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Mission d’information sur les coûts de production en France

Jeudi 29 novembre 2012

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 14

Présidence de M. Laurent Furst Vice-Président

– Audition, ouverte à la presse, de MM. Olivier Duha, Christian Poyau, ancien président de Croissance Plus, Antoine Colboc, coprésident de la Commission Création & Financement de CroissancePlus, François Bergerault, coprésident de la Commission Croissance Responsable de CroissancePlus.

La mission d’information a entendu M. Olivier Duha, président de CroissancePlus, et cofondateur de Webhelp accompagné de M. Christian Poyau, ancien président CroissancePlus et cofondateur de Micropole, de M. Antoine Colboc, coprésident de la Commission Création & Financement de CroissancePlus et senior advisor chez Omnes Capital, et de M. François Bergerault, coprésident de la Commission Croissance Responsable de CroissancePlus et directeur général de L’Atelier des Chefs.

M. Laurent Furst, président. Nous accueillons M. Olivier Duha, qui va nous présenter CroissancePlus et les personnalités appartenant à l’organisation qu’il préside et qui l’accompagnent pour cette audition

Monsieur Duha, comment l’association que vous présidez se positionne-t-elle par rapport aux autres organisations patronales ? Quelle est votre perception de la situation économique de notre pays et des problèmes de compétitivité qu’il rencontre ? Comment accueillez-vous les annonces gouvernementales qui ont été faites à la suite du rapport Gallois ? Quelles sont les mesures que vous souhaiteriez voir inscrites en conséquence dans les textes ? Quelles sont celles que vous ne voudriez surtout pas y voir figurer ?

M. Olivier Duha, président de CroissancePlus. L’association CroissancePlus, née il y a une quinzaine d’années, regroupe 400 entrepreneurs de croissance. Pour en être membre, il faut avoir créé son entreprise et mis en œuvre des outils d’actionnariat salarié afin de partager les fruits de la croissance avec ses collaborateurs.

CroissancePlus est une organisation apolitique qui ne défend qu’une seule cause : la compétitivité de l’environnement réglementaire et le développement des entreprises. Le cadre dans lequel nous évoluons doit nous permettre de croître plus rapidement. Créer une entreprise est une tâche difficile ; les règles fiscales, sociales et juridiques sont un facteur exogène dont l’influence est forte sur notre activité. Notre combat vise à favoriser la naissance et le développement des entreprises.

En 2000, j’ai fondé Webhelp, société de services et de conseils en relation client qui emploie aujourd’hui 10 000 personnes, dont 7 000 à l’étranger.

M. Christian Poyau, président de la fondation Croissance Responsable. Il y a vingt ans, mon associé et moi avons créé Micropole, entreprise très présente dans le domaine du e-commerce – nous nous occupons par exemple du site du Club Med. Au départ, nous avons investi 50 000 francs ; nous employons aujourd’hui 1 300 personnes et réalisons plus de 120 millions d’euros de chiffre d’affaires dont le quart provient de notre activité internationale. La société est cotée sur le marché boursier depuis 2000.

Président de CroissancePlus de 2001 à 2004, je dirige la fondation « Croissance Responsable » dont l’objet est d’organiser des stages dans les entreprises pour les enseignants.

M. Antoine Colboc, membre de CroissancePlus. J’ai créé, il y a douze ans, un fonds d’investissement en capital-risque, longtemps adossé au Crédit lyonnais puis au Crédit agricole et devenu récemment indépendant. Mon métier consiste à financer des entreprises innovantes et possédant un potentiel de croissance, essentiellement par le biais des fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI) dont je suis un grand partisan. Notre fonds a financé 130 entreprises dans les secteurs les plus en pointe, comme les technologies de l’information et les sciences médicales, en leur apportant 350 millions d’euros en capital, soit près de 3 millions d’euros par projet en moyenne.

Une industrie du financement de l’innovation s’est développée en France depuis dix ans grâce à des outils comme les FCPI qui ont compensé la baisse de l’engagement des banques et des assurances dans ce domaine.

C’est au titre de mon activité, essentielle pour l’expansion de nos entreprises, que j’interviens depuis sept ans chez CroissancePlus.

M. François Bergerault, membre de CroissancePlus. Il y a huit ans, j’ai constitué avec mon frère L’Atelier des Chefs qui dispense des cours de cuisine. Alors que l’on nous conseillait de débuter à l’étranger, nous voulions situer le point de départ de cette aventure en France.

Le chiffre d’affaires de cette société est proche de 15 millions d’euros. L’entreprise emploie 130 salariés en France, à Londres et à Dubaï, notre activité nécessitant beaucoup de main-d’œuvre. Nous souhaitons poursuivre notre développement en France et au Royaume-Uni, et nous implanter en Allemagne, en Espagne et en Italie. Pour ce faire, nous avons besoin de financement.

L’Atelier des Chefs démontre qu’il est encore possible de créer une entreprise reposant sur une idée simple.

M. Olivier Duha. L’environnement réglementaire ne favorise pas la création et le développement des entreprises. Le cabinet Ernst & Young a publié un baromètre sur les conditions dans lesquelles les entrepreneurs agissent dans les pays du G20 : la France se classe au dix-neuvième rang !

Le coût de la production dans notre pays est élevé. Les centres d’appel emploient 300 000 personnes, soit 1 % de la population active ; ce taux est de 2 % en Allemagne et au Royaume-Uni. Une heure de travail d’un opérateur coûte 28 euros en France contre 24 en Allemagne, 21 au Royaume-Uni, entre 19 et 20 euros en Espagne et moins de 15 euros au Maroc et en Tunisie.

Si le prix du travail est plus élevé en France, cela n’est pas dû au salaire net. Certes, le salaire minimum français est le plus élevé d’Europe, mais les grilles salariales allemandes reposent sur des accords de branche dont les planchers sont à peine inférieurs au SMIC. En revanche, ce dernier est indifférencié alors qu’il est progressif au Royaume-Uni – il serait d’ailleurs utile de débattre de sa modulation pour les jeunes de 17 à 24 ans qui sont très touchés par le chômage.

Les charges sociales pesant sur le travail expliquent davantage ce différentiel de coût puisqu’elles constituent la source principale du financement de la protection sociale. Néanmoins, ce poids est amoindri par les allègements Fillon qui portent sur les salaires allant jusqu’à 1,6 fois le SMIC.

Mais c’est d’abord le temps de travail qui justifie le niveau du coût de production en France. Le salaire – charges sociales comprises – correspond à 42,5 heures travaillées par semaine en Allemagne, contre 35 en France. La mise en place des 35 heures a engendré il y a quinze ans une hausse immédiate du coût du travail de 11 % dont les effets dévastateurs n’ont toujours pas été absorbés par les entreprises, notamment dans les secteurs qui nécessitent beaucoup de main-d’œuvre.

Les mesures annoncées par le Premier ministre en matière de compétitivité suscitent de notre part une appréciation mesurée. Le montant consacré à la diminution des charges pesant sur le coût du travail s’avère insuffisant et n’est pas de nature à provoquer un choc de compétitivité. Fixé à 20 milliards d’euros, il ne compensera même pas l’accroissement de 30 milliards d’euros de la pression fiscale pesant sur les entreprises mis en œuvre par les dernières lois de finances initiales et rectificatives. En outre, le calendrier prévoit que ces dispositions seront appliquées entre 2014 et 2016, ce qui n’est pas adapté à l’urgence que requiert la situation des entreprises. Enfin, le crédit d’impôt est assimilable à une niche qui contribue à l’instabilité dans laquelle évoluent les entreprises. L’environnement concurrentiel se transforme en permanence, ce qui rend indispensable la constance de la norme fiscale. Cette absence de permanence de la règle provoque de l’attentisme chez les chefs d’entreprises qui ne vont investir ou réduire leurs prix qu’en 2014, une fois ce crédit d’impôt effectivement perçu.

M. Christian Poyau. Le coût du travail, en Allemagne, une fois prise en compte la durée hebdomadaire d’activité, est 12 % à 15 % inférieur à ce qu’il est en France. Ce handicap existe aussi par rapport à d’autres pays européens.

Cela entraîne des conséquences négatives pour le financement des entreprises. Or, la clef de leur développement réside dans la faculté de drainer des capitaux. La Bourse en constituait une source, mais elle s’est tarie. En effet, les particuliers n’ont aucun intérêt à acquérir des actions de société puisque cet investissement est le plus risqué et le plus taxé. Les PME allemandes ont principalement recours à l’autofinancement ; elles peuvent se le permettre, car leur taux de rentabilité s’établit à 15 % contre 5 % en France.

Mon entreprise s’est récemment implantée en Chine – non pour réimporter en France des produits que nous y produirions, mais pour lancer notre activité sur le marché local. Nous n’avons bénéficié d’aucune aide, même si Ubifrance a organisé des rencontres avec des acteurs locaux. Par manque de capitaux, des entreprises de taille plus modeste ne peuvent développer leur activité internationale.

M. Olivier Duha. La baisse du coût du travail est une question de survie pour certaines entreprises. Beaucoup de PME et de TPE entrent dans cette catégorie, alors que, depuis vingt ans, 82 % des emplois sont créés par des sociétés de moins de 250 salariés.

La concurrence entre les industriels, qui occupent un secteur où l’innovation et la différenciation des produits sont faibles, se focalise sur le prix de vente des biens. La baisse du coût de fabrication est donc cruciale pour leur compétitivité.

Les entreprises qui peuvent se distinguer par le progrès technique ont besoin de capitaux qui dépendent de leur taux de marge. La diminution du coût de production leur permettra d’accroître leur bénéfice et d’investir dans la recherche et le développement, car le profit des entreprises est l’équivalent du pouvoir d’achat des ménages. Or, les taux de marge n’ont cessé de se dégrader depuis douze ans : à l’époque, le rapport entre la marge brute et la valeur ajoutée était de 40 % alors qu’il ne se situe plus qu’à 28 % aujourd’hui ; dans la même période, ce ratio s’est maintenu à 40 % en Allemagne.

M. François Bergerault. Lorsqu’un Atelier des Chefs est ouvert, le délai pour qu’il devienne rentable s’élève à un an. Le chiffre d’affaires réalisé lors des dix premiers mois de cette année se monte à 8 millions d’euros. Les salaires représentent un coût de 3 millions, les charges sociales, 1,3 million, et les impôts, 244 000 euros. À la fin du mois d’octobre, la société perdait 700 000 euros, alors qu’elle avait déjà acquitté plus de 1,5 million d’euros de prélèvements obligatoires. Bien que chaque Atelier soit rentable, cette situation fait peser un risque sur l’entreprise, qui lui coupe l’accès aux circuits de financement. Non innovante, elle ne peut, de surcroît, bénéficier du crédit d’impôt recherche.

Mon implantation au Royaume-Uni m’a permis de constater que le prélèvement global, à la fin du mois d’octobre et donc avant le paiement de l’impôt sur les sociétés, atteignait 3,5 % du chiffre d’affaires au Royaume-Uni alors qu’il dépassait les 19 % en France. Pour une entreprise qui n’est pas ultra-bénéficiaire et ne verse pas de dividendes, un tel taux représente une menace : en l’occurrence, il ne s’agit même pas d’être compétitif par rapport aux Allemands ou aux Chinois, il s’agit simplement de survivre !

M. Antoine Colboc. L’avantage comparatif de la France est de produire des biens et des services à forte valeur ajoutée qui nécessitent de l’innovation. Pour cela, il faut de l’investissement, que permettent d’abord les bénéfices, mais aussi l’endettement et l’apport de capital. Les banques cherchent actuellement à reconstituer leur bilan et ont donc tendance à restreindre les prêts aux entreprises pour leur trésorerie – le canal étant moins tari pour le financement d’acquisition de biens ou de machines. Les obligations constituent un autre vecteur de financement des entreprises, mais il est peu développé en France contrairement à l’Allemagne ; le Gouvernement doit l’encourager, l’un des enjeux résidant dans la possibilité de noter le risque pour les petites entreprises.

Les particuliers sont incités à investir dans les entreprises par le biais d’instruments comme les fonds d’investissement de proximité (FIP) ou les FCPI qui bénéficient d’avantages fiscaux. Mais les ménages placent beaucoup moins leur épargne dans de tels produits aujourd’hui. Le système financier institutionnel – constitué des banques et des assurances – a notamment pour mission de transformer des dépôts à vue liquides en une épargne longue nourrissant les entreprises. Les excès passés de ce secteur ont entraîné un renforcement de la réglementation qui réduit sa capacité d’action. Les entreprises peuvent également réinvestir leurs revenus ou participer à des fonds d’investissement. Ce sont les grandes entreprises de technologie qui contribuent principalement à ces fonds afin d’externaliser leurs dépenses de recherche et de développement. Il s’agit d’une ressource financière que nous proposons de stimuler. Quant à l’État, il ne doit pas se substituer au système financier mais il doit l’accompagner. La création de la Banque publique d’investissement (BPI) soulève un grand espoir. Mais les acteurs publics doivent susciter la participation d’autres financements privés car le système financier ne doit pas être nationalisé.

Comme vous le voyez, Mesdames et Messieurs les députés, la situation du financement de l’investissement des entreprises n’est pas des plus favorables.

M. Olivier Duha. Dans la chaîne de financement, le temps que prennent les grandes entreprises pour payer leurs sous-traitants et leurs fournisseurs est trop long. La loi fixe à soixante jours le délai de paiement. Or seul un tiers des sociétés respecte ce plafond, ce qui contribue à porter le délai moyen à soixante-douze jours. La loi le fixe à trente jours en Allemagne et deux tiers des entreprises ne dépassent pas ce seuil, si bien que le paiement intervient en moyenne au bout de trente-huit jours. En France, un jour de retard dans l’acquittement de la facture représente un manque global de 1 milliard d’euros dans les trésoreries des TPE et des PME, alors même que ce crédit interentreprises est leur première source de financement – il représente plus du double des encours bancaires mobilisés en leur faveur. Une étude conduite par la Commission européenne a montré qu’un quart des défaillances d’entreprises dans l’Union européenne était lié au non-respect des délais de paiement. Lorsqu’un simple contribuable s’acquitte de ses impôts en retard, il subit des pénalités. Lorsqu’il s’agit d’un grand groupe, rien ne se passe. L’État doit se doter d’un organe de contrôle et de sanction pour faire respecter la loi, car les entreprises n’ont pas les moyens de contraindre les mauvais payeurs à honorer leurs dettes.

M. Laurent Furst, président. Mais les grandes entreprises peuvent également connaître des difficultés financières...

M. Olivier Duha. Les sociétés du CAC 40 disposent de 140 milliards d’euros de trésorerie. La loi doit tout d’abord être appliquée ; dans un second temps, il faudra rapprocher le délai légal de paiement du seuil de trente jours.

Une autre spécificité française contrarie le potentiel de croissance de nos entreprises : le droit du travail. Les entrepreneurs ont peur d’embaucher, car cela représente un investissement difficilement réversible. Le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) est une procédure lourde, complexe et longue – entre neuf et dix-huit mois. Son coût est élevé : dans mon entreprise, il s’élève à 40 000 euros par salarié, ce qui représente huit ans et demi de contrat par employé. Vecteur de rigidité, le PSE rend difficile l’ajustement de l’emploi à la conjoncture et incite au recours à l’intérim et aux contrats à durée déterminée qui sont les seuls instruments de flexibilité – néanmoins chers puisque les CDD incluent une prime de 10 % de précarité – de notre droit du travail. C’est un cercle vicieux, car la souplesse renchérit le coût du travail, déjà trop élevé.

Cette situation affecte l’agilité de nos entreprises qui, insérées dans un contexte de concurrence internationale exacerbée, ne peuvent se développer et ne peuvent relever le défi d’une économie où ce ne sont plus « les gros qui mangent les petits » mais « les rapides qui dévorent les lents ». Or seule la croissance de l’activité peut assurer la protection de l’emploi des Français. L’inverse est faux.

M. Christian Poyau. En France, le licenciement d’un cadre coûte six à neuf mois de son salaire alors que, en Allemagne, le coût, fixe et donc connu à l’avance, est de quatre ou cinq mois. L’activité s’est contractée en 2008 et en 2009 : dans mon entreprise, nous avons dû procéder à des licenciements – ce qui n’est jamais agréable –, notamment parce que les syndicats du secteur ont refusé le chômage partiel qui n’a mis que quinze jours à être mis en place en Allemagne. Dans ce pays, les entreprises ont pu conserver leur taux de marge, leurs collaborateurs – l’État ayant compensé une partie de leur manque à gagner – et ont ainsi pu profiter immédiatement de la reprise en 2010, ce qui n’a pas été notre cas.

M. Olivier Duha. Nous devons moderniser notre droit du travail afin de rendre les entreprises plus agiles, tout en ayant le souci de protéger nos salariés. Cessons donc de penser qu’un accroissement de la flexibilité se fera à leur détriment, comme le prétendent les organisations syndicales. Dans les pays d’Europe du Nord, les chefs d’entreprise et les syndicats ne sont pas en opposition. La mise en place d’un contrat de travail unique assorti de droits progressifs et d’un barème d’indemnités de chômage tenu à jour sur le fondement de critères sociaux et d’ancienneté permettrait aux entrepreneurs de bénéficier de plus de souplesse tout en assurant la protection des salariés. Le contrat à durée déterminée et le contrat d’intérim ont désormais pris trop d’importance et une telle précarité nuit à notre société.

Lorsqu’une entreprise va bien, il relève de la responsabilité du chef d’entreprise d’assurer « l’employabilité » de ses salariés en investissant dans leur formation. Un tel investissement permet à celui-ci d’anticiper d’éventuelles difficultés nécessitant des allègements de structure et confère aux salariés formés une véritable capacité de rebond. Mais en période difficile, l’État doit aider les entreprises à être plus réactives. En France, le système fonctionne à l’envers : lorsque la situation est favorable, les collectivités apportent des aides aux entreprises pour les attirer sur leur territoire. Ces aides financières sont disproportionnées et inutiles dans la mesure où une entreprise qui embauche est en bonne santé. En revanche, lorsqu’une entreprise va mal, le système est extrêmement lourd, pénalisant et coûteux. Inversons ce système. Un chef d’entreprise ne licencie jamais par plaisir mais uniquement parce que son entreprise va mal.

Enfin, la France ne parviendra pas à retrouver l’élan de compétitivité attendu si le niveau actuel de nos dépenses publiques n’est pas ramené à celui du reste de la zone euro – dont il s’est fortement éloigné : ce niveau nous empêche de diminuer durablement la pression fiscale pesant sur le travail, les ménages et les entreprises. Lors de sa conférence de presse, le chef de l’État a rappelé que nos dépenses publiques ont augmenté en quelques années de 5 % de PIB, passant de 52 à 57 %. Pour autant, les services publics de santé, d’éducation et de défense ne sont pas meilleurs qu’auparavant. La France doit vivre et faire vivre ses fonctions régaliennes avec un niveau de dépenses comparable à celui de nos voisins : en Allemagne, il est inférieur de 8 points, c’est-à-dire de 170 milliards d’euros. Or les Allemands sont 25 millions de plus que les Français et ne sont ni moins bien soignés ni moins bien protégés. Le niveau structurel de notre dépense publique irradie toute notre économie.

M. Laurent Furst, président. Notre question portait plus précisément sur les compensations nécessaires. Par ailleurs, si l’on vous remettait les clefs du pays, quelles sont les cinq mesures que vous prendriez pour le redresser ?

M. Olivier Duha. La France, qui doit avoir l’ambition de redevenir la locomotive de l’Europe, ne pourra retrouver son rang d’autrefois sans miser sur son appareil productif. Ne comptons pas sur les ressources de nos sous-sols pour enrichir le pays mais sur la capacité de création et d’innovation des entrepreneurs. Créons un écosystème entrepreneurial grâce à un environnement réglementaire favorable. Un chef d’entreprise est un skipper de voilier : s’il ne perd jamais le cap, mieux vaut qu’il ait le vent en poupe plutôt qu’en face de lui.

Quant à l’alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail, c’est sans doute la décision la plus préjudiciable qui ait été prise au cours des six derniers mois. En France, il se crée tous les ans 300 000 entreprises (auto-entrepreneurs exclus). Dix ans plus tard, seules 300 d’entre elles auront réalisé plus de 15 millions d’euros de chiffre d’affaires tandis que les deux tiers auront complètement disparu. La création d’entreprise est donc un exercice extrêmement risqué. Si l’État ponctionne 60 % de ce que crée un entrepreneur ayant tout quitté pour monter son entreprise – si jamais il y réussit –, ou de ce que son « business angel », financeur de la première heure, l’a aidé à créer, comment voulez-vous que l’on ait envie d’investir dans ce pays ? Quel intérêt l’État a-t-il à contrarier notre potentiel entrepreneurial, sachant que, sans entrepreneur, il n’y aura pas de croissance ?

M. Christian Poyau. Je propose trois mesures.

La première : créer un contrat de travail unique, simple et précis.

La deuxième : réformer le temps de travail. De notre point de vue, les 35 heures ont constitué une erreur monumentale qui, accessoirement, coûte 15 milliards d’euros par an à l’État, celui-ci payant les entreprises pour qu’elles autorisent leurs salariés à moins travailler.

La troisième : faire en sorte que la fiscalité d’investissement soit plus attractive que la fiscalité de placement, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

M. François Bergerault. Réconcilions l’entreprise et les Français ! Chaque fois que vous vous adressez à des journalistes ou que vous parlez entre vous, quelle que soit votre sensibilité politique, je vous en prie dites que l’entreprise, c’est bien !

Nous ne sommes pas de grands patrons n’ayant pour ambition que de générer un maximum de profits ou de nous enrichir au détriment de nos salariés. Venez nous rendre visite dans nos entreprises : pas un de mes salariés ne me considère comme un affreux patron et je n’en considère aucun comme un esclave ! Nous avons besoin de créateurs d’entreprises fiers de leurs salariés et de salariés fiers de leurs entrepreneurs.

M. Laurent Furst, président. Vous parlez tous de création d’entreprise mais jamais de reprise alors qu’il s’agit d’un problème majeur au regard de l’âge moyen des dirigeants qui sont propriétaires d’entreprises.

M. Olivier Duha. Si nous n’en avons pas parlé, c’est que les entrepreneurs de CroissancePlus ayant créé leur société sont avant tout des créateurs d’entreprises encore assez jeunes. Vous avez néanmoins raison : les entrepreneurs qui souhaitent céder leur entreprise ne trouvent souvent aucun repreneur, par manque de contact ou d’information. Il conviendrait de créer le « Meetic de la reprise d’entreprise », encore inexistant actuellement.

M. Antoine Colboc. Il s’agit certes de trouver des candidats à la reprise d’entreprise, mais existe-t-il des fonds d’investissement disponibles pour financer de telles opérations ?

Mme Corinne Erhel. Quel est, selon vous, l’impact d’une politique de filière et de régulation dans le secteur des télécommunications ? L’Allemagne a su, mieux que la France, organiser ses filières et les relations entre les grands groupes et les PME.

Depuis 2011-2012, le bouleversement qu’a connu la téléphonie mobile en raison de la baisse des marges des opérateurs s’est-il fait sentir dans vos activités et dans vos relations avec vos donneurs d’ordres opérateurs de télécommunications ? Comment jugez-vous l’évolution de la relation de services au client – qui s’établit désormais en ligne et non plus par téléphone – et comment vous y préparez-vous ? Assiste-t-on à une augmentation des délocalisations ? Comment développer des offres différenciées ?

M. Olivier Duha. Le passage de l’intensité concurrentielle, vertueuse lorsqu’elle incite à l’innovation, au « very low cost » – facteur d’appauvrissement pour une filière – a toujours un impact dévastateur : l’introduction d’un quatrième opérateur dans la filière des télécommunications a induit une destruction de marges très importante, bien supérieure à celle qu’avaient anticipée les opérateurs historiques, contraints de réduire leurs coûts de production par un recours exacerbé à l’informatisation, à l’automatisation, à la robotisation et aux délocalisations.

Dans ma filière, l’effet fut immédiat. Certaines activités ont été arrêtées, les opérateurs ayant mis fin à leurs relations client pour certains forfaits sans engagement, le consommateur étant renvoyé aux forums de discussion en ligne en cas de problème. Certaines activités ont effectivement été délocalisées afin de fournir le même niveau de qualité à moindre coût. Enfin, la relation au client s’est déshumanisée avec le remplacement de l’homme par la machine et la mise en place de serveurs vocaux interactifs et d’automates, plus dangereuse encore que les délocalisations. Depuis neuf mois, la filière des télécommunications a perdu entre 20 et 25 % de ses effectifs en France, soit 7 000 à 8 000 emplois.

L’une des huit commissions de CroissancePlus est chargée d’identifier les meilleures pratiques de la zone euro en matière de relations entre les grands groupes et les PME, afin de faire évoluer la culture et le mode de fonctionnement des grands groupes. L’exemple des délais de paiement illustre le peu de cas que ceux-ci font de la préservation du tissu de leurs sous-traitants et de la qualité de leurs fournisseurs. Et, lorsqu’il s’agit de faire des choix, les grands groupes n’ont pas le réflexe du patriotisme économique. Ce n’est pas du protectionnisme pour le directeur des achats d’un groupe français que de privilégier, à coût et à qualité équivalents, les PME françaises. Nos concurrents allemands, américains et chinois le font.

M. Antoine Colboc. La proposition du rapport Gallois d’adopter un Small Business Act à la française n’a pas été reprise par le Gouvernement Ayrault.

Mme Corinne Erhel. Elle figure parmi ses objectifs.

M. Olivier Duha. La loi dite Chatel nous a porté un grand préjudice en rendant obligatoire la gratuité des hotlines – ce qui a également incité les industriels à s’implanter dans des zones à bas coût. Au cours des quinze dernières années, on a beaucoup arbitré en faveur du pouvoir d’achat du consommateur, ce qui a eu un impact direct sur l’emploi. Et notre offre industrielle s’est complètement uniformisée. Laissons donc au client le soin de choisir entre différentes qualités de service, comme c’est le cas pour le train ou l’avion. Sans détricoter la loi Chatel, il est tout à fait possible d’en faire cohabiter les dispositions avec une offre de service d’assistance prioritaire, sans serveur vocal interactif ni automate, cofinancée par les consommateurs qui le souhaitent. Cette ligne de revenu supplémentaire rendue aux opérateurs de télécommunications les inciterait à rester en France.

Mme Corinne Erhel. La mise en place d’une offre différenciée suppose le maintien d’une qualité de service suffisante pour l’offre dite « de base ». C’est pourquoi je préfère la notion d’offre différenciée à celle d’offre qualifiée de « premium ».

M. Olivier Duha. Certains pays ont été dirigistes en manière de législation des hotlines, conditionnant l’obtention d’un numéro spécial – Indigo, Vert… – au respect d’un cahier des charges incluant un temps de réponse d’une ou deux minutes au maximum pour 80 % des appels.

M. Christian Poyau. Nous, qui fournissons des portails web à Bouygues Télécom, devrions nous réjouir de la diminution du nombre des centres d’appel. Or, dans ma société, le nombre de personnes pour gérer tous ces sites web est passé de 120 à 70, en raison de la diminution des profits et donc des investissements de Bouygues. Il est bénéfique à tous que de grandes entreprises réalisent des profits, car ils sont réinvestis. Il ne s’agit donc pas de diminuer les profits des grandes entreprises, mais d’augmenter celui des petites.

M. Laurent Furst, président. Depuis deux jours, l’installation d’un centre de distribution d’Amazon dans le nord de la France a suscité la satisfaction générale. Elle est positive pour la région en question, mais ne fera pas vendre un livre de plus en France. Elle ne constitue qu’un transfert d’activité d’un secteur à un autre. C’est donc un jeu à somme nulle, voire à somme négative.

Mme Jeanine Dubié. Vous estimez que l’un des préalables nécessaires est la réduction de la dépense publique. Or l’un des objectifs du Gouvernement est le retour à un déficit public inférieur à 3 % du PIB et toutes les mesures qu’il a prises sont allées dans ce sens. Manifestement, cela ne vous convient pas. Qu’auriez-vous fait à sa place ?

M. Olivier Duha. La priorité, voire l’obsession qu’a le Gouvernement de ramener les déficits publics sous la barre des 3 % du PIB est saine et nous y souscrivons tout à fait. Cependant, il convient de distinguer les déficits publics de la dépense publique. Celle-ci est de l’ordre de 57 % de notre PIB, soit 10 % de plus que dans la zone euro. Ce niveau de dépenses élevé nécessite des recettes correspondantes, c’est-à-dire une pression fiscale qui s’exerce sur les entreprises et les consommateurs. Relancer la compétitivité de notre économie et la consommation implique une diminution de cette pression fiscale et donc de la dépense publique. Si la France avait le même niveau de dépenses publiques que la zone euro, comme le préconise François Hollande lui-même, elle économiserait 170 milliards d’euros, à comparer aux 20 milliards d’euros de détaxation du Plan Ayrault.

Mme Jeanine Dubie. La dépense publique et le système de protection sociale atténuent cependant les effets de la crise. En Espagne, ces effets sont dramatiques.

M. Olivier Duha. Certes, les dépenses publiques financent notamment une politique généreuse d’indemnisation du chômage, amortisseur que nous ne souhaitons pas voir disparaître. Mais ni le départ à la retraite à soixante ans ni les 35 heures ne relèvent de la protection sociale ! Et moins travailler ne constitue pas un progrès social ! Ces mesures ont des conséquences très lourdes.

En outre, le fonctionnement de l’État et de son millefeuille administratif coûte cher à la France qui dispose du taux d’externalisation des fonctions non régaliennes de l’État le plus faible d’Europe. Mon entreprise fournit à Pôle Emploi des prestations – fonctions-supports d’ordre strictement administratif – qui coûtent 40 % moins cher à cette agence, pour un taux de satisfaction 30 % supérieur ! Afin d’économiser les deniers publics et de fournir des débouchés à nos entreprises, la France doit lancer un grand plan d’externalisation de ce type de fonctions. C’est tout le sens du Small Business Act.

M. Laurent Furst, président. Les 35 heures sont à la fois un cancer économique et un progrès social. Je partage l’idée que, en période de crise, le système social joue un rôle d’amortisseur, mais, revers de la médaille, son coût est un facteur de non-compétitivité.

M. Olivier Duha. Un système de protection sociale qui n’est pas financé est tout de même artificiel ! Et cela fait trente-huit ans que ça dure !

M. Laurent Furst, président. J’en suis tout à fait convaincu puisque la commune que je gère n’aura pas un euro de dettes l’an prochain.

M. Christian Poyau. Autre exemple : sans doute aurions-nous procédé différemment, mais la création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi va dans le bon sens. Il représentera 0,7 % de la masse salariale. Cependant, dans le même temps, une taxe complémentaire a été mise en place pour financer la remise en œuvre du départ à la retraite à soixante ans. Elle représente un coût de 0,1 % de cette masse salariale.

M. Laurent Furst, président. Par ailleurs, le versement transport va augmenter.

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Cette augmentation a été votée à l’unanimité !

Nos points de vue de départ étant très différents, je ne synthétiserai pas vos propos mais souhaite aborder quelques points concrets.

Le projet de loi de finances en cours d’examen prévoit une extension du crédit d’impôt recherche aux dépenses d’innovation. Cette réforme est nécessaire. Sans aller jusqu’à prévoir des contreparties à cet avantage ni des contrôles tatillons, comment garantir le bon usage de cette dépense fiscale ? Par exemple, des dépenses correspondant plutôt à du marketing qu’à de l’innovation doivent-elles bénéficier de ce crédit d’impôt, qui coûte actuellement la somme non négligeable de 5 milliards d’euros par an ?

Quant au crédit d’impôt compétitivité, il redonne des marges de manœuvre aux entreprises, mais que faire s’il est détourné de son objectif ? Son coût est estimé à 20 milliards d’euros par an, somme minime au regard du budget de l’État mais importante néanmoins, qui correspond peu ou prou aux actuels allègements de cotisations sur les bas salaires. Que pensez-vous de l’idée de contrôler l’utilisation de cet argent public ?

Enfin, en matière de droit du travail, nous débattons depuis plusieurs années en France de l’idée de « flexisécurité ». Les organisations de salariés que j’auditionne me parlent beaucoup plus de sécurité que vous, qui avez davantage insisté sur la flexibilité. Cela est bien normal mais, afin de rapprocher les points de vue et de renforcer les synergies dans notre pays, que représente pour vous la sécurité des salariés de vos entreprises ?

M. François Bergerault. Il y a trois ans, j’ai pu bénéficier du crédit d’impôt recherche lorsque, ayant commencé à proposer des cours de cuisine en ligne, j’ai embauché un ingénieur polytechnicien dans mes équipes. Depuis que ce salarié m’a quitté pour rejoindre Google, je n’ai plus droit à ce crédit d’impôt. Pourtant, je continue à développer la même société et fais toujours autant d’innovation. Cessons donc de taxer autant l’emploi tout en offrant de l’autre côté des aides à ceux qui hurlent le plus fort ! Une entreprise est-elle bonne parce qu’elle fait de l’internet ou parce qu’elle propose des cours de cuisine ? Une entreprise est bonne parce qu’elle embauche des salariés ! Si vous réduisez drastiquement les charges sociales, plus personne ne réclamera de crédit d’impôt.

M. Olivier Duha. S’agissant du crédit d’impôt innovation, il convient d’utiliser le système du rescrit fiscal qui permet d’énumérer la liste des dépenses pouvant en bénéficier. Nous souhaitons un dispositif clair, simple, lisible et stable.

Quant au crédit d’impôt compétitivité, je regrette que l’on éprouve le besoin de réfléchir à des contreparties et à des contrôles. Une suspicion permanente pèse sur les chefs d’entreprise et sur la manière dont ils peuvent utiliser ce que l’on considère implicitement comme un « cadeau » qui leur est fait ! Lorsque vous augmentez la taxation des entreprises, quelles contreparties leur offrez-vous ? Les entreprises françaises sont les plus taxées et les moins bénéficiaires d’Europe ! La France perd des parts de marché dans tous les secteurs, notre balance commerciale est largement déficitaire et nous devons remettre nos entreprises dans le droit chemin. Tout le monde le reconnaît et pourtant, lorsqu’on met en place une mesure fiscale, on parle immédiatement de contreparties ! Cette défiance est très irritante pour un chef d’entreprise. On a l’impression que c’est sans conviction que vous avez commandé le rapport Gallois et proposé le Plan Ayrault. Nous ne retrouverons pas le chemin de la croissance si nos entreprises ne sont pas dynamiques. J’ignore ce que feront les chefs d’entreprise de cet argent. Pour certains d’entre eux, c’est une question de survie. D’autres le réinvestiront dans l’innovation ou encore diminueront le prix de leur produit final pour redevenir compétitifs. D’autres enfin verseront peut-être des dividendes à leurs actionnaires, mais, sans ces financeurs, il n’y a pas d’entreprise et il n’est pas répréhensible de les rémunérer davantage afin de les conserver et d’éviter qu’ils n’aillent financer, à la place, des entreprises allemandes, britanniques ou italiennes. Ce crédit d’impôt ne doit faire l’objet d’aucune contrepartie.

Enfin, lorsque nous vous demandons de la flexibilité et de l’agilité, vous exigez encore une fois des contreparties ! Je vous ferai donc la même réponse : la France ayant le droit du travail le plus rigide au monde, nous n’envisageons nullement d’accroître cette ultra-régulation et cette ultra-protection dont nous souffrons tant. Bien au contraire ! La « flexisécurité » consiste à conférer de l’agilité et une capacité de rebond au chef d’entreprise, et à s’assurer qu’au cas où il doit un jour licencier ou diminuer ses capacités de production, l’État dispose d’un mécanisme d’aide à la réinsertion, pour former les personnes concernées et ainsi garantir leur employabilité. Cette responsabilité relève de l’État et non plus de l’entreprise. Il est normal que les entreprises contribuent à favoriser l’employabilité de leurs salariés lorsqu’elles en ont les moyens, mais c’est surtout lorsque les choses vont mal qu’intervient la notion de « flexisécurité ». Il est très difficile de répondre aux organisations syndicales qui réclament des contreparties à cette flexibilité, car ce sont ces amortisseurs sociaux qui expliquent qu’il y ait 3 millions de chômeurs et autant de CDD et de contrats d’intérim en France. À trop protéger les salariés, la France est devenue une usine à fabriquer des contrats précaires.

M. Laurent Furst, président. Si l’on ne facilite pas les licenciements, ne risque-t-on pas d’inciter à la délocalisation d’activités ? Si créer une entreprise suscite autant d’inquiétudes, personne ne le fera.

M. Christian Poyau. Si jamais mon entreprise bénéficie du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, j’expliquerai à mes salariés la manière dont il sera utilisé. Mais je suis totalement opposé à ce qu’il fasse l’objet de contreparties car il existe toutes sortes de cas de figure. Les entreprises françaises vont très mal, notamment les PME et les ETI : il y a d’ailleurs moins de 1 000 ETI en France, soit dix fois moins qu’en Allemagne. Nous en sommes encore à la préhistoire ! Nous sommes au bord du gouffre, on ne nous tient plus que par une main, on nous en tend une deuxième en nous demandant d’abord de lâcher la première ! Faites donc confiance aux chefs d’entreprise ! Ils sont comme les journalistes, les hommes politiques, les médecins et les plombiers : ce sont globalement des gens bien qui se battent au jour le jour pour leurs entreprises.

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Exigeons alors au moins de la transparence de leur part, comme pour les hommes politiques !

M. Christian Poyau. Les entreprises doivent expliquer leurs choix mais surtout, ne leur imposez aucune mesure coercitive !

M. Olivier Carré. On pourrait effectivement assouplir le code du travail – les organisations syndicales reconnaissant elles-mêmes les blocages qu’il suscite – et, en contrepartie, favoriser une plus grande cogestion du crédit d’impôt, ce qui correspond aux réalités microéconomiques des entreprises. Cette idée est d’ailleurs dans les intentions des ministres du travail et de l’économie – qui, à cet égard, ont pris à contre-pied une grande partie de la majorité. Par contre, l’intention qu’a le législateur de mettre en place une cogestion du dispositif ne veut pas dire qu’il soit souhaitable d’imposer des critères de gestion de celui-ci.

Certes, l’opinion a, de nouveau, confiance dans le travail et dans les entreprises. Elle reste toutefois défiante à l’égard des équipes dirigeantes, et cette défiance est plus forte en France que dans les autres pays.

M. Olivier Duha. À titre personnel, je suis très favorable à la cogestion, au rapprochement entre les salariés et le monde entrepreneurial et du capital, ainsi qu’au renforcement de la participation des représentants des salariés à nos prises de décision de management. Mes prédécesseurs et moi-même nous sommes d’ailleurs battus en faveur du développement de l’actionnariat salarié en France. Mais cela ne fonctionnera pas sur le fondement du système actuel tant la concentration du pouvoir syndical est importante. Je discute toute la journée avec des représentants de la CGT qui suivent la voix de Bernard Thibault – lequel a appelé à voter en faveur de Jean-Luc Mélenchon, qui, lui-même, veut la mort du système ! La politisation des corps intermédiaires, qu’ils soient syndicaux ou patronaux, pose un problème d’idéologie et de compétence aux chefs d’entreprise : on ne fait pas de politique dans une entreprise !

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Je ne suis pas d’accord, la question n’est pas là ! Favorisons l’accroissement du nombre de salariés syndiqués dans des organisations qui soient aussi représentatives que possible afin qu’ils participent aux décisions de l’entreprise.

M. Laurent Furst, président. Je remercie les différents intervenants pour cette audition éclairante à bien des égards.

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Membres présents ou excusés

Mission d’information sur les coûts de production en France

Réunion du jeudi 29 novembre 2012 à 10 h 30

Présents. - M. Thierry Benoit, M. Olivier Carré, Mme Marie-Anne Chapdelaine, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, M. Laurent Furst, M. Daniel Goldberg, M. Jean Grellier, Mme Annick Le Loch, M. Claude Sturni

Excusés. - M. Bernard Accoyer, M. Frédéric Barbier