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Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Mercredi 5 juin 2013

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 32

Présidence de M. Bruno Sido, sénateur, Président

Nomination de rapporteurs

Présentation du rapport d’étape sur les « technique alternatives à la fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste, par MM. Jean-Claude Lenoir, sénateur, et Christian Bataille, député

Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

Mercredi 5 juin 2013

Présidence de M. Bruno Sido, Sénateur, Président

La séance est ouverte à 17 heures

– Nomination de rapporteurs

M. Bruno Sido, sénateur, président. – Nous devons procéder à des nominations de rapporteurs.

En premier lieu, pour la saisine du Bureau de l’Assemblée nationale sur « les performances énergétiques dans le secteur de la construction », qui fait suite à l’audition publique que nous avons organisée sur ce thème, j’ai enregistré les candidatures de nos collègues Jean-Yves Le Déaut, Marcel Deneux et Catherine Procaccia.

MM. Jean-Yves Le Déaut, député, Premier vice-président et Marcel Deneux, sénateur, sont désignés rapporteurs.

En second lieu, sur « l’évaluation du Plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR) », qui est une saisine législative, Jean-Yves Le Déaut et moi-même avons commencé à travailler en organisant récemment deux auditions publiques. Nous proposons néanmoins de nous désister en faveur de nos collègues Christian Bataille et Christian Namy, qui sont candidats.

MM. Christian Bataille, député, et Christian Namy, sénateur, sont désignés rapporteurs.

– Présentation du rapport d’étape sur les « technique alternatives à la fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste, par MM. Jean-Claude Lenoir, sénateur, et Christian Bataille, député

M. Bruno Sido, sénateur, président. – Nous allons maintenant entendre le rapport d’étape de nos collègues Christian Bataille et Jean-Claude Lenoir sur les « techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels ».

Je vous rappelle que l’Office a été saisi de ce sujet le 14 novembre 2012 par le président de la Commission des affaires économiques du Sénat. Les rapporteurs ont rendu leur étude de faisabilité le 31 janvier 2013.

N’ayant pas été saisi au moment du débat sur la loi du 13 juillet 2011, qui a interdit la fracturation hydraulique, l’Office intervient avec un peu de retard sur ce sujet des huiles et gaz de schiste, que les rapporteurs ont souhaité étendre au gaz de houille.

Mais ce rapport intervient à un moment important qui est celui du débat national sur la transition énergétique, auquel l’Office participe indirectement à de multiples titres.

Je vous rappelle que ce rapport est sous embargo jusqu’à la fin de la conférence de presse qui se déroulera demain à partir de 10 heures.

M. Jean-Claude Lenoir, sénateur, rapporteur. – À la suite de la loi de juillet 2011, nous nous sommes retrouvés dans une situation étonnante : la France est le seul pays au monde, avec la Bulgarie, à avoir interdit totalement la fracturation hydraulique. Cette situation nous a conduits, avec Christian Bataille, et bien que nous ne soyons pas du même bord politique, à envisager le travail que nous vous présentons aujourd’hui. Nous avons pensé que l’intérêt général devait prévaloir sur les clivages politiques. La saisine de l’Office a été rendue possible d’abord par le rapport Gallois, qui a recommandé de rouvrir le dossier, puis par les propos du président de la République, lors de sa conférence de presse de novembre 2012. Depuis lors, diverses déclarations, ainsi que le récent Conseil européen consacré à la politique européenne de l’énergie, ont confirmé la nécessité de rouvrir un dossier trop rapidement clos.

Lors de la présentation de notre étude de faisabilité le 31 janvier dernier, nous avons proposé à l’Office, qui l’a accepté, d’étendre le champ de nos investigations à l’ensemble des hydrocarbures dits non conventionnels, c’est-à-dire au gaz et au pétrole de roche mère, ainsi qu’au gaz de houille.

Depuis janvier dernier, nous avons rencontré près d’une centaine de personnes, au cours de nombreuses auditions et de plusieurs déplacements en France. Nous jugeons utile de rendre compte dès à présent de notre travail, avant de nous rendre aux États-Unis et en Pologne, car nous entendons inscrire nos réflexions dans le cadre du débat national sur la transition énergétique, engagé par le Gouvernement à la fin 2012 et qui doit aboutir à un projet de loi à l’automne 2013.

Nous avons constitué un comité scientifique pour nous assister dans nos travaux. Les membres de ce comité ont été choisis pour assurer la représentation de diverses disciplines indépendamment de tout intérêt direct comme parties prenantes au débat. Ils nous ont apporté une contribution très utile, notamment lors de l’audition ouverte à la presse que nous avons organisée à l’Assemblée nationale le 18 avril dernier. Nous les avons également réunis pour qu’ils examinent nos conclusions. Vous trouverez un compte rendu de cette réunion dans les annexes de notre rapport d’étape.

Venons-en maintenant à notre sujet : quels sont les enjeux associés au développement des hydrocarbures non conventionnels ? La dépendance énergétique de la France est aujourd’hui presque totale s’agissant du pétrole et du gaz. Notre facture énergétique est en constante dégradation. Elle s’élève à 68 Milliards d’euros en 2012, ce qui représente 83 % de notre déficit commercial. Nous ne produisons guère plus de 1 % du pétrole et du gaz que nous consommons. Or le pétrole et le gaz représentent toujours une part importante de notre consommation d’énergie primaire. Nous ne pourrons pas nous passer des énergies fossiles, pendant encore longtemps, même si leur place est amenée à décroître.

Dans ce contexte, le recours aux hydrocarbures non conventionnels ne doit pas être conçu comme un moyen d’accroître notre « addiction » aux énergies fossiles, mais comme une ressource de substitution à de coûteuses importations.

L’enjeu économique dépasse le seul secteur énergétique. Aux États-Unis, l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels serait susceptible de créer 600.000 emplois d’ici à 2020. Pour la France, par extrapolation, un cabinet de conseil a estimé à 100.000 le nombre d’emplois susceptibles d’être créés par un développement de ces hydrocarbures d’ici à 2020. Ce chiffre doit toutefois être lu avec prudence dans la mesure où nous ne disposons que d’estimations sommaires de nos ressources.

Nous avons souhaité, à ce stade, nous concentrer sur le cœur de notre mission, à savoir les ressources et les techniques, en répondant à la question suivante : peut-on exploiter nos ressources non conventionnelles de façon respectueuse de l’environnement ?

Il est apparu au cours des auditions que la France possède toutes les compétences nécessaires pour y parvenir.

M. Christian Bataille, député, rapporteur. - Il convient, en premier lieu, d’évaluer aussi précisément que possible nos ressources, ce que l’on peut commencer à faire par la recherche et par l’emploi de techniques non invasives, avant d’envisager de premiers forages d’exploration.

Je commencerai par rappeler rapidement ce que recouvrent les termes « hydrocarbures non conventionnels » : il s’agit d’abord du gaz et de l’huile de roche mère, communément appelés gaz et huiles « de schiste », bien que tous les spécialistes trouvent ces termes impropres. Ces hydrocarbures sont restés emprisonnés au sein d’une roche peu perméable de type argileux, et non schisteux. Ils n’ont pas pu migrer vers un réservoir, d’où leur spécificité.

La deuxième catégorie d’hydrocarbures non conventionnels est constituée des hydrocarbures de réservoir compact, difficiles à exploiter car accumulés dans des réservoirs où la pression est très forte.

Enfin, la troisième catégorie est celle du gaz de houille, terme regroupant le gaz de mines et le gaz de couche, selon qu’il est situé ou non dans des zones anciennement exploitées du bassin charbonnier.

Les termes « non conventionnel » ne qualifient donc pas la nature des hydrocarbures, mais leurs modes d’extraction. Ce que ces termes recouvrent varie dans le temps : des ressources considérées comme non conventionnelles hier sont aujourd’hui considérées comme conventionnelles.

Par ailleurs, les modes d’extraction de ces ressources sont variables : certaines ressources dites non conventionnelles peuvent être exploitées sans fracturation hydraulique (c’est le cas du gaz de houille) ; à l’inverse la fracturation hydraulique est parfois utilisée pour l’exploitation conventionnelle ou pour d’autres usages (en géothermie). Une vision manichéenne des choses est donc inadaptée.

S’il existe une grande incertitude sur les chiffres, il est acquis que les ressources non conventionnelles dans le monde sont probablement très importantes. Pour le gaz, elles seraient du même ordre de grandeur que les ressources conventionnelles.

Ce constat remet en cause toutes les affirmations pessimistes sur « la fin du pétrole » que l’on a pu entendre par le passé.

En France, la question est venue dans le débat public avec la publication par l’Agence américaine d’information sur l’énergie, en avril 2011, de chiffres d’après lesquels notre pays serait l’un des mieux dotés en Europe, avec des ressources techniquement récupérables de gaz de roche mère de l’ordre de 5.100 milliards de m3. Ces chiffres sont toutefois des estimations sommaires réalisées par extrapolation de données issues de quelques sondages à l’ensemble de la superficie supposée des bassins, sans tenir compte de leur variabilité géologique. La probabilité associée à ces chiffres n’est pas connue. On peut néanmoins affirmer que la géologie des différents bassins sédimentaires, en région parisienne et dans le sud-est, est plutôt favorable à l’existence d’hydrocarbures de roche mère.

Le bassin parisien est bien connu. Environ 2000 forages y ont été réalisés. Ces forages permettent de suspecter la présence d’une roche-mère prolifique. La société Hess estime par exemple que ce bassin pourrait produire entre 3 et 20 % de la consommation quotidienne nationale de pétrole, pendant la durée de l’exploitation. Certains de nos interlocuteurs ont comparé le potentiel du bassin parisien à celui du Bakken, dans le Dakota du Nord, en raison de similitudes géologiques.

Dans le sud-est, le bassin est plus complexe et moins bien connu. Les entreprises rencontrées sont optimistes mais de nombreux travaux de validation restent à réaliser.

Ce tour d’horizon de nos ressources en hydrocarbures de roche mère a surtout pour but de mettre en évidence la faiblesse de notre connaissance du sous-sol français, faite de données qui sont, pour une large part, datées et dispersées, ou trop théoriques. Ces données ont été généralement établies entre les années 1950 et 1980. Il n’y a plus eu, depuis cette époque, de grandes campagnes de recherche et d’exploration.

Concernant le gaz de houille, des travaux récents ont démontré le potentiel des bassins de Lorraine et du Nord Pas-de-Calais. Les études les plus avancées ont été menées en Lorraine par l’entreprise EGL (European Gas Limited). Dans ce cas, c’est moins l’existence de la ressource que la rentabilité de sa production qui est sujette à débats.

Dans le Nord, la récupération du gaz de mines a démarré en 1975. Après la fermeture du bassin houiller et la disparition de Charbonnages de France, en 2008, cette activité a été confiée à des sociétés à capitaux privés, Gazonor pour le gaz de mines, et EGL pour le gaz de couche. Les tests de production réalisés par EGL, et revus par Beicip-Franlab, filiale de l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN), en Lorraine sur le site de Folschviller 2, ont démontré l’existence d’une ressource importante.

Dans le Nord Pas-de-Calais, les forages d’exploration n’ont pas démarré, mais le sous-sol est bien connu, en raison de son exploitation passée. On estime que seul 10 % du charbon de ce bassin a été exploité. L’existence d’une ressource importante paraît très vraisemblable.

D’après EGL, les ressources des deux bassins (Lorraine et Nord Pas-de-Calais) pourraient correspondre à dix années de consommation de gaz en France, c’est-à-dire significativement plus que ce qu’a produit à ce jour le bassin de Lacq. Plusieurs centaines d’emplois pourraient être créés, si ces estimations se révèlent fondées.

C’est pourquoi l’exploration et l’exploitation du gaz de houille peuvent et doivent être engagés dans des délais assez rapides. En Lorraine, un forage à taille réelle doit être prochainement réalisé (à Tritteling) : nous nous sommes rendus sur la plateforme actuellement en construction. Dans le Nord Pas-de-Calais, quatre demandes de forage d’exploration ont été déposées, dont deux devraient aboutir prochainement sur les sites d’Avion et de Divion, où les travaux pourraient être réalisés en 2014. Le financement des travaux nécessite de trouver des investisseurs à hauteur d’environ 3 millions d’euros par puits. Si ces recherches sont fructueuses, une production commerciale peut être envisagée d’ici cinq ans.

En revanche, le processus sera certainement plus lent pour les hydrocarbures de roche mère, qui nécessitent un cadre juridique adapté aux techniques requises. Des travaux de recherche peuvent néanmoins être entrepris très rapidement, en commençant par un travail d’analyse et d’actualisation des connaissances existantes, issues des forages passés. Ce travail pourrait être confié à l’IFPEN.

La sismique pourrait jouer un rôle important dans ces travaux préalables : il s’agit d’une technique dont le principe de base est celui de l’échographie, appliquée au sous-sol. C’est une technologie qui a connu récemment des progrès importants et à laquelle les compagnies pétrolières ont recours de façon quasi systématique ; et surtout, c’est une technologie non invasive et non destructive. C’est pourquoi nous avons été surpris de constater que cette technique était interdite en France pour la recherche d’hydrocarbures non conventionnels, en application d’une circulaire du 21 septembre 2012 du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, prise en application de la loi du 13 juillet 2011 qui n’a pourtant interdit « que » la fracturation hydraulique. Cela signifie que l’on n’interdit pas simplement l’usage d’une technologie : on refuse, en réalité, purement et simplement de savoir ce que recèle notre sous-sol.

Enfin, pour évaluer précisément nos réserves, il sera nécessaire de procéder à des forages, afin de permettre des tests de production. Ces tests sont seuls à même de déterminer le taux de récupération des hydrocarbures dans chaque zone considérée. Une vingtaine de forages pourraient être suffisants dans le bassin parisien. À l’échelle de la France, quelques dizaines de forage seraient à envisager. Ces chiffres sont à rapprocher de la quarantaine de forages à fracturation hydraulique déjà réalisés en France sans inconvénient notable.

M. Jean-Claude Lenoir, sénateur, rapporteur. – J’en viens maintenant à la question des techniques. Il faut évaluer plus précisément l’impact environnemental et les voies d’amélioration possibles des diverses technologies employables. C’est le cœur de notre mission : est-il possible d’extraire proprement les hydrocarbures non conventionnels ? Nous avons souhaité ne négliger aucun des inconvénients environnementaux généralement soulevés.

À court terme, nos auditions ont montré que la voie la plus prometteuse était celle d’une amélioration de la fracturation hydraulique. Mais d’autres techniques méritent l’examen, dont certaines sont déjà opérationnelles, comme la stimulation au propane.

Les questions se posent très différemment pour le gaz de houille, car son exploration et son exploitation en France ne nécessitent pas de fracturation hydraulique. Le charbon est en effet traversé par un réseau naturel de fractures. La situation est toutefois un peu différente dans les deux bassins : en Lorraine, les couches de charbon sont épaisses ce qui est favorable à la mise en place de forages horizontaux. Dans le Nord, ce sont plutôt des forages verticaux déviés qui sont envisagés. Dans le premier bassin, l’extraction serait accompagnée d’une production d’eau importante, ce qui ne serait pas le cas dans le Nord. Mais que ce soit dans l’un ou dans l’autre bassin, il n’est pas jugé utile de fracturer le charbon pour extraire le gaz. La plupart des obstacles au développement des hydrocarbures non conventionnels sont donc ici sans objet. Les préoccupations environnementales sont celles inhérentes à toute exploitation d’hydrocarbures. Elles peuvent être traitées dans le cadre d’une gestion des risques industriels classiques.

S’agissant des hydrocarbures de roche mère, les techniques employées par l’industrie évoluent aujourd’hui très rapidement. La fracturation hydraulique est une technique ancienne et maîtrisable, qui a connu des améliorations constantes et continuera de progresser afin de répondre à des objectifs de productivité et d’innocuité environnementale. Les incidents rencontrés aux États-Unis ont contribué à un renforcement des règles encadrant la fracturation hydraulique dans ce pays.

La fracturation hydraulique a pour objet de créer des microfissures et de réactiver le réseau naturel de failles existant dans la roche, afin de faciliter l’écoulement des hydrocarbures. Elle consiste à injecter dans le puits, à forte pression, un fluide permettant de fissurer la roche. Ces fissures sont maintenues ouvertes par l’emploi d’agents de soutènement (sable, billes de céramique). Au fluide de fracturation sont ajoutés des additifs permettant de répartir les agents de soutènement le long des petites fissures, tels que gélifiant, désinfectant, réducteur de friction. La quantité de gaz extraite de chaque puits reste faible, ce qui nécessite de disposer d’un grand nombre de puits pour atteindre un niveau significatif de production.

La fracturation hydraulique est une technique ancienne. La première opération a eu lieu aux États-Unis en 1947. Plus d’un million de fracturations ont été réalisées dans le monde. 50.000 puits sont actuellement fracturés chaque année. Plus d’un puits sur deux actuellement foré dans le monde fait l’objet d’opérations de fracturation hydraulique. Sur l’ensemble de ces opérations, il n’existe, à ce jour, aucun cas avéré de pollution des nappes phréatiques. Une étude de l’agence américaine de protection de l’environnement est en cours. D’ici à 2014, elle permettra de connaître avec certitude la cause des incidents de pollution rencontrés aux États-Unis. Mais il est très probable que ces incidents aient été causés par une gestion défectueuse de l’eau en surface, ou par des puits de mauvaise qualité, plutôt que par la fracturation hydraulique.

En France, la technique de la fracturation hydraulique a été utilisée à au moins 45 reprises, sans qu’aucun dommage n’ait été signalé. Nous nous sommes rendus sur le site de Champotran en Seine-et-Marne, où la société canadienne Vermilion a utilisé la fracturation hydraulique en 2010 pour évaluer la roche mère. Ce puits continue de produire du pétrole non conventionnel en petite quantité. Nous avons été témoins d’une phase d’extraction de pétrole issu de ce forage. Rien en surface, ni aucune conséquence environnementale, ne permet de distinguer ce puits fracturé de son voisin conventionnel situé à quelques mètres.

La fracturation est une technique maîtrisable qui évolue très rapidement. Tous les industriels auditionnés se sont fait l’écho des progrès réalisés pour réduire son impact. Nous avons fait la liste de ces améliorations dans notre rapport d’étape :

- s’agissant des additifs : leur nombre, leur quantité et leur toxicité sont progressivement réduits. La fracturation peut se concevoir avec uniquement des produits peu ou pas toxiques, du type de nos produits ménagers. Des produits alimentaires tels que la gomme de guar peuvent servir de gélifiant. Les biocides peuvent être remplacés par un traitement ultraviolet. Beaucoup de produits peuvent être éliminés car, s’ils permettent d’optimiser la production, ils ne sont pas indispensables. Les industriels tendent à publier la composition de leurs fluides de fracturation, à défaut de leur formulation exacte, considérée comme relevant parfois du secret industriel. Aux États-Unis, un site internet a été mis en place, appelé FracFocus, pour assurer la publication de ces informations relatives à la composition des fluides de fracturation ;

- s’agissant de la qualité des puits, essentielle pour éviter des fuites accidentelles de fluides de fracturation et d’hydrocarbures, rappelons que l’activité de forage est ancienne en France. Depuis 70 ans, plus de 6.000 puits d’hydrocarbures ont été forés. Nous disposons de lois et règlements encadrant tant l’octroi des permis, la durée des concessions que les conditions de travail et la protection de l’environnement, sous le contrôle des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). Les opérations de forage s’effectuent par phases successives. Lors de chacune de ces phases, un contrôle qualité garantissant l’intégrité du tubage et du ciment est obligatoire. Les phases proches de la surface sont spécialement conçues pour protéger les nappes phréatiques. Pour prévenir les déversements d’eau contaminée en surface, une membrane de protection du sol doit être installée sur la zone de forage ;

- concernant la gestion de l’eau, la stimulation d’un puits requiert 10.000 à 20.000 m3 d’eau, ce qui représente 12 jours d’arrosage d’un golf. Aucun apport supplémentaire d’eau n’est nécessaire pendant la période de production (environ 10 ans). Ce prélèvement d’eau doit bien sûr être encadré en fonction des conflits d’usage possibles au niveau local. L’eau prélevée n’est pas nécessairement potable. Il peut s’agir d’eau salée issue d’aquifères profonds. L’industrie privilégie aujourd’hui la réutilisation de l’eau. 30 à 50 % de l’eau de fracturation est disponible pour être recyclée. Cette proportion est très variable selon les sites. On peut retenir qu’en moyenne, 30 % de l’eau ressort du puits au cours des six premières semaines et 30 % supplémentaire remontera au cours de la durée de vie totale du puits. Par ailleurs, les progrès techniques réalisés permettent d’optimiser le placement des fracturations et ainsi de minimiser la quantité d’eau nécessaire pour la récupération d’une quantité donnée d’hydrocarbures ;

- s’agissant du traitement de l’eau, c’est une compétence maîtrisée par les industriels spécialistes du secteur, en particulier Veolia qui fait profiter les États-Unis de son savoir-faire. La mobilisation éventuelle de métaux lourds au sein de la roche doit faire l’objet d’une attention particulière. Une bonne connaissance de la roche ciblée est indispensable ;

- pour ce qui est de la protection des nappes phréatiques, il faut rappeler que la fracturation hydraulique est réalisée à plusieurs milliers de mètres en dessous de ces nappes et que les fissures se propagent horizontalement et non verticalement. Plusieurs cas de pollution aux États-Unis ont en réalité été causés par la réinjection d’eaux usées à faible profondeur. Cette pratique est évidemment à proscrire. Préalablement aux opérations, une bonne connaissance des réseaux hydrogéologiques est indispensable. Pendant les opérations, les techniques de micro-sismique permettent de mesurer l’extension des fractures et d’assurer un suivi continu des nappes phréatiques. L’établissement d’un « état zéro » des aquifères et un suivi pendant toutes les phases permet de s’assurer qu’il n’y a pas de contamination ;

- la question de la sismicité induite a été posée après des incidents relevés dans la région de Blackpool au Royaume-Uni. Ces incidents, respectivement de niveaux 2.3 et 1.5 sur l’échelle de Richter, n’ont causé aucun dégât. Il n’y a pas eu, aux États-Unis, de grands tremblements de terre directement imputables à la fracturation hydraulique, contrairement à ce qu’a affirmé hier Mme Delphine Batho, ministre de l’Écologie, de l’Énergie et du Développement durable. Les séismes de Blackpool ont été attribués à la sollicitation d’une mini-faille géologique proche qui n’avait pas été détectée. Ces incidents militent encore une fois pour une bonne connaissance préalable de la roche ciblée et pour la mise en place de dispositifs de suivi et de contrôle en temps réel du processus de fracturation hydraulique grâce aux technologies de micro-sismique ;

- concernant l’empreinte au sol de l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels, nous soulignons que les nuisances sont concentrées pendant les phases de forage et de fracturation. Les opérations de fracturation sont, en effet, réalisées une fois pour toutes au début. Chaque puits nécessite, après 15 à 20 jours de forage, environ une semaine pour les opérations de fracturation. Par la suite, en phase d’exploitation, l’empreinte au sol est réduite. Pour diminuer les nuisances engendrées, deux solutions sont mises en œuvre, consistant d’une part à regrouper les puits en clusters et, d’autre part, à remplacer les camionnages par des canalisations ;

- enfin, l’optimisation du processus de fracturation hydraulique contribue à réduire les inconvénients subis, car elle permet d’utiliser moins d’eau, de sable et d’additifs. Il s’agit d’améliorer le placement des fissures, leur densité et les modalités de fracturation, comme le fait par exemple Schlumberger avec un procédé appelé HiWay qui permet aux opérateurs d’utiliser jusqu’à 60 % moins d’eau et 40 % moins de sable.

La fracturation hydraulique peut donc être encadrée. Comme toute activité industrielle, elle engendre des risques justifiant l’application d’une réglementation et le contrôle de son respect. Nous avons énuméré dans notre rapport les principaux points d’intérêt qui devraient être traités par une réglementation encadrant ce secteur d’activité. Cette règlementation pose, aujourd’hui, davantage des questions de coût que de principe.

J’en viens maintenant à la question des alternatives à la fracturation hydraulique. Elles peuvent être regroupées en deux catégories : les techniques de stimulation utilisant un fluide sous pression autre que l’eau, et les techniques recourant à des phénomènes physiques différents. Dans tous les cas, hormis celui précédemment décrits du gaz de houille, il est nécessaire d’agir sur la roche pour permettre l’écoulement des hydrocarbures.

La technologie alternative la plus développée et la seule qui soit mise en œuvre industriellement est la stimulation au propane. Il s’agit d’une technique ancienne récemment développée pour le secteur non conventionnel par la société canadienne GasFrac. Entre 2008 et 2013, GasFrac a réalisé 2.000 opérations de fracturation de ce type en Amérique du Nord. La stimulation au propane est aussi développée par ecorpStim. Son président est d’ailleurs venu la présenter lors de l’audition ouverte à la presse que nous avons organisée le 18 avril : ecorpStim a développé une technologie de stimulation sans eau ni produits chimiques, et prévoit de proposer prochainement l’ajout d’agents extincteurs rendant le propane non inflammable. Le propane liquide utilisé pour la fracturation peut être réutilisé à 95 %.

Mais le principal inconvénient de cette technologie est qu’elle implique la manipulation de quantités importantes de propane en surface, ce qui oblige les opérateurs à mettre en place un contrôle à distance des opérations et des procédures de sauvegarde automatiques. Elle est plus adaptée aux environnements à faible densité de population qu’aux zones très peuplées.

D’autres techniques alternatives sont étudiées par les chercheurs, mais sans aboutissement industriel pour le moment, pour des raisons techniques et économiques. Vous trouverez un tableau récapitulatif de ces techniques dans notre rapport. L’usage d’hélium, de CO2 ou d’azote est envisagé. La fracturation par arc électrique a fait l’objet de recherches, commandées par Total, qui considère qu’elle n’est pas pour le moment une alternative viable à la fracturation hydraulique à base d’eau, notamment car elle ne permet de stimuler que la proximité immédiate du puits. La fracturation par procédé thermique est une autre piste, avec des verrous scientifiques à lever, concernant notamment ses enjeux environnementaux.

M. Christian Bataille. - Au terme de notre étude, nous considérons que la fracturation hydraulique reste la technique la plus efficace et la mieux maîtrisée pour extraire les hydrocarbures non conventionnels, et que des solutions existent pour le faire avec un impact acceptable sur l’environnement, à condition de respecter certaines règles.

Les esprits semblent aujourd’hui évoluer. Le Royaume-Uni et l’Allemagne s’engagent sur la voie d’une exploitation encadrée de leurs ressources. Le Conseil européen du 22 mai 2013 a indiqué que la Commission travaillait au développement des ressources énergétiques « indigènes » de l’Europe, afin de diversifier ses sources d’approvisionnement. En France, deux groupes de travail ont, dans le cadre du débat national sur la transition énergétique, recommandé d’étudier la question du gaz de schiste pour permettre une meilleure connaissance des ressources du sol et des techniques d’extraction, et pour financer la transition. Nous souhaitons que ces recommandations ne soient pas « oubliées » dans le débat, mais qu’elles soient, au contraire, rapidement suivies d’effets.

Notre industrie est directement concernée car la France dispose d’acteurs de stature internationale dans le secteur, à tous les niveaux : en recherche (IFPEN, CNRS…), du côté des opérateurs (Total, GDF Suez), des prospecteurs de gisement (CGG), des spécialistes du forage et des tubes (Schlumberger, Vallourec) ou encore de fabricants de produits additifs et de sable utilisés pour la fracturation hydraulique (SNF, Imerys) ainsi, enfin, que de spécialistes du traitement de l’eau (Veolia). Nous avons auditionné des représentants de ces entreprises et constaté bien souvent que la France n’était malheureusement plus leur enjeu principal.

Notre immobilisme nous fait, à vrai dire, courir un risque plus grave car le déficit de compétitivité créé entre les États-Unis et l’Europe met en danger la pétrochimie européenne et une partie de son secteur aval. Plus généralement, ce sont toutes les industries intensives en énergie qui sont susceptibles de se délocaliser.

Nos propositions sont donc les suivantes :

1- Faire de la connaissance de notre sous-sol une priorité de la recherche, par la réalisation d’un inventaire de nos ressources en hydrocarbures, en privilégiant, au moins dans un premier temps, les techniques non invasives, notamment :

. le recensement, l’analyse et la modélisation des connaissances existantes ;

. l’usage de la sismique.

Cet inventaire doit être réalisé sans proscrire a priori certains types de ressources. Il faut donc notamment abroger la circulaire du 21 septembre 2012 en ce qu’elle interdit d’utiliser la technique de la sismique si celle-ci n’est pas justifiée par la recherche des seuls hydrocarbures conventionnels. En effet cette circulaire est non seulement quelque peu absurde (elle suppose que l’on connaît déjà ce que l’on cherche) mais aussi contraire à la loi du 13 juillet 2011 (qui n’interdit « que » l’usage de la fracturation hydraulique).

2- Dans un second temps, si les premiers résultats sont concluants, forer quelques dizaines de puits d’exploration en appliquant toutes les précautions aujourd’hui connues permettant de trouver une solution à chaque problème environnemental dont aucun ne doit être nié (transparence et consultation des populations, forages dans les emprises conventionnelles actuelles, respect des préconisations de l’Agence internationale de l’énergie…). Ceci supposera de faire une exception à la législation de juillet 2011.

3- Poursuivre l’exploration puis engager, dès que possible, l’exploitation du gaz de houille (gaz de couche) : dans la mesure où elle ne nécessite pas l’emploi de la fracturation hydraulique, la recherche de ce gaz en Lorraine et dans le Nord Pas-de-Calais ne doit pas être retardée par le débat sur les hydrocarbures de roches mères.

4- Mettre en œuvre la loi du 13 juillet 2011 dans toutes ces composantes c’est-à-dire :

. Mettre en place la Commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation des techniques d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux, prévue par l’article 2 de cette loi.

. Rendre au Parlement le rapport annuel prévu par l’article 4 de la loi sur l'évolution des techniques et la connaissance du sous-sol.

. Mettre en place le programme d’expérimentations scientifiques sous contrôle public supposé par cette loi.

5- Établir un programme de recherche sur l’exploitation des hydrocarbures de roches mères, conforme aux orientations proposées dans le rapport de l’Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie (ANCRE), en date de juillet 2012, portant sur les aspects suivants :

. l’étude des propriétés des roches mères ;

. la connaissance des impacts sanitaires et environnementaux de la fracturation hydraulique ;

. les améliorations de la fracturation hydraulique ;

. le suivi et le contrôle de celle-ci ;

. les techniques de stimulation alternatives à la fracturation hydraulique.

Nous notons avec intérêt que le groupe de travail du débat national transition énergétique sur le mix énergétique fait la même proposition, en suggérant qu’on étudie la possibilité d’exploiter les gaz de schiste de façon respectueuse de l’environnement. Nous ne disons pas autre chose.

6- Ce programme de recherche pourra inclure des expérimentations dans un puits test, destinées à valider des techniques de stimulation améliorées. Il pourra aboutir à autoriser la réalisation d’une campagne d’évaluation de la quantité récupérable sur un bassin, nécessitant la réalisation de quelques dizaines de puits d’exploration.

7- Inclure la problématique des hydrocarbures non conventionnels dans le champ du débat sur la transition énergétique en prenant en compte l’ensemble de ses composantes (gaz de houille, hydrocarbures de roche mère) et l’ensemble de ses aspects (coût/bénéfice/impact sur l’environnement).

8- Faire partiellement financer la transition énergétique (sobriété et intensité énergétiques, énergies renouvelables) par les éventuelles retombées financières des hydrocarbures non conventionnels. Le groupe de travail consacré au financement, dans le cadre du débat national sur la transition énergétique, le suggère également.

9- Réformer le code minier pour faire bénéficier les collectivités locales et les propriétaires qui pourraient être impactés de retombées financières.

M. Bruno Sido. – Mes questions sont les suivantes : d’où viennent les évaluations de ressources que vous avez évoquées ? Faut-il faire évoluer le code minier dans la perspective d’une exploitation de ces hydrocarbures non conventionnels ? Pourquoi le gaz de houille n’est-il pas déjà exploité, alors que son extraction ne semble pas requérir d’avancée technologique majeure ?

M. Christian Bataille. – A propos du gaz de houille, j’ai vécu l’arrêt de l’exploitation minière et je pense qu’on ne disposait pas, à l’époque, des techniques d’exploitation en profondeur dont on dispose aujourd’hui.

M. Jean-Yves Le Déaut, député, Premier vice-président. – Les conclusions de votre rapport me paraissent satisfaisantes mais j’ajouterai qu’il n’est pas nécessaire de se hâter d’exploiter nos ressources. Il faut attendre de pouvoir le faire dans les meilleures conditions possibles pour l’environnement. Il faut donc exploiter le gaz de houille, puisque le charbon est naturellement fracturé, et continuer la recherche sur les hydrocarbures de roche mère en privilégiant la réalisation d’un inventaire de nos ressources. Dans un certain nombre de pays, dont la Pologne, cet inventaire s’est révélé décevant, notamment pour le gaz de houille. Les résultats sont plus faibles que ce qui était escompté. Pour des raisons diverses, Exxon Mobil vient de quitter la Pologne, qui subit donc plusieurs revers dans ce secteur des hydrocarbures non conventionnels.

À propos des additifs chimiques, vous indiquez que des technologies nouvelles existent mais qu’elles sont plus chères. Faut-il les utiliser ? Peut-on se passer de tous produits toxiques, tels que, par exemple, l’acide chlorhydrique ? Quel est l’impact sur l’environnement de ces produits ? Le sable soulève-t-il des difficultés ? Quelles sont les différences avec les pratiques de la géothermie ?

L’esprit dans lequel vous avez abordé ce travail est bon. Faisons progresser la connaissance des ressources, d’une part, et les technologies d’exploration, d’autre part. Procédons à une analyse socio-économique. On ne peut pas se passer de richesses que l’on possède, mais il faut les exploiter dans le respect de l’environnement.

M. Jean-Claude Lenoir. – Concernant le temps dont nous disposons pour exploiter nos hydrocarbures, nous avons insisté sur le fait que l’utilisation de nos ressources non conventionnelles devait coïncider avec la phase de transition énergétique. Les retombées financières qui peuvent en être attendues sont destinées en particulier à financer cette transition. Sans précipiter le mouvement, si les réserves sont avérées, nous aurions tort de nous priver de leur utilisation.

Concernant les techniques, il nous est effectivement apparu qu’une fracturation hydraulique améliorée était souhaitable. Les additifs dits chimiques relèvent pour une bonne part de produits consommables, comme nous le détaillons dans notre rapport. Le haricot de guar est un exemple de produit susceptible d’être utilisé pour maintenir en suspension les billes de céramique dans les microfissures. D’autres produits employés pour laver les microfissures sont de type ménager. Il faut souligner aussi que les eaux qui remontent en surface sont traitées.

M. Christian Bataille. – Je veux attirer votre attention sur la carte que nous avons publiée dans notre rapport, indiquant la répartition des ressources estimées en hydrocarbures non conventionnelles, d’après l’Agence américaine d’information sur l’énergie. Beaucoup de pays possédant cette richesse ne vont pas attendre, à commencer par l’Australie, l’Argentine ou la Chine, qui sont en déficit de ressources conventionnelles et souhaitent se rapprocher de la situation des États-Unis. Nous avions eu, par le passé, une période plus prospère avec le gaz de Lacq qui a fourni jusqu’à 30 % du gaz national. Aujourd’hui nous importons 99 % de notre gaz et de notre pétrole, ce qui milite pour ne pas trop attendre avant d’utiliser nos ressources.

Lorsque nous sommes allés en Seine-et-Marne, nous avons assisté à l’extraction de pétrole de roche mère. Il s’agit d’un pétrole de très bonne qualité. Nous possédons cette ressource. Pour le Nord Pas-de-Calais et la Lorraine, on peut aller vite. Ailleurs, nous proposons un calendrier progressif, mais cette progressivité ne doit pas correspondre à un renoncement. Ce calendrier dépasse en tout état de cause la durée d’une législature ou d’un mandat présidentiel. C’est un positionnement à long terme. Mais il est clair que nous consommerons encore du pétrole en France pendant longtemps. Il s’agit de substituer une production nationale à nos importations.

M. Marcel Deneux, sénateur. - Je voudrais féliciter les rapporteurs. Ce rapport me convient dans sa prudence et sa progressivité. Pour répondre aux polémiques prévisibles, il faudra souligner, d’une part, qu’il ne s’agit pas d’inciter à consommer plus d’énergies fossiles et, d’autre part, que le gaz est moins polluant que le pétrole pour les mêmes usages.

Concernant la consommation d’eau, une approche pédagogique me paraîtrait souhaitable, à partir de la connaissance des usages de l’eau en France. Je reste perplexe devant la comparaison avec l’arrosage des golfs. Je ne sais pas si vous savez que chaque Français dispose chaque année de 700 m3 d’eau de pluie. Quand on parle de 2000 m3 d’eau, par exemple, cela correspond à ce qui peut être utilisé pour l’irrigation de quelques hectares agricole en une nuit : c’est une bagatelle.

Je vous félicite par ailleurs d’avoir rappelé les amendements que nous avions introduits dans la loi de juillet 2011 afin de contourner une interdiction abrupte. L’application complète de cette loi est effectivement souhaitable.

M. Christian Namy. –Il pourrait être utile de prendre l’attache du ministre du Redressement productif, compte tenu des positions de la ministre de l’Écologie, de l’Énergie et du Développement durable.

M. Christian Bataille. – Nous allons bien évidemment transmettre notre rapport aux ministres concernés. La question des hydrocarbures non conventionnels est essentielle. On ne peut pas l’évacuer en la caricaturant. Nous serons par ailleurs attentifs à la réforme du code minier, qui relève de la compétence du ministre du Redressement productif.

M. Bruno Sido. – J’ajoute que Mme Delphine Batho, ministre de l’Écologie, de l’Énergie et du Développement durable, a demandé à être entendue par l’Office parlementaire.

M. Jean-Claude Lenoir. – Ce qui nous a beaucoup frappés, c’est de voir que les opinions étaient en train d’évoluer en France et dans le monde. Les positions publiées par deux groupes de travail du débat national sur la transition énergétique sont révélatrices.

M. Bruno Sido. – Vous devriez néanmoins rappeler, pour éviter toute polémique, que votre rapport porte sur la question des techniques alternatives.

Mme Catherine Procaccia. – Votre position consiste à préconiser, en tant que technique alternative, une fracturation hydraulique améliorée. Mais il faut prendre en compte le fait que le dossier est aujourd’hui traité sur les plans émotionnel et politique. Il serait peut-être souhaitable de ne pas cibler une région en particulier pour de futurs tests ; je pense à l’Ile de France, qui est la région la plus peuplée. Certains termes suscitent la peur. Je pense aux additifs et à l’acide chlorhydrique. Votre rapport sera exploité non pas sur le plan scientifique mais à partir de ce type de termes. Or notre objectif est de progresser, au moins en recherche. C’est pourquoi il faut se placer sur le plan scientifique mais demeurer prudent. Je ne suis pas sûre que les esprits aient évolué autant que vous le suggérez.

M. Bruno Sido. – Proposer de réformer le code minier est pertinent pour intéresser les propriétaires et autres acteurs locaux. Cet aspect modifiera les positions et les discours. On l’a vu s’agissant des éoliennes.

M. Jean-Claude Lenoir. – La réforme concomitante du code minier est une coïncidence.

M. Marcel Deneux. – J’approuve les remarques relatives au vocabulaire. Quant à la circulaire que vous évoquez, elle illustre la continuité de l’administration française.

M. Christian Bataille. – Vous trouverez un certain nombre de réponses à vos remarques dans le rapport. C’est dans le Bassin parisien que pourrait se trouver la ressource la plus importante en huile, si elle est confirmée. Nous avons rencontré plusieurs géologues optimistes. Nous nous sommes rendus en Seine et Marne et avons constaté qu’il ne s’agissait pas de secteurs urbains mais ruraux. Des puits fonctionnent actuellement dans cette région. L’impact au sol est faible pendant la période d’exploitation.

M. Marcel Deneux. – Pourquoi l’eau est-elle transportée par camion et non par des canalisations ?

M. Jean-Claude Lenoir. – C’est que la durée d’approvisionnement en eau est courte. Cet approvisionnement n’est pas nécessaire en phase d’exploitation des puits. Mais la mise en place de canalisations compte effectivement au nombre des techniques alternatives.

M. Bruno Sido. – Je vous remercie. Je soumets maintenant à votre approbation les propositions de vos rapporteurs. Je constate qu'elles recueillent l'assentiment de tous ceux qui sont ici présents.

Le rapport d’étape sur les techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels a été adopté à l’unanimité des membres présents.

La séance est levée à 18 h 30

Membres présents ou excusés

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du mercredi 5 juin 2013 à 17 heures

Députés

Présents. - M. Christian Bataille, M. Claude de Ganay, M. Jean-Yves Le Déaut

Excusés. - Mme Anne Grommerch, M. Alain Marty, M. Jean-Sébastien Vialatte

Sénateurs

Présents. - Mme Delphine Bataille, M. Roland Courteau, M. Marcel Deneux, M. Jean-Claude Lenoir, M. Christian Namy, Mme Catherine Procaccia, M. Bruno Sido

Excusés. - M. Marcel-Pierre Cléach, Mme Fabienne Keller, M. Jean-Pierre Leleux, M. Jean-Marc Pastor