Accueil > Travaux en commission > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Mission d’information sur les coûts de production en France

Jeudi 24 janvier 2013

Séance de 10 heures 30

Compte rendu n° 22

Présidence de M. Laurent Furst Vice-Président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Colette Lewiner, conseillère énergie du président de Capgemini

La mission d’information a entendu Mme Colette Lewiner, conseillère énergie du président de Capgemini.

M. Laurent Furst, président. Je vous prie de bien vouloir excuser le président de notre mission d’information, M. Bernard Accoyer, qui ne peut être présent aujourd’hui.

Nous accueillons maintenant Mme Colette Lewiner. Cette audition nous permettra d’aborder le sujet de l’énergie dans les coûts de production alors que, jusqu’à présent, nous avons surtout évoqué le coût du travail et des questions administratives et juridiques.

Mme Colette Lewiner, conseillère énergie du président de Capgemini. Contrairement aux invités de la précédente audition, je ne suis pas économiste ; j’ai une formation scientifique. Ancienne élève de l’École normale supérieure et docteur en physique, j’ai fait dix ans de recherche, puis je suis entrée dans le monde de l’Entreprise.

À EDF, d’abord, j’ai exercé différentes activités avant de créer la Direction commerciale. J’ai été à ce titre la première femme à occuper un poste de direction dans cette entreprise.

On m’a proposé ensuite de prendre la présidence de la filiale ingénierie nucléaire de la COGEMA (aujourd’hui AREVA), entité employant quelque 9 000 personnes et spécialisée dans le cycle du combustible nucléaire, de la fabrication au traitement des déchets. Durant mes six ans d’exercice, j’ai diversifié l’entreprise et l’ai positionnée sur de nouveaux marchés. Nous avons remporté de gros contrats au Japon et aux États-Unis. Comme c’est souvent le cas en France, cette entreprise disposait d’une excellente technicité mais n’était pas assez ouverte aux différents marchés. Sans doute avons-nous moins la « fibre » commerciale que les Américains, par exemple.

Il y a une quinzaine d’années, j’ai quitté le groupe GOGEMA pour rejoindre Capgemini et y créer le secteur de l’énergie, qui couvre les domaines de l’électricité, du gaz, du pétrole et de la chimie. Ce secteur a bien fonctionné. Nous avons accru notre chiffre d’affaires et notre notoriété. Les analystes nous classent parmi les premiers mondiaux, au même titre que de grands groupes comme IBM ou Accenture.

Depuis le 1er juillet dernier, je suis conseillère du président de Capgemini en matière d’énergie. Je siège par ailleurs dans de nombreux conseils d’administration – la loi qui impose un pourcentage de femmes dans leur composition ouvre en effet des opportunités !

Mon exposé se fonde sur les données de l’Observatoire européen des marchés de l’énergie, publication que nous avons lancée en 2001 et qui en est à sa quatorzième édition.

Le prix de l’électricité a un impact important sur certains secteurs industriels seulement : la sidérurgie, la métallurgie, la chimie, l’industrie du verre, les industries du papier et du carton, les matériaux de construction. Le coût de l’énergie pèse également indirectement dans d’autres secteurs, notamment en matière de transports.

Il faut noter aussi que ce coût a une incidence plus importante en Allemagne, où la part de l’industrie est de 27 % contre 19 % en France.

L’action du législateur européen en matière d’énergie – entamée avant 2000 et transposée, en France, à partir de 2004 – vise un triple enjeu : la compétitivité économique, la sécurité d’approvisionnement et le respect de l’environnement, qui a pris une importance croissante avec notamment le paquet énergie-climat signé en 2008. L’intention est louable, mais le résultat n’est pas complètement convaincant.

Une des idées de départ était qu’en rendant les transports de l’électricité parfaitement fluides en Europe, on optimiserait le mix énergétique grâce à des coopérations dépassant les entités nationales. On le sait, la France a un parc nucléaire important ; l’Allemagne a du charbon et a développé l’éolien ; la Grande-Bretagne a le gaz de la mer du Nord, etc. Pour être le plus efficace possible dans l’utilisation de l’ensemble de ces sources, il faut qu’il n’y ait pas d’ « embouteillages » sur les réseaux électriques. Or, en dépit d’améliorations, ce n’est pas encore totalement le cas.

En période de grand froid en France, on a importé l’année dernière 9 000 Mégawat, soit environ la capacité de neuf réacteurs nucléaires – nous en avons cinquante-huit sur le territoire. À cause des limitations induites par les réseaux, c’était le maximum que nous pouvions importer. Le « passage » de cette forte pointe de consommation a été très tendu. Le chauffage électrique étant très répandu, la consommation d’électricité dans notre pays est très sensible aux variations de température. En hiver, une baisse de température d’un degré augmente la consommation de l’équivalent de la production de deux réacteurs nucléaires (2000MW).

En Allemagne, la courbe annuelle de consommation d’électricité est moins contrastée parce que le chauffage au gaz prédomine.

Bref, les pays européens n’ont pas tous besoin d’énergie exactement en même temps et la solidarité européenne se justifie.

La politique européenne de l’énergie se fonde sur une conception libérale inspirée par les Britanniques et qui influence encore très fortement les membres de la Commission européenne. Il s’agit, en quelque sorte, de transposer à l’électricité et au gaz ce que la Commission a fait en matière de télécommunications.

La libéralisation a provoqué l’ouverture du marché des télécommunications, certes, mais il ne faut pas oublier que cette ouverture est concomitante à l’apparition et au développement du téléphone mobile. Le secteur de l’électricité n’a pas connu pas ce type de révolution technique. De plus, l’électricité et le gaz sont des industries lourdes nécessitant de gros investissements à très long terme. Entre le moment où l’on décide de construire une centrale nucléaire et le moment où on l’arrête, l’intervalle est de cinquante à soixante ans. La mise en place d’un marché libéralisé guidé par des signaux de court terme – le marché spot, la possibilité, pour le client, de changer de fournisseur, etc. – ne semble guère adaptée à une industrie qui a besoin de telles infrastructures !

Le législateur européen a mis une certaine volonté à faire fonctionner le concept. Les « paquets législatifs » se sont succédé sans que l’on puisse constater de véritable succès. En revanche, on a créé un environnement juridique très complexe.

La France, il faut le reconnaître, a traîné des pieds pour transposer ces « Directives » juridiques dans le droit français. Avant 2000, EDF et GDF détenaient le monopole de la production et de la vente. À partir de 2000, on a commencé à développer le concept d’éligibilité, en partant des très grands clients pour en arriver, en 2007, aux clients particuliers. Désormais, chacun a le droit de choisir son fournisseur.

La loi du marché n’est cependant pas toujours la meilleure. En 2000, l’Europe était en surcapacité de production. Si les prix étaient bas, c’était pour cette raison et non, comme on l’a pensé à l’époque, à cause de la dérégulation. Pour assurer leur rentabilité, les électriciens ont ensuite fermé des centrales et réduit leurs investissements, si bien qu’une tension est apparue sur les capacités de production à partir de 2005, faisant augmenter les prix des marchés de gros d’échanges d’électricité.. Certains grands industriels français avaient quitté EDF – et, selon la règle établie à l’époque, ne pouvaient en redevenir clients –pour bénéficier de ces bas prix de marché.

Devant l’importante augmentation des prix sur les marchés de gros, ces industriels se tournèrent alors vers l’État pour lui demander un tarif de rattrapage, le TARTAM – tarif réglementé et transitoire d’ajustement au marché –, supérieur au tarif « vert » d’EDF mais inférieur aux prix de marché. Le TARTAM a été mis en place fin 2006. Ce dispositif déplut fortement à la Commission européenne, qui demanda à la France qu’elle supprime non seulement le TARTAM, mais tous les tarifs pour les clients non domestiques et que les prix de vente de l’électricité soient libres.

La pression de la Commission et différentes réflexions ont conduit à la loi NOME – nouvelle organisation du marché de l’électricité – de 2010. L’idée du texte est qu’il faut allouer de l’électricité nucléaire – dans la mesure où cette forme de production d’électricité est la plus compétitive,– aux opérateurs autres qu’EDF afin qu’ils puissent faire jouer la concurrence. EDF est donc contrainte de vendre de l’électricité nucléaire à ses concurrents à un prix dit « ARENH » – accès régulé à l’électricité nucléaire historique – dans la limite d’un plafond de 100 Térawattheures. Ce prix administré, censé refléter le coût complet la production d’électricité nucléaire pour EDF, est de 42 euros par Mégawattheure et devrait être porté à 45 euros.

Pourtant, le marché français reste peu ouvert à la concurrence : les principaux fournisseurs « alternatifs » sont GDF-Suez pour l’électricité et EDF pour le gaz ! Poweo a été racheté en partie par un groupe autrichien avant de fusionner avec Direct Énergie ; Altergaz a été racheté par l’italien ENI. Les fournisseurs alternatifs ne représentent que 20 % de la consommation du segment des industriels et 6,6 % de la consommation du segment des particuliers. Treize ans après le début de la dérégulation, on ne peut pas dire que l’ouverture à la concurrence dans les domaines de l’électricité et du gaz soit un succès dans notre pays !

Dans la période 1998-2011, le prix de l’électricité au détail augmente beaucoup moins fortement que celui du gaz. Cela tient au fait que le gaz est un produit que nous importons et que son prix, dans les contrats à long terme, est lié à celui du pétrole, lequel a atteint 150 dollars par baril en 2008 avant de retomber aujourd’hui aux alentours de 100 dollars – ce qui reste néanmoins élevé : le baril était à 20 dollars en 2002. La production d’électricité, elle, est moins tributaire des prix des combustibles fossiles.

Grâce à l’électricité d’origine nucléaire, l’électricité vendue en France est parmi les moins chères d’Europe. Le prix du gaz reste compétitif, mais dans une moindre mesure puisque, depuis la fin de l’exploitation du gaz de Lacq, nous sommes entièrement dépendants des importations.

Le prix de l’électricité fournie aux entreprises (à l’exclusion des grandes entreprises très fortement consommatrices d’énergie) est plus élevé de 60 % en Allemagne. L’électricité est également très chère pour les particuliers allemands.

L’Union des industries utilisatrices d’énergie (UNIDEN) estime – sans que nous ayons la possibilité de le vérifier, car les accords de dérogation dans les autres pays ne relèvent pas des données publiques– que l’Allemagne protège ses très grands industriels exportateurs en organisant des dérogations non pas sur le prix de l’électricité, mais sur celui du transport électrique. De plus, l’« interruptibilité », c’est-à-dire la capacité des entreprises à baisser leur charge à la demande en période de grand froid, est mieux rémunérée qu’en France. L’UNIDEN considère donc que les « électro-intensifs » allemands paient l’électricité 25 % moins cher qu’en France. Les industries françaises de même type, regroupées dans le consortium Exeltium, ont néanmoins négocié l’achat d’électricité sur le long terme au prix avantageux de 48 euros par Mégawattheure.

J’en viens à la notion de « transition énergétique », selon laquelle il faudrait produire plus d’énergies renouvelables pour émettre moins de CO2. Les météorologues, notamment ceux du GIEC – groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – imputent l’augmentation de la température de la planète aux émissions de gaz à effet serre, ainsi nommés parce qu’ils perturbent l’atmosphère et mettent la terre comme sous une serre. Il faut néanmoins noter que le gaz carbonique produit par l’activité humaine ne représente qu’une très petite portion du gaz carbonique échangé entre l’atmosphère et les océans.

L’accident de Fukushima, au Japon, a accentué le mouvement en faveur des énergies renouvelables. Ainsi, les projections des différents pays Européens pour 2025 font apparaître une diminution de la part du nucléaire, du charbon et du lignite et une augmentation des énergies renouvelables et du gaz. Le développement de l’énergie nucléaire est important en Asie –, mais il est ralenti en Europe car un certain nombre de pays européens (dont la France et l’Allemagne) souhaitent diminuer la part qu’il représente dans leur production d’électricité.

Cette évolution coûtera cher. Parmi les modes de production de l’électricité en France, l’hydraulique est le moins onéreux, mais on ne peut guère envisager de construire plus de barrages. Ensuite viennent, dans l’ordre, le nucléaire, le charbon, le gaz, l’éolien terrestre, l’éolien maritime et le solaire. L’éolien terrestre commence à pouvoir être compétitif, puisque son coût de production – 80 euros par kilowattheure – est du même ordre de grandeur que le coût prévu pour l’électricité produite par le nouveau réacteur EPR de Flamanville.

Il existe plusieurs estimations des coûts de production de l’électricité nucléaire en France : 39 euros par kilowattheure pour la commission Champsaur, dont le rapport a servi de base à la loi NOME ; 42 euros au titre de l’AREHN, puis, après la prise en compte des surcoûts liés à la prolongation de la durée de vie des centrales, à leur démantèlement et à la gestion des déchets radioactifs, 57 euros. Le nucléaire existant reste donc compétitif.

L’Allemagne, quant à elle, s’est toujours posée des questions sur sa production nucléaire. En mai 2011, après l’accident de Fukushima, Mme Merkel a décidé d’arrêter neuf réacteurs sur dix-sept. Cette décision était assurément politique – et ne l’a pas empêchée de perdre les élections régionales qui se sont déroulée à ce moment-là–, mais il est surprenant qu’elle l’ait prise sans concertation au niveau européen. Alors que nos pays sont interconnectés électriquement et solidaires, l’arrêt de cette capacité de production n’est pas négligeable pour l’équilibre du réseau européen !

Parallèlement à l’abandon total du nucléaire prévu en 2022, l’Allemagne veut réduire ses émissions de gaz à effet de serre, donc augmenter la part des énergies renouvelables. Aujourd’hui, elle ne se heurte pas tant à un problème de production, puisqu’elle a remis en service des anciennes centrales au charbon et, encore plus polluant, au lignite, qu’à un problème de transport électrique : les sites éoliens qu’elle veut continuer de développer sont en mer ou sur les côtes, dans le nord, alors que la consommation industrielle, notamment pour l’automobile, est plutôt concentrée dans le sud. Or il est très difficile aujourd’hui de construire des lignes électriques à haute tension car la population n’en veut pas. De plus, les Länder ne se battront pas pour accueillir des lignes qui les traverseront sans qu’ils en tirent aucun bénéfice.

Le coût de la transition énergétique en Allemagne a été estimé au départ à 400 milliards d’euros, dont la moitié pour les réseaux. J’y insiste : la transition énergétique, ce n’est pas seulement remplacer des centrales nucléaires par des éoliennes ; cela implique aussi de revoir entièrement le réseau. Siemens avance pour sa part le chiffre de 1 000 milliards d’euros, un spécialiste allant même jusqu’à 2 000 milliards, soit le coût de la réunification allemande ! Le prix de l’électricité payé par les industriels pourrait augmenter de 70 % d’ici à 2025.

La France, pour sa part, envisage de ramener à 50 % la part du nucléaire dans le mix électrique en 2025, contre 75 à 80 % aujourd’hui. Grâce au nucléaire nous sommes actuellement en France le pays d’Europe qui émet le moins de CO2 par habitant.

L’UFE – Union française de l’électricité – estime à 422 milliards d’euros – dont 110 milliards pour la distribution et 50 milliards pour le transport – les investissements nécessaires à cette transition énergétique. Il faut y ajouter 170 milliards d’euros d’investissements d’efficacité énergétique, soit un total d’environ 600 milliards d’euros. L’augmentation du coût de l’électricité serait de 30 à 40 euros par Mégawattheure, soit l’équivalent de l’augmentation consécutive au Grenelle de l’environnement. Le différentiel avec l’Allemagne resterait néanmoins en notre faveur.

J’aborderai enfin la question des gaz non conventionnels. Ces « gaz de schiste », qu’il serait plus exact de nommer « gaz d’argile », sont renfermés dans poches enfermées dans des roches peu perméables à une certaine profondeur. Pour les extraire, on a recours à la fracturation hydraulique, le fracking.

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Les Américains parlant aussi de massaging, on a récemment proposé d’utiliser le terme de « massage ».

Mme Colette Lewiner. Un massage énergique, dans ce cas ! Quoi qu’il en soit, cette technique consiste à créer des chemins dans la roche pour relier les poches contenant le gaz. Ainsi, celui-ci « percole » et on le recueille au moyen de puits verticaux comportant une partie horizontale.

C’est en 1970 que le Département Américain de l’Energie, voyant que les réserves de gaz des États-Unis allaient baisser, a décidé de travailler sur le fracking, déjà utilisé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale dans les puits verticaux classiques. La technique développée consiste à injecter dans la roche un mélange d’eau et de sable additionné de polymères qui permettent de reconstituer la roche. Depuis qu’une petite société texane a mis au point, en 1998, ce mélange nommé slick water (eau visqueuse), l’exploitation des gaz de schiste s’est développée de manière fulgurante aux États-Unis. En 2010, elle représentait 20 % de la production totale de gaz dans ce pays.

Les États-Unis possèdent et exploitent également du pétrole de schiste. Selon, l’AIE – Agence internationale de l’Énergie –, ils seraient ainsi en 2020 le premier pays producteur de pétrole, dépassant l’Arabie saoudite et devenant autosuffisants à la fois en gaz et en pétrole.

M. Laurent Furst, président. Avec une conséquence non négligeable pour l’Europe : les États-Unis, gendarmes du monde, protègent aujourd’hui nos sources d’approvisionnement et notre équilibre énergétique sans que nous ayons à fournir l’effort militaire et de politique extérieure, mais on peut se demander s’ils le feront encore demain.

Mme Colette Lewiner. En effet. La Ve flotte américaine est actuellement la force militaire prépondérante au Moyen-Orient.

Bref, s’il y a eu une révolution dans l’énergie au cours des vingt dernières années, c’est bien celle du gaz et du pétrole non conventionnels. Le prix du gaz des contrats européens de long terme est trois fois supérieur au prix du gaz au États-Unis, où les industries énergétivores comme la chimie ou les engrais bénéficient d’un avantage compétitif considérable. Les Américains estiment qu’ils ont créé 600 000 emplois grâce aux gaz de schiste.

Un grand différentiel de compétitivité s’est donc formé. Selon une étude commanditée par des industriels allemands, les prix de l’électricité devraient augmenter de 90 (aujourd’hui) à 98-110 euros par Mégawattheure en 2020 en Allemagne, alors que cette augmentation ne serait que de 48 à 54 euros aux États-Unis. L’électricité deviendrait deux fois plus chère pour les industriels allemands alors qu’ils sont exportateurs et en concurrence directe avec les industriels américains. De plus, les centrales au gaz se substituent aux centrales au charbon, faisant baisser les émissions de CO2 des États-Unis.

D’un point de vue environnemental, un des problèmes soulevés est celui du mélange injecté dans la roche. La technique actuelle ne présente probablement pas un risque majeur de pollution de la nappe phréatique, puisque les roches contenant ces gaz non conventionnels, sont en dessous des nappes. Le risque n’existe que si le puits est mal construit ou si l’eau, une fois remontée en surface, n’est pas stockée et traitée. Néanmoins, les exploitants ne veulent pas donner la composition des liquides utilisés, considérant que c’est un secret industriel. Plus de transparence serait souhaitable sur ce point. Certains soutiennent aussi que la fracturation induirait des micro-tremblements de terre. Si tel était le cas, ce serait vraiment des secoussessans conséquences significatives..

Pour ma part, je crois que l’on ferait mieux d’aborder le sujet de manière scientifique et non pas passionnelle : comment faire pour éviter tel ou tel problème induit par la technologie de fracturation hydraulique, et à quel coût ?

L’idée qu’il faille chercher une technologie alternative est sans doute politiquement astucieuse dans la mesure où elle pourrait permettre de rouvrir le débat. Pourquoi, cependant, se priver d’une technologie qui fonctionne ? Les technologies alternatives évoquées ne sont pas éprouvées et rien ne dit qu’elles n’auront pas d’inconvénients.

Il y a du gaz de schiste un peu partout en Europe – ainsi qu’en Chine, d’ailleurs. Les réserves françaises équivaudraient, selon les estimations, à cent ans de consommation. Leur exploitation nous redonnerait une indépendance énergétique alors qu’aujourd’hui nous importons 100 % de notre gaz. Or, pour l’instant, la France n’envisage même pas de faire l’inventaire de ces réserves.

Tout au contraire, les pays d’Europe orientale dont l’approvisionnement en gaz dépend à 100 % de la Russie considèrent sérieusement cette possibilité : la Pologne, malgré quelques déceptions, l’Ukraine, etc. Ces pays se rappellent que Gazprom (l’opérateur russe gazier), il y a quelques années, avait fermé les robinets de gaz en plein hiver ! L’exploitation des gaz de schiste représente pour eux une possibilité d’amélioration forte de leur indépendance énergétique.

L’Allemagne et la Grande-Bretagne, pour leur part, ont lancé des études pour examiner les conditions d’exploitation. En Europe, seules la Roumanie – pays pétrolier –, la Bulgarie et la France ont dit non.

À l’évidence, ces réserves de gaz pourraient changer les équilibres à la fois en termes d’indépendance énergétique et en termes d’économie.

M. Laurent Furst, président. Nous vous remercions pour cet exposé qui nous a beaucoup appris. Par votre culture, vous défendez le nucléaire français que vous connaissez à la perfection et vous souhaitez une autre approche concernant les gaz de schiste.

En matière d’orientation énergétique, notre pays est à la croisée des chemins. Or le prix de l’énergie a une incidence claire à la fois sur le niveau de vie de nos concitoyens et sur le niveau d’activité économique de la nation.

Élu d’une région frontalière, j’écoute parfois la radio allemande et je peux mesurer à quel point le coût de l’énergie et de l’électricité pour les ménages devient un enjeu de campagne électorale. Tels sont les spasmes de l’opinion : après l’accident de Fukushima, la grande majorité de la population allemande a approuvé la fermeture des centrales nucléaires au profit des énergies renouvelables. Mais le développement de ces énergies provoque une augmentation du prix de l’électricité. En période de crise, ce qui semblait évident hier ne l’est plus aujourd’hui. Chacun aurait donc intérêt à examiner sur ce qui se passe chez ses voisins.

Sauf erreur de ma part, l’idée de transition énergétique porte à la fois sur la nature des énergies et sur les volumes consommés. Comment optimiser, en France, notre consommation d’énergie ? Il me semble que l’on peut arriver à un consensus sur ces questions : moins on consommera d’énergie, mieux on se portera.

Mme Colette Lewiner. Je suis tout à fait d’accord.

Le paquet énergie-climat fixait trois objectifs pour 2020(les 3 fois 20)

Le premier est la réduction de 20 % des émissions de CO2 par rapport au niveau de 1990. Nous l’atteindrons non pas parce que le système européen d’échange des droits d’émissions de CO2 fonctionne – c’est tout le contraire –, mais parce que la crise a joué : les usines tournent moins ou se délocalisent. Le bilan total d’émissions de CO2 des délocalisations est très mauvais, bien entendu, puisque l’on allonge les transports et que les pays d’accueil sont moins regardants sur les émissions, mais, pour l’Europe seule, on constate une baisse des émissions.

Le deuxième objectif est de passer à 20 % d’énergies renouvelables dans l’énergie totale. Nous devrions l’atteindre.

M. Laurent Furst, président. Est-ce grâce à l’hydraulique historique, qui représente 12 % ?

Mme Colette Lewiner. En l’espèce, la France s’est fixé un objectif de 23 %. Ici, la crise a un impact négatif puisqu’elle diminue les investissements dans les éoliennes, panneaux solaires et autres.

Dernier objectif européen, le plus difficile à atteindre : un gain de 20 % en efficacité énergétique par rapport aux projections initiales. L’Europe a depuis a ramené cet objectif à 17 %, ce qui reste ambitieux car l’horizon de 2020 est très proche et les comportements ne se modifient que lentement. Les jeunes générations, bien qu’« écolos » dans l’âme, n’ont pas forcément de bonnes pratiques. Les Européens ont pris des habitudes de vie qui se rapprochent de celles des Américains. De plus, l’effort principal d’économies d’énergie doit porter sur le bâtiment. Si, avec les nouvelles réglementations, on construit des bâtiments neufs à basse consommation ou à énergie positive, la rénovation de l’ancien est un chantier considérable et très coûteux.

M. Laurent Furst, président. Il faut quelques années pour changer toutes les ampoules, dix ans pour changer le parc automobile et cent ans pour changer le parc immobilier !

Mme Marie-Anne Chapdelaine. Concernant le gaz de schiste, vous avez évoqué les technologies alternatives. S’agit-il de démarches scientifiques fondées ou de simples hypothèses ? Pourquoi la France a-t-elle écarté l’idée d’une exploitation de cette ressource ?

Par ailleurs, si l’électricité issue du nucléaire est en effet moins chère, le problème de la fiabilité de ce mode de production se pose. Peut-on affirmer que notre production nucléaire est sûre ? Pourquoi ne l’était-elle pas au Japon ?

Enfin, quelle est la corrélation entre le coût de l’énergie et le coût de la production du produit fini ?

Mme Colette Lewiner. Les technologies alternatives d’extraction du gaz de schiste ne sont pas aussi éprouvées que la fracturation hydraulique. Et il faut arriver de toute façon à fracturer la roche. On parle d’utiliser du propane ou du CO2 à la place de l’eau, mais ces technologies n’ont pas du tout le niveau de maturité du procédé actuel, qu’il aura fallu trente ans pour mettre au point. Je me demande s’il ne vaut pas mieux chercher à améliorer la technologie existante.

L’explication du refus de la France face à la fracturation est complexe. Outre l’opposition de José Bové, un film a répandu des informations totalement erronées. Et, lors de la dernière période électorale, le gouvernement précédent a cherché à apaiser le débat en retirant les permis d’exploration qui avaient été accordés dans un premier temps.

Par ailleurs, on constate aux États-Unis que le bas coût du gaz de schiste ralentit le développement des nouveaux réacteurs nucléaires. Peut-être l’industrie nucléaire française cherche-t-elle à se protéger à cet égard. Il est également possible que l’on cherche à préserver les accords entre GDF-Suez et les Russes – la communication de Gazprom contre les gaz de schiste est à cet égard caricaturale!

Au total, un ensemble de circonstances a fait qu’il n’y a pas eu assez de communication et de mobilisation pour influencer la décision du gouvernement C’est une bonne chose que le sujet revienne en débat.

Quant à la production nucléaire, on peut peut-être souhaiter une sûreté renforcée mais , elle est indéniablement fiable. Contrairement à celui de Tchernobyl, l’accident de Fukushima s’est produit dans un pays de haute technologie. Il a été provoqué par la conjonction de deux événements de force exceptionnelle : le tremblement de terre et le tsunami. Le tremblement de terre seul n’aurait pas pu avoir de telles conséquences. De plus, les Japonais utilisent une technologie de réacteurs nucléaires à eau bouillante – la technologie française, elle, est à eau pressurisée – et les réacteurs de Fukushima avaient une enceinte de confinement de moins que les réacteurs français..

Il n’y aurait pas eu de conséquences significatives du tremblement de terre et du tsunami si l’on avait pu refroidir les réacteurs qui s’étaient bien arrêtés et notamment si les pompes de secours avaient été placées en hauteur. En l’occurrence, elles étaient placées assez bas et la vague du tsunami les a inondées. Un des retours d’expérience en France sera que l’on imposera la constitution de réserves d’eau sur tous les sites nucléaires.

L’accident de Fukushima est analogue à celui de la centrale de Three Mile Island en 1979 aux États-Unis, dont on avait tiré les enseignements en aménageant les réacteurs. Si les Japonais avaient eux aussi procédé à ces aménagements, on aurait évité les explosions qui se sont produites par recombinaison entre l’hydrogène formé dans le bâtiment réacteur et l’oxygène de l’air, après que l’on eut tenté d’éventer l’enceinte soumise à une pression dangereuse. Les réacteurs français sont pour leur part dotés de recombineurs : en cas de création d’hydrogène sous l’effet de la chaleur, des catalyseurs permettent à cet hydrogène de se recombiner à l’intérieur du réacteur. À Fukushima, les explosions ont endommagé les bâtiments et accentué le rejet de radioactivité dans l’atmosphère.

Je ne partage pas la sévérité des reproches adressés aux exploitants. Ces personnes avaient subi un très fort traumatisme et ne savaient pas par exemple ce qu’étaient devenues leurs familles.

Pour tenir compte du retour d’expérience, nous renforcerons certaines parties des réacteurs et nous modifierons les modes opératoires.

Comme je l’ai indiqué, madame Chapdelaine, le coût de l’énergie a un impact significatif sur certains secteurs industriels : métallurgie, aluminium, chimie, engrais, etc. Mais tout le monde est concerné par les prix de l’électricité et du gaz. On a parlé de pouvoir d’achat « rendu » aux citoyens lorsque Free est entré sur le marché de la téléphonie mobile. Une électricité compétitive a également des effets positifs sur le pouvoir d’achat des Français.

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Les deux objectifs européens, à savoir la dérégulation et la libéralisation d’une part, la règle du « trois fois vingt » d’autre part – 20 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre, 20 % de gain en efficacité énergétique et 20 % de part du renouvelable dans la production énergétique –, ne sont-il pas contradictoires ? Considérez-vous que la forme prise par la dérégulation, avec des opérateurs privés, permettra d’atteindre les objectifs environnementaux ?

Vous l’avez dit, le ralentissement économique dû à la crise et les délocalisations permettront sans doute à l’Europe de respecter l’objectif de réduction des gaz à effet de serre. L’impact environnemental « vertueux » de la crise varie-t-il selon les pays européens ? Peut-on évaluer ce qui ressortit à la crise et ce qui ressortit à une action spécifique de chaque pays ?

Par ailleurs, des statistiques communiquées à notre mission d’information laissent à penser que le prix de l’électricité acquitté par les grands industriels allemands serait devenu, en 2012, inférieur au prix payé par les industriels français. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet ?

S’agissant des gaz non conventionnels, M. Gallois propose d’aller plus loin tandis que d’autres estiment que des problèmes connexes risquent de se poser y compris aux États-Unis, notamment la raréfaction des ressources en eau pour d’autres utilisations industrielles ou agricoles. Ne conviendrait-il pas de réfléchir à un code minier européen plutôt que de laisser chaque État membre mener sa politique de son côté ?

Avez-vous connaissance d’un accroissement de la demande des industries européennes en matière de traitement de l’eau ? La présence en France de groupes en pointe dans ce domaine demeure-t-elle un avantage appréciable pour notre pays ? Le cabinet Deloitte estime que la génération électrique décarbonée provoquera une augmentation importante de la consommation d’eau dans les années à venir.

Mme Colette Lewiner. Je n’ai pas les données des baisses d’émissions de CO2 dans chaque pays. En France, le niveau de départ est déjà très bas puisque notre électricité est presque entièrement décarbonée. Il est donc plus difficile de diminuer encore les émissions.

La Commission a même voulu, un temps, durcir l’objectif de réduction de 20% des émissions de CO2 en le faisant passer à 30 %, mais des pays comme la Pologne, qui a beaucoup de centrales à charbon, s’y sont opposés.

Pour les pays qui se sont mis au renouvelable, l’effet est bien entendu vertueux. Quant à l’Allemagne, qui souhaite arrêter sa production nucléaire pour faire du renouvelable, elle doit passer par une phase transitoire durant laquelle elle remet en service des centrales polluantes.

M. Laurent Furst, président. Et elle continue d’en construire. La plus grande centrale à charbon d’Europe est en Sarre.

Mme Colette Lewiner. Je suis frappée par le discours que le maire d’Essen, dans la Ruhr, prononce chaque année à l’occasion d’une manifestation réunissant tous les énergéticiens allemands : il ne manque jamais de rappeler que le charbon est une énergie nationale ! Même le lignite est encore exploité en Allemagne, quitte à déplacer des villages pour l’extraire. La population proteste peu, car cette activité est traditionnelle et représente des emplois.

Il sera donc intéressant d’observer l’attitude de l’Allemagne face à un renforcement des contraintes en matière d’émission de CO2. Je doute qu’elle continue à pousser en ce sens. Je suis également curieuse des statistiques d’émission de CO2 après l’arrêt du nucléaire.

Il y a un paradoxe allemand : de cœur, nos voisins sont très « verts », mais la réalité l’est moins.

J’en viens à votre question sur la dérégulation et l’objectif des « trois fois vingt ». Je ne dirais pas que l’Europe a dérégulé ou libéralisé : elle a plutôt fait de la « re-régulation », c’est-à-dire changé une régulation pour une autre plus complexe.

Dans un marché libéral, l’électricien doit mettre sa production sur le réseau pour satisfaire la demande, puisqu’il faut équilibrer à chaque instant la production et la consommation. La fourniture se fait en fonction de coûts croissants : d’abord l’électricité la moins chère à produire, c’est-à-dire le nucléaire, puis le gaz, l’hydraulique de barrage, etc. – sachant que l’électricité hydraulique au fil de l’eau, elle, est dite « fatale » car sa production ne peut être arrêtée.

Les énergies renouvelables changent cet ordre d’appel : il est devenu obligatoire de les utiliser en premier lieu, comme s’il s’agissait d’énergies « fatales ». Il s’ensuit une modification importante des prix sur les marchés de gros. Il y a bien distorsion des règles par rapport à ce que serait un marché libéralisé.

Aurait-on fait mieux en conservant les prérogatives des opérateurs historiques ? Sans doute en matière d’investissement. L’Europe manque aujourd’hui d’investissements tant dans les lignes de transport que dans les moyens de production, et l’existence de gros opérateurs disposant d’importants moyens financiers aurait facilité les choses. Le programme nucléaire français n’aurait pas pu se faire dans un contexte de dérégulation. Investir pour cent ans est quelque chose de difficile ! Lorsque l’État imposait des obligations à ces sociétés qu’il détenait à 100 %, elles s’y conformaient. Dans une optique législative complexe associant libéralisation et re-régulation, il est beaucoup plus compliqué d’arriver à des objectifs.

Du reste, on ne peut pas vraiment parler de politique énergétique européenne. Le seul point sur lequel l’Europe a son mot à dire de manière forte est l’allocation des droits d’émission de CO2. Elle en a d’ailleurs beaucoup accordé notamment pour les centrales au charbon..

La formule britannique de prix plancher des droits d’émissions de CO2 jouera probablement en faveur des énergies renouvelables. A partir de cette année, , ce plancher sera de 16 livres par tonne, soit environ 19 euros, alors que le prix du marché est de 7 euros et qu’il pourrait tomber en dessous de cette valeur. La Grande-Bretagne est donc passée d’un système très libéral à une pratique plus interventionniste. En matière de CO2, d’ailleurs, ne serait-il pas plus simple de taxer les émissions ? La question reste d’actualité.

Vous m’interrogez aussi sur la différence de prix de l’électricité pour les industriels gros consommateurs en Allemagne et en France. Selon l’UNIDEN, les aménagements tarifaires pratiqués en Allemagne –non facturation du coût du transport et rémunération de l’interruptibilité – permettent à ces grandes sociétés de payer leur électricité 25 % moins cher qu’en France, quand bien même, du seul point de vue des tarifs, le coût de l’électricité est inférieur de 60 % en France. Mais l’Allemagne favorise ses grosses entreprises dans tous les secteurs.

M. Laurent Furst, président. En agriculture aussi.

Mme Colette Lewiner. En matière postale, par exemple, elle n’a pas hésité à augmenter le tarif du timbre pour créer, avec Deutsche Post, une entreprise profitable qui a racheté l’américain DHL et est devenue une société internationale. En France, on a plutôt tendance à privilégier la protection du citoyen.

S’agissant des gaz non conventionnels, l’Europe a lancé un groupe de travail pour tenter d’établir des normes. Même si l’on ne va pas jusqu’à un code minier, ce serait à mon sens une bonne chose que les experts miniers européens fixent les conditions d’une éventuelle exploitation.

Concernant enfin votre question relative à l’énergie et au traitement de l’eau, je ne dispose pas des données me permettant de vous répondre. À titre d’exemple, toutefois, la consommation d’énergie des pays du Golfe est en forte croissance et le traitement de l’eau y entre pour 50 %. Cela explique que ces pays souhaitent s’équiper en centrales nucléaires en dépit de leurs ressources en hydrocarbures.

L’existence, en France, de grands opérateurs historiques de traitement de l’eau est à l’évidence un avantage. Il s’agit maintenant de vraies sociétés internationales.

M. Laurent Furst, président. Comme les OGM, les gaz de schiste sont devenus un sujet tabou en France. Il est devenu politiquement suicidaire d’aborder le sujet.

Il est par ailleurs surprenant que la France ferme ses centrales à charbon quand l’Allemagne en construit de nouvelles – tout en développant, il est vrai, des recherches pour limiter la pollution et les émissions de carbone : l’injection de vapeur d’eau dans le cycle de combustion, par exemple, sans que l’on ait encore obtenu de résultat probant.

Mme Colette Lewiner. On sait le faire techniquement mais le coût est élevé.

M. Laurent Furst, président. Lors d’une audition commune devant la commission du développement durable et la commission des affaires économiques, le président-directeur général d’EDF, M. Henri Proglio, a affirmé que l’évolution de la proportion d’électricité nucléaire dans la production totale pourrait atteindre 50 % sous le seul effet de l’augmentation de la consommation et de l’accroissement de la population, dans l’hypothèse d’un maintien du parc nucléaire français. Il faut donc trouver des moyens supplémentaires pour le reste de la production.

Enfin, l’argent du consommateur a servi à financer le développement de micro-centrales de production sur les toits un peu partout en France. En installant ces panneaux photovoltaïques solaires sur les toits des collectivités, les maires s’achètent sans trop d’efforts une image environnementaliste. Je suis favorable au photovoltaïque, mais je pense qu’il y aurait plus de sens à installer de grandes centrales dans le sud du pays, en imposant une taille minimale. Les micro-centrales polluent plus le réseau qu’autre chose et coûtent très cher au consommateur. Ne s’est-on pas offert jusqu’à présent une politique publique à bon compte en la faisant payer par des tiers ?

Mme Colette Lewiner. Si la consommation augmente suffisamment, il est vrai que l’on arrivera à 50 % d’électricité nucléaire sans fermer de centrales. Mais tout dépend de la maîtrise de la consommation d’énergie. Les prévisions pour 2030 ont été revues à la baisse en 2012 par rapport à celles de 2011. Si les efforts de maîtrise de la consommation sont à la hauteur de ce que l’on imagine – ce dont il est permis de douter –, on ne passera pas à la proportion de 50 % de nucléaire sans arrêter de réacteurs. Bref, le scénario de M. Proglio est possible mais pas certain.

S’agissant des panneaux solaires, qui convertissent les photons en électrons, leur rendement maximal est actuellement de 15 %. Au lieu d’essayer d’améliorer cette donnée pour faire baisser les coûts, l’Europe a encouragé l’installation de panneaux qui produisent une électricité chère et qui sont, de plus, importés de Chine. Dans cette politique de court terme – l’objectif de 20 % d’énergie renouvelable –, on en vient à aider l’industrie chinoise par des subsides publics !

L’horizon de 2020 est trop court aussi bien en matière d’efficacité énergétique qu’en matière d’énergies renouvelables, où les techniques ne sont pas matures. Mieux vaudrait dépenser moins d’argent et orienter la dépense vers la recherche et le développement, par exemple pour mettre au point des cellules photovoltaïques à meilleur rendement et développer une technologie française ou européenne de génération 2.

M. Laurent Furst, président. Ne pourrait-on vous définir comme une « colbertiste de l’énergie » ? Merci, en tout cas, pour toutes ces informations qui nous auront éclairés dans une période où tout change dans le domaine de l’énergie, où il existe, pour l’avenir, plus de questions que de certitudes et où l’on est confronté à une appétence sociale pour certains types d’évolution. Le sujet mériterait à lui seul une mission d’information !

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur les coûts de production en France

Réunion du jeudi 24 janvier 2013 à 10 h 30

Présents. - Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. Jean-René Marsac

Excusés. - M. Bernard Accoyer, M. Olivier Carré, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, M. Jean Grellier, M. Claude Sturni, M. Olivier Véran