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Mission d’information sur le paritarisme

Mercredi 6 avril 2016

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 17

Présidence de M. Jean-Marc Germain, rapporteur, puis de M. Arnaud Richard, Président

– Audition, ouverte à la presse, de la commission des AT/MP de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) – Mme Nathalie Buet, présidente, MM. Ronald Schouller et Jean-François Naton, vice-présidents

– Audition, ouverte à la presse, de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) – M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d’administration, et Mme Patricia Chantin, responsable des relations parlementaires et institutionnelles

– Audition, ouverte à la presse, de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) – M. Gérard Rivière, président du conseil d'administration, et M. Renaud Villard, directeur

– Présences en réunion

MISSION D’INFORMATION SUR LE PARITARISME

Mercredi 6 avril 2016

La séance est ouverte à seize heures trente-cinq.

——fpfp——

(Présidence de M. Jean-Marc Germain, rapporteur de la mission d’information)

La mission d’information sur le paritarisme procède à l’audition de la commission des AT/MP de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) – Mme Nathalie Buet, présidente, MM. Ronald Schouller et Jean-François Naton, vice-présidents.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Nous accueillons aujourd’hui des représentants de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

M. Franck Gambelli, membre de la commission des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), représente Mme Nathalie Buet, présidente de cette commission, qui a eu un empêchement impromptu.

MM. Ronald Schouller et Jean-François Naton sont vice-présidents de cette même commission.

L’objet de notre mission est très large puisqu’il consiste à faire un état des lieux du paritarisme, de son fonctionnement et de son efficacité, dans toutes ses acceptions, et à tracer des perspectives en faisant deux focus sur des points liés à l’actualité législative.

Le premier concerne le compte personnel d’activité. Ce dispositif va-t-il avoir un impact sur les droits, mais aussi sur la gouvernance du système ?

Le deuxième concerne l’ubérisation de la société et ses nouvelles formes de travail. Quel en sera l’impact sur les ressources des organismes sociaux, ainsi que sur leur organisation ?

Quel est votre regard sur l’organisation du paritarisme et sur ses évolutions ? Quel est, vingt ans après, l’impact des lois de 1995 ?

En ce qui concerne le compte personnel d’activité, avez-vous mené une réflexion sur la façon dont il pourrait, un jour, intégrer des droits qui relèvent aujourd’hui de l’assurance maladie ?

Enfin, de quelle façon les caisses sont-elles affectées par les nouvelles formes d’activité ? Je pense notamment à d’éventuelles pertes de recettes, actuelles et à venir, dues à ces nouvelles formes d’activité, qui ne sont pas salariales, et à la nécessité de faire évoluer la couverture, compte tenu des statuts ou des parcours, qui sont pour le moins précaires.

M. Jean-François Naton, vice-président de la commission des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). On peut se demander si le paritarisme a encore un sens. Je vais essayer de montrer que, quand il est appliqué dans une dynamique de réciprocité et de respect, cela peut marcher.

Le paritarisme, imposé par les ordonnances de 1967, a été en partie mis en œuvre pour évincer la CGT des présidences des caisses de sécurité sociale. Les conseils d’administration étant composés pour deux tiers de représentants de salariés et pour un tiers de représentants d’organisations patronales, cela permettait au camp salarié de présider la majorité, si ce n’est la totalité des caisses de sécurité sociale. Le rééquilibrage opéré à l’époque par le paritarisme s’est fait au détriment de la CGT.

Dans le cadre d’une réflexion sur le paritarisme, il faut se placer dans la dynamique de la représentativité. Si le paritarisme a un sens, c’est aussi le poids que représente chaque organisation dans la composition du paritarisme. Ce sont des données qu’il nous faudrait avoir.

En ce qui concerne la branche accidents du travail et maladies professionnelles, nous apparaissons un peu comme des dinosaures : c’est le dernier lieu d’un paritarisme qu’on peut qualifier de strict, avec cinq organisations patronales et cinq confédérations.

Il semble que le système ait fait ses preuves, étant donné que c’est l’un des derniers lieux où il y a du dialogue et de la confrontation, mais aussi des résultats. Des décisions sont prises, même si elles résultent de la confrontation. Ce n’est pas un gros mot, car le paritarisme ne doit pas être un lieu où l’on aseptise le nécessaire débat.

Pour ce qui est de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, le paritarisme a porté et continue de porter une dynamique positive. Ce n’est pas pour flatter l’ex-président de la branche AT, mais le paritarisme, ce n’est pas magique, cela nécessite du respect dans la manière de conduire la gouvernance des conseils d’administration.

Au niveau de la branche AT, il y a toujours eu cet équilibre et ce respect dû à chacun dans le cadre des fonctions. Vu de notre fenêtre, je dirais que le paritarisme est positif.

À la CNAMTS, on peut dire qu’on est aussi dans une fonction paritaire. Mais, de réforme en réforme, de loi en loi, on a rajouté des organismes. Le paritarisme n’est donc plus dans sa forme originelle. Ce n’est plus du paritarisme quand on est avec des personnes qualifiées, la mutualité, les associations… En tout cas, de mon point de vue. On est sortis de la fonction même d’un conseil d’administration au profit de fonctions de débat, sans résonance concrète sur la gestion ni sur l’organisation du système.

C’est pourquoi nous veillons à ce qu’il n’y ait pas, au sein de la branche AT, des structures en dehors de ce paritarisme strict qui a apporté une forme de légitimité pour conduire les affaires de la branche AT.

M. le rapporteur. N’y a-t-il pas de personnalités qualifiées dans la branche AT ?

M. Jean-François Naton. Non, nous sommes les derniers survivants. Nous n’avons pas la fonction de conseil d’administration. C’est un entre-deux, parce que nous avons tous les pouvoirs, sans avoir l’étiquette d’administrateur. La question est : est-ce que le paritarisme, ça marche ? Pour ce qui est de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, le paritarisme, ça marche.

M. Franck Gambelli, membre de la commission des accidents du travail et maladies professionnelles, représentant Mme Natahlie Buet, présidente de la commission. Pour compléter les propos de M. Naton, si l’on se projette dans la durée, il y a des raisons. Ce n’est pas uniquement la posture d’organisations qui défendent leur mandat.

La première loi ayant mutualisé entièrement un risque remonte à 1898. Avant, on raisonnait selon les règles classiques de la responsabilité civile : je prouve un dommage, j’intente un procès. La grande nouveauté, en 1898, c’était : je ne cherche pas la preuve, je n’ai pas besoin de procès, je dispense les salariés d’attaquer leur patron et je mutualise le risque. En contrepartie, j’indemnise forfaitairement.

À l’origine, ce n’était qu’une assurance patronale, un régime de responsabilité patronale, qui a généré l’idée même de Sécurité sociale. C’est la première fois qu’en Europe – pas exactement, car les Allemands l’avaient fait avant –, on mutualisait le risque.

La branche AT a un long passé. Pourquoi est-ce important ?

Elle a été incorporée à la Sécurité sociale après la guerre. L’État a son rôle dans la législation, ainsi que l’assureur, mais, grosso modo, les acteurs du risque, ce sont l’employeur, qui a l’obligation de sécurité, et le salarié, qui est la victime virtuelle.

En ce qui concerne l’ancrage paritaire, l’intuition antérieure à la « Sécu », mais qui s’est prolongée, c’est que la prévention des risques professionnels se gère dans des métiers, dans un environnement professionnel, en lien avec le salarié et l’employeur.

Dans la métallurgie ou dans le bâtiment, il y a des cultures de métiers, et les entreprises fonctionnent par capillarité. Les cultures de prévention ne doivent pas être en contradiction avec le travail réel. Elles doivent vivre et croître avec le travail réel et s’incarner dans des branches professionnelles. C’est la première intuition de la branche AT-MP, qui fonctionne toujours sur ce principe de grandes branches professionnelles. C’est-à-dire qu’on ne va pas trouver des ténors, des avocats ou des plaideurs professionnels, mais des hommes de l’art au niveau national.

La deuxième intuition, c’est que cela doit aussi se décliner sur le plan territorial.

Nous avons deux structures de branche, méconnues, mais très importantes, les comités techniques nationaux et les comités techniques régionaux, qui produisent des recommandations assurantielles de manière consensuelle – après moult bagarres entre nous, qui durent parfois un ou deux ans. Mais peu importe… Au final, on arrive à une recommandation, qui fait l’objet de sanctions, et qui est acceptée par le corps professionnel auquel elle est destinée, c’est-à-dire les employeurs et les salariés.

C’est une démarche très originale par rapport aux approches réglementaires classique. Ce sont des textes peut-être plus rustiques, moins peaufinés sur le plan juridique - ils ne font pas cinquante pages –, mais ils peuvent être lus et appliqués par n’importe qui.

D’autres pays ont cette expérience à la puissance 10. En Allemagne, par exemple, les recommandations paritaires ont quasiment force de loi, ce qui est moins le cas chez nous. Si le paritarisme a encore un sens, c’est bien dans le champ des conditions de travail.

Pour ce qui est de la vieillesse et de la maladie, ce sont des problèmes de type macroéconomiques qui engagent toute la société et qui nous dépassent, aussi bien en tant qu’employeur que salarié.

Les associations de victimes ont leur rôle social et sociétal. Mais, dans l’entreprise, comment faire avancer les choses ? Il n’y a que dans notre dialogue, qui est parfois un peu musclé, qu’on peut arriver à trouver un consensus.

Nous sommes arrivés à des consensus pendant près de dix ans. Nous avons notamment voté une Convention d’objectifs et de gestion (COG) à l’unanimité. Je crois qu’il n’y a pas de précédent dans la Sécurité sociale. Cette COG, qui a pris fin en 2012, a complètement restructuré la branche AT-MP. Il était temps, car elle roupillait tranquillement.

Elle a été restructurée autour d’un pilotage paritaire, avec des axes nouveaux, qui n’ont pas encore complètement abouti, s’agissant notamment du maintien dans l’emploi, thématique qui n’était pas dans le champ de la prévention des risques professionnels. On restait sur des thématiques hypertechniques : je préviens les accidents sur machines, je m’occupe du risque chimique.

Nous avons réorienté la branche. Il ne s’agissait pas uniquement de prévenir les risques professionnels, mais de prendre en compte le fait qu’il y a des personnes qui vieillissent dans le travail, qui sont fatiguées, ou encore accidentées. Nous avons un devoir particulier envers ces personnes. Or les systèmes de maintien dans l’emploi, en France, sont complètement explosés, éclatés, sectorisés. Certes, il y a, dans nos caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT), un service social, il y a l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées (AGEFIPH), il y a l’univers associatif. Mais rien de tout cela n’est maillé.

C’est un projet qui nous a réunis et qui est toujours en cours. Cela étant, il y a eu les difficultés budgétaires qu’on sait pour la branche AT-MP.

M. Jean-François Naton. On est la seule branche excédentaire et les excédents ont été allègrement pillés pour compenser le déficit de l’assurance maladie. Et ça, on a du mal à le digérer. Cela a remis en question la qualité du travail effectué.

S’il y a excédent, c’est, bien sûr, parce que toute une série d’événements y a contribué, mais c’est aussi parce que le boulot a été fait. Et le boulot, il est mené par les équipes des services de prévention, mais il est aussi porté politiquement par les partenaires sociaux, du plan national jusqu’aux territoires. La force de l’intervention du président Gambelli, c’est que la dynamique nationale se transpose dans les territoires via les CARSAT, où on a encore des conseils d’administration et des comités techniques régionaux (CTR).

On a eu l’audace – ce n’était pas dans l’air du temps – de créer des comités régionaux AT-MP et des commissions régionales des accidents du travail et des maladies professionnelles (CRAT-MP), qui réunissent les cinq confédérations et les trois organisations patronales pour discuter travail et santé, et ce, dans toutes les CARSAT de France. Ce n’était pas dans l’air du temps de croire qu’on pouvait à nouveau se parler. Mais si on arrive à se parler, c’est qu’on a cette approche « métiers », c’est-à-dire qu’on est en capacité de parler travail. C’est ce qui nous a aidés durant toutes ces périodes.

M. Ronald Schouller, vice-président de la commission des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). Je suis d’accord avec tout ce que j’ai entendu. On parle de paritarisme depuis très longtemps et, au niveau de la branche AT-MP, cela marche bien. Nous sommes une commission, pas un conseil d’administration. C’est important, parce que nous n’avons pas les mêmes fonctions.

Le paritarisme est apparu en France, pour la première fois, grâce à la loi d’octobre 1946, dans la fonction publique, avant d’être intégré dans la Sécurité sociale. Comme l’a dit, à juste titre, Jean-François Naton, dans la Sécurité sociale, on a fait l’inverse. C’étaient les salariés qui avaient la mainmise sur la Sécurité sociale, et on a ouvert le paritarisme aux employeurs, qui étaient les contributeurs principaux. Il était donc normal qu’ils y aient leur place.

M. le rapporteur. En 1995, on a confié beaucoup de prérogatives à l’État.

M. Ronald Schouller. Tout à fait. Au niveau de la Sécurité sociale.

L’accord national interprofessionnel du 17 février 2012 sur la modernisation et le fonctionnement du paritarisme a été signé par de nombreuses organisations…

M. le rapporteur. Elles ont toutes signé ?

M. Ronald Schouller. Non, la CGT n’a pas signé cet accord. Mais, n’étant pas là à l’époque, je ne peux pas vous dire pourquoi.

Le paritarisme fonctionne très bien au niveau de la commission AT-MP (CAT-MP), des comités techniques nationaux et des comités techniques régionaux.

D’autres instances participent à la prévention du risque professionnel, comme l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), où le paritarisme fonctionne aussi très bien, avec un conseil d’administration paritaire. Eurogip, qui est un pendant de la CNAMTS, fonctionne également très bien, avec, là aussi, un conseil d’administration paritaire.

Tout cela fonctionne parce qu’il y a une discussion autour de la table et qu’il y a un accord. Il y a beaucoup de discussions, mais on arrive toujours à un consensus, parce qu’il y a un élément fédérateur : la prévention du risque professionnel.

Au niveau de la CNAMTS et de la CAT – la commission des accidents du travail –, pendant très longtemps, on a parlé de réparation. Aujourd’hui, on veut aller au-delà de la réparation et faire de la prévention. Pour ce faire, il nous faut un peu d’argent. Nous avions pensé utiliser les excédents de la branche, mais nous nous sommes retrouvés « fort démunis » quand nous avons appris qu’on nous avait pillés et que notre trésor avait fait l’objet d’un hold-up.

J’en reviens au paritarisme et aux conseils d’administration (CA). Pour moi, il y a eu une déviance quand on a fait rentrer les associations et les personnes qualifiées dans ces CA, parce que, du coup, le paritarisme a complètement disparu.

En ce qui concerne le maintien dans l’emploi, j’adhère totalement au propos de Franck Gambelli, qui représente aujourd’hui le MEDEF, parce que la durée de vie au travail va être de plus en plus longue. Les gens entrent de plus en plus tard dans le monde du travail, sans parler des curseurs qui se déplacent au niveau des droits à retraite. Il va donc falloir s’intéresser sérieusement à tout cela.

Il existe des satellites, mais nous n’avons pas la main : l’AGEFIPH, le Service d’appui au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés (SAMETH), Cap emploi etc. Mais, pour rentrer dans ces dispositifs, on doit vous reconnaître la qualité de travailleur handicapé (RQTH). Si vous n’avez pas cette reconnaissance, la porte vous est fermée, alors qu’on devrait travailler en amont. Car, aujourd’hui, je suis conseiller prud’hommes et je peux vous le dire, il y a beaucoup d’entreprises qui licencient les gens pour inaptitude à tout emploi.

Quand vous êtes licencié à quarante ou quarante-cinq ans pour inaptitude à tout emploi, vous vous retrouvez au RSA, sans grand espoir d’avoir un jour à nouveau une occupation professionnelle. Aujourd’hui, on voit de plus en plus de gens de cinquante à soixante ans licenciés, dans tous les corps de métiers.

M. le rapporteur. Pour rebondir sur ce sujet, j’aimerais savoir si vous vous êtes saisis du compte personnel de prévention de la pénibilité, qui permet d’utiliser les points acquis pour suivre des formations. Avez-vous été consultés sur cet outil ?

M. Franck Gambelli. Le compte pénibilité, c’est un départ anticipé à la retraite, avec un régime de base abattu de 5 % environ, pour tous les salariés, et des retraites complémentaires qui ne suivront pas. Tout le monde le sait.

Par ailleurs, l’une des missions de la branche AT-MP consiste à sortir les gens de la pénibilité, pas à les y maintenir. La pénibilité ne doit pas être un avantage acquis.

Il y a eu, en matière d’AT-MP, un grand mouvement d’amélioration, inégal selon les secteurs. On a connu, jusque dans les années quatre-vingt-dix, la période du risque dur, c’est-à-dire le risque lié à une machine, le risque de tomber ou d’être écrasé.

Puis est arrivée la période de l’amiante, avec une crise sanitaire et un risque différé, sournois, pervers. Il y a eu ensuite la période des risques psychosociaux. On voit bien que le risque professionnel est mouvant et lié à des éléments de moins en moins matériels, très difficiles à saisir pour des professionnels de terrain.

Le compte pénibilité est d’une incroyable complexité puisqu’il fixe un seuil d’ouverture des droits fondé sur l’observation du travail réel. Là est le paradoxe, car, au niveau de la Sécurité sociale, ce seuil est basé sur des trimestres, des chiffres, un âge, un taux d’incapacité. Ce sont des éléments objectivables. Les entreprises font un effort énorme pour essayer d’objectiver le dépassement de ces seuils et une ouverture de droits minime.

Je ne vais pas développer le discours du MEDEF sur le compte pénibilité. Mais, pour notre part, nous estimons qu’il est nécessaire d’instaurer un système de sortie anticipée du travail pour certains salariés.

Ce qui est paradoxal, c’est qu’en France, il y en a beaucoup : invalidité, vieillesse, Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (FCAATA), fins de droits. Nous avons plein de systèmes qui se juxtaposent, qui n’ont jamais été coordonnés. Il n’y a ni vision globale ni priorisation des personnes qui en ont le plus besoin, mais une espèce d’anarchie, de juxtaposition non pilotée de ces systèmes destinés aux carrières longues.

Est-ce que certains sont bien calibrés ? Y aurait-il des effets d’aubaine ? Oui, il y a d’énormes effets d’aubaine, que nous connaissons tous. Il conviendrait de mener une réflexion sur un système global de sortie anticipée du travail, ciblé sur les publics prioritaires. Le C3P ne répond pas à cet objectif.

Cela étant, ce n’est pas la partition de la branche AT, mais celle de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Notre rôle est d’apporter de la prévention, et donc, la sortie de la pénibilité, et de trouver des pistes – mais pas tout seuls –, concernant le maintien dans l’emploi.

Concrètement, que signifie le « maintien dans l’emploi » ? Le maintien dans l’emploi concerne, par exemple, une personne qui un accident de santé dû au travail, nos collègues de l’assurance maladie s’occupant des accidents de la vie ou des pathologies.

Que fait-on pour reclasser cette personne ? Aujourd’hui, c’est un phénomène lié à l’externalisation, il n’y a quasiment plus de postes doux dans les entreprises. Autrefois, il y avait des jardiniers, des postes tertiaires. Certaines entreprises commencent à les réintégrer, mais cela ne suffit pas.

Les reconversions doivent être locales. On ne peut pas balader les gens à 200 kilomètres de leur domicile. La mobilité est faible. La seule solution est d’avoir des maillages territoriaux structurés et méthodiques. C’est ce qui pose problème.

Potentiellement, nous avons ces maillages. Il y a la médecine du travail – 1,3 milliard d’euros financés par les employeurs –, il y a la Sécu, il y a l’univers associatif, qui fait du bon travail. Comment arriver à mailler tout cela et à accompagner les gens ?

L’expérience de la branche AT, c’est avoir un chargé de cas, qui ait un portefeuille de gens à recaser. Ces personnes doivent passer tous les obstacles juridico-administratifs, légaux, médicaux. C’est un vrai parcours du combattant. À mon avis, il y a là un vrai projet pour l’ensemble des caisses nationales. Du côté des entreprises, vous parliez, monsieur Schouller, du licenciement pour inaptitude. C’est vrai, mais, pour une PME, en général, compte tenu du niveau des indemnités, c’est la fermeture. Ce n’est pas la solution.

La réflexion sur la cessation anticipée d’activité doit avoir pour corollaire une forte action de prévention, renouvelée et plus ciblée, et la création d’un système de maintien dans l’emploi, qui évite la cessation anticipée d’activité.

M. Jean-François Naton. Le compte pénibilité, c’est l’échec du paritarisme, parce qu’il n’y a pas eu de dialogue. Nous avons découvert, au sortir de l’été, qu’on avait, sur un coin de table, inventé un système qui devait être la solution à l’épineux dossier pénibilité et reconnaissance.

Les débats ont eu lieu, au sein de la branche AT, pour dire notre effarement et notre consternation, concernant la manière dont on avait produit ce dispositif. Quand on en fera l’évaluation, dans quelques années, on s’apercevra, de son peu d’efficacité. Il nous semblait possible, en effet, d’allier la nécessaire reconnaissance des pénibilités, la suppression du risque, et donc, la prévention.

M. le rapporteur. Pourquoi ne pas vous saisir de cette question ? Vous pourriez arriver à un accord, avec les cinq organisations syndicales et les trois organisations patronales, sur la façon dont cela peut fonctionner. Intellectuellement, tout le monde s’accorde à dire que ceux qui sont usés par le travail doivent pouvoir partir plus tôt et qu’on doit pouvoir agir avant qu’ils ne soient usés, pour que le maximum de personnes puissent rester le plus longtemps possible, la durée étant décidée collectivement. C’est cela, le compte pénibilité.

Je suis un peu surpris que vous n’ayez pas été consultés sur l’autre objectif du compte pénibilité, que les parlementaires, tous bords confondus, ont souhaité voir privilégier, qui est d’utiliser les points de pénibilité acquis entre vingt et quarante ans – ce qui doit représenter plus de 1 500 heures de formation pour vingt ans de travail pénible –, pour financer une formation et une reconversion, qui est lourde, à quarante ou quarante-cinq ans, dans d’autres métiers. Et ça, c’est votre cœur de métier. En tout cas, c’est une préoccupation constante dans d’autres dispositifs de la branche AT-MP.

Pourquoi ne négociez-vous pas ? Quand je dis « vous », ce n’est pas forcément AT-MP. Ma question est plus générale.

M. Jean-François Naton. Nous avons négocié pendant trois ans sur la pénibilité, pour aboutir, au final, à un désaccord. Nous pouvons donc comprendre la volonté du législateur de reprendre la main. Mais il a inventé un dispositif qui, selon nous, n’est pas de nature à aborder positivement tant la question du départ que celle, essentielle, de la réparation. On ne peut pas à la fois connaître le risque et s’en satisfaire.

M. Franck Gambelli. Le concept qui a été vendu, c’est la prise en compte d’une réduction théorique de l’espérance de vie et de la réalité sociologique macroéconomique. Pour sa déclinaison dans le réel, il aurait dû y avoir, le réel étant ce qu’il est, une étape pour la réflexion.

D’une part, il y a des stratégies qu’on peut comprendre, qui consistent à faire de la pénibilité un avantage acquis ou à acquérir, aussi bien du côté de l’employeur que du salarié. D’autre part, la mise en place d’un système prédictif ne répond pas aux besoins des personnes qui sont aujourd’hui usées par la vie ou par le travail, indépendamment des facteurs et des seuils.

Il y a une autre question, tout aussi fondamentale : comment fait-on pour objectiver une ouverture des droits à partir de la réalité incroyablement mouvante qu’est le travail réel ? À la limite, pour les professions qui travaillent sur le mode stakhanoviste ou taylorien, selon les goûts, modèle années trente, où tout est standardisé, tout est facile, clair et simple. Mais aujourd’hui, le travail, ce n’est plus cela.

Vous parliez de l’ubérisation. Dans l’industrie, on n’en est pas là, mais il y a des formes de travail qui sont variables, et donc, de plus en plus difficiles à saisir. Par conséquent, l’énormité du travail technique déployé pour objectiver le dépassement des seuils est sans proportion avec l’avantage.

Cela veut dire que nous faisons de nos équipes de préventeurs, dont le job est de retirer les gens de la pénibilité, des huissiers qui établissent un constat.

M. le rapporteur. La branche a-t-elle un rôle à jouer en la matière ?

M. Franck Gambelli. Non, la branche AT-MP n’a pas voulu y mettre les mains. C’est la Caisse nationale d’assurance vieillesse, la CNAV, qui s’en charge. Ce n’est pas non plus la médecine du travail, parce que les médecins du travail et les ergonomes fonctionnent sur d’autres bases.

Le système pénibilité fonctionne sur un concept qui concerne la seule ouverture des droits. Les seuils sont arbitraires. Pour le bruit, par exemple, c’est quatre-vingts décibels, pour la température, trente degrés pendant 900 heures.

M. Jean-François Naton. Cette discussion est le fruit du paritarisme.

Quand nous avons négocié la deuxième COG, nous avons eu la clairvoyance d’introduire un article prévoyant que, si d’aventure, nous étions embarqués contre notre gré dans le compte pénibilité, il faudrait renégocier la COG, les moyens dont nous disposons actuellement ne nous permettant pas d’être dans une dynamique de contrôle ou d’accompagnement de ce dispositif.

Fatalement, le législateur n’a pas voulu s’engager sur la voie de la renégociation d’un avenant à la COG, qui nous permettrait, le cas échéant, d’avoir les effectifs nécessaires pour assurer le suivi d’un dispositif que nous ne souhaitions pas.

M. le rapporteur. Comment évaluez-vous le rôle de l’État dans cette négociation ?

M. Franck Gambelli. C’est une catastrophe !

M. le rapporteur. Le problème ne vient-il pas du fait que nous étions dans le cadre d’une loi de financement de la sécurité sociale ou d’une loi sur les retraites pilotée, non par le ministre du travail, mais par la ministre des affaires sociales ?

M. Franck Gambelli. Il y a deux logiques.

Dans l’univers de la protection sociale, on raisonne avec des choses simples : des seuils d’ouverture de droits simples, des assiettes de masses salariales « simples », bref, des éléments binaires.

Dans l’univers du travail, c’est exactement l’inverse : on est dans le concret, le mouvant, l’interprétation, le pragmatisme.

Le premier système pénibilité était loin d’être parfait, mais il laissait aux entreprises le soin de fixer leurs seuils, plus ou moins à la bonne franquette, sous forme d’accords, de manière assez généreuse, parce qu’on était encore dans l’univers empirique des conditions de travail, et donc, des stratégies de prévention.

Le fait d’avoir embrayé sur une logique de protection sociale, qui est forcément monolithique, binaire et simpliste – le but étant de générer de la cotisation –, pour l’appliquer à l’univers du travail, revient à marier la carpe et le lapin. Ce n’est pas parce qu’on a transféré le dispositif pénibilité du code de la Sécurité sociale au code du travail que cela résout le problème.

Car il y a un vrai problème. Ce sont deux administrations, mais ce sont aussi deux cultures et deux logiques différentes. Il aurait fallu trouver un système qui leur permette de fonctionner en parallèle sans se court-circuiter.

Si, en tant que salarié, je suis en pénibilité, j’ai envie d’y rester et je n’ai pas envie que mon patron m’en retire. En tant que patron, je peux avoir envie d’y mettre tout le monde ou personne.

M. Ronald Schouller. Ce dispositif peut aussi favoriser le dumping social.

Imaginons que j’aie une entreprise et que je veuille piquer un salarié d’une autre entreprise, parce qu’il correspond tout à fait à mes critères. Il me suffit de le mettre en compte pénibilité. C’est ce qui risque de se passer pour certains métiers tendus. Dans le secteur des travaux publics, j’ai déjà entendu certains employeurs dire qu’ils avaient eu recours à cette pratique pour recruter des salariés chez leurs collègues.

C’est un fusil à deux coups. En outre, on ne maîtrise rien dans la pénibilité. On parle du travail de nuit etc. Aujourd’hui, il y a des cursus dans les différents métiers. J’ai travaillé dans le tabac pendant trente ans. De la SEITA, à l’époque, on est passés à Altadis, avec les Espagnols, pour finir sous la houlette des Anglais, et ce, avec trois schémas opérationnels tout à fait différents et des contraintes tout à fait différentes pour les ouvriers. On est passés d’un travail de journée à un travail en deux-huit, en trois-huit, puis en VSD. Les contraintes sont multipliées par X et on n’arrive pas, avec le compte pénibilité, à caler tout cela.

Au final, qu’est-ce que le compte pénibilité ? Des heures de formation. Pensez-vous vraiment que beaucoup de gens, surtout ceux qui travaillent dans le bâtiment, vont demander des heures de formation ? Dans ce secteur, on devrait systématiquement les faire partir plus tôt.

Aujourd’hui, tout le monde le sait, les départs négociés avec l’entreprise sont des ruptures conventionnelles, à cinquante-sept ou cinquante-huit ans. Ensuite, les gens restent deux ou trois ans au chômage jusqu’à ce qu’ils aient leurs droits ouverts à 100 % au niveau de la retraite.

M. Franck Gambelli. Notre projet pour la future convention d’objectifs et de gestion est axé sur la prévention et le maintien dans l’emploi.

En ce qui concerne la prévention, on connaît à peu près nos grandes lignes, mais nos dispositifs d’incitation sont complètement à bout de souffle. Certains datent de 1947 ou 1950 et ils n’ont pas été revus depuis des décennies.

S’agissant du maintien dans l’emploi, l’idée est d’arriver à créer modestement un petit modèle, mais surtout à travailler avec les autres secteurs de la protection sociale. C’est ce qui est le plus difficile. Il nous faut travailler avec la CNAV, la CNAM, l’univers du handicap, les univers territoriaux et l’univers associatif.

M. Jean-François Naton. L’intelligence du paritarisme, c’est aussi d’avoir décliné la dynamique de la COG, dont on retrouve les grandes lignes dans le Plan santé au travail (PST).

Le point sur lequel nous avons beaucoup travaillé, c’est le faire ensemble, ou le travailler ensemble. Car, dans des systèmes en silo, chacun joue sa petite partition.

Nous avons réussi, dans le cadre de la branche AT-MP, à décliner le paritarisme au niveau du Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT) et de la Direction générale du travail (DGT), c’est-à-dire à imprimer une logique de dialogue sur les sujets qui tournent autour du travail dans une approche santé. Si nous arrivons à construire ce PST, que certains jugent révolutionnaire, c’est qu’il y a eu un très gros travail, issu du paritarisme de la branche AT.

Dans les territoires, le défi à relever, pour les plans régionaux de santé, concerne l’évolution de la gouvernance des politiques de santé. Il s’agit, non pas de surajouter ou de superposer des plans, mais de mettre en place une politique, un plan dont les partenaires sociaux soient véritablement les maîtres d’œuvre coresponsables et coauteurs. Cette démarche, c’est du paritarisme, mais surtout du dialogue social.

M. le président Arnaud Richard. Cette démarche s’inscrit-elle dans un document, un lieu, une instance ?

M. Franck Gambelli. Dans deux instances. La branche accidents du travail n’est que l’assureur institutionnel du risque accidents du travail.

Ce processus a d’abord été élaboré dans le cadre de la commission des accidents du travail et maladies professionnelles, puis formalisé par un document, la convention d’objectifs et de gestion, signé par le ministre du travail et la ministre des affaires sociales.

Une convention a été adoptée à l’unanimité par la totalité des partenaires sociaux. Nous avons mangé notre pain blanc puisqu’elle s’est terminée en 2012. La dernière convention n’a pas été signée à l’unanimité, à cause des restrictions budgétaires, mais, sur le fond, nous étions tous d’accord sur les objectifs. C’est, en l’occurrence, un exemple un peu atypique de paritarisme.

La deuxième instance est beaucoup plus récente. Il s’agit du groupe de pilotage du conseil d’orientation des conditions de travail, mis en place par le ministère du travail. C’est une formation restreinte qui, avec les confédérations syndicales et patronales, donne des impulsions à la politique globale.

Comme l’a dit Jean-François Naton, la politique de l’assureur institutionnel fait maintenant partie intégrante de la politique de l’État. Là est la nouveauté, le progrès. Les cultures, les sensibilités sont très différentes, selon qu’il s’agit de l’administration de la Sécurité sociale ou de l’administration du travail. Pour autant, elles sont arrivées à se parler. Quant au rôle de l’État, nous ne le contestons pas. L’État est le gardien de la sécurité des conditions de travail. De toute façon, il peut aussi être condamné – je pense notamment à l’affaire de l’amiante.

Nous ne sommes que les représentants des assureurs, mais en tant que partenaires sociaux, nous pouvons dire qu’il y a une dynamique récente et fragile, concernant la mise en cohésion des deux grands acteurs que sont la Sécurité sociale et l’État sur cette thématique.

Il y a d’autres univers, dont celui de l’agriculture, qui est encore lointain, ou celui des fonctions publiques, avec 7 millions de personnes totalement en dehors de notre champ. Si l’on veut comparer les politiques de prévention, le contraste est stupéfiant au regard du bilan annuel des conditions de travail. L’apport du secteur privé aux conditions de travail est de 95 %. La fonction publique, quant à elle, est le parent pauvre en matière de réparation et de prévention.

On pourrait imaginer franchir encore une étape et associer les trois fonctions publiques et l’agriculture. Mais ce sont des univers assurantiels très différents, avec, d’un côté, la Mutualité sociale agricole (MSA), de l’autre, les assureurs privés pour l’État, ou l’État lui-même, la Sécurité sociale pour ce qui nous concerne. Cela étant, il y a un progrès.

M. Jean-François Naton. C’est un processus.

M. Franck Gambelli. Un processus qui fonctionne bien.

M. Jean-François Naton. Et ce processus est le fruit du dialogue. Il n’est pas tombé du ciel.

Le défi à relever, pour nous tous, c’est sa déclinaison sur les territoires. Les textes visant à transformer les comités régionaux de prévention des risques professionnels en comités régionaux d’observation des conditions de travail sont prêts. Ce sera, là aussi, un élément essentiel concernant l’évolution de la gouvernance de ces politiques.

M. Ronald Schouller. C’est une nouvelle étape qui va être franchie.

M. Franck Gambelli. Nous couvrons 2 millions d’établissements et à peu près 18 millions de personnes. Il faut soustraire de ces 18 millions de personnes les 2 millions de salariés du particulier employeur, qui sont en dehors de tout. Quant aux 2 millions d’établissements, 85 à 90 % d’entre eux sont des TPE-PME. On ne peut donc les toucher que par des phénomènes d’entraînement sociologiques, par capillarité, par les professions, par les métiers, par les bassins d’emploi.

Dans la métallurgie, nous sommes des gens plutôt disciplinés. On a vu comment notre branche s’était transformée sous l’effet de politiques de branche, qui ne sont pas instantanées, mais qui portent sur le moyen et le long terme. Ces transformations n’en sont pas moins réelles. En l’occurrence, la Sécurité sociale est le bon outil pour faire passer les cultures de prévention, en bonne intelligence avec le travail. Sachant qu’il ne faut pas coller aux compagnons, comme aux employeurs, des exigences qui les empêchent de travailler…

M. Jean-François Naton. Si on leur colle un compte pénibilité, cela ne peut pas marcher. Si, en revanche, on travaille avec eux, cela peut marcher.

M. Ronald Schouller. Un nouvel acteur intervient aujourd’hui : les complémentaires santé. Je ne vais pas toutes les citer, mais il y a deux grandes complémentaires santé qui commencent à investir le champ de la prévention. C’est intéressant, parce qu’elles frappent un peu à la porte de la CNAM pour nous apporter quelque chose. Nous allons peut-être pouvoir, de notre côté, aller chercher des financements que nous n’avons pas aujourd'hui.

Je suis d’accord avec ce qu’a dit Jean-François Naton sur le travailler ensemble. Mais, en l’occurrence, je pense qu’elles ont un rôle à jouer. En outre, c’est leur intérêt, car elles paient aussi – je pense, par exemple, aux invalidités.

M. Jean-François Naton. Nous sommes dans un moment particulier et il est regrettable que ce gouvernement et ceux qui l’ont précédé n’en aient pas pris toute la mesure.

Il y a, dans le travail, de gros enjeux en termes de qualité. Certains parlent de compétitivité, mais la compétitivité se travaille aussi en termes de qualité. Dans le même temps, il y a une explosion des arrêts longue maladie et des petits arrêts de travail. Du coup, il y a une prise de conscience très forte de la prévoyance, dans la mesure où elle ne peut plus payer. Comme on ne peut pas continuer à augmenter les cotisations et qu’on ne peut pas non plus réduire les pensions, les organismes de prévoyance vont être au taquet.

Une réflexion est en cours sur le retour aux formes originelles du mouvement mutualiste et de la prévoyance, concernant le risque.

Aujourd’hui, notre objectif, dans le cadre du paritarisme, est de travailler ensemble. Nous n’allons pas monter notre petite usine « Sécu » contre l’usine des complémentaires. Nous réfléchissons à la façon dont nous allons travailler ensemble pour analyser le risque et agir en la matière.

Pour moi, ce n’est pas un problème si c’est AG2R qui intervient, pourvu qu’on intervienne. Et si nous devons intervenir, avec la « Sécu », sur une partie du risque et que Malakoff intervienne sur une autre partie du risque ou que Malakoff mette en œuvre un plan, je suis d’accord. C’est peut-être cela aussi, le paritarisme, parce que, dans les caisses de prévoyance, il y a aussi du paritarisme.

M. Ronald Schouller. S’il y a prise de conscience, c’est, en outre, parce que cela leur coûte de plus en plus cher. Plutôt que de rester en accidents du travail, certains préfèrent passer en invalidité, dans la mesure où ils sont plus indemnisés. Avec les couvertures qui existent aujourd’hui, ils peuvent rester en invalidité jusqu’à ce qu’ils aient leurs pleins droits ouverts au niveau des retraites. Cela veut dire qu’on peut porter des gens de cette façon pendant dix ou quinze ans.

M. Franck Gambelli. Cela veut dire aussi qu’on a besoin d’une réévaluation globale des systèmes de sortie du travail.

La Cour des comptes s’est saisie de cette question, concernant le CNAV et le FCAATA. Mais il est difficile de déterminer quels sont les publics qui ont absolument besoin d’un tel dispositif pour ne pas finir au RSA, et ceux qui profitent du système. Cette vision globale n’est pas à l’ordre du jour.

En ce qui concerne les mutualistes et les assureurs, c’est l’assurance maladie qui les intéresse. Mais il faut noter qu’ils évaluent le risque assurantiel pour eux-mêmes à travers le risque AT-MP, qu’ils voient – la corrélation n’est pas scientifique – comme un indicateur et un traceur du risque maladie global et de l’état de santé global des populations.

Sinon, depuis que les complémentaires sont obligatoires, ils prennent souvent des marchés à l’aveugle. Mais, de fait, nous avons, pour la branche AT, 850 personnes en tout pour s’occuper de 2 millions d’entreprises et 18 millions de salariés.

Cela étant, si l’univers de l’assurance, des complémentaires, des mutuelles entre dans la danse, c’est un épisode que nous ne devons pas manquer.

M. le rapporteur. Je voudrais vous poser deux questions complémentaires. Les participants à l’audition suivante étant déjà là, peut-être pourriez-vous me faire parvenir des réponses écrites ?

En ce qui concerne les maladies professionnelles, estimez-vous que le paritarisme, aujourd’hui, est adapté à des risques du type « amiante » ? Le décalage entre l’exposition à l’amiante et la déclaration de la maladie est tel qu’on a pu se rendre compte qu’il fallait instaurer des mécanismes différents, comportant des études préalables ne se fondant pas sur l’observation des maladies ou des accidents, mais visant à les prévenir

Les acteurs eux-mêmes n’auraient-ils pas tendance à se dire que si un risque n’est pas trop visible, il n’est pas nécessaire de le prendre en compte à sa juste mesure ?

Les organisations, tant patronales que syndicales, que j’ai rencontrées dans les entreprises, m’ont dit que s’il fallait mettre en place toutes les protections imposées par la réglementation, l’entreprise ne pourrait plus produire. Donc, elle ne le fait pas, tout ceci étant lié au caractère très spécifique en matière de risque puisqu’il y a un décalage de trente à quarante ans entre l’exposition et le début de la maladie.

M. Franck Gambelli. C’est le risque différé.

M. le rapporteur. Nous n’aurons pas le temps d’aborder ce sujet, mais si vous avez des réflexions, je suis preneur.

J’en viens à ma deuxième question.

Prenez-vous bien en compte les métiers du tertiaire ? Je pense notamment aux aides à domicile et à l’ensemble du secteur des aides aux personnes âgées, où la pénibilité est grande et où l’on observe de fortes invalidités à cinquante ou cinquante-cinq ans, alors que cette branche a été pensée à partir de l’industrie.

M. Franck Gambelli. Je représente l’industrie. Je suis donc très attaché aux spécificités industrielles et au bâtiment, mais, en ce qui concerne l’univers tertiaire, vous avez raison.

M. Ronald Schouller. L’INRS travaille bien en amont. Aujourd’hui, nous travaillons sur les nanomatériaux. Nous sommes sur le terrain, ce qui nous permet de suivre les évolutions en la matière. Nous serons donc prêts, demain, à prendre une décision si nécessaire.

En ce qui concerne les métiers du tertiaire, beaucoup de choses ont déjà été faites par les CARSAT sur les territoires, pour les établissements d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes (EHPAD), par exemple.

M. Jean-François Naton. Il y a encore beaucoup à faire. On est dans une stratégie de prospective au niveau de l’INRS et au niveau de la branche.

M. Franck Gambelli. L’univers associatif est très mal couvert, ainsi que l’univers sanitaire. Il a un gros retard en matière de prévention. Cela tient à sa culture, à son éclatement, même si l’univers de la propreté, par exemple, a tout de même bien évolué, ces cinq ou six dernières années.

M. le rapporteur. Merci, messieurs, pour votre participation à nos travaux.

*

Puis la mission entend la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) – M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d’administration, et Mme Patricia Chantin, responsable des relations parlementaires et institutionnelles.

M. le président Arnaud Richard. Nous accueillons à présent M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d’administration de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), qui est accompagné de Mme Patricia Chantin, responsable des relations parlementaires et institutionnelles. Merci de vous être rendus disponibles pour cet après-midi consacré au paritarisme au sein des caisses de sécurité sociale.

Notre mission souhaiterait être éclairée, monsieur le président, sur le sens que revêt le paritarisme, non seulement pour vous qui le pratiquez chaque jour au sein du conseil d’administration de votre caisse, mais aussi dans les caisses locales. Nous aimerions connaître plus précisément son fonctionnement concret, ses implications dans la gestion des prestations familiales, les rapports entre les différentes parties prenantes – organisations syndicales et patronales, État, associations familiales.

M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d’administration de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Pilotée par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), la branche famille de la sécurité sociale est présente sur tout le territoire grâce à son réseau de 102 caisses d’allocations familiales (CAF), y compris en outre-mer, et ses 35 000 salariés. Les personnes couvertes par nos actions sont au nombre de 31 millions – soit un Français sur deux. Chaque année, nos agents des CAF reçoivent à l’accueil 16 millions de personnes, traitent 87 millions de courriers et répondent à 16,7 millions d’appels téléphoniques.

L’enquête de satisfaction annuelle réalisée auprès de nos allocataires nous attribue une note de 7,3/10. En 2014, les CAF ont versé 85,1 milliards d’euros de prestations – dont 4,99 milliards de dépenses du Fonds national d’action sociale – : 21,5 milliards aux familles, 20,5 milliards aux revenus garantis et compléments (RSA, API, AAH, etc.) ; 15,9 milliards à la petite enfance (y compris le congé de paternité) ; 9,6 milliards pour le poste famille-avantages vieillesse ; 9,2 milliards pour le poste famille-logement ; et 8,4 milliards aux aides au logement (foyers allocataires sans enfant).

Au sein du régime général de la sécurité sociale, la branche famille est gérée par des organismes paritaires, soumis à la tutelle de l’État. Depuis 1996, une convention d’objectifs et de gestion (COG), signée tous les cinq ans (initialement quatre ans), contractualise les relations entre l’État et la CNAF. L’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et la Cour des comptes assurent le contrôle sur la branche famille – la Cour des comptes a certifié nos comptes depuis 2009, à l’exception de l’année 2011.

Le directeur général de la CNAF est nommé en conseil des ministres. Il nomme les directeurs des CAF, après avis des conseils d’administration de ces organismes locaux.

La CNAF et les CAF possèdent leur propre conseil d’administration, dont les membres sont désignés tous les cinq ans, le prochain renouvellement étant prévu pour octobre 2017, date à partir de laquelle le mandat passera à quatre ans conformément à la loi. J’ai été élu président du conseil d’administration de la CNAF en 2006 ; mon deuxième et dernier mandat s’achèvera donc en 2017.

Le conseil d’administration de la CNAF est composé de 35 membres : 13 représentants des organisations de salariés ; 13 représentants des organisations patronales ; 5 représentants des associations familiales ; 4 personnalités qualifiées. Participent à nos travaux le directeur général et ses équipes, le contrôleur d’État et l’agent comptable – membres de droit du conseil. De notre côté, nous parlons de paritarisme élargi dans la mesure où la représentation des associations familiales et des personnalités qualifiées s’ajoute à celle des représentants, en nombre égal, de salariés et d’employeurs.

Chaque conseil et chaque commission se réunissent en moyenne une fois par mois. Dans le domaine législatif et réglementaire, le conseil d’administration de la CNAF donne son avis sur des textes concernant les politiques familiales et sociales. À titre d’exemple, nous avons examiné hier le projet de loi « égalité et citoyenneté », le conseil lui-même ayant demandé à être saisi de ce texte pour rendre un avis, qui est public. Dans le domaine de l’action sociale, notre conseil a décidé en 2014 d’accélérer l’effort de la branche famille pour développer l’accueil du jeune enfant, en augmentant le montant de l’aide à l’investissement par place créée et celui du budget consacré à la rénovation des places des établissements d’accueil.

M. le président Arnaud Richard. Votre conseil d’administration émet-il un avis sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) tous les ans ?

M. Jean-Louis Deroussen. Oui.

M. le président Arnaud Richard. Cet avis est-il public ?

M. Jean-Louis Deroussen. Oui, car les délibérations de notre conseil sont publiques grâce à l’élaboration d’un procès-verbal intégral.

M. le président Arnaud Richard. Ce document serait très utile à la représentation nationale avant l’examen du PLFSS.

M. Jean-Louis Deroussen. Certes, d’autant que nous avons parfois rendu un avis très éclairé, avec un grand nombre de remarques – je pense notamment à la modulation des allocations familiales.

Toujours dans le domaine de l’action sociale, nous avons voté en janvier dernier, sur la base d’orientations, le renforcement de nos actions en direction de la jeunesse, considérant que les événements de l’année dernière notamment justifiaient une prise en compte plus importante des attentes des jeunes.

M. le président Arnaud Richard. S’agissant de la jeunesse, la feuille de route des partenaires sociaux représentés dans votre conseil est-elle la même dans les différents « tuyaux d’orgue » composant le paritarisme ?

M. Jean-Louis Deroussen. Les partenaires de la branche famille ont souhaité inscrire fortement des orientations en faveur de la jeunesse dans la COG 2013-2017, considérant que les actions et les appuis financiers des COG antérieures en la matière avaient été insuffisants. En effet, la priorité donnée à l’accompagnement de la réforme des rythmes éducatifs, avec une mobilisation importante de nos fonds d’action sociale, a conduit en quelque sorte à abandonner la jeunesse, pourtant décrétée « priorité » par le Gouvernement. Nous avons donc souhaité nous-mêmes prendre les devants et redéfinir des orientations pour la jeunesse, que nous souhaitons également voir inscrites dans la COG 2018-2022.

Dans les domaines financier et comptable, nous avons voté notre budget d’action sociale qui s’élève à plus de 5 milliards d’euros, soit une progression annuelle de 7,5 % sur toute la durée de la COG. Ces dépenses d’action sociale témoignent d’une attention particulière de la part de nos administrateurs.

Dans le cadre de nos actions, nous voulons être force de proposition, notamment en matière de simplification de la réglementation, ce qui nous a amenés à établir un inventaire, dont un certain nombre de propositions ont été retenues.

Qu’en est-il de l’efficacité de cette gestion paritaire ? La définition des orientations de gestion tous les cinq ans amène à dresser un bilan, exercice partagé entre le conseil et la direction, bilan qui permet de réécrire les priorités d’action pour les cinq ans à venir. Ce partage de l’expression des besoins débouche sur l’élaboration de la COG, que je signe au nom du conseil d'administration. Ainsi, on peut dire que les signataires prennent leur part de responsabilité à la fois dans les actions à mener et dans la gestion de ces actions, la question financière étant sous-jacente.

La situation financière de la branche, en équilibre pendant longtemps, avant de devenir en déséquilibre ces dernières années, s’améliore grâce aux mesures qui ont été prises. Le déficit a ainsi été ramené de 2,7 milliards en 2014 à 1,5 milliard d’euros en 2015, alors que les prévisions – y compris du Haut Conseil de la famille – tablaient sur 2,1 milliards. Nous sommes conscients du souhait de retrouver l’équilibre en 2017.

Qu’est-ce que la gestion paritaire pour nous ? Elle consiste notamment en l’accompagnement de mesures nouvelles. La prime d’activité, entrée en vigueur le 1er janvier 2016, est versée à 2 millions d’allocataires, dont 1 million de nouveaux allocataires – beaucoup étaient inconnus de nos organismes, les autres étaient soit des ex-bénéficiaires du RSA activité, environ 800 000, soit des bénéficiaires d’allocations logement ou de prestations familiales. Ces allocataires supplémentaires sont pour nous un exemple de réussite.

Ensuite, depuis le 1er avril, la garantie contre les impayés de pension alimentaire a été généralisée, après une expérimentation menée pendant quelques mois.

Nous sommes également très fiers de la généralisation du schéma départemental des services aux familles. Devant l’efficacité de cet outil, expérimenté dans vingt caisses d’allocations familiales volontaires, le conseil d’administration de la caisse nationale a souhaité que je sois le porte-parole auprès de la ministre pour lui demander sa généralisation sur l’ensemble du territoire, ce qu’elle a accepté.

En général, les dispositifs que nous mettons en place sur l’ensemble du territoire sont précédés d’expérimentations conduites par les organismes locaux sur la base de l’expression d’un besoin. Ils sont ainsi largement testés, voire améliorés, avant d’être généralisés pour avoir fait preuve de leur réussite. Cette construction à partir du niveau local est, pour nous, une preuve de l’efficience du paritarisme.

Ce niveau local s’incarne dans les conseils d’administration des CAF, composés chacun de 24 membres, soit près de 2 500 administrateurs sur l’ensemble du territoire. Autant d’hommes et de femmes en lien direct avec les allocataires, les familles, les associations, les élus, les partenaires, autant d’hommes et de femmes en prise directe avec la réalité du territoire et des besoins qui s’y expriment, ce qui leur permet de faire remonter les propositions. De surcroît, ces administrateurs sont déjà engagés dans un milieu associatif, ou comme élus dans un conseil municipal, ou bien dans leur entreprise ou leur branche professionnelle en tant que délégués syndicaux, ou encore auprès des partenaires comme acteurs de centres sociaux. De cette richesse dans chaque CAF découle la capacité à mettre en place des dispositifs.

À titre d’illustration, le conseil d’administration de la CAF des Alpes-Maritimes a pris l’initiative de financer des places de crèche pour accueillir des enfants habituellement gardés par des assistantes maternelles. L’inquiétude exprimée par les parents de petites communes – où il est difficile d’imaginer le financement d’un établissement d’accueil du jeune enfant – était que les assistantes maternelles sont moins formées que les puéricultrices. Cette CAF a donc décidé d’organiser une formation des assistantes maternelles et de créer un établissement d’accueil où sont gardés les enfants pendant que ces dernières sont en formation.

M. le président Arnaud Richard. Des innovations au niveau local deviennent donc des dispositifs de politique publique.

M. Jean-Louis Deroussen. Tout à fait, un grand nombre de dispositifs mis en œuvre sur le territoire national sont nés d’expérimentations. Bien évidemment, nous ne faisons pas du « copier-coller », car les attentes varient selon que l’on se trouve à Nice, à Brest ou à Strasbourg ou que l’on habite dans un territoire rural ou une zone urbaine. Ces initiatives, qui démarrent du terrain, remontent vers les têtes de réseau et notre idée est de profiter de ce paritarisme local pour expérimenter, puis consolider et, enfin, généraliser ces dispositifs. Nous y voyons un des atouts majeurs de la gouvernance paritaire, et c’est ce qui a amené le Gouvernement à accepter notre demande de généralisation des schémas départementaux des services aux familles, car nous avions apporté la preuve de notre capacité à adapter un service sur la base de l’expression d’un besoin.

Ces réussites sont partagées entre les administrateurs et les équipes de direction. A cet égard, la qualité du binôme président de conseil d’administration/directeur est un atout majeur.

M. le président Arnaud Richard. Comment justifiez-vous le paritarisme au sein de la CNAF, alors que le mode de financement s’est considérablement fiscalisé et que le service des prestations est universel ?

Peut-on parler de paritarisme au sein du conseil d’administration de la CNAF, alors que les associations familiales y sont représentées ? Quel est le rôle de ces associations ? Quelles relations leurs représentants entretiennent-ils avec les représentants des organisations professionnelles ?

M. Jean-Louis Deroussen. Le paritarisme, conçu initialement comme une représentation équilibrée entre employeurs et salariés et fondé sur les cotisations issues des revenus du travail, a évolué à partir du moment où la décision a été prise d’universaliser les prestations et de ne plus les servir aux seuls salariés et à leurs familles. Au sein de notre conseil, les administrateurs – qu’ils soient représentants des salariés, des employeurs, ou des familles au travers des associations familiales – font le lien avec l’expression des besoins des familles. Cette expression des besoins des familles est possible car une personne salariée peut être confrontée, à l’instar de l’ensemble des salariés, à des difficultés pour trouver des solutions de garde de jeunes enfants, ou avoir besoin d’un accompagnement pour ses enfants adolescents, au même titre qu’une mère de famille. Cette diversité de la société s’incarne dans le nouvel intitulé du ministère de la famille – « ministère des familles ». Ainsi, dans un contexte où la notion de famille a elle-même évolué, tout notre travail d’action sociale en termes de médiation familiale et d’aide à la parentalité est la traduction de cette représentation de nos administrateurs en lien très étroit avec l’expression des besoins des citoyens et des familles sur le territoire. Certes, la branche famille va continuer à basculer probablement vers le financement par l’impôt. Mais ce serait une grave erreur de se priver de cette richesse qui reflète l’expression des besoins de nos concitoyens, car elle permet la construction d’une politique publique de la famille qui s’appuie sur les besoins locaux et l’expérimentation locale et qui a fait ses preuves depuis plusieurs années.

M. le président Arnaud Richard. Je suis frappé par la faiblesse du paritarisme territorial. Celles et ceux qui siègent dans les conseils d’administration des caisses locales sont-ils réellement des acteurs du paritarisme local ?

M. Jean-Louis Deroussen. Sur les 2 500 personnes réparties sur le territoire, il est difficile de faire un classement des bonnes pratiques. Mais très honnêtement, je pense que beaucoup de ces acteurs sont très concernés par la société dans laquelle ils vivent, au regard des difficultés qu’eux-mêmes rencontrent sur le terrain, dans leur entreprise, dans la vie de tous les jours. J’y insiste : il serait très dommage de se priver de cette « gratuité » de conseils de personnes qui sont en général très engagées, peut-être plus dans la branche famille que dans les autres du fait même qu’elles s’occupent de problèmes très concrets.

M. le président Arnaud Richard. À la suite de l’ANI 2012 relatif au fonctionnement du paritarisme, avez-vous pris des mesures spécifiques en matière de formation des futurs membres ou encore en matière de transparence ?

M. Jean-Louis Deroussen. Nous ne nous sommes pas sentis totalement concernés par les recommandations de l’ANI 2012, car beaucoup d’entre elles étaient déjà appliquées par notre conseil d’administration. Cet ANI s’adressait donc à d’autres types de fonctionnement paritaire, comme celui des institutions de prévoyance. Au demeurant, le regard de la Cour des comptes, de l’IGAS et de l’IGF nous obligeait déjà à un fonctionnement très cadré, y compris en termes de transparence. Pour autant, on peut toujours trouver des pistes d’amélioration.

Actuellement, la formation des administrateurs est aux mains des organisations qui les ont mandatés, et elle est davantage axée sur la conduite politique que sur l’appropriation des objectifs de notre branche. C’est pourquoi le directeur général Daniel Lenoir et moi-même sommes demandeurs d’une formation spécifique, tournée vers l’appropriation des véritables objectifs de la branche, comme celle dispensée par les organismes de retraite complémentaire à leurs administrateurs. Cette demande a été portée auprès de la direction de la sécurité sociale qui, pour l’instant, n’y a pas répondu favorablement. J’insiste sur l’importance de cette formation, notamment auprès des nouveaux administrateurs, qui devrait être assurée tout au long de la vie au regard de l’évolution des objectifs assignés à la branche.

M. le président Arnaud Richard. Que vous inspire l’expression « paritarisme de figuration », utilisée par M. Claude Tendil, du MEDEF, lors d’une audition précédente ? Cette expression n’est certes pas très délicate, mais elle a le mérite d’être claire. Les ordonnances Juppé de 1995 ont profondément modifié la gouvernance de la sécurité sociale ; la branche famille est encore dans une situation intermédiaire. Comment percevez-vous votre situation ?

M. Jean-Louis Deroussen. Si, demain, les 5 milliards d’euros de notre action sociale devenaient une forme de prestation aux contours définis par l’État, les partenaires sociaux n’auraient plus la possibilité d’adapter les orientations nationales aux réalités locales. Ce serait là pour le coup un paritarisme de figuration. Le réseau des CAF resterait, certes, réactif et productif – les personnes toucheraient leurs prestations –, mais il deviendrait incapable de conduire des diagnostics de terrain, de mener des expérimentations et d’apporter des solutions adaptées aux attentes des Français. Autrement dit, si demain les budgets qui sont aux mains de nos administrateurs locaux étaient cadrés et fléchés, nos commissions, qui travaillent dossier par dossier, allocataire par allocataire, ne pourraient plus apporter l’aide spécifique dont ont besoin certains allocataires notamment pour surmonter des caps difficiles. Cette politique menée par nos CAF ne peut pas être conduite de Paris. Pour ne pas en arriver à un tel paritarisme de figuration, il faut résister aux tentations de confisquer les marges de manœuvre des partenaires sociaux.

D’ores et déjà, la mise en place du Haut Conseil de la famille a abouti à retirer aux partenaires sociaux gestionnaires de la branche famille la possibilité de participer à l’élaboration de propositions visant à améliorer la politique familiale. Certes, les partenaires sociaux font entendre leur voix dans cette instance, en étant présents autour de la table, mais ce Haut Conseil se voit confier les axes que le gouvernement souhaite privilégier et son président en fixe les orientations. Cela participe de la tentation de retirer leurs prérogatives aux partenaires sociaux.

M. le président Arnaud Richard. Au-delà du conseil d’administration, existe-t-il une instance politique officieuse des partenaires sociaux ?

M. Jean-Louis Deroussen. Cinq ou six fois par an, les présidents des caisses nationales de sécurité sociale, de la Mutualité sociale agricole (MSA) et du Régime social des indépendants (RSI) se réunissent, ce qui leur permet d’échanger sur des orientations, voire de rédiger des positions communes portées à la connaissance de nos ministres de tutelle.

Au niveau de chacune des branches, nos « chefs de file », c’est-à-dire des administrateurs en lien direct avec leur propre confédération, se réunissent également, ce qui leur permet de présenter telle ou telle option comme étant partagée par la majorité ou par une ou deux organisations syndicales seulement.

M. le président Arnaud Richard. Les chefs de file siègent-ils obligatoirement au conseil d’administration ?

M. Jean-Louis Deroussen. Oui, ce sont des représentants des cinq syndicats de salariés ; la délégation UNAF a elle-même un chef de file.

M. le président Arnaud Richard. Le conseil d’administration local a un rôle équivalent à celui du conseil d’administration national.

M. Jean-Louis Deroussen. Oui, car il vote son budget. Par contre, il est davantage force de proposition au regard des attentes au niveau local. Nous comptons sur nos conseils d’administration locaux pour organiser le versement des prestations, mais aussi pour garantir à nos allocataires un accueil conforme à notre doctrine d’accueil, car ce n’est pas la même chose d’accueillir des allocataires en Seine-Saint-Denis et dans la Creuse. Nos conseils d’administration sont sensibles à ce que les allocataires soient reçus par des personnels compétents et dévoués, avec des temps d’attente acceptables et des délais de traitement des dossiers alignés sur les objectifs nationaux. Ce regard local permet de vérifier que tout se passe bien, mais aussi d’adapter l’organisation aux territoires. Ce fonctionnement permet d’apporter des réponses adaptées à chaque territoire, par exemple dans le domaine de l’accueil du jeune enfant, mais aussi dans le domaine de la politique de la ville par l’agrément d’un centre social dans les quartiers prioritaires.

M. le président Arnaud Richard. Il est dommage que les collectivités locales ne soient pas membres des conseils d’administration.

M. Jean-Louis Deroussen. Chacun se situe dans son champ de compétence. Mais les relations entre le conseil d’administration national et l’Assemblée des départements de France sont très fréquentes. De la même manière, les contacts sont très réguliers au niveau local entre la présidence du conseil d’administration et les élus, notamment lorsqu’émerge le besoin de créer des places d’accueil ou encore d’organiser des activités de loisirs. Je pense nécessaire de laisser s’exprimer les besoins des familles, avant d’envisager les contacts avec les élus qui mettront en œuvre les dispositifs.

M. le président Arnaud Richard. On a le sentiment que tous les « tuyaux d’orgue » font très bien leur travail, mais que les acteurs ne se parlent pas vraiment. Cette situation est inquiétante – je pense notamment au compte personnel d’activité.

M. Jean-Louis Deroussen. La contribution de la branche famille au compte personnel d’activité consisterait en l’ouverture de droits en termes de congé parental, de logement, etc. L’idée est que chaque salarié ait l’assurance que tous les tuyaux viennent bien vers lui.

M. le président Arnaud Richard. J’imagine que vous avez été consultés sur le compte personnel d’activité.

M. Jean-Louis Deroussen. Non, notre conseil n’a pas été consulté.

Pour revenir au « paritarisme de figuration » évoqué plus haut, je parle pour ma part de « paritarisme de façade ». Preuve que les craintes sont partagées.

M. le président Arnaud Richard. Ce qu’il faut, c’est un paritarisme d’engagement et de cohérence.

M. Jean-Louis Deroussen. Mais laissons aux acteurs la responsabilité de leurs actes. Il est gênant, voire inquiétant, que la présentation au conseil d’administration d’une note expliquant une nouvelle politique gouvernementale doive obtenir l’accord du cabinet ministériel…

M. le président Arnaud Richard. Quel que soit le gouvernement ?

M. Jean-Louis Deroussen. Oui.

M. le président Arnaud Richard. Sauf erreur de ma part, le conseil d’administration peut s’opposer à la nomination du directeur général – mais cette possibilité n’a jamais été utilisée.

M. Jean-Louis Deroussen. Le directeur général est nommé en conseil des ministres, et nous sommes consultés sur cette nomination. Il est difficile de s’opposer à la nomination d’un directeur général qui a plusieurs années d’expérience dans de grands organismes. De toute façon, si les compétences d’un directeur général devaient être mises en cause, elles l’auraient été par d’autres avant nous.

Mme Patricia Chantin, responsable des relations parlementaires et institutionnelles de la Caisse nationale des allocations familiales. Compte tenu de toutes les prestations que nous gérons, nous faisons ce que j’appelle de « l’ingénierie d’action sociale » en étant obligés de travailler avec tous les tuyaux d’orgue – Éducation nationale, départements, État. Nous gérons les schémas départementaux des services aux familles, qui sont des diagnostics de territoire permettant d’implanter des établissements d’accueil de jeunes enfants, par exemple dans les quartiers prioritaires ou en fonction d’autres objectifs. Les commissions de prévention des expulsions locatives sont dorénavant gérées par les CAF. Dans le cadre des projets éducatifs territoriaux, nous participons financièrement à la mise en œuvre de la réforme des rythmes éducatifs au titre des trois heures libérées… Dans ces conditions, nous ne pouvons pas nous-mêmes avoir une posture de tuyau d’orgue !

M. le président Arnaud Richard. Alors pourquoi pas un représentant des communes et un représentant du département au sein du conseil d’administration local ?

Mme Patricia Chantin. Il faudrait alors aussi un représentant de l’Éducation nationale,…

M. le président Arnaud Richard. …ou un représentant de l’État.

Mme Patricia Chantin. …voire, un représentant de chaque ministère, car nous avons beaucoup de mal à travailler avec l’Éducation nationale pour mettre en place les heures éducatives, mais aussi avec le ministère de la justice dans le cadre par exemple de la médiation familiale pour les impayés de pension alimentaire ! En fait, nous travaillons en permanence en lien avec les conseils d’administration qui représentent la diversité de la société.

M. le président Arnaud Richard. L’État n’a qu’un représentant, le préfet.

M. Jean-Louis Deroussen. En matière de services aux familles, nous avons demandé que le préfet soit « maître d’orgue » pour établir le schéma et obliger tous les acteurs locaux à venir autour de la table pour exprimer leurs besoins.

M. le président Arnaud Richard. Je pense que si le préfet et le président du conseil départemental siégeaient au conseil d’administration de la CAF, vous ne perdriez pas votre indépendance, cette possibilité d’innovation, et cela vous donnerait une « puissance de feu » en termes de cohérence.

M. Jean-Louis Deroussen. Nous avons eu cette expérience avec la commission départementale de l’accueil des jeunes enfants (CDAJE), où dans quarante départements le conseil général n’a jamais voulu venir autour de la table pour discuter, alors qu’il était concerné. Donc ne nous leurrons pas : aucun président de conseil départemental ne viendra au conseil d’administration d’une CAF.

M. le président Arnaud Richard. Merci, madame, monsieur.

*

La mission procède enfin à l’audition de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) – M. Gérard Rivière, président du conseil d'administration, et M. Renaud Villard, directeur.

M. le président Arnaud Richard. Nous achevons cette série d’auditions avec le président de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), M. Gérard Rivière, ainsi que son directeur général, M. Renaud Villard.

Je vous remercie, messieurs, d’avoir répondu favorablement à l’invitation de cette mission, et je vous prie de bien vouloir excuser l’absence du rapporteur Jean-Marc Germain.

Nous allons pouvoir aborder avec vous le fonctionnement du paritarisme au sein des caisses nationales et locales, avec cette particularité – et vous nous direz si c’en est vraiment une – qui est que vous gérez un régime obligatoire de retraite avec une gouvernance où l’État joue un rôle important, alors même qu’il existe un autre régime de retraites, complémentaires cette fois, qui est géré de manière parfaitement paritaire. Nous aimerions savoir si, de votre point de vue, des différences importantes résultent de ces modes de gouvernance. Nous aimerions aussi profiter de la présence d’un président et d’un nouveau directeur général pour mieux comprendre la répartition des tâches entre vous.

M. Gérard Rivière, président de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV). Je vous propose de balayer les questions que vous nous avez fait parvenir dans un ordre qui sera peut-être un peu différent mais qui s’inscrit tout à fait dans la présentation de notre gouvernance, la responsabilité du conseil d’administration par rapport à l’État, au directeur, et la spécificité de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) qui n’est pas une caisse nationale tout à fait comme les autres.

Le fonctionnement de la CNAV, qui est organisé par la loi, a été profondément modifié à la suite des ordonnances de 1996.

Le paritarisme a une forme tout à fait atypique dans les organismes de Sécurité sociale, bien qu’il associe étroitement les partenaires sociaux. La Caisse nationale d’assurance vieillesse est un établissement public administré par un conseil d’administration, géré paritairement, comprenant trente administrateurs qui ont un pouvoir délibératif : treize représentants des employeurs, treize représentants des organisations de salariés, quatre personnes qualifiées dont deux représentants du Comité national des retraités et personnes âgées (CNRPA) nommés par la ministre. Enfin, une personne qualifiée désignée par l’Union nationale des associations familiales (UNAF) siège également au conseil d’administration, mais elle n’a pas de pouvoir délibératif.

La CNAV établissement public est placée sous une double tutelle de l’État : le ministère des affaires sociales et celui du budget. Son directeur est nommé en conseil des ministres. Les partenaires sociaux qui siègent au conseil d’administration, qu’il s’agisse des représentants des organisations de salariés ou des représentants des organisations d’employeurs, sont désignés par ces organisations, à la différence de ce qui s’est fait jusqu’en 1983 puisqu’ils étaient élus au suffrage direct par les assurés sociaux.

Le conseil d’administration de la CNAV a une dimension particulière puisqu’il a une double casquette : il est à la fois conseil d’administration d’une caisse nationale et conseil d’administration de l’équivalent d’une caisse régionale puisque la CNAV gère l’assurance retraite pour l’Île-de-France, ce qui représente plus de 20 % du portefeuille national d’assurés ou de retraités. C’est donc la plus grosse caisse de France. Il n’y a pas de Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT) en l’Île-de-France ; c’est la caisse nationale qui est l’opérateur.

À côté de la caisse nationale, la branche retraite est composée d’un réseau de caisses d’assurance retraite et de la santé au travail, nouvelle appellation depuis la loi de 2010 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) qui ont compétence en matière de retraites et de risques professionnels. Ces caisses ont une personnalité juridique, donc leur propre conseil d’administration qui est composé en nombre numériquement inférieur à la Caisse nationale mais paritairement : huit représentants des employeurs, huit représentants des salariés et quatre personnes qualifiées.

Il y a quinze CARSAT sur le territoire national, chacune avec un directeur. Leurs compétences régionales sont un peu différentes de la géographie des régions, anciennes ou nouvelles. Il y avait déjà une CARSAT région Normandie, une CARSAT région Bourgogne Franche-Comté et une CARSAT région Nord Picardie. En outre-mer, les caisses de Sécurité sociale ont une compétence interbranches, voire interrégimes, puisqu’elles gèrent aussi la Mutualité sociale agricole.

L’année 1996 est un tournant particulier dans la gouvernance puisque le système électif a été abandonné au profit de celui de la désignation. La loi organique du 22 janvier 1996 a institué les lois de financement de la Sécurité sociale, modifiant ainsi le rapport entre le conseil d’administration des caisses et l’État puisque le Parlement vote désormais chaque année la loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), ce qui lui confère un rôle central en matière de Sécurité sociale. Pour autant, le conseil d’administration n’est pas totalement écarté puisqu’il émet un avis motivé sur les PLFSS, avis transmis au Conseil d’État, donc avant le conseil des ministres.

Depuis 1996, le conseil d’administration délibère aussi sur un moment fort du fonctionnement de l’institution : la convention d’objectifs et de gestion (COG) qui règle la relation entre les organismes et l’État, qui fixe des orientations au conseil d’administration, donc les budgets de fonctionnement à nos organismes.

Les COG sont préparées en amont et en groupes de travail ou en réunion du conseil d’administration et en co-construction entre la direction de la Caisse nationale et le conseil d’administration. C’est là qu’il y a une complémentarité forte entre l’équipe de direction, en particulier le directeur, et le président.

M. le président Arnaud Richard. Vous avez la possibilité de donner un avis sur le PLFSS avant son passage au Conseil d’État, ce qui est un atout. Nous venons d’auditionner les représentants de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) qui nous ont dit, de façon diplomate, qu’il a pu leur arriver de découvrir, quel que soit le gouvernement, au travers d’un amendement gouvernemental ou parlementaire, que de nouvelles missions leur étaient confiées.

M. Gérard Rivière. Nous émettons un avis sur le PLFSS et nos conseils d’administration ont un rôle de force de propositions. Nous ne sommes pas là uniquement pour appliquer les décisions prises par l’État. Nous sommes là, en tant que représentants des assurés sociaux et des entreprises cotisantes, pour faire des propositions visant à améliorer le service public, les prestations, etc. Dans le cadre du PLFSS, nous pouvons éventuellement faire des contre-propositions qui seront ou non retenues.

Cela dit, les parlementaires ont la possibilité de présenter des amendements, en commission ou en séance publique, propositions qui peuvent dénaturer totalement le projet qui aura été soumis à nos conseils d’administration. Dans ce cas, il n’y a plus de retour, ce qui est un problème certain.

M. Renaud Villard, directeur de la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Il y a du coup une symétrie parfaite avec la CNAF qui reçoit pour avis le projet de loi de financement de la Sécurité sociale et qui, dans le cadre du débat parlementaire, peut voir arriver des amendements qu’elle n’avait pas du tout anticipés en amont. C’est l’interaction classique entre la démocratie sociale et la démocratie parlementaire.

M. le président Arnaud Richard. Le président de la CNAF ne nous a pas dit que son avis était transmis au Conseil d’État.

M. Renaud Villard. L’obligation de motiver un avis est relativement récente. Je trouve que c’est plutôt un aiguillon intéressant. Cela évite la validation ou le rejet en bloc.

M. Gérard Rivière. Les votes doivent être motivés mais aussi explicités. En cas de partage des voix, on doit préciser en effet comment tel groupe a voté et quelle a été sa motivation. Si un projet recueille un avis unanimement négatif, cela permet de savoir si les raisons en sont diamétralement opposées entre le groupe des salariés et le groupe des employeurs par exemple. Ce sont des choses qui peuvent arriver.

M. le président Arnaud Richard. Il y a front commun, mais pour des raisons différentes.

M. Gérard Rivière. L’avis motivé est intéressant parce qu’il permet de connaître quelles sont les motivations des uns et des autres.

Mandat est donné par le conseil d’administration de la CNAV à son président de signer la convention d’objectifs et de gestion. Le conseil délibère et émet un avis. Lorsque cet avis est majoritaire, le président signe la COG avec le directeur et les ministres de tutelle. Cette COG est ensuite déclinée en contrat pluriannuel de gestion (GPG) à destination des caisses régionales. Leur président et leur directeur signent à leur tour ce contrat avec le président et le directeur de la Caisse nationale.

Tout ce qui relève de la gestion du personnel, de l’organisation est de la responsabilité du directeur. Par contre, la compétence en matière d’accueil des assurés notamment relève du conseil d’administration.

Je vous signale une petite anicroche récente dans le fonctionnement du paritarisme à la Sécurité sociale : entre le 1er octobre 2001 et 2008, le Mouvement des entreprises de France (Medef) et la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) ont quitté les conseils d’administration des organismes de Sécurité sociale pour revenir dans les différents organismes à des dates différentes. C’est à la branche vieillesse qu’ils sont revenus en dernier. Ils sont partis de la CNAV pour protester contre le financement des 35 heures.

M. le président Arnaud Richard. Notre rapporteur Jean-Marc Germain s’en souvient bien !

M. Gérard Rivière. J’imagine.

Je précise qu’ils sont partis de la CNAV le 27 septembre 2001 et en sont revenus le 3 septembre 2008. À cette époque, j’étais administrateur et je me souviens du fonctionnement particulier du paritarisme qui reposait, pour la partie employeurs, sur la seule délégation de l’Union professionnelle artisanale (UPA).

J’étais de ceux qui ont incité au retour de la CGPME et du Medef dans nos organismes de Sécurité sociale et qui s’en sont fortement félicités. Le paritarisme n’a de sens que s’il est le plus large possible. Sans ces deux grandes organisations, le paritarisme du côté employeurs est très atypique. Cette situation a duré trop longtemps.

M. le président Arnaud Richard. Je voudrais aborder un sujet sensible sur lequel on nous interroge parfois. À la CNAF, il y a davantage de représentants des associations de famille. Des associations de retraités considèrent qu’elles devraient être davantage présentes dans les conseils d’administration. Quelle perception avez-vous de ces demandes reconventionnelles ?

M. Gérard Rivière. C’est un sujet sensible en effet.

La loi prévoit une place aux représentants d’associations diverses et variées de retraités au titre du Comité national des retraités et personnes âgées puisque deux représentants siègent au conseil d’administration de la CNAV. Il y a donc déjà une forme de représentation puisque ces deux représentants sont choisis par le CNRPA parmi les représentants d’organisations qui ne sont pas déjà autour de la table. Ce ne sont pas des représentants des confédérations syndicales déguisés en retraités. En tout cas, le CNRPA y veille et j’imagine que le ministre en fonction au moment de la désignation est également vigilant.

Dire que les retraités ne seraient pas représentés serait faux.

M. le président Arnaud Richard. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Gérard Rivière. Mais c’est ce que disent certaines organisations.

Cinq confédérations de salariés sont présentes autour de la table du conseil d’administration. Elles représentent les salariés, les actifs, les chômeurs et les retraités dans leur rang. Le paritarisme n’a de sens que s’il n’est pas trop dévoyé.

Dans une vie antérieure, je n’étais pas fanatique de la présence des personnes qualifiées autour de la table du conseil d’administration, car c’est une forme de déviance du paritarisme pur et dur. Mais aujourd’hui que j’assume la fonction de président du conseil d’administration, je reconnais les représentants de ces associations, personnes qualifiées avec voix délibérative, comme des administrateurs à part entière. Ils sont traités comme tels et ils participent au fonctionnement démocratique de nos instances, comme les représentants des organisations d’employeurs ou de salariés. Doivent-ils être plus ou moins nombreux ? Cette réponse relève de votre responsabilité de législateur. Personnellement, je ne le souhaite pas, parce que, contrairement à ce que leurs porte-parole veulent bien dire, ils sont quand même bien souvent les porte-parole d’eux-mêmes. Je ne conteste la représentativité de personne. Mais si l’on peut s’inquiéter de la perte d’influence des confédérations de représentants des salariés, on ne peut pas dire pour autant que les associations de retraités, hors des confédérations syndicales, soient particulièrement représentatives non plus. Les associations de retraités de grandes entreprises sont plus souvent des amicales, elles ont davantage pour ambition de fédérer des anciens de l’entreprise pour se rappeler le bon temps que pour porter des revendications ou des propositions d’intérêt général.

J’en viens au rôle du conseil d’administration de la CNAV. Il diffère en fonction du champ et de nos métiers. Il convient de distinguer notre rôle en fonction de la nature des prestations servies, c’est-à-dire si l’on s’adresse à des prestations légales ou extralégales.

Si l’on s’adresse à des prestations légales, c’est-à-dire les prestations d’assurance vieillesse, le paiement des pensions, notre responsabilité est essentiellement de veiller à la politique de proximité, à la relation client si l’on peut dire, au maillage territorial, par exemple assurer le développement des nouvelles technologies pour fournir à la fois un service public moderne adapté à son temps, ce qui permet concomitamment de réduire les coûts de fonctionnement, et assurer la présence territoriale physique pour accueillir les personnes les plus fragiles et les plus éloignées des nouvelles technologies. La qualité de service est assurée en co-responsabilité, c’est-à-dire par le conseil d’administration et la direction.

Si l’on s’adresse à des prestations extralégales, c’est-à-dire notamment l’action sociale en faveur des personnes âgées, le conseil d’administration joue un rôle beaucoup plus étendu puisqu’il définit les orientations qui seront ensuite validées par l’État puis reprises dans la convention d’objectifs et de gestion.

Le conseil d’administration joue aussi un rôle majeur en ce qui concerne le traitement et la gestion des réclamations de nos assurés qui sont fort nombreuses parce que la législation est très complexe – vous ne l’ignorez pas puisque vous y participez pour partie – et que l’on compte 18,5 millions de cotisants et 13,5 millions de retraités environ. L’application de cette législation n’est pas simple et elle n’est pas toujours comprise. L’essentiel des réclamations réside dans des besoins d’explications.

Les commissions de recours amiable ont été créées par voie réglementaire. Comme la CNAV gère l’Île-de-France, nous avons une commission de recours amiable pour l’Île-de-France. Elle est composée de trois représentants des employeurs et trois représentants des salariés qui sont des administrateurs du conseil d’administration. Ils examinent les requêtes des assurés avant le passage devant le tribunal des affaires de Sécurité sociale (TASS) si l’assuré persiste dans son désaccord.

La commission de recours amiable d’Île-de-France fait l’objet de 5 000 à 6 000 saisines par an. Nous accordons bon an mal an un tiers d’accords, totaux ou partiels, parce que la saisine est parfois multilatérale. Les remises de dettes sont un sujet plus sensible pour nos retraités puisqu’il s’agit pour eux de rendre une partie des prestations perçues indûment pour des raisons diverses et variées, par exemple si l’on a continué à servir une pension de réversion à un taux trop élevé alors que la situation familiale ou les ressources de la personne ont changé. Lorsque l’on réclame à l’assuré un trop-perçu, il a le droit de saisir la commission de recours amiable pour demander l’allégement total ou partiel de la dette. Chaque cas est examiné.

Les tribunaux des affaires de Sécurité sociale sont appelés à évoluer dans le cadre de la loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIème siècle. Ils ne disparaîtront pas mais ils seront refondus dans une autre juridiction.

Le conseil d’administration délibère sur le nerf de la guerre, c’est-à-dire le budget de fonctionnement, conformément aux orientations définies par les COG. Il vote les budgets de l’établissement, le budget de la branche nationale, le fonds de gestion administrative, les dotations aux caisses du réseau, la politique immobilière de la branche, le schéma directeur informatique qui est très important en termes de stratégie…

M. le président Arnaud Richard. Et de risques !

M. Gérard Rivière. La modernisation de l’assurance vieillesse passe par des schémas directeurs informatiques robustes et le développement de la politique interrégimes, notamment dans le cadre de l’Union retraite. Le conseil approuve les comptes combinés de l’établissement, le rapport de l’agent comptable, etc.

Évidemment, toutes ces dépenses sont alimentées par un fonds national : c’est un prélèvement sur les cotisations payées par les salariés et les employeurs.

La branche vieillesse est la seule branche encore financée très majoritairement par des cotisations. 65 % du financement de la branche vieillesse est assis sur des cotisations. Si l’on prend en considération les revenus autres, par exemple la contribution sociale généralisée (CSG), et que l’on extrait du volume global la CSG assise sur les revenus du travail, on arrive à 85 %. 85 % de la branche vieillesse est financée par des prélèvements sur le travail. Nous sommes la branche de la Sécurité sociale la plus légitime, au sens étymologique ancien du terme. Cela justifie donc pleinement la présence des partenaires sociaux à la table du conseil d’administration, ce que certaines organisations, dont la mienne, appellent la gestion du salaire différé.

M. le président Arnaud Richard. C’était le cas historiquement.

M. Gérard Rivière. Mais tout le monde l’a un peu oublié, ce qui est dommage d’ailleurs. La caisse vieillesse est encore très largement dans cette situation.

Nous sommes inquiets de cette fiscalisation rampante, croissante – et cette préoccupation est commune, au sein du conseil d’administration, aux organisations de salariés et d’employeurs – à travers la loi de financement de la Sécurité sociale, et récemment à travers la loi de finances. Cela génère une revendication du conseil d’administration que je porte avec plaisir parce qu’elle est largement partagée. Il souhaiterait en effet pouvoir émettre un avis sur les articles de la loi de finances qui concernent le financement de la Sécurité sociale, notamment la branche vieillesse puisqu’une partie du financement passe de plus en plus, à travers les allégements de cotisations par exemple, par la loi de finances et échappe à la loi de financement de la Sécurité sociale. À travers le financement hors prélèvement sur les revenus du travail, il y a une forme d’étatisation de la Sécurité sociale par petites touches. Et de petites touches en petites touches, on élargit l’étatisation sans débat public.

Un certain nombre de propositions existent pour revenir à des choses plus saines au regard du fonctionnement du paritarisme. Le Haut conseil du financement de la protection sociale a fait des propositions en la matière qui sont assez intéressantes et qui sont très largement partagées par les organisations qui composent nos conseils d’administration.

Le conseil d’administration a une compétence élargie depuis la création, en 2005, de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) qui a été confiée aux conseils départementaux. Notre politique d’action sociale en faveur des retraités personnes âgées est axée sur la prévention de la perte d’autonomie. La loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement confère aux caisses de retraite, et à la CNAV en particulier, une place particulière dans la politique publique de prévention de la perte d’autonomie. Le conseil d’administration de la CNAV y a une place importante. Comme nous sommes bien conscients par ailleurs que les situations salariales et matrimoniales ne se limitent pas à un seul régime et que le hasard des déroulements de carrière fait que l’on va exercer différents métiers et appartenir à un moment à un régime et à un autre moment à un autre, il nous a semblé qu’il était intelligent que les régimes rapprochent, au moment de la retraite, notamment en matière de politique d’action sociale en faveur des personnes âgées, nos réglementations, nos pratiques, nos moyens, notre maillage territorial. Nous avons créé un comité de pilotage interrégimes avec la Mutualité sociale agricole (MSA) et le Régime social des indépendants (RSI) en 2009 qui fonctionne parfaitement depuis 2011. Ce comité a été élargi aux retraités de la fonction publique territoriale et hospitalière de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).

M. le président Arnaud Richard. Pour autant, vous avez des propositions à faire sur la dépendance.

M. Gérard Rivière. Les partenaires sociaux sont porteurs à des degrés divers de revendications pour améliorer la prise en charge de la perte d’autonomie. Derrière cela, il y a le reste à charge pour les personnes âgées en établissements.

Le conseil d’administration de la CNAV est un peu en dehors de ce débat puisque cela ne relève pas de nos prérogatives.

La loi nous a confié l’action sociale en faveur des personnes âgées autonomes, c’est-à-dire de groupe iso ressource 5 (GIR 5) maximum. Dès qu’une personne est classée en GIR 4, c’est-à-dire qu’elle a une petite perte d’autonomie, elle relève de la responsabilité du conseil départemental. Dès lors, nous n’avons plus le droit d’intervenir. Notre politique c’est donc la prévention, l’adaptation de la société au vieillissement et la préservation de l’autonomie des personnes âgées. Quand un salarié quitte son activité professionnelle, on a la capacité de repérer, à travers les rapprochements que l’on peut faire avec l’assurance maladie, s’il est en situation de fragilité. Il y a des gens qui partent en retraite cassés tandis que d’autres sont très dynamiques et vaillants. Tout le monde n’a pas exercé la même activité professionnelle et tout le monde n’a pas eu la même hygiène de vie. Ces facteurs font que tous les individus n’arrivent pas à l’âge de la retraite dans la même situation physique et physiologique.

Notre mission consiste à accompagner les personnes dans leur vieillissement pour qu’il soit le plus harmonieux et le plus autonome possible à travers un certain nombre d’initiatives, d’informations, d’ateliers collectifs sur le bien vivre, la nutrition, l’activité physique, la mémoire, etc. Et lorsque la situation se dégrade, on peut éventuellement intervenir pour améliorer, adapter le logement de la personne à son vieillissement. Et le jour où elle perd l’autonomie, c’est le département qui prend la relève. Plus nous sommes efficaces, moins le département a de charges d’APA.

M. le président Arnaud Richard. Je ne veux pas critiquer le département, mais ce système de financement ne va pas tenir longtemps.

M. Gérard Rivière. Le militant social que je suis, et qui a un certain nombre d’années d’activités et de réflexions dans le secteur, peut vous faire des propositions.

On ne pourra pas longtemps faire l’impasse d’une prise en charge parce que la société vieillit. De plus en plus de personnes seront en situation de perte d’autonomie, sans pour cela que l’on tombe dans les chiffres les plus alarmants qui peuvent circuler. On estime à 30 milliards le coût de la perte d’autonomie, mais on inclut les dépenses d’assurance maladie liées au vieillissement Cela me paraît pour le moins exagéré. On ne peut pas commencer à saucissonner les dépenses d’assurance maladie, à moins de changer la vocation de l’assurance maladie. L’assurance maladie prend en charge les dépenses d’assurance maladie, de la naissance à la mort. Est-ce à la solidarité nationale de payer la totalité de l’hébergement ? Je ne le pense pas. Il y a l’assurance individuelle et d’abord collective. Il existe sur le marché des contrats de prise en charge de la perte d’autonomie. Mais ils sont à des tarifs inabordables pour les plus modestes alors que ce sont eux qui en ont le plus besoin.

On n’arrivera pas réguler le marché complémentaire tant que l’on n’aura pas un régime de base de prise en charge de la perte d’autonomie. Mais doit-il relever ou non d’une caisse de Sécurité sociale ? Le débat est ouvert. Doit-on créer une caisse autonomie ? Le débat est ouvert. En tout cas, tous les gens sérieux qui ont chiffré le coût de la perte d’autonomie estiment qu’il est hors de question de faire financer les retraités à leur propre risque. C’est un risque humain que chaque citoyen porte en lui et qui relève, à mon avis, de la solidarité la plus large. Son financement doit être assuré par tout assuré social percevant des revenus. Si chaque citoyen qui perçoit des revenus paye une cotisation, celle-ci sera infime. Et elle permettra d’assurer la prise en charge socialisée du risque dépendance. Ensuite, un marché complémentaire peut être développé, et ce n’est pas honteux. Je connais bien des opérateurs, notamment dans le monde paritaire, dans le monde mutualiste, qui ont déjà des produits qui demandent à être adaptés en fonction de la création d’un risque universel de base. Je sais que les contraintes budgétaires sont fortes, que le contexte économique n’est sans doute pas favorable et que l’engagement de dépenses nouvelles, notamment en matière de Sécurité sociale ou de prestations sociales, n’est pas forcément bien vu d’autorités comme Bruxelles – et n’y voyez pas un propos antieuropéen. Mais dès qu’une fenêtre de tir s’ouvrira et que nous passerons au-dessous des 3 % de déficit, il sera indispensable de prendre cette mesure dans les meilleurs délais. Je le répète, cette mesure entraînera l’ouverture d’un véritable marché complémentaire qui permettra de solvabiliser totalement la perte d’autonomie.

M. le président Arnaud Richard. Je vous prie de m’excuser de vous avoir fait sortir du champ qui est le vôtre. Ce que vous dites est conforme à ce que je pense.

M. Gérard Rivière. C’est un sujet qui me passionne.

Le conseil d’administration a un rôle consultatif auprès du ministre. Lorsque l’on émet des avis sur le PLFSS, c’est pour être dans la co-construction. Le conseil d’administration fait des propositions sur l’organisation, le financement de la législation de l’assurance vieillesse et donc le financement des prestations.

L’article L. 200-3 du code de la Sécurité sociale prévoit que le conseil d’administration est saisi de tout projet de mesure législative ou réglementaire ayant des incidences sur l’équilibre financier de la branche ou entrant dans son domaine de compétence, et notamment des lois de financement de la Sécurité sociale.

Le conseil d’administration est habilité à proposer au Gouvernement des réformes, à exprimer toute proposition de modification législative ou réglementaire dans le respect de ses compétences. Je ne suis donc pas autorisé à faire des propositions à la ministre des affaires sociales et de la santé sur la création d’une assurance universelle dépendance. Vous m’avez donc fait sortir tout à l’heure de sujets relevant de ma compétence… Par contre, nous pouvons faire des propositions tentant à modifier la législation, ce que nous faisons chaque année.

Nous émettons des avis, voire des propositions de modification du PLFSS. Nous travaillons aussi en amont, avant la rédaction du PLFSS, et nous faisons des propositions de modification de tel ou tel aspect réglementaire particulièrement complexe à mettre en œuvre, par exemple. L’exemple criant est celui du minimum contributif. Alors qu’il ne sert que quelques dizaines d’euros, voire quelques euros, il nécessite quelquefois de longues opérations interrégimes qui durent plusieurs mois, avec des risques d’indus à récupérer. Les frais de gestions coûtent très cher alors que les compléments de retraite qu’il sert sont parfaitement modestes.

M. le président Arnaud Richard. Sur ce point, vous pourriez faire des propositions.

M. Gérard Rivière. Nous en faisons régulièrement. Mais, comme on le dit, simplifier c’est compliqué ! Et ce n’est pas Renaud Villard qui me dira le contraire, au regard de son passé. Cela dit, nous comptons sur lui, dans ses nouvelles fonctions, pour faire des propositions toujours plus pertinentes.

Le conseil d’administration est doté réglementairement d’un président et d’un vice-président, l’un et l’autre devant appartenir à deux collèges différents. Par exemple, si le président est représentant des salariés, ce qui est le cas actuellement, le vice-président est forcément issu du groupe des employeurs. Le président est élu pour la durée du mandat. Actuellement, ce mandat est de cinq années. Il a été prorogé d’un an ; il est donc de six ans, mais à titre exceptionnel. À partir de 2017, tous les conseils d’administration de toutes les caisses nationales seront renouvelés en même temps, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, et les mandats seront de quatre ans. Enfin, le mandat du président est renouvelable une fois. Jusqu’à présent on pouvait être président deux fois cinq ans. À partir de 2017, on ne pourra l’être que deux fois quatre ans, c’est-à-dire qu’on ne pourra pas être président plus de huit ans.

M. le président Arnaud Richard. C’est déjà bien !

M. Gérard Rivière. Cela me semble raisonnable, d’abord parce que la fonction est relativement éreintante, ensuite parce que, comme dans toute situation de ce genre, on a besoin de sang neuf et d’un regard neuf. Au bout d’un certain temps, on passe peut-être à côté de certaines choses, et on est sans doute trop indulgent.

Pour être administrateur d’une caisse de Sécurité sociale, il faut avoir moins de soixante-six ans à la date du renouvellement, ce qui n’est, bien sûr, pas valable pour les représentants des personnes âgées du CNRPA, sinon leur durée de vie au conseil d’administration serait restreinte.

Le conseil d’administration se réunit autant que de besoin. Au regard des missions et des responsabilités qui lui incombent, il se réunit tous les mois. Cela dit, le PLFSS, par exemple, peut nécessiter une réunion exceptionnelle. Mais en règle générale, nous essayons de caler nos réunions sur nos agendas pour éviter des réunions trop nombreuses et limiter le coût de fonctionnement.

J’en viens au coût de gestion de la branche vieillesse – quand je rencontre un parlementaire, je me sens dans l’obligation de lui rappeler un certain nombre d’éléments – qui s’élève à 1,2 milliard, le montant des recettes étant de 118 milliards. Le coût de gestion est donc de 1 % du total. Les dépenses du personnel représentent 800 millions environ, ce qui parfaitement normal. J’indique que la masse salariale de la branche vieillesse diminue pour la première fois en 2016, malgré le vieillissement de notre population de salariés. C’est une pyramide des âges relativement inquiétante, comme dans beaucoup de secteurs relevant du public ou du parapublic, puisque nous recrutons peu et que les seniors restent dans l’emploi jusqu’à leur retraite. Cela prouve que la branche vieillesse est assez exemplaire en matière d’efforts de gestion.

Je précise que les débats du conseil d’administration sont consignés dans des procès-verbaux.

Pour son fonctionnement, le conseil d’administration s’est doté d’un certain nombre de commissions qui préparent justement le conseil d’administration car un conseil d’administration ne peut pas gérer toutes les affaires dans le détail. Ces commissions sont, elles aussi, composées paritairement, avec un représentant des personnes qualifiées dans chacune des commissions. Ces commissions élisent aussi un président dans les mêmes conditions.

Comme je l’ai évoqué tout à l’heure, le conseil d’administration peut mettre en place des groupes de travail, ce que nous faisons au coup par coup, par exemple pour préparer la convention d’objectifs et de gestion ou telle ou telle réforme, et réfléchir sur telle ou telle proposition de modification à faire à la puissance publique

Lorsque j’ai été élu président du conseil d’administration, en 2011, j’ai proposé la création de deux nouvelles commissions, la commission qualité et la commission études et prospectives, et nous avons modifié le périmètre d’autres commissions pour rester dans l’enveloppe de fonctionnement conforme.

La commission qualité permet au conseil d’administration de s’approprier sa responsabilité en matière de suivi, de fonctionnement, de la qualité de service envers nos assurés, ce qui est profitable à tout le monde et incite la direction à être davantage en relation avec l’activité du conseil d’administration.

J’ai aussi créé une commission études et prospectives, parce que je considère qu’on est trop dans le « Y’a qu’à faut qu’on » et pas suffisamment dans la proposition. Pour faire des propositions les plus construites possibles, il m’avait semblé utile de mettre en place cette commission qui se réunit à quatre ou cinq reprises par an. Elle travaille sur les propositions d’amélioration de notre législation notamment.

On ne maîtrise pas le profil, au sens propre du terme, de nos représentants des employeurs et des salariés puisque, en dehors de l’âge qui est légal, la désignation des administrateurs relève des organisations elles-mêmes. Par contre, nous considérons que les administrateurs doivent bénéficier d’une formation socle, c’est-à-dire savoir en quoi consiste la responsabilité d’administrateur, ce qu’est la Sécurité sociale, ce que sont les lois de financement de la Sécurité sociale, etc. Dans les prochaines semaines, faute d’avoir pu l’obtenir dans l’ensemble de la Sécurité sociale, nous allons mettre en place des journées à destination des administrateurs des caisses régionales pour leur porter des messages de bonne pratique.

J’en viens au coût du fonctionnement de la CNAV. Chaque organisation représentée – il y a trois organisations d’employeurs et cinq organisations de salariés – a signé, en 2009, une convention avec la direction de la CNAV pour organiser et financer le fonctionnement, auprès de chaque organisation, de ce que l’on appelle un secrétariat technique. Le référent technique qui assure la relation technique entre la CNAV et l’organisation, est capable de dépouiller les dossiers de fonctionnement de nos conseils et commissions à destination de leurs représentants. Le montant de la dotation est revalorisé en fonction de l’évolution des prix. Chaque organisation a perçu, au 1er janvier 2016, quel que soit le nombre de ses administrateurs, un montant de 60 022 euros pour assurer le secrétariat technique. Le Medef a sept administrateurs et la CFTC n’en a que deux. Mais le montant est le même puisque la charge de préparation des conseils est la même pour tous ; elle ne dépend pas du nombre d’administrateurs.

M. le président Arnaud Richard. Vous parlez au plan national.

M. Gérard Rivière. Oui. Il n’y a rien au niveau local.

M. le président Arnaud Richard. Ce sont des questions que l’on n’ose jamais poser.

M. Gérard Rivière. Tout est très clair, très transparent.

M. Renaud Villard. Si vous le souhaitez, nous pourrons vous envoyer le détail.

M. le président Arnaud Richard. Il s’agit d’un accompagnement technique.

M. Gérard Rivière. Absolument.

À cela s’ajoute le coût de fonctionnement de nos instances nationales et de nos caisses régionales, Les administrateurs du conseil d’administration viennent de la France entière.

M. le président Arnaud Richard. Est-ce l’Accord national interprofessionnel (ANI) de 2012 relatif au fonctionnement du paritarisme qui a exigé cette rationalité, cette transparence ?

M. Gérard Rivière. Non. L’ANI n’a pas modifié nos méthodes de fonctionnement. Notre fonctionnement est parfaitement transparent. Il ne faut pas oublier que nous sommes un établissement public, ce qui ne permet pas beaucoup de largesse au regard du droit. Un contrôleur d’État siège dans toutes nos instances.

M. le président Arnaud Richard. Il y a beaucoup de fantasmes autour de cela.

M. Gérard Rivière. Il faut prendre en charge le coût du déplacement des administrateurs. A priori, ils prennent de préférence le train. Mais comme un des administrateurs de la CNAV est de Corse – et c’est tout à fait légal –, il prend l’avion pour venir assister au conseil d’administration.

M. le président Arnaud Richard. Vous n’avez pas à vous justifier là-dessus.

M. Gérard Rivière. Quant à l’indemnité de repas, elle est réglementaire et agrée par la tutelle. Elle s’élève à 20 euros environ maximum par repas. À cela, il faut ajouter une nuit d’hôtel, car si la réunion est à neuf heures le matin et que notre administrateur vient de Corse, il est obligé d’arriver la veille au soir.

Il faut encore prendre en compte les pertes de salaire puisque les administrateurs font l’objet d’une retenue sur salaire par leur entreprise. La CNAV rembourse à l’employeur la partie salaire et charges pour la journée considérée. Les employeurs ont droit à une indemnité forfaitaire égale à six heures de SMIC, ce qui n’est pas cher payé.

M. Renaud Villard. Tout cela est réglementé pour l’ensemble des organismes de Sécurité sociale. Il y a un barème avec des plafonds classiques.

M. le président Arnaud Richard. C’est un sujet que l’on a assez peu abordé lors de nos auditions.

M. Gérard Rivière. Si l’on additionne le coût des huit secrétariats techniques, les frais de déplacement, de repas, d’hôtellerie, les indemnités pour pertes de salaires, on obtient, pour la caisse nationale et les quinze caisses régionales, à l’exception de l’outre-mer, un coût de fonctionnement total de 1,7 million d’euros pour 2014, ce qui représente 0,015 % du total des charges de la branche qui, je le répète, s’élève à 118 milliards. Les chiffres de 2015 ne sont pas encore arrêtés. Néanmoins, ils font apparaître d’ores et déjà une baisse de 3,4 %.

M. Renaud Villard. Cette somme de 1,7 million d’euros s’impute sur les 1,2 milliard de coût de gestion qu’évoquait tout à l’heure le président. Nous tenions à mettre ces chiffres sur la table.

M. Gérard Rivière. Si vous le souhaitez, nous vous ferons parvenir un tableau détaillé à l’euro près des différentes lignes qui composent cette somme de 1,7 million.

M. le président Arnaud Richard. C’est très « compétitif » !

M. Gérard Rivière. J’ai la faiblesse de le penser. En tout cas, depuis que je suis président – mais je pense qu’il en était de même avant moi, même si je ne suis pas totalement comptable de ce qui s’est passé auparavant – je veille à ne pas réunir d’instance qui ne serait pas totalement indispensable. J’essaie d’éviter les déplacements quand c’est possible. Tout cela s’applique, bien sûr, à moi-même, puisque ces chiffres incluent mon propre train de vie – 24 euros par repas lorsqu’il est réglementairement pris en charge, ce qui n’est pas le cas tous les jours.

M. le président Arnaud Richard. Les responsabilités que vous exercez sont très importantes. Vous êtes mandaté par une organisation…

M. Gérard Rivière. Qui ne me paie pas.

M. le président Arnaud Richard. Pour autant, vous exercez une fonction éminemment importante – et je ne dis pas cela pour vous faire plaisir – comme d’autres responsables de grandes entités du paritarisme. C’est pourquoi j’apprécie que vous donniez les chiffres de façon très transparente.

Ne conviendrait-il pas d’aller au bout du raisonnement et de mieux valoriser ou mieux prendre en charge votre fonction, comme peut l’être un patron d’exécutif dans une collectivité locale ? Ce ne serait pas indécent. Je ne dis pas qu’il faut faire cela pour tous les représentants des 700 000 mandats des partenaires sociaux, mais il y a peut-être une cinquantaine ou une centaine de mandats que je qualifie de « mandats principaux » et qui sont éminemment importants. On ne réformera pas notre pays sans vous. Je tiens à préciser qu’il s’agit d’un avis très personnel.

M. Renaud Villard. On pense souvent qu’un président de caisse nationale perçoit une indemnité, voire une indemnité substantielle.

M. le président Arnaud Richard. Comme quelqu’un qui gère 118 milliards !

M. Renaud Villard. Il n’y a pas d’indemnité, mais des défraiements forfaitaires.

M. le président Arnaud Richard. Je pense que notre pays n’est pas mature. Mais cela donne lieu à de turpitudes puisqu’on ne fait pas les choses comme elles devraient l’être.

M. Gérard Rivière. C’est pourquoi nous avons voulu être totalement transparents vis-à-vis de la représentation nationale et répondre aux questions de votre mission d’information. Beaucoup de fantasmes circulent sur le sujet. Le président de la Caisse nationale et le président d’un organisme local n’ont pas de statut particulier. Cela dit, qu’on soit président d’un organisme local – je n’en citerai aucun car je ne veux pas être désobligeant à l’égard de qui que ce soit – d’un département modeste ou président de la CNAV, qui compte, je le répète, 18,5 millions de cotisants et 13,5 millions de retraités, pour un total de 118 milliards de prestations, le système indemnitaire est le même.

M. le président Arnaud Richard. Ce n’est pas normal. On a manqué quelque chose à un moment.

M. Gérard Rivière. Sans doute.

M. le président Arnaud Richard. Et je ne sais pas pourquoi.

Monsieur le directeur général, comment percevez-vous le rapport entre le président, le directeur général, le conseil d’administration, l’État, les partenaires sociaux ?

M. Renaud Villard. J’ai longtemps siégé au conseil d’administration de la CNAV en tant que commissaire du Gouvernement, ce qui m’a permis d’en connaître le fonctionnement. Cela dit, comme je suis directeur général depuis quinze jours seulement, ce serait très immodeste de ma part de tenir des propos définitifs.

Le président vous a dressé un tableau très complet de la répartition des missions et des prérogatives, des étonnements que cela peut susciter, et du coût supportable par l’organisme.

Les commissions de recours amiable gèrent le mécontentement des assurés. Que seraient les TASS si ces commissions n’existaient pas ? La décision d’une commission de recours amiable n’est pas une décision de justice, mais une décision administrative, et elle est motivée. Elle permet de dire au plaignant que l’on a examiné son cas au fond et que pour telle ou telle raison juridique ou d’appréciation de son dossier, on lui répond de cette façon. Le paritarisme permet d’avoir une approche moins étroitement légaliste que le gestionnaire, lequel applique des rôles de manière totalement mécanique. Le gestionnaire ne peut évidemment pas avoir d’appréciation individuelle, tandis que les commissions de recours amiable peuvent jouer ce rôle.

Les commissions de recours amiable ont un rôle d’écoute. Elles répondent au mécontentement, aux inquiétudes, aux interrogations des assurés. Au-delà, elles nourrissent le regard très fin que porte le paritarisme sur l’assurance retraite. En effet, comme les administrateurs de la CNAV sont formés, ils acquièrent assez rapidement une connaissance assez fine de la réglementation, ils sont capables de s’approprier la législation, ils connaissent assez bien les pratiques de gestion, mais ne sont pas, par définition, dans la logique gestionnaire. Tout cela donne au paritarisme un vrai rôle de vigie extrêmement précieux.

Les partenaires sociaux, que ce soit lors des conseils, des commissions, etc. ont ce regard qu’un gestionnaire ne saurait jamais avoir, parce que le gestionnaire est dans une logique de dura lex sed lex. Le paritarisme permet cette corde de rappel pour éviter que le gestionnaire soit uniquement gestionnaire. Je le répète, ce rôle de vigie est particulièrement précieux. Et ce n’est pas du poil à gratter, mais cela pourrait l’être et ce serait très sain. Un conseil d’administration peut parfois exprimer des désaccords, des doutes, des interrogations.

Des missions nouvelles ont été confiées à la CNAV par le législateur, si bien qu’elle ne s’occupe plus que de l’assurance vieillesse : elle gère la déclaration sociale nominative (DSN), les numéros de Sécurité sociale, etc. et c’est très bien. De ce fait, elle est amenée à travailler avec des partenaires très variés de la protection sociale, que ce soient ses partenaires cousins et amis – le paritarisme pur que serait l’AGIRC-ARRCO –, des partenaires frères que sont les autres régimes de base, enfin des partenaires plus lointains, ceux dont le cœur de métier n’est pas celui de la retraite. Je suis persuadé que le fait que l’ensemble de ces organismes soient irrigués par le paritarisme facilite le travail en commun, les avancées communes. Quand on parle d’action sociale, sujet sur lequel le conseil d’administration est vigilant et dont les prérogatives sont très étendues, le fait que l’on arrive à travailler ensemble évite de faire deux fois la même chose. Cette logique de partenariat facilite grandement, à mes yeux, une intelligence collective.

Ces deux exemples montrent, du point de vue d’un gestionnaire d’un grand service public, quel est le rôle du paritarisme tout en assumant le côté poil à gratter qui est très sain.

M. le président Alain Richard. Nous avons connu les uns et les autres, plusieurs réformes des retraites. Quel que soit le gouvernement en place, le taux de croissance fixé était faux – on espérait un taux de croissance de 2 % ou 2,5 %. Les partenaires sociaux ont un pouvoir phénoménal dans notre pays, ils sont très puissants, et c’est bien. Mais ils ont aussi le pouvoir de dire les choses lorsque le politique ne fait pas ce qu’il faut – et en disant cela, je mets tous les politiques dans le même sac.

M. Renaud Villard. Ce sont des éléments que l’on retrouve notamment dans le conseil d’orientation des retraites (COR). Le COR n’hésite pas à revoir les chiffres du Gouvernement, parfois assez fortement. Le scénario central du COR n’est pas basé sur une croissance extrêmement dynamique. Il va d’un sentier A très favorable jusqu’à un sentier C, voire C’ qui est une croissance molle avec un chômage à 7,5 %.

M. le président Alain Richard. Je vous parle de la récente proposition du COR, c’est-à-dire depuis cinq à dix ans.

M. Renaud Villard. Cela interroge plutôt sur l’interaction entre le Gouvernement et le Conseil d’orientation des retraites dans lequel les partenaires sociaux sont très bien représentés. Je ne m’engagerai pas plus avant sur ce dossier.

M. le président Alain Richard. Le sujet est délicat.

M. Renaud Villard. Le dialogue qui peut se construire entre le comité de suivi des retraites et les organismes est fécond. Ce n’est pas parce que c’est le législateur qui fixe les règles du jeu que l’on ne doit pas regarder ce qu’elles donnent à court et long terme. Certes, le législateur est responsable devant la représentation nationale, mais les partenaires sociaux, qui représentent l’ensemble des salariés et des employeurs, le sont aussi.

M. le président Alain Richard. Je trouve que la représentation nationale vote mal le PLFSS qui existe depuis peu. Elle le fait en effet dans une urgence absolue. Les montants sont phénoménaux et n’intéressent pas toute la représentation nationale autant que le budget de l’État. Pourtant, le montant est certainement supérieur.

M. Renaud Villard. Il est très nettement supérieur.

M. le président Alain Richard. Et les conditions dans lesquelles on vote le PLFSS ne sont pas satisfaisantes.

Avez-vous quelque chose à ajouter sur les TASS ?

M. Renaud Villard. Ce sujet est assez éloigné de mes compétences et de ma zone de confort.

La question du délai d’aboutissement du contentieux que peuvent avoir les retraités n’est pas totalement négligeable. On n’est pas mauvais, mais je pense qu’on pourrait être meilleur sur les commissions de recours amiable. C’est un problème majeur pour un retraité qui est conduit à aller au contentieux que de ne pas percevoir sa pension.

J’ajoute qu’il n’est pas totalement certain que les tribunaux des affaires de Sécurité sociale aient toujours la même jurisprudence sur un même dossier. Mais c’est le propre d’une juridiction de première instance. La Cour d’appel et la Cour de cassation sont là pour harmoniser.

M. le président Alain Richard. Je vous exhorte à lire ce que dit Pierre Joxe sur les TASS. Vous ne serez pas déçu.

Messieurs, je vous remercie d’avoir répondu à toutes nos questions.

La séance est levée à dix-neuf heure quarante-cinq.

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 6 avril à 16 heures 30

Présents. – M. Jean-Marc Germain, M. Arnaud Richard

Excusés. – Mme Kheira Bouziane-Laroussi, M. David Comet, M. Pascal Demarthe, Mme Michèle Fournier-Armand, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Véronique Massonneau, M. Denys Robiliard