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Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jeudi 28 mars 2013

Séance de 14 h 15

Compte rendu n° 25

Présidence de MM. Bruno Sido, sénateur, Président, Jean-Yves Le Déaut, député, Premier vice-président, et Roland Courteau sénateur Vice-président

Audition publique sur les voies d’amélioration de la lutte commune contre la pollution en Méditerranée

Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Jeudi 18 avril 2013

Présidence de MM. Bruno Sido, sénateur, président,
Jean-Yves Le Déaut, député, premier vice-président,
et Roland Courteau, sénateur, vice-président

La séance est ouverte à 14 h 15

Audition sur les voies d’amélioration de la lutte commune contre la pollution en Méditerranée

Introduction

M. Roland Courteau, sénateur, vice-président de l’OPECST. – Je vous remercie de votre présence au nom de M. Bruno Sido, président, et de M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président.

Cette audition publique fait suite au rapport que j’ai présenté à l’Office il y a deux ans. Elle s’inscrit dans une démarche qui consiste à ne pas se contenter du rendu d’un rapport, mais à actualiser ses conclusions et à interroger le Gouvernement sur les suites qu’il entend y apporter.

Le rappel des menaces

Le bilan de mon étude, qui se nourrit de l’audition de plus de 200 chercheurs, scientifiques et acteurs de terrain, en France et dans les pays du pourtour méditerranéen, s’avère particulièrement préoccupant.

La Méditerranée apparaît en effet beaucoup plus fragile que l’océan. Elle constitue un espace clos dont les eaux se renouvellent en un siècle. La pression démographique, la course à l’urbanisation littorale, l’ombre portée des pollutions passées et le développement des activités terrestres montrent que la Méditerranée est la victime de pressions convergentes, telles que :

– les contaminants chimiques, dont certaines molécules résident toujours dans le lit des fleuves et sont périodiquement relarguées à l’occasion des épisodes de crue ;

– les apports réguliers de nitrates et de phosphates ;

– les pollutions émergentes, en particulier celles émanant des produits pharmaceutiques ;

– les macro et les microdéchets, qui font courir un risque de polymérisation du bassin ;

– la poussée des phytotoxines dans les 650 lagunes du Bassin.

À cet ensemble de menaces telluriques, il faut ajouter les rejets d’hydrocarbures dus à un trafic maritime en progression constante, et la menace potentielle représentée par des plates-formes d’exploitation pétrolière qui ne sont pas toujours récentes.

À la pression de ces pollutions anthropiques de plus en plus fortes s’ajouteront par ailleurs les conséquences du changement climatique, qui sont déjà acquises pour 2030. Si nous pouvons dès à présent identifier les effets du réchauffement des eaux et la baisse attendue de la pluviométrie, d’autres évolutions plus menaçantes encore ont été évoquées par les scientifiques que j’ai entendus. Il s’agit notamment de la modification de la circulation des courants, de la remontée et donc de l’affaiblissement des couches primaires de phytoplancton à la base de la chaîne alimentaire, de l’acidification du milieu marin, etc.

Ce bilan doit naturellement être nuancé, car les situations ne sont pas les mêmes dans les zones nord et sud. Nous reviendrons sur ce point au cours de la deuxième table ronde.

Je laisse à présent la parole à M. Gérard Riou.

L’exemple d’une menace émergente : le plastique

M. Gérard Riou, directeur du Centre Méditerranée de l’Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer (IFREMER). – L’univers chimique dans lequel nous vivons comprend 37 millions de substances chimiques qui ont été développées par l’industrie depuis de très nombreuses années. Environ 100 000 substances sont utilisées sur le marché européen, et un peu plus de 5 000 sont reconnues comme dangereuses. Ce sont celles que nous retrouvons en priorité dans les directives européennes.

Une grande partie de ces substances, lorsqu’elles auront été utilisées, pourra se retrouver en mer. Il ne s’agit pas d’une photographie statique. Le renouvellement s’effectue de manière continue. Nous devons tenir compte de cette évolution, avec d’une part l’introduction continue de nouveaux produits, et d’autre part la disparition progressive d’autres, mais que l’on retrouve encore dans le milieu, notamment parce qu’ils présentent un effet retard. Nous sommes donc obligés de connaître l’histoire pour comprendre la contamination d’un site.

Nous avons extrait deux carottes sédimentaires dans l’étang de Thau. Au C4 (point qui se situe le plus au milieu de l’étang de Thau), la courbe de contamination par le mercure est très faible pour les années anciennes. Elle a augmenté avec la progression de l’industrie à partir du début du XXe siècle, et se trouve à peu près stabilisée aujourd’hui. Une autre courbe, peu distante en termes de carotte sédimentaire, montre quant à elle une explosion du mercure dans les couches moyennes, qui correspond au développement important de l’industrie autour de la ville.

Le mercure qui est piégé dans les sédiments est inactif dans les profondeurs, mais, en cas de remaniement de ces sédiments, il sera libéré et repassera dans l’eau. Il sera alors soumis à l’influence de bactéries et pourra se transformer en des formes chimiques plus complexes que le mercure que nous mesurons dans les sédiments, en particulier le méthylmercure, qui comporte un pouvoir toxique très important.

La mesure du plomb dans des moules, effectuée à Ajaccio, montre des fluctuations saisonnières. Globalement, même si la contamination du plomb est en train de disparaître au fur et à mesure des années, il est nécessaire à chaque fois d’en connaître les causes. En tout état de cause, la contamination n’est pas seulement consécutive à un rejet dans la mer, mais peut se faire, pour une part prépondérante, par voie atmosphérique.

La pollution par les plastiques a également globalement tendance à se réduire, au moins sur nos côtes. Les campagnes que nous menons annuellement pour procéder à des évaluations halieutiques nous permettent en effet de comptabiliser les macrodéchets. Ainsi, nous constatons une réduction de leur nombre.

Se pose toutefois la question du vieillissement et de la décomposition des plastiques dans le temps. Après avoir trié le plastique que nous collectons, nous nous intéressons aux morceaux de plastique qui mesurent entre 3 dixièmes de millimètres et 5 millimètres. Nous comptabilisons les morceaux de plastique que nous trouvons par mètre carré à l’hectare.

Nous avons mené plusieurs campagnes récemment, dont certaines ont été effectuées dans le cadre du projet Expédition Med de Bruno Dumontet. Des mesures ont été réalisées aux mois de juillet et d’août ; nous les avons complétées, il y a peu, par des mesures faites avec des filets à plancton, lors des campagnes d’évaluation halieutiques européennes Medit.

Quelque 90 % des échantillonnages que nous avons réalisés contiennent des microplastiques, dont la taille est inférieure à 5 millimètres.

Lors de l’expédition « Med » de juillet-août 2010, il est apparu que le poids sec de débris de microplastiques représentait la moitié du poids sec de zooplancton. En termes de masse, les petits débris que nous ne voyons pas vraiment à l’œil nu représentent 116 000 particules par kilomètre carré.

Nous connaissons les effets néfastes des macrodéchets, en particulier des sacs plastiques, sur une partie de la faune (oiseaux qui les prennent pour des poissons, etc.) Ces microplastiques rentrent ensuite dans la chaîne alimentaire. Plusieurs publications en font état. Certaines d’entre elles indiquent en effet que des microplastiques ont notamment été trouvés dans des oiseaux et des poissons qui se nourrissent de plancton. Nous ne connaissons pas encore l’impact de ces déchets sur la santé des écosystèmes, et donc sur la chaîne alimentaire. Toutefois, nous savons que ces microplastiques, par leur composition et leur fabrication, sont à même de relarguer à l’intérieur de l’organisme les produits chimiques qui correspondent à leurs constituants propres.

Ils ont également la faculté d’attirer des polluants chimiques présents dans l’eau, en particulier des polluants organiques persistants, décuplant par là même la toxicité potentielle de ces microplastiques pour la chaîne alimentaire.

Ce type de pollution concerne des contaminants qui sont connus depuis toujours (plastique, etc.). Il est toutefois analysé maintenant en tenant compte du vieillissement, qui n’était que très peu étudié auparavant. C’est donc un nouveau paramètre qui s’impose aux scientifiques, et sur lequel nous commençons à travailler pour mieux comprendre l’impact et la diffusion de ces microplastiques dans la chaîne alimentaire.

Échanges

M. Roland Courteau. – Merci Monsieur Riou. J’avais qualifié ce type de pollution de « bombe à retardement ». Nous avons le plaisir de bénéficier de la présence de M. Dumontet, qui participe chaque année à des expéditions en Méditerranée, notamment à l’Expédition Med.

M. Bruno Dumontet, chef de l’expédition « Med. » – Malheureusement, les constats se poursuivent et deviennent de plus en plus alarmants. De nouvelles pollutions émergent dans lesquelles ces microplastiques – et notamment les microfibres provenant des vêtements – sont toujours impliqués. Le largage de ces fibres n’est notamment pas stoppé par les stations d’épuration. Nous en retrouvons donc des quantités phénoménales en mer.

Une étude récente effectuée au mois d’août concerne la pollution des moules de la mer du Nord. Colin Janssen, toxicologue de l’université de Gand, a démontré qu’une portion de ces coquillages contenait 300 morceaux de plastique.

Il serait ainsi intéressant d’aller vérifier la situation des moules en Méditerranée. Malheureusement, tous les ans, nous découvrons de nouvelles pollutions liées à la fragmentation du plastique, qu’il s’agisse des microfibres ou des microbilles (que nous retrouvons dans les produits de gommage cosmétique).

Je souhaite également évoquer le problème du sac oxofragmentable. Ce dernier nous est en effet présenté comme 100 % biodégradable. Malheureusement, 1 ou 2 % d’additifs lui sont ajoutés, lesquels favorisent sa fragmentation lorsqu’il se retrouve dans l’environnement. Il est donc pire que les sacs traditionnels.

M. Roland Courteau. – Comment le différencier des autres sacs ?

M. Bruno Dumontet. – Les sacs 100 % biodégradables et compostables présentent un logo « compost ».

M. Christophe Doukhi de Boissoudy, président du Club Bio-plastiques. – Le plastique biodégradable existe depuis une vingtaine d’années. Les sacs qui en sont composés comprennent des additifs fragilisant à terme la molécule de polyéthylène, et permettant sa fragmentation. Le polyéthylène devient friable, perd totalement son élasticité et se décompose en petits morceaux. Dès lors que ce sont des petits morceaux, nous avons l’impression que le plastique est biodégradé, alors que ce n’est pas du tout le cas.

L’utilisation de nouvelles molécules plastiques vraiment biodégradables a permis de mettre à jour le leurre qu’étaient ces sacs, lesquels étaient motivés par des raisons de coûts. Le plasturgiste réalise en effet une belle marge en vendant ces sacs comme biodégradables alors qu’ils ne le sont pas.

M. Maurice Heral, responsable du département Environnement et recherches biologies de l’Agence nationale de la recherche (ANR). – La Commission européenne s’est alarmée de ce problème, ce qui s’est traduit par un appel d’offres sur les microplastiques.

Par ailleurs, la directive-cadre « Stratégie » pour le milieu marin qui a été mise en place l’année dernière prend pour descripteur, en matière de bon état écologique, les matières plastiques et les microplastiques.

Les États membres mais aussi l’ensemble des pays riverains de la Méditerranée devront ainsi suivre ces matières plastiques quelle que soit leur forme. Trois cas d’étude ont été mis en place, le premier portant sur les microplastiques et leur devenir en termes de contamination des poissons.

M. Bruno Dumontet. – Si les pays du Sud ne sont pas associés à la directive-cadre, cela ne servira à rien. Ce sont les courants qui sont les maîtres du jeu et répartissent les microplastiques dans toute la Méditerranée. Dès lors, l’implication des pays riverains de la Méditerranée est impérative.

M. Hugues Ravenel, directeur du Plan Bleu. – La directive-cadre Stratégie pour le milieu marin est étendue à travers le projet écosystème ICAP (Partenariat international d'action sur le carbone). Notre association Plan Bleu développe des liens avec les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée. L’objectif est de définir des objectifs et des marges d’amélioration afin de choisir des mesures ayant le moindre impact socio-économique.

M. Roland Courteau. – Merci. Nous allons passer à la première table ronde, que j’introduirai.

Première table ronde : comment activer les coopérations de recherche sur la pollution en méditerranée

Introduction : pour un « mare nostrum » scientifique

M. Roland Courteau. – A l’occasion des travaux préparatoires à mon rapport, j’avais été frappé par la richesse et la diversité des recherches sur les milieux méditerranéens. Toutes les zones géographiques et tous les types de polluants font l’objet d’investigations. J’ai constaté également qu’il existe un certain cloisonnement dans ces études, aussi bien entre des organismes français qu’entre nos instituts de recherche et leurs homologues étrangers.

Par ailleurs, si certaines recherches coopératives existent à l’échelon européen sur les milieux marins, aucun programme n’est spécifiquement dédié à la Méditerranée. Les pays de la Baltique se sont pour leur part regroupés dans le cadre du 7e Programme cadre de recherche et développement (PCRD) pour présenter des offres communes. Ils ont ainsi obtenu une enveloppe de 50 millions d’euros sur la durée du programme. Les pays de la zone méditerranéenne ne l’ont, en revanche, pas fait.

J’entends bien que la coopération dans ce domaine ne se proclame pas, d’autant plus que les niveaux d’intervention des chercheurs dans la chaîne de recherche ne sont pas les mêmes. De plus, le politique n’a certainement pas assez insisté sur la particularité du bassin méditerranéen et sur la nécessité de lui consacrer des recherches spécifiques et mieux coordonnées.

C’est la raison pour laquelle je me réjouis que, depuis la parution de mon rapport, le programme « MISTRALS » (Mediterranean integrated studies at regional and local scales) ait permis de regrouper sur un horizon décennal treize organismes de recherche français. Ceux-ci visent à observer et à comprendre le fonctionnement environnemental du Bassin méditerranéen dans la perspective du changement climatique, qui pourra avoir des impacts plus rapides et plus déséquilibrants sur ce bassin que sur l’océan.

Ce programme a également vocation à inviter les pays à rapprocher leurs objectifs scientifiques et à identifier les sujets à développer en priorité. Le rôle de l’Union européenne est essentiel sur ce point.

Afin d’explorer les possibilités d’amélioration des coopérations de recherche et de gouvernance scientifique, permettant de créer un véritable mare nostrum dans ce domaine, nous entendrons successivement Gérard Riou et Maurice Heral.

Les coopérations de recherche en France et avec les autres instituts européens

M. Gérard Riou, directeur du Centre Méditerranée IFREMER.- Les coopérations de recherche en Méditerranée s’exercent dans trois cadres principaux :

– les programmes nationaux de recherche académique : « MISTRALS », Programme Mer de l’Alliance nationale de recherche pour l’environnement (AllEnvi), Agence nationale de la recherche (ANR) ;

– les programmes européens de recherche et de développement : PCRD et programmes de coopération régionale (Interreg), article 185 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) sur la Méditerranée, initiative de programmation conjointe « IPC Océans » ;

– les projets en support aux directives et conventions internationales : exemple de la directive-cadre sur la stratégie pour le milieu marin de l’Union européenne (expertise, définition d’indicateurs de programmes de mesure et de surveillance), Union pour la Méditerranée (UPM) et conventions des Nations unies (Barcelone, etc.).

a. Les programmes nationaux de recherche académique

Le Programme Mer d’AllEnvi souligne que la structuration nationale des établissements de recherche s’effectue autour de grands programmes thématiques ou régionaux.

Le programme « MISTRALS » regroupe treize institutions françaises. Ouvert aux pays du Sud, il est piloté par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Ce projet régional pluridisciplinaire est bâti autour de sept grands programmes thématiques qui couvrent un champ très large : atmosphère, hydrosphère, lithosphère, paléoclimats, écologie de l’environnement, etc. Ce chantier, focalisé sur la Méditerranée, se donne un horizon de dix ans.

Compte tenu de la complexité des sujets que nous devons traiter, surtout lorsque nous nous adressons à des thématiques qui s’intéressent aux sciences du vivant, nous ne pouvons progresser dans la connaissance et la théorie sans effectuer de mesures à la mer. Dans le domaine du vivant, il existe des cycles annuels. Il nous faut donc des observations saisonnières et structurées à long terme. La dimension temporelle constitue un élément important et l’une des difficultés est d’avoir à traiter les sujets dans le cadre d’un projet de trois ans.

b. Les programmes européens de recherche et développement

Nous sommes confrontés à une compétition au sein des sciences de l’environnement. Il n’existe pas de programme d’appel d’offres spécifiquement marin. Dans le domaine de la mer, la recherche marine n’est pas relayée socialement de façon forte.

La mobilisation des instituts et des laboratoires de recherche a abouti à des succès dans le cadre d’appels d’offres de l’Union européenne :

– « HERMIONE » a permis de progresser sur la connaissance des écosystèmes des grands fonds en Méditerranée ;

– « MYTILOS » a donné lieu à une cartographie de la contamination chimique sur tout le pourtour de la Méditerranée en y associant les pays du Sud ;

– « PERSEUS » traite de la problématique de la gouvernance en valorisant les écosystèmes pour obtenir un développement durable en Méditerranée ;

– « MEDSEA » permet d’acquérir des connaissances sur l’acidification des océans.

Parallèlement, une initiative de programmation conjointe (IPC), « Oceans », vise à mettre en commun des réflexions en termes de stratégie, à identifier des enjeux et à les faire partager par des décideurs au niveau de l’Union européenne. Il s’agit d’une action de lobbying qui vise à redonner à la mer sa juste place de par son rôle dans l’équilibre de nos sociétés, et pas seulement dans l’équilibre économique à court terme.

Des réflexions ont été conduites, avec des publications récentes sur la mise en cohérence des infrastructures. Nous avons aujourd’hui l’opportunité de nous appuyer sur l’article 185 du TFUE, qui permet à cette dernière de cofinancer des programmes proposés et financés par plusieurs États membres.

À l’heure actuelle, un ERA-NET, (European Research Area Network - réseau de programmes de recherche nationaux ou régionaux) qui préfigure l’article 185, est en cours de montage. Il devrait regrouper les 15 pays concernés, dont 8 de l’Union européenne. Il est ciblé spécifiquement sur la Méditerranée. L’ANR est le financeur de la France.

Le modèle suivi est celui du PCRD sur la mer Baltique « BONUS », qui regroupe tous les partenaires de la mer Baltique et qui traite des problèmes de santé des écosystèmes et de gouvernance commune nécessaires pour améliorer la qualité de cette mer.

c. Les directives et conventions internationales

Si nous prenons les ordres de la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin », onze descripteurs sont fixés, qui tentent de couvrir tous les domaines pour obtenir une mer propre, saine et productive, afin de viser le bon état écologique. Il s’agit notamment de la conservation de la diversité biologique, la réduction des espèces indigènes, l’obtention de populations exploitables à l’intérieur des indicateurs de sécurité biologique ou la limitation de l’eutrophisation.

Au-delà de la surveillance des valeurs de contaminants dans l’eau instaurée par la directive-cadre sur l’eau, nous devrons bénéficier d’indicateurs qui prendront en compte l’impact de ces contaminants dans la chaîne trophique. Les pays de l’Union européenne devront respecter ces 11 indicateurs pour maintenir le bon état écologique de l’ensemble de leurs mers côtières. Ces indicateurs ont nécessité la mobilisation d’experts des programmes de recherche.

La directive répond donc à des programmes de recherche ayant pointé des difficultés et qui, en retour, posent des questions sur la gouvernance. Ces projets trouvent des financements, au travers notamment des agences de l’eau. Celles-ci se sont déjà engagées dans plusieurs programmes de recherche sur ces questions.

L’action de l’Agence nationale de la recherche (ANR) dans le domaine des coopérations de recherche sur les milieux marins

M. Maurice Heral, responsable du département Environnement et recherches biologies, ANR. Notre action se construit autour des trois notions de la co-construction, du cofinancement et de la durée. À la demande de l’Union pour la Méditerranée, nous avons lancé pendant deux ans des exercices de prospective sur les aspects terrestres du pourtour méditerranéen, sur le tourisme et sur la mer Méditerranée, afin d’aboutir à un Programme Méditerranée, puis à ERA-MED (European research areas in the Mediterranean countries).

Un atelier de réflexion programmatique, Partenariats et recherches en Méditerranée, a été coordonné par Bernard Hubert, d’Agropolis. Il a fait travailler 130 experts de 10 pays, ainsi que 60 organisations. Les structures internationales, qui y ont également participé, permettent d’identifier les grandes tendances pour orienter les programmes de recherche internationaux et les politiques publiques.

Les problèmes marins existent. Ils sont notamment liés à une densité démographique importante en Méditerranée (concentration des zones urbaines sur les zones côtières).

Les inégalités entre Nord et Sud génèrent par ailleurs des migrations. Les régimes alimentaires, qui sont en train de changer, posent des problèmes de santé, en particulier dans les pays du Maghreb. Des problèmes d’énergie durable se posent également. Nous menons donc actuellement une réflexion de cette nature sur la mer Méditerranée.

L’ANR a lancé cette année le programme TRANSMED. Sont financés des projets autour de la gestion de l’eau, de l’agriculture, de la démographie, de l’évolution des religions au Moyen-Orient et au Maghreb, et de l’impact sur la structuration des sociétés. Le programme a été stoppé par décision du directeur de la recherche dans le cadre d’une réduction budgétaire. Le ministère a indiqué que nous devions plutôt travailler à l’échelle européenne.

Les États membres financent 90 % de la recherche, les 10 % restant étant financés par l’Union européenne. Les États qui financent les salaires des chercheurs sont aussi ceux qui financent les infrastructures. L’Union européenne finance simplement quelques appels d’offres supplémentaires.

Des structures ont été mises en place par l’Union européenne. Les premières sont les ERA-NET, auxquels participent les ministères et les agences de financement. En
co-construction, un ERA-NET transversal, ERA-MED, constitue une première ébauche de ce que pourra être l’article 185. Six ERA-NET travaillent avec des structures géographiques. L’un s’occupe de la mer Méditerranée en particulier. Pour cette dernière, les différents états devaient choisir leur priorité.

La majorité des États concernés ont considéré que le principal problème en Méditerranée était le changement climatique, ce qui renvoyait la pollution à une priorité de second plan. Malgré les pollutions marines au large de leurs côtes, les pays du Nord ont déjà du mal à faire naître cette priorité. Les appels d’offres que génèrent les États membres à travers cet ERA-NET portent plutôt sur les impacts du changement climatique ou sur les problèmes de biodiversité.

Quant aux programmes communs, ils se traduisent également par le partage d’infrastructures. La communauté scientifique a actuellement besoin d’une campagne régulière tous les deux ou trois ans. L’objectif de cet ERA-NET consiste à faire en sorte qu’un bateau français, allemand, turc, etc., puisse régulièrement, sur une échelle de 10 ans, partager ses infrastructures. Ce projet est soutenu par la Commission internationale pour l'exploration scientifique de la mer Méditerranée (CIESM).

Les ERA-NET, à l’origine outils de l’Union européenne, sont en train de s’ouvrir aux partenariats du Sud. Douze projets sont financés, dont le premier porte sur les améliorations de la production de pêche. Il est cofinancé par la France, Israël, l’Italie, le Maroc et l’Espagne.

Dans cet appel d’offres, les Marocains, les Tunisiens, les Algériens et les Égyptiens ont mobilisé plus de financements que les pays de l’Europe du Nord. Lorsque nous nous adressons à des priorités des pays du Sud, ceux-ci parviennent à mobiliser des financements. La co-construction peut donc s’effectuer parallèlement à des cofinancements.

Même les pays profondément perturbés parviennent à mobiliser leurs équipes. Cette année, nous avons répondu à un ERA-NET transversal, qui sera une préparation de l’article 185 du TFUE. Cet outil est en cours d’évaluation par la Commission européenne. Les partenaires sont très souvent les ministères de la recherche. Pour la France, le CNRS s’occupera de l’agenda stratégique de recherche.

Les priorités qui sont en cours de discussion informelle depuis la réunion de l’Union pour la Méditerranée à Barcelone en 2012 ont trait à l’énergie renouvelable, à la gestion de l’eau, à la nourriture saine et suffisante, à la santé (diabète et maladies cardiovasculaires), aux ressources marines et aux contaminants marins. Les discussions avec les pays du Sud montrent que les ressources marines et les contaminants marins ne sont pas nécessairement les priorités des États du Sud. Le tourisme constitue un des volets les plus importants.

Pour faire apparaître les contaminants comme une priorité, nous disposons des ERA-NET, du JPI (Joint project initiative) et de l’article 185. Il faut que la France s’exprime. Il est vrai par ailleurs que la mer ne constitue pas une priorité ni pour le ministère de la Recherche ni pour l’ANR. Pour que la mer soit reconnue prioritaire au sein de l’article 185, un effort particulier doit être fourni.

La CIESM, Commission internationale pour l’exploration scientifique de la mer Méditerranée, organise son congrès à Marseille du 28 octobre au 1er novembre 2013. Nous organisons une semaine avec l’ensemble des pays de la Méditerranée. Plusieurs sessions porteront sur les contaminants.

M. Roland Courteau. – Avez-vous des réactions ?

M. Christophe Doukhi de Boissoudy. – J’ai effectivement une réaction, qui provient d’une expérience que j’ai vécue l’an dernier au Maroc. J’avais été invité à l’occasion d’une journée sur le tourisme et l’écologie. Le problème des contaminants y était pris comme un élément qui rebute les touristes. Il m’est apparu très surprenant qu’il soit question des contaminants et des déchets, mais très peu du traitement et de la gestion de ces derniers.

Il existe ainsi dans ce pays des décharges à ciel ouvert, où les plastiques volent. La logique développée consiste à faire en sorte de conserver des zones suffisamment belles, afin qu’il n’y ait pas trop de contaminants visibles, plutôt que de s’occuper du réel problème du traitement des déchets. En ce sens, l’exemplarité européenne sur le traitement des déchets me paraît très importante.

M. Roland Courteau. – Je vous remercie.

M. Hugues Ravenel. – Il faut s’occuper du traitement, mais également de l’amont. Je vais me montrer quelque peu provoquant. Le Plan Bleu ne se préoccupe pas uniquement de la mer, mais également de l’eau douce et des forêts.

Pourtant, il m’arrive d’assister à divers événements au cours desquels des thématiques différentes sont abordées. Je suis à chaque fois frappé par l’insuffisance des fonds affectés à l’eau et la forêt. J’entends que la mer ne figure pas à l’agenda, y compris pour l’apport de l’eau.

La mer Méditerranée nous relie à des voisins avec lesquels nous avons une histoire en commun. Je comprends le morcellement des sciences appliquées à la mer, lié au fait que les points d’entrée des appels d’offres portent sur la diversité ou sur les contaminants. Nous entendons cette requête en d’autres occasions. Il faut trouver une solution pour mettre en lumière les interrelations. Souvent, ces domaines de recherche se sentent non reconnus, car les spécialistes ont du mal à laisser la place à de nouveaux acteurs.

Pour inscrire la mer à l’agenda, peut-être faut-il s’appuyer sur des personnes qui n’évoluent pas dans le périmètre que nous pensons être celui des acteurs de la recherche en mer. Le premier Plan Bleu, qui n’est pas uniquement axé sur la mer, pourrait tout à fait y contribuer.

Un intervenant. – Je suis d’accord avec l’affirmation que les déchets constituent une priorité et qu’il faut passer par leur traitement. Les problèmes qui se posent ne sont pas technologiques, mais sociaux et financiers. Ainsi, de nombreux pays ne fonctionnent pas selon le système d’impôts locaux. Comment agir sans structure de financement locale ?

M. Maurice Heral. – Nous n’avons pas affirmé que l’argent était insuffisant pour la recherche marine, mais qu’il se pose des questions de visibilité et de priorité. Nous sommes conscients de ne pas être relayés sur le plan social. Il est parfois plus difficile, dans le domaine de la mer, de mettre en lumière les apports de la valeur économique des écosystèmes marins en bonne santé. Nous sommes bien conscients qu’il existe d’autres voies d’entrée pour soutenir l’ensemble de ces activités. C’est pour cela que j’avais cité les conventions internationales.

M. François Dulac, chercheur, coordinateur du projet « ChArMex ». – Je coordonne la partie du programme qui s’intitule « ChArMEx » dans « MISTRALS ». Je souhaite vous faire part de la difficulté à faire financer des programmes de mesures et d’étude des retombées atmosphériques. Dans le milieu marin en Méditerranée, y compris dans le domaine côtier, les dépôts atmosphériques apparaissent non négligeables par rapport aux apports. Il est aujourd’hui très difficile de faire reconnaître cette problématique dans le domaine des sciences marines.

Nous avons par ailleurs essayé de développer des coopérations avec les pays du Sud, en particulier avec l’Algérie. Ces pays présentent des structures protectionnistes : il est très difficile de les faire s’équiper au niveau scientifique. En effet, d’une part les procédures prennent des années, d’autre part les prix des instruments sont multipliés par trois ou quatre. Je pense qu’il faut que des actions politiques soient menées à ce niveau.

M. Roland Courteau, sénateur. – Les pays du Sud présentent des réalités très différentes. Je suis satisfait du fait que la situation bouge, aussi bien sur la rive nord que sur la rive sud. La pollution marine doit devenir le pivot de la recherche.

Deuxième table ronde : la réforme de la gouvernance de la lutte commune contre la pollution en méditerranée est-elle possible ?

Introduction : avec ou au-delà de l’UPM ?

M. Roland Courteau. – Je souhaite faire une remarque sur la convention de Barcelone, dont j’ai appris récemment qu’elle avait rencontré des difficultés financières. Elle présente en effet un déficit de l’ordre de 3 millions d’euros. Le « plan d’action Méditerranée » se trouve fragilisé par cette situation. Le programme d’activité de certains centres a de ce fait été réduit.

Le budget global de la convention de Barcelone s’élève à 5 millions d’euros. Trois pays assument 80 % de son financement : la France, l’Espagne et l’Italie. La France a toujours payé en temps et en heure. Nous ne pouvons affirmer la même chose de l’Italie et de l’Espagne. La réforme de la gouvernance de la lutte commune contre la pollution en Méditerranée est-elle possible ?

En matière de pollution, il existe un contraste entre les rives nord et sud. Sur la rive nord, la création d’un droit européen soumis au contrôle de la Cour de justice a été décisive dans le cadre de la lutte contre certaines pollutions marines.

Au sud, les moyens déployés ne sont pas les mêmes, pas plus que les résultats. Toutefois, il ne s’agit pas uniquement d’une question de moyens, mais de priorité et de volonté politique. En témoigne le cas de la Tunisie, qui n’est pas le pays le mieux doté en ressources naturelles mais qui, depuis le début des années 1970, a développé une politique très volontariste dans ce domaine.

Le constat que j’avais posé il y a 18 mois établissait :

– d’une part, que l’écart se creusait entre les rives nord et sud, alors que la lutte contre la pollution dans un espace quasi-clos tel que la Méditerranée devrait être commune ;

– et, d’autre part que l’UPM, paralysée par l’application d’une règle d’unanimité de décision faisant revivre à chaque réunion les conséquences d’un conflit qui dure depuis plus d’un demi-siècle, était encalminée.

Depuis, la situation ne s’est pas améliorée.

L’évolution de la situation n’infirme donc en rien la pertinence des propositions que j’avais avancées alors, qui consistaient à créer une UPM à deux vitesses, en dotant cette structure d’une agence dédiée à la lutte contre la pollution. Cette agence, qui aurait vocation à regrouper les moyens administratifs et financiers du « plan d’action Méditerranée », ne fonctionnerait que sur la base d’un volontariat d’adhésion, et avec des règles de majorité qualifiée, et non d’unanimité, permettant ainsi de lever les blocages politiques actuels et d’avancer enfin dans l’action.

L’amélioration de la gouvernance politique de la lutte contre la pollution est-elle possible, et à quelle échéance ? Les trois interventions que nous allons entendre nous permettront certainement d’avancer sur ces deux points.

Hugues Ravenel nous parlera de l’articulation de l’action du « plan Action Méditerranée » avec l’UPM.

Antoine-Tristan Mocilnikar, responsable des questions Environnement et Développement durable de la Mission interministérielle pour la Méditerranée, évoquera quant à lui le renforcement des infrastructures internationales de coopération dans la lutte contre la pollution en Méditerranée.

Enfin, Etienne Ruellan, directeur adjoint scientifique auprès au CNRS et directeur du programme « MISTRALS », insistera sur l’apport des chercheurs à l’amélioration de la gouvernance de la lutte contre la pollution en Méditerranée. Je lui laisse la parole.

L’apport des chercheurs au débat sur l’amélioration de la gouvernance de la lutte contre la pollution en Méditerranée

M. Etienne Ruellan, directeur adjoint scientifique au CNRS et directeur du programme « MISTRALS ». – S’agissant de l’apport des chercheurs au débat sur l’amélioration de la gouvernance de la lutte contre la pollution en Méditerranée, « MISTRALS » constitue un outil d’amélioration de la gouvernance. Il s’intéresse en effet aux questions qui relèvent de la compréhension des processus qui gouvernent l’environnement en Méditerranée, et qui tirent de ces processus les facteurs anthropiques liés sur la Méditerranée.

« MISTRALS » est un programme intégré à l’échelle de l’ensemble du domaine méditerranéen. Une décennie a été prévue pour observer, comprendre et prédire l’habitabilité de la Méditerranée à long terme. Nous nous intéressons à tous les facteurs qui interagissent sur la Méditerranée. Parmi eux, nous étudions les plus prégnants, qui sont relatifs à la pollution de la Méditerranée. Ce programme interdisciplinaire et international, bien que né d’une initiative française, acquiert progressivement une dimension méditerranéenne.

Je rappelle le contexte : la Méditerranée est un berceau historique de notre civilisation et un réceptacle très important de biodiversité. Les enjeux géostratégiques en termes d’environnement, de société et de politique y sont très forts. La zone est critique du point de vue du changement climatique global. Du point de vue socio-économique, elle est très vulnérable.

L’habitabilité de la zone est considérée comme critique dans le futur, en raison de facteurs majeurs, notamment la croissance démographique très importante sur la Méditerranée dans son ensemble, en particulier sur les zones côtières. Les ressources y sont limitées. La Méditerranée est située dans la zone de convergence entre plusieurs plaques tectoniques, et donc soumise à des risques importants. De très fortes pressions se font donc sur les sociétés. Ces pressions peuvent générer des conflits d’usage ou géopolitiques importants.

L’objectif du programme « MISTRALS » consiste à structurer à l’échelle de la Méditerranée – et de les organiser – les différents partenaires autour d’un programme commun. La Méditerranée est un espace partagé entre l’ensemble des pays riverains. Le domaine est fermé, et la réactivité des changements aux pressions extérieures est bien plus rapide que sur les grands océans, les répercussions étant quasi immédiates d’une rive à l’autre de la Méditerranée.

Il s’agit donc de lancer un grand programme d’observation et d’expérimentation sur la Méditerranée, à dix ans, afin d’interagir avec d’autres acteurs, et de produire des recommandations en termes de développement socio-économique durable de la Méditerranée. Je pense notamment au Plan Bleu. Dans ce cadre, des approches devront être combinées avec une vision intégrée associant l’ensemble des partenaires de tous les pays de la Méditerranée, y compris les ONG agissant sur cette mer.

Le cadre et la stratégie de la construction de ce grand programme intégré multidisciplinaire de recherche amont pour endiguer la pollution s’intéressent aux différents compartiments de l’environnement et des sociétés qui y sont soumises. Il s’agit de mieux comprendre et contrôler les mécanismes du changement climatique et de l’environnement, généralement sous les pressions à la fois naturelles et anthropiques à l’horizon 2020, en coordonnant les stratégies des différents pays périméditerranéens et en s’appuyant sur des coopérations scientifiques internationales et sur des priorités définies à l’avance.

Ce programme, lourd, nécessite des moyens importants tels que l’utilisation ou le lancement de satellites, de ballons de recherche et de navires de recherche. Au final, nous laisserons sur place un grand réseau d’observation à long terme, multidisciplinaire, sous forme d’observatoire de l’environnement de la Méditerranée. Nous nous appuyons sur des structures et des organisations internationales existantes telles que la Commission européenne, le Plan Bleu, etc.

Huit programmes sont en cours, dont certains s’intéressent de près aux questions de pollution en Méditerranée :

– « HyMeX » a trait en particulier au cycle de l’eau en Méditerranée ;

– « ChArMEx » s’intéresse à la chimie atmosphérique, aux changements qui s’y produisent et aux interactions entre les différents compartiments, en particulier les échanges avec la mer Méditerranée ;

– « MerMeX » étudie la réponse des écosystèmes aux activités humaines et aux changements climatiques en Méditerranée ;

– « SICMed » s’intéresse aux domaines continental et côtier des surfaces et interfaces continentales, en particulier à l’évolution des éco-anthroposystèmes ;

– « TerMex » étudie la Terre solide ;

– « BioDivMex » s’intéresse à l’évolution de la biodiversité méditerranéenne, qu’elle soit terrestre ou marine ;

– « SocMed » est un programme dédié à l’évolution des sociétés en Méditerranée sous les pressions tropiques et climatiques.

L’initiative de « MISTRALS » est venue d’un travail associant l’ensemble des organismes français touchant à l’environnement. Aujourd’hui, de nombreux organismes autour de la Méditerranée sont impliqués de manière très active dans les programmes que je viens de citer. Environ 1 000 chercheurs sont impliqués tout autour de la Méditerranée. Ils proviennent de presque tous les pays de la Méditerranée, mais aussi au-delà, lesquels participent à de grands programmes internationaux (de climatologie, par exemple).

Certains pays s’impliquent de manière assez forte. Nous travaillons dans un esprit de coconstruction, de co-financement, de coimplémentation, de coappropriation et de coévaluation de ce programme. Un programme de cette nature ne peut fonctionner que si tous les partenaires se sentent impliqués, à la base même de la construction de ce programme, et qu’ils participent à la gouvernance générale au travers de différents comités scientifiques.

Pour cela, nous nous appuyons également sur des actions importantes au niveau euro-méditerranéen, à la fois sur des outils ou des acteurs politiques :

– le MoCo (Monitoring Committee for the Euro-Mediterranean Cooperation in Research, Development and Innovation) : structure largement partagée à l’échelle méditerranéenne ;

– les outils de la Commission européenne, tels qu’INCONET MED-SPRING (réseau de coopération internationale Mediterranean science, policy, research & innovation gateway), qui a démarré en 2013 et qui est coordonné avec l’ERA-NET Méditerranée et l’article 185 en préparation.

En termes de gouvernance, nous devons nécessairement nous appuyer, pour la partie recherche en amont, sur l’ensemble de ces initiatives, qu’elles soient politiques, politico-scientifiques et scientifiques à l’échelle de la Méditerranée, en associant tous les partenaires existants.

Proposition a donc été faite d’une gouvernance internationale de « MISTRALS », avec une assemblée générale méditerranéenne, un comité de pilotage, un comité d’experts et un secrétariat. Ce dernier interagira avec les correspondants nationaux (focal points) qui eux-mêmes seront impliqués dans les différents programmes de « MISTRALS » à différents degrés.

Il ressort des différents échanges la nécessité qu’un programme de cette nature soit transdisciplinaire et international, avec une gouvernance flexible. Chaque pays doit pouvoir y adhérer avec ses priorités et ne pas se voir imposer un modèle unique, même si des outils nous sont indispensables en tant que pays européen.

Nous devons aussi imaginer un programme à géométrie variable. Les priorités actuelles ne sont pas nécessairement les mêmes que dans cinq ans. Nous devons être prêts à introduire de nouvelles thématiques, notamment la question littorale, c’est-à-dire une zone sur laquelle se concentrent les populations et qui est très soumise aux contraintes de pollution.

M. Roland Courteau. – Les drones peuvent-ils être utilisés pour vos observations ?

M. Etienne Ruellan. – Oui. Même dans les pays du Nord, nous sommes de plus en plus contraints par les coûts des grosses infrastructures de recherche, c’est d’autant plus vrai de la mer Méditerranée où nous rencontrons des difficultés d’un point de vue financier. Dans les pays du Sud, la situation est encore plus dramatique.

Les drones présentent des coûts modérés (100 000 euros environ). Ces engins sont capables de traverser la Méditerranée de manière autonome. Certains peuvent rester seuls quatre ou cinq mois en mer. Ils constituent selon moi une solution technique beaucoup plus accessible pour les pays du Sud.

L’action du Plan d’action pour la Méditerranée en matière de lutte contre la pollution : vers une meilleure articulation avec l’UPM ?

M. Roland Courteau. – Dans le cadre du Plan d’action pour la Méditerranée en matière de lutte contre la pollution, une meilleure articulation avec l’UPM est-elle possible ?

M. Hugues Ravenel. – J’ai prévu de préciser ce qu’est le Plan d’action pour la Méditerranée (PAM). Le Plan Bleu est un des centres d’activités régionales de ce plan.

Il existe plusieurs centres d’activités régionales, dont un localisé à Malte et relatif aux pollutions par les hydrocarbures dont nous parlerons tout à l’heure. Son avenir est en suspens du fait des problèmes financiers. Il ne faut toutefois pas que nous nous montrions trop pessimistes. Nous finançons ainsi une réunion des procureurs qui verbalisent les navires fautifs, ce qui est important car la lutte contre la pollution doit aussi inclure des moyens de sanctionner. Cette action visait en particulier à ce que les procès-verbaux de constatation de pollution soient rédigés de manière homogène, afin qu’ils puissent être pris en compte dans les différents systèmes judiciaires.

Une unité de coordination du PAM est basée à Athènes. Dans cette ville, un programme sur la pollution tellurique se préoccupe essentiellement du suivi des taux de pollution. À Tunis, un programme porte sur les aires marines protégées, à Barcelone sur la production propre, à Split sur les zones côtières et à Rome sur les systèmes d’information.

Le Plan Bleu est un observatoire de l’environnement et du développement, en charge d’études prospectives visant à éclairer les autres centres plus opérationnels qui travaillent dans le cadre du Plan Nature pour la Méditerranée (PAM).

Nous sommes basés à Sofia-Antipolis et nous avons également une antenne à Marseille. Le système date de 35 ans, avec des correspondants dans chaque pays. La surface de contact avec les pays s’avère assez intéressante. Des réunions de correspondants se tiennent tous les deux ans. La dernière conférence a eu lieu à Paris en 2012. Des examens des programmes d’activités sont effectués par les 21 pays riverains qui sont parties à la convention de Barcelone, et participent donc au Plan d’action pour la Méditerranée. Les centres présentent des statuts différents et une certaine autonomie, la cohérence étant assurée par la dotation budgétaire des 21 pays.

Le Plan Bleu est connu pour ses travaux prospectifs, en particulier les publications de 2005. Nous avons réalisé deux gros chantiers prospectifs régionaux systémiques, en 1989 et en 2005. Nous organisons des chantiers thématiques sur l’eau, l’énergie, la santé et le tourisme. C’est entre autres à travers le tourisme que nous traduirons les enjeux maritimes, par le biais de fonds. Tous les centres ont contribué au Plan Bleu. Un système de monitoring plus pérenne s’avère nécessaire. En effet, les données datent souvent d’il y a longtemps.

S’agissant du système du PAM, dans le cadre des relations entre les parties à la convention de Barcelone, ce sont essentiellement des ministres de l’Environnement qui se réunissent tous les deux ans. La dernière fois, c’était à Paris ; cette année, c’est à Istanbul. Néanmoins, la question de l’environnement ne doit pas être traitée uniquement par les ministres de l’Environnement, mais aussi par ceux des Transports, de l’Agriculture, etc.

Le PAM et le Plan Bleu en particulier ont synthétisé ces connaissances à l’occasion du lancement de l’UPM à Paris en 2008. À signaler également l’existence du centre de Marseille pour l’intégration en Méditerranée, ainsi que les partenariats scientifiques, académiques et vis-à-vis du secteur privé, des ONG et des collectivités locales.

Même si ce sont les ministres de l’Environnement qui valident notre programme de travail, si nous voulons agir sur l’environnement en général et sur la dépollution en particulier ; c’est à travers l’engagement de bien d’autres acteurs que nous pourrons y parvenir. Nous voyons là les circonscriptions administratives, avec les limites bio ou géoclimatiques, qui s’étendent jusqu’au Portugal, alors que ce pays n’est pas membre de la convention de Barcelone. Les bassins versants sont importants pour la pollution méditerranéenne.

Même si nous avons vu qu’une partie de la pollution marine était consécutive au dépôt de particules venant de l’air, de nombreux polluants viennent également des rivières. Cette pollution peut provenir de très loin : jusque dans les Alpes suisses ou du haut du Nil. Tous les pays européens sont parties à l’UPM. Par ailleurs, lorsque nous parlons de Méditerranée, nous avons l’impression d’utiliser un qualificatif clair, alors que ce n’est pas toujours le cas. Des ambiguïtés peuvent se cacher derrière.

Pour susciter le débat, je dirais que, dans le cadre du PAM, le Programme pour l’évaluation et le contrôle de la pollution en Méditerranée (MedPOL) sert au suivi des pollutions, et le Plan Bleu à l’approche holistique. La confiance des pays dans ces outils constitue un atout du dispositif. L’UPM peut tenir lieu d’accélérateur de projets.

Lors de la conférence des parties de la convention de Barcelone à Paris en février 2012, les 21 pays ont notamment demandé spécifiquement au PAM d’établir un partenariat avec l’UPM. Ceci a déjà porté ses fruits dans le cadre de l’initiative Horizon 2020.

Je reviens maintenant sur les différentes manières de voir la Méditerranée et les valeurs ajoutées des entités dont nous avons parlé. Dans le cadre de l’UPM, nous sommes « Euro-Méditerranée », avec des moyens financiers, des directives qui permettent d’avancer sur les politiques et de développer des mécanismes de respect des obligations.

Toutefois, comme nous l’avons vu plus tôt, ces dispositifs ne sont pas toujours adaptés à la Méditerranée. Les pays du Sud ont ainsi du mal à être impliqués. Si nous parvenons à articuler la légitimité des outils comme le PAM, dans lesquels tous les pays méditerranéens sont représentés, avec des outils plus opérationnels euro-méditerranéens, les liens de la Méditerranée avec le Golfe et l’intérêt des pays du Golfe pour investir en Méditerranée se développeront.

Je m’attache à rendre plus opérationnel cet accord de partenariat entre le PAM et l’UPM. Celui-ci doit permettre de répondre à certaines des lacunes identifiées dans votre rapport. La conférence de Rio n’a quant à elle pas constitué une réussite extraordinaire, mais certains points – en particulier sur le changement des modes de consommation et de production sur les océans et sur les objectifs de développement durable – ont été actés lors de cette réunion.

Nous pouvons nous appuyer sur ce point pour concrétiser ce que vous appeliez de vos vœux en termes de dépollution de la Méditerranée. De manière générale, les outils de la prospective sont vraiment intéressants. Nous nous heurtons toutefois à des difficultés financières.

Certains indicateurs nous ont été présentés, notamment par Gérard Riou, sur les problèmes actuels en Méditerranée. Pour inciter encore plus les décideurs et pour éclairer leurs décisions, il s’agit d’établir différents scénarios, en fonction de différentes hypothèses, sur l’intégration économique et les questions environnementales, pour faire peur et donner envie. Nous pourrons ainsi montrer qu’il peut être rentable d’investir dans la dépollution de la Méditerranée pour bénéficier d’écosystèmes plus productifs et plus générateurs de services écologiques.

M. Roland Courteau. – Nous enchaînons, puis nous aurons un débat à l’issue de la table ronde.

Nous accueillons M. Antoine-Tristan Mocilnikar, responsable des questions environnement et développement durable sur la Méditerranée.

Les infrastructures de coopération internationale de lutte contre la pollution en Méditerranée et leurs perspectives de renforcement

M. Antoine-Tristan Mocilnikar, responsable des questions Environnement et Développement durable, Mission Union pour la Méditerranée. – Merci, monsieur le sénateur. Le Président de la République François Hollande a décidé de créer la Délégation interministérielle de la Méditerranée. Nous sommes en convergence pour que notre institution coordonne l’action de la France dans l’ensemble des institutions.

Nos infrastructures précédentes avaient été constituées lors du mandat du Président Nicolas Sarkozy. Nous nous étions alors préoccupés de la priorité du Président de la République française d’assumer la coprésidence de l’UPM.

Cette co-présidence avait été en charge de la préparation du sommet de Paris dès la fin 2007 - début 2008 et jusqu’à ce qu’elle soit transmise dans les mains d’un nouveau binôme Nord-Sud en mars 2012. La France et l’Égypte ont été remplacées par l’Union européenne et par la Jordanie. D’ailleurs, cette rotation constitue un gage de pérennité et d’avancement dans le processus.

Le Président François Hollande, dans un discours important à la Conférence des ambassadeurs en août 2012, a annoncé la création de la Délégation interministérielle de la Méditerranée. Nous avons donc transformé la mission en délégation, afin d’avoir une coordination de l’action de la France dans l’ensemble des instances et des sujets.

L’environnement Méditerranée, est un sujet complexe. Dans nos pratiques, nous l’avons architecturé en sept axes. Le rapport du sénateur montre bien la nature à la fois exceptionnelle de la Méditerranée en termes d’environnement et l’importance et l’interaction de la mer Méditerranée avec l’ensemble de la région méditerranéenne. La mer Méditerranée apparaît en effet très importante pour l’avenir écologique de l’ensemble de la Méditerranée. Le changement climatique et les pollutions constituent deux des grands sujets, avec les ressources et la biodiversité.

Nous avons donc essayé d’organiser l’action de la France, qui couvre de nombreux ministères et de nombreuses agences, et qui se joue dans de nombreuses institutions. Il se pose un double problème de gouvernance. C’est pour cette raison que la question d’une institution française qui s’occupe de la Méditerranée est une bonne chose. Émergent en effet des questions de gouvernance en Méditerranée mais également en France.

La recherche constitue l’un des sept axes de notre action en France. Dans ce cadre, nous ne pouvons que nous féliciter de l’action du Plan Bleu, qui permet de mettre en place un sas entre la recherche, assez volumineuse et dynamique, et la décision publique.

Par ailleurs, les politiques environnementales passent par des moyens et des logiques assez diverses. Mais d’abord, elles passent par les aspects légaux et normatifs. De ce point de vue, la convention de Barcelone représente un acteur très important. Le traité et les protocoles permettent en effet de progresser dans la norme permettant de préserver l’environnement. La question du financement d’infrastructures permettant de participer à l’effort de dépollution se pose également.

L’intégration des politiques constitue un autre objet intrinsèque de gouvernance. De grandes modalités de la défense de l’environnement en mer Méditerranée passent par l’intrusion du sujet dans toutes les politiques. Je pense notamment à la politique maritime intégrée, qui doit justement être en vis-à-vis de problèmes de transports, d’environnement et de ressources.

Les financements innovants sont porteurs d’avenir. La fiscalité environnementale constitue en cela une ressource nouvelle. Certaines organisations internationales réfléchissent par exemple à une redevance pour service public qui pourrait être collectée lors du passage du détroit de Gibraltar ou de Suez. De nombreux débats existent sur cette piste intéressante que constituent les financements innovants.

Enfin, avant que l’agence ne soit créée, nous travaillons sur l’outil organisationnel plus modeste de la coordination des institutions. Nous souhaitons de la sorte éviter les doublons et renforcer l’action des institutions en les enchâssant les unes avec les autres. Dans ce cadre, la France tente de faire preuve de cohérence lorsqu’elle agit dans les différentes institutions. Elle a ainsi réussi à convaincre nos partenaires de faire se rapprocher la convention de Barcelone et l’UPM. Nous ne pouvons que féliciter le Plan Bleu de travailler sur cette convergence, qui reste à inventer.

Je mentionnerai quand même un point important de l’action française, la France ayant en effet posé des jalons essentiels dans la mise en place d’une zone économique exclusive (ZEE) française en Méditerranée. Cette question n’est pas sans lien avec celles qui ont trait à l’environnement.

La dynamique des infrastructures est pour sa part née de l’amélioration de la coordination des acteurs méditerranéens dans ce domaine. Cette amélioration et le renforcement des synergies ont été actés au Caire le 20 novembre 2006 lors de la troisième conférence ministérielle en Méditerranée sur l’environnement. Lors de cette réunion ministérielle, nous avons décidé de lancer un programme à l’horizon 2020. Nous nous sommes mis d’accord sur ce processus. L’UPM a mis en avant et renforcé considérablement ce programme.

Dans le cadre des politiques européennes de voisinage, la Banque européenne d’investissement (BEI) a fait une proposition qui a été retenue par le processus de Barcelone, qui est devenue par la suite « Union pour la Méditerranée ». Pour renforcer l’action de la BEI, la Commission européenne, par le biais de la politique de voisinage, a investi 15 millions d’euros afin d’y voir plus clair. À l’issue de ce travail en cours, les consultants de la BEI ont travaillé avec la convention de Barcelone.

Ce travail s’est avéré très difficile pour des raisons systémiques et idéologiques. En effet, la convention de Barcelone est très environnementaliste, alors que les consultants financés par la BEI cherchent à assurer la faisabilité financière des projets. Cette confrontation n’a pas été sans poser des problèmes.

Les consultants financés par la BEI ont fait un tri et établi une liste qui comporte 90 projets représentant 7,2 milliards d’euros. Les consultants et les bailleurs ont examiné ces projets. Dans une première phase, ils ont accepté le financement de plus de 50 projets, pour 4,3 milliards d’euros. Ces projets, très concrets, sont multiples. Ils se traduisent par des études lourdes de pré-ingénierie sur le lac de Bizerte, une station d’épuration d’eau au Caire, la dépollution de la zone côtière d’Agadir, etc.

Une dizaine de projets non finalisés, qui semblaient intéressants, ont reçu une assistance technique renforcée, pour un peu moins de 700 millions d’euros. Il est très probable qu’ils seront financés à terme. L’identification des projets a commencé en 2007-2008, et le financement en 2008. Les derniers chiffres datent de 2012.

M. Roland Courteau. – Une première vague porte sur cinq projets pour 2013-2014, lesquels sont la réalisation industrielle d’un site en Israël, la gestion des déchets en Jordanie, l’assainissement des eaux usées au Liban, la gestion des déchets à Tanger et la dépollution industrielle de la Bizerte.

M. Antoine-Tristan Mocilnikar. – Les cinq projets auxquels vous faites référence sont passés à dix. Nous parlons d’une grande période 2008-2012, qui a débuté un peu avant et débordera largement après. Cet exercice est amené à se poursuivre.

Nous avons organisé une grande réunion le 22 février 2013, qui a eu pour objet de mieux coordonner les actions des trois institutions : l’UPM, la convention de Barcelone et la BEI.

En février 2013, les trois institutions se sont réunies et ont lancé de façon conjointe trois études enchâssées. Chacune a placé de l’argent et dispose de processus de dépenses spécifiques.

Pour réaliser un point d’étape substantiel du travail effectué sur la période 2008-2012, nous avons décidé de travailler sur plusieurs points :

– l’état d’avancement des projets d’investissement : nous examinons l’ensemble des projets figurant dans les listes, leur niveau de financement et leur état d’avancement ;

– l’atteinte des objectifs assignés aux projets d’investissement en termes de réduction de pollution, ce qui avait été la grande critique qui avait eu lieu dans l’ensemble des comités ayant présidé à l’action d’Horizon 2020 : il est important de vérifier les infrastructures de dépollution ;

– la logique de faisabilité financière du projet ;

– l’identification des bons projets : nous vérifions que nous n’ayons pas oublié de bons projets, notamment des projets qui sont de nature plus complexe. Il faut donc se poser la question du champ des projets ;

– la vérification de la cohérence du système : il s’agit de voir comment nous pourrions améliorer la synergie entre les différentes institutions.

Nous avons lancé, de façon conjointe entre l’UPM et l’OCDE, un partenariat qui comprend un chapitre méditerranéen et une étude connexe sur la gouvernance des questions d’eau en Méditerranée, notamment la pollution. Nous sommes heureux que l’OCDE rejoigne ce « tour de table » méditerranéen.

Je ferai juste mention de trois autres initiatives. Une des initiatives de l’UPM a trait à l’adaptation au changement climatique. L’UPM et les partenaires méditerranéens ont lancé une initiative financière pour l’urbain durable. Nous investissons 1 milliard d’euros pour financer 10 à 12 quartiers durables en Méditerranée, qui ont notamment pour objet d’être un élément d’adaptation au changement climatique.

Ce processus s’avère assez intéressant. Nous mettons 5 millions d’euros pour aider des candidats à présenter les dossiers. Une fois que les dossiers sont retenus, nous mettons 1 milliard d’euros pour financer les quartiers.

Comme l’a affirmé le Président de la République, dans ce monde compliqué qu’est la Méditerranée, il faut continuer à agir sur tous les leviers. La Méditerranée occidentale semble particulièrement intéressante pour la France. Le Président de la République a ainsi fortement repensé le 5+5 (les cinq pays de l’arc latin et les cinq pays du Maghreb et du Machrek). Le 14 avril prochain, une grande réunion de relance aura lieu après le sommet des chefs d’État de Malte ; le 5+5 peut être un acteur de l’environnement en Méditerranée.

Le changement climatique est un sujet important pour nous. La France va accueillir en décembre 2015 la 21e session de la conférence des parties (COP 21) de la Convention-cadre des Nations unies pour le changement climatique (UNFCCC). Nous allons devoir nous mettre d’accord sur le nouveau cadre d’action du changement climatique. La France est intéressée à montrer que la Méditerranée est un incubateur de solutions Nord-Sud sur ces questions. La clé du débat climatique au niveau mondial consiste en effet à associer tout le monde, tout en menant des politiques qui prennent en compte la responsabilité différenciée des uns et des autres.

La région méditerranéenne a le double avantage d’être à la fois une zone Nord-Sud et une zone dans laquelle les milieux marins sont extrêmement sensibles. Nous avons l’ambition de faire en sorte que la Méditerranée soit exemplaire.

M. Roland Courteau.- Je ferai d’abord une observation sur l’utilité de l’agence que j’ai proposée pour la réalisation d’infrastructures que vous venez d’évoquer.

Pour financer des installations d’épuration, la BEI fait valoir que l’assainissement de l’eau doit être payé à son juste prix par les consommateurs. Pour un ministre de l’eau égyptien, la marge de manœuvre n’apparaît pas très forte sur ce point... Dans ce cadre, une agence placée auprès de l’UPM pourrait « mettre de l’huile dans les rouages » pour le lancement des projets.

Postérieurement et quand les investissements ont été réalisés, il convient de voir ce qu’il advient cinq années plus tard. S’agissant de l’assistance technique au fonctionnement, l’agence dont je propose la création pourrait peut-être avoir une action. En effet, il est peu intéressant de réaliser des investissements coûteux qui ne fonctionnent pas cinq ans après…

Un partenariat s’esquisse, par ailleurs, entre le PAM et l’UPM. Que donnera-t-il concrètement ? Des centres de PAM travaillent bien, d’autres ne font pas grand-chose. De plus, le PAM a une action normative très forte, mais les accords sont plutôt appliqués sur la rive nord que sur la rive sud. La coordination proposée apparaît donc une très bonne chose, mais sur quoi débouchera-t-elle concrètement ?

M. Hugues Ravenel. – Comme je l’ai dit, au Nord, il existe des directives. Je crois beaucoup à la subsidiarité. Le contribuable européen n’est pas nécessairement enchanté de payer pour l’absence de marge de manœuvre du Ministre égyptien.

Je reconnais pour ma part que l’équilibre économique sur l’assainissement est compliqué à trouver dans les pays qui présentent déjà des contraintes financières. Si l’agence est financée par les crédits d’aide publique au développement, en termes de pérennité, il va falloir réfléchir aux services environnementaux. Sur la pérennisation, il faut trouver au maximum un équilibre local, ce qui peut signifier trouver des technologies adaptées, notamment en termes d’assainissement.

M. Antoine-Tristan Mocilnikar. – Je reviens sur la question de l’articulation des institutions et de l’agence. Je partirais de la gouvernance générale de la Méditerranée non environnementale.

Notre sentiment empirique est que la réunion des hauts fonctionnaires de l’UPM, c’est-à-dire des ambassadeurs des 43 pays, est devenue l’organe de gouvernance le plus pérenne de la Méditerranée. Nous avons ainsi réussi à constituer l’organe de gouvernance que nous cherchions.

Dans le domaine environnemental, pour les pouvoirs publics et les États de la région, c’est ce forum diplomatique qui est devenu l’endroit où ils sont les mieux informés. Il est donc très intéressant et important que les grandes institutions environnementales, notamment la convention de Barcelone, y présentent leurs rapports, car leur visibilité et leur capacité de synergie sont renforcées.

Des institutions telles que le 5+5 sont plus agiles en ce moment ; nous y incubons des idées. En revanche, le 5+5 n’ayant pas d’institution, il existe un protocole d’accord qui le lie à l’UPM. Des pays du 5+5 établissent leur rapport à la réunion des ambassadeurs auprès de l’UPM. Les gens de la Méditerranée orientale trouvent cela intéressant. Si nous mettions en place une agence un jour, je pense qu’il faudrait qu’elle soit rattachée à l’UPM.

Je terminerai sur la question des agences. Henri Guaino, un des inspirateurs de l’UPM et chef de la mission de l’UPM sous Nicolas Sarkozy, était intéressé par la mise en place d’une agence. Ce concept n’a toutefois pas décollé. Nous avons tout de même réussi à établir une petite agence, que nous avons dans un premier temps appelée « française », puis nous avons gommé le mot « français ».

L’Agence des territoires méditerranéens a donc été créée par la France à Marseille, dans laquelle des acteurs internationaux sont présents, notamment l’Algérie. Nous allons tenter de la renforcer, en y faisant entrer le Quai d’Orsay, le ministère de l’Écologie et les collectivités locales.

Mais la question des agences s’avère redoutable. La France a porté cette idée, mais n’a pas encore trouvé la ligne de crête qui permettrait le succès de cette mission. Dans tous les cas, le « cœur de la marguerite » est pour nous l’UPM, avec secrétariat et réunion des fonctionnaires, ainsi que, dans une logique symbolique, les réunions ministérielles et les sommets de chefs d’État, qui ont un rôle essentiel dans le système.

M. Roland Courteau. – Je vous remercie. Depuis la présentation du rapport en 2011, je reconnais que nous progressons, mais « la maison brûle ». Nous avons le sentiment que les pollutions et leur impact vont beaucoup plus vite que les actions de lutte contre ces mêmes pollutions.

Je note que vous proposez la création d’une agence de protection de développement durable, qui serait rattachée à l’UPM. Nous sommes complètement d’accord.

D’autres personnes souhaitent-elles intervenir ?

M. Bruno Dumontet. – Je voudrais revenir sur l’UPM. Vous parlez des hauts fonctionnaires et des chefs d’État. Qu’en est-il des élus qui font partie de l’UPM ?

M. Antoine-Tristan Mocilnikar. – Nous ne retenons pas totalement l’idée d’agence. Nous affirmons simplement que s’il y en avait une, il faudrait qu’elle soit rattachée à l’UPM.

À ce stade, la France est très à l’écoute de ce qui se passe en Méditerranée. Le Président Hollande s’est montré clair à ce sujet. Il a affirmé qu’il fallait nous montrer pragmatique, c’est-à-dire que nous ne nous interdisions rien, en prenant en compte la nécessité de nous trouver des alliés. La construction de cette vision méditerranéenne consiste certes à ne pas se priver d’idées innovantes, mais à ne pas le faire seul.

L’UPM a réussi à créer une institution qui fonctionne assez bien : l’Assemblée parlementaire de l’UPM, présidée par Martin Schulz, président de l’Union européenne, se réunira la semaine prochaine à Marseille, à la Villa Méditerranée. Plus de 40 présidents de parlements ont annoncé leur venue et seront présents à Marseille la semaine prochaine. Ils feront une déclaration et relanceront au plus haut niveau l’action des parlementaires en Méditerranée.

S’y ajoute évidemment la société civile. La semaine prochaine, nous la réunissons par le biais d’une réunion de la seule agence de l’UPM qui existe (elle a été créée avant l’UPM) et de la fondation Anna Lindh pour le dialogue des cultures, basée à Alexandrie. Quelque 1 500 personnes de la société civile se réuniront ainsi à Marseille la semaine prochaine pour débattre de leurs priorités de Méditerranée.

Nous pensons également que les collectivités locales sont très importantes. Dans ce monde de transition politique, elles doivent jouer un rôle renforcé. À Marseille, nous mettons également en place la réunion des territoires de la Méditerranée. Trois feuilles de route nous seront délivrées. Elles seront à chaque fois débattues au sein de l’UPM. Dans le « bouton » de cette « marguerite » ne se trouve pas seulement l’exécutif, mais aussi les sociétés civiles, les régions et les parlementaires.

L’institution officielle de l’UPM s’appelle l’ARLEM (autorités régionales et locales de l’Euro-Méditerranée). Des collèges se réunissent. L’ARLEM et la galaxie parlementaire de l’UPM sont présents à la réunion des hauts fonctionnaires.

M. Christophe Doukhi de Boissoudy. – Je souhaite également intervenir. J’ai été très intéressé par cette présentation, mais je souhaite revenir sur des points plus concrets et immédiats. Des initiatives prises dans plusieurs pays européens, dont l’Italie, la France et l’Espagne, sont directement en lien avec la Méditerranée dans le cadre de la prévention.

En Italie, certaines de ces initiatives sont issues d’une loi de 2006, par exemple l’interdiction des sacs fins et leur remplacement. Il est déjà important que ce type de sacs diminue, et que le résiduel soit systématiquement remplacé par des sacs biodégradables. 

Il est important, au-delà de ces actions fondamentales, de ne pas passer à côté de ces chances qui permettent de réduire les éléments polluants en amont. Je ne suis toutefois pas certain de la façon dont évoluera le décret italien.

Il serait également important de se positionner sur ce qui peut réduire les sources de pollution ; nous avons un point à l’ordre du jour qui pourrait être réglé d’ici à l’année prochaine. Il pourrait, enfin, être intéressant de développer une cohérence entre les différents pays européens afin de soutenir ce type d’actions, qui sont directement liées à la prévention et qui peuvent comporter un impact immédiat.

M. Antoine-Tristan Mocilnikar. – Ce sujet se trouve bien dans notre « radar ». En 2008-2012, nous nous sommes concentrés, dans le cadre de l’UPM, sur les infrastructures et sur la convergence des institutions.

Ces points ont occupé l’ensemble de nos ressources. Dans le cadre de l’étude conjointe entre la BEI, le secrétariat de la convention de Barcelone et le « Plan d’action pour la Méditerranée », il s’agit de s’interroger sur les priorités environnementales de la Méditerranée, les instruments et leur mise en œuvre.

Nous nous trouvons dans une phase où l’action s’élargit. C’est à ce stade que nous devons affronter cela. Actuellement, la méthode la plus simple pour avancer rapidement consiste à déposer au secrétariat de l’UPM, pour être labellisé, un dossier signé par ceux qui comptent. De ce fait, la dimension politique s’en trouve renforcée.

M. Bruno Dumontet. – Vous affirmez qu’il faut déposer un dossier pour être labellisé. Qu’est-ce que cela veut dire ?

M. Antoine-Tristan Mocilnikar. – Nous labellisons de plus en plus de dossiers bâtis par les organisations internationales. Par contre, dans notre sujet du jour, je ne peux qu’encourager l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), à déposer des dossiers. Certains organismes se situent à l’interface des États et des ONG. S’ils déposent des dossiers à Barcelone, ils bénéficieront d’une visibilité collective maximale. Prenons le cas des sacs en plastique à usage unique. Si l’UICN proposait un programme en Méditerranée sur ce thème, l’écho serait très favorable dans le système de l’UPM. Il serait donc labellisé sans difficulté.

La labellisation ne constitue pas un mauvais instrument. Je vais vous en décrire à la fois les intérêts et les faiblesses. La faiblesse, c’est que la labellisation s’effectue avant le financement. C’est aussi sa force. Dans une période de crise absolue, le fait de labelliser avant financement permet de faire de la politique.

Le PAM lui-même, comme toute institution, rencontre des problèmes de gouvernance sur le sujet de la volonté des parties prenantes ; il n’est jamais simple, pour une institution internationale, de savoir ce que veulent ces dernières.

L’intérêt du système de l’UPM réside par ailleurs dans le fait qu’il permet d’identifier des priorités. Or, si nous identifions des priorités, il est évident que le PAM va les prendre en compte. Les priorités de plus en plus objectivées sont naturellement prises en compte par les institutions. Je peux vous assurer que la labellisation de l’UPM fonctionne, même si c’est de façon labyrinthique.

M. Bruno Dumontet. – Vous avez répondu à une partie de ma question. Vous savez qu’en Méditerranée, 80 à 95 % de la pollution en mer provient du plastique. Ce dernier est principalement à usage unique, utilisé pour des emballages de toutes sortes.

Nous ne nous trouvons pas là sur une approche financière, mais seulement sur une volonté politique. C’est seulement par la loi en amont que nous parviendrons à trouver des solutions. Comment l’UPM peut-elle agir politiquement pour mettre en place des lois ?

M. Antoine-Tristan Mocilnikar. – Nous avons un sujet parallèle, qui n’est pas sans relation : les énergies renouvelables. En 2008, nous avons décidé de mener le plan méditerranéen. La France a négocié avec d’autres pays européens et la Commission européenne un programme spécifique sur les énergies renouvelables. Nous avons mis 5 millions d’euros sur la table et bâti un jeu de consultants, chacun d’eux étant allé dans tous les pays.

Chaque pays possède une culture différente. En Méditerranée, certains pays sont ainsi plutôt issus de la culture française, et d’autres pays tels que la Jordanie, beaucoup plus anglo-saxons dans l’âme. Il est donc complexe d’y mener des actions. Nous mettons 5 millions d’euros pour que des consultants, avec l’accord des pays du sud, parlent ensemble. Petit à petit, les pays du Sud y voient plus clair sur les logiques administratives qu’ils peuvent eux-mêmes mettre en place.

De facto, nous voyons que les énergies renouvelables décollent dans les pays du sud. Plus de 2 500 mégawatts d’éoliennes ont ainsi été construits depuis 2008. Le photovoltaïque se développe également. Trois centrales solaires à gaz ont été construites. Même la Libye vient de lancer son premier parc éolien et des études de pré-faisabilité pour un parc photovoltaïque.

Le processus de l’UPM fonctionne donc. Dans l’UPM stricto sensu, nous faisons de la politique. Par ailleurs, dans les « pétales de la marguerite », qui ne sont souvent pas dans le cœur institutionnel de l’UPM, des acteurs facilitateurs commencent à prendre ces priorités en main.

M. Roland Courteau. – Un grand merci pour votre participation. Je vois que la rencontre a été utile. Sachez que les éléments que vous nous avez apportés serviront lors du débat qui sera organisé au Sénat en mai ou en juin. Il devrait mobiliser un grand nombre de sénatrices et de sénateurs sur le sujet de la pollution en Méditerranée.

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La séance est levée à 18 heures 15.

Membres présents ou excusés

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du jeudi 28 mars 2013 à 14 h 30

Députés

Excusés. - Mme Anne Grommerch, M. Laurent Kalinowski, M. Jean-Yves Le Déaut, M. Alain Marty

Sénateurs

Présent. - M. Roland Courteau

Excusés. - Mme Corinne Bouchoux, M. Marcel-Pierre Cléach, M. Marcel Deneux, Mme Fabienne Keller, Mme Virginie Klès, M. Jean-Claude Lenoir, M. Jean-Marc Pastor, M. Bruno Sido