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Jeudi 10 avril 2014

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 21

Présidence M. Jean-Paul Chanteguet, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-Luc Cade, président de Coop de France Nutrition animale, de Mme Rachel Blumel, directrice du département « chaîne alimentaire durable » de Coop de France et de M. Yves-Marie Laurent, directeur général de Vivescia Transport/Agriliance 2

Mission d’information
sur l’écotaxe poids lourds

M. le président et rapporteur Jean-Paul Chanteguet. Mesdames et messieurs, avant de procéder à nos auditions, je passe la parole à Marc Le Fur, qui souhaite faire un rappel au règlement.

M. Marc Le Fur. Je souhaiterais en effet que notre mission d’information auditionne Mme Royal, désormais en charge de l’écologie au Gouvernement. Cela me paraît d’autant plus indispensable que M. Cuvillier, fervent défenseur de l’écotaxe, vient d’être reconduit à la tête du secrétariat d’État aux transports. Il faut clarifier les choses.

M. le président et rapporteur Jean-Paul Chanteguet. Nous accueillons, ce matin, les représentants de Coop de France, une organisation qui rassemble de nombreuses fédérations d’entreprises du secteur coopératif. Coop de France représente de grand groupes, souvent exportateurs, mais aussi de plus petites entités, qui n’en sont pas moins dynamiques. Il convient de rappeler que les coopératives et leurs filiales assurent, à elles seules, près de 40 % des activités agroalimentaires françaises.

Vos activités intéressent particulièrement notre mission : elles relèvent tout à la fois des mondes de la production, de la transformation, de la logistique et de la distribution. Les entreprises qui sont vos adhérentes ont la caractéristique d’être fortement utilisatrices du transport routier, souvent en compte propre mais aussi en compte d’autrui.

Les questions tenant à la répercussion sur les chargeurs et de la majoration forfaitaire semblent les plus sensibles. Vous allez donc nous expliquer en quoi leurs modalités impacteraient trop fortement vos activités, voire vos résultats. Disposez-vous d’évaluations précises sur ces points ? Je rappelle que, dans l’esprit de ceux qui ont conçu ces dispositifs, prévalait la recherche de leur plus grande neutralité possible.

Il nous importe également de connaître votre appréciation sur le fonctionnement d’Ecomouv’, donc sur les relations de vos membres avec cet opérateur et aussi avec les sociétés habilitées au télépéage (SHT), notre mission d’information ayant conscience de l’importance du rôle de ces sociétés commerciales dans les procédures de perception de l’écotaxe pour les redevables abonnés. Plus généralement, votre organisation a tenu à souligner, dans ses communiqués, ce qu’elle appelle les « effets pervers » de l’écotaxe, s’agissant notamment des modalités de sa perception.

Nous allons vous écouter avec attention sur ces points, en souhaitant que vous nous donniez des exemples précis sur ce qui constituerait, selon vous, ces « effets pervers ».

M. Jean-Luc Cade, président de Coop de France Nutrition animale. Quatre chiffres me permettront de présenter Coop de France : 2 850 coopératives, 83 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 40 % de l’agroalimentaire national et 160 000 emplois.

Les coopératives ont pour spécificité d’être implantées en zone rurale et sont, dans certaines zones – la montagne, notamment – les seuls acteurs économiques agricoles. Elles utilisent de ce fait principalement le réseau routier secondaire, les alternatives modales étant extrêmement limitées.

La coopération agricole a pour fonction vitale d’assurer l’activité de ses adhérents sur deux points essentiels : d’une part la collecte – grains, fruits, légumes, lait ou animaux –, d’autre part l’approvisionnement nécessaire au développement de l’activité – engrais ou aliments pour le bétail, par exemple.

L’essentiel de nos transports se réalise sur courtes distances, une même filière s’organisant souvent autour d’une multiplicité de petits trajets consécutifs.

Le contexte économique dans lequel se développent les coopératives s’est considérablement dégradé depuis 2008. Je renvoie ici au rapport Gallois, qui indique que l’industrie française a atteint un seuil critique. Nous perdons des parts de marché non seulement à l’exportation mais également sur le marché intérieur.

On sait toutes les difficultés qu’engendre cette perte de compétitivité structurelle, notamment en termes d’emploi. Ces difficultés ne pourraient qu’être aggravées par l’écotaxe, dont le coût pour l’industrie et l’agriculture françaises est estimé à 1,2 milliard d’euros, ce qui représenterait, d’après nos études, une augmentation de charges pour les coopératives comprise entre 30 et 50 % de leur résultat net. Cela aurait pour conséquence immédiate de limiter leur capacité d’investissement et leur effort d’innovation. Il y a donc un risque majeur de décrochage de nos productions nationales par rapport aux produits importés.

Nous nous sommes donc opposés à l’écotaxe, considérant non seulement qu’elle augmenterait considérablement nos charges mais qu’il s’agit également d’un système punitif, coercitif et nullement incitatif, raison pour laquelle nous sommes défavorables à un aménagement du dispositif actuel. Aucune piste en ce sens n’est d’ailleurs parvenue à faire consensus. Nous restons néanmoins ouverts à toute réflexion sur l’amélioration des infrastructures dédiées, qui permettrait de renforcer la compétitivité de nos filières.

M Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Selon les secteurs d’activité, l’impact de l’écotaxe est apprécié tantôt par rapport au prix, tantôt par rapport à la masse salariale, tantôt par rapport au résultat net des entreprises, ce qui complique notre analyse et rend les comparaisons difficiles. Cela tient sans doute au fait qu’il n’y a pas eu de véritable étude d’impact.

Vous dites être défavorables à des aménagements de l’écotaxe. S’agit-il d’une position ferme et définitive ?

M. Jean-Luc Cade. Si nous sommes opposés à l’écotaxe au moins dans sa version actuelle, c’est que nous refusons d’avoir à supporter de nouveaux coûts, impossibles à répercuter. En revanche, nous sommes prêts à envisager toutes les pistes qui permettraient de répondre correctement aux enjeux environnementaux et aux problèmes relatifs aux infrastructures sans compromettre notre compétitivité, voire en l’améliorant.

Mme Rachel Blumel, directrice du département « chaîne alimentaire durable » de Coop de France. Si nous raisonnons en termes de résultat net, c’est que nous travaillons sur des produits à faible valeur ajoutée, pour lesquels l’impact en termes de coût est énorme par rapport à d’autres produits.

Je tiens par ailleurs à préciser que, compte tenu de nos relations avec les distributeurs, en aval de la filière, il est impensable pour nos adhérents de songer à répercuter le montant de l’écotaxe, qui pèsera donc sur un secteur déjà fragilisé et dont la rentabilité est très faible – entre 0,5 et 1,5 %.

Pour ce qui concerne les aménagements possibles du dispositif actuel, nous avons participé en janvier dernier à un groupe de travail interministériel, dont aucune des propositions n’a répondu à nos attentes. Confrontés à une modification en profondeur des flux logistiques de produits alimentaires, nous avons besoin d’une réflexion globale sur les infrastructures, à l’échelle nationale.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. La mise en place de l’écotaxe doit s’accompagner de deux mécanismes de répercussion des coûts : une majoration forfaitaire – inscrite dans la loi de 2013 – pour les transports pour compte d’autrui ; la possibilité de figurer en bas de facture le montant de l’écotaxe pour les transports en compte propre. Cela répond-il à vos préoccupations ?

Mme Rachel Blumel. Malheureusement non. La majoration forfaitaire du coût de transport est au contraire le plus gros problème de ce dispositif, puisque son calcul est déconnecté de la collecte de la taxe sur les 15 000 kilomètres du réseau soumis à l’écotaxe. Nous avons évalué à 1 % en moyenne la marge supplémentaire qui en résulterait pour les transporteurs. La répercussion au réel quant à elle, si elle n’est pas parfaite, nous semble un mécanisme moins injuste. Nous sommes bien conscients de la vulnérabilité des transporteurs car grands utilisateurs des petites sociétés de transport, nous souhaitons leur maintien sous pavillon français, mais le système de majoration nous pose problème.

Pour ce qui concerne les transports en compte propre, je rappelle qu’une mention en pied de facture – purement informative – ne garantit pas juridiquement une répercussion de la taxe. Par ailleurs, les tensions avec la distribution sont telles et les conditions de négociations commerciales à ce point déséquilibrées que, même dans le cas d’une hausse de la TVA, qui est pourtant une ligne de facture, celle-ci n’est pas toujours répercutée. Cette mention ne répond donc pas à nos attentes. Elle n’empêchera pas les filières de devoir absorber le surcoût avant la fixation du prix de vente au consommateur.

M. Marc Le Fur. Aux difficultés liées à l’écotaxe s’ajoute pour les coopératives le fait qu’elles sont exclues du bénéfice du CICE, ce qui représente pour elles, en termes de masse salariale, un manque à gagner par rapport à leurs concurrents du secteur marchand privé, manque à gagner estimé à 4 % pour l’an dernier et à 6 % pour cette année. C’est d’autant plus paradoxal que la majorité a fait part de sa volonté de soutenir l’économie sociale et solidaire.

Cela étant, je souhaiterais que vous fournissiez à notre mission d’information des exemples précis et concrets des incidences de l’écotaxe sur les flux de transport.

Mme Rachel Blumel. Nous avons effectué deux enquêtes, réalisées à partir de 131 coopératives. Ces enquêtes sont destinées à mesurer les impacts réels de l’écotaxe. Elles figurent dans le dossier que nous vous avons distribué. La première nous permet d’affirmer que 74 % des transports de la coopération s’effectuent sur une distance inférieure à 200 kilomètres. Elle révèle également que 17 % des coopératives utilisent le report modal, pour transporter en moyenne 23 % de leur volume de marchandise. La seconde a pour objet de démontrer la complexité de nos schémas logistiques, qui induit une complexité toute aussi grande des effets pervers de l’écotaxe.

M. Yves-Marie Laurent, directeur général de Vivescia Transport/AgrilianceLe document intitulé « L’impact de l’écotaxe à l’échelle des coopératives agricoles et agroalimentaires » présente dans un premier temps la complexité des flux dans nos différentes filières. Que ce soit dans la filière végétale, la filière laitière, la filière bétail et viande ou la filière animale, nos schémas logistiques nécessitent, de l’exploitation agricole
– champ ou élevage – jusqu’à l’usine de transformation, de nombreuses ruptures de charge et beaucoup de transports intermédiaires réalisés sur de très courtes distances – inférieures à 150 kilomètres –, ce qui interdit le report modal, d’une part parce que les infrastructures sont inexistantes, d’autre part parce que le report modal n’est pas rentable sur de très courtes distances.

Le schéma consacré à la filière animale montre ainsi la multiplicité des transports intermédiaires qui s’effectuent depuis le reproducteur et l’élevage jusqu’aux clients, en passant par les étapes de transformation successives – abattage, découpe, viande fraîche et produits élaborés. En amont et en aval, s’ajoutent tous les transports complémentaires liés à l’approvisionnement en produits d’élevage – amendements, engrais, produits phytosanitaires – et de conditionnement. Sur l’ensemble de ces flux, trois seulement peuvent faire l’objet d’un report modal.

L’étude nous a également permis de mettre en lumière six cas concrets qui illustrent les effets pervers de l’écotaxe.

Le cas n° 1 illustre la distorsion entre le coût réel de l’écotaxe supportée par le transporteur et la majoration forfaitaire : une coopérative du sud de la France livrant ses fruits et légumes à Paris acquittera une majoration forfaitaire d’environ 50 euros pour un montant réel d’écotaxe acquitté par le transporteur de 28 euros. Ce surcoût est naturellement préjudiciable à la compétitivité de la filière.

Le cas n° 2 illustre les effets contreproductifs de l’écotaxe sur un schéma de transport vertueux : il s’agit d’une coopérative de Montluçon s’approvisionnant depuis Fos-sur-Mer par barges, via la Saône, jusqu’à Mâcon, puis par camion via Moulins. Ce dernier axe étant désormais écotaxé, la coopérative va opter pour un transport intégral par route, de Sète à Montluçon.

Le cas n° 3 montre l’impact négatif de l’écotaxe sur la compétitivité et l’emploi : pour une coopérative bretonne qui s’approvisionne dans la France entière et livre ses produits finis sur l’ensemble du territoire, le surcoût induit par l’écotaxe détériore son résultat opérationnel et grève ses capacités d’investissement.

Le cas n° 4 illustre comment l’écotaxe peut être défavorable aux produits nationaux : tandis qu’un produit importé par cargo ne sera taxé que de 2,5 euros entre Le Havre et Rouen, un producteur basé à Orléans acquittera, lui, une écotaxe de 30 euros pour transporter sa marchandise jusqu’à Rouen, somme à laquelle il faut également ajouter le montant des taxes qui pèsent sur l’ensemble des flux logistiques en amont de la livraison.

Le cas n° 5 concerne l’Eure-et-Loir mais vaut pour d’autres départements où ont été édictées des restrictions de circulation visant à éviter les reports de circulation sur des routes non taxées. C’est une double punition pour les transporteurs, qui doivent non seulement s’acquitter de l’écotaxe mais aussi emprunter des itinéraires beaucoup plus longs que les itinéraires originaux.

Le cas n° 6 enfin illustre l’impact négatif de l’écotaxe sur la filière « bio », qui dispose d’un maillage territorial beaucoup plus distendu que celui des cultures conventionnelles. Les points de stockage étant ainsi plus éloignés des zones de production, cela augmente le rayon moyen de collecte et donc le poids de l’écotaxe sur une filière que chacun pourtant souhaite voir se développer.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Comment se répartissent les flux des coopératives entre transport en compte propre et transport pour compte d’autrui ?

M. Yves-Marie Laurent. Cela varie selon les coopératives, mais on peut considérer que, globalement, 30 à 40 % des transports s’effectuent pour compte propre et 60 à 70 % pour compte d’autrui, c’est-à-dire en sous-traitance.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Pour en revenir à la majoration forfaitaire, en vertu de la loi de mai 2013, elle s’applique, dans le cas du transport pour compte d’autrui, que l’on emprunte le réseau taxé ou non. Monsieur Frédéric Cuvillier a annoncé la mise en place d’un observatoire, mais les différentes simulations opérées à ce jour font d’ores et déjà apparaître que, pour certaines entreprises, il existe une forte distorsion entre cette majoration forfaitaire et le montant effectif de l’écotaxe, ce qui n’est pas le cas pour d’autres. Il y a là, j’en conviens, une vraie difficulté.

M. Olivier Faure. Vous êtes certes là pour dénoncer les effets négatifs d’une écotaxe que vous condamnez, mais j’aurais souhaité que vous nous présentiez le cas où l’écotaxe améliore la compétitivité de vos coopératives. Je pense notamment à vos concurrents étrangers qui circulent aujourd’hui gratuitement sur notre réseau mais devront désormais s’acquitter d’une taxe.

Mme Rachel Blumel. Le transit longue distance se fait essentiellement sur les autoroutes et n’est donc pas soumis à l’écotaxe. Quant à la majoration forfaitaire, c’est une disposition purement nationale, qui ne s’applique pas obligatoirement aux étrangers. Il n’y a donc aucune situation dans laquelle nous soyons gagnants en termes de compétitivité. Au contraire, nos entreprises, handicapées par un schéma logistique caractérisé par le cumul de courtes distances risquent de décrocher par rapport aux fournisseurs qui pratiquent le transit en une seule ligne – sur autoroute, qui plus est – avec moins de manipulation des produits et donc une prestation transport moins coûteuse.

Nous avons du mal à faire entendre à nos coopératives que non seulement nous ne sommes pas éligibles au CICE mais que, de surcroît, alors que nous créons des emplois et garantissons la traçabilité de nos produits, nous ne disposons d’aucune aide. Il aurait fallu envisager un dispositif qui s’applique, comme en Allemagne, à l’autoroute ou qui, comme en Suisse et bientôt au Royaume-Uni, consiste en un droit d’entrée acquitté pour utiliser l’ensemble du réseau routier.

M. Olivier Faure. Doit-on comprendre que vous proposez à la fois d’étendre le réseau taxé aux autoroutes, de détaxer les trajets courts et d’étendre le CICE aux coopératives ?

Mme Rachel Blumel. Oui. J’ajoute que nous demandons également un plan de modernisation des infrastructures extrêmement précis et doté d’un échéancier. C’est à nos yeux une solution qui rendrait acceptable la taxation autoroutière et permettrait de garantir un régime plus favorable à la production nationale.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. La directive « Eurovignette » nous interdit d’appliquer l’écotaxe aux autoroutes déjà soumises à des péages.

Pourriez-vous nous indiquer ce que vous entendez par courtes distances ? S’agit-il de distances calculées sur un mois ou sur une journée ?

M. Yves-Marie Laurent. Il s’agit de distances correspondant à un trajet unique, donc de distances journalières. Ce que nous appelons courte distance, c’est un flux unique, inférieur ou égal à 200 kilomètres.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Selon les statistiques qui nous ont été communiquées, un véhicule parcourt en moyenne sur le réseau écotaxé 37 kilomètres par jour. Nous ne pouvons donc pas considérer que 200 kilomètres constituent une courte distance…

Pour rebondir enfin sur les propos de notre collègue Olivier Faure, je précise que, sur les quelque 1,2 milliard d’euros attendus de l’écotaxe, 350 millions d’euros seront acquittés par les transporteurs étrangers, ce qui n’est pas neutre.

M. Marc Le Fur. Certes, les produits importés seront taxés entre la frontière et leur lieu de consommation, mais cette dépense ne doit être comparée qu’à l’ultime phase de transport de nos produits fabriqués en France, laquelle ne représente que 15 % des flux de transport qui s’opèrent sur l’ensemble de la chaîne de fabrication. On voit donc que la comparaison est défavorable à la production française.

Quant à détaxer les courts trajets, le président du groupe écologiste préconise d’exonérer les trajets inférieurs à 100 kilomètres ; je recommanderai, pour ma part, de les exonérer jusqu’à 200 kilomètres, distance à partir de laquelle le report modal devient envisageable.

Vous avez enfin évoqué les dommages causés à la filière « bio ». Cela concerne, plus généralement, l’ensemble des productions de niches dans lesquelles les circuits de collecte sont jusqu’à trois fois plus longs que pour l’agriculture conventionnelle. On pénalise ainsi des filières que l’on voulait soutenir, car elles ont, paradoxalement, une très forte empreinte carbone. Je rappelle qu’un circuit de collecte de lait, c’est en moyenne 150 kilomètres.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Vous nous avez indiqué que les courtes distances dont vous parliez étaient calculées sur une base journalière. Se pose, dès lors, la question de savoir combien de jours par mois roule un véhicule chargé, par exemple, d’approvisionner une centrale d’achat : il n’est pas indifférent qu’il couvre une distance de 200 kilomètres trois fois ou vingt fois dans le mois.

M. Yves-Marie Laurent. Les textes qui réglementent les autorisations de circulation pour les véhicules de collecte font référence à un rayon de 150 kilomètres ou à des déplacements circonscrits à la région ou aux départements limitrophes, ce qui explique que nous retenions cet ordre de grandeur pour désigner une courte distance.

Quant au nombre de kilomètres effectivement parcourus, cela dépend des organisations. Certaines coopératives, notamment dans le domaine de l’alimentation du bétail, arrivent à faire tourner des véhicules en trois huit, six jours par semaine, et parcourront plus de vingt mille kilomètres par mois. Pour notre part, avec une flotte de plus de cent cinquante véhicules, nous parcourons jusqu’à huit ou dix mille kilomètres par mois, soit entre trois cents et cinq cents kilomètres par jour, selon le type de transport et de prestations.

Mme Rachel Blumel. Le produit de l’écotaxe sur les véhicules étrangers a été évalué à 350 millions d’euros. Mais les étrangers n’auront pas l’obligation de majorer leurs coûts de transport, et je m’étonne que les transporteurs français n’aient pas identifié cette faille dans le dispositif, qui risque de les fragiliser, puisqu’elle pourrait inciter certains opérateurs économiques nationaux à avoir recours à des transporteurs étrangers.

En ce qui concerne la sortie de la collecte laitière du dispositif, le nombre de véhicules concernés est, selon nos calculs, inférieur à 3 %. Ce n’est donc pas un aménagement satisfaisant à nos yeux.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. La majoration forfaitaire s’applique dès lors que le contrat est un contrat de droit français.

M. Yves-Marie Laurent. Je conclurai par un mot sur nos relations avec Ecomouv’ et notre SHT, la société Total GR. La mise en place du dispositif a été extrêmement lourde, nous obligeant à avoir recours à plusieurs intérimaires pour la constitution des dossiers
– plusieurs kilos de carton au total. Assurer le suivi de son fonctionnement au quotidien peut également se révéler complexe, notamment en cas de panne de boîtier. Enfin, il faut ajouter à toutes les charges déjà mentionnées les coûts indirects induits par la modification de nos systèmes d’information, qui doivent désormais renseigner pour chaque trajet les caractéristiques du transporteur – norme Euro, nombre d’essieux – et la nature de la relation. Cette complexité pénalise la vie des entreprises et leurs performances.

M. Jean-Paul Chanteguet, président et rapporteur. Nos différentes auditions nous ont en effet confirmé que les transporteurs rencontraient de réelles difficultés pour enregistrer leurs véhicules. Nous avons identifié avec Ecomouv’ et la direction générale des Douanes un certain nombre de problèmes. Nous ferons des propositions de simplification
– éventuellement grâce à des dispositions législatives. Il nous a été indiqué qu’à ce jour, 200 000 véhicules étaient déjà enregistrés, l’objectif étant d’en avoir à terme de 600 000 à 800 000.

Il me reste à vous remercier d’avoir participé à cette audition.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'écotaxe poids lourds

Réunion du jeudi 10 avril 2014 à 9 h 30

Présents. - M. Jean-Paul Chanteguet, Mme Françoise Dubois, M. Olivier Faure, M. Jean-Pierre Gorges, Mme Viviane Le Dissez, M. Marc Le Fur, M. Gilles Lurton, M. Hervé Pellois

Excusé. - M. Florent Boudié

Assistaient également à la réunion. - M. Jean-Luc Bleunven, Mme Annick Le Loch