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Mercredi 4 décembre 2013

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 1

Présidence de Mme Sylviane Alaux, Présidente d’âge, puis de M. Jean-Paul Chanteguet, Président

– Nomination du Bureau

– Désignation du rapporteur

Mission d’information
sur l’écotaxe poids lourds

La mission d’information s’est réunie en vue de procéder à la nomination de son Bureau.

Mme Sylviane Alaux, présidente d’âge. Chers collègues, le 12 novembre dernier, la Conférence des présidents a décidé de créer une mission d’information sur l’écotaxe poids lourds. Les missions d’information de la Conférence des présidents précédemment créées comptaient trente membres, sur le modèle des commissions d’enquête. Dans le cadre de notre mission, il a été décidé de prévoir une répartition ad hoc afin de garantir au moins deux sièges aux groupes politiques comptant les plus petits effectifs. Notre mission est en conséquence constituée de cinquante membres, avec la répartition suivante : 24 membres pour le groupe SRC ; 17 membres pour le groupe UMP ; 3 membres pour le groupe UDI ; et 2 membres chacun pour les groupes Ecologistes, RRDP et GDR.

À l’exception de l’obligation faite aux personnes auditionnées de prêter serment et du délai de six mois pour rendre un rapport, une mission d’information de la Conférence des présidents dispose quasiment des prérogatives d’une commission d’enquête pour son fonctionnement et les investigations qu’elle souhaite effectuer.

Ces précisions étant apportées, nous allons procéder à l’élection du président de la commission. Dans l’hypothèse d’une candidature unique, il n’y aura pas lieu de procéder à un vote. Une fois le président désigné, nous passerons à l’élection du Bureau de la mission qui comportera quatre vice-présidents et quatre secrétaires, puis nous désignerons le rapporteur. J’attire votre attention, chers collègues, sur le fait que nous pourrions être amenés à participer à douze scrutins successifs à bulletins secrets dans l’hypothèse où, pour chaque catégorie de poste, les candidatures ne recueilleraient pas la majorité absolue au terme de deux premiers scrutins. Une telle hypothèse, peu commode, retarderait le début de nos travaux.

J’appelle donc les candidatures pour le poste de président de la mission. Je vous rappelle qu’il a été décidé que le rapporteur de notre mission appartiendrait à la majorité, la présidence doit donc revenir à un membre de l’opposition. Y a-t-il une ou plusieurs candidatures ?

M. Marc Le Fur. Le groupe UMP participe à cette mission, qu’il n’a pas sollicitée, et pour laquelle il compte 17 membres. Il ne sollicitera toutefois aucun poste, ni au Bureau, ni comme rapporteur, ni comme président.

M. Bertrand Pancher. Le groupe UDI étant minoritaire dans l’opposition, il demandera normalement à siéger au Bureau et s’engagera donc au long de la mission, mais il ne revendique pas sa présidence.

Mme Sylviane Alaux, présidente d’âge. Je constate qu’il n’y a donc pas de candidatures à la présidence ?

Mme Catherine Beaubatie. Madame la présidente, je sollicite au nom du groupe SRC une suspension de séance de quelques minutes.

Mme Sylviane Alaux, présidente d’âge. Je suspends donc notre séance pour quelques minutes.

Suspension et reprise des travaux de la mission.

Mme Sylviane Alaux, présidente d’âge. Le groupe UMP et le groupe UDI ayant annoncé ne vouloir présenter aucun candidat à la présidence de cette mission, il me revient d’effectuer un nouvel appel à candidature. Y a-t-il une ou plusieurs candidatures pour la présidence ?

M. Jean-Paul Chanteguet. Le groupe SRC ne souhaite pas présenter de candidats à la présidence cette mission. Dans ce cas, est-ce que la non-présentation d’un président bloque la procédure ?

Mme Sylviane Alaux, présidente d’âge. Oui, sans désignation d’un président, on ne peut procéder à la constitution du Bureau et à la désignation du rapporteur. La procédure serait alors bloquée.

M. Jean-Pierre Gorges. C’est une mission qui a été mise en place par la Conférence des présidents à la suite d’une demande du Président de l’Assemblée nationale. C’est donc un choix politique qui a été fait, et, en conséquence, il me paraît logique de demander à la majorité d’assumer ce choix politique et d’occuper la présidence de la mission par un de ses membres Lorsque la majorité demande la mise en place d’une mission, elle en assume la présidence. C’est comme cela que les choses doivent se passer pour les missions d’information, et il convient de conserver ce mode de fonctionnement.

Mme Sylviane Alaux, présidente d’âge. Le poste de rapporteur appartenant à la majorité, le poste de président doit être pourvu par un membre de l’opposition.

M. Jean-Pierre Gorges. Cela devrait être le contraire.

Mme Catherine Beaubatie. Le groupe SRC propose la candidature à la présidence de M. Jean-Paul Chanteguet.

Mme Sylviane Alaux, présidente d’âge. Y a-t-il d’autres candidats ? En l’absence d’autre candidature, il n’y a pas lieu d’organiser un scrutin et je proclame donc M. Jean-Paul Chanteguet élu. Je vous adresse toutes mes félicitations, Monsieur le président.

M. Jean-Paul Chanteguet remplace Mme Sylviane Alaux au fauteuil de président.

M. Jean-Paul Chanteguet, président. Mes chers collègues, je vous remercie pour votre confiance. Il faut, lorsque l’on est parlementaire, savoir faire preuve d’adaptations. Les choses ne devaient pas se dérouler de cette façon, mais néanmoins, j’assume la présidence de cette mission pour pallier l’absence de candidats proposés par les groupes d’opposition.

Nous allons procéder à la désignation des membres du Bureau, composé de quatre vice-présidents et de quatre secrétaires. J’indique que l’article 143 du règlement de l’Assemblée nationale précise que les nominations ont lieu en s’efforçant de reproduire la configuration politique de l’Assemblée nationale et d’assurer la représentation de toutes ses composantes. Notre mission ayant été composée de façon dérogatoire pour donner à tous les groupes politiques la possibilité d’être représentés, il serait judicieux de trouver les termes d’un consensus afin de répartir dans cet esprit les postes du Bureau. Cela nous éviterait également de procéder à une succession de votes à bulletins secrets, étant entendu que certains postes du Bureau pourraient ne pas être immédiatement pourvus.

Nous allons procéder à la désignation des vice-présidents. Y a-t-il des candidats ? Mme Catherine Beaubatie, M. Bertrand Pancher, M. Patrice Carvalho et M. Thomas Thévenoud font acte de candidature. Je constate qu’il n’y a pas d’autres candidats et je les proclame élus.

Nous allons procéder à la désignation des secrétaires. J’ai reçu les candidatures de M. François-Michel Lambert, de M. Joël Giraud et de Mme Sylviane Alaux. Je constate qu’il n’y a pas d’autres candidats et je les proclame élus. Un poste de secrétaire demeure vacant et pourra être pourvu ultérieurement.

Nous allons maintenant procéder à la désignation du rapporteur.

Mme Catherine Beaubatie. Le groupe SRC propose la candidature au poste de rapporteur de M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Jean-Paul Chanteguet, président. Je constate qu’il n’y a pas d’autres candidats. Je serai donc également rapporteur de la présente mission d’information.

En conséquence, le Bureau de la mission d’information est ainsi composé :

La mission poursuit ses débats sur l’organisation de ses travaux.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Je voudrais dire quelques mots sur l’organisation des travaux de notre mission. Je souhaite vous proposer des réunions le mercredi, de préférence à partir de 11 heures, et lorsque cet horaire n’est pas mobilisable, le mercredi à 17 heures.

Je souhaite aussi vous proposer plusieurs auditions pour les prochaines semaines. Tout d’abord, M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué en charge des transports, puis M. Bernard Cazeneuve, ministre chargé du budget. Ensuite, il serait opportun d’auditionner les ministres qui ont été à l’origine de l’écotaxe, à savoir M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer de 2007 à 2010, et M. Dominique Bussereau, secrétaire d’État chargé des transports sur la même période. Nous pourrions ensuite auditionner les organisations professionnelles de transporteurs routiers.

Mon rôle durant cette mission sera d’écouter vos suggestions et d’entendre vos demandes. Dans mon esprit, l’objet de cette mission d’information n’est pas d’apporter quelques modifications aux dispositions régissant actuellement l’écotaxe, car dans ce cas, cette mission d’information ne servirait à rien. Notre objectif véritable doit être rebâtir quelque chose. C’est un objectif ambitieux qui nécessite que nous soyons capables, dans le cadre de nos travaux, d’élever le débat pour pouvoir reconstruire un nouveau dispositif. C’est un beau travail pour le Parlement que de reconstruire le dispositif de l’écotaxe, qui pourrait d’ailleurs porter un autre nom. Je pense que tous ensemble, nous pouvons cheminer et arriver à un résultat conforme à cet objectif.

M. Jean-Pierre Gorges. Je suis d’accord avec notre président-rapporteur, car l’écotaxe a été, à l’origine, un choix politique partagé. Je me pose toutefois des questions sur la solution technique retenue pour un autre dispositif : pourquoi a-t-il été nécessaire de mettre en place un système aussi lourd d’un point de vue technique pour collecter l’écotaxe ? Je pense qu’il y a un lien important entre la solution technique qui a été retenue et son coût d’exploitation. Il y a dix ans, l’Allemagne avait fait le choix d’une telle solution technique. Or les évolutions techniques ont depuis été importantes, et je m’interroge sérieusement sur l’opportunité du choix qui a été effectué.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. C’est une interrogation légitime dont nous aurons l’opportunité de discuter dans le cadre de nos auditions.

M. Éric Straumann. En tant qu’élu alsacien, je tiens à préciser que nous avons beaucoup souffert de la mise en place de l’écotaxe en Allemagne depuis 2005, puisque cette dernière a conduit à un supplément journalier de 1 500 camions en provenance d’Allemagne sur les routes alsaciennes. Je sais qu’en Allemagne la mise en place a aussi été très douloureuse, et que l’État fédéral restitue une partie du produit de cette taxe au secteur du transport routier pour aider à la modernisation de la flotte. Il serait pertinent, notamment sur ce point, de voir comment les choses fonctionnement de l’autre côté du Rhin.

M. Julien Aubert. Vous avez parlé de reconstruire le système. Cela est louable, mais ne peut pas se faire sans contraintes. Il existe un contrat avec Ecomouv’ et des investissements lourds ont déjà été réalisés. La capacité à revisiter le dispositif est nécessairement limitée par ces engagements. On a déjà dépensé beaucoup d’énergie, d’effort, et d’argent dans le dispositif actuel. Le piège est double : revenir en arrière, c’est perdre le bénéfice de ce qui a déjà été fait, et aller de l’avant, c’est aboutir à un système qui ne marcherait toujours pas et qui ne serait toujours pas accepté.

M. Philippe Duron. Je voudrais dire en qualité de président de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) que ce dossier est important, urgent et nécessaire.

Il faut d’abord faire la pédagogie d’un partage équitable du financement des infrastructures entre le contribuable et l’usager. Ensuite, nous n’avons pas suffisamment étudié les impacts de l’écotaxe, à la fois pour les territoires, mais aussi pour les transporteurs et les consommateurs. On entend beaucoup de choses sur l’impact final de l’écotaxe pour les consommateurs et pour la compétitivité des entreprises françaises. Sur ce sujet, il serait pertinent d’auditionner des économistes et d’essayer de déterminer l’impact réel pour les consommateurs finaux. Autre remarque, il faudrait entendre la DG « Move » pour déterminer les possibilités d’accompagner le secteur du transport routier, comme cela a été fait en Allemagne, afin de faciliter l’achat de matériels roulants moins polluants. Enfin, il me semble également que nous aurions intérêt à étudier avec attention les retours d’expériences d’autres pays européens pour en tirer des enseignements.

M. André Chassaigne. La priorité de notre travail serait d’abord d’avoir un échange au sein de la mission d’information pour déterminer les objectifs de l’écotaxe. L’objectif recherché est-il le développement du transfert modal ? Est-ce le financement des infrastructures de transports ? Peut-on se mettre d’accord, en dehors de toutes postures politiques, sur les objectifs recherchés ? Une fois déterminés ces objectifs partagés, il faudra analyser la réponse qui a été apportée par le dispositif actuel, tout en faisant l’inventaire d’autres réponses possibles. Si on se place dans la recherche de l’intérêt général, on devrait être capable d'apporter une réponse qui nous rassemble, pour voter in fine un texte à l’unanimité. Cela donnera une sorte de noblesse à notre action.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Je partage les propos de M. André Chassaigne. Il faut redonner du sens au dispositif, c’est indispensable.

Mme Isabelle Le Callennec. J’entends bien la nécessité de définir les objectifs recherchés par la mise en place de l’écotaxe, mais je me permettrais d’abord d’insister sur l’objectif de cette mission.

J’écoute les uns et les autres, et je comprends bien qu’il ne faut pas apporter de simples modifications à l’édifice actuel, mais rebâtir quelque chose tout en prenant de la hauteur. Cependant, lorsque l’on doit rebâtir, on doit d’abord se poser la question des bases. Dès lors, il conviendrait d’être tout particulièrement précis sur les contours de la mission.

Pour le moment, tout cela me semble bien flou. Une piste a été évoquée et elle concerne la production d’une étude d’impact. Le principe de l’écotaxe a été décidé en 2007, mais entre la prise de décision et la mise en œuvre, le contexte économique a profondément changé. Je pense qu’aujourd’hui cette question de l’étude d’impact est fondamentale pour pouvoir comprendre l’impact de l’écotaxe dans le contexte actuel. Donc, il convient que l’on s’entende sur les objectifs de la mission, pour qu’il n’y ait pas de déconvenues et que l’on aboutisse à un dispositif qui soit utile à tous.

M. Bertrand Pancher. Pour compléter les prises de positions de mes collègues, je pense qu’il est indispensable de se réapproprier les objectifs de l’écotaxe poids lourds. Je souhaite d’ailleurs proposer qu’avant les auditions, il y ait un débat général au sein de la mission pour s’approprier ces objectifs. Ensuite, il me paraît stratégique de pouvoir commencer nos travaux sur la base de différentes hypothèses de sortie du dispositif. Une option a été retenue pour la mise en œuvre de la taxe poids lourds, mais il y avait d’autres options possibles en termes d’exonération ou d’assiette de la taxe. Il faut un début de vision partagée sur les objectifs et les hypothèses de sortie. Je souhaite, je le répète, commencer notre mission par une réunion afin d’approfondir ces objectifs tout en se réappropriant les différentes hypothèses de sortie.

M. Joël Giraud. Je voudrais évoquer trois points. Tout d’abord, insister sur la nécessité d’un retour d’expérience concernant les six pays européens qui ont mis en place une telle taxe. Ce travail n’a sans doute jamais été réalisé par l’administration française ; s’il l’avait été, certaines erreurs auraient pu être évitées ! Ensuite, je rappelle qu’une commission d’enquête a été constituée au Sénat sur le même sujet. Des contacts avec ses membres seraient utiles, si le président de la commission d’enquête en était d’accord. Enfin, je voudrais souligner que l’incompréhension suscitée par l’écotaxe aujourd’hui. Cette incompréhension vient du fait que tout le monde est d’accord pour qu’un système de taxation permette in fine un transfert modal, ce qui signifie que le choix des itinéraires taxés est crucial pour que le dispositif soit compris et accepté par tous. Ce n’est pas le cas. Je prendrai comme exemple le massif alpin : dans le dispositif actuel, aucune des traversées alpines n’est taxable, seule l’est la route nationale entre Gap et Grenoble qui est dans un état lamentable et sur laquelle ne circulent que quelques camions par jour. On voit ainsi que la logique du transfert modal n’est pas parfaitement respectée. Je serais très heureux qu’on ait un système qui permette de dire : nous avons besoin de financements pour la ligne Lyon-Turin, et pour ce faire nous faisons en sorte que les itinéraires alpins, en particulier le trafic de transit qui s’y opère, soient taxés. On a l’impression que le choix des routes taxables a été laissé aux services des DREAL qui ont travaillé dans leur coin sans logique apparente concernant les itinéraires retenus.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Cela pose le problème de la pertinence du réseau taxable. Il faut certes donner du sens à l’écotaxe, mais aussi la rendre acceptable.

M. Olivier Faure. Une mission d’information de cette nature est nécessairement importante, et elle l’est notamment par sa composition. En la matière, je m’étonne de l’absence de M. Jean-Louis Borloo, de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, de M. Thierry Mariani, et de Mme Valérie Pécresse. Ces personnes ont participé de manière active à la mise en place de la taxe poids lourds, et leur présence aurait pu être utile pour marquer la continuité entre les décisions prises en 2007 et ce que nous entreprenons aujourd’hui.

Ensuite, j’ai du mal à comprendre pourquoi, sur un sujet qui a fait consensus lors du Grenelle de l’Environnement, nous avons un Bureau dont l’opposition s’est exclue. Lors des débats du Grenelle, nous étions dans l’opposition, mais nous avions accepté de faire ce pas, et dans un moment qui n’était pas le plus facile pour nous. Nous avions accepté l’idée que l’intérêt général devait l’emporter sur les intérêts partisans. J’aimerais savoir ce que l’opposition entend donner comme objectifs à cette mission et comprendre l’état d’esprit de ses représentants. Nous devons conserver de la cohérence entre nous, à la fois par rapport au passé sur la taxe poids lourds, et par rapport à son avenir. J’espère avoir une réponse et ne pas garder l’impression d’une majorité qui demande à aller de l’avant, et d’une opposition qui hésite entre plusieurs positions mais rechigne à faire progresser la discussion.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Mes chers collègues, je vous rappelle que nous n’en sommes qu’à notre première réunion !

M. Marc Le Fur. Monsieur le président, je considère que l’état d’esprit qui est le vôtre est positif, nous pouvons le partager. J’adhère à votre souhait d’« objectiver » le débat et non pas de régler des comptes. Il ne s’agit évidemment pas d’aboutir à des conclusions dès notre première réunion. Il s’agit de définir une méthode, en particulier la liste de celles et ceux que nous allons auditionner. La qualité des personnes auditionnées sera déterminante pour la volonté qui est la nôtre d’écouter les uns et les autres. Je souhaiterais, pour ma part, que la mission auditionne aussi les clients des transporteurs, c’est-à-dire en dernière analyse les payeurs, en particulier ceux du secteur agroalimentaire qui est le plus gros utilisateur du transport routier.

Je souhaiterais que l’on précise l’origine même de l’écotaxe : l’idée était d’inciter à la substitution entre modes de transport. Mais la capacité de substitution reste faible, voire inexistante, sur l’essentiel du maillage routier choisi. On ne va pas remplacer nombre de petites routes nationales et des routes départementales par des canaux, et le rail qui est d’ailleurs, à bien des égards, très peu efficient sur ces itinéraires.

Je souhaite également que nous ayons une vision claire des modalités de substitution. Tous les professionnels que j’ai rencontrés m’ont dit que sur des distances inférieures à 250 ou 300 kilomètres, le rail n’est pas un choix possible. Il faudra obtenir des précisions sur l’efficience du fret SNCF, dont l’activité n’a pas du tout progressé ces dernières années – c’est le moins que l’on puisse dire. Je souhaite que nous auditionnions les dirigeants, ou les anciens dirigeants, de Fret SNCF.

Enfin, il est nécessaire d’aller plus loin dans les comparaisons internationales. Je suis sceptique face à l’éternel enthousiasme sur le système allemand. Il faut rappeler que les autoroutes ne sont pas payantes en Allemagne, alors qu’en France les camions payent des péages autoroutiers, ce qui de fait constitue une sorte d’écotaxe. Je rappelle également qu’en Allemagne le prix du carburant est sensiblement inférieur et qu’il n’y a pas non plus de taxe à l’essieu. Certes, il y a une écotaxe en Allemagne, mais le transport routier n’y subit pas les autres mesures prises à son détriment, en France, au fil des années.

M. Thomas Thévenoud. Vous avez parlé de rebâtir le système. Pour cela, il faut d’abord faire l’analyse de ce qui a été construit par le passé. Je souhaite que les auditions auxquelles nous allons procéder se fassent de manière chronologique : on auditionne d’abord celles et ceux qui ont contribué à la mise en place du système de l’écotaxe tels que les ministres, les responsables des administrations concernées et la société Ecomouv’. Il ne s’agit pas de régler des comptes, mais il faut quand même faire les additions et soustractions du dispositif actuel.

On ne peut pas raisonner sans tenir compte de l’impact budgétaire de l’abandon du système existant. Je souhaite d’ailleurs que l’on puisse auditionner, outre le ministre chargé du budget et l’administration des Finances, les collectivités territoriales qui sont potentiellement bénéficiaires de l’écotaxe. On parle beaucoup des contributeurs mais il faut aussi entendre les potentiels bénéficiaires de l’écotaxe. Il ne faut pas faire abstraction des implications budgétaires que pourrait avoir la remise en cause voire la modification du système actuel.

M. Thierry Benoit. J’adhère à certains des propos qui ont été tenus, mais pas à tous. La mission d’information ne doit pas servir à régler des comptes. Les propos tenus par M. Olivier Faure sont à cet égard mal venus. Mieux vaut auditionner les anciens ministres que les compter parmi nos membres : on ne peut pas être juge et partie. Nous jugerons !

L’écotaxe a été votée à l’unanimité à l’époque parce que nous sommes tous conscients de l’impératif de la conversion écologique de la fiscalité. C’est une nécessité. Cela se fera et pas uniquement par l’écotaxe. Le Premier ministre vient d’annoncer une mise à plat de la fiscalité, et j’imagine que dans cette démarche il va être affirmé que, dans la fiscalité du futur, la dimension écologique sera très prégnante. Notre président, en tant que président de la commission du développement durable, y sera certainement très attentif.

Je voudrais que dans le cadre de la mission d’information, soit réalisée une étude comparative, au niveau européen, des taxes supportées par les usagers de la route, qu’il s’agisse des transporteurs, des véhicules légers ou de l’industrie agroalimentaire.

Je demande aussi que, dans la mise en place de ce que sera la future écotaxe, un minutieux travail de terrain soit effectué. Si la Bretagne n’avait pas réagi, l’écotaxe serait entrée en vigueur. Et si des réactions se sont manifestées en Bretagne, c’est à cause de l’absence d’alternatives au transport routier. Les majorités successives ont pris ce problème en considération, puisque des minorations ont été accordées à la Bretagne. Mais lorsque l’on ne dispose pour transporter les personnes et les marchandises que de routes et d’un réseau ferroviaire archaïque, cela soulève bien sûr des questions. L’écotaxe doit coller aux réalités de terrain. Il faut cesser de suivre un raisonnement qui, lorsqu’une nouvelle taxe se met en place, a comme point de départ une condamnation préalable et suivie de jugements et de discriminations. Cela aboutit à ce que la taxe soit perçue comme un piège et comme une sanction par nos concitoyens.

Sur la mise en place de la future écotaxe, il y a nécessité d’une harmonisation intégrale avec les dispositifs existants en Europe. Je relève, par exemple, que chez nos voisins, seuls les poids lourds de 12 tonnes et plus sont soumis à la taxe. Et il faut que l’on puisse dire à quelle autre taxe l’écotaxe peut se substituer. Il faut que nous fassions une proposition de suppression d’une ancienne taxe.

M. Jean-Yves Caullet. M. Philippe Duron a estimé, à juste titre, qu’il fallait faire la part des choses entre la fiscalité applicable aux contribuables et les contributions des usagers. Je pense qu’il faut globalement considérer l’ensemble de la fiscalité qui s’applique ou qui ne s’applique pas au transport routier. Par exemple, la TIPP n’est pas payée par les transporteurs qui ne font pas le plein de France. Un bilan global de la fiscalité applicable au secteur routier, avec éventuellement des comparaisons européennes, doit être effectué. Il faut savoir qui paye l’usage, suivant les modes de transports. On doit aussi procéder à une analyse des flux financiers des contribuables et des usagers vers les infrastructures dont nous reconnaissons tous qu’elles sont indispensables.

Par ailleurs, je regrette le début de notre réunion car nos collègues de l’opposition se sont organisés pour éviter d’apparaître trop liés dans la recherche d’une solution. J’espère que notre volonté de succès puisse être affirmée en commun et que la solution trouvée sera un succès.

M. Philippe Bies. Je regrette, moi aussi, la manière dont s’est déroulée la première partie de notre réunion. Ce n’est pas nous qui avons privatisé les autoroutes, ce n’est pas nous qui avons récemment soufflé sur les braises ! Il s’agit ici de trouver des solutions, mais pas des solutions qui permettent aux camions d’utiliser des modes de transport alternatifs, puisque ces modes alternatifs n’existent pas forcément aujourd’hui, en Bretagne et aussi ailleurs. Essayons de garder en tête l’intérêt général et pas forcément, systématiquement, les spécificités de nos circonscriptions respectives.

Je retiens de nos premiers échanges la nécessité de bien resserrer les objectifs de la mission d’information, sinon elle durera au moins un an ! Nous ne pourrons même pas être sûrs d’aboutir à un résultat. Restons concentrés sur le principe « pollueur-payeur », le principe de base, pour reconstruire un dispositif qui puisse recueillir un consensus.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Je rappelle que l’article 11 de la loi de 2009 dispose que « une écotaxe sera prélevée sur les poids lourds à compter de 2011 à raison du coût d’usage du réseau routier national métropolitain non concédé ».

M. Jean-Pierre Gorges. J’ai participé à un grand nombre de missions parlementaires et je sais que pour aboutir à un résultat, il ne faut pas tomber dans le travers de la politique. La mission actuelle est un peu particulière, car elle ne peut se contenter de faire un constat de situation, comme c’est le cas de la plupart des missions. Elle doit viser à apporter des solutions concrètes. Pour cela, il va falloir d’abord réussir la première phase qui consiste à bien « objectiver » la situation de départ. Entre 2007 et aujourd’hui, il s’est passé sept ans qui ont abouti à un contexte politique et économique différent. Il faut bien séparer la première phase, avant de formuler des propositions pour résoudre la situation actuelle. Mais si on ne sépare pas ces deux phases, il y aura toujours des arrière-pensées politiques.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Une dernière question concernant nos travaux : nos auditions doivent-elles être ouvertes à la presse ? J’y suis, à titre personnel, particulièrement favorable. Et je prends acte de votre approbation en ce sens.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'Ecotaxe poids lourds

Réunion du mercredi 4 décembre 2013 à 11 heures

Présents. - Mme Sylviane Alaux, M. Julien Aubert, Mme Catherine Beaubatie, M. Thierry Benoit, M. Philippe Bies, M. Marcel Bonnot, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, Mme Marie-Anne Chapdelaine, M. André Chassaigne, Mme Françoise Dubois, M. Philippe Duron, Mme Corinne Erhel, Mme Sophie Errante, M. Olivier Faure, M. Claude de Ganay, M. Joël Giraud, M. Jean-Pierre Gorges, M. Jean Grellier, M. Michel Heinrich, M. Guénhaël Huet, Mme Joëlle Huillier, M. François-Michel Lambert, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Viviane Le Dissez, M. Marc Le Fur, M. Jean-Pierre Le Roch, M. Gilles Lurton, M. Bertrand Pancher, M. Hervé Pellois, M. Gilles Savary, M. Éric Straumann, M. Thomas Thévenoud, M. Fabrice Verdier

Excusés. - M. Xavier Breton, M. Alain Claeys, M. Richard Ferrand, Mme Eva Sas