Accueil > Mission d'information sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi > > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Mission d’information sur le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi

Mercredi 23 juillet 2014

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 16

Présidence de M. Olivier Carré, Président

–  Audition, ouverte à la presse, sous la forme d’une table ronde, réunissant Mme Marie Dubois, déléguée générale de l’Union nationale des services publics industriels et commerciaux (UNSPIC) ; M. Jean-Claude Boncorps, administrateur, MM. Franck Geretzhuber, secrétaire général, et Pascal Vermersch, responsable fiscalité, du groupe Auchan ; M. Philippe Wahl, président-directeur général du groupe La Poste et Mme Joëlle Bonnefon, déléguée aux relations parlementaires ; et M. Hervé Pichon, délégué relations institutionnelles du groupe PSA Peugeot Citroën

M. le président Olivier Carré. Notre mission reçoit aujourd’hui des représentants de grands groupes – Auchan, La Poste et PSA – et de l’Union nationale des services publics industriels et commerciaux (UNSPIC).

Mme Marie Dubois, déléguée générale de l’Union nationale des services publics industriels et commerciaux (UNSPIC). Pour l’essentiel, les adhérents de l’Union nationale des services publics industriels et commerciaux (UNSPIC) sont des fédérations de professionnels qui ont en commun d’être des acteurs la gestion déléguée de services publics, notamment pour les autoroutes, la restauration collective, les réseaux de chaleur, l’eau et les activités de dépollution et de traitement des déchets. Les entreprises œuvrant dans ce secteur sont liées à leurs clients publics par des marchés publics et des délégations de service public (DSP), au moyen de contrats pluriannuels. Ceux-ci prévoient, pour déterminer la nature et le prix de la prestation, des formules de révision intégrant les « indices du coût horaire du travail révisé – Tous salariés » (ICHTrev-TS) publiés trimestriellement par l’INSEE, qui reflètent le coût du travail – masse salariale et charges – et font régulièrement varier le prix de la prestation.

Nos adhérents se trouvent aujourd’hui dans une situation paradoxale où ils voient se dégrader leur chiffre d’affaires, car l’INSEE a considéré que le CICE était une subvention et qu’à ce titre, ses effets devaient être comptabilisés dans les indices que je viens d’évoquer, ce qui se traduit automatiquement par une baisse de prix.

M. Jean-Claude Boncorps, administrateur de l’Union nationale des services publics industriels et commerciaux (UNSPIC). La Fédération des services énergie environnement (FEDENE), que je préside, est l’un des adhérents de l’UNSPIC. Ses activités portent sur les réseaux de chaleur et l’exploitation des installations thermiques et, plus généralement, énergétiques – de la chaudière individuelle aux grandes installations industrielles et aux usines d’incinération. Elle regroupe 500 entreprises et 70 000 personnes, pour un chiffre d’affaires de 11 milliards d’euros en France et d’un même montant à l’international. Ces entreprises sont aussi bien des très petites entreprises de dix salariés que des groupes leaders mondiaux dans nos professions de services énergie-environnement.

Le mécanisme qui vient d’être décrit s’applique pleinement à notre profession, qui recourt souvent à des contrats privés, mais utilise les mêmes indices de l’INSEE. Les contrats que souscrivent nos adhérents sont d’une durée d’au moins trois ans – le plus souvent entre 5 et 10 ans, et de 20 à 25 ans pour les délégations de service public – et leur chiffre d’affaires est directement impacté lorsque l’indice de l’INSEE se traduit par un coup de rabot sur l’évolution des prix sans que les charges évoluent en conséquence.

Une PME de notre fédération a ainsi évalué à 385 000 euros la baisse de chiffre d’affaires induite pour l’année 2013 par la modification de l’indice de l’INSEE, pour un crédit d’impôt de 330 000 euros, soit une perte nette de 54 000 euros. Cette perte devrait être encore supérieure pour 2014, car l’INSEE a lissé l’effet du CICE sur 18 mois et le plein effet de cette mesure ne se fera sentir qu’à la fin de l’année.

M. Yves Blein, rapporteur. Sur quel chiffre d’affaires s’impute la baisse que vous évoquez ?

M. Jean-Claude Boncorps. Ce cas nous a été rapporté par un avocat qui traite des données anonymes fournies par nos adhérents, de telle sorte que j’ignore de quelle entreprise il s’agit. Je m’informerai et vous transmettrai le chiffre, qui sous toutes réserves, doit se situer entre 40 et 50 millions d’euros.

M. Éric Alauzet. Le crédit d’impôt se traduit-il bien par une baisse de la tarification pour les usagers ?

M. Jean-Claude Boncorps. Le client, qui peut être aussi bien l’État qu’une collectivité locale, un organisme HLM, une entreprise privée ou une copropriété, bénéficie d’une baisse du prix de la prestation de service, qui varie selon que les contrats intègrent plus ou moins l’indice des salaires. La structure de rémunération varie également selon les entreprises, qui emploient par exemple des techniciens plus ou moins qualifiés.

M. Éric Alauzet. Le ministre, à qui nous demandions dans l’hémicycle quelles seraient les répercussions sur ces services du passage de 7 % à 10 % du taux de la TVA, répondait qu’elle serait compensée par les effets du CICE.

M. Jean-Claude Boncorps. Les contrats signés bien avant que n’apparaisse l’idée même du CICE font référence à ces indices, qui ont pour effet automatique une baisse liée à celui-ci. Depuis un an et demi, nous avons interrogé les ministres et sommes parvenus à faire évoluer un peu les choses : l’INSEE a publié un indice hors CICE, mais en précisant toutefois qu’il était purement indicatif et ne devait pas être utilisé pour la révision des prix fixés par les contrats.

M. le président Olivier Carré. J’imagine que, depuis deux ans, diverses autres cotisations, comme les cotisations retraite, ont augmenté – c’est-à-dire qu’à salaire constant, le coût du travail a progressé. Ces progressions ont été répercutées dans l’indice du coût du travail, entraînant une revalorisation des prix facturés aux clients – ou la nécessité pour les prestataires d’absorber cette hausse. Ce que le Gouvernement présente, sur le plan formel, comme un crédit d’impôt est pris en compte par l’INSEE comme une baisse du coût du travail. Le mécanisme opère dans les deux sens.

Mme Marie Dubois. Dans le droit fil de la loi qui l’a institué, ce crédit d’impôt a pour objet de restaurer la compétitivité des entreprises qui sont libres de choisir l’un des huit objets fixés par la loi pour l’utiliser. Le paradoxe de la situation est que, du fait de la décision de l’INSEE, cette affectation n’est plus libre car la baisse du chiffre d’affaires contrebalance l’avantage issu du CICE, se traduisant même parfois par une perte nette.

M. le président Olivier Carré. La loi n’a jamais interdit de diminuer le prix payé à ses clients. Par ailleurs, ce dispositif peut faire partie des éléments qui améliorent la compétitivité du service, a fortiori dans le cadre d’une délégation de service public où, pour la durée du contrat, l’aspect compétitif est assez relatif, la pression concurrentielle se faisant sentir lors du renouvellement de la concession ou de la délégation de service public plutôt qu’au quotidien. Il est du reste très probable que les prestataires ajusteraient alors à la baisse le niveau de la prestation pour se conformer à un état de marge antérieur. Dans la période de latence qui nous sépare de l’expiration de la délégation, vous souhaiteriez que le concessionnaire conserve sa marge, alors que le crédit d’impôt devrait être répercuté dans l’évolution du prix.

M. Jean-Claude Boncorps. Les termes fixes figurant dans les contrats de délégation de service public contraignent déjà les entreprises à des efforts de productivité pour conserver un même niveau de rémunération.

M. Éric Alauzet. Le CICE est en revanche un avantage de compétitivité par rapport au service public, qui n’en bénéficie pas.

M. Jean-Claude Boncorps. Nous sommes rarement en concurrence avec le service public.

M. le président Olivier Carré. C’est tout de même un élément de décision.

M. Philippe Wahl, président-directeur général du groupe La Poste. Il a tant été question, récemment, de La Poste qu’il nous a semblé souhaitable d’expliquer les raisons pour lesquelles nous sommes et nous resterons, si le Parlement décide de maintenir le dispositif en l’état, le premier bénéficiaire du CICE en France.

Pour contester le fait que La Poste, société anonyme qui réalise 22 milliards d’euros de chiffre d’affaires, bénéficie du CICE, on a objecté qu’elle jouissait d’un monopole et qu’elle n’était pas en concurrence, ce qui n’est pas vrai.

Le dernier monopole postal qui existait, celui de la distribution du courrier six jours sur sept sur la totalité du territoire, a été supprimé le 1er janvier 2011. Juridiquement, la poste n’est plus un monopole. J’en veux pour preuve que, pour l’acheminement des colis, domaine dans lequel nous sommes le premier acteur en France et le deuxième en Europe, notre premier client est Amazon, entreprise qui sait notoirement négocier les prix et les marges de ses fournisseurs.

Par ailleurs, nous n’échappons pas à la concurrence. En effet, si nous sommes le seul opérateur de courrier, c’est parce qu’aucun autre acteur économique n’est venu sur ce marché très peu rentable : établir un service concurrent à celui de La Poste dans les conditions économiques du service public est impossible, car économiquement désastreux. Nous ne sommes donc pas protégés et, si le chiffre d’affaires du courrier diminue de 6 % par an, ce n’est pas le fait d’un concurrent, mais d’autres éléments – je pense notamment à la concurrence massive du SMS, de l’e-mail et du téléphone.

Enfin, depuis 2013, comme le savent les parlementaires, le service universel du courrier ne finance plus la partie « accessibilité au service » du service postal universel qui est désormais en perte. Nous ne sommes pas une entreprise protégée par un monopole ou par l’absence de concurrence et pouvons donc bénéficier du CICE.

Employant 267 000 personnes, dont 244 000 France, nous sommes le premier employeur de ce pays et 82 % de notre personnel, soit 200 000 personnes, est concerné par les seuils du CICE. La Poste est donc massivement une entreprise de main-d’œuvre, avec des salariés modestes, ce qui la place au premier rang des bénéficiaires du CICE.

Par ailleurs, nous sommes confrontés à un problème de compétitivité, c’est-à-dire de survie économique de notre entreprise, du fait d’un modèle économique qui est en train de disparaître, en France comme dans les autres pays. Le CICE, dont les parlementaires ont voulu qu’il permette à des entreprises, petites ou grandes, de se transformer pour continuer à servir notre pays en termes de chiffre d’affaires et d’emplois, est une bonne mesure, très utile au premier employeur de France et qui participe de toute évidence à la transformation d’un modèle économique qui n’est plus viable.

De fait, en 2013, le CICE nous a procuré plus de 300 millions d’euros et compte pour la moitié du résultat net de notre groupe – légèrement supérieur à 600 millions d’euros –, soit autant que notre résultat d’exploitation industrielle et bancaire.

M. le président Olivier Carré. Quelle est la part du résultat bancaire sur les 300 millions d’euros restants ?

M. Philippe Wahl. Environ 55 %

M. le président Olivier Carré. Alors que les 300 millions d’euros restant sont calculés en fonction du personnel des activités postales.

M. Philippe Wahl. Mais également de celui des services bancaires, car toutes les plateformes d’appel sont situées en métropole et servies par des postiers. Les 26 centres financiers de La Poste – les anciens centres de chèques postaux – sont en France et il n’a jamais été question de les délocaliser. Certes, 13 000 personnes seulement y travaillent aujourd’hui, contre 25 000 voilà dix ans, du fait notamment de la substitution technologique, mais la compétitivité de ces emplois dans les centres d’appel est également soutenue par le CICE.

La Poste bénéficie donc du CICE parce qu’elle est en train de transformer entièrement son modèle économique et que le CICE l’aide à gérer cette transition.

Nous investissons près de 900 millions par an. Or, parmi les critères fixés par la loi au CICE figurent l’investissement, la recherche et l’innovation – ce matin même, le Concours mondial d’innovation lancé par le Gouvernement avec Mme Anne Lauvergeon a attribué à La Poste un prix pour l’innovation majeure que constitue le service à domicile connecté avec un robot pour les personnes âgées. Nous innovons massivement dans l’innovation économique, technologique ou sociale. Nous sommes également confrontés, pour les trois années à venir, à une baisse considérable de notre résultat d’exploitation, que le CICE vient compenser tout en nous permettant de construire un nouveau modèle d’affaires.

Nous continuons par ailleurs à créer des emplois, même si nous supprimons des postes en chiffres nets – il y a moins de postiers aujourd’hui qu’il n’y en avait voilà un an, et plus qu’il n’y en aura dans un an. De fait, la baisse de 6 % par an du cœur de notre chiffre d’affaires de 11 milliards d’euros ne nous permet pas de maintenir la force de travail installée. Du reste, la réduction annuelle de cette dernière reste inférieure à celle du chiffre d’affaires, alors même que nous sommes une entreprise de main-d’œuvre. Si nous ne supprimions pas de postes, la situation serait beaucoup plus compliquée. Comme je l’ai dit devant les commissions des affaires économiques de l’Assemblée nationale et du Sénat, nous tiendrons l’engagement que nous avons pris en 2012 de créer 15 000 emplois sur les années 2012, 2013 et 2014.

L’apport du CICE s’accompagne d’un investissement massif dans la formation : nous avons porté de 50 % en 2012 à plus de 80 % cette année la proportion de postiers ayant bénéficié d’une formation, et devrions atteindre 100 % dans les deux prochaines années. La transformation totale de la structure de l’emploi et des métiers suppose en effet la formation des postiers, car c’est avec les postiers aujourd’hui que nous ferons La Poste de demain.

Nous développons massivement de nouveaux services fournis par les acteurs, ainsi que de nouveaux services bancaires. Nous avons ainsi décidé de lancer dès 2020 le financement des PME et il nous faut cinq années pour adapter la structure de la banque à cette mission entièrement nouvelle, qui créera plus de 1 000 emplois.

Enfin, les facteurs seront parmi les acteurs principaux de la transition énergétique, que vous avez également inscrite au nombre des justifications du CICE. Lors de la présentation de notre plan stratégique, le 28 janvier dernier, j’ai annoncé, à la surprise générale, qu’outre les quatre missions de service public que vous nous confiez et que nous continuerons bien évidemment d’assurer, nous aurions à inventer trois nouvelles missions d’intérêt public – auxquelles nous n’avons pas voulu donner le nom de services publics, afin d’éviter les querelles bruxelloises liées aux services d'intérêt économique général (SIEG).

Les facteurs seront ainsi chargés de déterminer les logements susceptibles de faire l’objet d’une rénovation thermique ou d’une installation domotique. De fait, alors que l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) a réalisé l’année dernière 37 000 opérations de rénovation immobilière, il en faudrait trois à quatre fois plus. Comme nous l’a déclaré sa directrice générale, si cette agence dispose des financements et des compétences nécessaires, elle ne sait pas identifier concrètement les personnes qui, dans les territoires, pourraient faire appel à son aide. Or, c’est précisément ce que pourraient faire les facteurs qui, au cours de leur tournée quotidienne, passent devant 22 millions de boîtes aux lettres et toquent à plus de 6 millions de portes. Si nous entrons dans la logique d’une alliance avec EDF, GDF Suez, Saint-Gobain, l’ANAH et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), les facteurs peuvent être un acteur de la transition énergétique en permettant à l’aide publique d’arriver à bon port.

Le CICE en tant qu’instrument de défense de la compétitivité sera donc un facteur majeur de la transformation du business model de La Poste, car il est utilisé tous les jours et sa contribution est considérable : 300 millions d’euros en 2013, davantage cette année et plus encore en 2015, lorsqu’il sera complété par la baisse des cotisations famille

M. le président Olivier Carré. En quoi cela vous donne-t-il un avantage par rapport à TNT et d’autres groupes internationaux susceptibles, compte tenu des règles concurrentielles européennes, d’investir le champ français ?

M. Philippe Wahl. Le CICE nous donne un avantage très net sur le marché du colis face à TNT et DHL, car il nous permet de nous rattraper.

M. le président Olivier Carré. Des éléments d’information en ce sens pourraient nous éclairer dans la rédaction de notre rapport.

M. Philippe Wahl. J’ajoute qu’un quart de notre chiffre d’affaires est réalisé à l’international.

M. le président Olivier Carré. Avec très peu d’emplois en France.

M. Philippe Wahl. Nous employons 25 000 personnes pour notre activité colis en Europe, où nous sommes le deuxième acteur après DHL – et où nous devrions être le premier d’ici cinq ans. Comme je l’explique aux organisations syndicales, qui ont parfois été défavorables à notre expansion à l’international, les salariés français bénéficient d’un effet réseau, qui génère de 10 % à 15 % des colis traités par nos plates-formes. C’est l’avantage de disposer du deuxième collecteur de colis après les Allemands. Lorsque nous serons premiers en Europe, l’activité issue de l’effet réseau représentera 20 % du chiffre de nos plates-formes de colis. On retrouve donc là, dans la compétition européenne, un autre effet de la compétitivité qui fait de nous le premier bénéficiaire du CICE.

Le CICE, je le répète, est bien au cœur de notre problématique stratégique, car il finance la transformation du business model de La Poste dans les cinq ans à venir.

M. Franck Geretzhuber, secrétaire général du groupe Auchan. Auchan n’est pas le premier bénéficiaire du CICE, mais il a fait l’objet d’au moins autant de commentaires. Nous nous réjouissons donc de pouvoir répondre aux interrogations, voire à certaines critiques, parfois légitimes. En outre, il est normal et utile que le législateur vérifie que l’usage qui est fait de l’argent public atteint les objectifs de la loi.

La concomitance de l’annonce du plan de modernisation de l’entreprise, voici quelques mois, et des débats sur le CICE n’a pas été très heureuse, car elle a donné lieu à des critiques, sur lesquelles je ne reviendrai pas. Avant d’indiquer dans les grandes lignes comment nous utiliserons les 68 millions d’euros que nous percevrons au titre de l’année 2 du CICE, je rappellerai comment nous avons employé les 44 millions d’euros que nous avons perçus au titre de l’année 1.

Auchan, né voilà 50 ans à Roubaix, emploie aujourd’hui 302 500 salariés dans 15 pays et dans cinq métiers – hypermarchés, supermarchés, immobilier commercial, banque et secteur de l’e-commerce et « drives ». En France la branche des hypermarchés, qui représente le deuxième groupe de distribution intégrée, emploie 57 600 collaborateurs répartis dans 119 magasins.

Dans le monde de la distribution, Auchan est une entreprise quelque peu atypique. Tout d’abord, alors que d’autres enseignes privilégient de plus petits formats, nous avons voulu privilégier l’hypermarché de grande taille, qui nous permet de tenir notre promesse commerciale d’être l’enseigne du choix. Afin de proposer une offre diversifiée, nous avons besoin d’un nombre suffisant de fournisseurs et de partenaires commerciaux, principalement des PME françaises. Avec 31 % de notre chiffre d’affaires alimentaire réalisé par celles-ci et 36 % de nos linéaires occupés par leurs produits, nous sommes le premier partenaire commercial des PME agroalimentaires françaises.

Nous sommes également l’un des pionniers de l’actionnariat salarié en France. Auchan France compte en effet aujourd’hui 90 % de salariés actionnaires et les 105 000 salariés actionnaires d’Auchan à travers le monde détiennent 10 % du capital du groupe.

Nous sommes aussi l’un des leaders en France du partage des résultats, grâce à un dispositif d’intéressement et de participation dérogatoire voté avec les partenaires sociaux, qui nous permet de distribuer 70 % de plus que le montant légal. En 2013, l’entreprise a ainsi distribué 143 millions d’euros à ses collaborateurs en France en intéressement et participation, soit un tiers de notre résultat courant avant impôts. Contrairement à ce que l’on pourrait craindre ou penser, le partage des résultats ne nous empêche pas de développer une rémunération juste : hors intéressement et participation, un employé de libre-service travaillant à temps complet chez Auchan et ayant deux ans d’ancienneté est payé 1 659 euros par mois, soit 15 % de plus que le SMIC.

En 2013, nous avons recruté 5 327 personnes en contrat à durée indéterminée (CDI), dont 67,3 % sont des jeunes de moins de 25 ans. Sur les cinq dernières années, l’institut Xerfi nous a classés au quatrième rang sur 500 entreprises créatrices nettes d’emploi. Ces recrutements de jeunes se font pour 80 % sans exigence de diplôme ni d’expérience professionnelle. Nous contribuons ainsi à l’insertion professionnelle des jeunes et à la réinsertion professionnelle de personnes éloignées de l’emploi.

À considérer ces éléments, on pourrait penser que tout va bien et se demander pourquoi faire bénéficier Auchan du CICE. Cependant, entre 2010 et 2013, Auchan France a dû s’acquitter, en cumulé, de 200 millions d’euros supplémentaires en taxes et impôts divers. Depuis 2010, nous nous acquittons ainsi chaque année de 250 millions d’euros de taxes et d’impôts, hors impôt sur les sociétés, pour un résultat net de 148 millions d’euros. Avec l’impôt sur les sociétés, le taux de pression fiscale est de 76,6 % par rapport au résultat courant avant impôts. Le CICE ramène ce ratio à 67,3 %.

Pour éviter tout malentendu, je précise que le taux effectif global d’impôt sur les sociétés qui s’applique en France au groupe Auchan est de 38 %, et non pas de 8 % ou 15 %, comme on l’entend parfois dire.

Nous n’estimons donc pas que le CICE soit un cadeau. Est-il, pour autant, vraiment utile pour un groupe de distribution en France ?

Comme vous le savez, la grande distribution doit faire face à de profondes mutations. D’une part, la baisse du pouvoir d’achat, qui a été, selon l’INSEE, de 0,7 % en 2011, de 1,8 % en 2012 et de 0,9 % en 2013, pèse sur les volumes des ventes et tire les prix vers le bas, accentuant la déflation et intensifiant la guerre des prix. Au-delà de cet élément de conjoncture, nous devons nous adapter au changement des comportements de consommation, qui provoque notamment la migration de tout un ensemble de marchés non alimentaires vers le commerce en ligne. Cette nécessité s’impose d’autant plus à nous qui sommes l’enseigne qui réalise la plus grande part de son chiffre d’affaires dans la vente de produits non alimentaires. Ceux-ci – produits d’équipements, bazar, textile, etc. – représentant 33 % de notre chiffre d’affaires. Nous devons donc, non seulement réduire nos coûts d’exploitation, mais également investir dans de nouvelles formes de distribution, comme le drive ou le commerce en ligne, renouveler totalement notre offre de produits – en développant par exemple notre offre de produits « bio » ou d’objets connectés – ou encore créer de nouveaux métiers en magasin, l’objectif étant de mieux servir nos clients et de coller au plus près de la demande locale.

Cette nécessité nous a conduits à annoncer en janvier un plan de modernisation de l’entreprise, que nous avons soumis aux partenaires sociaux. Sa mise en œuvre se traduira par la suppression en solde de trois cents postes sur la période 2014-2016.

Nous avons déjà commencé à adapter nos métiers via la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences engagée depuis 2002. Sur les 8 349 salariés concernés par cette gestion prévisionnelle des emplois, seuls vingt ont été licenciés, les autres personnels ayant été réorientés vers de nouveaux métiers au sein de l’entreprise. Ainsi, nous avons ouvert en 2013 dix drive employant chacun trente personnes, soit trois cents emplois nouveaux.

Le CICE a contribué à cette modernisation puisque, sur les quarante-quatre millions d’euros que nous avons touchés en année n + 1, nous en avons consacré vingt-deux au recrutement, à l’innovation et à l’investissement. Sept millions d’euros ont permis de recruter 197 collaborateurs en CDI – c’est le solde net de création d’emplois au-delà de la compensation du turn-over – ; huit millions d’euros ont été consacrés à la mise en place d’une direction de l’innovation ou investis dans la prospection de nouveaux marchés, comme celui de l’impression en 3 D. Sept millions d’euros ont été dépensés dans la réduction de l’impact écologique de notre activité : nous avons par exemple équipé trois de nos magasins en éclairage 100 % LED afin de réduire notre consommation d’énergie.

Dix-sept millions d’euros ont été affectés au partage des résultats d’exploitation, à travers l’amélioration de la prime de progrès et de la partie dérogatoire de la participation, ce qui nous a permis d’augmenter la rémunération de nos collaborateurs de deux cents euros. Enfin cinq millions ont été consacrés à la reconstitution de notre fonds de roulement, qui nous permettra d’investir dans l’avenir.

En ce qui concerne l’affectation des soixante-huit millions d’euros prévus pour 2014, les arbitrages définitifs n’ont pas encore été rendus, mais nous devrions consacrer quarante-deux millions d’euros au recrutement, à l’innovation et à l’investissement. Nous comptons par exemple équiper nos magasins de bornes de recharge rapide pour les véhicules électriques ou d’investir de nouveaux marchés tels ceux de la Silver Economy. Nous allons également poursuivre nos investissements dans les nouveaux parcours de course dits cross canal, par exemple en mettant en place dans les magasins des espaces de retrait des produits achetés en ligne. Les vingt-six millions d’euros restants devraient être consacrés à l’amélioration du partage des résultats via l’intéressement et la participation.

Je conclurai en rappelant qu’en tant qu’entreprise de main-d’œuvre – 70 % de nos frais sont des frais de personnels, qu’il s’agisse de la rémunération, de la formation, etc. – nous avons prouvé qu’il n’était pas besoin d’un SMIC au rabais pour recruter des jeunes sans qualification. En revanche, quand des parlementaires envisagent de supprimer certaines exonérations de charges sociales, cela ne nous aide pas à assurer cette mission de recrutement, de formation et de professionnalisation des jeunes en France.

M. Hervé Pichon, délégué aux relations institutionnelles du groupe PSA Peugeot Citroën. Je voudrais d’abord rappeler que PSA a, contre vents et marées, maintenu en France l’essentiel de son empreinte industrielle. Au 31 décembre 2013, le groupe PSA Peugeot Citroën comptait 193 682 salariés, dont 83 930 en France, 62 664 en Europe et 48 088 dans le reste du monde. Aujourd’hui le secteur automobile – soit l’ensemble des entreprises liées à la production automobile – représente un emploi sur dix en France. Avec ses cinq usines terminales et ses onze usines de mécanique et bruts, PSA-Peugeot Citroën est le premier employeur dans sept régions françaises.

Le défi auquel le groupe est confronté aujourd’hui est celui de l’invention d’un modèle économique qui lui permette de maintenir cette empreinte industrielle. Or il est clair que le prix de revient de fabrication est un élément essentiel de la compétitivité sur les marchés européens. Sachant que les coûts salariaux représentent à peu près un quart du coût de revient, abaisser le prix de revient de fabrication de chaque véhicule en sortie de ligne dans une usine française suppose d’agir sur le coût du travail. Aujourd’hui le différentiel de prix de revient de fabrication d’une voiture produite à Poissy et d’un véhicule sortant d’une usine slovaque est de l’ordre de sept cents euros. Cela vous explique pourquoi les industriels français de l’automobile, et au premier chef le président du directoire du groupe PSA-Peugeot Citroën, cherchent en permanence à abaisser le prix de revient de la fabrication.

On ne peut nier que le CICE est tout à fait positif de ce point de vue puisqu’il permet d’agir dans le sens d’une diminution du prix de revient de nos voitures qui sont fabriquées en France, renforçant ainsi la compétitivité de leur prix sortie usine. Pour l’année 2013, le groupe a perçu au titre du CICE 64,4 millions d’euros, pour une masse salariale chargée en France de 3,600 milliards d’euros. Ces 64,4 millions d’euros sont affectés à l’amélioration de notre compétitivité, soit par la diminution du prix de revient de fabrication lui-même, soit par la réduction des frais de recherche & développement ou la diminution des frais généraux.

Cependant, même si la mise en place de ce dispositif traduit une prise de conscience salutaire de l’importance du coût du travail pour le modèle économique de l’industrie française, on est loin du choc de compétitivité que requiert la compétition mondiale et européenne dans le domaine de l’industrie automobile. En effet, la diminution du coût horaire de fabrication induite par le CICE est de l’ordre de soixante centimes d’euros par heure, alors que le coût horaire du travail dans le secteur automobile est de l’ordre de trente-six euros en France, contre trente-quatre euros en Allemagne, vingt à vingt-deux euros en Espagne, vingt et un en Grande-Bretagne, dix en Slovaquie ou au Portugal, cinq en Roumanie ou en Turquie et qu’il est inférieur à trois euros au Maroc. Une telle disparité est un élément capital du business model de l’industrie automobile européenne, et la question centrale pour qui veut définir un modèle économique qui nous permette de maintenir notre empreinte industrielle en France. Certes une diminution de cinquante euros du prix de revient de fabrication d’une voiture, ce n’est pas négligeable. Mais on est bien loin des six cents ou sept cents euros de réduction que nous devrons, dans les années qui viennent, aller chercher, jour après jour, par tous les moyens possibles – innovation, amélioration des process industriels, etc.

M. Éric Alauzet. Monsieur Geretzhuber, certains salariés de votre entreprise ont-ils souffert en conséquence d’une baisse de leurs revenus quand la franchise d’impôt sur les heures supplémentaires a été supprimée ? Le CICE permet-il de compenser cette perte, totalement ou en partie, ou concerne-t-il d’autres salariés ?

Vous nous avez indiqué les actions que le CICE vous a permis de financer : cela signifie-t-il que sans le CICE vous ne les auriez pas engagés ?

Vous évoquez, monsieur Pichon, une diminution de cinquante euros du prix de revient par véhicule. Or, votre masse salariale étant de 3,6 milliards d’euros, les 64,4 millions d’euros touchés au titre du CICE en représentent 2 %. Sur une voiture de 10 000 euros, cela devrait se traduire par une diminution de deux cents euros, et non de cinquante.

M. Hervé Pichon. À ceci près que le modèle économique susceptible d’assurer un avenir à l’industrie automobile française ne permettra plus de produire ces modèles d’entrée de gamme, c’est-à-dire à faible valeur ajoutée. Seule une très forte montée en gamme de la production automobile française permettra de maintenir notre empreinte industrielle.

M. Éric Alauzet. Vous bénéficierez en outre d’une baisse des cotisations sociales.

M. Hervé Pichon. Bien sûr, monsieur le député, mais l’accroissement depuis quelques années des charges qui pèsent sur le groupe PSA Peugeot Citroën réduira d’autant ce que nous pouvons espérer au titre du CICE et des allégements de cotisations annoncés par M. Valls.

M. Franck Geretzhuber. Nos salariés effectuant assez peu d’heures supplémentaires, même si je n’ai pas de chiffres précis en tête, l’amélioration de l’intéressement représente donc plutôt un bonus net.

Quant aux actions que le CICE nous a permis de financer, nous les aurions probablement engagées de toute façon, mais plus tardivement.

Mme Annie Genevard. Il me semble que la grande distribution est la première responsable de la guerre des prix, dont la distribution de proximité et les producteurs de nos territoires sont les premières victimes. C’est donc à la grande distribution de prendre ses responsabilités dans ce domaine en cessant de contribuer aux difficultés des producteurs de nos territoires.

Monsieur Pichon, il est clair qu’en matière de coût horaire, notre pays ne peut pas soutenir la comparaison avec des pays comme l’Espagne ou l’Angleterre, ni a fortiori avec la Turquie ou la Roumanie. En revanche le différentiel avec l’Allemagne est faible, alors que leur industrie automobile est plus compétitive que la nôtre. Le coût horaire n’est donc pas la seule explication de notre moindre compétitivité.

M. Hervé Pichon. Le modèle économique de l’industrie automobile allemande s’est concentré autour de la production de voitures à forte valeur ajoutée, les voitures du « segment B », c’est-à-dire d’entrée et de moyenne gamme étant, à quelques exceptions près, produites essentiellement hors d’Allemagne, sur le pourtour européen, où les conditions de l’exploitation de l’outil industriel ne sont pas les mêmes.

Deuxièmement, l’Allemagne bénéficie de ce que nous appelons l’« hinterland » allemand, un arrière-pays constitué des anciens pays de l’Europe de l’est voisins de l’Allemagne, où le coût du travail et d’autres paramètres industriels font que le modèle économique n’est pas le même. C’est un des éléments de la compétitivité allemande, même s’il y en a beaucoup d’autres, comme la recherche, l’innovation, etc. Reste que, sans négliger la contribution du CICE à l’amélioration de notre compétitivité, le vrai problème, c’est que nous sommes, dans le paysage de l’industrie automobile européenne, en compétition avec des constructeurs qui ont localisé leur production à la périphérie de l’Europe, où ils bénéficient d’avantages compétitifs absolument écrasants.

M. Franck Geretzhuber. S’agissant de la guerre des prix, les pratiques des acteurs de la grande distribution sont suffisamment hétérogènes pour m’interdire de parler pour tous : je ne parlerai donc que pour Auchan.

Très honnêtement je ne suis pas certain que les distributeurs soient les premiers instigateurs de la guerre des prix. Ma conviction est plutôt que le premier responsable des prix bas, c’est le consommateur. Il y a trois mois, nous avons augmenté de 6 % le prix de vente du poulet entier de marque Label Rouge : dans la semaine qui a suivi, les volumes de nos ventes ont baissé de 15 %. De la même façon, une augmentation d’environ 12,5 % du prix de vente des moules s’est traduite par une baisse de 25 % de nos ventes par rapport à la même époque de l’année précédente.

Quand nos hypermarchés sont exposés dans leur zone de chalandise à la concurrence d’un Aldi ou un Lidl, nous n’avons pas d’autre choix que d’aligner le prix du kilo de tomate sur celui de nos concurrents, et de ce point de vue on peut dire que nous entretenons la guerre des prix. En revanche, la surface de nos magasins et l’étendue de nos linéaires nous permettent de proposer au consommateur toute la gamme de prix d’un même produit prix variés. Ainsi nous proposons aussi bien de la tomate bon marché en provenance de Hollande ou du Maroc que des tomates françaises au prix plus élevé.

Il serait donc simpliste de désigner un seul coupable dans la guerre des prix. On ne peut pas nier en outre l’effet de la déflation globale des coûts des matières premières. En tout état de cause, cette guerre continuera au moins jusqu’à ce que l’un des distributeurs fasse de la fin de la concurrence par les prix un élément central de sa communication. Je crains cependant que ses rayons ne soient immédiatement désertés par les consommateurs.

M. le président Olivier Carré. Les distributeurs peuvent aussi faire de la pédagogie, par exemple en indiquant sur les étiquettes les éléments qui contribuent à la formation des prix : c’est le choix fait par un de vos concurrents,

M. le rapporteur. Pourriez-vous nous indiquer, monsieur Pichon, la part des salaires concernés par le CICE, c’est-à-dire inférieurs à 2,5 SMIC, dans la structure salariale de votre entreprise ? Si vous avez recours aux intérimaires, avez-vous le sentiment que les entreprises d’intérim répercutent la baisse du coût de main-d’œuvre induite par la perception du CICE ? Exigez-vous de vos fournisseurs que leurs prix soient réduits à due concurrence du montant perçu au titre du CICE ? Avez-vous consulté les partenaires sociaux quant à l’affectation du CICE ?

Par ailleurs, quel type de baisse de charges aurait votre préférence, entre la baisse des charges sociales, l’allégement de la fiscalité, ou d’autres modalités ?

M. Pascal Vermersch, responsable fiscalité du groupe Auchan. Nous apprécions vivement que le Gouvernement ait fait le choix du crédit d’impôt. Si le législateur devait finalement privilégier la voie de la réduction des charges sociales, il devrait veiller à ce que l’impact financier après prélèvement de l’impôt sur les sociétés soit le même. Cela suppose un taux de réduction de 6 %

La question peut être envisagée également sous l’angle de la trésorerie. Alors que l’effet d’une réduction des charges sociales est instantané en termes de trésorerie, il y a un décalage entre le versement du salaire et la perception du CICE par l’entreprise puisqu’il s’impute sur l’IS. Si l’entreprise se porte bien, il n’y a pas de problème de préfinancement. En revanche, les entreprises déficitaires supportent un coût de financement du CICE.

M. Philippe Wahl. Les intérimaires représentent 1,2 % des effectifs salariés de La Poste. Cela correspond à 3 000 salariés à temps plein, sous cette réserve que, par définition, les intérimaires n’assurent pas de temps plein. Enfin entre 6 et 7 % de nos salariés travaillent en CDD, ce qui est très faible pour une activité aussi fluctuante que la nôtre.

Pour répondre à votre question, nous n’avons pas noté dans la période récente une réduction du coût du personnel intérimaire.

M. le président Olivier Carré. Comptez-vous négocier ce point avec vos fournisseurs de travail temporaire ?

M. Philippe Wahl. Nous pratiquons une politique d’achat responsable, qu’il s’agisse des matières premières, des investissements ou de la main-d’œuvre. En tant que grande entreprise publique, nous cherchons notamment à favoriser les PME, et non pas à exercer systématiquement une pression à la réduction de leurs marges.

Les partenaires sociaux sont informés de ce que nous avons touché au titre du CICE et de son affectation à l’amélioration de la compétitivité, de l’investissement et de la formation. Ils ont très clairement vu dans la formation, comme dans nos engagements en termes de création d’emplois, une contrepartie du CICE et celle-ci sera très clairement une mesure de l’impact du CICE pour un groupe comme le nôtre.

M. Franck Geretzhuber. Le comité central d’entreprise a été informé, le 25 mars dernier, des éléments relatifs à l’affectation des quarante-quatre millions d’euros touchés au titre du CICE que je viens de vous délivrer et ceux-ci n’ont pas fait l’objet de contestation.

L’accord de participation dérogatoire étant négocié chaque année au sein de notre entreprise, la partie de cette somme affectée à la participation relève du champ de la négociation paritaire.

S’agissant de nos fournisseurs, nous avons en effet été alertés par Stéphane Le Foll lui-même du fait que certains acheteurs exigeaient une ristourne de CICE. L’audit interne que nous avons diligenté en conséquence ne nous a pas permis de trouver quoi que ce soit de tel. Ceci étant dit, ce n’est pas parce qu’on ne trouve rien qu’il n’y a rien. C’est la raison pour laquelle nous avons multiplié les contrôles inopinés auprès des acheteurs afin d’éviter que de telles pratiques n’apparaissent.

M. Philippe Kemel. Alors que nous pensions, peut-être naïvement, que l’instauration du CICE permettrait de préserver l’emploi, vous avez, monsieur Geretzhuber, évoqué la suppression de trois cents emplois. Intégrez-vous l’impact du CICE sur votre compte d’exploitation quand vous prévoyez ces suppressions d’emplois ?

M. Franck Geretzhuber. Le plan de modernisation de notre entreprise est le fruit d’une réflexion et d’une concertation avec les partenaires sociaux engagées bien avant la création du CICE. Il traduit la nécessité d’adapter nos métiers et l’organisation managériale de nos magasins aux évolutions du commerce. C’est cette nécessité d’adaptation qui nous conduit à supprimer huit cents postes de cadres dans nos magasins. Il s’agit essentiellement de chefs de secteurs, qui ont plusieurs chefs de rayons sous leur responsabilité. Parallèlement, au cours de la même période 2014-2016, nous comptons créer cinq cents postes supplémentaires d’employés libre-service, ceux qui œuvrent au plus près du terrain et des clients. Il ne s’agit donc pas de trois cents licenciements, mais du solde entre suppression et création d’emplois. En outre des emplois seront créés dans de nouveaux métiers, comme les drive.

M. Philippe Kemel. La mise en œuvre de ce plan se traduira bien par une réduction d’emplois ?

M. Franck Geretzhuber. À cette heure, je ne peux pas vous dire ce que sera l’effectif d’Auchan France dans deux ans. Nous avons des projets de développement de nouvelles activités telles que les drive – en France uniquement – ou d’ouverture de nouveaux magasins. Si l’activité est conforme à nos prévisions, il n’y a donc pas de raison qu’il y ait moins d’emplois.

M. Hervé Pichon. S’agissant, monsieur le rapporteur, de la structure salariale, vous devez savoir que pour 91 % de nos effectifs en France, les salaires sont inférieurs à 3,5 SMIC. Il nous est apparu clairement que le CICE souffre d’un problème de ciblage : il n’est pas certain que le dispositif soit à la hauteur des enjeux auxquels sont confrontées les entreprises à forte valeur ajoutée.

M. le rapporteur. Alors qu’une des finalités du CICE est d’améliorer la compétitivité des entreprises qui exportent, les salariés de celles-ci sont souvent très qualifiés, avec des niveaux de salaire plus élevés que la moyenne.

M. Hervé Pichon. Vous avez tout à fait raison, d’autant que nous devons impérativement augmenter la part de nos ventes hors d’Europe dans les prochaines années.

M. le rapporteur. Le marché européen repart.

M. Hervé Pichon. Nous restons très loin de ce qu’il était en 2009.

M. Franck Geretzhuber. Je voudrais préciser un dernier point en réponse à votre question, monsieur Kemel. Les huit cents postes de cadres dont la suppression est prévue par le plan de modernisation ne sont pas éligibles au CICE puisqu’ils sont rémunérés à un niveau supérieur à 2,5 SMIC. En revanche, le CICE nous sera utile pour créer les postes d’employés prévus par le plan, qui eux sont éligibles au dispositif.