Au cours de sa réunion du mercredi 27 mars 2013, la mission d’information a examiné le projet de rapport sur les coûts de production en France.
M. Bernard Accoyer, président. Nous allons examiner, ce matin, le rapport et les propositions qui résultent du travail de notre collègue Daniel Goldberg, au moment où notre pays connaît une situation économique et sociale d’une extrême gravité, en tout cas jamais connue de longue date. Je pense évidemment aux destructions d’emplois qui génèrent tant de drames humains. Avant que nous en débâtions, je tiens à souligner, à titre personnel, qu’une crise d’une telle gravité nous appelle à transcender nos clivages face à des problèmes d’une considérable portée. La question de la compétitivité de notre économie est bien réelle et, en conséquence, le sérieux des travaux que nous avons conduits exige que nous exprimions de la façon la plus collective possible des propositions précises.
M. Daniel Goldberg, rapporteur. Je tiens tout d’abord à souligner l’excellent état d’esprit qui a présidé aux quelque 39 heures d’audition que nous avons menées dans le cadre de cette mission d’information. J’ajoute que nous avons tenu une réunion sur le plan du rapport qui a permis d’échanger à ce sujet.
Je partage tout à fait le sentiment quant à la gravité de la situation que vient d’exprimer le Président de la mission, c’est d’ailleurs pourquoi j’ai fait figurer en exergue du rapport la citation d’Antoine de Saint-Exupéry : « L'avenir n'est jamais que du présent à mettre en ordre. Tu n'as point à le prévoir mais à le permettre ».
Le rapport fait le constat du décrochage économique de notre pays et tente d’identifier les moyens d’un redressement. Il se veut le plus factuel possible et a l’ambition de reprendre l’ensemble des points de vue qui ont été exprimés à l’occasion des travaux de la mission. La première partie pose le constat du « décrochage » et analyse les différentes composantes des coûts de production. Sont ainsi présentés le prix du travail, les coûts de l’énergie, de la logistique ou encore de l’immobilier et le logement dont Louis Gallois a récemment regretté de ne pas lui avoir consacré un développement dans son rapport. Les charges liées au logement constituent en effet une part très significative des dépenses contraintes des ménages. Au-delà, le rapport dresse le constat de la dégradation de la situation financière des entreprises et par conséquent du déficit d’investissements, par exemple en matière de robotisation, et de moyens consacrés à la recherche privée. Ainsi s’est créé un cercle vicieux de la compétitivité qui mêle aussi bien les aspects « coût » que « hors coût » pour aboutir à l’image du « sandwich » décrite par M. Patrick Artus.
La deuxième partie du rapport décrit un certain nombre de phénomènes tels que la désindustrialisation, une production trop centrée sur le moyen de gamme, un réel déficit d’innovation sans oublier les délocalisations, qui indiquent que la France s’est assoupie face à la nouvelle donne de l’économie mondialisée. Pour ne pas être « la Belle endormie », le rapport détaille les tendances à suivre et à amplifier que sont la colocalisation, la création de la valeur ajoutée d’un produit sur notre territoire comme l’a fait l’Allemagne avec les pays de l’Est. Il pointe également le fait que la réglementation européenne fait souvent obstacle à la mise en place des projets de grande ampleur permettant de disposer de la taille critique sur les différents marchés.
Enfin la troisième partie correspond à une série d’orientations, elles-mêmes déclinées en propositions, afin de réorganiser la production de biens et de services dans le sens d’une plus grande efficacité. Il en va ainsi de l’orientation que j’ai finalement choisie de placer en tête et qui concerne la mise en œuvre d’un véritable État-stratège en faveur d’une politique industrielle innovante. La création dans le cadre du futur Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP), d’une commission pour l’innovation économique et la compétitivité (CIEC), spécifique et permanente et à laquelle le Parlement sera associé, va dans le même sens. Il convient également, à mes yeux, de favoriser la montée en gamme de notre industrie par l’innovation et la robotisation et de populariser le « Fabriqué en France » comme synonyme de qualité et d’envisager l’extension des Indications géographiques protégées (IGP) aux produits manufacturés.
Il est également important, et c’est l’orientation n°4 que je propose, que l’État se dote des capacités d’anticiper en matière d’aménagement aussi bien sur le plan de la logistique que des transports. Cette capacité à l’anticipation est particulièrement nécessaire dans la situation de baisse des dépenses publiques que nous connaissons. Il apparaît également nécessaire de fusionner certains pôles de compétitivité pour renforcer leur efficacité et de conforter le développement économique des PME par les pôles existants. Il convient de sanctuariser le crédit impôt recherche (CIR) jusqu’en 2017, tout en engageant son évaluation d’ici 2015 pour mesurer ses effets réels sur l’économie et envisager pour la suite un CIR renforcé en faveur des PME.
L’amélioration de la compétitivité de l’économie française repose pour une large part sur les PME et les ETI. Cela passe par un accès facilité au crédit, la réforme de l’assurance-vie, la création d’une bourse dédiée et la représentation des PME au conseil d’administration de la Banque publique d’investissement. Dans le même sens, le rapport propose d’adopter un small business act français afin de regrouper l’ensemble des mesures visant à stimuler l’activité des PME, d’améliorer la législation sur les transmissions d’entreprises et de lutter contre le rachat d’entreprises par les donneurs d’ordre dans le but de favoriser l’apparition de nouvelles ETI. Dans le même ordre d’idée, les relations interentreprises doivent être améliorées et la gouvernance des entreprises doit valoriser comme facteurs accrus de compétitivité la diversité de la société française et les parcours non conventionnels.
Le rapport formule, en outre, des propositions très concrètes en matière de marchés publics, en faisant évoluer la rédaction de l’article 53 du code afin de prendre en compte les performances des offres en matière de protection de l'environnement sur la base de leur empreinte carbone et en demandant aussi la publication d’un guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics. Il convient également de favoriser l’investissement des entreprises en matière de définition des normes-produit, de renforcer la réglementation sociale à l’échelon européen, d’appliquer le droit de l’État membre quand des travailleurs détachés y effectuent une prestation et d’instaurer un plancher européen pour les salaires minimum nationaux dits « de récolte » en vigueur pour les contrats courts applicables aux activités agricoles et de transformation agroalimentaires.
Selon moi il est absolument nécessaire de relancer la construction massive de logements socialement accessibles au plus grand nombre et la rénovation du parc existant afin de réduire la part trop lourde des dépenses contraintes dans le budget des ménages, car cela handicape aussi notre compétitivité. On peut également réfléchir à une modification du seuil du CICE en déclarant éligibles, sous une forme à définir, les salaires compris entre 2,5 et 3,5 SMIC qui sont plus nombreux dans l’industrie. La question du financement de la protection sociale, qui va faire l’objet de débats au sein du Haut conseil, n’est pas oubliée puisque le rapport préconise de différencier ce qui relève de l’assurance mutualisée d’un côté et de la solidarité nationale de l’autre. Les questions de la formation, initiale ou continue, font également l’objet de propositions. Il faut, tout d’abord, des mesures concrètes pour favoriser l’apprentissage, il faut également que le débat à venir autour de la formation professionnelle permette d’améliorer un dispositif à la fois coûteux, quelque 40 milliards d’euros par an, et qui échoue dans sa fonction puisque les salariés les moins qualifiés sont ceux qui en bénéficie le moins.
L’échelon européen n’est pas oublié, il faut notamment permettre l’émergence de champions communautaires susceptibles de rivaliser avec leurs concurrents internationaux, en assouplissant si besoin les règles internes de la concurrence. Il n’est pas certains que des groupes comme Airbus ou EADS pourraient voir le jour dans les conditions réglementaires actuelles ! Ainsi, il est nécessaire de les assouplir, de les réviser, pour développer une véritable industrie européenne. J’ajoute qu’il est tout autant nécessaire de lutter contre les dérives de l’optimisation fiscale de certains grands groupes.
À l’international, j’ai déjà dit que l’exemple de la collaboration entre l’Allemagne et ses voisins d’Europe de l’Est est intéressant et que nous devons nous en inspirer. J’invite donc à parier sur la colocalisation pour mener une nouvelle stratégie de croissance réciproque avec le continent africain et notamment le pourtour méditerranéen. Enfin, c’est l’évolution même du modèle de croissance qu’il nous revient de mieux prendre en compte et faire de la transition écologique une source de rebond économique. Il faut optimiser l’efficacité énergétique des réseaux existants en utilisant les technologies informatiques, les smart grids, pour améliorer la maîtrise de la production, de la distribution et de la consommation. J’ajoute qu’il faut aider les industries électro-intensives, mais aussi réfléchir à l’écologie industrielle qui passe par l’écoconception ou l’industrie du recyclage.
En conclusion, c’est bien parce que nous sommes face aux difficultés qu’il convient de se doter d’une stratégie ambitieuse et offensive afin de susciter le rebond de notre économie.
M. Laurent Furst. Je regrette que des délais de distribution trop courts ne m’aient pas permis de prendre connaissance du rapport avant cette réunion. La présentation du rapporteur contient des éléments intéressants, mais il est particulièrement regrettable que la logique qui vient d’être saluée à propos des auditions et du travail des membres de la mission n’ait pas été menée à son terme, ce qui aboutit à une sorte de « crash » du rapport.
Celui-ci ne traite pas véritablement de la problématique fondamentale, à savoir les coûts de production. Les orientations proposées ne vont pas au cœur du sujet. Celui-ci concerne les comparaisons relatives au partage de la valeur ajoutée entre la France et l’Allemagne ; les prélèvements fiscaux et sociaux réduisent le taux de marge des entreprises françaises. Il est historiquement faible dans notre pays et atteint aujourd’hui son plus bas niveau.. Le rapport est à côté du problème car il ne précise pas comment faire remonter le taux de marge.
M. Olivier Carré. Je déplore de ne retrouver que partiellement dans les orientations du rapporteur les analyses ou encore les propositions des personnalités auditionnées. .Il y a ainsi une différence entre ce qui nous a été dit et ce que nous entendons, du moins à la lecture du rapport. Le tiers des 25 premières recommandations du rapporteur aurait même pour effet d’augmenter les coûts de production, ce qui est grave pour la compétitivité des entreprises : par exemple, certaines d’entre elles entraîneraient un accroissement des normes. Les propositions relatives à la croissance sobre font fi de la transition énergétique en cours aux États-Unis qui augmente la compétitivité de cette grande économie, comme l’a souligné devant la mission M. Patrick Artus. Il n’est pas non plus mentionné que le taux de productivité élevé de l’économie française s’explique par le fait que ne sont employés que les salariés les plus employables, comme l’a notamment rappelé M. Pierre Cahuc, alors que les jeunes de moins de 25 ans sont laissés sur le côté de la route. Il n’est d’ailleurs pas indiqué que le niveau du SMIC pourrait être un obstacle à l’entrée des jeunes sur le marché du travail. À mon sens, il aurait fallu diminuer les a priori pour parvenir à une lecture nouvelle des problèmes de l’économie française. Il y avait plus de pistes à explorer, certes plus dérangeantes, pour tous les partis, d’ailleurs. Le rôle des parlementaires est de tirer des conclusions à partir des analyses qu’ils ont entendues, afin d’en tirer de nouveaux axes.
Mme Marie-Anne Chapdeleine. Je tiens à remercier le rapporteur M. Daniel Goldberg d’avoir permis d’aborder en profondeur la question des coûts de production en dépassant la problématique habituelle du poids des cotisations dans les salaires. La mission qui s’achève révèle un problème principal : la difficulté, en l’état actuel des choses, de formuler un diagnostic global sur la compétitivité de l’économie française et de ses entreprises, et plus encore, celle de proposer un remède miraculeux et immédiat à leurs difficultés. Gagner en compétitivité n’est plus ni moins que de déterminer la meilleure manière d’apporter de la valeur ajoutée, c’est-à-dire de travailler en particulier sur la compétitivité hors coût.
Au-delà des gains de productivité et des questions de compétitivité, on ne peut faire l’économie d’une réflexion et d’une action sur le pilotage stratégique des politiques industrielles, sur le renforcement des régions comme échelon décisif donc favorable à la cohérence d’une politique d’accompagnement des entreprises. De même, le travail de lisibilité des dispositifs de soutien à l’innovation et des processus de réglementation est une nécessité pour renforcer la réactivité des acteurs de notre économie.
Si l’on ajoute à cela le maintien d’un haut niveau de protection sociale, l’augmentation de la qualité de nos infrastructures, l’espace francophone encore si peu mis en valeur et la perspective d’un cadre européen harmonisant la fiscalité des entreprises, l’économie française peut être compétitive sans l’être au détriment des salariés.
Les propos tenus lors des nombreuses auditions me confortent dans l’opinion qu’il s’agit d’une condition fondamentale du développement de notre modèle économique et social. Il n’y a pas d’incompatibilité entre sécurisation des entreprises d’une part et des salariés de l’autre, comme le montre le récent Accord national interprofessionnel (ANI). Les orientations proposées vont en ce sens, à charge à nous et aux partenaires sociaux de les porter.
Mme Jeanine Dubié. Je tiens à souligner que la notion de « fabriqué en France » sera abordée dans le projet de loi sur la consommation dont le Parlement aura bientôt à connaître. Par ailleurs, on évoque l’accueil des talents étrangers, c’est bien mais encore faudrait-il garder les nôtres !
M. Laurent Grandguillaume. Les débats ont été très intéressants et je salue le travail collectif de la mission. Le rapport fait le point sur tous les éléments des coûts de production et propose une analyse objective ainsi qu’une grille de réflexion nouvelle à mettre en œuvre pour conduire le redressement économique de notre pays. Il met en valeur le travail parlementaire.
M. Olivier Véran. Au terme de travaux ayant duré plusieurs mois, ce rapport, très attendu, est à la hauteur des espoirs portés par l’intitulé de la mission. Il tient compte des particularismes de chaque grande catégorie productive, industrie et services. Il ne se borne pas à analyser la compétitivité « coûts », mais aborde aussi les problèmes liés à la formation, à l’innovation, à la recherche. Avant-hier, dans ma circonscription, j’ai présenté à 40 chefs d’entreprises la politique du gouvernement avec le Pacte national de compétitivité, le contrat de génération, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, la Banque publique d’investissement ; s’y ajoutera désormais un nouvel arsenal avec les propositions de ce rapport : le renforcement de l’efficacité des pôles de compétitivité, le transfert du pilotage en régions, la montée en gamme des produits français, la promotion des filières industrielles. Je voterai ce rapport avec enthousiasme.
M. Claude Sturni. Je ne découvre que ce matin le rapport et je suis effectivement déçu. Je suis en revanche d’accord avec la suggestion du rapporteur pour changer l’ordre des orientations, car il faut changer notre regard sur l’économie de la France et la considérer comme un pays où les industries ont de l’avenir. L’orientation « pour un nouvel État stratège d’une politique industrielle innovante » me pose problème dans la mesure où il ne faut pas négliger ni décourager les entreprises qui n’appartiennent pas aux filières d’avenir mais qui se battent jour après jour. L’orientation « pour un État mobilisateur du développement économique et de l’emploi en France » me convient mieux. Il ne faut pas laisser à penser qu’il existe de bonnes industries et de moins bonnes. S’il est possible de compléter le rapport, je suis prêt à faire des propositions.
M. Jean-Charles Taugourdeau. Je suis tout autant déçu par le rapport. Les conclusions ne reflètent pas la diversité des analyses des auditions. Parmi les coûts de production, il aurait fallu insister sur les normes, comme le Président de la République l’a rappelé à Dijon, en particulier sur les normes dites environnementales. Le temps, c’est de l’argent : il convient donc de réduire les délais administratifs, comme l’a également souhaité le Président de la République.
C’est l’activité privée qui crée la richesse. Elle finance donc tout en France, même les dépenses de solidarité ; il est donc impératif de revoir le fonctionnement de l’État : chaque emploi au sein de l’État doit apporter de la valeur ajoutée, en termes financiers ou d’amélioration des services. Il est urgent de ne pas alourdir le fonctionnement de l’État : la création de 60 000 postes ne se justifie pas.
M. Jean Grellier. Je salue le travail de la mission. La comparaison avec la mission de la précédente législature à laquelle vous faisiez allusion, M. le Président, montre que nos débats restent les mêmes. Il faut jouer sur plusieurs leviers en même temps : il est donc nécessaire de définir une chronologie pour « prioriser » la mise en œuvre des orientations. Les comités stratégiques de filières devraient avoir un rôle déterminant. En ce qui concerne les pôles de compétitivité, quand faudra-t-il agir pour les restructurer et donner la priorité aux PME ?
M. Christophe Borgel. Je crois qu’il faut chercher à dépasser les débats partisans. Par exemple, des choix devront être faits concernant la transition énergétique. Ils peuvent avoir un impact sur les coûts de production, mais l’enjeu est tel que des choix de cette nature doivent pouvoir être assumés politiquement. Autrement dit, le débat sur les coûts de production n’empêche pas les choix politiques.
Je voudrais insister sur trois points, qui me paraissent d’une importance majeure.
Tout d’abord, l’accent mis sur l’innovation et les secteurs d’avenir ne doit pas nous interdire d’accompagner les secteurs moins innovants et souvent en plus grande difficulté du fait de leur retard en termes de montée en gamme.
Ensuite, concernant les pôles de compétitivité, je soutiens les propositions du rapporteur visant à mieux distinguer ceux d’entre eux qui ont une vocation mondiale et européenne et ceux à vocation plutôt régionale.
Enfin, s’agissant des PME, on ne peut nier qu’il existe en France, contrairement à l’Allemagne, un problème de fond entre donneurs d’ordre et sous-traitants. Les responsables « achats » des grands groupes, parfois contre l’idée de leurs collègues de la fabrication, recherchent systématiquement à opérer sur les sous-traitants des économies de « bout de ficelle » qui ne devraient pas être. À ce problème, s’ajoutent les difficultés à faire passer les PME dans la catégorie des ETI. Faute de quoi, beaucoup de PME, dans l’impossibilité de se développer, sont souvent rachetées par leurs donneurs d’ordre. Il faut donc tout faire pour favoriser l’émergence d’ETI en France.
En conclusion, le rapport examiné ce matin est un travail à la fois sérieux et solide. Il apporte des réponses concrètes aux difficultés que nous rencontrons.
M. Thierry Mandon. Ce rapport s’inscrit dans des réflexions entamées de longue date par l’Assemblée nationale, afin que les parlementaires partagent un même diagnostic sur les coûts de production en France. Pour que la Nation relève la tête, il est indispensable que ce diagnostic soit fait de façon collective et donc qu’il soit partagé par les différents groupes de notre assemblée.
Les travaux réalisés sur ce thème sous la précédente législature n’ont pu être approuvés et publiés. Le présent rapport est donc l’occasion d’établir ce diagnostic et d’affirmer qu’il existe bel et bien un problème de coût de production en France. Toutefois, nos difficultés actuelles ne se résument évidemment pas à ce seul problème. L’issue réside dans la promotion de l’innovation qui doit innerver toute décision politique et dans un changement culturel de nos rapports vis-à-vis de la croissance et de l’entrepreneuriat.
Le rapport de la mission constitue précisément un socle minimum sur lequel les parlementaires peuvent se retrouver pour établir un diagnostic que personnellement je vous invite à partager.
Les orientations présentées par le rapporteur sont de nature diverses. Elles sont, pour certaines, des vœux de long terme, c’est effectivement le cas de la plupart des propositions à destination de l’Union européenne, mais elles représentent aussi des choix opérationnels concrets qui portent sur le tissu industriel, soit même des propositions susceptibles de nourrir des travaux en cours.
Pour ma part, je vous proposerai de les amender sur un seul point : au nom de la stabilité du cadre juridique et notamment fiscal, les parlementaires ne pourraient-ils pas s’appliquer une autodiscipline afin d’éviter tout amendement qui aboutirait à rendre toujours plus complexe notre droit ? Dans certains États, comme aux Pays-Bas, il existe des systèmes de filtrage préalable qui analysent les conséquences de tel ou tel amendement.
M. Jean-René Marsac. Je souhaite souligner la qualité du rapport, pour sa rigueur et la façon dont il rend compte des opinions parfois contradictoires des uns et des autres. Les intervenants auprès de la mission d’information sont entrés dans des débats qui allaient bien au-delà des seuls coûts de production : en cela, le rapport reflète bien la diversité et la pertinence des personnalités auditionnées.
Pour ma part, je souhaiterais mettre en exergue quatre points.
Il convient tout d’abord d’ouvrir un débat, que lance d’ailleurs le rapport, sur la question des cotisations sociales et du financement de notre système de protection sociale. Son poids est tel que les entreprises de main-d’œuvre se sentent pénalisées.
Par ailleurs, il convient de poursuivre les efforts pour l’accès individuel à la formation. C’est une condition indispensable pour assurer la mobilité professionnelle et pouvoir passer d’une filière à une autre.
Ensuite, la question des marchés publics a été longuement abordée par les chefs d’entreprise auditionnés. Il s’agissait donc d’apporter des réponses concrètes aux problèmes soulevés. À ce titre, la proposition avancée par le rapporteur d’utiliser l’empreinte carbone comme critère d’attribution d’un marché me semble excellente, en ce qu’elle permet de favoriser les entreprises de proximité.
Enfin, le rapport devrait donner un mode opératoire quant aux suites qui lui seront données, sachant que chaque orientation nécessiterait sans doute, à elle seule, un travail approfondi.
M. Éric Alauzet. Je vais formuler six observations.
En premier lieu, la fiscalité écologique peut être un élément décisif pour alléger le coût du travail. Des travaux sont actuellement en cours pour renforcer la contribution des énergies fossiles. Je tiens d’ailleurs à rappeler que le financement du CICE repose, pour un tiers, sur la fiscalité écologique. Celle-ci est une piste susceptible de permettre aux entreprises françaises de gagner en compétitivité.
En second lieu, les propositions relatives à l’harmonisation fiscale en Europe mériteraient, à elles seules, un chapitre dans le rapport, au regard de l’importance des enjeux.
En troisième lieu, les propositions portant sur l’économie verte et en réseaux devraient, selon moi, se situer au même niveau hiérarchique que celles consacrées à l’État-stratège. Elles ont en effet vocation à innerver l’ensemble de notre économie.
Quatrième point concernant les coûts du logement : je souhaiterais évoquer les coûts d’usage du logement et notamment des charges locatives qui forment un second loyer et qui pèsent lourdement sur les ménages. Il faut d’urgence mener une politique de rénovation thermique.
Cinquième point : s’agissant du CICE, avant toute modification de la cible actuelle, il convient de mesurer l’impact de la mesure sur l’emploi. Au vu de cette première évaluation, il conviendra – et seulement alors – de mesurer l’impact que pourrait avoir toute modification portant sur le niveau des salaires compris dans le système du CICE.
Sixième point : l’utilisation que font les États-Unis du gaz de schiste est tout sauf une transition énergétique, laquelle consiste à fonder le développement économique sur les énergies décarbonnées.
M. Bernard Accoyer, président. Comment ne pourrions-nous pas être d’accord pour dépasser certains clivages partisans, alors que, chaque jour, notre pays compte 1000 chômeurs de plus. L’urgence de la situation appelle des propositions les plus opérationnelles possibles. Si c’est effectivement ce qui fait défaut à ce rapport, je crois nécessaire de poursuivre la réflexion en trouvant un moyen de prolonger notre travail sur les coûts de production et sur la compétitivité de notre économie. Je vais voir avec le Président de l’Assemblée nationale comment pourrait-on mettre en place un cadre propice à ce travail nécessairement collectif et afin qu’il soit en rapport avec la gravité des sujets qu’il nous revient d’analyser encore plus profondément.
M. Daniel Goldberg, rapporteur. Je dois dire que si aux yeux de certains membres de la mission le seul moyen d’améliorer la compétitivité de nos entreprises consiste à baisser les coûts, nous ne serons pas à la hauteur du défi qui est devant nous. C’est parce que les enjeux sont complexes que j’ai voulu faire un état des lieux le plus complet possible, une sorte de socle commun qui puisse nous rassembler. Je n’ai d’ailleurs pas mentionné le CICE car selon moi ce rapport ne doit pas être un catalogue des mesures prises par le Gouvernement pour améliorer la situation de notre économie. Je ne conteste pas par ailleurs le fait que les cotisations sociales représentent un poids important pour les entreprises. Ce sujet est abordé dans une des orientations proposées dans le rapport et il s’agit selon moi d’un sujet majeur.
Cela étant, il me semble que les questions de formation, initiale et professionnelle, sont essentielles. Il faut former des salariés par l’apprentissage et pas seulement les salariés les moins qualifiés. Là encore nous pouvons prendre exemple avec ce qui se passe en Allemagne où l’accès aux fonctions les plus élevées dans l’entreprise peut se faire via l’apprentissage. En ce qui concerne la formation professionnelle, il est clair que les milliards d’euros qui lui sont consacrés ne le sont pas de manière efficace, c’est pourquoi je plaide pour la construction d’un cadre de certification des actions de formation afin d’atteindre les publics les moins mobiles professionnellement. J’indique à cette occasion que je préfère parler de « mobilité protégée » plutôt que de « flexi-sécurité ».
En ce qui concerne les différentes industries, pour moi les industries d’avenir ne se résument pas aux industries du futur. Il est tout à fait possible de construire des filières industrielles d’avenir à partir des industries présentes, à condition toutefois de se tourner vers l’innovation, la qualité et l’internationalisation. Il me semble par exemple que l’industrie automobile peut constituer une industrie d’avenir, à condition de ne pas louper son internationalisation comme cela a été le cas pour PSA.
Je suis tout à fait d’accord avec l’idée de plusieurs intervenants de faire agir différents leviers et d’établir un ordre de priorité entre les propositions qui ne peuvent toutes, à l’évidence, être mises en œuvre dans le court terme. Je crois qu’avec les sujets de la réforme de la commande publique ou les délais de paiement nous sommes bien dans la problématique des coûts de production. Il en va de même pour les mesures de nature à faciliter le rebond des PME et éviter qu’elles soient phagocytées par leurs donneurs d’ordre.
Je pense également que la stabilité des règles est nécessaire et que l’évaluation est également fondamentale. La commission permanente pour l’innovation économique et la compétitivité constitue une structure qui pourra aider les parlementaires face à des choix ayant un impact économique. Je n’ai pas mentionné à cet égard le « test PME » qui existe d’ores et déjà.
Je peux évidemment comprendre que certains membres de la mission éprouvent une certaine déception mais j’ai tenté pour ma part de répondre aux préoccupations qui sont ressorties des auditions. Il n’est pas contestable que les délais d’examen du rapport n’ont pas permis à chacun de faire valoir ses propositions C’est pourquoi je vous propose de faire figurer dans le rapport les commentaires et autres propositions que vous souhaitez. Je conclus en vous indiquant que j’ai favorablement répondu du Syndicat des machines et technologies de production (SYMOP) qui souhaitait organiser à l’Assemblée nationale la remise de ses labels « Productivez ! ». Cette manifestation se tiendra le 10 avril prochain à 18h dans la salle Colbert, vous y êtes bien entendu conviés.
Au terme de ces échanges, la mission d’information a adopté le rapport et les propositions présentés par le rapporteur, autorisant ainsi leur publication. Les membres de la mission appartenant aux groupes UMP et UDI ont voté contre.
——fpfp——
Membres présents ou excusés
Mission d'information sur les coûts de production en France
Réunion du mercredi 27 mars 2013 à 11 h 15
Présents. - M. Bernard Accoyer, M. Frédéric Barbier, M. Thierry Benoit, M. Christophe Borgel, M. Olivier Carré, Mme Marie-Anne Chapdelaine, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, M. Laurent Furst, M. Daniel Goldberg, M. Laurent Grandguillaume, M. Jean Grellier, M. Michel Lefait, Mme Annick Le Loch, M. Thierry Mandon, M. Jean-René Marsac, Mme Marie-Line Reynaud, M. Claude Sturni, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Olivier Véran
Excusés. - Mme Michèle Bonneton, M. Michel Destot, M. Pierre-Alain Muet
Assistait également à la réunion. - M. Éric Alauzet