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Commission des affaires sociales

Mardi 9 octobre 2012

Séance de 18 heures 30

Compte rendu n° 03

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

–  Audition, ouverte à la presse, commune avec la commission du développement durable, de M.  Gilles-Éric Séralini, professeur de biologie moléculaire à l’université de Caen sur l’étude sur le maïs génétiquement modifié NK 603

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 9 octobre 2012

La séance est ouverte à dix-huit heures trente.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission procède à l’audition, commune avec la commission du développement durable, de M. Gilles-Eric Séralini, professeur de biologie moléculaire à l’université de Caen sur l’étude sur le maïs génétiquement modifié NK 603.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous accueillons aujourd’hui, dans le cadre d’une audition commune de la commission des affaires sociales et de la commission du développement durable, M. Gilles-Éric Séralini, professeur de biologie moléculaire à l’université de Caen, et le docteur Joël Spiroux, coauteurs d’une étude relative au maïs génétiquement modifié NK603, publiée dans la revue Food and Chemical Toxicology. Cette audition devrait nous permettre d’approfondir notre information en matière de risques sanitaires et environnementaux.

Je remercie Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales, d’avoir accepté de coprésider cette séance commune.

Je rappelle que, par l’intermédiaire des ministres chargés de l’écologie, de la santé et de l’agriculture, le Gouvernement a saisi conjointement l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et le Haut Conseil des biotechnologies (HCB), afin que ces instances analysent les données de l’étude et se prononcent sur la validité des travaux effectués. Leur rapport est attendu avant le 20 octobre.

Le Gouvernement a également saisi les instances européennes et transmettra ces conclusions à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Cette agence a d’ailleurs rendu, jeudi 4 octobre dernier, un avis préliminaire sur lequel nous reviendrons sans doute.

Il n’est pas douteux que nous auditionnerons les responsables de l’ANSES et du Haut Conseil des biotechnologies dès qu’ils auront remis leur rapport au Gouvernement. La commission du développement durable a d’ailleurs auditionné le directeur de l’ANSES, M. Marc Mortureux, le 18 juillet, et le président du Haut Conseil des biotechnologies, M. Jean-François Dhainaut, ainsi que le président de son comité scientifique, M. Jean-Christophe Pagès, le 11 septembre.

Monsieur le professeur, les résultats de votre étude toxicologique sur les rats nourris au maïs transgénique NK603 en diverses proportions, additionné ou non à de l’herbicide Roundup, et par ailleurs de ce même Roundup seul ont montré un développement de tumeurs et de pathologies rénales et hépatiques plus rapides, plus intenses et plus nombreuses que chez les rats nourris au maïs conventionnel. Le débat sur les conditions de la réalisation de votre étude et sur la fiabilité de ces résultats a relancé la controverse entre partisans et détracteurs des organismes génétiquement modifiés (OGM). Le propos de notre audition n’est pas de départager les scientifiques qui ont échangé leurs arguments depuis le 19 septembre. Cela ne relève pas de notre compétence. En revanche, afin d’éclairer la décision politique, notre devoir est de défendre la transparence du débat public et l’émergence d’une information non biaisée par les conflits d’intérêts. En effet, c’est aux parlementaires que nous sommes et au Gouvernement qu’il revient d’arbitrer en dernier ressort entre les intérêts économiques, environnementaux et sanitaires qui sont ici potentiellement mis en contradiction.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur le professeur, vous ne serez pas la seule personnalité à être auditionnée par nos commissions, la publication de vos travaux ayant provoqué une controverse parfois violente. La semaine dernière, la commission des affaires sociales a auditionné le professeur Jean-Claude Ameisen, pressenti par le Président de la République pour prendre la présidence du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé. Il nous a indiqué que, lors des débats organisés dans le cadre de la réflexion en cours sur la fin de vie, il avait été frappé de constater que l’exposé de positions parfois radicalement opposées n’empêchait pas l’écoute respectueuse des opinions exprimées. C’est dans cet esprit que doit se dérouler le nécessaire débat sur les OGM, afin qu’il ne tourne pas au pugilat.

Certains ont estimé que cette audition avait été organisée dans la précipitation : je tiens à leur rappeler qu’elle a été programmée il y a deux semaines. Certains ont également considéré qu’elle n’avait pas lieu d’être, puisque le Gouvernement a saisi de cette question l’ANSES et le Haut conseil des biotechnologies (HCB). Cela n’empêche pourtant pas la représentation nationale d’être indépendante et même si, depuis cinq ans, on avait un peu négligé la séparation des pouvoirs, elle a parfaitement le droit de prendre l’initiative d’une telle audition. C’est sa liberté, que nous revendiquons.

M. Gilles-Éric Séralini, professeur de biologie moléculaire à l’université de Caen Basse-Normandie. Comme vous, je souhaite que le débat soit respectueux des arguments de chacun, mais je constate qu’il n’en a pas toujours été ainsi. L’évaluation des OGM et des pesticides n’a pas seulement d’importantes implications économiques et sociales, elle est un enjeu de santé publique. C’est pourquoi mon équipe a choisi d’étudier les effets combinés des polluants sur la santé pour comprendre la bioaccumulation et les effets à long terme de ces produits.

Ayant siégé neuf ans dans la Commission du génie biomoléculaire (CGB), ancêtre de l’actuel Haut Conseil des biotechnologies, j’ai participé à l’évaluation du maïs transgénique NK603. Comme la plupart des produits industriels depuis cinquante ans, il avait été évalué par la société qui le commercialise, en l’occurrence Monsanto. Les résultats de ces tests avaient été communiqués aux agences appelées à statuer, lesquelles font appel à des experts censés être indépendants, mais qui travaillent parfois pour des industriels. À l’époque, nous en avions débattu avec M. Marc Fellous et M. Gérard Pascal, ceux-là mêmes qui se sont exprimés les premiers dans la presse après la publication de notre étude – ils font aujourd’hui partie de l’Association française des biotechnologies végétales et, me semble-t-il, travaillent également pour l’International Life Sciences Institute (ILSI), cabinet représentant les industriels. La société Monsanto avait évalué pendant trois mois le maïs transgénique NK603 et avait trouvé cinquante effets significatifs sur des rats, mais M. Pascal ne les avait pas jugés graves, parce qu’ils n’étaient pas les mêmes chez les mâles et les femelles, et parce qu’ils n’étaient pas proportionnels à la dose. En août 2003, alors que la Commission du génie biomoléculaire n’avait pas encore été consultée, cet avis avait été transmis en urgence à la Commission européenne, et c’est ensuite seulement que le débat avait eu lieu au sein de la commission.

Pour la société Monsanto, il n’y avait pas de problèmes biologiquement significatifs, alors qu’ils étaient statistiquement significatifs. Les analyses biochimiques n’avaient été réalisées que pour dix rats, car, si l’on veut étudier tous les paramètres, des tests sur cinquante à soixante-cinq rats coûteraient 20 millions d’euros. En outre, la cancérogenèse n’est étudiée que si l’on a une très forte suspicion de cancers liés à ces produits.

M. Pascal et M. Fellous ne jugeaient donc pas utile de demander une prolongation des tests. En général, d’ailleurs, il n’est pas exigé que les études réglementaires sur les OGM avant commercialisation durent plus longtemps : elles sont au maximum de quatre-vingt-dix jours, et souvent moins depuis une décision de M. Harry Kuiper, qui travaille à l’EFSA, et de Mme Diana Banati, qui travaille à l’ILSI.

Nous avons donc décidé de poursuivre pendant deux années les tests sur ce maïs, en employant la même souche de rats, et nous avons voulu tester en même temps l’herbicide Roundup, car l’évaluation des pesticides nous semblait présenter une grave lacune : seule une molécule chimique, le glyphosate, avait été testée à long terme. Les herbicides à base de glyphosate représentent en effet les principaux herbicides du monde et 80 % des OGM agricoles sont tolérants au Roundup, si bien que le Parlement européen a dû statuer sur les résidus admissibles de glyphosate dans les reins et foies des bovins ou des porcins qui consomment des OGM tolérants au Roundup.

J’ai tout d’abord demandé à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) de bien vouloir financer notre étude, mais M. Gérard Pascal n’a pas jugé utile d’entreprendre des tests à long terme, comme l’atteste une récente interview du président de l’INRA dans Le Nouvel Observateur. Pourtant, dans la plupart des toxicités chroniques, les effets ne se manifestent pas au bout de quatre-vingt-dix jours, mais au moins à la moitié de la vie d’un animal. Si nous avons fixé ce terme de deux années, c’est parce qu’il s’agit de la durée réglementaire des tests à long terme pour le rat : un rat vit deux à trois ans, après quoi des phénomènes de vieillissement empêchent de distinguer les effets des traitements.

Il me semble que la mission première des agences n’est pas de valider une étude scientifique. Pour cela, il existe des revues à comité de lecture : le processus ne dure pas quelques jours, mais quatre mois, et il est fait appel à des experts, qui peuvent être écartés s’ils ne sont pas indépendants de l’évaluation de ces produits. Or les agences qui doivent évaluer notre travail ne sont pas indépendantes de l’évaluation de ces produits. Nous demandons donc que les données qui leur ont permis de conclure à l’innocuité de ce maïs transgénique et à celle du Roundup en état de commercialisation soient rendues publiques, comme le seront nos études, dont toutes les données seront publiées sur internet. La loi ne permet pas de garder secrètes les données concernant les effets d’un produit sur la santé et sur l’environnement. On peut comprendre le secret industriel quand il touche à un procédé ou à une méthode de fabrication, mais pas quand il concerne des analyses du sang des rats. Du reste, il existe un précédent en la matière : Monsanto a été condamné en appel à Berlin, contre l’État allemand, parce que la compagnie refusait de communiquer les quarante analyses de sang qui avaient permis d’autoriser le maïs MON863.

Après une étude statistique approfondie des tests de Monsanto, nous avons souhaité vérifier si ce que nous pensions être des prémices de toxicité pouvait correspondre, avec le temps, à des pathologies chroniques. Aussi avons-nous étudié la même souche de rats, celle qui a été utilisée pour valider tous les OGM et qui, aux États-Unis, est recommandée par le National Toxicology Program pour étudier les effets de cancérogenèse. Certes, cette souche a une sensibilité aux tumeurs mammaires, mais elle est, de ce fait, plus représentative de la sensibilité de la population humaine. Il aurait été ridicule de recourir à une souche de cobayes absolument résistants pour tester un risque de pathologie chronique.

Nous avons également retenu le même nombre de rats par groupe. Nous aurions aimé en avoir cinquante, mais les pouvoirs publics avaient considéré que le financement de notre étude n’était pas une priorité – ce que l’on peut comprendre, puisque, depuis cinquante ans, ce sont les industriels eux-mêmes qui testent les produits qu’ils développent, système qui prend la santé publique en otage et dont, dans mon livre, je propose la réforme. Nous avons donc cherché à déterminer s’il y avait des pathologies chroniques, et de quelle nature elles étaient. Ce n’est donc pas un test de cancérogenèse que nous avons conduit, mais un test de toxicité à long terme.

Selon les normes internationales de l’OCDE, pour qu’une étude statistique approfondie en biochimie soit valable, il faut que chaque groupe compte environ dix rats. Or nous avons étudié au moins cinquante paramètres de biochimie sanguine et urinaire, onze fois au cours de notre étude, sur deux cents rats. Nous avons donc obtenu des données variables complexes qui permettent de dresser des statistiques.

Outre moi-même, les auteurs de cette étude sont Émilie Clair, Robin Mesnage, Steeve Gress, Nicolas Defarge, Manuela Malatesta, chercheuse en microscopie électronique, Didier Hennequin, universitaire spécialiste de chimiométrie et de la méthode statistique OPLS-DA (orthogonal partial least squares discriminant analysis), et Joël Spiroux de Vendômois, président du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN), docteur en médecine, spécialiste des pathologies environnementales.

Ce travail a été réalisé sous l’égide de l’Institut de biologie fondamentale et appliquée (IBFA) de l’université de Caen Basse-Normandie, du pôle Risques que je codirige avec Frédérick Lemarchand – pôle associé au CNRS par l’intermédiaire de la Maison de la recherche en sciences humaines de l’université de Caen –, et le CRIIGEN, association de recherche et d’expertise qui a signé une convention avec l’université de Caen et qui a cofinancé des bourses de thèse avec le conseil régional de Basse-Normandie et d’autres organismes.

Pourquoi tester le pesticide le plus utilisé au monde ? Jamais, avant notre étude, un pesticide n’avait été testé à des concentrations aussi basses, en formulation, c’est-à-dire tel qu’il est vendu dans la bouteille. La plus faible dose est à 0,1 ppb (part per billion, partie par milliard), soit moins que ce que l’on trouve parfois dans des contaminations des eaux du robinet. Les OGM agricoles alimentaires sont pleins de pesticides, soit parce qu’ils tolèrent les pesticides, soit parce qu’ils en produisent : ce sont certes des protéines insecticides mutées, mais nous avons été les premiers au monde à entreprendre ces tests sur des cellules humaines.

Nous avons publié, dans l’excellente revue Toxicology, un autre article montrant que le principe actif de toxicité du Roundup n’est pas le glyphosate, mais des adjuvants qui agissent en combinaison avec celui-ci. Cette étude remet en cause les conclusions de ceux qui ont évalué le Roundup sur la seule base du glyphosate.

Nos détracteurs laissent volontiers entendre que nous refusons le génie génétique et les biotechnologies. Je suis moi-même un utilisateur du génie génétique pour comprendre le rôle des gènes, je l’enseigne à mes étudiants à l’université. Pour autant, doit-on renoncer à étudier les effets à long terme, sur la santé publique ou sur l’environnement, d’OGM conçus pour contenir des pesticides ? D’après les industriels qui les fabriquent, 61 % de ces OGM agricoles sont des plantes qui vont accumuler de grandes quantités d’herbicides sans en mourir. Le Parlement européen a augmenté de 100 à 400 la dose admissible dans les plantes transgéniques tolérantes au Roundup que nous importons. La réglementation américaine a autorisé jusqu’à 400 parties par million de résidus de glyphosate et de son principal métabolite dans des OGM alimentaires, alors que, pour le blé, elle en autorisait 400 fois moins, soit 1 ppm. Des résidus se retrouvent jusque dans la viande, puisque le Parlement européen statue sur les résidus de glyphosate dans les foies et les reins de bovins et de porcins.

Comme l’avait admis le ministère de l’agriculture dès les années 2000, l’évaluation conjointe des OGM et des pesticides présentait de graves lacunes. On évaluait d’un côté les pesticides et, de l’autre, les OGM, mais on ne savait pas quels étaient les résidus de pesticides dans les OGM et on ignorait si les pesticides entraînaient des perturbations endocriniennes.

Si 61 % des OGM agricoles sont tolérants à un herbicide et peuvent l’absorber sans mourir, 17 % produisent un insecticide modifié, comme les maïs Bt, et 22 % font les deux à la fois. Pourquoi déplacer le débat en parlant d’OGM tolérants au gel, à la sécheresse ou à la salinité, alors que, depuis quinze ans, 100 % des OGM cultivés dans le monde sont des plantes à pesticides ? Les industriels eux-mêmes auraient intérêt, pour développer de bons OGM, à ne pas mal évaluer ceux d’aujourd’hui, à ne pas laisser subsister des OGM brouillons, des plantes à pesticides qui stimulent l’agriculture intensive, sans évaluer leurs effets à long terme sur la santé.

Depuis des années, nos nombreuses publications ont toujours porté sur les effets des polluants de manière combinée sur les cellules humaines, voire in vivo. Aujourd’hui, nous étudions en priorité les principaux polluants des eaux de rivières et des eaux de surface. Nous ne nous focalisons pas sur les produits de la compagnie Monsanto et travaillons aussi sur le bisphénol A et sur l’atrazine, mais il se trouve que le principal polluant est le glyphosate, qui entre dans la composition du Roundup et de nombreux herbicides qui ne sont pas tous produits par la société Monsanto.

Avec ces produits composés de glyphosate et de divers adjuvants, on constate, à très faible dose, des perturbations hormonales et, à plus forte dose, une toxicité que la science réglementaire et d’autres études n’avaient pas décelée, puisque, le glyphosate étant considéré comme le plus actif, il était le seul testé. Or il ne sait pas bien pénétrer dans les cellules sans ces adjuvants.

En 2011, nous avons publié, dans la revue la plus consultée par la communauté scientifique, un article sur les insuffisances scientifiques majeures dans l’évaluation par les agences et les industriels des risques sur la santé de plusieurs OGM. Nous y formulions des propositions de réglementation pour les OGM agricoles. Nous constations que, sur dix-neuf OGM agricoles, les industriels avaient trouvé 9 % d’effets significatifs par rapport au contrôle, très inégalement répartis sur le rein, dans presque la moitié des cas, et sur le foie. Il nous semblait donc que l’évaluation scientifique des OGM était biaisée par une évaluation trop courte.

Nous avons publié notre récente étude dans l’une des meilleures revues de toxicologie alimentaire du monde, sinon la meilleure. Notre article a suivi un parcours d’évaluation : on nous a réclamé des données complémentaires, que nous avons fournies, notamment les études de composition des produits. Il s’agit assurément de l’étude la plus longue sur le maïs OGM NK603 dans l’alimentation d’un mammifère, et la plus détaillée sur les OGM agricoles, tant par le nombre de paramètres étudiés que par le nombre de doses. Conformément aux recommandations de l’OCDE, nous avons étudié trois doses – 11 %, 22 % et 33 % de maïs transgénique dans l’alimentation, la première correspondant au repas d’un Américain –, alors que Monsanto n’en avait retenu que deux. Nous avons également étudié l’herbicide Roundup dans sa formulation commerciale dès 0,1 ppb, ce qui ne s’était jamais fait : la plus faible dose correspond aux limites autorisées dans l’eau du robinet, une dose intermédiaire aux limites dans l’alimentation OGM et la plus forte à la moitié de l’exposition professionnelle lors de l’épandage.

Nous avons testé l’OGM traité ou non au Roundup, et le Roundup seul, afin de pouvoir déterminer, si jamais nous constations des effets, à quoi ils étaient dus. Les animaux ont été « monitorés » deux fois par semaine, observés tous les jours. La quantité d’eau et de nourriture consommée a bien sûr été mesurée. Nous nous apprêtons à publier toutes ces données, dont la divulgation ne nous paraissait pas pertinente d’entrée de jeu.

Trente-quatre organes ont été disséqués, examinés par microscopie optique et par microscopie électronique, ce qui n’avait jamais été fait, et onze dosages ont été réalisés au cours des deux années.

Une telle étude, qui coûte 3,2 millions d’euros, n’est pas à la portée d’un laboratoire de biologie courant. Il n’y a généralement pas d’appel d’offres de cette ampleur pour un seul laboratoire ou une seule expérience. Seuls des réseaux de laboratoires peuvent en mener. L’INRA nous ayant refusé des crédits, en se fondant sur l’opinion de M. Pascal, nous avons demandé des fonds à toutes sortes d’associations, d’organismes ou de fondations, parmi lesquels figurent des représentants de l’industrie alimentaire, comme Auchan. Une loi de 1998 les ayant rendus en quelque sorte responsables des produits qu’ils vendent, ils ont été échaudés par l’affaire de la « vache folle » – où des farines animales avaient été commercialisées sans qu’aient été pratiqués de tests à long terme – et ils sont à la recherche d’une plus grande transparence dans les évaluations.

Nous avons également mesuré les hormones sexuelles, car, d’après nos études in vitro sur les cellules humaines, cela nous paraissait important.

Nous avons remarqué que les rats nourris aux OGM mouraient plus rapidement que les autres. Ainsi, le premier mâle meurt un an avant le premier témoin, la première femelle huit mois avant. À la dose de 11 %, on note deux à trois fois plus de mortalité chez les femelles et cinq fois plus chez les mâles au dix-septième mois.

On nous a reproché de ne pas avoir effectué de statistiques. Pour couper court à ces critiques, nous avons voulu fournir les données brutes de mortalité. On ne fait pas de statistiques entre deux valeurs discrètes comparées chronologiquement. Pour cela, il aurait fallu avoir des modèles mathématiques et nous nous sommes refusés à échafauder des hypothèses sur des groupes de dix rats.

Les courbes que nous avons publiées sont issues des données brutes, mais nous n’avons pas tenu compte des effets de dépassement dans l’espérance de vie des rats de contrôle. Les phénomènes de vieillissement peuvent être prépondérants par rapport aux effets du traitement. Il n’y a donc pas de mortalité supérieure chez les mâles traités au Roundup et les effets ne sont pas linéaires à la dose. Pour des effets hormono-dépendants, on ne constate pas cette proportionnalité. Par exemple, un peu d’estradiol provoque l’ovulation ; beaucoup d’estradiol a l’effet pilule, c’est-à-dire l’effet contraire. Quarante mille chercheurs américains ont signé une pétition pour protester contre le fait que ces effets non linéaires ne soient pas pris en compte dans la réglementation et qu’on se borne à étudier des principes de toxicologie à court terme, qui ont un peu l’effet poison.

Les rats consommant des OGM et/ou traités au Roundup ont eu des tumeurs plus rapidement que les rats témoins – elles sont apparues jusqu’à 600 jours avant chez les mâles et en moyenne 94 jours avant chez les femelles – et de manière plus importante, avec deux à trois fois plus de tumeurs chez les rats traités des deux sexes.

Comme tous les chercheurs, nous savons bien que les statistiques ne disent pas toute la vérité. Elles fournissent toutefois des indications utiles et nous y avons eu recours là où elles étaient possibles, c’est-à-dire avec les données multivariables complexes – onze prélèvements sur cinquante paramètres multipliés par 200. Nous avons corroboré l’ensemble des résultats en anatomopathologie, par l’observation des animaux et de la mortalité, par la microscopie optique, la microscopie électronique et les dosages biochimiques hormonaux.

Nous avons été surpris par le nombre croissant de tumeurs. Pour les doses minimales de Roundup, par exemple, nous avons constaté que les tumeurs étaient trois fois plus importantes que chez les femelles de contrôle. Il s’agit d’un phénomène non proportionnel à la dose, avec un seuil saturant aux plus faibles doses, et qui nous apparaît pour le moins, et même si l’on ne peut pas faire de statistiques sur des groupes de dix rats, très préoccupant. Il est surprenant qu’une personnalité comme M. Gérard Pascal ait conclu avec une violence incroyable, vingt-quatre heures après sa publication, que « cette enquête ne vaut pas un clou ». Nous répondons en expliquant les liens qu’entretiennent ces personnes avec l’industrie et en rappelant qu’elles se sont battues pour empêcher ce type de tests. En médecine légale, on fait confiance au médecin légiste pour établir la cause d’un décès : là non plus, il ne saurait être question de statistiques, puisque, par définition, l’étude ne porte que sur un seul cas. Nous, nous en avons étudié 200. Selon les anatomopathologistes, les femelles sont mortes principalement de tumeurs mammaires et d’anomalies hypophysaires, ce qui corrobore l’hypothèse selon laquelle il s’agit d’un problème hormonal.

Nous avons voulu aller plus loin en collationnant l’ensemble des données biochimiques au cours de l’étude. L’anatomopathologie décelait des problèmes rénaux et hépatiques de nécrose, de congestion, et des néphropathies sévères, qui se développent effectivement chez les rats âgés, mais qui, en l’occurrence, le faisaient de manière précoce chez les rats traités.

Parmi les sujets traités au Roundup, nous avons recensé jusqu’à vingt-six problèmes mammaires sur dix rats. À la toute fin de l’expérience, nous avions cinq contrôles et dix problèmes mammaires. Les pathologies spécifiques dépendaient aussi du sexe, les mâles ayant davantage de problèmes hépato-rénaux, les femelles davantage de tumeurs mammaires, de problèmes hypophysaires et de problèmes hormonaux non linéaires – ce qui est la marque d’une pathologie hormonale –, et donc hormono-dépendants.

Au niveau statistique et biochimique, les hormones sexuelles étaient déréglées chez les femelles, ce qui, on le sait, provoque des tumeurs mammaires. On relevait, chez les femelles, 97 % de testostérone en plus et 26 % d’estradiol en moins. Pour obtenir ces résultats, nous avons utilisé la nouvelle méthode OPLS-DA, encore peu connue et peu utilisée, sauf en génomique et en transcriptomique.

Nous savions que le Roundup empêchait le fonctionnement des récepteurs aux œstrogènes et aux androgènes, à la fois alpha et bêta, et que cet effet était produit sur les cellules testiculaires humaines et de rats. Nous pouvons donc expliquer les problèmes de tumeur et les dérèglements hormonaux, puisque nous vérifions in vivo ce que nous avions observé in vitro sur des cellules de placenta et de cordon ombilical humains ou sur des lignées cellulaires. L’effet perturbateur hormonal était donc confirmé sur plusieurs modèles.

En ce qui concerne l’OGM traité au Roundup, les résidus qui sont moins disponibles par extraction peuvent également avoir cet effet. Manuela Malatesta avait en effet montré que des souris nourries au soja au Roundup présentaient les mêmes anomalies hépatiques au niveau de la microscopie, mais elle n’avait pas réalisé une étude aussi longue et aussi détaillée sur tous les paramètres, parce qu’elle avait été capable de reproduire ces effets sur les cellules hépatiques avec des résidus de Roundup ajoutés in vitro.

L’image est donc cohérente pour expliquer les effets de l’OGM avec du Roundup, mais cela n’exclut pas d’autres effets métaboliques de l’OGM lui-même. Nous avons été surpris des effets sur le traitement OGM seul. La méthode pour rendre la plante insensible au Roundup – insensible, et non résistante, en l’absence de mécanisme actif pour exclure le Roundup –, est une surexpression d’une enzyme servant à fabriquer des acides aminés essentiels chez les plantes. En l’absence de Roundup, la surexpression de cette enzyme dérègle le métabolisme et fait diminuer des acides aromatiques, tels que l’acide férulique et l’acide caféique. C’est en tout cas ce que nous avons constaté dans les croquettes équivalentes en substance et confectionnées selon les normes des bonnes pratiques de laboratoire (BPL). Cela n’exclut pas la présence d’autres composés toxiques formés par la plante et que nous allons rechercher par des expériences en génomique et en transcriptomique. Pour l’instant, nous avons un début d’explication : nous avons noté que des acides mammoprotecteurs et hépatoprotecteurs connus, l’acide férulique et l’acide caféique, figurent en moins grande quantité dans les croquettes issues d’OGM non traités au Roundup.

Nous avons donc constaté une augmentation des tumeurs mammaires et des toxicités hépato-rénales. Cela ne découle pas d’une seule statistique ou d’un seul tableau, mais de la corrélation de l’ensemble de nos résultats. Certes, nous n’ignorons pas que, comme toute étude, la nôtre a ses limites. Il n’en est pas moins vrai qu’elle est la plus approfondie jamais réalisée sur un pesticide en formulation et sur un OGM agricole. Le Roundup a de graves effets sur la santé à de très faibles doses, ce qui n’était pas connu puisque la société Monsanto n’avait testé à long terme que le glyphosate. L’OGM seul a aussi des effets métaboliques toxiques.

Nous recommandons que les autorisations de ces produits soient reconsidérées et que soient publiées toutes les données qui les ont motivées. Nous voulons, quant à nous, jouer jusqu’au bout le jeu de la transparence en divulguant nos données brutes. Aux termes de l’article 25 de la directive 2001/18/CE, qui stipule que, en aucun cas, ne peuvent rester confidentielles les informations sur les effets des OGM sur la santé, il incombe au ministère de l’agriculture de rendre publiques celles qui ont permis de conclure que l’OGM NK603 était inoffensif. Cela permettra d’en finir avec ces critiques pinailleuses sur les souches de rats ou sur le nombre de rats par groupe. L’étude de la composition chimique globale ne démontre pas l’absence de toxicité, puisqu’on peut la déceler à long terme alors que les régimes sont équivalents en substance, comme dans notre étude. Les tests réglementaires doivent être publics, indépendants des compagnies et soumis à l’expertise contradictoire. Les expériences doivent être recommencées par d’autres, prolongées pour beaucoup d’autres OGM, conduites sur des études transgénérationnelles. Nous demandons que tout soit mis sur le tapis afin que nous puissions enfin en finir avec un débat stérile qui dure depuis quinze ans et qui se focalise sur les biotechnologies, alors qu’il s’agit en fait de questions de santé publique. (Applaudissements des commissaires du groupe SRC et du groupe écologiste)

Mme la présidente Catherine Lemorton. En vous remerciant, et en remerciant toute votre équipe, je voudrais rappeler que, pendant quatre ans, nous avons connu un peu la même situation à propos de conflits d’experts dans le domaine du médicament, et qu’il a fallu un scandale pour que tout soit mis à plat.

Cela ne signifie pas que vous ayez raison, monsieur le professeur. Il nous faudra absolument prendre connaissance d’un avis contradictoire, puisque l’Assemblée est le lieu du débat.

M. Bernard Accoyer. Il y a quelques heures, nous avons appris que Serge Haroche avait reçu le prix Nobel de physique. L’année dernière, c’était Jules Hoffmann qui se voyait décerner le prix Nobel de médecine. L’excellence de la recherche publique française est à souligner, et nous serons tous d’accord pour lui rendre hommage. Or, à lire dans la presse les réactions des responsables et des scientifiques de la recherche publique française sur les travaux qui nous sont présentés aujourd’hui, je ne suis pas certain que, en l’occurrence, elle soit pleinement respectée.

Les présidents de la commission des affaires sociales et de la commission du développement durable nous ont convoqués pour auditionner le professeur Séralini. Il s’agissait donc exclusivement de parler d’une étude sur le maïs génétiquement modifié NK603, dont les résultats ont été publiés il y a une vingtaine de jours seulement dans une revue américaine.

Il ne s’agit pas ici de débattre sur les résultats, mais sur les conditions de réalisation de cette étude. Il ne s’agit pas de débattre sur les OGM ou sur un OGM en particulier, mais de parler de la validité des données expérimentales recueillies. Or, dans cette logique, cette rencontre apparaît pour le moins précipitée. L’étude n’a été rendue publique qu’il y a vingt jours, disais-je, et, dans dix jours, l’ANSES et le Haut Conseil des biotechnologies (HCB) doivent rendre un avis qu’a sollicité le Gouvernement. Il est surprenant que l’audition du professeur Séralini intervienne avant même que les parlementaires puissent disposer des conclusions formulées par des organismes officiels sur la validité scientifique des conditions de réalisation de l’étude en question.

Deux organismes publics européens, l’Autorité européenne de sécurité des aliments et l’Agence de sécurité sanitaire allemande, ont déjà émis les plus expresses réserves sur le plan scientifique quant à la conduite et à la présentation de cette étude.

Les conditions de réalisation sont également contestées par l’INRA et par des responsables d’organismes publics, et par un collectif de chercheurs du CNRS et de l’INSERM qui, dans les colonnes de l’hebdomadaire Marianne, ont considéré cette étude comme un coup médiatique, comme une démarche qui n’est pas scientifiquement et éthiquement correcte.

Il apparaît donc regrettable que ne puissent être auditionnés en même temps que M. Séralini certains de ses nombreux collègues qui contestent les conditions dans lesquelles son étude a été réalisée. En organisant la seule audition du professeur Séralini, nos commissions risquent de donner au public l’impression qu’elles apportent la caution de l’Assemblée nationale à une étude pourtant controversée au sein de la communauté scientifique française et internationale. (Protestations des commissaires du groupe SRC)

Cependant, je voudrais poser quelques questions précises à M. Séralini. Pourquoi son étude ne comporte-t-elle pas d’analyse statistique, ce qui est pourtant la règle incontournable en toxicologie et en cancérologie ? Le professeur Lavielle, qui fait autorité en matière de statistiques, l’a récemment répété à plusieurs reprises dans la presse.

Le choix de l’espèce de rats – « Sprague-Dawley » – est-il justifié, alors qu’on sait que ces rats présentent des tumeurs spontanées dès qu’ils atteignent l’âge de deux ans ?

Pourquoi les séries sont-elles aussi peu nombreuses ?

Enfin, où les études ont-elles été réalisées ? Le certificat d’agrément expérimental ne semble pas correspondre au département du Calvados.

Je voudrais également soulever la question des liens d’intérêt. S’agissant de travaux que vous avez présentés comme hautement rigoureux et d’une éthique scientifique accomplie, on peut en effet s’interroger sur le plan de communication médiatique inédit en matière de travail scientifique et de recherche. Ainsi, les journalistes ont dû signer une clause de confidentialité avant que vous ne vous exprimiez vous-même, si bien qu’ils n’ont pas pu consulter d’autres chercheurs et accomplir leur travail contradictoire de validation des informations.

Vous avez obtenu des résultats totalement décalés par rapport à ceux des innombrables travaux qui ont été conduits sur le sujet, mais cela ne vous empêche pas d’en faire la promotion médiatique avec deux livres, le vôtre et celui de Mme Lepage, et un film. Dans un cas comparable, lorsqu’un laboratoire américain de recherche en physique fondamentale a cru avoir identifié un neutrino qui allait plus vite que la lumière, il a appelé la communauté scientifique internationale à la rescousse et, au bout de quelques semaines, il a été établi qu’il s’agissait d’un artefact. C’est ainsi que fonctionne la recherche.

Je voudrais également avoir quelques renseignements sur l’indépendance et la transparence du CRIIGEN, dont vous présidez le comité scientifique, dont M. Spiroux est le président et dont Mme Lepage est la présidente d’honneur, ce qui laisse supposer la relative étroitesse du milieu, alors que, en ce domaine, il est au contraire important d’avoir une ouverture assez large.

En ce qui concerne le financement, on parle d’une fondation suisse et d’une association largement financée par la grande distribution. Je voudrais avoir des précisions sur ce point.

Enfin, madame la présidente, je demande, au nom du groupe UMP, que la commission où j’ai l’honneur de siéger auditionne les responsables de l’ANSES et du Haut Comité des biotechnologies, ainsi que l’Académie des sciences. L’Assemblée dispose en outre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, qui, en application de l’article 6 ter de l’ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées, a le rôle d’éclairer le travail des parlementaires. Nous avons bien vu, avec l’exposé hautement scientifique et les diagrammes complexes qui nous ont été présentés, que nous ne sommes pas aptes à juger de ces travaux.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Accoyer, j’ai dit en introduction que seraient organisées d’autres auditions contradictoires, notamment celle des personnes que vous avez citées.

Vous nous faites part de votre émotion face à la publicité que ces chercheurs ont voulu donner à leurs travaux. J’espère que vous êtes tout aussi émus par la publication d’un guide du médicament dont l’un de nos collègues députés est le coauteur et qui sème la panique parmi la population. Je ne vous ai guère entendu réagir à ce propos.

M. Stéphane Demilly. Monsieur Séralini, je suis heureux que notre commission ait l’occasion de vous auditionner trois semaines après la publication, dans la revue Food and Chemical Toxicology, de votre étude sur la toxicité présumée du maïs OGM NK603 de la firme Monsanto et de l’herbicide Roundup, et je me réjouis, au nom du groupe UDI, que les présidents aient annoncé d’autres auditions sur ce sujet dans les semaines qui viennent.

Cette étude, qui tend à démontrer que les rats ayant absorbé dans leur nourriture des OGM et du Roundup meurent plus vite que les autres, a suscité dès sa publication une énorme polémique. Le battage médiatique a été considérable, provoquant, dans le monde politique et dans la communauté scientifique, autant de commentaires résolument enthousiastes que de réactions violemment hostiles. Des scientifiques de l’INRA, du CNRS et de l’INSERM ont dénoncé cette étude, certains remarquant que les résultats en avaient été obtenus avec une lignée de rats développant fréquemment des tumeurs lorsque leur alimentation n’est pas contrôlée. Le Premier ministre lui-même, lors d’un déplacement à Dijon, a fait une déclaration demandant l’interdiction pure et simple des OGM en Europe, tandis que le président de l’INRA, M. François Houllier, et l’Agence européenne de sécurité des aliments prenaient clairement leurs distances avec votre étude. Des critiques ont également visé l’indépendance réelle de votre démarche et dénoncé son parti pris.

Face à une polémique aussi virulente, on ne peut que s’interroger. Est-il possible d’avoir, en France, un véritable débat de fond, objectif et dépassionné, sur la question des OGM ? Est-il possible que le Gouvernement et le Parlement légifèrent de façon éclairée et objective sur la question des OGM, dès lors que la communauté scientifique elle-même est fortement divisée et invoque des arguments contradictoires ? Faut-il donc considérer que, in fine, les décideurs politiques devront se résigner à ne tenir compte, sur ce sujet, que de leur intime conviction ?

M. Philippe Martin. Je vous remercie, madame la présidente, monsieur le président, d’avoir organisé cette réunion – à laquelle d’autres succéderont. Elle vient au bon moment et n’a rien de précipité. En tout état de cause, se tenant trois semaines après la publication de l’étude du professeur Séralini, elle est moins hâtive que ne l’ont été certains commentaires. Monsieur Accoyer, vous qui dénoncez la précipitation, ne pensez-vous pas que certains détracteurs de cette étude en ont fait preuve, qui, le lendemain même de sa publication, formulaient un avis ? Enfin, puisque vous vous interrogez sur son financement, dois-je vous apprendre qu’un sénateur UMP y a, semble-t-il, contribué grâce à des crédits provenant de la réserve parlementaire ?

Élu du Gers, département où, des années durant, les semenciers ont en catimini imposé aux agriculteurs et à tous les habitants des expérimentations d’OGM en plein champ, je puis témoigner que la confidentialité exigée alors allait bien au-delà de l’embargo demandé à la presse par le professeur Séralini. Je remercie chaleureusement ce dernier d’avoir soulevé la chape qui pesait depuis des années sur le sujet. Après son étude, rien ne pourra plus être comme avant. Je me réjouis que le ministre de l’agriculture ait décidé de revoir les procédures d’autorisation des OGM. C’est déjà un progrès considérable.

L’Autorité européenne de sécurité des aliments juge cette étude insuffisante et « inadéquate ». Durant des années, ce sont les conflits d’intérêt au sein de cette Autorité que nous jugions, nous, inopportuns. Chacun se souvient du départ de la présidente du conseil d’administration, Mme Bánáti, pour l’ILSI dont elle allait devenir directrice ! Les experts qui s’érigent aujourd’hui en censeurs de l’étude du professeur Séralini sont ceux-là même qui ont autorisé le maïs NK 603. Comment pourraient-ils se déjuger aussi rapidement ?

Je regrette que le président de l’INRA ait parlé du « doute » et du « poison de la peur » que cette étude aurait instillés dans les consciences. L’absence de doute des grandes firmes semencières et l’opacité de leur activité me semblent constituer un poison bien plus redoutable, ne serait-ce que pour la démocratie.

Selon vous, professeur, pourquoi les données sur lesquelles s’est appuyée l’autorisation du maïs NK 603 n’ont-elles jamais été rendues publiques ? Pourquoi n’a-t-on jamais pu connaître les résultats des analyses sanguines effectuées à l’époque sur les mammifères testés ? N’est-il pas surprenant que ceux qui dénoncent votre étude soient ceux-là même qui interdisent l’accès aux données scientifiques d’alors ?

Enfin, professeur, vous étiez membre de la commission du génie biomoléculaire lorsque le maïs incriminé a été autorisé. Les avis des scientifiques divergeaient au sein de cette commission. Quels étaient leurs points de désaccord et comment cela a-t-il été tranché ?

M. François-Michel Lambert. Je remercie Catherine Lemorton et Jean-Paul Chanteguet d’avoir organisé rapidement cette audition qui était nécessaire. La représentation nationale ne peut se tenir à l’écart de l’actualité à un moment où nos concitoyens s’interrogent. Il convenait que nous soyons au plus tôt informés de l’étude du professeur Séralini, que je remercie d’avoir accepté de venir devant nous.

Le 19 septembre dernier, nous avons tous été ébranlés par les résultats de votre recherche, professeur. Je salue votre courage pour l’avoir menée en secret pendant deux ans –et non trois mois seulement comme celles conduites habituellement par les firmes pour obtenir les autorisations. Elle a mis en évidence que le maïs transgénique NK 603 et le Roundup affectaient la santé des rats, avec deux à trois fois plus de tumeurs et une mortalité deux à trois fois plus élevée.

Vous avez dû la faire financer en partie par des enseignes de la grande distribution. Si l’on peut se réjouir de l’implication de ces dernières dans la recherche, jamais le privé n’égalera le public en ce domaine. Quand et comment l’État parviendra-t-il à financer de manière indépendante ces recherches qui concernent la santé publique ? Cela éviterait bien des suspicions qui vous ont valu certaines remarques désobligeantes sur la sincérité de vos travaux. Pourquoi vos recherches n’ont-elles pu être financées dans un cadre public ?

Les débats parfois très agressifs qui ont suivi la publication de votre étude nous confortent dans l’idée qu’il faut mettre une fois pour toutes en place une expertise réellement indépendante. C’est l’objet de la proposition de loi déposée en août dernier par Marie-Christine Blandin et l’ensemble du groupe Écologiste au Sénat, qui tend à la création d’une Haute autorité de l’expertise scientifique et de l’alerte en matière de santé et d’environnement.

Nous avons plus que jamais besoin de savoir en toute transparence ce que nous mangeons. Dans notre pays, les plantes génétiquement modifiées sont largement utilisées tant dans l’alimentation humaine qu’animale. Or, l’étiquetage n’est obligatoire pour les produits alimentaires qu’à partir d’un taux de présence d’OGM supérieur à 0,9 %. Alors qu’un décret du 1er juillet 2012 a institué le label « sans OGM », un label « avec OGM » ne serait-il pas préférable ? Ce ne serait plus aux produits sains d’indiquer qu’ils sont sains, mais aux produits toxiques de signaler qu’ils sont toxiques. Tous les produits contenant des OGM devraient l’indiquer. Plus encore, un produit composé de plusieurs ingrédients devrait porter la mention « avec OGM » si l’un au moins de ses ingrédients comporte des OGM ou provient d’animaux ayant été nourris avec des OGM. Ce serait inverser la charge de la preuve, pour le plus grand bénéfice des consommateurs. Qu’en pensez-vous ?

Il est désormais établi sans ambiguïté que l’ingestion d’OGM peut nuire à la santé. Au nom même du principe de précaution, le moratoire doit donc être prolongé et même étendu à leur utilisation dans l’alimentation du bétail. Le principe de précaution, énoncé par la Charte de l’environnement qui fait partie de notre bloc de constitutionnalité, devrait s’appliquer non seulement au domaine environnemental mais aussi sanitaire.

Sur ce dossier éminemment politique, comme le montrent nos débats, le Parlement doit travailler en étroite liaison avec tous les ministères concernés – agriculture, environnement, recherche, santé – car il y va de la santé de nos concitoyens.

Je vous remercie par avance, professeur, des réponses que vous pourrez nous apporter. Je vous remercie aussi et surtout, ainsi que toute votre équipe, pour le courage et la pugnacité dont vous avez fait preuve.

M. Patrice Carvalho. Beaucoup ont tenté par le passé de dédramatiser les risques que pouvaient présenter les OGM et ceux-ci se sont introduits chez nous à partir des pays voisins, alors que nous nous en tenions plutôt au principe de précaution. On est aujourd’hui, s’agissant des OGM, dans la même situation que pour l’amiante au début du 20ème siècle. Alors qu’on assurait que ce matériau était sans danger, des millions de personnes de par le monde meurent aujourd’hui de son fait. Pour ma part, j’en ai inhalé jusque dans les années 1990 dans toutes les usines où j’ai travaillé : il y en avait partout parce que c’était un matériau commode et bon marché. On n’avait pas tenu compte du principe de précaution. Et ce sont les mêmes qui prétendaient alors que l’amiante n’était pas dangereuse qui expliquent aujourd’hui qu’il n’y a pas besoin d’indemniser les personnes qui meurent pourtant de cancers qui lui sont liés ! On ne sait pas quelles conséquences les OGM auront à long terme sur la santé. Espérons qu’elles seront moindres que celles de l’amiante. Ce serait sinon dramatique vu qu’il y en a dans quantité d’aliments et que nous en ingérons donc beaucoup, sans le savoir d’ailleurs.

D’une manière générale, il faut appliquer le principe de précaution. Pour autant, si on l’invoque systématiquement au moindre doute, beaucoup de nos industries et de nos fabrications nationales risquent de disparaître. Toute la difficulté est de trouver le juste équilibre. S’agissant des OGM, ce principe s’impose. Il n’en faut pas moins continuer les recherches sur le long terme. N’étant pas un scientifique, je ne peux pas me prononcer sur la validité de telle ou telle étude. Je ne peux que faire confiance aux chercheurs. S’il y a un risque, le principe de précaution doit l’emporter sur toute autre considération.

M. Jacques Krabal. Je ne comprends pas la polémique sur le calendrier de cette audition. Lorsqu’un problème concerne à ce point la santé de nos concitoyens, il est indispensable que la représentation nationale puisse s’en saisir au plus tôt. L’audition mi-septembre du président du Haut conseil des biotechnologies nous a laissés sur notre faim. Je remercie donc ceux qui ont pris l’initiative d’organiser celle de ce soir.

Je ne comprends pas la virulence des critiques entendues ni la mise en cause de nos chercheurs. Qu’en aurait-il été si une étude avait, à l’inverse, démontré l’innocuité des OGM ? Ceux qui dénoncent les résultats de l’étude du Pr Séralini veulent-ils dire que les OGM sont sans danger ? Devant le nombre croissant de cancers ou de tumeurs, et même désormais de malformations fœtales, à l’étiologie inconnue, il était grand temps d’engager des recherches. Je salue donc la démarche de l’équipe de l’université de Caen. Il faudra plusieurs études, menées en toute transparence. Nous devons donner à la recherche les moyens d’être libre et indépendante.

Je regrette qu’on refuse au niveau européen de communiquer certaines données comme le souhaiterait l’équipe de Caen, ce qui permettrait des comparaisons.

Au-delà des OGM, il s’agit de savoir quelle agriculture nous voulons pour notre pays : une agriculture intensive, au risque que ses pratiques polluent les sols et les nappes phréatiques et que ses productions nuisent à la santé, ou une agriculture de qualité respectueuse de l’environnement comme de la santé de la population.

Je souhaite que nous puissions dépasser la controverse scientifique entourant cette étude. Ses résultats doivent contribuer à faire avancer la science, dont les progrès naissent souvent précisément de controverses. Je remercie ceux qui, par leurs travaux, éclairent notre réflexion et surtout permettront peut-être qu’au nom du principe de précaution, souvent invoqué et, hélas, trop peu souvent appliqué, des vies humaines aient été demain épargnées.

M. Philippe Plisson. L’une des principales critiques faites à vos travaux, professeur, porte sur le nombre trop faible d’animaux par lot. Combien en utilise-t-on habituellement ? Pourquoi avoir choisi des groupes de dix rats ? On vous reproche également d’avoir travaillé avec la souche de rats Sprague-Dawley. Pourquoi ce choix ? Quelles particularités présente-t-elle ? L’Autorité européenne de sécurité des aliments prétend aussi que vous n’auriez pas respecté les protocoles d’expérimentation établis par l’OCDE : votre étude présenterait notamment des faiblesses statistiques. Que répondez-vous à cette critique ?

Les Américains ingèrent beaucoup d’OGM, ce qui constitue, si l’on peut dire, une expérimentation in vivo de grande échelle. A-t-on observé une augmentation significative du nombre de cancers outre-Atlantique ?

Vos détracteurs vous reprochent votre partialité à l’égard des OGM. Pensez-vous que d’autres chercheurs pourraient, eux, avoir des intérêts personnels à les déclarer inoffensifs ?

M. Jean-Marie Sermier. Nous venons d’entendre parler de maladie de la vache folle, d’amiante, de cancer, de tumeurs… Autant de mots qui alarment. Gardons-nous donc de tout amalgame, dont l’obscurantisme est friand.

Je souhaiterais, pour ma part, avoir des réponses précises sur un certain nombre de points. Par qui exactement a été financée cette étude et à quelle hauteur ? Quels en sont les véritables commanditaires ?

N’étant pas un scientifique et ne pouvant donc me prononcer par moi-même sur la validité de l’étude, je m’en remettrai aux décisions des instances indépendantes auxquelles le législateur a tenu dans la loi du 25 juin 2008 à confier l’expertise, notamment celle du Haut conseil des biotechnologies. Une fois que celui-ci, mais aussi l’ANSES, l’INRA et l’Autorité européenne de sécurité des aliments auront pris position, accepterez-vous, professeur, leurs avis et reviendrez-vous sur ce que vous avez prétendu ?

Enfin, au nom de la transparence, pourriez-vous nous dire si vous touchez des droits d’auteur pour l’ouvrage et le film qui sont sortis en même temps qu’étaient publiés les résultats de votre étude ? Pour quel montant ? (Protestations des commissaires du groupe SRC)

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je trouve extrêmement sain que le ministre de l’agriculture envisage, une fois toutes les expertises rendues, de revoir les protocoles d’autorisation des OGM.

Votre recherche, professeur, se situant aux confins de la contamination de l’alimentation et de la toxicité de certaines substances, on ne sait pas très bien s’il faut utiliser les normes de toxicité médicale ou alimentaire, auquel cas il faudrait peut-être se poser aussi la question des ferments et autres micro-organismes utilisés aujourd’hui dans l’industrie alimentaire. Le champ ouvert est donc extrêmement vaste.

Une étude aussi déterminante que la vôtre devrait respecter les standards internationaux de recherche : taille des lots, nombre total d’individus, régime alimentaire des animaux, indication précise des constituants de l’alimentation et de la boisson fournie – il semble que la formulation du Roundup ait varié selon les lots… En tant que chercheur public, vous devez livrer l’ensemble de vos données, notamment unitaires. Vous le ferez, dites-vous, lorsque seront accessibles également celles sur lesquelles s’est appuyée l’autorisation du maïs en question. Ce n’est pas le bon raisonnement. Pour faire avancer la science et permettre l’expertise publique, il faut accepter de mettre toutes ses données sur la table, sans en exiger d’autres en contrepartie. C’est ainsi, à l’issue d’un débat contradictoire, qu’on peut espérer voir ses travaux reconnus et rasséréner, comme vous en avez l’ambition. Souvenons-nous de la publication dans la prestigieuse revue Nature il y a quelques années de cette étude qui démontrait prétendument l’existence d’une mémoire de l’eau et qui, une fois toutes les données exposées, a été invalidée !

Mme Laurence Abeille. Je trouve indigne la question posée sur d’éventuels droits d’auteur. Faut-il rappeler qu’en cette affaire on est face à des firmes qui réalisent des bénéfices considérables ? Devant ces géants de l’agro-alimentaire, qui n’hésitent pas à exercer de multiples pressions, il est très difficile de s’exprimer librement.

Je remercie Patrice Carvalho d’avoir évoqué le sujet de l’amiante et le professeur Séralini celui de la maladie de la vache folle. Oui, il faut aussi avoir présent à l’esprit ce qui s’est passé ces dernières années de façon à porter la réflexion au niveau des risques encourus.

Nous ne sommes que des élus, pas des experts. Nous entendrons des experts pour essayer de déterminer ensuite la meilleure solution pour nos concitoyens. Nous serons ensuite amenés, je l’espère, à légiférer pour assurer une protection maximale de la population face aux grandes firmes agro-alimentaires.

Les sénateurs écologistes ont déposé une proposition de loi visant à créer une Haute autorité de l’expertise scientifique et de l’alerte en matière de santé et d’environnement. Complétant les mécanismes institutionnels existants, ce texte permettrait que des alertes puissent être instruites. Il protégerait également ceux qui les auraient lancées en leur garantissant le droit de diffuser librement certaines informations sans risquer de rétorsions ni de discrimination. Pensez-vous, professeur, qu’une législation renforcée sur les lanceurs d’alerte vous eût aidé ?

Mme Isabelle Attard. Députée du Calvados, je suis ce soir heureuse que l’université de Caen et des travaux soutenus par le CRIIGEN soient à l’honneur.

Moi-même chercheur, je voudrais rappeler qu’avant publication, surtout dans une revue internationale, toute étude est longuement examinée par un comité de lecture qui ne se prononce pas à la légère. Si une revue aussi prestigieuse que Food and chemical toxicology a décidé de publier l’étude du professeur Séralini, c’est bien que les données présentées en valaient la peine.

La souche de rats utilisée ferait débat. Mais c’est la même que celle des études menées par Monsanto ! La question qu’il faudrait se poser est bien plutôt de savoir pourquoi la firme a limité ses études à 90 jours. Il faudrait aussi se demander pourquoi en 2012 en France, il faut se cacher pour mener durant deux ans une étude sur les OGM. Le sujet est aussi sensible que celui de l’amiante ou de la maladie de la vache folle.

Oui, chers collègues de l’opposition, davantage d’études seraient nécessaires. Je m’étonne d’ailleurs qu’on n’en dispose pas et j’en attends avec impatience. Mais il fallait bien que quelqu’un commence. Cette étude aura ouvert un chemin qui ne se refermera pas de sitôt et débouchera sur des moratoires que nous souhaitons tous. Si cette étude vous dérange, chers collègues, je trouve profondément regrettable que votre seul angle d’attaque, sans doute parce que vous n’en trouvez pas d’autre, soit de mettre en doute son financement.

Mme Michèle Bonneton. Je félicite le professeur Séralini et son équipe pour le courage dont ils ont fait preuve. Leur étude s’attaque à des intérêts considérables, qu’il s’agisse des OGM ou du Roundup autour desquels s’est développé un énorme business.

En démontrant qu’il pouvait exister des effets à faible dose ou que les effets n’étaient pas nécessairement proportionnels à la dose, vous avez remis en question certains dogmes pseudo-scientifiques. Vous avez également osé faire entendre une voix différente sur les effets spécifiques pouvant résulter de l’interaction de plusieurs molécules, alors que cet aspect est souvent occulté, y compris dans la directive européenne REACH (enregistrement, évaluation, autorisation et restriction des produits chimiques). Parce que ces effets combinés sont compliqués et coûteux à étudier, on préfère décréter qu’ils sont nuls !

Votre étude met en évidence des effets liés à des perturbations hormonales. Pourtant, certains scientifiques contestent jusqu’à l’existence même de perturbateurs endocriniens. Comment expliquer alors qu’on constate de plus en plus de pubertés précoces chez les petites filles aux États-Unis, mais aussi en France ?

Vos détracteurs, professeur, ont souvent des conflits d’intérêt. Comment dénoncer publiquement ces conflits ? Je ne m’étends pas sur l’impérieuse nécessité d’instances d’évaluation réellement indépendantes.

Vos travaux révèlent également le manque cruel de moyens de la recherche publique. Beaucoup de chercheurs nous avouent passer plus de temps à rechercher des crédits, souvent auprès d’organismes privés, qu’à mener leurs recherches. Or, le financement de recherches par des firmes nourrit inévitablement un soupçon sur le manque d’indépendance. Avez-vous souffert, professeur, de l’indigence de la recherche publique ?

Mme Sophie Errante. Quel est l’impact sur la santé des agriculteurs de l’utilisation des pesticides, notamment du Roundup ?

M. Alain Gest.  Une fois n’est pas coutume, je m’associe à la question de mon collègue Philippe Plisson : si l’utilisation des OGM était aussi dangereuse que cela, les Américains devraient « tomber comme des mouches » !

Par ailleurs, monsieur le professeur, pour annoncer quelque chose d’aussi nouveau en matière de recherche la meilleure méthode est-elle de se livrer à un tel « plan com », avec la sortie d’un livre, une émission de télévision, etc ? Le sujet est important et il mérite que le débat soit serein.

M. Jean-Louis Roumegas.  Dans quelles conditions et par qui les financements publics vous ont-ils été refusés, monsieur Séralini ? C’est une vraie question qui mérite sans doute une enquête administrative. Ceux qui sont à l’origine de ce refus portent en effet une lourde responsabilité car la recherche publique est de nature à garantir l’impartialité. Je demanderai au ministre d’enquêter sur cette question.

M. Denis Baupin. Je vous remercie à mon tour, monsieur le président, d’avoir organisé cette audition. Et je remercie aussi le professeur Séralini pour son courage. L’agressivité dont font preuve les adversaires de son étude en dit long sur les intérêts économiques que protègent ceux qui s’opposent à l’existence de lanceurs d’alerte sans lesquels il n’aurait pas été possible de limiter certains scandales sanitaires. Il ne s’agit pas de faire des amalgames ; mais, si l’on ne met pas en place des dispositifs pour se protéger face au risque sanitaire, les conséquences seront extrêmement graves pour les victimes !

Nous sommes, quant à nous, très favorables à l’idée d’une expertise contradictoire en matière scientifique. Quelles sont vos suggestions en la matière, professeur ? Avant de se prononcer contre votre expérimentation, l’EFSA a consulté deux scientifiques dont l’un avait participé à la première étude qui avait autorisé l’utilisation du maïs NK 603 de Monsanto. Où est l’indépendance scientifique ? Comment peut-on parler d’organismes indépendants quand les mêmes sont juge et partie ?

Mme la présidente Catherine Lemorton.  Avant de donner la parole au professeur Séralini, je voudrais faire deux remarques.

D’abord, je regrette le départ précipité de Bernard Accoyer. S’il doit partir sans attendre les réponses, cela augure mal des prochaines auditions !

M. Alain Gest.  Ça c’est un exemple de présidence objective !

Mme la présidente Catherine Lemorton.  C’est la réalité ! Tout le monde peut le constater !

Ensuite, au regard des scandales que nous avons connus, nous ferions mieux, à droite comme à gauche, de faire preuve d’un peu d’humilité et de nous dispenser de critiques lorsque la représentation nationale organise ce genre de débat au nom des citoyens qui l’ont élue !

M. le président Jean-Paul Chanteguet.  Monsieur Sermier, c’est le directeur de l’INRA qui a considéré que ces expertises devaient être conduites par l’ANSES.

Professeur Gilles-Éric Séralini. La première mission d’un professeur des universités est de s’adresser au public. Telle est la raison pour laquelle j’écris des livres – je n’en suis pas au premier  – sur l’histoire des sciences ou sur le génie génétique, livres que je publie notamment chez mon éditeur Flammarion.

Par ailleurs, il n’y avait pas de « plan com » en Russie, en Chine, aux États-Unis, en Inde, en Afrique, et les résultats de notre étude ont pourtant très rapidement fait le tour du monde parce qu’ils remettent en cause le système d’évaluation, le laxisme et l’incompétence des agences qui n’ont pas exigé des tests de plus de trois mois. Pour moi, c’est une incompétence scientifique quand il s’agit de plantes contenant des pesticides. On ne peut en effet imaginer, a priori, que de tels produits n’auront pas d’effets sur le long terme si on ne les a pas testés. Il était donc essentiel pour nous de procéder à ces tests et de publier nos travaux.

Les agences dont vous parlez ont surtout été chargées d’évaluer ces produits au niveau réglementaire, pas de discréditer des publications scientifiques, surtout lorsque figurent parmi leurs membres ceux-là mêmes qui ont autorisé les produits en question. Nous avons fait le compte : 80 % des détracteurs qui se sont très rapidement exprimés ont un rapport soit avec l’autorisation des produits, soit avec les industriels. Il y a donc aujourd’hui un vrai problème s’agissant de l’indépendance des agences que j’appelle pourtant de tous mes vœux pour avoir fait partie de commissions ministérielles. Il faut sortir du mythe de l’expertise indépendante pour instituer l’expertise contradictoire devant des comités de journalistes scientifiques où chacun pourra poser des questions. Aujourd’hui, j’ai l’impression d’un débat digne du Moyen-âge de la science. En tant que chercheur, je ne comprends pas que les analyses de sang des rats ayant permis l’utilisation du NK 603 et du Roundup soient considérées comme relevant du secret d’État ou du secret industriel alors même que l’on me demande de mettre toutes mes données sur le tapis en l’absence de celles permettant de comprendre l’évaluation scientifique d’un produit ! En fait le rôle des agences est d’évaluer ces produits, plus que les études scientifiques. À euro constant, tout doit passer par la transparence. Il suffirait d’un clic ou deux sur internet pour enlever les codes de confidentialité sur les analyses de sang relatives à ces produits.

Comment pouvons-nous penser, monsieur Accoyer, que tous ces produits qui ne sont pas testés à long terme sur les animaux ne présentent aucun risque ? Je pense aux nanoparticules, à l’amiante, au problème du sang contaminé. Ce serait faire preuve d’obscurantisme que de ne pas voir que l’externalisation des risques à long terme sur les nouvelles technologies est un phénomène commun de notre société. C’est ce sur quoi nous travaillons au sein du Pôle Risques. Pour des raisons économiques souvent, on s’interdit de commanditer, via nos agences, des tests à long terme sur toutes ces nouvelles technologies qui font l’objet d’un débat dans notre société. Et long terme ne signifie pas trente ou quarante ans, car cela retarderait les industriels. Entre la fabrication et la culture du maïs transgénique, il a bien dû s’écouler dix ans et, pendant cette période, on aurait bien pu exiger un test de deux ans sur des rats ! En tant que scientifique je ne comprends pas l’argument selon lequel cela retarderait l’industrie. Au contraire, en triant bien nous aurons de bons produits pour la santé et l’environnement et l’État fera des économies. C’est d’autant plus important que les normes OCDE pour les OGM sont encore en construction et que les tests sur les animaux ne sont même pas obligatoires.

Il y a donc des difficultés du côté du secteur public et s’il y a débat, c’est d’abord parce que la controverse scientifique est une façon de faire avancer la science. Mais c’est aussi parce qu’il y a des conflits économiques incroyables. En effet, l’évaluation à long terme – à deux ans – rendrait sans doute peu rentable le turn over des produits à court terme. Les personnes qui ont autorisé ces produits ont ainsi fait peser sur nous, dans Marianne, des suspicions de fraude que nous ne laisserons pas passer sans procès. Nous demanderons en outre une analyse indépendante de l’ensemble des données ayant servi à l’autorisation de tels produits, y compris les nôtres, et dans laquelle n’interviendraient pas les experts impliqués dans l’autorisation de ces produits. Sinon, on ne peut parler d’indépendance !

S’agissant de la pertinence de l’étiquetage OGM, je pense qu’il faudrait étiqueter les produits animaux, car que le résidu de pesticide passe la chaîne alimentaire ou non – et nous pensons qu’il la passe, car nous en avons trouvé dans les organes des rats de notre étude –, il est de toute façon malsain de manger un animal malade.

Alors que la mémoire de l’eau ou la vitesse de la lumière sont des concepts récents de la science ne présentant aucun enjeu économique immédiat, nous parlons là de concepts très simples et il est nécessaire de tester ces produits sur la vie entière au moins sur l’animal de laboratoire puisqu’il n’y a pas de tests précliniques. Cette comparaison n’a pas de sens.

Comme je l’ai dit, il n’y avait pas de « plan com » en Chine ou en Russie, et pourtant ce dernier pays a interdit les OGM, ce qui a suscité un débat très chaud. Quant au financement, il a été réalisé essentiellement par les fondations Ceres pour l’étude des effets de l’alimentation sur la santé, dont les membres comprennent des représentants d’une cinquantaine de PME-PMI – nous ne connaissons pas tous les adhérents, mais ils ont une charte de non-appartenance au monde des biotechnologies et des pesticides –, et par la Fondation pour le progrès de l’homme, qui ont apporté respectivement deux et un million d’euros. De plus, 100 000 euros ont été fournis par le ministère de la recherche, via la réserve parlementaire de François Grosdidier, et il y a eu 150 000 euros restés à la charge du CRIIGEN à cause de l’explosion du nombre des tumeurs que nous avons dû étudier. Nous cherchons donc des bourses d’étudiants pour continuer ces thèses.

Nous pensons qu’il existe des solutions saines et apaisées. Nous ne parviendrons pas à apaiser le débat sans mettre sur la table l’ensemble des analyses de sang ayant permis l’autorisation de ces produits ou de produits comparables. Sinon, nous sommes au Moyen-âge de la connaissance scientifique ! J’attends de vous, mesdames, messieurs les députés, que vous agissiez pour que soit levé ce secret illégal !

Ensuite, il faut instituer l’expertise contradictoire, chacun étant démasqué. À une époque où mon équipe faisait partie de l’INRA, celui-ci et M. Gérard Pascal, qui ne voulaient pas aller plus loin dans les études sur les rats, ont rejeté d’emblée nos propositions d’études à long terme sans justification précise. Et ce sont ces gens-là qui se sont battus pour ne pas prolonger les tests à la Commission du génie biomoléculaire ! Évidemment quand le Gouvernement a besoin d’experts dans le domaine des OGM, il utilise les personnes ayant travaillé sur ce sujet dans les grands laboratoires ou les instituts de recherche. Et il en va de même pour les grandes entreprises parce que, depuis quinze ans, l’État externalise certains crédits publics sur les collaborations avec les industriels. Par exemple, pour répondre à un appel d’offre européen, il faut très souvent un réseau de laboratoires plus un industriel. Et il faut aussi des industriels pour organiser un colloque ou trouver des emplois pour les étudiants. Je ne pense pas qu’une telle collaboration soit malsaine, mais elle a eu pour effet d’émousser le processus d’expertise contradictoire et il est aujourd’hui très difficile de trouver une réelle expertise indépendante. Le président de l’INRA suggérait lui-même récemment que Mme Christine Cherbut, qui a été directrice chez Nestlé, évalue notre étude au cours des prochaines semaines. Or, Nestlé fait partie de l’ILSI – International Life Sciences Institute. Tout le monde n’est pas compromis, mais il faut bien admettre l’intérêt pour les industriels de réduire l’ampleur et la durée des tests. Il est donc très difficile de partir, a priori, avec les mêmes, c’est-à-dire ceux qui ont travaillé avec l’ancienne Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et avec le Haut conseil des biotechnologies qui a manifesté son accord avec les tests statistiques pourtant très contestés de Monsanto. On ne peut prétendre que l’expertise est indépendante si l’on ne cesse de demander aux chercheurs du public de collaborer avec les industriels. Seule l’expertise contradictoire nous permettra de sortir par le haut.

Quant aux Américains, ils ont une espérance de vie plus réduite que la nôtre, mais je ne fais pas pour autant automatiquement le lien avec les OGM qui sont cultivés chez eux. Ils ont beaucoup plus de maladies alimentaires ; sont plus touchés par l’obésité. Et les tests sont encore moins obligatoires aux États-Unis qu’ici. De simples déclarations suffisent et beaucoup de nouveaux OGM ne font pas l’objet des tests sur animaux préconisés par l’EFSA selon la suggestion de M. Harry Kuiper qui a lui-même travaillé avec les industriels et qui est encore au comité OGM de l’EFSA. Voilà pourquoi, en tant que scientifiques, nous ne pouvons pas accepter l’idée selon laquelle, a priori, ces agences sont indépendantes. Certains de leurs membres n’ont en outre pas le curriculum-vitae permettant de contester une étude d’anatomopathologie ou de physiologie. Une fois que l’on aura vérifié les parcours et les liens de ces personnes avec l’industrie, comme le fait Le Canard enchaîné cette semaine, alors on pourra parler d’indépendance réelle.

Il faut évaluer à long terme tous les produits auxquels la population est actuellement soumise à long terme. C’est une question de santé publique. Nous pouvons nous être trompés sur tel ou tel point, mais nous croyons aux résultats de notre recherche. Nous demandons qu’une telle étude soit reproduite par la recherche publique s’il est possible d’y consacrer cinq millions d’euros. Il faut une transparence des données et une expertise contradictoire, car il n’est pas normal que ce soit à une petite équipe universitaire du Calvados d’effectuer ces tests. Nous sommes allés chercher des partenaires pour réaliser ceux-ci car nous croyons fondamentalement que la santé publique pâtit de l’absence de tests à long terme.

Docteur Joël Spiroux de Vendômois. Un numéro de la revue Toxicologic Pathology de 2010 indique que la souche de rats utilisée pour notre étude est celle qui servira, au cours des années à venir, à plus de 90 % des études de toxicologie au long cours.

Avec cette étude, nous soulevons la chape de plomb qui pèse sur la toxicologie et l’épidémiologie. Lorsque je siégeais au comité provisoire du génie biomoléculaire à l’époque du maïs Mon810 j’avais en face de moi des toxicologues me répétant que les résultats devaient être proportionnels à la dose, qu’il fallait que ce soit la même chose chez les mâles et les femelles, que toute anomalie biologique au bout de trois mois devait être corroborée par des anomalies anatomiques, morphologiques ou histologiques. Tout cela, c’est de la toxicologie de grand-papa ! C’est intéressant pour des produits toxiques forts et puissants, mais nous sommes dans un domaine complètement différent avec les perturbateurs endocriniens, l’effet des doses faibles de l’ordre de 0,1 ppb.

Notre étude met en cause non seulement les OGM et les pesticides uniquement évalués sur la molécule dite active, mais aussi la façon dont tous les xénobiotiques ont été étudiés. Je ne vois vraiment pas à quoi cela servirait qu’ils soient étudiés sur des lignées de rats résistant aux tumeurs. Pour que nous puissions protéger les personnes les plus fragiles – les femmes enceintes et les malades, notamment –, il faut utiliser des lignées de rats elles aussi plus fragiles à partir du moment où l’on peut faire des comparaisons avec des groupes témoins. Un grand changement s’impose dans la conception de la toxicologie au quotidien. Vous en conviendrez tous avec moi, le nombre de cancers augmente, celui des spermatozoïdes diminue ; les maladies neurodégénératives et immunitaires, les allergies se multiplient, alors même que le confort de vie est plutôt bon en Occident. Malheureusement, ces pathologies sont provoquées par des produits chimiques qui n’ont pas été suffisamment testés au long cours.

Quant à l’épidémiologie, elle a été inventée pour mettre en relation directe un élément pathogène – en général une bactérie – avec une pathologie bien déterminée. Or, nous n’en sommes plus du tout là puisque c’est un ensemble de produits qui entraîne des pathologies diverses et variées – c’est l’effet des mélanges. Nous assistons, en France, à une explosion des maladies orphelines dont on connaît les résultats, souvent génétiques ou métaboliques, mais que l’on ne sait malheureusement pas traiter. Actuellement, l’épidémiologie n’est pas du tout faite pour suivre les produits en question. Aux Etats-Unis, par exemple, où il n’y a pas d’étiquetage des OGM, comment voulez-vous savoir si tel produit donne telle ou telle pathologie ? Ces produits se mélangent au flot des produits chimiques toxiques que nous avons tous dans notre sang et voilà comment arrivent les pathologies. Voilà pourquoi nous avons du mal à nous en sortir, nous médecins !

En tant que président du CRIIGEN et co-auteur de l’étude, je souhaite que celle-ci soit à nouveau réalisée par différentes équipes et que l’on ait le courage de refaire les mêmes études au long cours sur la trentaine d’OGM utilisés sur la planète car certains d’entre eux ne sont peut-être pas toxiques. La porte est donc ouverte à la bonne volonté, et non pas aux détracteurs qui ne cherchent qu’à démolir une étude dont ils ne connaissent même pas les tenants et les aboutissants. Il faut de la sérénité en sciences, en médecine, mais in fine ce sont toujours les mêmes qui paient, à savoir les malades.

Professeur Gilles-Éric Séralini. Je veux remercier chacun d’entre vous. Dans les jours qui viennent, nous allons publier non seulement les réponses aux critiques, mais aussi les dizaines de témoignages de scientifiques, dont certains très haut placés dans le monde, qui soutiennent notre étude. Je pense en particulier à l’un des plus grands statisticiens de l’Académie des sciences, qui critique ce qu’a écrit M. Lavielle.

M. le président Jean-Paul Chanteguet.  Je remercie le professeur Séralini d’avoir accepté notre invitation, ainsi que tous les parlementaires ayant participé à ce débat. Le président Accoyer a dit qu’il ne voyait pas très bien pourquoi il fallait organiser cette audition alors que ni l’ANSES ni le Haut conseil des biotechnologies n’avait rendu son avis. Vos interventions et les réponses qui y ont été apportées prouvent que le moment était venu de nous saisir de ce dossier et d’auditionner le professeur Séralini. Comme l’a dit M. Spiroux, il faut maintenant confier la même étude à une autre équipe pour que l’on puisse demain faire certaines comparaisons. Il est essentiel de permettre la contre-expertise.

La séance est levée à vingt heures quarante.

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Présences en réunion

Réunion du mardi 9 octobre 2012 à 18 heures 30

Présents. – M. Bernard Accoyer, M. Gérard Bapt, Mme Véronique Besse, Mme Kheira Bouziane, M. Gérard Cherpion, M. Dominique Dord, M. Henri Guaino, Mme Joëlle Huillier, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Conchita Lacuey, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, Mme Véronique Louwagie, M. Laurent Marcangeli, Mme Véronique Massonneau, M. Bernard Perrut, M. Jean-Louis Roumegas, M. Jean-Louis Touraine

Excusés. – M. Gilles Lurton, Mme Martine Pinville, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Jean-Sébastien Vialatte

Assistaient également à la réunion. – Mme Isabelle Attard, Mme Michèle Bonneton, M. Pascal Deguilhem, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Paul Molac