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Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Mercredi 13 février 2013

Séance de 12 h 45

Compte rendu n° 16

Présidence de M. Bruno Sido, sénateur, Président

Audition de Mme Laurence Hézard, directeur général de GrDF, sur « les perspectives économiques et technologiques de la filière biométhane 2030 »

Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Mercredi 13 février 2013

Présidence de M. Bruno Sido, Sénateur, Président

La séance est ouverte à 12 h 45

– Audition de Mme Laurence Hézard, directeur général de GrDF, et de MM. Jean Lemaistre, directeur stratégie et régulation, et Anthony Mazzenga, chef du pôle stratégie, sur « les perspectives économiques et technologiques de la filière biométhane 2030 »

M. Bruno Sido, sénateur, président - Nous vous remercions de nous accueillir aujourd’hui à votre siège. Cette visite fait suite à celle de votre centre de recherche, à Saint-Denis en 2011. Les parlementaires de l’Office présents s’intéressent fortement à la filière biométhane. L’Office travaille également sur les perspectives des usages énergétiques de l’hydrogène et d’une exploitation non polluante du gaz de schiste. La gestion du réseau de gaz naturel représente une responsabilité importante, renforcée encore par la diversification probable de ses applications. C’est donc avec grand intérêt que nous écouterons votre exposé.

Mme Laurence Hézard, directeur général de GrDF - Le thème de notre rencontre, la filière biométhane, est un sujet d’importance pour GrDF. Au travers de projets locaux, auxquels notre société contribue, nous montrerons comment le réseau de distribution de gaz naturel permettra, demain, de véhiculer plus de biométhane, de l’ordre de 20 % à l’horizon 2030, voire de l’hydrogène, issu d’une filière encore émergente.

À la création de GrDF, il m’avait été demandé de préparer un plan de démantèlement du réseau de gaz naturel, réputé sans avenir. Aujourd’hui, cette ressource a trouvé, dans un monde énergétique en transition, une place complémentaire à celle de l’électricité et des énergies renouvelables, par exemple en permettant de mieux gérer les problèmes de pointe de consommation en hiver.

GrDF assure, sur l’ensemble du territoire, la maîtrise d’ouvrage, l’exploitation et l’entretien du réseau de distribution de gaz naturel, appartenant aux collectivités locales, d’une longueur totale de deux cent mille kilomètres. Nous sommes également en charge de sa sécurité, qui demeure pour nous une priorité. Nous travaillons avec les autorités concédantes à accroître son utilisation, afin de contribuer à le rentabiliser. Les activités opérationnelles sont réalisées par des équipes communes avec ErDF.

La restructuration des réseaux électrique et gazier, liée à la mise en place des gestionnaires de réseau, aura du moins permis, pour le gaz naturel, l’émergence d’une réelle concurrence, puisque GrDF a passé des contrats d’acheminement avec trente-trois fournisseurs de gaz et que sur onze millions d’utilisateurs, un et demi ont d’ores et déjà changé de fournisseur.

M. Jean-Yves Le Déaut, député, premier vice-président - L’Office étant le seul organe commun au Sénat et à l’Assemblée nationale, je tiens à vous remercier, au nom de cette dernière, de nous accueillir pour évoquer le développement du biométhane. Plusieurs collègues traitent de questions proches dans des études en cours : Jean-Marc Pastor et Laurent Kalinowski, de la filière hydrogène ; Christian Bataille et Jean-Claude Lenoir, des hydrocarbures non conventionnels, y compris des gaz de houille, notamment dans des régions comme la Lorraine ou le Pas-de-Calais.

Mme Laurence Hézard - Anthony Mazzenga va maintenant présenter les perspectives de production du biométhane, parfois appelé « gaz vert », à partir du biogaz.

M. Anthony Mazzenga, chef du pôle stratégie GrDF - Le biogaz est issu d’une réaction biologique naturelle intervenant en décharge ou dans des installations de méthanisation dédiées. Ce gaz combustible peut directement être utilisé pour produire de la chaleur ou de l’électricité, comme cela est pratiqué, depuis une dizaine d’années, avec un succès variable. À présent, il est également envisageable de l’épurer, en éliminant certains de ses composés, comme le dioxyde de carbone, l’azote et l’oxygène, afin de le transformer en biométhane. Ce dernier, présentant la même composition que le gaz naturel, peut être injecté dans le réseau.

En pratique, un site de méthanisation peut être approvisionné en sous-produits agro-alimentaires, résidus de culture, fumier ou lisier, mais aussi en déchets issus du tri sélectif des ordures ménagères. Ces déchets, brassés dans un digesteur durant quelques semaines en l’absence d’air, permettent d’obtenir du biogaz ainsi que des digestats, utilisables comme engrais.

Le biogaz obtenu contenant du méthane, mais aussi beaucoup de CO2 et d’autres composés, doit ensuite être épuré dans une installation spécifique. GrDF contrôle la qualité du biométhane ainsi produit avant son injection dans le réseau. L’injection de biométhane dans le réseau est déjà une réalité avec une installation telle que celle de Lille Métropole. Dans cette ville, les autobus roulent avec le gaz produit à partir des déchets ménagers.

M. Jean-Yves Le Déaut - Est-il possible de distinguer le gaz naturel du biométhane, une fois celui-ci injecté dans le réseau ?

M. Anthony Mazzenga - Non, leurs caractéristiques étant identiques, il n’est pas possible de les distinguer. Toutefois,  la loi Grenelle II a prévu un système de traçabilité afin de garantir que les consommateurs sont bien alimentés en biocarburant.

Le site de Morsbach, prochainement opérationnel dans l’Est de la France, constitue un autre exemple d’application du biométhane, en tant que biocarburant. Le Sydeme, syndicat intercommunal de gestion des déchets ménagers, a mis en place un tri à la source. Le biogaz produit dans un méthaniseur est en partie utilisé en cogénération pour produire de l’électricité et de la chaleur. Le reste sera épuré puis injecté dans le réseau. Le Sydeme a, par ailleurs, ouvert la première station-service publique de distribution de biométhane.

Le biométhane sert de carburant lorsqu’il prend la forme du gaz naturel pour véhicules (GNV). Ce dernier, devenu le premier carburant alternatif dans le monde, alimente un parc de treize millions de véhicules, en croissance forte (+18 % par an). Il présente en effet des caractéristiques favorables en termes de pollution : pas d’émission de particules, très faible émission de NOx ou d’autres polluants considérés potentiellement cancérigènes. En France (parc GNV actuel de 10.000 véhicules légers, 750 bennes à ordure, 2.200 bus et camions), un certain nombre d’entreprises l’ont choisi, dont GrDF, et 50 % des villes de plus de 200.000 habitants se sont dotées de flottes de bus alimentées en GNV.

Couplé à la technologie mature du GNV, le biométhane permet de disposer d’un carburant renouvelable, produit localement, avec de très faibles émissions de gaz à effet de serre, inférieures pour le CO2 de 75 % à 80 % à celles des carburants pétroliers. Les tarifs d’achat mis en place fin 2011 ont permis l'émergence d’environ 300 projets, un délai de 4 ans étant nécessaire pour trouver les financements, obtenir l’agrément ICPE et installer les systèmes. À l’horizon 2018, la production pourrait atteindre l’équivalent de 2,5 TWh. À terme, le potentiel français est estimé à 210 TWh, dont la plus grande part proviendrait de déchets agricoles non valorisés à ce jour, à mettre en regard des 520 TWh de gaz consommés aujourd’hui en France.

Une nouvelle ressource pourrait provenir de la valorisation de la biomasse ligneuse qui contient une part importante de fibres, difficiles à dégrader dans un méthaniseur. De nouvelles installations industrielles, les gazéifieurs, permettent, en la portant à des températures de l’ordre de 700°C, de transformer cette biomasse en gaz de synthèse. Ce dernier peut, après purification, être injecté dans le réseau de gaz naturel.

Un site expérimental est d’ores et déjà opérationnel en Autriche, à Güsing, avec un rendement de conversion de 56 %, soit près du double de celui des biocarburants de deuxième génération. En France, dans le cadre du projet GAYA de GDF SUEZ, soutenu par l’ADEME, une installation pilote, en cours de construction à Saint-Fons (Grand Lyon), sera opérationnelle fin 2013. En Suède, deux projets, plus avancés, atteindront 20 MW, une capacité proche de celle d’installations industrielles. Cette ressource, constituée à partir des résidus forestiers et agricoles secs, présente, selon une étude commune à plusieurs ministères, un potentiel de 100 TWh à l’horizon 2020 et 140 TWh à l’horizon 2050, auquel pourrait s’ajouter celui, de l’ordre de 40 TWh en 2020 et 140 TWh en 2050, des cultures énergétiques sur les terres non arables.

La technologie des micro-algues ouvre une autre voie pour la production du biométhane. Elle consiste à créer artificiellement la biomasse dans des bassins fermés ou des photo-bioréacteurs. Leur croissance nécessite du soleil, de l’eau et du CO2, disponible en quantité sur certains sites industriels, ainsi que des phosphates et nitrates, présents en faible quantité à la sortie des stations d’épuration. Les micro-algues assurent, à cet égard, une fonction de bioremédiation, contribuant ainsi à éliminer des polluants. Ces micro-algues sont aujourd’hui utilisées à petite échelle pour produire des nutriments ou des produits pharmaceutiques, par exemple des Oméga-3.

Les micro-algues produisent une biomasse de qualité, aisément méthanisable. Mais leur production en quantité industrielle relève encore de la recherche et développement, dans laquelle sont impliqués des acteurs du monde des hydrocarbures, de l’aéronautique ou encore des services à l’environnement. Les laboratoires et entreprises françaises travaillant dans ce domaine prévoient d’aboutir à l’industrialisation d’ici 2020-2030.

Le potentiel de production de biométhane à partir des micro-algues restera concentré dans quelques secteurs susceptibles de valoriser leurs coproduits ou la bioremédiation, comme la chimie, la pétrochimie, l’alimentation animale ou les services à l’environnement. Nécessitant des surfaces importantes, sa production serait limitée à 1 TWh à l’horizon 2020 mais pourrait aller jusqu’à 9 TWh en exploitant des surfaces complémentaires sans valeur, comme les déserts, voire plus de 20 TWh en 2050.

Une autre voie résulte de la capacité à produire, à partir d’électricité excédentaire, de l’hydrogène dont une partie peut être mélangée au gaz naturel, à hauteur de 6 % maximum. Pour aller au-delà, certains imaginent de mettre en œuvre la méthanation, inventée en 1921 par le chimiste français Paul Sabatier, permettant de recombiner l’hydrogène avec du CO2 pour obtenir du méthane de synthèse. Cependant, la France ne disposera pas d’excédents de capacité de production électrique à valoriser avant 2030.

Ces différentes voies cumulées pourraient aboutir d’ici 2050 à une production de l’ordre de 400 à 550 TWh, comparable à la consommation actuelle de 520 TWh. Le scénario présenté par l’ADEME prévoit, pour sa part, avec une certaine prudence, 17 % de « gaz vert » dans le réseau en 2030 et 27 % en 2050. Des transporteurs belges, danois et hollandais ont, pour leur part, annoncé leur intention d’utiliser, d’ici 2050, uniquement du biométhane comme carburant.

M. Bruno Sido - Je voudrais revenir sur le projet GAYA, consistant à transformer la biomasse bois en biométhane par gazéification. Il se trouve que le CEA étudie un projet similaire, mais prévoit une injection d’hydrogène, destinée à accroître le rendement. Il serait ainsi possible de produire des carburants liquides, notamment du kérosène très pur, ce qui suscite l’intérêt des compagnies aériennes. Collaborez-vous avec le CEA sur ce projet?

M. Jean-Yves Le Déaut - Toujours au sujet de GAYA, comment expliquer une différence si importante de rendement avec celui des carburants de deuxième génération?

M. Anthony Mazzenga - Le procédé de gazéification mis en œuvre dans GAYA se limite à des températures relativement basses, de l’ordre de 700 à 850°C, permettant de craquer partiellement la biomasse, de façon à maximiser, à hauteur de 40 à 50 %, la production du biométhane, et à minimiser celle d’hydrogène et de dioxyde de carbone. Ces derniers sont recombinés en biométhane par méthanation, une réaction très simple et très exothermique. La chaleur ainsi produite est recyclée pour la gazéification, ce qui permet d’atteindre ces rendements très élevés.

Pour la production de carburants liquides, il convient au contraire de minimiser la production de méthane, impossible à retransformer en liquide, et donc de casser intégralement la biomasse, ce qui nécessite des températures beaucoup plus élevées. Il faut ensuite mettre en œuvre le procédé Fischer–Tropsch, exploité par l’Allemagne, exempte de ressources pétrolières, à partir des années 30, afin de transformer le charbon en pétrole. Cette catalyse présente le double inconvénient d’être endothermique, c’est-à-dire de consommer de l’énergie, et peu sélective : elle produit donc une série de composés qui doivent ensuite être séparés par raffinage.

Le rendement thermodynamique de ce procédé – lequel ne pourra être dépassé – se limite à 30 % alors que celui de la gazéification atteint 60 %. D’autre part, le capital investi est beaucoup plus élevé. De ce fait, le biométhane peut être aujourd’hui produit à 50€/MWh, soit deux fois le prix du marché, contre 3€ par litre de carburant liquide produit, avant distribution, soit six fois le prix du marché. L’ADEME estime ainsi qu’en 2050, 45% des véhicules rouleront au gaz naturel et 22% à l’électricité. Mais il restera aux carburants liquides des domaines tels que l’aviation qui pourra, pour des raisons d’autonomie, difficilement se passer de kérosène, ou la chimie verte. Ces deux technologies seront donc probablement complémentaires.

M. Laurent Kalinowski, député - Le projet Morsbach est une illustration du concept d’économie circulaire. Basé sur une large intercommunalité, de l’ordre de 350.000 habitants, il part du citoyen, avec le tri sélectif, lequel fait appel à de nouveaux brevets, associe de nombreux partenariats, par exemple Air Liquide et IVECO, et, avec l’injection directe sous forme de biométhane dans le réseau, ouvrira, en plus de la cogénération, la voie à de multiples applications, comme les transports publics.

Ce projet exemplaire vise à gérer les déchets de façon innovante pour les transformer en une ressource, suivant le principe de développement durable. Aussi a-t-il recueilli l’adhésion des populations, ce qui est essentiel pour une telle installation, afin que le traitement des déchets puisse être réalisé à proximité des agglomérations et permettre une utilisation directe. Avec la possibilité d’enrichissement en hydrogène, ce projet ouvrira d’autres perspectives. Néanmoins, nous sommes encore freinés par les retards en matière réglementaire sur la question de la tarification, préalable à la contractualisation.

M. Jean-Yves Le Déaut - Vos prévisions à l’horizon 2030 ou 2050 ne sont-elles pas trop optimistes, en raison, d’une part, de la concurrence sur la ressource, et, d’autre part, du prix de production, encore trop élevé ?

M. Christian Bataille, député, vice-président - Pour compléter la question, je souhaite savoir quel serait le prix de référence du biométhane par rapport au prix du marché mondial, celui-ci étant lui-même orienté à la baisse, du fait de l’évolution aux États-Unis.

M. Jean Lemaistre, directeur stratégie et régulation GrDF - Contrairement au marché du pétrole, carburant facile à transporter, mondialement unifié, celui du gaz est géographiquement segmenté. Aux États-Unis, du fait de l’effort considérable consenti par la puissance publique pour développer les gaz de schiste, il est de l’ordre de 15€/MWh. En Europe, il se situe aux alentours de 25-30 €/MWh. En Asie, en raison de la croissance et de l’accident de Fukushima, ce prix est plutôt de 35€/MWh, voire plus. Sur ce dernier marché, l’écart n’est dès aujourd’hui pas considérable.

Deux facteurs pourraient permettre au prix du biométhane de converger avec celui du marché. D’une part, les progrès technologiques et les effets de série devraient permettre une baisse de son coût de production. D’autre part,  ceux des combustibles traditionnels et du CO2 iront croissant, en dépit du ralentissement de la croissance mondiale et de la disponibilité de nouveaux gisements. Le rôle des tarifs d’achat est de permettre l’émergence de cette filière qui permet à la fois de disposer d’un combustible 100 % vert et de trouver une solution efficace au problème des déchets.

À cet égard, contrairement à la filière allemande, qui utilise des cultures énergétiques, la nôtre, basée sur le recyclage des déchets, apparaît, malgré un démarrage moins rapide, plus durable, puisqu’elle évite la compétition sur l’utilisation des sols entre la production alimentaire et celle d’énergie.

M. Jean-Marc Pastor - Je voudrais revenir sur la question des tarifs. Sur un territoire comparable à celui de mon collègue, le député Laurent Kalinowski, deux départements et demi, nous traitons également les déchets ménagers par méthanisation, sans toutefois faire appel à une installation industrielle telle qu’un méthaniseur, mais sur le principe élémentaire du bioréacteur, inventé en Australie, mis en œuvre également aux États-Unis et en Afrique du Sud.

Il consiste à creuser un simple silo en argile, suffisant pour 50.000 tonnes de déchets, doté de drains, permettant, pendant 10 à 12 ans, la récupération du biogaz, de façon totalement naturelle. Il existe trois autres façons de traiter les déchets ménagers: en 48 heures par incinération, en 3 semaines dans un méthaniseur ou en 30 ans dans un centre d’enfouissement technique, avec les inconvénients connus.

Le biogaz produit peut, comme partout, servir à produire de l’électricité ou de la chaleur. Malheureusement, nous n’avons pas la chance d’être à côté du réseau GrDF. Néanmoins, par un procédé un peu différent de celui décrit par M. Anthony Mazzenga, nous produisons du biométhane carburant. Nous avons passé un accord avec IVECO et Renault, qui vérifient la qualité du gaz, et revendons celui-ci à un prix équivalent gazole de 0,71€ le litre. Nous y gagnons, tout comme la collectivité.

Nous avons également passé un accord avec l’INRA de Narbonne, destiné à développer la production d’hydrogène à partir de micro-algues. L’INRA étudie cette question depuis 8 ans et 2 de leurs ingénieurs travaillent avec 4 des nôtres. Les micro-algues sont mêlées dans le silo aux déchets ménagers afin de produire un biogaz avec une part d’hydrogène nettement plus élevée. Il serait pertinent que GrDF puisse s’intéresser à un tel projet.

M. Jean-Yves Le Déaut - Vous avez répondu à la question du prix, mais pas à celle concernant une concurrence éventuelle sur la ressource, notamment les ligneux.

M. Anthony Mazzenga - La ressource nécessaire à la méthanisation est constituée de déchets humides. Dans des incinérateurs, les rendements avec ce type de déchets sont défavorables, ce qui rend la méthanisation plus attractive. Une autre concurrence est toutefois apparue entre pays. Ainsi dans le Nord de la France, énormément de déchets passent la frontière pour être méthanisés et valorisés sous forme de biogaz en Belgique.

Sur les ligneux, une réelle concurrence existe entre une chaufferie sur un réseau de chaleur alimentée en biomasse et une installation de gazéification ou de production de carburants liquides. Il s’agit à mon sens d’une question de rendement. La chaleur peut être produite de différentes façons : avec le solaire ou en isolant les bâtiments. Pour les carburants, dès lors qu’un véhicule peut fonctionner au gaz, cette voie permet d’avoir des rendements bien supérieurs.

Par ailleurs, l’utilisation de la biomasse forestière, ressource locale, suppose de disposer d’unités de taille suffisante. Un projet de quelques dizaines de mégawatts implique 100.000 à 200.000 tonnes de biomasse par an, envisageables dans les forêts françaises. D’autres pays visent des installations de quelques centaines de mégawatts qui nécessiteront un million de tonnes de biomasse, bien supérieure à la capacité de nos forêts. De telles installations devront se situer dans des ports pour traiter la biomasse des forêts d’Amérique du Nord. Les États-Unis sont susceptibles d’exporter 8 millions de tonnes de biomasse de qualité à des prix plus bas que celui des forêts françaises. Il sera donc aussi nécessaire de sélectionner des technologies et des projets compatibles avec nos ressources, pour faire face à la concurrence internationale.

M. Jean-Marc Pastor - On voit fleurir dans nos territoires de multiples projets de méthanisation au sein d’exploitations agricoles. Il est vrai que de tels projets se sont beaucoup développés en Allemagne, mais leur rentabilité pose question. Avez-vous une idée du seuil de rentabilité de telles installations?

M. Anthony Mazzenga - Aujourd’hui ce type de projet n’est jamais envisageable au-dessous de 60 m3/h de biométhane, ce qui peut correspondre à une installation agricole. En deçà, le tarif a été plafonné, les pouvoirs publics considérant que les projets ne pourront être rentabilisés, en raison de divers coûts fixes, comme l’épurateur. Même à 60m3/h, nous nous sommes aperçus que les projets posaient des problèmes de raccordement au réseau. Sur un territoire, il est préférable d’envisager des projets plus conséquents, regroupant plusieurs installations agricoles, une coopérative agricole, voire combinant déchets agricoles et agro-alimentaires. Sur notre réseau, la moyenne de la production des installations raccordées est de 240 m3/h. Des projets de cette taille sont plus faciles à gérer et permettent d’atteindre plus facilement la rentabilité.

M. Jean-Marc Pastor - Avec mon collègue Laurent Kalinowski, nous allons prochainement vous proposer un rapport dans lequel nous aborderons la question d’une nouvelle gouvernance de l’énergie, qui nous semble incontournable dans les années à venir. Autant hier la gouvernance énergétique pouvait être assurée par quelques grands groupes, autant demain elle se rapprochera plus de la notion de territoire, avec une production d’énergie à partir de matières premières différentes, suivant le territoire considéré, et une consommation locale de l’énergie produite. Ce rapprochement, pour partie, entre les territoires et la gouvernance de l’énergie, risque de devenir, à terme, l’une des conditions de l’acceptabilité sociale d’un certain nombre de contraintes liées à la production de l’énergie.

M. Jean-Yves Le Déaut - Quel est aujourd’hui le nombre d’installations de méthanisation en projet ou en exploitation?

M. Anthony Mazzenga - Nous avons connaissance de 270 projets actifs, en cours de développement, mais 2 seulement sont aujourd’hui opérationnels en terme d’injection dans notre réseau: Lille et Morsbach, malheureusement en attente de la publication d’un décret d’application. D’ici quelques semaines, un troisième site, celui des frères Quaak en Seine-et-Marne, sera raccordé. Fin 2013, quatre ou cinq sites seront opérationnels, et une dizaine en 2014. Compte tenu de la publication des décrets en novembre 2011 et des quatre années nécessaires à la réalisation d’une installation, la très grande majorité des projets entrera en exploitation bien plus tard. À cet égard, le projet lillois était précurseur, puisqu’il a été lancé sans cadre réglementaire et sans garantie économique.

M. Bruno Sido - Nous vous remercions pour ces présentations très instructives et vos réponses claires à nos questions.

La séance est levée à 14 h 15

Membres présents ou excusés

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du mercredi 13 février 2013 à 12 h 45

Députés

Présents. - M. Christian Bataille, M. Laurent Kalinowski, M. Jean-Yves Le Déaut

Excusés. - M. Denis Baupin, M. Alain Claeys, M. Claude de Ganay, Mme Anne Grommerch, Mme Françoise Guégot, M. Patrick Hetzel, M. Alain Marty, Mme Corinne Narassiguin, M. Philippe Nauche, Mme Maud Olivier, Mme Dominique Orliac, M. Bertrand Pancher, M. Jean-Louis Touraine, M. Jean-Sébastien Vialatte

Sénateurs

Présents. - Mme Delphine Bataille, M. Marcel-Pierre Cléach, Mme Chantal Jouanno, M. Christian Namy, M. Jean-Marc Pastor, M. Bruno Sido

Excusés. - M. Gilbert Barbier, M. Michel Berson, Mme Corinne Bouchoux, M. Marcel Deneux, M. Jean-Pierre Leleux, Mme Catherine Procaccia