La table ronde commence à dix heures dix.
M. le président Claude Bartolone. Après avoir examiné, lors de notre dernière réunion, l’impact du Brexit sur les activités bancaires et financières, nous tenons ce matin une table ronde, ouverte à la presse, sur son incidence sur les entreprises.
Je souhaite la bienvenue à M. Michel Guilbaud, directeur général du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), M. David Hubert Delisle, directeur-adjoint d’Invest de Business France, Mme Thaima Samman, avocate aux barreaux de Paris et de Bruxelles et experte en matière de politiques et de régulations financières, M. Philippe Coq, secrétaire général des affaires publiques d’Airbus Group, M. Pierre Todorov, secrétaire général du groupe Électricité de France (EDF) et membre du comité exécutif du groupe et à M. Hubert Carré, directeur général du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins.
Je rappelle quelques chiffres illustrant l’importance de nos échanges économiques avec le Royaume-Uni : ce pays est notre cinquième client, notre huitième fournisseur et il représente notre premier excédent commercial pour les biens avec 12,2 milliards d’euros en 2015. La même année, plus de 30 000 entreprises françaises ont exporté vers le Royaume-Uni où l’on dénombre plus de 4 440 filiales de groupes français.
Ma première question portera sur le contexte créé par le résultat du référendum britannique et par l’incertitude qui continue de régner sur les intentions du gouvernement britannique – nous sommes quelques-uns à avoir rencontré plusieurs de ses responsables il y a quinze jours ; or nous sommes revenus en nous posant encore plus de questions que lorsque nous sommes partis.
Comment ce climat d’incertitude et l’évolution des taux de change affectent-ils d’ores et déjà l’activité ou le projet d’investissement des entreprises ou des secteurs que vous représentez ? À plus long terme, quelles seront les conséquences du Brexit pour les entreprises, et en particulier s’il devait s’agir d’un Brexit dur qui verrait le Royaume-Uni sortir du Marché unique sans qu’un accord commercial ait été signé ? Quels sont, selon vous, les points sur lesquels les négociateurs devront se montrer particulièrement attentifs et qui devraient faire l’objet de mesures transitoires ?
Je vais vous donner la parole pour une intervention liminaire au cours de laquelle vous pourrez aborder les questions que je viens d’évoquer mais aussi les problématiques propres aux entreprises ou aux secteurs que vous représentez. Les députés vous interrogeront ensuite.
M. Michel Guilbaud, directeur général du Mouvement des entreprises de France (MEDEF). Je vous remercie pour cette invitation ; un dialogue soutenu entre le monde économique et les pouvoirs publics apparaît en effet de plus en plus nécessaire sur le sujet qui nous occupe et, du reste, le bref échange que les invités ont pu avoir entre eux avant que ne commence cette table ronde a montré que le maître mot de nos réflexions est l’incertitude – la note que j’ai sous les yeux ne s’intitule-t-elle pas « Brouillard et inquiétude » ?
Je me rendrai cet après-midi même à Bratislava pour le conseil des présidents de Business Europe, qui regroupe les partenaires patronaux de l’ensemble des pays de l’Union européenne. Nous y discuterons du Brexit et du futur de l’Europe, deux sujets miroirs. Le contexte du Brexit exige que nous consolidions le socle européen, celui du marché intérieur et celui de la zone euro.
Vous avez souligné, monsieur le président, la grande importance de nos relations économiques avec le Royaume-Uni, qu’il s’agisse de l’excédent commercial ou de l’implantation des entreprises ; les liens financiers entre nos deux pays sont également considérables, sans oublier les liens humains puisque de 300 000 à 400 000 Français résident outre-Manche. Or comme le premier ministre, Theresa May, n’est pas en mesure de prendre un quelconque engagement sur la situation des ressortissants d’un État membre de l’Union européenne installés au Royaume-Uni, nos entreprises s’interrogent sur ce dernier point.
Le MEDEF travaille depuis de nombreux mois sur le Brexit et nous avons d’ailleurs été très sollicités, avant même le référendum, par la très influente Confederation of British Industry (CBI), la confédération de l’industrie britannique, qui souhaitait que les entreprises européennes affirment leur volonté que le Royaume-Uni reste au sein de l’Union européenne. Nous nous sommes ainsi souvent déplacés à Londres pour rencontrer non seulement des représentants du monde de l’entreprise mais aussi des représentants politiques.
Le Brexit a été un très grand choc et l’on ne sait rien des termes essentiels de négociation de sortie de l’Union européenne ni des relations futures entre l’Union européenne et le Royaume-Uni.
Le Brexit a produit des effets immédiats sur les entreprises. La baisse du cours de la livre a affecté plusieurs secteurs. Des décisions d’investissement ont pu être suspendues ou renégociées. Une étude récente indique que 65 milliards d’euros ont ainsi été annulés ou reportés. En même temps, ces informations restent assez imprécises. En outre, nous avons une sensation d’anesthésie puisque nous n’avons pas vécu la catastrophe annoncée. Reste que nos collègues britanniques le disent eux-mêmes : « Winter is coming », l’hiver vient, parce que l’extrême complexité de la négociation, le temps qu’elle va prendre, l’ampleur des sujets à aborder – tous à double tranchant en termes d’intérêts économiques – entretiennent une incertitude très forte au détriment des échanges – l’incertitude étant en soi un élément négatif.
L’ensemble des fédérations professionnelles composant le MEDEF essaient d’identifier leurs intérêts stratégiques en matière d’implantations et d’échanges, de même qu’elles réfléchissent aux réglementations communautaires qui vont être en cause dans les négociations.
Le sentiment général est ambivalent : d’un côté – et c’est ce qui prédomine –, on ne souhaite pas compromettre et encore moins briser les liens très forts avec l’économie britannique ; de l’autre, on entend défendre vigoureusement les intérêts français et défendre un level playing field (règles du jeu équitables) pour éviter le dumping et pas seulement sur le plan fiscal.
Je reviens rapidement sur les effets immédiats. La baisse de la livre a été très fortement ressentie par le secteur du tourisme, notamment parce que la France est une terre d’accueil de touristes britanniques dont l’afflux s’est amoindri. D’autres secteurs ont également été touchés comme ceux de l’acier, des tuiles et briques, du textile, de l’automobile : dès qu’on vend sur les marchés britanniques, se produit un effet valeur.
Ensuite, l’absence de visibilité affecte toutes les décisions dans l’ensemble des secteurs. Pour ce qui est des implantations françaises au Royaume-Uni, les secteurs de l’énergie, des transports publics, de l’équipement automobile, des services financiers, des travaux publics, à l’industrie des déchets… craignent l’effet récessif de l’économie britannique. Le chancelier de l’échiquier a annoncé hier encore que la croissance pour 2017 devrait se révéler un peu meilleure qu’au lendemain du référendum, mais on en reste à une prévision de 1,4 % contre 2,2 % avant le Brexit. On pourrait se dire, en comparaison avec d’autres pays, qu’une croissance de 1,4 %, ce n’est pas si négatif, mais il s’agit clairement d’un ralentissement qui aura un effet direct sur l’économie britannique et un effet induit sur l’Europe.
À moyen terme, au plan commercial, les incertitudes sont majeures sur le régime d’échanges avec l’Union européenne. Certains interlocuteurs sont surpris quand on évoque les droits de douane ; or si le Royaume-Uni quitte l’Union européenne, la question se posera bien de savoir quels droits de douane seront appliqués à nos secteurs exportateurs comme le textile, la chimie, la plasturgie, l’acier. Je n’oublie pas non plus l’incertitude des secteurs qui, comme l’automobile ou l’aéronautique, ont intégré une part de production au Royaume-Uni dans leur chaîne de valeur. Et, au-delà des seuls droits de douane, il faudra compter avec des procédures douanières lourdes.
L’ensemble des secteurs met en outre en avant un fort risque compétitif du fait que nous n’avons pas de bonnes conditions de réciprocité dans le cadre de la négociation à venir, amenée à être très longue et touchant à tous les domaines de l’Union européenne, qu’il s’agisse, quel que soit le secteur considéré, de réglementations en matière environnementale ou de reconnaissance mutuelle, notamment. Dans chaque secteur il peut y avoir des micro-gains de compétitivité d’ordre réglementaire mais qui, accumulés, impliqueront l’absence, avec le Royaume-Uni, d’un level playing field acceptable.
Les entreprises françaises qui opèrent au Royaume-Uni craignent la remise en cause de la libre circulation des personnes. Plus largement, au MEDEF et au sein de Business Europe, nous voulons préserver les quatre libertés sur lesquelles repose le marché intérieur – car l’Union européenne n’est pas une simple union douanière. Nous avons besoin, dans les différents pays d’implantation, d’une bonne circulation des compétences au sein de nos entreprises. Il y a d’ailleurs une incertitude particulière en Irlande et en Écosse à cet égard.
Le secteur financier, quant à lui, pose des problèmes très spécifiques, je ne m’y attarde pas d’autant que vous avez déjà organisé une audition sur le sujet.
Contrairement à une idée reçue, le Royaume-Uni est souvent un allié pour nos entreprises vis-à-vis du reste du monde, qu’il s’agisse de la défense de l’industrie, de l’énergie, des quotas carbone, des instruments de défense commerciale… Les Britanniques, qui ont la réputation d’être très libre-échangistes, sont en fait très défenseurs des intérêts européens. Aussi craignons-nous la perte de ce partenaire majeur dans les négociations, l’économie européenne pesant lourd dans un certain nombre de dossiers.
Nous entendons répondre à cette situation notamment en renforçant l’attractivité de la France – de ce point de vue, nous attendons une cohérence totale des mesures qui vont être prises, je pense à l’annonce concernant le régime des impatriés, mais aussi à des décisions législatives qui, elles, nous paraissent contraires à cet objectif d’attractivité, notamment dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017 en cours de discussion. Je pense également aux dispositions sur le devoir de vigilance ou l’information pays par pays qui figurent dans le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dispositions qui, si elles ne sont pas discutées au niveau européen, vont pénaliser les entreprises françaises.
Ensuite, de notre point de vue, la négociation qui va s’engager avec le Royaume-Uni doit reposer sur des règles très claires de réciprocité. Il faut éviter d’aboutir à un accord d’association plus généreux qu’auparavant en matière d’opt-in et d’opt-out, ce qui serait tout de même paradoxal. L’équivalence des normes pour l’accès à un marché doit en effet être la règle. Si le Royaume-Uni ne veut pas s’astreindre aux réglementations communautaires, nous aurons beau avoir négocié, à un moment donné, des équivalences, si la réglementation britannique évolue, il faudra assurer le suivi des règles d’équivalence. Aussi pensons-nous que cette négociation présuppose un code de bonnes pratiques afin d’éviter, par exemple, que les Britanniques ne se trouvent dans une situation de conflit d’intérêts, les réglementations adoptées au cours d’une négociation qui aurait lieu avant le Brexit étant destinées à ne plus s’appliquer au Royaume-Uni après le Brexit. La définition des méthodes de négociation sera donc cruciale.
M. David Hubert Delisle, directeur-adjoint d’Invest de Business France. J’interviendrai davantage, pour ma part, sur l’attractivité et l’investissement étranger en France. Pour Business France, opérateur dans le domaine du développement international des entreprises en France, le Brexit constitue un moment important en termes tactiques et stratégiques, encore que nous ne savons pas quelle sera la portée du phénomène. On peut néanmoins procéder par analogie avec des événements comme la création de l’euro, l’entrée de la Chine au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), il y a quinze ans, l’apparition des technologies de l’information, il y a une dizaine d’années… Or chacun de ces événements macro-économiques ont globalement permis, au cours de cette période, le doublement des investissements étrangers en France : on est ainsi passé de quelque 500 à 1 000 investissements. Inversement, l’arrivée de nouveaux pays au sein de l’Union européenne, ces dernières années, n’a pas encore créé de mouvement d’investissement vers la France, notamment de la part des ex-pays de l’Est. Il faut se rappeler que, trente ans après l’adhésion de l’Espagne à la Communauté économique européenne (CEE), en 1986, on ne compte que cinquante investissements espagnols en France. Ces mouvements de sortie ou d’entrée doivent donc être appréciés avec le temps. Reste qu’ils génèrent des investissements parce que la modification d’un environnement économique a un impact sur la stratégie des entreprises qui doivent toujours avoir des projets si elles ne veulent pas mourir. Or ces projets ont un impact positif sur l’attractivité de la France et donc sur le nombre d’investissements que l’on est capable d’attirer.
Or il ne s’agit pas ici des pays de l’Est ni de l’Espagne mais du Royaume-Uni, premier récepteur d’investissements étrangers en Europe, avant l’Allemagne et la France, et important émetteur d’investissements vers la France : entre soixante-quinze et une centaine chaque année. On compte quelque 2 300 filiales d’entreprises britanniques sur notre sol – soit près de 250 000 salariés – qui exportent 18 % de leur chiffre d’affaires. Le Brexit, puisqu’il touche le leader des investissements étrangers en Europe et l’un des principaux investisseurs en France, crée une situation à laquelle il va falloir que nous nous adaptions.
Pour ce qui concerne Business France, nous devons nous organiser pour l’accueil de tous les projets. Il faudra d’abord tenir compte d’un décalage réglementaire créé par les négociations à venir, qui concernera presque tous les secteurs et qui aura forcément un impact, j’y insiste, sur la stratégie des entreprises ou plutôt sur les opérations des entreprises ; parfois, il sera même question d’autorisations comme pour ce qui concerne le passeport européen dans les activités financières. Ensuite, il faudra anticiper les différentiels de croissance ou les différentiels de change. À Londres, nous disposons d’un bureau pour aller à la rencontre des entreprises, certaines souhaitant être rassurées, d’autres informées, d’autres encore voulant rééquilibrer leurs opérations sur le continent ou au Royaume-Uni. Nous devons donc faire un effort de proximité important vis-à-vis des entreprises britanniques. Et, au-delà de ces dernières, puisque le Royaume-Uni est le premier pays d’accueil des investissements étrangers en Europe, nous devons être plus proches des entreprises de toutes nationalités et notamment des entreprises américaines qui disposent au Royaume-Uni de 900 milliards de dollars d’actifs. Ces actifs sont localisés au Royaume-Uni pour servir à l’ensemble de l’Union européenne.
Ainsi, en tâchant d’être le plus proches des entreprises internationales – britanniques et américaines, donc, mais aussi japonaises, indiennes et chinoises – nous travaillons sur l’opportunité grâce à laquelle ces investissements pourraient être désormais dirigés de manière plus massive vers le continent, vers l’Union des Vingt-Sept.
Business France participe par ailleurs à l’initiative Choose Paris Region, rassemblement de moyens d’acteurs franciliens – conseil régional, métropole du Grand Paris, Ville de Paris, chambre de commerce et d’industrie de région Paris-Île-de-France et, donc, Business France – destiné à créer une équipe de collaborateurs dédiés à l’accueil et à l’accompagnement d’investissements liés au Brexit. Cette équipe est en place depuis le 1er septembre et dispose déjà d’un portefeuille d’activités.
Pour bénéficier des effets positifs de ces investissements étrangers, nous devons appréhender l’attractivité de la France – sur laquelle il convient bien évidemment de toujours travailler – de manière relative : c’est le différentiel d’attractivité que les entreprises prennent en compte et non l’attractivité en soi d’un pays. Or l’attractivité de la France par rapport à celle de ses concurrents dépendra, d’une part, du décalage induit par les négociations post-Brexit, mais aussi de la réaction britannique, le Royaume-Uni tâchant d’ores et déjà de renforcer son attractivité. Il y a en outre fort à parier que le patriotisme des entreprises britannique sera important.
Nous anticipons donc, à travers les décalages réglementaires et le renforcement de l’attractivité de part et d’autre, une modification du jeu. Si, je le répète, nous ne connaissons pas la portée du Brexit, nous nous sommes organisés, en matière de prospection, pour être plus près des investisseurs étrangers et pour mieux accueillir, sur l’ensemble du territoire, les investissements post-Brexit – objet de la création, pour l’Île-de-France, du guichet unique.
Mme Thaima Samman, avocate aux barreaux de Paris et de Bruxelles et experte en matière de politiques et de régulations financières. Je reviendrai sur l’attractivité, l’un des éléments clés pour les années à venir, mais également sur le fait que nous ne savons pas où nous allons « atterrir » une fois les négociations sur le Brexit achevées. Qui a une idée claire de ce que sera le monde dans dix ans et des étapes successives que nous allons franchir ? Les deux champions mondiaux du commerce international, les États-Unis et le Royaume-Uni, viennent de « se casser la figure dans l’escalier », or le monde est organisé autour de leur manière de faire, de leur culture et de leur leadership.
M. Pierre Lellouche. Qu’est-ce qui vous permet de dire que les États-Unis se sont « cassé la figure dans l’escalier » ?
Mme Thaima Samman. Ils viennent tout de même d’élire un président qui considère que le commerce international n’est plus un sujet.
M. Pierre Lellouche. Et alors ?
Mme Thaima Samman. Et les États-Unis viennent de « se casser la figure »…
M. Jacques Myard. Attendez donc que M. Trump ait pris ses fonctions !
M. le président Claude Bartolone. Vous aurez la possibilité de réagir après les interventions, mes chers collègues.
Mme Thaima Samman. Sans doute est-ce une caractéristique de la période : on reste incapable de se projeter.
Laissons les États-Unis de côté puisqu’ils ne sont pas le sujet ici, et revenons-en au Brexit. Quelle que soit la manière dont on l’envisage, nous allons vivre trois périodes.
Nous en sommes à la première où rien n’a démarré. Nous avons en effet l’impression que rien ne s’est passé depuis le vote du mois de juin ; pourtant, nous savons que quelque chose va arriver puisque l’on ne voit pas comment le Royaume-Uni ne pourrait pas faire son Brexit, surtout depuis les mots de Theresa May, prononcés en octobre dernier : « Brexit means Brexit » (« Brexit signifie Brexit »).
Entre-temps, le groupe Nissan a été rassuré par le gouvernement britannique sur le fait qu’il pourrait bénéficier de l’union douanière qui ne serait donc pas remise en cause. C’était la meilleure blague entendue depuis longtemps puisque personne n’est capable de dire ce qu’il adviendra de l’union douanière après le Brexit, les discussions n’ayant pas même commencé.
Tout ce que l’on sait, après la déclaration de Theresa May que je viens de rappeler, c’est que la City a perdu la bataille de l’atténuation du Brexit. Pour l’anecdote : le matin même du référendum, nous avons passé notre journée en call (conférence téléphonique) avec des interlocuteurs outre-Manche et d’autres outre-Atlantique, les premiers nous expliquant que le passeport pour le monde de la finance n’était pas remis en cause et que rien ne serait changé. Leur obsession était d’expliquer, comme on l’a fait avec Nissan, que l’union douanière ne serait pas modifiée. Or rien n’est moins certain et l’industrie leader du Royaume-Uni ne sait pas où elle va « atterrir », j’y insiste, dans les mois qui viennent.
On a par ailleurs vu le Royaume-Uni tenter d’engager des négociations commerciales avec le reste du monde afin d’arriver à la table des négociations, au moment où sera appliqué l’article 50 du traité sur l’Union européenne, en ayant déjà conclu des accords avec les grands partenaires de l’Union européenne. Or il semblerait que le Japon lui ait dit non, que les États-Unis, avant l’élection de Donald Trump, lui aient dit non et que même les pays du Commonwealth n’aient pas voulu remettre en cause leurs relations avec l’Union européenne et aient donc également dit non.
Quels sont les scénarios possibles ? Le plus probable, avant le discours de Theresa May en octobre, était que le Royaume-Uni intègre l’Espace économique européen (EEE) et qu’en effet rien ne change vraiment sinon au désavantage des Britanniques puisqu’ils n’auraient plus été en mesure de négocier les textes tout en ayant plus ou moins accès au Marché unique européen. Il semble que cette hypothèse ne soit plus envisageable.
Restent dès lors deux scénarios : celui selon lequel les accords seraient négociés de façon large ; celui selon lequel ils seraient négociés secteur par secteur pour que le Royaume-Uni ait accès au marché unique. Or ce dernier a été institué pour servir l’intérêt de l’ensemble des économies et des entreprises de l’Union européenne – premier acteur commercial du monde où 62 % des échanges sont intracommunautaires. Chaque pays tirant avantage du Marché unique dans ses rapports avec les pays tiers, si le Royaume-Uni n’y a plus accès, ce sera forcément pour lui une source de faiblesse. Que la quatrième ou cinquième puissance économique du monde se transforme en Off-Shore, comme il semblerait qu’elle ait l’intention de le faire, serait d’autant plus compliqué qu’elle risque d’être défiée par une autre grande puissance, les États-Unis, qui essaient d’adopter le même modèle.
La deuxième période sera celle des négociations.
La troisième, celle qui suivra les négociations.
Pendant les négociations, il sera primordial pour les pays de l’Union européenne de parler d’une seule voix et de ne pas chercher à négocier individuellement avec le Royaume-Uni. Ce sera en effet le plus grand point faible de l’Union européenne car tout le monde y perdrait : le Royaume-Uni, c’est certain, mais aussi l’ensemble des autres pays parce qu’ils auront cherché à négocier, je le répète, individuellement. On perçoit d’ailleurs déjà la concurrence à la baisse de l’imposition à laquelle les pays sont en train de se livrer.
M. le président Claude Bartolone. Avec le Brexit, Airbus Group pourrait se trouver comme un avion sans ailes, puisque, au-delà de la référence musicale, les ailes des avions sont fabriquées au pays de Galles, qui, à la surprise générale, a voté majoritairement en faveur du leave, en dépit des aides dont il bénéficie de la part de l’Union européenne.
M. Philippe Coq, secrétaire général des affaires publiques d’Airbus Group. Je m’inscris dans la continuité de ce qui vient d’être dit sur la grande incertitude qui règne. Nous ne savons pas ce que sera le Brexit. Or ce que détestent le plus les entreprises, c’est évidemment l’incertitude et le manque de visibilité.
Airbus est un acteur construit et intimement intégré sur quatre pays : la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Espagne. Depuis ces pays, nous exportons près de 80 % de nos produits. Il a fallu plus de cinquante années d’effort pour parvenir à ce qui est considéré par tout le monde, je crois, comme un succès industriel.
Le protocole d’accord lançant la phase de définition du projet d’Airbus européen, signé à Lancaster house, date du 9 mai 1967. Cela fait bien longtemps. Le logo d’Airbus que vous connaissez tous représente avec ses trois arcs la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, et pas autre chose.
Le groupe, qui réalise un chiffre d’affaires de 64 milliards d’euros, compte 137 000 employés, dont 90 % dans les quatre pays que j’ai cités, et 15 000 au Royaume-Uni répartis sur une quinzaine de sites majeurs.
Nous fabriquons au Royaume-Uni les ailes de tous nos avions ; l’activité de recherche et développement pour les avions y est également installée, avec l’appui réaffirmé du gouvernement britannique au travers d’un plan technologique de soutien à l’aéronautique, représentant un milliard d’euros sur sept ans.
Le Royaume-Uni compte aussi de grands sous-traitants : Rolls Royce est le motoriste de l’A380 et de l’A350. Airbus fournit 50 % de la flotte d’hélicoptères britannique. Le groupe est le premier acteur dans le domaine spatial et le deuxième fournisseur de la Royal Air Force, au travers de programmes variés : l’A400M, le ravitailleur, l’Eurofighter auquel la France ne participe pas. Enfin, Airbus est présent dans la cybersécurité et actionnaire du missilier MBDA dans lequel l’axe franco-britannique est essentiel.
Notre activité repose sur des accords intergouvernementaux. Même la production d’avions commerciaux fait l’objet d’un traité, et de réunions périodiques des ministres et des administrations pour coordonner leur soutien et leur action. Il en va de même pour l’Agence spatiale européenne et la défense qui est par essence un domaine intergouvernemental. Le Royaume-Uni, ce sont aussi des clients majeurs : British Airways, Virgin Atlantic, sans parler d’Easy Jet qui possède une flotte unique de 233 appareils Airbus.
Voilà pour l’importance systémique du Royaume-Uni pour la maison Airbus.
Je souligne plusieurs points de vigilance dans l’incertitude actuelle.
D’une façon générale, l’aviation a toujours été marquée par l’ouverture au travers des traités open skies ou des free trade agreements. Nos matériels et les pièces de nos avions circulent entre les différents pays. Toute rigidité, toute édification de barrières douanières freinant ou renchérissant la circulation de nos matériels auraient des impacts négatifs sur l’activité.
La fluidité de la circulation de nos personnels, qui est une composante de la nécessaire flexibilité, est importante. Je prends des exemples récents : quand nous avons connu des problèmes sur l’A380 dans les années 2000, nous avons fait venir massivement des employés allemands pour terminer les avions à Toulouse ; nous avons envoyé des personnels à Séville pour aller plus vite sur l’A400M. Nous sommes intimement intégrés sur ces quatre pays.
En matière de défense, le Royaume-Uni demeurera un acteur majeur et un allié incontournable. Il n’appartient pas à l’industrie de se prononcer sur ce sujet, mais la coopération devrait se poursuivre de manière naturelle.
L’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) est une pièce maîtresse de la réussite aéronautique européenne. Elle offre un cadre légal commun à tous ses membres pour faciliter les processus de certification des aéronefs commerciaux. Les États-Unis disposent d’une autorité équivalente, la Federal aviation administration (FAA). C’est l’une des grandes forces de l’aéronautique européenne que d’avoir constitué cette agence unique pour la certification des appareils commerciaux. Il faudra trouver des modalités d’association du Royaume-Uni pour l’avenir. Un statut de membre associé existe déjà pour certains pays : la Suisse, la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein.
Le Royaume-Uni – fait souvent peu connu – est un contributeur majeur de l’activité spatiale en Europe, tant de l’Agence spatiale européenne (ESA) que des programmes de l’Union européenne – Galileo et Copernicus. Le centre de sécurité de Galileo est basé à Saint-Germain-en-Laye et à Swanwick dans le Hampshire ; même si les satellites Galileo ont été fournis par l’entreprise OHB, la moitié d’entre eux sont réalisés au Royaume-Uni par notre filiale SSTL.
Que deviendront les participations britanniques dans les programmes européens comme le programme de financement de la recherche et de l’innovation Horizon 2020 ? Je ne le sais pas.
Enfin, nous sommes particulièrement attentifs à l’évolution du contexte économique et financier, en particulier à l’éventualité d’une dépréciation durable de la livre sterling et à ses effets potentiels en matière d’inflation et de relèvement des taux d’intérêt, autant de conséquences qui risquent d’affecter notre financement et celui de nos grands clients. La dépréciation de la livre sterling crée d’ores et déjà un problème immédiat pour le financement de l’ESA puisque les Britanniques paient leur contribution en livre. C’est un sujet pour la prochaine réunion ministérielle du mois de décembre.
Nous alertons les pouvoirs publics des deux côtés de La Manche sur les conséquences négatives des décisions qui pourraient être prises dans le cadre du Brexit. Nous continuerons à travailler avec les autorités dans une logique « gagnant, gagnant ». Encore une fois, nous ne sommes qu’au début d’un processus qui est totalement incertain.
M. le président Claude Bartolone. Monsieur Todorov, le Brexit doit susciter un certain nombre d’interrogations compte tenu du projet Hinkley Point.
M. Pierre Todorov, secrétaire général du groupe EDF, et membre du comité exécutif du groupe. Avant de vous faire part des quelques points de vigilance ou d’attention d’EDF par rapport au Brexit, je vous livre deux éléments de contexte.
À travers sa filiale EDF energy, EDF produit aujourd’hui 20 % de l’électricité consommée au Royaume-Uni – 100 % de l’électricité d’origine nucléaire. Elle compte cinq millions de clients et un peu moins de quinze mille collaborateurs.
Le projet d’Hinkley Point C (HPC) vise à construire puis exploiter à l’horizon 2025 deux réacteurs de type EPR, avec d’autres développements possibles de réacteurs EPR ou de réacteurs de moyenne puissance. C’est un enjeu très important pour nous.
Deuxième élément de contexte, le secteur de l’énergie et de la production d’électricité est très dépendant de la régulation du marché, ce que l’on appelle le market design, et des politiques énergétiques qui se décident au niveau national mais aussi européen.
C’est à la lumière de ces deux éléments que je souhaite vous faire part de nos réflexions autour de quatre points.
Premier point, le Royaume-Uni occupe une place tout à fait particulière et importante en Europe en matière de politique énergétique. Parmi les États membres, il est sans doute celui qui défend les positions les plus explicites – il les a d’ailleurs mises en œuvre de façon méthodique – sur la décarbonation compétitive, qui repose sur deux piliers : production d’électricité d’origine nucléaire et production d’origine renouvelable. Comme vous le savez, nous partageons cette vision : EDF se veut le champion de la décarbonation compétitive et de tout ce qui peut favoriser, dans le cadre de la régulation, notamment par le prix plancher du carbone, le développement de la production d’électricité décarbonée. Il est extrêmement important de préserver les équilibres politiques actuels dans les discussions à Bruxelles. De façon pragmatique, quelles que soient les modalités de sortie du Royaume-Uni, nous pensons qu’il faut trouver des moyens alternatifs pour que celui-ci reste membre du système de quotas d’émission – les emission trading scheme (ETS) – et qu’il puisse, d’une façon différente, continuer à participer à la définition des règles sur le marché du carbone.
Concernant la coopération en matière nucléaire, se pose la question du maintien du Royaume-Uni dans le traité Euratom. Si ce dernier devait le quitter – à ce stade, selon notre analyse, il n’est pas évident que le retrait de l’Union européenne entraîne nécessairement et automatiquement le retrait d’Euratom –, il nous semble important que le Royaume-Uni reste dans le jeu, notamment face à d’autres États européens qui ne partagent pas vraiment – c’est un euphémisme – la vision qu’a la France de l’importance du secteur du nucléaire. Il faut trouver des modalités pratiques pour que la coopération en matière nucléaire – recherche et développement, normes, gestion des déchets – puisse se poursuivre.
Autre sujet de préoccupation, les interconnexions. Les interconnexions entre le Royaume-Uni et la plaque continentale jouent un rôle très important dans la sécurité d’approvisionnement, pour le Royaume-Uni – cela représente 5 % environ de sa consommation – mais aussi pour nous qui sommes souvent exportateurs nets. Il y a un intérêt mutuel à ce que les interconnexions continuent à bien fonctionner, et se développent.
Il est nécessaire de maintenir un cadre juridique adapté qui puisse, d’une part, favoriser le maintien des transactions d’électricité entre la plaque continentale et le Royaume-Uni, et d’autre part, permettre que les nouveaux projets d’interconnexion – des décisions d’investissement pour deux projets très avancés doivent être prises à court terme – puissent se développer, sans être entravés par la sortie du Royaume-Uni, et continuer à bénéficier, selon des modalités à inventer, de fonds européens au titre des projets d’intérêt commun.
Dernier point, je rejoins des préoccupations plus générales, au premier rang desquelles la circulation des personnes, puisque EDF exerce une activité domestique au Royaume-Uni. Dans notre projet Hinkley Point C, la question de l’accès aux compétences et aux ressources qualifiées en matière d’ingénierie, et des collaborateurs venant du reste de l’Europe sera un enjeu majeur. Il est important que nos projets ne soient pas entravés sur le plan opérationnel par d’éventuelles barrières à la circulation.
Ma conclusion porte deux messages : d’abord, il importe, même dans un nouveau cadre institutionnel, de pouvoir maintenir une forme d’arrimage du Royaume-Uni au reste des pays européens sur les questions de politique énergétique et d’investissement. Notre deuxième préoccupation, commune à tous ceux qui sont autour de la table, concerne la visibilité : nos réflexions s’inscrivent dans un contexte marqué par une grande incertitude sur les modalités concrètes du Brexit.
M. le président Claude Bartolone. Monsieur Carré, nous allons évoquer la libre circulation des bateaux. Vous avez déclaré à plusieurs reprises que s’il devait y avoir rupture des négociations et fermeture de l’accès des bateaux de pêche français aux eaux britanniques, c’est 75 % de l’apport en poisson frais qui pourrait être menacé.
M. Hubert Carré, directeur général du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins. Je vous remercie de permettre aux pêcheurs d’exprimer leurs craintes.
Les pêcheurs sont toujours taxés de paranoïa, mais, avant le Brexit, nous avions mis en garde le Gouvernement car nous étions à peu près persuadés que le Brexit serait voté. Nous nous appuyions sur les discours de nos collègues anglais qui revendiquaient, en reprenant une formule thatchérienne : « we want our fishes back ». Les pêcheurs britanniques considèrent que depuis leur entrée dans l’Union européenne et la mise en place de la politique commune de la pêche en 1983, les pêcheurs des États membres leur volent leur poisson, ce qui est vrai d’une certaine manière. Comme vous le disiez, les pêcheurs français – des Hauts de France et de la Normandie –, sont tributaires à 75 % en temps d’activité des zones britanniques. Quant aux pêcheurs bretons, ils sont dépendants à 50 % puisqu’ils vont pêcher en mer Celtique et en ouest-Écosse.
Il est clair que le Brexit est un véritable séisme. Pour le pêcheur français, le Brexit est à la fois un enjeu territorial et un enjeu économique.
L’enjeu territorial, c’est l’accès aux zones britanniques. Une carte, qui est fausse mais qui circule au Royaume-Uni, montre l’étendue de la zone économique britannique lorsque le pays sera sorti de l’Union européenne. Je vous rappelle que les îles anglo-normandes ne font pas véritablement partie de la politique commune de la pêche. Mais les Anglais sont assez pragmatiques et réactifs : leur logique consiste à inclure dans leur zone économique les îles anglo-normandes alors que les traités internationaux reconnaissent l’existence d’un couloir. Cette carte laisse penser que les Anglais vont être très durs dans la négociation.
Nous ne sommes toujours pas parvenus à un accord sur la limite territoriale entre la France et les îles anglo-normandes, il ne faut pas l’oublier. Le différend, qui dure depuis quelques siècles, continue d’opposer les pêcheurs du Cotentin et ceux de Jersey et Guernesey.
Pour les Britanniques, la logique du Brexit voudrait que les pêcheurs français, mais aussi hollandais, belges, allemands, et espagnols sortent de leur zone économique, et qu’eux seuls puissent y pêcher.
Si les Britanniques se soustraient au droit européen, l’État français devra leur rappeler l’existence d’un droit international qui s’impose à eux – la convention de Montego Bay de 1982 –, en vertu duquel ils auront à respecter ce qu’on appelle les droits historiques. Ce n’est pas acquis. Les Britanniques, qui sont de grands pragmatiques, ont commencé à dire qu’ils reconnaissaient les droits historiques, mais ceux des pêcheurs qui exerçaient en 1973, avant l’entrée du Royaume-Uni dans le Marché commun. Autant vous dire que les pêcheurs qui naviguent encore et qui pêchaient déjà en 1973 ne sont plus très nombreux. C’est leur manière de contourner le droit international.
Autre sujet, avec la politique commune de la pêche, tous les États membres ont décidé de mettre en commun leurs eaux et les ressources halieutiques. Un partage a ensuite été établi. À l’époque – l’Espagne n’était pas encore membre –, la France, parce qu’elle possédait plus de 10 000 navires, a obtenu une grosse part du gâteau qu’elle a conservée. Lorsqu’on renégocie les totaux admissibles de captures (TAC) et les quotas chaque année en décembre, la part de la France est toujours calculée sur 10 000 navires. Or, aujourd’hui, le nombre de navires en métropole s’élève à 4 500. Autant vous dire que les Anglais ne vont pas accepter qu’on recalcule les droits sur 10 000 navires que la France n’a plus. Bien entendu, nos amis espagnols et hollandais ont tout intérêt à ce que la clé de répartition soit revue.
La France a deux choses à craindre – c’est le « double effet Kiss Cool » – : être pénalisée par la sortie de l’Union du Royaume-Uni ; être soumise à une nouvelle règle de partage des quotas entre les États membres.
Le second enjeu est économique. Le taux de dépendance des chefs d’entreprise est compris entre 50 et 75 %. Dans la politique commune de la pêche, des règles de présence s’appliquent : un pêcheur qui pêchait dans les eaux anglaises et qui y détenait des droits historiques ne peut pas, s’il en est chassé, aller pêcher ailleurs – de la même manière qu’un chauffeur de taxi à Paris ne peut pas exercer librement à Marseille, Lille ou Bordeaux. Cela signifie donc un arrêt d’activité pour un certain nombre d’entreprises si elles ne peuvent plus accéder aux eaux britanniques.
Autre sujet de préoccupation, le marché européen des produits de la mer est le premier marché mondial. Les Britanniques pêchent énormément mais ne consomment pas. Ils exportent 85 % de leur production vers l’Union européenne. Ils nous ont fait le coup de la dévaluation en 1992 et 1993 et ce fut l’une des crises majeures de la pêche française – souvenez-vous de l’attaque de Rungis et de l’épisode du Parlement de Bretagne. À l’époque, le poisson anglais arrivant à Rungis était moins cher que le poisson français débarqué sous les criées de Boulogne-sur-Mer, Lorient ou Le Guilvinec. Nous craignons la même chose. Même si on leur impose un tarif douanier – disons 30 % –, ce ne sera pas suffisant car leur politique sociale est pour le moins étonnante : ils embauchent actuellement des Syriens et des Libyens qui sont payés 500 dollars par mois pour travailler sur leur navire quand les salaires en France sont de 4 500 euros par mois en moyenne. Si la dévaluation vient s’ajouter à cette inégalité économique, en l’absence de règles précises, nous risquons de subir une déferlante de produits britanniques à bas prix – n’oublions pas que la France importe à 85 % ; la crevette et le saumon mis à part, les pêcheurs français répondent à 50 % de la demande des consommateurs français. Nous risquons de surcroît de faire les frais de la guerre fratricide que se livrent les acteurs de la grande distribution. Nous sommes très inquiets sur ce point.
En conclusion, lorsque les traités d’adhésion des différents États membres ont été négociés, le sujet de la pêche a toujours été traité en dernier parce qu’il est le plus complexe. Nous ne voudrions pas d’un Brexit à la découpe dans lequel la pêche française serait la variable d’ajustement d’accords dans d’autres secteurs. J’aime beaucoup nos amis agriculteurs, mais on sait très bien qu’ils exportent énormément vers le Royaume-Uni. Nous ne voudrions pas d’une discussion de marchand de tapis autour des importations et des exportations.
Une boutade pour finir : les Anglais sont de fins négociateurs ; ils sont redoutables. Il ne faut pas oublier que lors de la seconde guerre mondiale, ils ont réussi à faire croire aux Allemands qu’ils débarqueraient à Dunkerque. Il faut les attendre là où nous ne les attendons pas actuellement. Un exemple : nous avons connu un problème avec la coquille Saint-Jacques il y a un mois : nous avions conclu un accord avec eux aux termes duquel les bateaux de quinze mètres étaient autorisés à pêcher seulement à partir du 1er novembre. Ils ont transformé tous leurs bateaux pour qu’ils mesurent 14,99 mètres et ils ont commencé à pêcher un mois avant.
Nous sommes un peu paranoïaques, mais nous sommes très attentifs aux négociations qui auront lieu pour la défense des intérêts de la pêche française.
Mme Élisabeth Guigou. Monsieur Todorov, s’agissant d’Euratom, que vous disent vos interlocuteurs britanniques ? Avez-vous le sentiment qu’ils ont, comme nous, intérêt à ce que nos accords perdurent ? Il est évident à mon sens que nous devrons rechercher dans la négociation tous les accords bilatéraux qui paraîtront utiles.
Monsieur Todorov, Monsieur Coq, tous nos interlocuteurs à Londres nous ont assuré que les restrictions à la liberté de circulation entreraient bel et bien en vigueur. Bien sûr, on peut penser qu’il y a là une part « d’intox », dans l’idée de nous amener à assouplir notre position. Mais on nous a répété que Mme May ne céderait pas sur ce point. Quelles seront pour vous les conséquences de ces décisions ? Comment avez-vous prévu de vous adapter ? En particulier, le projet de nouveau réacteur d’Hinkley Point C ne risque-t-il pas d’être retardé et de coûter plus cher ?
M. Pierre Lellouche. Merci de ces exposés intéressants. Monsieur Todorov, Euratom ne fait pas, il me semble, partie des traités européens : c’est donc un cas un peu à part.
Les difficultés sectorielles que vous avez soulevées sont très sérieuses, et elles le deviendront d’autant plus que l’on laissera traîner les choses. C’est pourquoi mon message aujourd’hui est politique.
Un peuple, c’est son droit, décide de quitter l’Union européenne ; mais son gouvernement traîne les pieds. La sortie du Royaume-Uni n’a toujours pas été notifiée. Les Britanniques utilisent cette période transitoire pour diviser la partie adverse, déjà traversée de multiples contradictions : eux se préparent ; nous discutons. Et, peu à peu, nous nous trouverons dans un écheveau parfaitement inextricable, le risque étant qu’au lieu d’un Brexit, l’Union européenne accepte une sorte d’opting-out géant. Ce que les Britanniques voudraient, c’est avoir à la fois le beurre et l’argent du beurre.
Il faut absolument casser cette mécanique infernale. Peu à peu, les problèmes décrits ce matin ne pourront plus être réglés : ils ne feront que croître, et le capharnaüm sera de plus en plus ingérable.
Nous devons donc agir. À l’échelle nationale, nous devons nous mettre en ordre de marche afin d’attirer de nouveaux investissements, notamment américains ; pour cela, il faut éviter de voter des textes comme ceux qui viennent de l’être à l’Assemblée nationale, et qui sont exactement contraires aux projets que nous mettons en place depuis le mois de septembre. À l’échelle européenne, nous devons reprendre l’initiative et fixer aux Britanniques une date butoir. Faute de cela, nous risquons, je le redis, de nous engluer dans des batailles fratricides.
Monsieur le président, le rôle de notre mission peut être de tirer le signal d’alarme. Les Britanniques sont maîtres du calendrier ; la situation britannique paraît aujourd’hui difficile, mais si nous tardons à agir, le rapport de force s’inversera. Nous risquons de perdre sur tous les tableaux.
Les Européens doivent reprendre en main leur destin. Ne laissons pas s’installer une situation peu ou prou comparable à celle de l’Europe vis-à-vis de la Turquie, dans laquelle cette dernière exerce un chantage ouvert, notamment en ce qui concerne les migrants, et mène une politique du fait accompli.
Pour ne pas rentrer dans un tel engrenage, la France doit se réveiller, adapter sa législation pour accroître son attractivité, et prendre une initiative forte en Europe.
M. le président Claude Bartolone. Vous avez raison, il faut avant tout éviter que nos contradictions internes ne viennent miner la négociation. Je me réjouis de la position prise, ce mardi, par M. Guy Verhofstadt, référent du Brexit pour le Parlement européen, selon qui les négociations ne devront pas durer plus de quinze mois et devront être achevées avant les prochaines élections européennes.
M. Pierre Lellouche. Monsieur le président, permettez-moi d’insister : votre rôle est essentiel. Nous devons nous coordonner avec les autres parlements nationaux. Certes, les élections françaises approchent, et le moment n’est pas formidable pour prendre de grandes initiatives politiques. Mais nous devons profiter du consensus qui se dessine au sein de cette mission d’information. Faisons bouger les exécutifs ! C’est vraiment l’intérêt national.
M. Jacques Myard. Je ne sous-estime pas la force de négociation de nos amis britanniques : chaque fois que j’ai négocié en ayant le soutien des Britanniques, je me demandais quand ils allaient me lâcher – ce qui finissait inévitablement par survenir.
Mais, ce matin, j’ai eu le sentiment d’entendre le chœur des lamentations. Nous rencontrons des difficultés ; mais le Brexit ne change ni la géographie ni les relations naturelles et légitimes. Marx établissait une distinction entre les superstructures – les problèmes que vous avez décrits – et les infrastructures : notre intérêt à tous est de trouver un accord. Bien sûr, comme le dit Pierre Lellouche, il faut sortir au plus vite du flou artistique et entamer les négociations.
Monsieur Guilbaud, vous parlez de compétitivité. Le Royaume-Uni n’a jamais appartenu à la zone euro. Or la monnaie est un élément essentiel en matière de compétitivité, et l’euro est un carcan qui étrangle nos exportations. Nul besoin de s’étonner de nos difficultés ! J’aimerais un peu plus de cohérence dans les prises de position du MEDEF.
Monsieur Delisle, la France est exportatrice nette, en stock, des investissements et de l’épargne et du capital, parce que nous nous autoflagellons avec notre fiscalité mirifique – sans parler de la fermeture des voies sur berge qui rend la circulation dans Paris chaotique tous les matins ! Tout est dans tout, c’est aussi simple que cela ! Notre attractivité dépend essentiellement de notre capacité à remettre de l’ordre dans nos propres affaires.
Madame Samann, je suis juriste moi-même, et je peux vous le dire : il faut écouter les juristes jusqu’à dix heures, et à dix heures et une minute, « les passer par la fenêtre ». Ne sombrons pas dans un juridisme excessif ; passons outre, et nous trouverons des solutions.
Monsieur Coq, j’ai négocié l’entrée des Britanniques dans Airbus. Ce n’est pas un accord international, mais un mémorandum d’entente, c’est-à-dire un texte politique. Il n’est pas passé au Parlement. Ils avaient signé un traité pour le Concorde, et quand Mme Thatcher a voulu le dénoncer, le Foreign Office a craint que le Royaume-Uni ne soit condamné par un tribunal arbitral à payer de lourdes indemnités. Depuis, les British ne signent plus de traités, mais seulement des mémorandums d’entente ! Le meilleur exemple, c’est sans doute l’Acte final de la conférence d’Helsinki.
Quoi qu’il en soit, tout cela n’entre pas dans le système communautaire. Il n’y a aucun souci à se faire : c’est business as usual ! Ne nous prenons pas la tête sur des points qui ne sont pas essentiels.
Monsieur Todorov, s’agissant de l’électricité, il en ira sans doute de même : nous continuerons, j’en suis persuadé, d’échanger de l’électricité.
Monsieur Carré, je reconnais que les pêcheurs font face à de vraies difficultés. Rappelons tout de même que la reine d’Angleterre est duchesse de Normandie, donc vassale du roi de France : faisons appel au droit féodal !
M. Pierre Lequiller. Vraiment ?
M. Jacques Myard. Je mets un peu d’humour dans notre débat, monsieur l’intégriste européen !
Plus sérieusement, les Britanniques font toujours partie de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). S’ils font du dumping comme vous le décrivez – car employer des Syriens en les payant 500 dollars quand nous payons 4 500 euros, c’est scandaleux –, nous pouvons porter plainte devant l’OMC.
Enfin, il y aurait, me dit-on, un projet de loi britannique en cours de discussion sur le statut des personnes. Nous arriverons sur ce point à une réciprocité : les Britanniques veulent un statut pour leurs ressortissants installés en Europe. Nul ne veut la guerre.
M. Pierre Lequiller. Je vais tenir, cela n’étonnera personne, des propos un peu différents.
Madame Samman, sur de nombreux points, je ne suis pas d’accord avec vous. Mme Theresa May n’est pas Présidente de la République française ! Elle est Premier ministre d’un Gouvernement très divisé, qu’elle a du mal à diriger, et qui est responsable devant un Parlement très gêné. Les positions britanniques peuvent évoluer. Le ministre chargé du Brexit nous l’a dit : les Britanniques eux-mêmes ne savent pas exactement où ils vont. Il y a 350 textes à renégocier. Ne parlons donc pas des positions de Mme May comme si elles étaient claires et immuables.
S’agissant du passeport financier européen, j’espère bien que les Britanniques vont le perdre !
En ce qui concerne Nissan, il n’y a pas eu d’accord public, mais un entretien en tête-à-tête entre Mme May et M. Ghosn. Nous ne savons pas ce qui s’y est dit.
Monsieur Delisle, vous avez raison : en tant que conseiller régional d’Île-de-France que je suis aussi, j’estime également que ce que nous avons fait – notamment le guichet unique – est très bien. Mais le problème de fond, c’est que notre fiscalité et notre code du travail minent notre attractivité : j’espère que notre prochain gouvernement saura mener les réformes qui s’imposent.
Monsieur Coq, ce qui est terrible en effet pour les acteurs économiques, c’est l’incertitude, et surtout l’incertitude qui se prolonge. C’est pourquoi je me demande, monsieur le président Bartolone, si nous ne pourrions pas inciter l’Europe à anticiper la mise en œuvre de l’article 50. Nous allons perdre beaucoup de temps, car les Britanniques ont dit qu’ils notifieraient leur volonté de quitter l’Union au mois de mars, mais rien n’est encore fait. Pendant ce temps, nous attendons, alors que nous devrions travailler d’arrache-pied.
Monsieur Todorov, est-il possible de travailler avec les Britanniques hors du cadre d’Euratom ?
M. Christophe Caresche. Nous avons entendu ce matin deux approches contradictoires. La première consiste à plaider pour un renforcement de l’attractivité de notre pays, afin de profiter de futures délocalisations et de reports d’investissements, et donc pour une position ferme dans la négociation. La seconde met l’accent sur les conséquences inquiétantes d’un Brexit dur pour certains secteurs de l’économie, en soulignant que le Royaume-Uni représente le plus important excédent bilatéral de notre commerce extérieur.
Il faut chercher à articuler ces deux points de vue.
Selon vous, comment perçoit-on au Royaume-Uni la position française, plutôt ferme, notamment par rapport à celle de l’Allemagne – qui commence toutefois à évoluer, comme l’ont montré les récents propos de Wolfgang Schäuble ? À Londres, certains de nos interlocuteurs ont qualifié de « punitive » la position française.
M. Michel Guilbaud. Nous ne sommes ni trop positifs, ni trop négatifs, monsieur Myard. Nous souhaitons préserver nos liens économiques avec le Royaume-Uni ; nous souhaitons aussi protéger nos propres intérêts et ne pas être les dindons de la farce. Et la complexité du problème est bien réelle : toutes les réglementations sont remises en cause. Il y aura bien des diables cachés dans bien des détails.
Nous insistons donc sur le processus de la négociation. Nous avons toujours demandé que ces négociations commencent au plus vite. Nous demandons également que la Commission européenne et les négociateurs nous permettent de connaître à l’avance l’agenda, chapitre par chapitre, et les priorités. Les États membres et les parlements doivent être consultés au fur et à mesure : il serait périlleux d’accorder un blanc-seing aux négociateurs.
S’agissant de la compétitivité, je comprends le propos de M. Myard sur la monnaie. Mais l’attractivité et la compétitivité doivent être évaluées de façon globale. Bien sûr, une dévaluation a des effets à court terme, mais elle renchérit également les importations ; l’économie britannique en souffrira. En revanche, la zone euro est une zone de stabilité. Nous en connaissons les faiblesses structurelles, révélées par la crise.
M. Jacques Myard. Et ce n’est pas fini !
M. Michel Guilbaud. Nous demandons une convergence beaucoup plus forte, et une véritable gouvernance de la zone euro. Mais le temps des dévaluations compétitives qui a précédé l’euro est heureusement fini : ponctuellement, cela pouvait être intéressant, mais cela ne nous a pas permis de tirer notre épingle du jeu.
Nous raisonnons donc globalement. À l’échelle européenne, l’accès au marché intérieur est essentiel – une entreprise implantée au Royaume-Uni aura sans doute moins facilement accès à ce grand marché qu’une entreprise implantée sur le territoire de l’Union européenne. S’agissant de la compétitivité, nous devons travailler sur le financement, sur l’énergie, sur la convergence fiscale… Cela a été dit.
À l’échelle française, les acteurs français ou étrangers qui cherchent à s’implanter en Europe jugent sévèrement la rigidité de notre droit du travail, ainsi que l’insécurité juridique qu’il provoque, bien plus que notre fiscalité. C’est vraiment le premier message, même pour des emplois qualifiés. Ils redoutent également l’instabilité chronique de notre réglementation. La lourdeur des charges fiscales et sociales – les plus élevées de l’OCDE – vient en troisième. Hors même le cas particulier du Brexit, des réformes sont évidemment nécessaires pour reconstruire notre attractivité. Enfin, il faut mentionner la question de la sécurité des personnes, en raison du contexte international sur lequel je ne reviens pas. Nous devons plus que jamais travailler sur ces problèmes spécifiquement français.
Monsieur Caresche, s’agissant de la perception de la position française, il y a peut-être une question de style : nous avons été vus comme un peu plus matamores que d’autres. Mais la position allemande, je n’en doute pas, sera très dure : les enjeux financiers et réglementaires pour l’Union européenne leur tiennent énormément à cœur. Sans opposer les grands États que sont la France et l’Allemagne à d’autres plus petits, on peut supposer que d’autres États membres, notamment en Europe centrale, seront plus sensibles à des arguments bilatéraux, et moins attachés à la nécessité de consolider le marché intérieur et de conserver le sens du projet européen.
M. le président Claude Bartolone. La position des États d’Europe centrale peut aussi évoluer, notamment du fait des inquiétudes vis-à-vis de l’Alliance atlantique. Le moins que l’on puisse dire est que nous vivons une période intéressante !
M. David Hubert Delisle. Je reviendrai très rapidement sur la notion d’attractivité, en relevant d’abord que les trois pays leaders en Europe pour l’attraction des investissements étrangers sont, sans surprise, les trois plus grandes économies : le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France. Les écarts entre elles sont assez resserrés, puisque le Royaume-Uni accueille entre 1 400 et 1 500 projets par an, l’Allemagne entre 1 200 et 1 250 et la France entre 1 000 et 1 100.
S’il s’agissait seulement de la fiscalité et du droit du travail, tels qu’ils sont perçus de l’étranger et tels que les entreprises étrangères ont pu en faire l’expérience, nous ne connaîtrions pas les scores que je viens d’évoquer. Cela montre bien que les décisions des entreprises ne reposent pas que sur ces critères.
Nos atouts reconnus sont ceux du marché, des talents que l’on peut embaucher en France et de la productivité des collaborateurs, des infrastructures qui peuvent servir de base pour exporter non seulement en Europe, mais aussi vers la zone africaine et le Moyen-Orient, l’empreinte carbone, le coût de l’énergie, le coût de l’immobilier, la qualité de l’administration et l’e-administration. Voilà l’ensemble des facteurs qui permettent à une entreprise de prendre une décision.
Bien entendu, les sources d’information d’une entreprise étrangère ne sont pas forcément puisées dans une expérience vécue. Ce qu’une entreprise étrangère non encore implantée en France peut lire dans le Financial Times au sujet de notre pays n’est pas à son avantage, mais nous devons passer de la perception à l’explication de la réalité vécue par les entreprises.
Tous les jours, des mesures sont prises pour améliorer notre attractivité sur le long terme. Car une entreprise développe ses plans d’investissements et leur évaluation de rentabilité sur un horizon de cinq à dix ans.
Bien entendu, l’instabilité ou l’incertitude de notre droit social constituent certes des handicaps. Mais elles peuvent être levées par un travail sur l’attractivité. Nous avons pour rôle de montrer les vrais chiffres, en nous appuyant sur les bilans annuels de l’attractivité en Europe. Ils placent la France à son rang, très proche du Royaume-Uni et de l’Allemagne.
Il faut relever que la France est leader sur au moins deux secteurs en Europe. C’est d’abord le cas en matière d’investissements productifs. Ainsi le baromètre EY nous place en tête en la matière depuis plusieurs années. Tout cela peut sembler… confusing. Mais cela est dû à la base très large d’investissements industriels qu’offre notre pays, alors que le Royaume-Uni a une vocation plus spécifiquement pétrolière et financière et que l’Allemagne s’appuie davantage sur des capitaux locaux.
Il en va de même en matière de recherche et développement, grâce au crédit d’impôt recherche (CIR), mesure que l’on nous envie. Rien n’est cependant jamais gagné de manière pérenne en ce domaine.
La France investit aussi beaucoup à l’étranger. Il existe ainsi plus de 30 000 investisseurs français à l’étranger ; plus de 22 000 investisseurs étrangers sont inversement présents en France. Tout cela n’est pas un jeu à somme nulle, puisque plus de deux millions et demi de salariés en France travaillent dans une entreprise contrôlée par des investisseurs étrangers. Nous pourrions aussi évoquer la part des investisseurs étrangers dans les entreprises cotées en bourse à Paris.
La France s’affirme ainsi comme un pays ouvert, dont l’attractivité est reconnue. Au-delà de notre rang naturel si l’on considère la taille du produit intérieur brut (PIB), nous sommes bien placés dans les classements internationaux, eu égard à des atouts structurels que nous devons continuer à cultiver, notamment les infrastructures, leur accessibilité, et leurs coûts d’utilisation, et à des atouts en termes de productivité des talents – par exemple l’école française de mathématiques, pour la recherche et développement.
Pour conclure, plus que le coût du travail, le droit social et l’instabilité fiscale sont perçus à l’étranger comme des éléments négatifs pour l’attractivité française. Mais les décisions des entreprises se prennent sur une base beaucoup plus large que ces critères, et sur une durée beaucoup plus longue. Cela explique nos scores plus que tout à fait honorables en matière d’implantations étrangères. Je rappelle que la France accueille plus de 1 000 projets d’investissements étrangers par an, soit plus de treize par semaine.
Mme Thaima Samman. Il ne me semble pas que nous soyons tous tellement en désaccord. Et l’idée de me faire jeter par la fenêtre à dix heures me fait moyennement plaisir…
Plus sérieusement, s’agissant des procédures et des règles institutionnelles, le Royaume-Uni a la capacité de déclencher l’article 50, ce qui donne le top départ des négociations. Mais, ensuite, il perd le pouvoir, puisque l’on rentre dans les discussions, qui doivent être impérativement terminées dans les vingt-quatre mois. S’il n’y a pas d’accord à l’issue de cette période, le Royaume-Uni sort automatiquement de l’Union européenne, n’est plus partie à aucun des traités européens et perd son accès au marché unique.
M. Pierre Lequiller. C’est à voir. Entre les textes et la pratique, l’on observe parfois un écart.
M. le président Claude Bartolone. Non, c’est l’application des textes.
Mme Thaima Samman. En tout cas, le déclenchement de la procédure fait peser une épée de Damoclès au-dessus des Britanniques. Ces négociations seront conduites en effet par la Commission européenne et par le Conseil, mais le Parlement européen disposera d’un droit de veto sur leur résultat. Or c’est la plus pro-européenne des institutions. En cas d’exercice de ce droit de veto, la négociation se poursuivra secteur par secteur, comme cela se fait avec le Canada et les États-Unis. Avec ces pays, les traités prennent des années à être négociés, car les problématiques des différents secteurs s’entremêlent. Ces négociations séparées sont en effet dans un rapport de dépendance réciproque pour leur conclusion. Même avec le Canada, l’on peine à finaliser l’accord.
Néanmoins, les Britanniques ont intérêt à déclencher l’article 50, s’ils veulent en finir avant les prochaines élections. En outre, ce peuple de commerçants s’accommode mal de l’incertitude. Mme Theresa May se retrouve ainsi coincée. Elle fait ce qu’elle peut. Mais, n’ayant pas été élue pour être Premier ministre, elle ne dispose que d’une marge de manœuvre étroite.
Dans son discours d’octobre, elle a pris une position ferme sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Mais elle est contrainte par le droit, puisque la haute cour de justice anglaise lui a imposé de repasser par le parlement. Elle se heurte à des blocages de tous côtés. Puisque les règles constitutionnelles anglaises le permettent, il ne faut pas exclure qu’elle convoque des élections à tout moment, ce qui réglerait la question en trois semaines, grâce à un nouveau mandat plus clair.
Dans aucun des pays d’Europe, les dirigeants politiques n’ont de position homogène sur le Brexit. En Allemagne, la chancelière Angela Merkel et son ministre des finances Wolfgang Schäuble divergent. Des contradictions existent entre les intérêts des différents secteurs de l’économie, de même que des divergences se font jour entre Länder, selon que l’on y redoute plus la concurrence britannique, ou la perte des débouchés vers le Royaume-Uni.
De fait, la France est revenue en première ligne des puissances qui comptent dans les négociations européennes et mondiales. Sa position est devenue tout à coup extrêmement importante. Car ce ne sont plus trois, mais deux pays qui exercent désormais une forte influence à l’intérieur de l’Union européenne. Avec le départ du Royaume-Uni, la quote-part française dans la négociation va automatiquement remonter. La position française influera donc beaucoup sur la suite des discussions.
J’ai perçu beaucoup de rumeurs, d’incompréhension, et je voudrais dissiper quelques malentendus. Non, la nomination de Michel Barnier comme négociateur de la Commission n’est pas une agression envers le Royaume-Uni. Il a d’abord été choisi parce qu’il est populaire au sein du Parlement européen, qui détient un droit de veto sur l’issue de la négociation et joue ainsi un rôle important ; les deux autres négociateurs désignés par les deux autres institutions sont d’ailleurs eux aussi de fins connaisseurs du Parlement européen. Ensuite, Michel Barnier n’est pas si impopulaire auprès de la City ; lorsqu’il a fallu prendre des mesures à la suite de la crise financière de 2008, il n’est pas forcément allé contre les intérêts de cette dernière. Il serait faux de dire qu’il n’a pas su s’y gagner le respect. Même s’il sait être assez ferme, sa désignation n’est donc pas une provocation à l’endroit du Royaume-Uni.
Par ailleurs, je n’ai pas dit tout à l’heure que le passeport financier européen serait donné aux Britanniques, ni que Nissan aurait accès à l’union douanière. Mais les bruits les plus contradictoires circulent. Il est au contraire peu probable aujourd’hui, contrairement à ce que l’on pouvait penser il y a trois semaines encore, que la City conserve le passeport financier. Si les Britanniques veulent le garder, ils devront céder sur la question de la libre circulation. Or il s’agit précisément de l’un des éléments à la racine du vote populaire au référendum. Point dur des négociations, la question devient ainsi plus politique que strictement économique. Je n’ai certainement pas dit que Nissan aurait accès à l’union douanière. Personne n’en sait rien.
En revanche, j’ai été frappée par le nombre de lettres d’information, de communications et de notes qui ont véhiculé l’idée que le maintien de Nissan en Grande-Bretagne apportait la preuve que le Royaume-Uni resterait dans l’union douanière. Ce n’est pas exact. À l’heure où les négociations n’ont même pas encore commencé, personne ne saurait rien dire de tel. L’accord avec Nissan porte certainement sur autre chose que sur ce point.
Nous ne nous plaçons pas devant le mur des lamentations. Voyons au contraire dans le Brexit une opportunité sur l’attractivité plutôt qu’une menace. Confrontés, dans mon activité professionnelle, à des entreprises étrangères qui s’interrogent sur le Brexit, je me rends compte que la France est clairement envisagée comme l’un des marchés offrant une alternative au Royaume-Uni. Ce dernier s’était construit depuis vingt ans comme la place avancée des entreprises du monde entier pour pénétrer le Marché unique, dans tous les secteurs et pour toutes les tailles d’entreprise.
Ainsi, dans mon secteur, qui est aussi celui des start-up du numérique, les entreprises installaient d’abord un bureau au Royaume-Uni, avant de traverser la Manche et de pénétrer le marché européen sous passeport britannique, comme structures anglaises. Le Royaume-Uni a également fondé sa richesse là-dessus. Mais s’ils n’ont plus accès au Marché unique, l’édifice s’effondre. Il y aura donc une répartition différente des entreprises étrangères.
Comme alternative, l’Irlande a l’avantage de la langue, du monde numérique, d’une imposition basse. Ils sont au moins aussi bons que les Anglais dans les négociations commerciales. En s’y installant, les entreprises qui quittent Londres restent ainsi dans leur zone de confort. Mais la petite taille du pays fait qu’il ne pourra pas accueillir tout le monde. Quant à l’Allemagne, elle est tellement l’endroit naturel où l’on a envie d’aller, qu’elle ne fait pas campagne. Son organisation en Länder ne serait d’ailleurs peut-être pas la plus favorable pour cela. L’appréciation varie certes selon les secteurs. L’industrie financière regarde vers Francfort. Mais, entre Francfort et Paris, les cadres supérieurs considèrent qu’il est plus fun d’habiter dans la seconde. C’est quand même mieux de vivre à Paris, ou dans d’autres métropoles françaises, elles aussi attractives. S’ajoute l’avantage des infrastructures et du niveau d’éducation. C’est très clair.
Cela étant, la France est incompréhensible dans le monde anglo-saxon, qui s’est construit au cours des vingt ou trente dernières années. S’agissant du droit du travail, mon cabinet a pourtant expliqué à maintes reprises qu’un licenciement coûte moins cher en France qu’en Allemagne, qu’il peut se négocier… Les entreprises étrangères craignent en effet de ne pouvoir embaucher facilement, puisqu’il serait si difficile ensuite de licencier. Chiffres à l’appui, nous montrons que c’est pourtant assez simple, que cela se négocie et que cela revient moins cher qu’en Allemagne.
La manière dont nous nous adressons au monde ne correspond pas aux codes anglo-saxons qui y prévalent aujourd’hui. Hors la question de la compétitivité des coûts, si voulons nous rendre plus attractifs, il faut d’abord que nous devenions plus compréhensibles.
M. Philippe Coq. L’on ne se lamente pas du tout non plus. Nous ne nourrissons pas de craintes, mais définissons seulement quelques points de vigilance, parce que nous voudrions anticiper autant que faire se peut.
Je vous remercie, monsieur Myard, pour votre mise au point juridique. Pour être précis, il s’agissait en 1967 d’un protocole d’accord.
M. Jacques Myard. Il faut parler non d’un protocole d’accord, mais d’un mémorandum d’entente. La doctrine a été arrêtée à la direction des affaires juridiques du Quai d’Orsay.
M. Philippe Coq. La position du Royaume-Uni ne fut, en effet, pas tout à fait linéaire, dans les années qui ont suivi, avant que nous n’arrivions à la position stabilisée que nous connaissons aujourd’hui depuis quelques décennies.
Madame Guigou, je crois que, comme industriels, nous nous adapterons par la force des choses au cadre nouveau, quel qu’il soit, car nous n’avons pas le choix. Mais nous ne savons pas encore sur quelle base prévoir. Au Royaume-Uni, nous nous efforçons d’expliquer les enjeux qui sont les nôtres, dans l’espoir qu’ils seront pris en compte, mais sans nous élever au-dessus de notre condition d’industriels et tout en étant bien conscients de ce que nous ne représentons qu’un secteur dans un débat beaucoup plus large.
Au vu des négociations précédentes, il est clair, monsieur Caresche, que le Royaume-Uni va se préparer sérieusement, définir des buts de guerre et les poursuivre selon un plan de marche qui ne sera jamais une ligne droite. Il conduira une analyse tactique des points faibles de toutes les parties, y compris des siens. Nous nous préparons donc à des moments intéressants.
M. Pierre Todorov. S’agissant de l’analyse ou de l’interprétation de la position du Royaume-Uni relativement au marché de l’énergie et à sa régulation, il nous est bien sûr difficile de parler à sa place. Des contacts avec les Britanniques, nous avons retiré l’impression d’une forme d’incertitude sur les sujets techniques et pratiques. En ce qui concerne Euratom, à notre connaissance, leur religion n’est pas faite, leur analyse n’a pas été poussée à fond. La question de savoir s’ils peuvent ou doivent quitter Euratom reste donc une question ouverte.
Plus généralement, s’agissant du maintien de leur participation aux discussions sur la politique énergétique, nous observons là aussi des signaux contradictoires. Un député britannique du Parlement européen, M. Duncan, rapporteur sur les échanges de quotas d’émission, a envoyé au gouvernement britannique le message selon lequel il serait bon que la question de l’énergie et du climat ne fasse pas partie des négociations sur le Brexit.
En sens inverse, comme le permet le cadre institutionnel, le gouvernement britannique a souvent été précurseur. Ainsi, il a pris des mesures nationales et unilatérales sur le prix du carbone et sur le marché de capacités. Il n’est donc pas impossible que le Royaume-Uni veuille ou ait intérêt à développer sa politique énergétique de manière plus indépendante.
En ce qui concerne l’impact sur notre projet de long terme de Hinkley Point C, sa construction doit de toute manière durer dix ans, avant que ne commence la période d’exploitation, longue de soixante ans. Nous nous plaçons donc dans un temps qui est très long. À ce stade, il n’y aucune raison de remettre en cause ni l’estimation des coûts ni celle des délais. Certes, nous restons vigilants sur les éventuelles futures barrières, tarifaires ou non – c’est-à-dire pouvant aussi impacter la circulation des personnes. Mais, à ce stade, ni l’équation économique ni le calendrier du projet ne sont remis en cause.
Dans le cas d’une sortie du Royaume-Uni d’Euratom, il existe des mécanismes alternatifs. Des accords bilatéraux ont ainsi déjà été passés avec des pays tiers. Après la catastrophe de Fukushima, la Suisse a ainsi participé, sur la base d’une déclaration volontaire, à des discussions avec Euratom, et même davantage, dans le cadre d’un accord spécifique de coopération bilatéral.
M. Hubert Carré. Si l’on négocie mal le Brexit, nous allons pleurer. Nous pouvons ainsi nous placer devant le mur des lamentations, sans tomber pourtant dans les jérémiades.
S’agissant de la pêche, nous ne voulons pas d’un Brexit à la découpe. Nos présidents et vice-présidents l’ont dit au Président de la République au cours d’un entretien avec lui il y a un mois et demi. Le message avait été bien perçu.
Mais nous nous inquiétons, car nous n’avons pas le sentiment que l’administration française se mette en ordre de marche pour anticiper ce que seront ces négociations qui vont, à mon sens, être difficiles.
Il ne faut pourtant pas attendre que messieurs les Anglais tirent les premiers en déclenchant l’article 50. Je partage le sentiment déjà exprimé sur le risque de négociations bilatérales entre certains États membres et le Royaume-Uni sur la pêche. Selon certains échos, les Espagnols et les Néerlandais chercheraient à obtenir des conditions similaires à l’accord passé entre l’Union européenne et la Norvège. Dans la politique commune de la pêche, les négociations avec des États tiers sont pourtant de la compétence exclusive de la Commission européenne. Cela pose donc problème.
Signant le déclin de la pêche au Royaume-Uni, la guerre de la morue avec l’Islande a laissé outre-Manche des traces de ressentiment très importantes, car les Britanniques perdirent cette négociation internationale. Après cette expérience, il est certain qu’ils ne lâcheront pas en ce qui concerne la pêche.
M. Michel Guilbaud. Puis-je faire une dernière observation ?
M. le président Claude Bartolone. Le MEDEF aura donc le dernier mot dans cette table ronde. Vous pourrez le rapporter à M. Gattaz !
M. Michel Guilbaud. Ce n’était certes pas mon intention. Compte tenu de l’importance du sujet, nous avons demandé au Gouvernement de mettre en place un haut comité de concertation entre le monde économique et les pouvoirs publics sur le suivi de ce dossier. Il s’agit en effet d’avoir une vision partagée et de conduire une action commune en faveur de l’attractivité de la France, non seulement pour les services financiers, mais pour l’ensemble des secteurs économiques.
Je voulais le redire, car, si le sujet suscite un vrai intérêt, il y a en même temps d’autres actualités. Nous savons que l’administration se met en ordre de bataille. Mais il ne faudrait pas qu’elle le fasse en vase clos, ce serait dommage.
M. le président Claude Bartolone. Vous avez raison. Dans le même temps, il faut qu’il y ait non seulement une position française, mais une position européenne.
Je partage tout à fait l’opinion de M. Carré sur l’inopportunité d’un Brexit à la découpe. Je ne voudrais pas que l’axe franco-allemand se trouve affaibli, ni que les pays d’Europe centrale puissent nourrir certaines dérives. Certains d’entre eux seraient prêts à penser qu’il ne serait pas plus mal que l’Europe s’occupe moins des réfugiés.
À Londres, à l’occasion de notre déplacement, nous n’avons pas non plus trouvé de position claire et affirmée, hormis quelques généralités. Certes, à la City, l’on a agité la perspective de se tourner vers New York ou Hong Kong. Mais il m’a semblé que cela visait plutôt à nous intimider.
S’agissant de la libre circulation, le peuple se serait exprimé : c’était invoqué comme argument pour ne pas céder sur cette exigence. Avec toute la sympathie que je porte au ministre chargé du Brexit, je dois dire que nous ne sommes pas sortis de notre entretien avec beaucoup de précisions sur ce qui serait leur base de négociations. Ils sont aujourd’hui beaucoup plus préoccupés par le nombre de fonctionnaires extrêmement important qu’ils ont à embaucher et à former, mais aussi à coordonner.
Le seul point sur lequel j’ai ressenti qu’existe une position commune, notamment au cours de notre rencontre avec mon homologue, c’est le fait que les parlementaires ne bloqueront pas la procédure, même s’ils soutenaient à 75 % le maintien du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne. En dehors de cette certitude, il y a beaucoup d’approximation.
Quant à nous, nous allons tout faire pour que notre rapport soit adopté à l’unanimité. Nous voulons déterminer le point de vue de l’Assemblée nationale. Il faut définir le point de vue de la France, et celui-ci doit être compatible avec celui de nos amis allemands. De Londres, je reviens en effet avec le sentiment qu’on y aimerait que le couple franco-allemand se défasse sur la question du Brexit. Aux Allemands, les Britanniques diront que la position française est extrêmement dure… Quand ils nous rencontreront, ils trouveront ensuite un autre bouc émissaire pour essayer de distendre la position européenne. Ils ont compris en effet que, plus la position européenne sera unie et solide, plus ils auront de difficultés.
J’ai été très intéressé par vos interventions et par vos réponses. Elles montrent qu’il convient d’éviter la caricature du pays, et d’avoir une idée précise de ce que doivent être la voix et l’action de la France pour affronter cette période de grande incertitude.
Je vous remercie d’être venus jusqu’à nous.
La table ronde s’achève à douze heures dix.
——fpfp——
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Claude Bartolone, M. Christophe Caresche, Mme Élisabeth Guigou, M. Pierre Lellouche, M. Pierre Lequiller, M. Jacques Myard.
Excusés. - Mme Nicole Ameline, M. Guillaume Bachelay, Mme Karine Daniel, M. Éric Elkouby, Mme Valérie Fourneyron, M. Joël Giraud, M. Christophe Premat, M. Rudy Salles.