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Mercredi 9 avril 2014

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 19

Présidence M. Jean-Paul Chanteguet, Président

– Table ronde avec les syndicats de salariés du transport routier de marchandises, avec : MM. Patrice Clos, secrétaire général, Bruno Lefebvre, secrétaire général adjoint et Stéphane Lagedamon, trésorier général de la Fédération nationale des transports et de la logistique FO/UNCP ; MM. Jérôme Vérité, secrétaire général, et Jean-Louis Delaunay, membre du Bureau fédéral, secteur « transports de marchandises » de la Fédération CGT des Transports ; MM. Fabian Tosolini, secrétaire général, Thierry Cordier, secrétaire général de l’Union fédérale « Route » et Denis Schirm, secrétaire général-adjoint de l’Union fédérale « Route » de la FGTE–CFDT ; MM. Frédéric Bérard, président de la Fédération CFE–CGC des Transports, Pascal Bodson, conseiller fédéral et Philippe Queune, conseiller fédéral SNATT CFE–CGC, ainsi que MM. Cyrille Jullien, secrétaire général et Pascal Goument, coordinateur du secteur terrestre de la Fédération générale CFTC des transports 2

Mission d’information
sur l’écotaxe poids lourds

M. le président et rapporteur Jean-Paul Chanteguet. Je tiens spécialement à remercier, au nom des membres de la mission d’information, les représentants des organisations syndicales qui ont répondu à notre invitation.

En préalable, je souhaite informer la mission que notre collègue Marc Le Fur m’a adressé une nouvelle lettre exprimant le souhait que Mme Ségolène Royal soit auditionnée. Je lui indique que les propos récents de Mme Royal ont été clairs : elle attend, comme le Premier ministre, les conclusions de notre rapport pour mieux appréhender toutes les incidences du « dossier de l’écotaxe ». Dans ces conditions, on ne peut pas dire que le Parlement n’est pas étroitement associé au travail gouvernemental ! On peut même considérer que, sur ce point précis, l’apport de sa réflexion pourrait être décisif.

Il nous revient donc de poursuivre notre travail en accélérant le pas. C’est pourquoi je vous propose que mercredi 16 avril notre réunion soit consacrée à un échange de vues entre nous sur les pistes d’évolutions du dossier et les propositions qu’il nous revient de faire.

À présent, il s’avère tout à fait nécessaire que nous entendions la voix des salariés du monde du transport routier de marchandises.

Vos métiers, Messieurs, s’exercent dans un secteur sous tension. Certes, le transport est un domaine fortement réglementé. Il n’en est pas moins soumis à une pression permanente de la concurrence, notamment intra-européenne. Le dumping social est l’un des maux qui frappe votre secteur. Face à ce problème, le Gouvernement a affirmé sa détermination : d’abord, en décidant de mieux cibler les contrôles, puis en précisant ce qui est inacceptable s’agissant du travail dit « détaché ». Sur ce point, notre collègue Gilles Savary, qui est d’ailleurs membre de la mission d’information, est à l’origine d’une initiative législative.

Au cours des dernières années, l’emploi salarié a sensiblement fléchi dans le transport routier. Les défaillances d’entreprises se sont multipliées. En 2012, près de 40 % des entreprises françaises du secteur ont enregistré un résultat courant négatif !

Même si les entreprises familiales restent nombreuses, un phénomène de concentration s’est accentué. On croit souvent que le transport routier est caractérisé par une multitude de petites entreprises. Or, moins de 6 000 entreprises représentent désormais plus des deux tiers du chiffre d’affaires et des salariés !

Si la part modale du transport routier est restée stable, à environ 80 %, l’activité, en milliards de tonnes par kilomètre, du transport de marchandises sous pavillon national a baissé de plus de 6 % en 2012.

En outre, les trajets internationaux par le transport routier sous pavillon français ont considérablement décliné : ils ne représentaient plus que 9 % environ du transport total contre près de 20 % en 2000 !

Dans le même temps, la France est devenue le pays le plus « caboté » d’Europe. Les principaux acteurs de ce cabotage sont allemands et espagnols, plus présents encore que les transporteurs venus d’Europe de l’Est. Mais les volumes « cabotés » restent mal connus : des détournements de la réglementation existent et il est difficile d’en contrôler les pratiques.

Sur ce sujet crucial, nous écouterons avec la plus grande attention vos propositions.

Les dirigeants de vos entreprises et les chargeurs ont pu largement s’exprimer devant la mission. Il nous revient aussi de mieux comprendre ce que l’écotaxe pourrait éventuellement avoir pour conséquences sur l’emploi et vos conditions de travail. À cet égard, les salariés ont-ils suivi des formations particulières en vue d’être prêts le moment venu, c’est-à-dire au jour d’entrée en vigueur de l’écotaxe ?

Quelles sont vos observations, vos interrogations, voire vos craintes sur ces points ?

M. Patrice Clos, secrétaire général de la Fédération nationale des transports et de la logistique FO/UNCP. Merci de permettre enfin aux représentants des salariés professionnels des transports de s'exprimer devant les représentants de la nation sur le sujet de l'écotaxe notamment. Je suis accompagné de Stéphane Lagedamon, trésorier général en charge du transport routier « voyageurs, déménagement et sanitaire ».

Force Ouvrière/Union Nationale des Chauffeurs Professionnels (FO/UNCP) est une organisation syndicale de salariés, représentative au sens de la loi d'août 2008 et des décrets de juillet 2013.

Elle adhère à ETF, syndicat des transports européens, et à ITF, syndicat des transports mondiaux. Nous n'allons pas nous attarder sur les aspects techniques de cette écotaxe, car je pense que les fédérations patronales en ont déjà largement débattu avec vous, mais plutôt sur le ressenti de nos adhérents – comment ils perçoivent la taxe et les problématiques qu'elle soulève.

Si, pour les conducteurs, cette mesure est une bonne solution face à la problématique environnementale, ceux-ci plébiscitent une écotaxe européenne avec les mêmes règles et tarifs pour tous. En effet, pour les salariés que nous représentons, il est inconcevable que l'Europe n'arrive pas à s'entendre sur un tel sujet. La première crainte est la distorsion de concurrence entre les pays de l'Union européenne, avec pour principal enjeu, qu'on le veuille ou non, les emplois. La variable d'ajustement ne peut être le social à la française.

L'autre problème est que, quand nous regardons la carte de France, nous nous apercevons que le maillage de routes soumis à l'écotaxe n'est ni égalitaire, ni équitable sur l'ensemble du territoire. Les régions Rhône-Alpes et Sud-Est le montrent par exemple. Peut-être parce que ces régions ont des autoroutes concédées …

Si c’est le cas pour l’Île-de-France et pour de grandes agglomérations, cela n'empêche pas que certains portiques soient aux portes des villes ou à leur périphérie.

Or les chargeurs et les transporteurs ont déjà, dans de nombreux grands groupes, anticipé la mise en place de l'écotaxe avec des logiciels calculant les trajets afin d'éviter au maximum les routes assujetties.

Pourquoi pourront-ils le faire ? Tout simplement par manque de moyens des services de contrôles. Alors que nous devrions être à ce jour à un minimum de 3 % de contrôle avec la directive européenne 2002/15, la France arrive péniblement à moins de 1 %. Le cabotage est devenu une vraie jungle. D'ailleurs, FO avait demandé aux ministres des transports, M. Mariani, puis M. Cuvillier, de se servir des boîtiers écotaxe pour le contrôler. Mais nous avons reçu une fin de non-recevoir de leur part car cela n'était pas prévu dans les textes. Si par l'intermédiaire de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et de la modernisation de l'action publique (MAP), nous n'avons plus assez de fonctionnaires pour effectuer les contrôles, pourtant indispensables pour que la concurrence soit à peu près loyale entre transporteurs, comment allons-nous faire si ce n'est par un moyen électronique ?

La fonction de l'écotaxe ne peut pas rester qu'environnementale : elle doit pouvoir permettre de révéler les cas de fraude au cabotage et, au-delà, des atteintes à la dignité humaine. Comment accepter, dans un pays comme la France, l'esclavage des temps modernes lié à la directive « détachement » ? Il n'y a qu'à voir dans les dépôts des grands groupes de transport, les zones frontalières et plus encore dans le nord de la France, comment sont traités les salariés du transport européen.

FO remercie le député Savary, qui se bat avec d'autres contre cet esclavage, mais avec un bémol : il serait bien que les professionnels de la route que nous sommes soient entendus par vous, Mesdames et Messieurs les députés, avant que les lois ne soient adoptées. Quant à la loi sur la directive « détachement », elle soulève un vrai problème concernant le repos hebdomadaire. Le conducteur doit rester au maximum près de son camion car il est responsable du véhicule et de la marchandise qu'il transporte : or nous savons qu'en France, il y a peu d'hôtels avec des parkings sécurisés à proximité des grands axes.

Par ailleurs, le boîtier écotaxe pose le problème de la vigilance au volant. En effet, c'est au conducteur de s'assurer que les données ont bien été enregistrées. Pendant qu'il regarde le boîtier en passant sous le portique ou à coté de la borne, il ne regarde pas autre chose, donc la route. Le 7 novembre 2013, nous avons écrit au ministre de l'intérieur pour l’alerter sur le fait que les exigences prescrites par la loi du 28 mai 2013 sont en totale contradiction avec les règles impératives du code de la route, notamment ses articles R 316-1 et R 412-6, qui disposent que « tout conducteur doit veiller à ce que son champ de vision et ses possibilités de manœuvre ne soient pas réduits par les objets transportés » et à « … toujours maintenir un champ de visibilité suffisant ». Or le boîtier est collé au pare-brise. Notre organisation syndicale reste convaincue que la sécurité des usagers sur l'ensemble du réseau national est une préoccupation constante de la représentation nationale.

D'ailleurs, les conducteurs ont des difficultés avec l'informatique embarquée, qui prend de plus en plus de place dans la cabine d'un poids lourd et pose des problèmes liés à l'ergonomie et à la sécurité des postes de conduite.

Pour ces raisons, nous vous demandons de prévoir des ajustements à ce dispositif, d'organiser une formation adaptée dans le cadre de la formation continue obligatoire (FCO) par exemple, de revoir le matériel utilisé et de veiller à ce que celui-ci soit en totale adéquation avec les règles impératives du code de la route. Si rien n'est fait, cela pourrait coûter au conducteur 350 euros d'amende et 3 points en moins sur son permis. Or ce dernier est l'outil de travail des professionnels de la route. D'après les contrôles effectués par le ministère de l'intérieur, 150 000 conducteurs rouleraient sans permis, mais, selon nos sources, ils seraient plus de 300 000, dont 60 000 professionnels de la route.

Si nous ne pouvons accepter de tels comportements, nous ne pouvons condamner aujourd'hui ces professionnels, car ils subissent la triple peine : perte du permis, perte de l'emploi et perte du foyer familial. Depuis 1992 et l'instauration du permis à points, nous avons vu disparaître le permis blanc, les dispositions de la convention collective ou la possibilité de récupération de points. Les représentants des professionnels de la route que nous sommes ne sont même plus écoutés au ministère de l'Intérieur, où seules certaines associations ont le droit de parole.

J'ai personnellement été affecté par la perte d'êtres chers sur la route, mon frère en 1992, deux de mes cousins plus tard et ma nièce qui, le 19 décembre 2002, fut lâchement assassinée à l'arrêt de bus du lycée de Blagnac par un homme qui n'aurait jamais dû avoir le permis de conduire. Mais contrairement à d'autres, ce n'est pas pour cela que je dois en vouloir à tous les automobilistes. Si les résultats de la sécurité routière sont très encourageants, nous devons faire en sorte que les professionnels puissent vivre avec une carte professionnelle de conducteur.

Aujourd'hui, les métiers de la route n'attirent plus les jeunes. En effet, comment construire une vie avec un bout de papier rose et en étant payés au SMIC ?

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Lorsque le camion passe sous le portique, que devra contrôler le chauffeur ?

M. Patrice Clos. Le passage du feu rouge au vert du voyant sur le dispositif électronique embarqué, pour savoir si les données ont bien été enregistrées.

M. Jérôme Vérité, secrétaire général de la Fédération CGT des transports. Le dumping social et la sous-tarification du transport routier poursuivent effectivement leurs ravages, avec des dizaines de milliers de suppressions d'emplois, à quoi il faut ajouter les effets négatifs sur l'environnement.

Pourtant, les gouvernements successifs ne semblent toujours pas décidés à inverser la tendance. Au contraire, tous les signes et engagements pris ces derniers mois vont complètement à l'encontre des décisions du Grenelle de l'environnement et d'un report modal vers le rail et le fluvial.

Il en est ainsi de la généralisation du 44 tonnes, mais aussi du nouveau report de l'écotaxe poids lourds ou du soutien à la politique du bas coût, qui se généralise dans tous les modes de transport.

Cela explique peut-être pourquoi les transports ont été, malgré les demandes multiples de la CGT, absents des thèmes abordés lors des Conférences environnementales de 2012 et 2013. Jusqu'à quand les gouvernements successifs vont-ils nier l'évidence et céder aux sirènes du capital ? Pourtant, la structuration et l'organisation des transports posent des questions de fond, touchant aux choix économiques et de société, c'est-à-dire au mode de développement – un sujet sans doute trop sensible.

Cela se produit dans un contexte de concurrence exacerbée, de dumping social, d'opposition entre modes de transports ou, à l'intérieur des modes, de mise en concurrence entre les salariés, ne répondant pas aux besoins des usagers ou des populations et allant à l'encontre d'une diminution des émissions de gaz à effet de serre (GES).

Le dernier rapport du GIEC est alarmant et les phénomènes climatiques de ces derniers mois en Europe et dans le monde nous interpellent. Comme le dit le climatologue Jean Jouzel, dans L'Humanité du 12 novembre 2013, « notre crainte, c'est que le réchauffement climatique ne favorise des cyclones de plus en plus violents, provoquant des dégâts de plus en plus graves. Si les événements de ce type continuent à se multiplier, il est probable que – dans le prochain rapport du GIEC – le lien soit fait avec les activités humaines ».

Or les transports sont responsables de près de 30 % des émissions totales de GES. Ils représentent 32 % de la consommation générale d'énergie et concentrent à eux seuls 70 % de la consommation française de pétrole.

En France, ils sont les premiers émetteurs de GES, devant l'agriculture, le résidentiel et l'industrie. Alors que les autres secteurs connaissent une diminution des émissions de C02, celles issues des transports ont augmenté de 36 % depuis 1990. Ils constituent donc un levier essentiel pour toute transition énergétique.

Cela implique une autre régulation que celle du marché et des logiques de concurrence et de flux tendu, permettant d'assurer des transports qui soient économiquement, socialement et écologiquement responsables.

Cela passe notamment par une organisation des transports appropriée à chaque domaine – voyageurs et marchandises.

La multimodalité reconnaît l'utilité de tous les modes de transport et définit leur place pertinente, sans les opposer.

Elle requiert une volonté de maîtrise publique de tout le système de transports. C'est un choix politique fondamental. D'ailleurs, les représentants du capital et le patronat emploient rarement en ce sens ce concept de multimodalité : lui est préférée la logique de concurrence et de profit, y compris dans le cadre d'intermodalités – dont ils ont besoin pour leur business –, aux dépens de l'intérêt général et des besoins sociaux et environnementaux.

Le Gouvernement, en suspendant la mise en œuvre de l'écotaxe poids lourds, vient une nouvelle fois de céder aux pressions du patronat, aux lobbies routiers, condamnant encore un peu plus tout report vers les modes alternatifs que sont le rail ou le fluvial.

Il faut également signaler que le patronat routier sera exonéré de la nouvelle taxe « climat énergie », qui reposera essentiellement sur les ménages et les salariés, ce qui est encore une nouvelle injustice.

L'amalgame scandaleux qui a été mis en avant par les différents protagonistes des mouvements d’il y a quelques mois – allant de la FNTR à la FNSEA, au MEDEF ou à la CGPME, avec le soutien des forces politiques de droite et d'extrême droite – a eu pour unique but de diviser un peu plus les salariés qu'ils exploitent, menacent, licencient à longueur d'année, en prenant appui sur le juste mécontentement de ceux-ci.

Ce renoncement va avoir de lourdes conséquences sur le financement des infrastructures ferroviaires, fluviales et routières, avec le risque d'aller vers de nouvelles concessions routières – de nouvelles privatisations – et la remise en cause du financement des trains d'équilibre du territoire. L'appel à projets « Mobilité durable » pour les transports en commun 2014 a abouti au dépôt de 120 dossiers par les collectivités pour un montant de 6 milliards d'euros. Or l'enveloppe gouvernementale prévue pour abonder ces projets était de 450 millions d'euros – chiffre déjà jugé insuffisant, car le « coup de pouce » moyen permettant de boucler les financements est plutôt estimé à 10 %, contre 7,5 % en l’espèce. Par ailleurs, ce montant devait être financé par une agence publique, l’AFIFT, dont les ressources sont censées être abondées par les recettes de l'écotaxe. Or du fait de la suspension de celle-ci, l'agence a annoncé qu'elle ne prendrait aucun engagement dans son budget 2014, ce qui affecte l'appel à projets mais aussi les contrats de plan 2014-2020 que l'État et les régions sont en train de négocier.

En plus du manque à gagner de 750 millions d'euros pour les infrastructures et 150 millions d'euros pour les territoires, le Gouvernement devra financer le partenariat public-privé (PPP) engagé sous la présidence Sarkozy, qui a été conclu avec le consortium Ecomouv’ pour une période de treize ans et se chiffrera à plusieurs milliards d’euros.

Par ailleurs, un quart de la collecte de l’écotaxe, soit 230 millions d'euros par an, serait consacré au paiement du loyer à cette société. Démonstration est faite – une nouvelle fois – de la nocivité des PPP, à quoi s'ajoute, dans ce cas, une privatisation d'une des missions régaliennes de l'État, qui est de prélever les impôts et taxes.

Les contribuables et les salariés risquent une fois de plus d'être sollicités pour financer le manque à gagner. D'où la nécessité, également, d'une véritable réforme fiscale.

Pour la CGT, la fiscalité de notre pays est injuste et inefficace. Elle repose pour beaucoup sur la TVA, qui est l'impôt le plus injuste qui soit, et sur une faiblesse de l'impôt sur le revenu, notamment pour les riches. Elle taxe en outre plus le travail que le capital. À cela s'ajoute la kyrielle de niches fiscales : exonérations de cotisations, qui représentent plus de 200 milliards d'euros par an de cadeaux faits aux entreprises, sans aucun contrôle de l'utilisation de cet argent. Le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) de 20 milliards d’euros par an en est le plus fragrant exemple, puisqu'il profite essentiellement aux grands groupes de commerce qui ne délocalisent pas.

La fiscalité environnementale doit s'inscrire dans une réforme fiscale d'envergure en faveur du monde du travail. Elle doit s'appuyer sur une autre façon de travailler, de produire et de transporter les marchandises.

Cela pose le problème de savoir comment remettre l'appareil industriel au cœur des enjeux et du débat, œuvrer à la reconquête industrielle et à la relocalisation des productions dans le cadre d’un concept de circuit court territorial. Cela soulève aussi la question du juste coût du transport des marchandises dans les coûts de production, de la complémentarité entre les modes passant par un véritable service public du transport de marchandises par le rail, mais aussi d'un renouveau du fluvial.

Le fret ferroviaire, comme le fluvial, est de plus en plus marginalisé, en raison d’une politique très favorable au mode routier. Outre la généralisation du 44 tonnes, il y a eu la baisse de la taxe à l'essieu, l’exonération de la contribution carbone et la réhabilitation de projets autoroutiers dans les contrats de plan État-régions. Les transporteurs routiers jouissent de multiples privilèges que leur octroie l'État.

Si le transport routier apparaît comme le mode le moins cher, c'est parce que ses coûts externes ne sont pas facturés : usage des infrastructures, nuisances sonores, pollution, congestion routière, accidentologie… Ces coûts restent assumés par la collectivité, les salariés et les contribuables.

En fait, le coût moyen de transport d'une tonne sur 350 kilomètres – coûts externes compris – était en 2011 de 33 euros pour le routier, 27 euros pour le rail, 21 euros pour le fluvial petit gabarit et 15 euros pour le fluvial grand gabarit – sachant que, pour le rail et le fluvial, sont également compris les pré- et post-acheminement.

Il n'y a pas de doute : les coûts externes représentent plus du tiers pour le transport routier. C'est de l'argent public : les collectivités financent ce transport au détriment du report modal et du développement du service public du transport. Ce n'est pas la conception que nous en avons !

Rappelons que l'État a supprimé la tarification routière obligatoire (TRO) en 1986, conduisant à l'absence de prise en compte des coûts externes.

Pourtant, le « juste coût des transports », comme la « multimodalité », est inscrit dans la loi d'orientation des transports intérieurs (LOTI), sans être mis en œuvre. De même, n'a jamais été transcrit dans la loi, contrairement aux décisions du Grenelle de l'Environnement, le fait que le développement du fret ferré, maritime et fluvial est déclaré d'intérêt général. C'est pourquoi nous continuons de le revendiquer. Ce n'est ni aux salariés, ni aux populations de payer la note des décisions de ceux qui ont érigé ce système.

Le transport est tellement sous-tarifé qu'il n'est même plus un frein aux délocalisations industrielles. Multipliant les parcours parasites de marchandises, il contribue à vider l'emploi des territoires, conduisant à la fermeture de sites de productions et à des licenciements.

C'est sur la messagerie et l'express que le recul des prix est le plus important : aucune des cinq dernières années n'échappe à la règle, et en cumul, la baisse des prix a été de 10,7 % en cinq ans !

La « route » subit également la pression sur les prix : les reculs de 2009 et 2010 ont été suivis d'un léger rebond en 2011, mais l'érosion a repris en 2012 et 2013. Sur cinq ans, la baisse est de - 8 %.

Les activités logistiques ont vu également leurs prix baisser sur quatre ans, de 2 % pour l'entreposage et 3,1 % pour la manutention.

Or cette déflation des prix du transport routier est profondément nocive du point de vue social et environnemental

Concernant des activités dont les marges sont structurellement faibles, il est clair que cette déflation est une cause essentielle de leurs graves difficultés ; elle est à la source de véritables ravages économiques et sociaux. Les défaillances d'entreprises se sont multipliées : Mory-Ducros en est un exemple emblématique. En messagerie, la quasi-totalité des entreprises est en perte et ne survit que par le soutien apporté par les groupes d'appartenance, grâce aux marges qu'ils peuvent dégager sur d'autres activités. L'express international lui-même n'échappe plus aux restructurations, à l'image de TNT Express où des procédures de plans de sauvegarde de l'emploi (PSE) sont engagées. D'autres restructurations menacent à court terme différentes entreprises de transport routier. Les transporteurs et les messagers réagissent également à cette compression de leurs recettes par des pratiques qui affaiblissent et précarisent toujours plus l'emploi en France : ouverture de filiales dans des pays à bas coût salarial et recours accru à une sous-traitance pressurée et flexibilisée au maximum.

La déflation des prix du transport routier en France est un mal non moins profond sur le plan écologique : la baisse quasi continue des prix de la route est un contre-signal évident aux démarches visant à encourager le report d'une partie des trafics vers des modes plus économes en énergie et en carbone – notamment le fer, le transport combiné rail-route et rail-mer, ou le fluvial.

Il est plus que temps de comprendre et de dire haut et fort que cette tendance doit être combattue et inversée. Il convient donc de construire une nouvelle régulation pour contrecarrer cette baisse des prix.

La CGT s'inscrit depuis longtemps dans une démarche visant à faire prévaloir une tarification sociale et environnementale qui considère que le prix du transport doit inclure, d'une part, le coût de conditions de travail et de salaires décents, et d'autre part, des coûts environnementaux externalisés aujourd'hui vers les contribuables et les générations futures.

Elle ne propose pas de revenir à des prix administrés, ni n'ignore le contexte européen. Mais elle n'accepte pas que la concurrence érigée en dogme interdise toute réflexion sur des modes de régulation permettant de sortir de la spirale mortifère de la baisse des prix du transport.

Dans un secteur oligopolistique comme les télécommunications, les autorités nationales et européennes acceptent implicitement qu'une réduction du nombre d'opérateurs puisse se traduire par une meilleure défense des prix et de l'emploi. Dans un secteur comme le transport, où les acteurs sont nombreux et de toutes tailles, pourquoi faudrait-il accepter que la concurrence soit sans limite et que les chargeurs puissent imposer des prix toujours plus bas ?

Le report modal a des impacts sociaux et il faut assumer des reconversions nécessaires des salariés du transport routier vers d'autres modes de transport.

Une internalisation des coûts externes combinée avec une tarification sociale obligatoire en faveur des travailleurs du transport routier constitue le levier pour protéger la collectivité et les salariés des pratiques de dumping.

Dans l'état actuel du dossier, nous considérons qu'il convient de dépasser la simple mise en œuvre de l'écotaxe pour s'attaquer d'une manière plus globale à la tarification du transport de marchandises, qui permette une politique à la fois ambitieuse – tant économiquement que socialement – et soucieuse du développement humain durable.

M. Fabian Tosolini, secrétaire général de la FGTE-CFDT. Nous voici aujourd'hui revenus autour de la table pour parler de l'écotaxe – énième épisode d'un dossier qui a vu le jour à la sortie du Grenelle de l'environnement 1 et qui aujourd'hui est remis en cause, non sur le fond, mais dans sa forme.

La CFDT Transports Environnement a toujours défendu et reste favorable à la mise en place d'une taxe sur le principe du pollueur-payeur.

Ce préalable étant établi, revenons à l’histoire récente de l’écotaxe. Fin octobre 2013, durant un week-end, la mise en place de celle-ci a provoqué en Bretagne de multiples incidents graves et inadmissibles. Rappelons que des milliers de manifestants à l'époque s'étaient rassemblés afin de procéder au démantèlement d'un portique écotaxe dans le Finistère.

La CFDT avait notamment dénoncé fermement la participation de transporteurs routiers à ces agissements, qui ne représentaient finalement qu'une branche du secteur du transport routier.

Cette instrumentalisation de salariés par les patrons consistant à opposer l'écotaxe poids lourds et l'emploi fut indigne de représentants patronaux. Car, pour la CFDT, les enjeux écologiques et de santé publique liés à une crise environnementale, dont nous voyons les effets chaque jour un peu plus, méritent mieux que l'excitation de représentants d'un secteur le plus souvent bien peu regardants à l’égard du bien-être de leurs salariés.

En septembre 2013, lors de la conférence ministérielle pour la relance du transport routier de marchandises, la CFDT avait demandé au ministre des transports la mise en place d'un corps d'inspectorat mobile pouvant appliquer des sanctions adaptées afin de garantir la bonne application de l'écotaxe auprès des transporteurs.

Mais cela paraît maintenant bien prématuré. Les dernières déclarations de la nouvelle ministre en charge du dossier semblent vouloir tracer une nouvelle voie.

La CFDT Transports Environnement exige à cet égard d’être associée à l'ensemble des discussions qui vont à nouveau s'ouvrir sur ce dossier – discussions qui reprendront nécessairement les éléments environnementaux, sociaux, sociétaux et économiques, afin qu'ils ne soient pas une seconde fois les grands oubliés des débats. Il est important de rappeler qu'au moment de la création de l'écotaxe, seules les organisations patronales avaient eu un droit de parole, occultant de fait la vision de ceux qui vivront au quotidien le contrôle.

L'éventuelle remise à plat de l'écotaxe est un très mauvais signe envoyé auprès de l'ensemble des acteurs engagés dans la construction d'un transport pérenne écologiquement responsable et économiquement équilibré. Cette éventualité pose la question du lobbying des chargeurs et de la grande distribution qui pousse les transporteurs à ne pas appliquer le vrai prix du transport.

Pour la CFDT, l'écotaxe doit permettre la prise en compte du coût réel citoyen du transport. Elle doit être gérée, tant pour sa perception que son contrôle, par les services de l'État. Une réflexion devra aussi être menée sur les salariés d'Ecomouv’ qui, sur le plan de l'emploi, se sont retrouvés directement impactés par les tergiversations ministérielles et la pression du populisme.

Je rappelle que les salariés étrangers qui utilisent chaque jour nos routes ont de plus en plus pour consigne de prendre les routes nationales gratuites, dont l'entretien est exclusivement financé par les contribuables.

Quelle solution avons-nous pour arrêter cet état de fait sinon la mise en place d'une taxe visant à faire payer au juste prix ceux qui ne parient pas sur le respect de l'environnement ?

La CFDT reste ouverte au débat sur son mode de calcul et de contrôle. Il convient par exemple de noter qu'aucune réflexion n'a été menée sur la gestion des contrôles, notamment sur le cas d'un routier obligé par son patron de ne pas activer son badge et se retrouvant verbalisé par une patrouille de douane.

La CFDT défend que le système et la méthode de calcul de
paiement de l'écotaxe doivent reposer sur une automaticité du dispositif, et non
sur le salarié.

La mise en place d'une taxe écologique sur les transports routiers ne peut être une fin en soi. Elle doit être clairement établie dans une réflexion plus globale sur ce que nous voulons créer comme transports de demain, dont les grandes lignes sont d'ores et déjà fixées par le livre blanc des transports européens de mai 2011.

Cela veut dire réfléchir ensemble sur l'avenir de l'énergie fossile, la pertinence des modes de transport et la mise en place d'une tarification européenne de ceux-ci – éléments dont nous pourrions utilement débattre lors de la remise en fonctionnement du Conseil national des transports (CNT).

Certes, l'écotaxe peut être une opportunité de financer de nouvelles infrastructures de transports, mais celles-ci doivent être conçues pour tous, tant pour l'amélioration du quotidien de millions de Français qui utilisent les transports en commun que pour les chargeurs qui parfois, faute de solutions proposées par les autres modes de communication à la suite d'une politique du tout routier depuis 1995, se voient dans l'obligation d'utiliser la route. Cette écotaxe devra retrouver son objectif premier de financement d'innovations d'infrastructures alternatives pour le ferroviaire et la voie d'eau, seule possibilité pour désengorger des infrastructures routières en surcapacité.

En résumé, l'écotaxe doit être un élément moteur des nouveaux transports que nous voulons construire. Ces nouveaux transports ne pourront pas être déconnectés de choix d'urbanisation écologiquement responsables favorisant les transports en commun tout en ne perdant pas de vue les choix de consommation des Français consistant à vouloir tout, tout de suite, tout le temps.

La CFDT Transport Environnement ne considère en rien que l'écotaxe soit un alourdissement fiscal à condition que sa conception et son application fassent l’objet d’une réflexion et d’une concertation et tiennent compte de l'intérêt collectif.

La seule question qui se pose donc est de savoir si au sein de la représentation nationale cet avis est partagé.

M. Thierry Cordier, secrétaire général de l’Union fédérale « Route » de la FGTE-CFDT. Merci de nous recevoir. Le dossier de l’écotaxe est l’exemple parfait du paritarisme parcimonieux. S’agissant des transports, on n’entend généralement que les entreprises, rarement les salariés.

Voilà maintenant deux décennies que les gouvernements successifs prônent dans leurs programmes le développement durable et un transport propre. Antoine de Saint-Exupéry disait d’ailleurs que nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, mais l’empruntons à nos enfants.

Sur l’écotaxe, la position de notre organisation n'a pas changé depuis plus de vingt ans. En effet, la CFDT martèle à chaque réunion où le sujet est abordé qu'il est impératif que les principes du pollueur-payeur et consommateur-payeur soient appliqués.

Pour ce faire, il est important de définir trois grands secteurs : les transports de moyenne distance, les transports de longue distance et les transports urbains ou de proximité.

Les demandes n'étant pas les mêmes selon les régions et les grandes agglomérations sur l'ensemble de l'hexagone, le simple principe de l'écotaxe tel que défini aujourd'hui ne répond absolument pas à la problématique, bien au contraire.

Seuls 15 000 kilomètres de chaussées ont été retenus sur les 950 000 kilomètres que comporte le réseau national. Pourquoi ?

La position des portiques sur les axes retenus laisse une totale liberté de les éviter en passant par les routes adjacentes ou parallèles. La seule vertu de ces appareils est de faire ralentir les conducteurs de voitures.

Alors que la sécurité routière est un axe majeur des gouvernements depuis plusieurs décennies, ne risque-t-on pas de voir rapidement des trains routiers sillonner les axes secondaires pour éviter les portiques ?

Dans la réalité des faits, une redevance annuelle, mensuelle ou journalière, comme celle appliquée au Benelux, au Danemark ou en Suède, aurait été beaucoup moins contraignante pour le conducteur et plus difficile à contourner par les entreprises. Il en est de même de la contribution sur le produit comme l'éco-participation. Il n’est pas inacceptable de comprendre qu’à un moment ce soit vraiment le consommateur qui paye au début cette écotaxe.

De plus, certaines activités de transport – transport de fonds, messagerie et courte distance – ne seraient pas concernées par le passage des portiques.

Cela créerait donc une iniquité entre les transporteurs qui respecteraient les trajets normaux et ceux qui n'ont aucune obligation de s'acquitter de cette contribution du fait de leur activité normale de porte à porte.

En conclusion, ce dossier aurait dû être vu sur le fond avec l'ensemble des partenaires pour prendre en compte la totalité des éléments environnementaux, sociétaux et économiques, et non, simplement, avec les organisations professionnelles.

À ce jour, malheureusement, le constat que l'on peut faire est que seul un fort lobby financier obtient gain de cause. Nous prônons l’automaticité du système sans aucune intervention du conducteur dès le premier tour de roue hors péage et des conditions de travail meilleures – le fait de devoir éviter les portiques entraîne du stress pour les conducteurs et une attention moindre sur la route. Nous voulons aussi un doublement des portiques : ceux-ci doivent être un outil de contrôle sur le cabotage.

Sur ce dossier, la réalité est à notre sens bien plus compliquée qu'il n'y parait. En effet, chaque mode de transport ne voyant que son propre intérêt, la pertinence des modes utilisés et le véritable coût d'un transport importent peu. Sa seule raison d'être est de dégager un maximum de profit à moindre coût.

À notre sens, il est aujourd'hui important de réunir l'ensemble des acteurs du transport et de définir, comme l'indique le livre blanc des transports en Europe, une véritable politique des transports durable pour les années à venir.

M. Philippe Queune, conseiller fédéral du SNATT CFE-CGC. La CFE-CGC ne se positionnera que sur le créneau syndical, et non politique. L'impact que nous devons étudier concerne l'interaction entre l'écotaxe et les conséquences pour les salariés. Au premier degré, les conséquences sont doubles : elles portent sur l’emploi et la sécurité.

À plus long terme, il nous faut étudier des politiques favorisant les éco-carburants et la transition énergétique appliquée aux transports.

Nous devrions à cet égard être consultés en amont des travaux parlementaires.

Il existe deux alternatives : le maintien de l'écotaxe ou son abandon.

Si on maintient l'écotaxe, la CFE-CGC préconise d'aller au bout de la logique et d'utiliser l'électronique embarquée pour contrôler la sécurité – notamment celle liée aux temps de conduite ou de repos – et lutter contre le dumping social, qui est important avec l’ouverture aux pays d’Europe de l’Est – avec des effets dramatiques sur l’emploi.

La concurrence déloyale entraîne des pertes importantes de chiffre d'affaire pour les entreprises. L'écotaxe ne doit pas amplifier les problèmes mais servir de correctif face aux entreprises étrangères qui pratiquent le dumping.

À cet égard, la taxe gasoil est très souvent difficile à répercuter pour les petits transporteurs. On pense qu’il en sera de même pour l’écotaxe.

De plus, il faut s’attaquer à la problématique du cabotage, des camions de moins de 3,5 tonnes et des donneurs d’ordres des transporteurs imposant aux chauffeurs d’éviter les portiques et d’utiliser un réseau routier secondaire non adapté à un tel trafic. Cela soulève notamment le problème de la sécurité et de l’usure anormale du réseau routier secondaire, qui n’a pas donné lieu à réflexion.

Par ailleurs, si on abandonne l’écotaxe, il faut trouver d'autres financements pour les infrastructures de transport.

Cela peut se faire par la TVA sociale, qui pourrait être augmentée de quelques points : La CFE-CGC y est favorable.

Une autre solution serait de taxer les produits à un autre moment de leur cycle de vie. Il est vrai qu'un produit est à un moment ou à un autre transporté en camion. Le taxer à ce moment-là n'est pas idiot. Mais la concrétisation de l’écotaxe n’est pas un modèle du genre dans la négociation entre l'État et une société privée.

Le produit pourrait aussi être taxé en fin de vie, au moment de sa destruction ou de son recyclage. Nous sommes outillés pour cela. Des organismes tels que l'ADEME perçoivent déjà par exemple une taxe et refinancent les filières de valorisation. On pourrait imaginer une taxe supplémentaire au profit des structures de transport.

La balance commerciale étant déficitaire, cette surtaxe nous serait favorable car il y a plus de produits fabriqués à l’étranger terminant leur vie en France que de produits élaborés dans notre pays terminant la leur à l’étranger. Reste à régler la question des produits en transit.

M. Cyrille Jullien, secrétaire général de la Fédération générale CFTC des transports. Alors que nous étions d’accord sur le principe de l’écotaxe, on arrive au bout de quatre ans à ce que tout le monde soit en désaccord et que le projet soit plombé – ce qui est une particularité française qui a malheureusement tendance à se répéter.

L’écotaxe est en œuvre puisque, depuis un an, les contrats de transport et les facturations sont gelés, de même que les négociations commerciales. Par ailleurs, les conséquences sur les prix de transport et en matière sociale et de survie des entreprises se font sentir.

La difficulté à laquelle on est aujourd’hui confronté est l’absence de mise en œuvre d’un dispositif n’ayant pas fait l’objet d’une réflexion suffisante, ce qui aboutit à une situation plus que catastrophique pour le secteur et les finances publiques.

Lors des Etats généraux du transport en 2010, il y avait trois groupes de travail, dont un sur le volet économique. Notre fédération avait fait remarquer, en vain, qu’il aurait été utile de réfléchir sur les dispositifs existants, notamment le dispositif Bosson en matière de facturation de transport, pour inclure une facturation qui ne s’impute pas sur le prix global du transport mais s’ajoute à celui-ci.

Quel que soit le dispositif que retiendra la puissance publique, son application va continuer à poser des problèmes dans les relations commerciales. Si vous ne voulez pas continuer à mettre en péril les entreprises de transport et leurs salariés, il faudra résoudre ce problème.

Nous devons avoir un dispositif sécurisant les engagements commerciaux et qui cesse de constituer une distorsion de concurrence.

La mise en place des portiques et d’un dispositif électronique peut être discutée. Il aurait été beaucoup plus simple d’avoir un système lié au recyclage, avec un prix forfaitaire en fonction des kilomètres parcourus, du tonnage, voire des deux.

Quand on parle d’électronique et d’archivage de données, il faut tenir compte de dispositifs européens et nationaux et de contraintes prévues notamment dans le code du travail ou tenant à la préservation de données informatiques et des libertés individuelles. Si les données électroniques servent au contrôle, il faut déterminer par qui, comment, selon quelles dispositions de sauvegarde et avec quel mode d’imputation. Cela est complexe.

Lors des réunions préparatoires sur l’écotaxe avec le ministère des transports, nous avons signalé la difficulté d’installer un dispositif de contrôle des recettes dans des territoires dans lesquels les détournements sont faciles. On nous a répondu qu’on finirait par équiper aussi les routes départementales. Je ne sais si l’équipement de l’ensemble du réseau routier français d’un tel dispositif a été bien évalué.

Enfin, l’écotaxe va-t-elle s’arrêter au transport routier de marchandises ? On a vu surgir l’idée de taxer l’ensemble des utilisateurs des réseaux de transport, y compris les particuliers. Nous sommes très réservés à une extension généralisée de la facturation. Les conséquences politiques et sociales d’une telle mesure pourraient être néfastes et graves.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. N’y a-t-il pas une confusion entre la fonction du portique, qui est de contrôler si le véhicule a bien l’équipement électronique embarqué adéquat, et le système de taxation, qui repose sur le GPS ? Que certains employeurs conseillent à leurs salariés de contourner les portiques ne remet pas en cause le système de taxation.

Par ailleurs, l’idée d’utiliser l’équipement électronique embarqué pour contrôler le cabotage et le respect de la réglementation sociale mérite l’attention.

Enfin, lors d’un contrôle auquel j’ai assisté porte de Montreuil il y a une dizaine de jours, j’ai noté que nous avons abandonné le chronotachygraphe papier pour un système électronique relativement performant, même s’il est toujours possible de tricher.

M. François-Michel Lambert. J’entends, messieurs, votre volonté de partager la vision collective d’un nécessaire rééquilibrage du mode routier pour permettre notamment le financement de nos infrastructures.

Pourquoi retenir un système de contrôle si compliqué, que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) estime d’ailleurs quasiment irrespectueux des libertés individuelles ? Ne peut-on envisager un dispositif reposant sur un boîtier moderne, de type GPS, permettant de vérifier si on passe sur les routes taxées et de déterminer le coût correspondant ? Le contrôle de celui-ci comme de la présence de ce boîtier se ferait comme ceux aujourd’hui réalisés au bord des routes par les forces de l’ordre.

Mme Sylviane Alaux. Mon intervention n’est pas une question mais un point que je tiens à souligner car il me parait essentiel. Cette table ronde constitue le volet le plus important de nos travaux : les salariés qui sont sur la route sont en effet ceux qui connaissent les effets positifs et négatifs du dispositif envisagé.

M. Marc Le Fur. Cette table ronde était en effet indispensable.

Je crois également que le sujet du cabotage doit être remis en avant.

Par ailleurs, les camionneurs me parlent beaucoup d’un sujet n’ayant été abordé par aucun d’entre vous : la disparition des avantages sur les heures supplémentaires. Est-ce un oubli ?

Je suis également surpris de constater une attitude très favorable aux mécanismes de substitution. Mais si on remplace par exemple le transport par camion par le transport par rail, que deviendront les salariés dont les entreprises disparaîtront ? Seront-ils embauchés par la SNCF ?

Si on maintenait l’écotaxe, nous aurions des pertes en ligne importantes en termes de transport et d’emplois. On ne peut être partisan de charges supplémentaires sur le transport sans en admettre les conséquences du point de vue de l’emploi.

En outre, il est surprenant de voir les syndicats alliés objectifs de grandes familles italiennes à l’origine des propositions de loi que vous dénoncez.

Lors des manifestations de Quimper notamment, j’ai été frappé par le grand nombre de salariés des transports présents, sans être tenus par la main par leur patron. Alors que, le même jour, il y avait une autre manifestation à Saint-Brieuc organisée par les syndicats officiels qui a été un échec. Le monde salarié du transport est conscient que son devenir est associé à celui de ses entreprises.

Enfin, si on supprime les portiques, on aura des systèmes de contrôle policiers redoutables pour les conducteurs de poids lourds, qui subissent déjà beaucoup de contrôles.

Mme Sophie Errante. Monsieur Le Fur, ne soyez pas amnésique : la déstructuration des filières agro-industrielles ne résulte pas des vingt derniers mois !

Quelles sont, messieurs, vos préconisations s’agissant du périmètre à retenir ? Toutes les routes devraient-elles être concernées ? Comment devrait s’appliquer le dispositif selon les trois styles de transport évoqués ?

Mme Émilienne Poumirol. Quelles pourraient être les autres solutions, en dehors du dispositif proposé, pour assurer la recette prévue ?

M. Patrice Clos. S’agissant du chronotachygraphe électronique, je précise qu’avec un aimant à deux euros, on peut l’installer.

Il est clair que nous n’avons pas besoin des portiques pour récolter la taxe : les boîtiers GPS suffisent.

On pourrait aussi se servir de ceux-ci pour contrôler le cabotage. Encore faut-il qu’il y ait la volonté politique de le faire.

Monsieur Le Fur, vous ne nous ferez pas dire que nous sommes en faveur des heures supplémentaires détaxées ! Ce type de mesure peut conduire à la fin de la sécurité sociale. Nous l’avons vu il y a peu pour le congé de fin d’activité des routiers.

S’agissant du transport de substitution, on n’a jamais vu des wagons arriver au pied des immeubles ou dans les centres-villes ! Il faudra donc toujours des camions.

Il est vrai que des salariés ont participé à des manifestations contre l’écotaxe, tout comme certains ne sont pas venus pour défendre leur congé de fin d’activité. Chacun est libre de penser ce qu’il veut. Cela dit, on ne peut généraliser ce qui s’est dit ou fait en Bretagne à toute la France.

Enfin, concernant le périmètre, on a déjà engagé des techniciens dans les entreprises pour calculer les détours possibles. Cela fait plus d’un an qu’elles sont prêtes sur ce point. Si on doit mettre en place l’écotaxe, il faut que ce soit partout. Sinon, les camions passeront par les départementales et ce seront les habitants de vos villages qui en souffriront. De plus, il n’y a pas grand-chose de prévu dans la partie italienne.

M. Jérôme Vérité. Je partage cet avis. Si on veut une égalité des territoires, il faut mettre en place l’écotaxe sur toutes les routes.

Si on peut surveiller le cabotage avec le dispositif prévu, il faut avoir en tête la stratégie des grands groupes français en matière de transport. Ceux-ci ne perdent, contrairement à ce qu’ils disent, aucune part de marché et ils organisent eux-mêmes la concurrence entre les salariés en faisant venir au travers des filiales qu’ils installent en Europe des personnels payés à moindre coût. Je rappelle que le premier transporteur routier de France est une filiale de la SNCF : il serait bon que l’État soit cohérent avec lui-même à cet égard.

On peut en effet largement simplifier le dispositif proposé en s’appuyant sur le système GPS. Mais il faut aussi travailler sur la facturation du transport entre chargeurs et transporteurs, les négociations commerciales entre eux étant inéquitables. L’écotaxe est une réponse partielle environnementale : or le transport de marchandises souffre aussi d’un dumping social. Nous défendons donc l’idée d’une tarification globale, sociale et environnementale, obligatoire. Je rappelle que des transporteurs n’acceptent même plus la réglementation sociale minimale afin de pouvoir gagner des marchés. D’ailleurs, dans la convention collective, les premiers coefficients sont en dessous du SMIC.

Il faut voir en fin de compte comment rendre plus transparentes les factures entre transporteurs et chargeurs, de manière à vérifier que la législation sociale minimale soit appliquée.

Monsieur Le Fur, nous ne sommes pas non plus en faveur des heures supplémentaires détaxées ! La question du financement de la protection sociale et du salaire socialisé est fondamentale. L’enjeu principal à cet égard est l’affrontement entre le capital et le travail. Il est hors de question pour nous d’entrer dans une logique visant à dédouaner les employeurs de réelles négociations sur la question des salaires au profit d’artifices détériorant la protection sociale. Or si les transporteurs étaient capables de facturer le juste coût du transport, cette question ne se poserait pas.

M. Thierry Cordier. Merci de votre écoute.

La CFDT est pour l’écotaxe. Mais le système des portiques est en effet une usine à gaz et on pourrait lui substituer un dispositif plus simple, fonctionnant dès le premier tour de roue.

S’agissant du cabotage, on aura le monde et la réglementation qu’on mérite. Nous l’admettons dès l’instant où il s’inscrit dans la légalité. Le système du GPS peut être très adapté : il permet de suivre l’écotaxe, l’appareil embarqué et la carte conducteur. À cet égard, les premiers grands groupes français sont les premiers caboteurs d’Europe : c’est notamment le cas de Geodis. Par ailleurs, les chargeurs sont également, avec les transporteurs, destructeurs d’emplois, car ils demandent le moindre coût.

Quant aux heures supplémentaires défiscalisées, nous les avons combattues depuis le début. Avec ce dispositif, vous avez habitué des salariés à avoir une rémunération qu’ils n’ont plus ! Je rappelle qu’il s’agit seulement d’une possibilité pour l’entreprise. Cette mesure va aussi à l’encontre du principe de solidarité.

Par ailleurs, le métier de conducteur routier est en totale évolution et les personnels concernés peuvent se diriger demain vers d’autres métiers, grâce notamment à la formation professionnelle.

Je rappelle que la politique du tout camion existe depuis le début des années 1990. Or le camion est le dernier maillon élémentaire de l’économie française, non le maillon indispensable.

Monsieur Le Fur, il est plus facile d’aller à une manifestation en étant payé qu’avec une amputation de salaire !

Je suis pour que la loi soit appliquée : il faut donc prévoir les moyens d’en contrôler l’application.

Quant au périmètre à retenir, il ne peut s’agir que du réseau non concédé. Au nom du principe d’égalité, le taux doit être le même pour les longues distances comme pour les courtes.

Par ailleurs, l’éco-participation sur le produit est bien acceptée par les citoyens.

L’instance de réflexion sur le taux pourrait être le Comité national du transport, qui est sous la tutelle du ministère des transports et a toute liberté de se saisir des dossiers. Malheureusement, il ne fonctionne plus car on recourt par principe à des commissions ad hoc.

Je rappelle enfin que, dès qu’on entre en Allemagne, on paie au premier tour de roue. Dans un tel système, il vous revient de dire si cela doit être payé par le transporteur ou le produit.

M. Frédéric Bérard, président de la Fédération CFE-CGC des transports. L’intérêt du contournement des portiques est de passer entre les mailles du filet. On pourrait en effet exercer le contrôle par GPS, qui est précis au mètre près, mais il est dommage qu’on se pose la question de l’utilité de ces appareils une fois qu’ils ont été installés, sachant que chacun a coûté un demi-million d’euros !

Si on supprime les portiques, il faudra en effet accroître les contrôles, dont le taux est de 1 %, ce qui est peu. Nous sommes pour cet accroissement ainsi que pour l’apport de moyens supplémentaires. Augmentez le nombre des inspecteurs des transports terrestres et vous verrez que leur salaire sera vite rentabilisé ! Cela permettra aussi de réduire le chômage et de contraindre les transporteurs à se conformer davantage à la réglementation.

Les ingénieurs méthode sont capables d’identifier les plus courts trajets et la façon d’optimiser l’agrémentation de la plateforme logistique.

Quant aux formations, elles ont pour l’instant été suspendues dans la plupart des grandes entreprises dans l’attente de ce que deviendra le projet.

S’agissant de la SNCF, elle est représentée dans notre secteur par le groupe Geodis. Celui-ci ne donnera-t-il pas lieu au prochain grand plan social de la profession, nous avons certains échos qui permettent de s’interroger. ?

Lors de la destruction des portiques, j’ai vu très peu de salariés présents, mais beaucoup de petits patrons. Les salariés sur place étaient à mon avis aux ordres de leur entreprise et payés par elle. Par ailleurs, je ne connais pas d’organisations syndicales ayant donné instruction à leurs militants de détruire les portiques.

En outre, j’observe que la taxation en Rhône-Alpes est inférieure à celle de Basse-Normandie. Il faut donc nous expliquer comment les tarifs ont été élaborés.

Quant au report modal, c’est une arlésienne. Le transport routier de
marchandises (TRM) reste une solution de souplesse en temps et en organisation. Il permet aussi l’accès aux lieux de livraison. Un véritable report modal implique de réelles infrastructures. Or, pour l’instant, on est incapable de se passer du TRM : le report modal ne peut être qu’à petite échelle.

M. Cyrille Jullien. Monsieur Le Fur, vous avez été provocateur dans votre propos en élargissant le débat au-delà du sujet du jour. N’imputez pas aux organisations syndicales de salariés des dispositifs sur lesquels ils n’avaient aucun pouvoir et n’ont été consultés qu’a posteriori !

Tous bords politiques confondus, vous étiez d’accord pour l’écotaxe. Entre les deux tours de l’élection présidentielle, on a sorti en catimini les décrets d’application et le dispositif qui pose aujourd’hui problème. Cela relève de votre responsabilité politique.

S’agissant des heures supplémentaires défiscalisées, j’ai été un peu choqué par les propos tenus. La majorité des dossiers prud’homaux que l’on voit concerne des salariés à temps partiel et des femmes. On ne se pose jamais la question de savoir pourquoi une salariée à temps partiel qui fait des heures complémentaires, et non supplémentaires, ne bénéficie pas d’un dispositif défiscalisé. Par principe, on a introduit un dispositif inégalitaire : je voudrais que la responsabilité politique soit prise en compte.

Ce que l’on va vivre avec l’écotaxe, on le vit aujourd’hui : des salariés font l’objet d’un licenciement économique dans le meilleur des cas, sinon ils sont licenciés par rupture conventionnelle ou, pour la majorité, en leur imputant des fautes graves.

Quant aux portiques, ils ne servent à rien. Il suffisait de modifier les textes en matière de facturation pour permettre une imposition directe sur les contrats de transport.

S’agissant du cabotage, la question ne se pose pas sur les grands axes, en butte au problème du détachement des salariés. Le cabotage se fait en région : il est dès lors difficile d’y remédier avec le dispositif actuel. On ne peut mettre en place celui-ci qu’en l’étendant. Mais où est la cohérence entre le fait de supprimer les panneaux publicitaires à l’entrée des villes et mettre des portiques partout ?

Le vrai sujet est la directive sur le détachement des travailleurs et l’application qu’en font les entreprises de transport. Je rappelle que les organisations syndicales patronales ont approuvé l’ouverture au cabotage sans possibilité de contrôle ou de sanction. Or les entreprises savent elles-mêmes s’autocontrôler grâce à leurs logiciels. Mais on n’est pas capable d’aller chercher dans ceux-ci les infractions relatives au cabotage alors que le texte a été signé en 2003 et que le problème existe principalement depuis 2006.

Et huit ans après, on se pose la question de savoir quels sont les effets des mesures prises et comment y remédier ! On constate en 2013 une baisse du nombre de salariés dans le secteur routier de marchandises : cela est historique, mais ce n’est rien par rapport à ce que l’on aura en 2014…

En outre, sur des trajets tels que Paris-Lyon, Paris-Bordeaux ou Paris-Bayonne, comptez le nombre de plaques d’immatriculation françaises ! D’autant qu’on se trouve face à des situations aberrantes : on peut avoir une plaque d’immatriculation espagnole sur une remorque, un tracteur portugais devant et, au volant, un conducteur brésilien. Où est la cohérence dans le fait d’avoir permis la possibilité d’atteler deux ensembles n’ayant pas la même immatriculation d’origine ? À qui imputer la responsabilité légale d’une remorque plombée par le chargeur avec des documents et des domiciliations fiscales et sociales différentes ?

Revenons à un dispositif plus simple : la question n’est pas de savoir si on va mettre en place l’écotaxe, mais comment.

M. Jean-Louis Delaunay, membre du bureau fédéral, secteur « transports des marchandises », de la Fédération CGT des transports. J’ai été conducteur de camion pendant vingt-neuf ans sur les routes de France et d’Europe.

S’agissant des contrôles routiers, c’est un désastre depuis la disparition des inspecteurs spécifiques ! On ne voit plus de contrôleurs terrestres sur la route. En plus de cinq ans, je n’ai moi-même été contrôlé qu’une seule fois. Dans l’entreprise pour laquelle je travaille, nous avons un système Eliot, qui retransmet toutes les quinze minutes à celle-ci toutes les informations sur mon activité de conducteur – situation de travail, de repos, trajets empruntés… Les portiques ne servent donc à rien.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Merci à tous pour ces échanges. Il était en effet important que nous puissions tenir cette table ronde.

Des mesures politiques et législatives ont été prises par des majorités différentes. La responsabilité des acteurs politiques est donc grande sur ce dossier. Or la situation est difficile : l’écotaxe a, comme vous le savez, été suspendue ; la société Écomouv’ a signé un partenariat public-privé et des investissements importants ont été réalisés.

Nous sommes par ailleurs confrontés à la mise en œuvre de la directive dite « Eurovignette », et donc à des contraintes à la fois techniques et juridiques.

On pourrait imaginer que l’écotaxe ne soit pas mise en œuvre : j’ai bien noté les propositions alternatives formulées, mais les choix collectifs faits précédemment s’imposent à nous.

Le signal prix peut avoir des conséquences sur le comportement et les choix faits. S’agissant de la fiscalité écologique, on peut parler d’une fiscalité incitative ou de rendement, voire des deux : la première peut s’accompagner du report modal, mais aussi permettre de jauger des comportements tant au niveau des systèmes productifs que logistiques.

On peut certes trouver que ce signal n’est pas suffisant et que les objectifs fixés risquent de ne pas être atteints, mais cela reste un élément important.

Quant au report modal, certains pensaient qu’il pourrait être conséquent si l’écoredevance était mise en place : on constate qu’il est malgré tout limité.

L’écoredevance poids lourds est un droit d’usage qui s’appuie sur le principe utilisateur-payeur, tenant en partie compte des impacts environnementaux puisque, dans le calcul de la taxe kilométrique, on prend en compte les normes Euro. Le transporteur ayant un véhicule aux normes Euro 6 paye en effet moins que celui équipé aux normes Euro 1.

Il faudra aussi prendre en compte demain les coûts externes, qu’il s’agisse de la pollution atmosphérique ou de la pollution sonore. À cet égard, l’Autriche, qui cherche à le faire, est confrontée à de véritables difficultés.

Concernant les portiques, dans le cahier des charges qui avait été arrêté, il était indiqué qu’il fallait limiter la fraude à moins de 1 %. De ce chiffre a découlé le système retenu. On peut remplacer les portiques par des douaniers ou des policiers, mais cela suppose des embauches et des infrastructures techniques permettant de faire stationner les véhicules lors des contrôles.

S’agissant du périmètre, la solution idéale aurait été de taxer la totalité du réseau mais ce n’est pas le choix qui a été fait. Ce choix aujourd’hui s’impose à nous pour des raisons financières, techniques et d’urgence.

Nous avons en effet constaté, lors de notre déplacement porte de Montreuil, que les contrôles sont effectivement rares – un transporteur nous a par exemple indiqué qu’il avait été contrôlé une fois en dix ans ! De fait, le nombre de contrôleurs terrestres est de 480, ce qui est très faible et ne permet pas d’assurer un contrôle efficace sur l’ensemble du territoire.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'écotaxe poids lourds

Réunion du mercredi 9 avril 2014 à 9 h 30

Présents. - Mme Sylviane Alaux, Mme Catherine Beaubatie, M. Philippe Bies, M. Florent Boudié, M. Jean-Paul Chanteguet, Mme Françoise Dubois, Mme Sophie Errante, M. Olivier Faure, M. Claude de Ganay, M. Jean-Pierre Gorges, M. Jean Grellier, Mme Joëlle Huillier, M. François-Michel Lambert, Mme Viviane Le Dissez, M. Marc Le Fur, M. Jean-Pierre Le Roch, M. Olivier Marleix, Mme Émilienne Poumirol, M. Jean-Marie Sermier