous facilitons le travail puisque la lettre de pré-garantie comprend l’analyse économique du projet réalisée par les réseaux consulaires et professionnels. Il s’agit donc d’un passeport qui bénéficie d’un véritable label, car nous avons une obligation de résultat. Dès lors que, lorsque nous accordons une garantie, nous nous engageons à indemniser la banque en cas de défaillance. Je précise que la SIAGI donne, dans la lettre de pré-garantie, une garantie minimale de 20 %, à laquelle on ajoute un quantum supplémentaire selon les régions, en fonction des accords bilatéraux conclus avec chaque organisme. Si Bpifrance pouvait ajouter automatiquement 20 % à 30 %, chacun jouerait un rôle de levier et contribuerait au maintien de l’écosystème.

M. Jean-Pierre Crouzet. Je souhaitais évoquer un autre sujet, celui de la fiscalité des entreprises de l’artisanat. En effet, 60 % d’entre elles sont assujetties, non pas à l’impôt sur les sociétés (IS), mais à l’impôt sur le revenu (IR). Leur bilan ne fait donc pas apparaître de fonds propres, ce qui suscite l’incompréhension de leurs interlocuteurs lorsqu’elles présentent un dossier de financement. À ce propos, monsieur Grandguillaume, le rapport de la commission ad hoc créée lors des assises de la fiscalité, dont vous étiez membre, devait être connu avant le 30 juin 2014 ; or, nous ne l’avons toujours pas eu. Vous savez que nous sommes opposés au système actuel, que nous jugeons injuste dans la mesure où les capitaux réinvestis sont soumis aux charges sociales. En tout cas, on ne peut que déplorer que nos interlocuteurs bancaires ignorent les caractéristiques propres aux très petites entreprises.

M. Laurent Grandguillaume, rapporteur. Il est vrai que le rapport de ce groupe de travail aurait dû nous parvenir il y a déjà six mois. La création du statut unique de l’entrepreneur individuel, qui a fait l’objet d’un engagement collectif, permettrait, au-delà de l’amendement au projet de loi Macron sur la protection du patrimoine des entrepreneurs individuels, d’aller plus loin en matière de fiscalité, et donc de faciliter la compréhension par les différents acteurs de ce qu’est une entreprise individuelle. J’attends, comme vous, avec impatience, que le Gouvernement nous transmette les conclusions du groupe de travail, et j’espère qu’il respectera ses engagements.

En ce qui concerne le financement, la lettre de pré-garantie me paraît intéressante, dans la mesure où elle est émise a priori et non a posteriori, comme le fait Bpifrance, qui intervient à la demande de la banque commerciale. Il me semble que c’est le cœur du problème.

M. Patrick Gérion. Il est bien évident que l’ensemble des commerciaux des réseaux bancaires connaissent les conventions TPE qui ont été signées avec Bpifrance mais, pour eux, celle-ci est davantage une procédure qu’un établissement. À mon avis, ce n’est pas par leur intermédiaire que l’on rapprochera Bpifrance des très petites entreprises.

Par ailleurs, nous avons constaté un renchérissement important du coût de la garantie de Bpifrance. Je précise que cette garantie est prise au début du crédit et qu’elle est payée flat, quoi qu’il arrive, alors que notre organisme facture sa garantie à l’entreprise à échéances régulières, de sorte que si celle-ci ne peut plus payer, nous percevons plus de commission. Il s’agit, selon moi, d’une petite distorsion. J’ajoute que nous vivons surtout grâce aux fonds de garantie que nous faisons souscrire aux bénéficiaires lorsque nous leur accordons un cautionnement et que nous leur remboursons à la fin du prêt. Ce n’est donc pas une charge, alors que le coût de la commission de Bpifrance, qui est très important, en est une et apparaît en tant que telle dans le compte de résultat de l’entreprise le jour où le crédit est accordé, c’est-à-dire au moment où elle est le plus fragile.

Enfin, je le répète, nous souhaiterions avoir une vision globale du coût du risque de Bpifrance. Nous avons, quant à nous, toujours restitué les fonds de garantie : notre exploitation permet de couvrir le risque. En revanche, nous ne parvenons pas à savoir quels prélèvements Bpifrance opère sur les fonds publics au titre de la sinistralité.

Mme la présidente Véronique Louwagie. Je suppose que le paiement de la garantie s’effectue au rythme des échéances du prêt ?

M. Patrick Gérion. Chez nous, oui. Bpifrance adresse à l’entreprise une seule facture lorsque le crédit est accordé, et cette facture peut représenter jusqu’à 3 % à 4 % du montant du crédit.

Mme la présidente Véronique Louwagie. Monsieur Brin, si, comme vous nous l’avez dit, les organismes financiers et Bpifrance sont en concurrence, il paraît difficile que les chargés de clientèle soient les relais naturels de Bpifrance auprès des TPE et des PME. Avez-vous des exemples précis à nous citer ou s’agit-il plutôt d’un ressenti ?

M. Henry Brin. Il s’agit d’un ressenti, mais il est confirmé par la réalité du terrain. Lorsque l’artisan fait appel à son banquier pour avoir de la trésorerie, il a souvent besoin d’une réponse très rapide. Or, Bpifrance n’est pas très réactive. Je connais par ailleurs des entreprises qui se sont tournées vers Bpifrance, en vain, car le système est trop complexe. Encore une fois, on a le sentiment que les organismes financiers et Bpifrance sont plus concurrents que partenaires.

M. Michel Cottet. La garantie n’est pas une formule innovante puisqu’elle existe depuis très longtemps, mais il est possible de trouver des formules novatrices en matière de financement. M. Crouzet a rappelé tout à l’heure qu’un quart des entreprises artisanales autofinançaient leurs investissements en ponctionnant leur trésorerie. Fort de ce constat, nous avons créé une garantie a posteriori, la « garantie relais », qui intervient dans le cadre d’un prêt accordé à l’entreprise pour qu’elle reconstitue sa trésorerie. La première opération, d’un montant de 40 000 euros, a concerné une entreprise du Loiret qui fabrique des billots de boucher pour les particuliers.

M. Jean-Pierre Crouzet. Je souhaiterais revenir sur la transmission et la reprise d’entreprise, car c’est un sujet important. Les repreneurs sont souvent des salariés qui ont suivi une formation initiale mais qui n’ont pu capitaliser – c’est aujourd’hui impossible – pour disposer des fonds nécessaires à la reprise. Il me semble que Bpifrance pourrait intervenir dans ce cadre, à condition, bien entendu, qu’elle soit connue et puisse être sollicitée. Elle éviterait ainsi au repreneur d’effectuer un véritable parcours du combattant ou d’aller chercher des fonds en amont, chez des fournisseurs, ce qui n’est pas très sain.

M. Patrick Gérion. C’est un point très intéressant. Il est d’ailleurs paradoxal que Bpifrance ait décidé d’abandonner les Prêts aux créateurs d’entreprise (PCE). Ces prêts scorés, d’un montant compris entre 10 000 et 50 000 euros, s’étendaient, me semble-t-il, à la transmission d’entreprise.

Mme la présidente Véronique Louwagie. Messieurs, je vous remercie pour votre participation à cette table ronde.