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Commission des affaires sociales

Mercredi 5 décembre 2012

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 26

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Christian Lajoux, président de Sanofi-Aventis France, sur le plan de restructuration des activités en France annoncé par ce groupe

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 5 décembre 2012

La séance est ouverte à seize heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission entend M. Christian Lajoux, président de Sanofi-Aventis France, sur le plan de restructuration des activités en France annoncé par ce groupe.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous accueillons M. Christian Lajoux, président de Sanofi-Aventis France, accompagné de M. François de Font-Réaulx, vice-président en charge des ressources humaines, M. Philippe Monteyne, vice-président chargé de la recherche et développement (R&D), et M. Philippe Tcheng, vice-président en charge des affaires publiques et gouvernementales, pour une audition concernant le plan de restructuration annoncé par le groupe Sanofi sur ses activités en France.

Je tiens à préciser que la direction de Sanofi s’est prêtée sans réticence à cette audition – contrairement à ce qui arrive parfois en pareil cas.

L’annonce de ce plan, qui concerne les activités de recherche et certaines fonctions de support, a suscité l’inquiétude des salariés.

Monsieur le président, vous allez devoir faire preuve de pédagogie, car nos concitoyens comprennent mal comment un groupe faisant des bénéfices et constituant la première entreprise du CAC 40 est conduit à procéder à des restructurations pouvant donner lieu à des suppressions de postes !

Par ailleurs, nous sommes très attachés à l’avenir du groupe comme à la préservation de notre indépendance en matière de recherche pharmaceutique. Il y va de l’intérêt national.

L’intersyndicale ayant obtenu d’être auditionnée, il nous a semblé utile de pouvoir également vous entendre.

M. Christian Lajoux, président de Sanofi-Aventis France. Je vous remercie, madame la présidente, de nous donner l’occasion de présenter le projet d'adaptation des activités de Sanofi en France à l'horizon 2015. Nous resterons d’ailleurs à votre disposition après cette réunion, comme nous l’avons déjà été pour tous les élus et parlementaires qui nous ont sollicités. Nous mesurons pleinement ce que représente Sanofi en termes d’indépendance stratégique sanitaire pour notre pays : l’ensemble des actions que nous menons en tient compte.

J’organiserai mon exposé liminaire en quatre points. Qu’est-ce que le groupe Sanofi ? Pourquoi ce plan d'adaptation ? Quels sont ses objectifs ? Comment proposons-nous de le mettre en œuvre ?

Sanofi est un grand groupe international, présent dans cent pays, tant sur le terrain de la santé humaine – les vaccins, les traitements pour le diabète, le cancer, la sclérose en plaques ou les maladies rares – que sur celui de la santé animale.

Notre ancrage en France est important : 28 000 emplois – sur 110 000 dans le monde et 100 000 pour l’industrie pharmaceutique en France –, 50 % des effectifs mondiaux en R&D, quarante-neuf sites dans vingt-cinq départements – dont vingt-six sites de production chimique, biotechnologique et pharmaceutique.

Nous avons deux pôles importants sur le territoire : l’un en région parisienne, avec quatorze sites, dont le siège social, et plus de 9 000 collaborateurs ; l’autre en région lyonnaise, avec 7 000 collaborateurs – nous sommes le premier employeur privé du Grand Lyon.

Je précise que 80 % de l'activité des collaborateurs de Sanofi en France sont destinés à l'exportation ou tournés vers l'international. La France est donc la base internationale du groupe, alors même que le chiffre d'affaires de nos médicaments fabriqués et remboursés dans notre pays est en forte régression depuis 2006 et ne représente que 7 % du chiffre d'affaires total. Au total, la moitié de notre recherche et le tiers de notre production industrielle sont réalisés sur le territoire national.

Pourquoi ce plan d’adaptation de nos activités, dont je précise qu’il est à l’échéance de 2015 – il n’y a eu aucune précipitation. Nous avons trois objectifs : découvrir de nouveaux produits, faire face à la nouvelle concurrence sur les vaccins et simplifier notre fonctionnement interne.

Sanofi est la seule entreprise de cette taille en France dans l'univers de la santé. Or, la santé, comme du reste l'informatique, le numérique ou les télécommunications, est confrontée à des changements considérables.

Nous opérons dans un environnement de plus en plus concurrentiel – notamment au regard des pays émergents – et dans un contexte scientifique en évolution rapide et constante. La complexité de la recherche fondamentale et des nouvelles technologies, telles que les biotechnologies, soulève de nouveaux défis et de nouveaux enjeux : il faut y faire face pour assurer le progrès thérapeutique aux patients, qui constitue notre finalité.

Face à ces bouleversements, les dirigeants de Sanofi ont une double responsabilité : une responsabilité managériale, anticiper le changement et prendre des décisions d'investissements rapides, pour développer des innovations thérapeutiques et maintenir l'activité industrielle ; une responsabilité sociale, indissociable de la première, afin d'accompagner ces adaptations dans les meilleures conditions pour chacun de nos collaborateurs, en ligne avec nos pratiques et nos valeurs.

Les résultats et la performance actuelle de l'entreprise permettent d'exercer pleinement cette double responsabilité.

Le plan, exclusivement basé sur le volontariat, s’articule autour de trois axes : la dynamisation de la R&D, en particulier pour la recherche amont ; la compétitivité des unités industrielles du groupe pour les vaccins, notamment en termes de prix ; la simplification de l'organisation des fonctions de support, pour nous permettre de réagir plus vite.

Cette nécessaire adaptation se place d’ailleurs dans la continuité des évolutions du groupe depuis plusieurs décennies. Je suis au service de Sanofi depuis plus de vingt ans : j'ai travaillé auprès de M. Jean-François Dehecq, puis auprès de M. Christopher Viehbacher, l’actuel directeur général. Nous agissons comme nous l'avons toujours fait : dans le respect de nos collaborateurs et avec le souci permanent d'assurer la pérennité de l'emploi.

Au cours des trois dernières années, l'entreprise a opéré des changements stratégiques pour faire face à la perte des brevets de six de nos sept premiers médicaments, c'est-à-dire plus de 30 % de notre chiffre d’affaires, dans un marché mondial particulièrement difficile.

Sanofi a toujours privilégié son ancrage français en protégeant ses 26 sites industriels et en rapatriant régulièrement de l’activité industrielle sur le territoire national, que ce soit des États-Unis, de Grande-Bretagne, de Hongrie, d’Italie ou d’Espagne.

Le groupe pilote l'ensemble de ses activités mondiales depuis la France, notamment celles relatives aux vaccins et à la santé animale, dont les directions internationales ont été transférées des États-Unis à Lyon en 2011. Il n'y aura, dans le cadre du plan, ni délocalisation, ni réduction du nombre de sites industriels. Connaissez-vous beaucoup de groupes maintenant une telle présence industrielle sur notre territoire ?

Nous conduisons d’ailleurs plusieurs chantiers témoignant de cette volonté d'implantation en France, notamment la construction de deux sites tertiaires : l’un, à Gentilly – d’une superficie de 50 000 mètres carrés, destinés à accueillir plus de 3 000 personnes – dont nous avons posé la première pierre la semaine dernière ; l'autre à Lyon, qui pourrait rassembler 1 600 personnes.

Sur le plan industriel, les investissements du groupe en France se sont élevés au cours des cinq dernières années à plus de 3,5 milliards d'euros, soit la moitié de ses investissements totaux. Ils ont servi en particulier à la reconversion de sites de production chimiques : 200 millions d’euros ont été consacrés à celui de Vitry-sur-Seine – classé Seveso et dont la proximité posait beaucoup de difficultés aux collectivités locales – pour qu’il devienne un site de biotechnologies ; 350 millions d’euros ont été investis à Neuville-sur-Saône dans le cadre d’une démarche volontariste pour préserver l’emploi et adapter le groupe aux nouvelles technologies.

Le premier axe du projet vise à restaurer le taux de succès de notre recherche : aucun médicament significatif n'a été mis au point par Sanofi au cours des dix dernières années ! Sur dix-huit produits en développement avancé, trois seulement sont issus de notre recherche interne ; les autres projets proviennent de nos acquisitions de produits ou de sociétés.

La qualité de nos collaborateurs n’est pas en cause, mais il faut restructurer notre organisation en France : le succès de la recherche mondiale du groupe passe par une simplification et un changement de modèle.

La recherche amont doit être plus ouverte c’est ce qu’on appelle « l’open innovation » – et coopérative, avec les équipes académiques et les petites entreprises de biotechnologies et de recherche. Nos sites doivent être plus spécialisés, moins redondants, il faut cesser de faire « de tout partout ». Ils doivent aussi intégrer les modes de travail de la médecine translationnelle – de la paillasse ou de l’ordinateur du chercheur au lit du maladepour accélérer la mise au point des nouveaux médicaments.

Je rappelle que nous avons neuf sites de recherche en France – ce qui est un record –, travaillant souvent à distance sur les mêmes choses.

La spécialisation des activités de recherche à l'horizon 2015 entraînera un recentrage sur Paris, Lyon et Strasbourg. Certaines des activités des sites de Toulouse et Montpellier seraient regroupées à Vitry-sur-Seine, Chilly-Mazarin et Lyon.

Le site de Montpellier évoluera pour devenir un centre stratégique mondial de développement, après la fermeture de nos infrastructures de Bridgewater et Great Valley aux États-Unis.

Lyon deviendra le pôle mondial d'excellence du groupe dans les domaines des maladies infectieuses, des vaccins et de l’antibiothérapie, aux côtés du pôle de compétitivité Lyon Biopole et du nouvel institut de recherche technologique (IRT) Bioaster.

S’agissant de Toulouse, je comprends l'émotion que suscite son avenir. Mais sa vocation n'est pas déterminée à ce jour : afin d'approfondir les différentes options, nous avons proposé que soit constitué un groupe de travail réunissant les représentants de Sanofi – de la direction comme des salariés – et des acteurs publics nationaux et locaux. Les solutions qu’il suggérera seront précisées en marge du projet en cours de discussion. Ces réflexions ne remettent du reste pas en cause la collaboration en cours avec l'Institut Claudius Regaud de Toulouse.

Le second axe du projet vise à améliorer la compétitivité industrielle de Sanofi Pasteur. 97 % des vaccins produits en France sont destinés aux marchés étrangers. Or, les prix pratiqués sur les marchés émergents, où se trouve le potentiel de croissance de nos ventes de vaccins, sont très bas, et les marges s'en trouvent sensiblement dégradées. Certains produits sont même vendus par nos concurrents – qu'ils soient européens ou provenant de pays émergents – à des prix proches de nos coûts de revient industriels.

Enfin, le troisième axe du projet concerne nos activités de ressources humaines et de finances – paye, comptabilité, achats… Celles-ci ne seront ni délocalisées ni externalisées, mais regroupées en deux pôles géographiques, à Paris et à Lyon.

Comment mettons-nous en œuvre ce plan ? Par le recours exclusif au volontariat, dans la lignée de ce que le groupe a toujours proposé à ses salariés – à leur plus grande satisfaction. Nous proposerons trois types de dispositions : des cessations anticipées d'activité, qui seront offertes à 1 300 collaborateurs ; un dispositif de mobilité externe volontaire, qui pourrait se traduire par le départ de 300 à 400 personnes ; des mobilités géographiques entre bassins d'emploi, prévues à hauteur de 800 postes, dont 500 dans la même région et 300 entre des régions différentes. Des mesures incitatives spécifiques sont prévues. L’expérience montre que le taux d'adhésion à ces dispositifs est de l'ordre de 90 %. D’ailleurs, les salariés de Sanofi les réclament.

Ces dispositifs seront mis en œuvre dans la transparence, en respectant la volonté des collaborateurs et en concertation avec les partenaires sociaux – auxquels je rends d’ailleurs hommage, car ils nous ont souvent aidés à trouver des solutions à des cas difficiles ou particuliers. Des comités de suivi paritaires seront instaurés à cet effet.

Le solde net des suppressions de postes à l'horizon 2015 serait de 914 en France, soit chaque année d’ici là, 1 % de l'effectif du groupe, ce qui reste très en deçà du taux d'attrition naturelle de la plupart des grandes entreprises du CAC 40.

Étalées sur trois ans, ces mesures seront appliquées avec la volonté de maintenir notre ancrage dans le pays, dans la mesure où nous y trouvons les structures adaptées, l’excellence scientifique et la compétence professionnelle dont nous avons besoin.

En conclusion, je voudrais insister sur trois points.

D’abord, je confirme que Sanofi restera fortement implanté en France, comme en témoigne l'importance des investissements en cours pour la consolidation de notre outil industriel et notre place de premier investisseur de l’hexagone dans les sciences du vivant. Aucune entreprise n’y investit autant dans le domaine de la recherche.

Deuxièmement, le groupe sera un partenaire actif dans la mise en œuvre du pacte national pour la compétitivité, la croissance et l'emploi, annoncé par le Gouvernement, afin de participer au développement d’une filière d'avenir.

Il restera aussi le partenaire d'une politique dynamique du commerce extérieur – Sanofi a généré plus de 7 milliards d'euros d’excédent commercial en 2011 – et un véritable atelier de recherche et de production dans le domaine de la santé pour le monde entier depuis sa base française. Il a également l'ambition d'être un catalyseur en matière de recherche biopharmaceutique.

Enfin, si le plan a suscité beaucoup de commentaires et d'émotion, il est important de poursuivre le dialogue social pour répondre à l'attente de nos collaborateurs. J’inviterai bientôt l’intersyndicale à une rencontre à ce sujet.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Avant de donner la parole aux représentants des groupes, permettez-moi de vous poser deux questions. Le Boston Consulting Group a constaté que vous aviez mis sur le marché moins de nouveaux médicaments que vos concurrents, en dépit d’investissements en recherche et développement souvent supérieurs. La nouvelle stratégie du groupe, consistant à procéder à de nouvelles acquisitions plutôt qu’à investir dans la recherche, n’a-t-elle pas contribué à freiner votre recherche interne ?

Par ailleurs, croyez-vous au « vrai » volontariat ? Que proposerez-vous aux salariés qui n’accepteraient pas de partir là où vous leur offrez un poste ? Il n’est pas toujours aisé de se délocaliser, même sur le territoire national.

Le président Accoyer me fait savoir que des frémissements ou des « ricanements » se feraient entendre au fond de la salle. Si tel est le cas, je demande aux personnes concernées de ne pas s’exprimer. J’invite cependant les parlementaires à donner l’exemple !

M. Gérard Bapt. Nous apprécions à sa juste valeur la présence du groupe Sanofi en France et sa contribution aux résultats de notre économie et à l’activité dans nos régions. Nous avons bien noté qu’après une stagnation, voire une baisse en 2008 et 2009, votre chiffre d’affaires était de nouveau en hausse – et ce malgré la perte de brevets que vous avez signalée. Votre patron mondial a d’ailleurs confirmé dans une interview que Sanofi voyait « le bout du tunnel ».

Nous apprécions également que 40 % de vos dépenses de R&D soient réalisées en France. En exportant, vous contribuez d’autre part utilement à notre balance extérieure.

Néanmoins, les représentants syndicaux que nous avons rencontrés ce matin nous ont dit que ce plan social était le septième en quelques années. Ils se sont aussi plaints d’un manque de concertation dans la phase actuelle. Vous avez appelé à la concertation, mais les syndicats réclament maintenant le recours à un médiateur et l’organisation de rencontres tripartites en présence de l’État. Comment pouvez-vous dire que la concertation a été conduite de manière exemplaire ?

Nous sommes conscients que des changements considérables ont affecté le secteur pharmaceutique dans les dernières années. Ils ont aussi concerné les modèles économiques : en témoignent les orientations du conseil d’administration du groupe, selon lesquelles l’engagement pris vis-à-vis des actionnaires était d’augmenter de manière continue le montant des dividendes versés, en portant son niveau de 35 % du résultat net en 2011 à 50 % en 2014. Sachant que l’industrie pharmaceutique en général – et Sanofi en particulier – ont un très bon niveau de rentabilité, vous comprendrez qu’une telle irruption de la finance dans les orientations du groupe nous inquiète.

Vous assurez que le patient reste l’objet de votre activité. Nous avons pourtant entendu ce matin que le secteur de la pharmacovigilance, auquel Catherine Lemorton et moi-même sommes particulièrement sensibles, avait perdu des effectifs, alors que la tendance nationale et européenne est au renforcement de la surveillance.

Vous entendez regrouper à Lyon les directions internationales des vaccins et de la santé animale. Mais nous avons entendu ce matin la liste des lignes de production de vaccins que vous abandonneriez ou délocaliseriez : rougeole, rubéole, oreillons, méningocoque, coqueluche… Il est clair que la notion de compétitivité correspond aussi à un souci de rentabilité. Comment le centre d’excellence mondial de Lyonbiopôle supportera-t-il la délocalisation de lignes de production concernant des maladies aussi importantes que la rougeole, dont la prévalence tend à augmenter ? Vous auriez par ailleurs abandonné la ligne concernant la production antibiotique, au moins dans notre pays. À l’heure de l’antibiorésistance, c’est pourtant un enjeu important de santé publique.

En ce qui concerne les effectifs, je note des discordances entre vos chiffres et ceux qui ont été cités ce matin. Peut-être convient-il d’ajouter les 1 200 départs volontaires au solde négatif de 914 ?

M. le président de Sanofi-Aventis France. Non : ce solde net tient compte des départs volontaires que nous avons prévus.

M. Gérard Bapt. Je terminerai par le vaccin et les inquiétudes qu’il suscite. Les publicités de votre département santé animale mettent en avant le fait que les vaccins destinés aux animaux sont sans adjuvants, donc sans sels d’aluminium. Comment se fait-il que vous ayez abandonné la production sans sels d’aluminium pour des vaccins obligatoires destinés aux hommes ? Les patients ne mériteraient-ils pas d’avoir le choix ?

M. Arnaud Robinet. Je vous remercie, monsieur le président, pour les éclaircissements que vous nous apportez sur la situation et les projets de restructuration du groupe Sanofi.

L’industrie pharmaceutique n’échappe pas à la problématique de la compétitivité, qui touche aujourd’hui l’ensemble de nos secteurs industriels. Elle doit en outre faire face à une double contrainte. La première tient à la « révolution scientifique » du médicament. Nous devons désormais prendre en considération ce qui se fait dans d’autres entreprises ou sur d’autres continents. Dans ma circonscription, certains de vos concurrents ont eux aussi fermé des centres de recherche. Quelles sont, selon vous, les mesures que les pouvoirs publics pourraient proposer pour accompagner l’industrie pharmaceutique et conserver en France ce fleuron de notre économie ?

À côté de la pression scientifique et de la pression économique qui s’exercent sur le secteur, n’ayons pas peur de parler aussi de pression fiscale – en reconnaissant que tous les gouvernements y ont contribué. Depuis un certain nombre d’années, ce secteur fait l’objet d’un véritable harcèlement. Or, nous avons besoin d’une industrie pharmaceutique forte sur notre territoire. Il y va de la santé de nos concitoyens et de la renommée de la recherche scientifique française.

Pouvez-vous nous garantir que le projet d’adaptation de vos effectifs en France à l’horizon 2015 est exclusivement fondé sur le volontariat, et permettra d’accompagner l’ensemble des salariés – ceux qui choisissent d’être mutés sur un autre site de recherche ou de production comme ceux qui souhaiteront donner corps à d’autres projets professionnels ou personnels ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Si l’industrie pharmaceutique mérite toute notre attention, nous pouvons tout de même lui imposer certaines contraintes. Faut-il rappeler qu’elle est solvabilisée par la solidarité nationale ? Stratégique sur le plan de la santé, elle l’est aussi sur ce plan-là. Que je sache, une voiture n’est pas remboursée par la sécurité sociale !

M. Jean-Louis Roumegas. En tant que représentants de la Nation, nous sommes heureux de vous entendre sur vos projets, monsieur le président. Mais nous souhaitons aussi que vous entendiez ce que nous avons à vous dire, qui est simplement l’écho de ce que nous disent nos concitoyens. Vous savez que la majorité envisage de légiférer pour limiter ou interdire les licenciements ou les suppressions d’emplois à caractère boursier. En situation de crise, c’est une exigence qui s’impose à l’ensemble des acteurs économiques. En outre, l’industrie pharmaceutique est un enjeu stratégique en matière de santé publique. Vous l’avez vous-même reconnu : le système de sécurité sociale français vous a permis de vous développer, et sans doute de conquérir des marchés internationaux. Il ne faut pas oublier le rôle qu’a joué la solidarité nationale dans le développement de votre entreprise et du secteur pharmaceutique en général. J’ajoute que vous avez reçu des aides publiques en matière de recherche, ce qui nous autorise à vous demander des comptes.

Les dissonances entre le discours des syndicats et le vôtre apparaissent nombreuses. Cela mérite des explications de votre part. Vous évoquez environ 910 suppressions de postes, là où les syndicats parlent de 2 000 à 2 400. Vous parlez de volontariat, mais celui-ci serait très relatif : quelle peut être la marge de liberté d’un salarié dont on supprime l’activité sur un site donné, et que vaut la notion de volontariat dans ce cadre ?

J’en viens à la stratégie. Vous avez reconnu vos défaillances en matière de recherche en indiquant que sur dix-huit produits nouveaux, seuls trois étaient issus de la recherche interne. On est en droit de se demander si vous ne seriez pas tentés d’externaliser l’intégralité de la recherche. De votre propre aveu, vous avez eu davantage recours à des acquisitions à l’extérieur qu’à la recherche interne ? La tentation pourrait même être de compter sur la recherche publique pour vous concentrer sur la production.

S’agit-il simplement de regrouper les activités de recherche en France sur les sites de Paris et de Lyon, ou réduisez-vous la part de la recherche effectuée dans notre pays pour la délocaliser ? Si la recherche est externalisée, qu’est-ce qui peut garantir que la production reste sur le territoire national ? En général, ce sont les activités de recherche qui sont maintenues dans les pays les plus développés, tandis que la production est délocalisée.

Votre stratégie de développement suscite la même perplexité. Parallèlement aux restructurations, vous développez en effet des activités nouvelles qui ont peu à voir avec la santé publique. Vous vous associez à l’industrie agro-alimentaire pour vous lancer dans les compléments alimentaires. Je pense au projet en cours sous la marque Oenobiol. Pour le dire clairement, vous allez introduire Coca-Cola dans nos pharmacies ! Pour qui se soucie de santé publique, c’est un sujet d’inquiétude, ne serait-ce qu’en raison de la collusion des intérêts que cela sous-entend. Nous avons déjà pris des mesures dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour dénoncer les projets de certaines branches de l’agroalimentaire, qui nous semblent peu compatibles avec les objectifs de santé publique.

Vous avez dit que votre finalité principale restait le malade ou le patient. N’est-il pas en train d’être supplanté par l’actionnaire ?

M. Bernard Accoyer. Nous siégeons ici dans la commission permanente qui est chargée de la santé des Français. Je m’attendais donc à ce que les interventions de nos collègues portent sur le médicament, la recherche, l’innovation, les sciences du vivant, bref l’essentiel de ce qui a fait l’histoire de notre pays et de ce qui a permis à l’industrie du médicament de rester un grand secteur industriel en France, exportateur et employeur. Au vu de la réunion de ce matin et des premiers échanges de cet après-midi, il semble qu’on s’intéresse plus hélas aux problèmes de relations sociales dans une grande entreprise française – qui reste compétitive – qu’à savoir ce qui pourrait demain créer des emplois et de nouvelles richesses, pour permettre de financer le pouvoir d’achat des Français et notre protection sociale.

Rappelons que les dérives dans l’exercice du droit syndical ont conduit à la disparition des ports français. Attention à ce que le harcèlement contre l’industrie pharmaceutique ne produise des effets comparables. Il se prolonge parfois dans notre commission, ce qui ne peut qu’inquiéter ceux qui suivent nos travaux en divers points du globe.

Permettez-moi d’interroger la direction de Sanofi sur les obstacles auxquels se heurte le maintien d’un certain nombre de productions en France. Je pense aux distorsions qui peuvent exister avec d’autres pays du fait des spécificités de notre droit du travail ou du coût et de la durée du travail en France – qui sont sans doute à rapprocher de la faible productivité de notre recherche privée.

J’aimerais également, Messieurs, connaître votre avis sur les conditions des expérimentations, en particulier dans l’innovation, en raison de l’abus du principe de précaution – qui, selon la Constitution, ne devrait s’appliquer qu’à l’environnement. Que pensez-vous d’autre part des campagnes anti-vaccination et anti-additifs dans les vaccins, dont nous venons d’entendre un nouvel écho ?

Enfin, je m’inscris en faux contre les critiques qui vous sont adressées sur la diversification que Sanofi projetterait dans le domaine des compléments alimentaires. Je me félicite plutôt de vous voir explorer de nouvelles voies de développement industriel, et je déplore l’habitude prise sous la précédente législature qui consiste à taxer tel produit parce qu’il est trop salé, tel autre parce qu’il est trop sucré. À ce rythme-là, nous envisagerons bientôt de taxer les assiettes et les cuillères !

Mme la présidente Catherine Lemorton. Le sujet de la santé et du médicament a été débattu l’an dernier lors de la discussion de la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament. Il l’est aussi chaque année dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. En revanche, nous avons convoqué les représentants syndicaux et les dirigeants de Sanofi aujourd’hui parce qu’il y a un conflit social dans cette entreprise. C’est bien, me semble-t-il de la compétence de notre Commission. Il ne s’agit donc pas d’évoquer la politique du médicament en France. Nous pourrons, si vous le souhaitez, consacrer ultérieurement une réunion à ce sujet.

M. Jean-Noël Carpentier. Le but de ces auditions est en effet d’aider à la résolution du conflit. Les propos polémiques de nos collègues de l’opposition ne vont pas hélas, dans ce sens. Les « ricanements » dont vous parlez, monsieur Accoyer, sont ceux des syndicalistes. Je veux, quant à moi, saluer le travail qu’ils accomplissent chaque jour au service des salariés. Ne vous en déplaise, ce travail est reconnu par notre droit. Ils sont donc dans leur rôle en assistant à cette audition, qui les concerne au premier chef.

Vous nous avez rappelé les orientations qui sont celles du groupe Sanofi, monsieur le président. Les syndicalistes que nous avons rencontrés ce matin ne vous dénient pas le droit de réfléchir à des restructurations. Mais ils souhaitent cependant que celles-ci aient une utilité sociale pour l’entreprise, et que leur seul objet ne soit pas d’accroître les dividendes versés aux actionnaires. Le groupe Sanofi a beau faire notre fierté, ce plan de restructuration nous inquiète. Voilà un groupe qui fait des bénéfices et qui verse de plus en plus de dividendes, tandis que la courbe des emplois décroît. Convenez qu’il y a matière à s’interroger ! Comment un grand groupe international comme le vôtre, qui a puisé sa force dans notre territoire, peut-il choisir cette stratégie à l’heure où celui-ci traverse une crise aussi grave ? L’entreprise ne doit-elle pas adopter un comportement citoyen ? En tant que fleuron de l’industrie française, vous avez une responsabilité !

Nos craintes portent notamment sur les activités que vous pourriez abandonner ou délocaliser. Les chiffres parlent d’eux-mêmes – vous les avez évoqués tout à l’heure. Nos collègues ont parlé de vos nouvelles activités dans le secteur agroalimentaire. Qu’en est-il vraiment ? En vérité, votre stratégie manque de lisibilité, et nous peinons à la comprendre. Quelle est-elle exactement ?

Nous savons bien sûr que Sanofi est un groupe mondial, mais nous sommes plus particulièrement préoccupés par sa situation en France. Vous affirmez que les salariés vous demandent la mise en place de ce plan, monsieur le président. Les syndicats se sont pourtant montrés unanimes ce matin pour nous dire qu’ils n’en voulaient pas en l’état et qu’ils souhaitaient le rediscuter. Ils nous ont en quelque sorte appelés à l’aide pour les aider à négocier, car, disent-ils, le dialogue est bloqué. Ils proposent donc le gel de votre plan et l’organisation d’une réunion tripartite entre vous-même, les représentants des salariés et les pouvoirs publics, afin d’envisager des solutions alternatives aux suppressions de postes. À l’heure où le taux de chômage atteint un niveau record et où les plans de licenciement se multiplient, faut-il vraiment en rajouter ? Cherchons plutôt ensemble des solutions alternatives à ces 914 suppressions de postes. Je suis convaincu que cela ne remettra pas en cause l’avenir d’un groupe qui verse des milliards d’euros de dividendes. Au moment même où vous annonciez ces suppressions de postes, l’un de vos dirigeants, M. Spek, a touché 500 000 euros de stock-options. Vient un moment où certaines choses prennent valeur de symboles.

M. Gérard Sébaoun. Nous suivons avec beaucoup d’attention le conflit qui vous oppose à l’intersyndicale. Ce plan de suppressions d’emplois n’est pas le premier. Il touche à un secteur stratégique pour la santé publique et pour la compétitivité de notre pays. Vous comprendrez donc que nos exigences soient à la hauteur des performances d’une des plus grandes entreprises du CAC 40.

Mes lectures, vos déclarations et celles des salariés auditionnés ce matin me font penser que le virage des biotechnologies a sans doute été pris trop tard. Comment expliquez-vous cette défaillance d’anticipation ?

Vous avez programmé l’arrêt de la fabrication de certains vaccins. Comment interpréter votre retrait, s’il est avéré, dans un secteur aussi essentiel et universel que celui des vaccins, qui pèserait dès lors à peine plus que la santé animale ?

Comment interpréter votre charge contre les pouvoirs publics, s’agissant des visiteurs médicaux ? Vous feignez d’ignorer la réalité d’un métier que vous connaissez parfaitement, et dont la décroissance des effectifs n’a pas attendu les derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Je terminerai par une observation qui pourrait s’appliquer à d’autres groupes. Nos concitoyens sont exaspérés de voir que l’on détruit des emplois tout en maintenant les rémunérations des plus hauts dirigeants à des niveaux « stratosphériques » et en distribuant généreusement les jetons de présence.

Il m’est donc difficile d’accepter sans recul ce que vous avez appelé votre responsabilité sociale.

M. Jean-Luc Moudenc. On ne peut manquer d’être frappé par un paradoxe : d’un côté, une société qui se porte bien, qui fait des bénéfices et distribue des dividendes ; de l’autre, des suppressions d’emplois qui se succèdent. Cela mérite une explication.

Y a-t-il, de votre part, un changement de modèle industriel, issu d’un choix assumé ? Il arrive que des groupes industriels passent d’un modèle intégré à un modèle laissant beaucoup plus de place à la sous-traitance. Est-ce ainsi qu’il faut interpréter les choses ? Estimez-vous préférable de vous délester de votre recherche, parce que le modèle économique mondial du secteur vous contraindrait à faire ce choix ? À vous entendre, il semble que le serpent se morde la queue. Vous nous dites que seuls trois nouveaux produits sur dix-huit sont issus de la recherche interne, et qu’aucun médicament significatif n’a été mis au point chez Sanofi depuis dix ans. Est-ce la conséquence ou la cause ? Est-ce parce que votre potentiel de recherche a diminué qu’il produit moins, ou est-ce à partir de ce constat que vous faites des choix nouveaux ? Nous aimerions être éclairés sur ce point.

Il y a déjà eu plusieurs plans visant à améliorer la productivité du groupe. Or, selon les syndicats, aucun bilan stratégique n’a été présenté. Qu’en est-il ?

S’agissant de la méthode, l’intersyndicale s’est prononcée ce matin pour une réunion tripartite entre direction, syndicats et représentants du Gouvernement. Y êtes-vous favorable ? Avez-vous une idée de la position du Gouvernement, madame la présidente ?

Je souhaite enfin vous interroger sur l’avenir du site de R&D de Toulouse. Nous avions compris dans un premier temps qu’il était rayé de la carte. Aujourd’hui, nous sommes dans l’incertitude, alors que l’Oncopôle, adossé à un pôle de compétitivité, et qui répond à une volonté politique forte, est en train de voir le jour. Je le dis car vous avez invoqué l’engagement de l’État et des collectivités locales à travers le pôle de compétitivité et l’institut de recherche technologique (IRT) pour expliquer le choix de Lyon. Ne pensez-vous pas qu’il devrait en être de même à Toulouse ?

Mme Monique Iborra. Votre entreprise va très bien, et nous nous en réjouissons. Votre chiffre d’affaires mondial s’élève à 33 milliards d’euros, dont 8 % sont réalisés en France. Sans remettre son principe en cause, nous nous interrogeons sur la finalité de votre plan de restructuration, d’autant qu’il ne s’agit pas du premier. Cherchez-vous à faire des économies, alors même que votre entreprise reste très rentable en dépit de la perte de certains brevets ? Ce plan relève-t-il d’une logique financière assumée, d’une logique de compétitivité ou d’une logique industrielle ?

Je note en tout cas que 3 000 emplois ont déjà été supprimés depuis 2007. Selon nos informations, les effectifs de la R&D auraient diminué de 22 %, et les budgets de 15 %. Confirmez-vous ces chiffres ?

Par ailleurs, vous ne nous avez pas dit à quelle date vous comptez procéder au regroupement des sites. Nous avons compris qu’il n’interviendrait pas dans l’immédiat. Or, le plan que vous avez annoncé en juillet prend effet dès maintenant. Que signifie ce décalage ?

Pourquoi ne parlez-vous pas du pôle de compétitivité et de l’Oncôpole de Toulouse ? Ce silence est d’autant plus étonnant que deux des trois produits en développement en France viennent de Toulouse.

Enfin, si vous assurez que vous êtes prêts à renouer le dialogue social, c’est donc qu’il a été rompu.

M. Denys Robiliard. Ne perdons pas de temps en polémique inutile : les considérations pharmaceutiques comme celles de droit social relèvent du champ de compétence de notre Commission.

Nous sommes satisfaits de compter Sanofi parmi les entreprises françaises, et nous nous réjouissons de son chiffre d’affaires et de ses résultats, sa capitalisation boursière étant le reflet de ses performances. Sans être des juges, nous avons besoin d’information contradictoire ; vous entendre à la suite des représentants des salariés nous permet de faire notre travail de contrôleurs des politiques publiques et de législateurs du droit du travail.

Les syndicats nous ont indiqué qu’entre 2007 et 2011, au niveau mondial, le ratio entre les dépenses consacrées à la recherche et au développement, et le chiffre d’affaires, était passé de 17 à 15 %. Est-ce exact, et pouvez-vous expliquer la cause de cette baisse ? Quelle perspective envisagez-vous, sachant que pour une entreprise comme la vôtre, la recherche et le développement représentent l’avenir ?

J’ai également entendu ce matin que vous n’aviez pas fourni le bilan du plan Transforming. Pourquoi ? Quels en sont les premiers éléments ? Pourrez-vous le réaliser avec les partenaires sociaux, et le cas échéant, nous le transmettre ?

Vous affirmez que la restructuration passe par des départs volontaires. Nous avons pourtant entendu ce matin que certains, s’ils acceptaient de partir, ne le faisaient pas de gaîté de cœur. Pourquoi avoir mené une procédure de consultation et d’information du comité d’entreprise bien plus limitée que ce que prévoit normalement un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) en cas de suppression aussi importante de postes ? Quel est le statut des salariés qui partent dans le cadre de ces départs volontaires ? Ont-ils droit à l’assurance chômage ? Avez-vous un suivi de leur sort à la sortie de Sanofi ?

M. Jérôme Guedj. En tant que député d’une circonscription – la sixième de l’Essonne – qui, à Massy et à Chilly-Mazarin, abrite un dixième des effectifs de Sanofi en France, j’appelle votre attention sur l’ambiance qui règne parmi vos salariés. On les sent démobilisés et méfiants quant au projet et à la stratégie de l’entreprise. Comment appréhendez-vous cet aspect des choses ?

Depuis que vous avez présenté votre plan de restructuration, l’état du droit a évolué. Avez-vous fait une estimation de l’apport que peut représenter pour vous le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), récemment adopté dans le cadre du pacte de compétitivité ? Les sommes perçues pouvant être utilisées au service de la compétitivité, de l’investissement, de la recherche, de la formation et de l’embauche, cette nouvelle situation ne pourrait-elle pas vous inciter à remettre en question votre plan de restructuration, en affectant le crédit d’impôt – dans un geste de patriotisme économique – à la sauvegarde des emplois ?

M. Christophe Borgel. Élu de Haute-Garonne où est situé votre site toulousain, je m’associe aux questions portant sur le bilan du plan précédent, la production des vaccins et le caractère volontaire des départs. Que ferez-vous si le nombre des volontaires est inférieur à vos prévisions ?

Vous avez évoqué le regroupement de l’infectiologie, à Lyon pour l’essentiel, au prétexte qu’il serait bénéfique de concentrer en un même lieu les activités de recherche de plusieurs acteurs, publics et privés, dont l’Institut de recherche technologique (IRT) de Lyon. Au-delà du discours théorique, quelle est la situation et quels sont vos projets en matière de collaboration avec cet institut ? Nous avons besoin d’éléments concrets, car ce regroupement amènerait les salariés concernés à s’arracher non seulement à leur lieu de travail, mais aussi à leur lieu de vie.

Tout comme le Gouvernement, vous renvoyez l’avenir du site de Toulouse aux conclusions de la mission interministérielle. Si pour des raisons de droit social, on ne peut évoquer les détails de votre projet, pourquoi êtes-vous passés d’un extrême à l’autre : bon à jeter hier, le site devrait aujourd’hui garder sa vocation scientifique et technique ? Ce changement de discours – que je salue –, est-il sincère ?

Notre collègue, Jérôme Guedj, propose d’utiliser le crédit d’impôt compétitivité emploi pour surseoir aux départs, mais l’on pourrait également songer à une autre utilisation. Vous dites vouloir maintenir les activités de recherche en France ; mais embauchez-vous des postdoctorants ? Le crédit d’impôt pourrait servir à un effort particulier en cette matière, contribuant à créer des liens avec la recherche publique.

Mme Kheira Bouziane. Monsieur le président, les députés de la majorité sont fiers, eux aussi, de la réussite de Sanofi, fleuron de l’industrie française. À l’instar des syndicats, nous comprenons que dans la vie d’une entreprise, il est parfois nécessaire de procéder à des changements pour améliorer non seulement la rentabilité, mais également les conditions de travail des salariés.

Dans votre exposé, vous avez évoqué la double responsabilité – managériale et sociale – de l’entreprise, et c’est sur la seconde que je voudrais des précisions. Même si la réduction d’emplois directs que propose votre plan évite les licenciements, combien d’emplois indirects seront touchés, notamment chez les sous-traitants ? N’est-il pas de la responsabilité sociale des entreprises de contribuer à la création d’emplois, surtout lorsqu’elles présentent une santé économique et financière telle que la vôtre ? Vous avez insisté sur l’ancrage de votre entreprise sur notre territoire, mais je ne peux que partager l’inquiétude des syndicats quant au sort réservé à vos différents sites de production. La recherche effrénée de la rentabilité financière ne finira-t-elle pas par les mettre à mal ?

Mme Martine Martinel. En vous écoutant, monsieur Lajoux, j’ai le sentiment que vous niez l’excellence des chercheurs, dont j’ai pu mesurer pourtant l’attachement à leur métier durant toutes les années où j’étais élue d’une circonscription abritant un site Sanofi.

Je suis également étonnée de vous entendre dire que les salariés sont demandeurs de vos propositions de départ.

Si vous vous séparez du site toulousain, même en continuant à travailler avec l’Institut Claudius Regaud, comment comptez-vous respecter l’équilibre fragile créé autour de l’Oncopôle ?

M. Jean-Patrick Gille. Élu de la Touraine, je m’intéresse également à Sanofi qui a rapatrié une production à Tours. N’en déplaise à Bernard Accoyer, je ne traiterai pas de questions spécifiques à cette entreprise, mais de sa responsabilité managériale et sociale au sens large. Vous faites le choix – coûteux pour votre entreprise – de privilégier, pour les salariés en fin de carrière, la cessation anticipée d’activité. On ne peut que soupçonner que vous le faites pour améliorer les dividendes des actionnaires au détriment des salariés, notamment des chercheurs.

Pouvez-vous préciser votre stratégie de recherche ? Nous avons compris votre volonté de recentrer vos activités à la suite des acquisitions ; mais quels espoirs placez-vous dans les biotechnologies ? Pensez-vous que leur développement nécessite un management et une organisation du travail et de la recherche profondément différents ?

M. le président de Sanofi-Aventis France. Pour éviter tout malentendu, je précise d’emblée qu’en disant que les salariés attendent des solutions, je ne parle que de ceux qui sont concernés par le plan de restructuration actuel, et non des collaborateurs de Toulouse, confrontés à une situation différente.

Je commencerai par répondre aux questions portant sur la santé publique et la sécurité des patients. Nous n’avons aucune intention de réduire nos équipes de pharmacovigilance. L’arrêt de la production du vaccin contre la rougeole n’est pas davantage envisagé, et l’atelier en question continue à fonctionner. En revanche, nous avons programmé pour 2017 l’arrêt de certaines autres activités – comme le vaccin contre les oreillons, dont le procédé est obsolète –, ces décisions faisant l’objet de concertations et de discussions avec les autorités de santé nationales et internationales, dont l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Nous sommes un leader dans le domaine du vaccin, et nous assumerons nos responsabilités de chercheurs et de producteurs. Ne créons donc pas d’angoisses inutiles.

Un élément illustre notre sens de la responsabilité : si nous arrêtons certains vaccins en fin de vie, nous renouvelons simultanément notre gamme en investissant par exemple dans le vaccin contre la fièvre jaune, dont nous sommes le seul producteur au monde. Nous avons une mission de santé dans le pays et dans le monde entier, et notre sérieux vis-à-vis de la sécurité des patients est reconnu de tous.

S’agissant de l’agro-alimentaire, on fait également beaucoup de bruit pour pas grand-chose. Le seul contrat commercial que nous ayons avec une entreprise de ce type est celui avec Coca-Cola, et les investissements qu’il représente sont marginaux au regard de ceux que nous faisons dans la recherche.

Les principaux axes de recherche de Sanofi sont l’oncologie, la sclérose en plaques, le diabète, les maladies cardio-vasculaires, les pathologies du vieillissement et les maladies orphelines. L’assertion selon laquelle le niveau de nos investissements dans la recherche aurait diminué est totalement infondée. Ce niveau est resté constant depuis des années ; seul le pourcentage par rapport au chiffre d’affaires a pu fluctuer, suivant la variation de ce dernier à la suite de l’introduction des activités grand public. Au cours des dix dernières années, Sanofi a investi 20 milliards d’euros dans la recherche en France, pour ne mettre au point que quelques médicaments de portée modeste.

Quant aux pertes d’emplois au cours des dernières années, elles sont bien plus faibles que ce qui a été évoqué, ainsi que mon collègue va le préciser.

M. François de Font-Réaulx, vice-président chargé des ressources humaines. Entre décembre 2008 et aujourd’hui, il y a eu 2 766 départs en préretraite ou départs volontaires, 326 départs sous la forme d’une cession d’activité, 550 départs en retraite et 358 démissions. Ce dernier chiffre, très faible si on le rapporte aux 28 000 salariés de l’entreprise, montre que nous ne disposons pas de l’outil que représente en général, pour les ressources humaines, l’attrition naturelle ; très peu de collaborateurs de Sanofi quittent en effet l’entreprise. Durant la même période, il y a eu 1 358 embauches – dont 1 000 en recrutement externe et 352 transferts de CDD en CDI – et l’apport en salariés des acquisitions – Genzyme et Merial. Au total, l’emploi est resté stable. Ces flux – embauches, départs, acquisitions – constituent la vie même d’une entreprise, la complexité croissante de l’environnement industriel nous imposant des ajustements.

M. le président de Sanofi-Aventis France Nous sommes à votre disposition pour préciser et éventuellement comparer les chiffres. Nous avons aujourd’hui 28 000 salariés en France, toutes activités confondues, soit autant qu’en 2006. J’avais pris l’engagement personnel, au nom de l’entreprise, de conserver 12 600 emplois industriels sur le territoire français, et j’ai fait plus que respecter ce contrat.

Quant au dialogue social, il n’est nullement en panne. Certes, la phase qui a suivi la présentation, le 5 juillet, d’un avant-projet de restructuration, n’a pas été très féconde ; mais il y a eu, depuis, vingt-cinq réunions des instances partenariales au sein de l’entreprise. Nous ne sommes pas toujours d’accord – c’est le principe même du partenariat social –, mais les représentants du personnel rencontrent régulièrement les dirigeants, dont M. Elias Zerhouni, président monde de la recherche et développement de Sanofi.

M. le vice-président chargé des ressources humaines. Vingt-cinq réunions ont en effet eu lieu, d’autres sont planifiées ; la procédure avance normalement, et nous lui accordons le temps nécessaire. Le code du travail octroie à l’expert désigné par le comité central d’entreprise un délai de vingt-deux jours pour établir un rapport ; nous en sommes aujourd’hui à plus de deux mois et demi, compte tenu de la complexité du plan de restructuration. Comme M. Vially le disait ce matin, il y a des moments de tension et des moments d’apaisement : en 2012, nous avons conclu trois accords d’entreprise, contre sept en 2011. Les tensions sont donc actuellement plus fortes que d’habitude, mais le dialogue social continue.

M. le président de Sanofi-Aventis France Nous ne sommes pas opposés au principe d’une réunion tripartite entre les partenaires sociaux et les représentants du Gouvernement, mais nous souhaitons d’abord donner sa chance au débat social au sein de l’entreprise, conformément au cadre législatif que vous, mesdames et messieurs les députés, avez fixé. L’employeur et les représentants des salariés sont compétents et aptes à le conduire ; si nous n’y arrivons pas, il sera toujours temps de chercher d’autres solutions. La situation du site toulousain est certes compliquée ; M. François de Font-Réaulx et moi-même inviterons bientôt l’intersyndicale à discuter de la méthode à adopter.

L’écart entre nos chiffres – 910 suppressions de postes – et ceux avancés parfois par les partenaires sociaux a une explication. Si l’on ajoute les 900 suppressions et les 800 emplois promis à la mobilité, on obtient un total de 1 700. Et si l’on compte également les 400 postes toulousains qui ne font pas partie du plan de départs volontaires, on arrive au total de 2 100, qui ne reflète en rien la réalité. Je ne vous demande pas de me croire sur parole : tous ces éléments sont dans les livres I et II qui ont été remis aux représentants du personnel et qui permettent d’effectuer tous les recoupements que l’on souhaite. Nous sommes dans la transparence la plus complète – comme les lois nous y obligent.

En ce qui concerne la marge de liberté des salariés, je connais bien le partenariat social de l’entreprise, pour l’avoir beaucoup pratiqué en vingt ans de travail chez Sanofi. Aucun collaborateur ne le niera : lorsque des difficultés se présentent, nous les traitons toujours ensemble, dans le cadre des comités paritaires. Même lorsque les solutions sont longues à mettre en œuvre, nous nous donnons le temps nécessaire. Nos partenaires sont d’ailleurs d’une aide extrêmement précieuse car ils trouvent parfois des solutions auxquelles nous n’avions pas pensé.

En quoi les réorganisations passées étaient-elles justifiées ? La branche chimie, dont certains sites ont basculé vers les biotechnologies, représente un exemple de restructuration réussie. Aujourd’hui, le site de Vitry-sur-Seine est pratiquement en ordre de marche ; quant à celui de Neuville-sur-Saône, il abrite désormais le nouveau centre de fabrication du vaccin contre la dengue, que nous avons fait le choix d’installer en France, alors que certains pays lointains étaient prêts à en subventionner l’implantation chez eux. Parmi les 600 collaborateurs à reconvertir, seuls une centaine n’ont pas encore trouvé d’affectation, alors que nous sommes encore loin de la date butoir fixée à 2013. Cette expérience montre qu’un dialogue social sans concessions, mené dans la concertation, permet de trouver des solutions satisfaisantes pour tous.

Le deuxième exemple concerne la restructuration de la branche développement, réalisée dans le cadre de la réorganisation internationale, qui permettra à Montpellier de devenir le centre d’excellence mondial dans ce domaine. Ce qui a été accompli avec succès pour le développement doit maintenant être reproduit pour la recherche et pour les vaccins.

Ces éléments devraient vous convaincre qu’il ne s’agit pas d’un licenciement financier ou boursier. Je ne doute ni des compétences professionnelles, ni de l’engagement, ni de l’attachement à l’entreprise de nos chercheurs, mais notre recherche n’a pas produit de médicaments significatifs depuis dix ans. Il faut donc aujourd’hui mettre en marche la « machine recherche » efficace qui remplira demain nos usines. Le problème des vaccins est différent : la compétition internationale est rude, certains médicaments étant vendus dans les pays émergents à leur prix de revient en France. Les solutions à ces différentes difficultés existent, et nous souhaitons les mettre en place dans la concertation et le dialogue.

M. Philippe Monteyne, vice-président chargé de la recherche et du développement. Je n’ai rejoint Sanofi qu’il y a quelques semaines, mais je peux déjà témoigner de l’excellence et de l’engagement de ses chercheurs, que je rencontre tous les jours. Les problèmes ne tiennent pas à leur productivité, mais à notre façon de travailler, qu’il nous faut changer.

Dans une aussi grande entreprise, on ne peut pas évaluer la performance site par site, car tout le monde travaille en réseau. Certains chiffres concernant Toulouse sont toutefois incorrects. En 2011, un candidat médicament sur les quatre évalués pour un passage en développement venait de ce site ; il n’a finalement pas été développé, pour des raisons de toxicité. En 2012, deux des sept candidats évalués sont toulousains : un qui reçoit le feu vert, neuf ans après le début de la recherche – ce qui est extrêmement long –, et un autre, en recherche depuis douze ans, qui ne l’a pas encore obtenu.

S’il est impossible d’évaluer avec précision la performance de chacun des sites, concentrer nos forces à quelques endroits est une idée indéniablement judicieuse. Une unité thérapeutique, ou une division recherche et développement, devrait être déployée sur au maximum deux sites à travers le monde, et si possible sur un seul. L’oncologie sera rassemblée à Cambridge aux États-Unis et à Vitry-sur-Seine en France, et structurée autour de cinq cancers dont trois seront explorés à Vitry, et deux à Cambridge. Vitry abritera également la recherche sur les oncobiologies, ces biotechnologies appliquées au cancer.

Vous demandez, madame la présidente, si les acquisitions ne sont pas un frein à la recherche ; elles en sont plutôt un accélérateur, mais leur mauvaise intégration peut en effet poser problème. Les acquisitions ont permis à Sanofi d’investir de nouveaux domaines ; l’expérience de Genzyme lui a ouvert celui des maladies rares et de la sclérose en plaques. Les maladies rares sont un enjeu exaltant. Et aussi une excellente façon de rôder de nouvelles technologies, avant de les transposer sur des maladies plus répandues. Les acquisitions induisent cependant une dispersion d’unités sur un grand nombre de sites, ce qui nuit à la performance. Une intégration correcte des entreprises acquises passe par leur rassemblement.

Nous souhaitons regrouper toute l’infectiologie – qui concerne non seulement les vaccins, mais également les traitements antibactériens, dont les antibiotiques – à Lyon. Dans le cadre de cette démarche, l’institut de recherche technologique, dont nous sommes l’un des fondateurs, est pour nous un véritable partenaire.

Je connais bien la question de l’utilisation de l’aluminium dans les vaccins, pour y avoir travaillé il y a une dizaine d’années. Le sujet a été amplement documenté sur le plan scientifique, et les producteurs de vaccins sont aujourd’hui en accord avec la réglementation et les autorités de santé internationales. Si Merial, société du groupe Sanofi en médecine vétérinaire, utilise un vaccin pour les chats sans aluminium, c’est qu’il y a, chez le félin, un problème spécifique de tolérance locale à ce produit, qui oblige la médecine vétérinaire à faire appel à des technologies qui ne sont pas aujourd’hui appliquées chez l’homme.

M. le vice-président chargé des ressources humaines. Vous avez été nombreux à nous demander comment on peut parler de volontariat lorsqu’un poste est supprimé. Mais ce n’est pas dans cet ordre que les choses se déroulent dans le plan de restructuration prévu. Nous n’annonçons pas à un collaborateur que son poste est supprimé, pour lui demander ensuite s’il est volontaire pour une préretraite, un départ volontaire ou une mobilité. Nous lui demandons d’abord s’il est volontaire pour une mobilité ou un départ, et s’il l’est, nous pouvons procéder à la suppression du poste. Mais si un comptable de Tours n’est pas intéressé par une mobilité en région parisienne, il continuera à exercer son métier sur son lieu de travail actuel.

C’est pourquoi, dans les trois recours qui ont été formés contre notre plan, le juge n’a pas satisfait les demandes des comités centraux d’entreprise – qui s’appliqueraient à un plan de sauvegarde de l’emploi –, considérant que le plan était bien basé sur un véritable volontariat. Nous comptons sur sa durée et sur les mesures d’accompagnement pour arriver petit à petit à l’objectif que nous nous sommes fixé, tout en sachant que nous n’atteindrons pas forcément l’organisation exacte souhaitée.

M. le président de Sanofi-Aventis France Vous m’avez interrogé sur la pertinence du plan de restructuration au regard des résultats du groupe et du montant des dividendes distribués. D’abord, les résultats d’aujourd’hui sont ceux du cycle de recherche et de production d’hier, qui nous a permis de commercialiser des produits à grand succès, qui font désormais l’objet de génériques. Les restructurations envisagées ont précisément pour but de nous permettre de générer des résultats comparables demain. Ensuite, les dividendes versés l’an dernier représentaient environ 3,5 milliards d’euros, alors que la recherche compte pour 4,8 milliards. L’enjeu de la recherche est de découvrir et de mettre au point des médicaments qui remplissent nos usines, afin d’honorer notre engagement de rapatrier des activités industrielles sur les sites français et de ne supprimer aucun emploi industriel. Voilà pourquoi cette réorganisation de notre recherche est indispensable.

On brandit souvent, tel un reproche, l’argument du crédit d’impôt recherche. Cette mesure – dont le coût total s’élève à quelque six milliards d’euros – constitue, certes, l’un des outils susceptibles d’aider l’industrie du médicament. Elle présente pourtant l’inconvénient de s’appliquer mécaniquement à des entreprises dont l’effort d’investissement est incomparable. Sanofi est le premier investisseur en recherche privée en France, et a l’intention de le rester ; or, la somme que nous percevons – 126 millions d’euros – ne constitue que 10 % de la part du crédit d’impôt recherche affecté à l’ensemble des sciences du vivant, alors que notre entreprise pèse pour près de la moitié des investissements dans ce domaine.

Je profite de ma présence à l’Assemblée nationale pour évoquer les mesures qui me semblent essentielles pour la compétitivité de l’industrie pharmaceutique et celle de Sanofi en particulier. Il faut en premier lieu assurer la lisibilité du market access et de l’évaluation. Le niveau de taxation ne doit pas être punitif, mais structurant – ce qui n’est actuellement pas le cas –, et les règles du jeu fiscal doivent être fixes et pérennes. Je salue enfin la déclaration du Premier ministre lors des quatrièmes rencontres internationales de recherche, appelant à en finir avec la suspicion permanente entre les industriels et les professionnels de la santé. M. Ayrault a également annoncé à cette occasion la tenue d’un Conseil stratégique des industries de santé (CSIS), et je remercie Mme la présidente de son soutien à cette initiative, susceptible d’améliorer le dialogue entre l’État et les industriels.

Monsieur Sébaoun, Sanofi a en effet pris tardivement le virage des biotechnologies, mais il faut reconnaître à l’ancienne équipe de direction le mérite d’avoir sauvé la recherche et la production de vaccins en France.

En ce qui concerne les visiteurs médicaux, la réduction de leurs effectifs n’est pas uniquement liée aux mesures prises dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais également à la montée en puissance – au demeurant nécessaire – des médicaments génériques. Mieux vaut donc éviter de fragiliser davantage encore cette profession.

Enfin, Sanofi suit avec attention les répercussions de ses restructurations sur les emplois indirects. Les collectivités territoriales nous demandent en effet d’assumer nos responsabilités par rapport aux risques de dévitalisation des régions concernées. Par ailleurs, l’installation des grands pôles Sanofi dans la région parisienne, à Strasbourg et à Lyon sera également génératrice d’emplois indirects, même s’il est impossible aujourd’hui de quantifier cet effet avec précision.

M. le vice-président chargé des ressources humaines. Nous avons une structure – Sanofi développement – dédiée à la revitalisation. Elle travaille en étroite coordination avec la Délégation générale à l’emploi et avec les préfectures de région, qui jugent nos actions de revitalisation exemplaires. À l’issue des plans précédents, nous avons ainsi contribué à recréer à peu près la moitié des postes qui avaient été supprimés. Ce n’est sans doute pas suffisant, mais c’est un effort important réalisé en lien avec le tissu économique et les décideurs locaux.

M. le président de Sanofi-Aventis France. S’agissant des postdoctorants, vous avez complètement raison, monsieur Borgel, c’est une situation anormale que nous corrigeons en ce moment même. Une vingtaine d’entre eux devraient faire leur entrée à Sanofi dans les prochaines semaines, et plus encore, peut-être, à l’avenir.

M. le vice-président chargé des ressources humaines. En ce qui concerne le crédit d’impôt compétitivité emploi, tous les paramètres ne sont pas encore fixés dans la loi, mais il devrait nous apporter 30 à 40 millions d’euros. Cette somme doit cependant être mise en regard de l’alourdissement de la fiscalité sur les éléments de rémunération – intéressement, participation, abondement, etc. –, qui représente pour nous plus de 120 millions d’euros de coûts supplémentaires assis sur les salaires. Cela dit, je retiens votre suggestion de consacrer une partie de ces sommes à l’embauche de postdoctorants.

M. le président de Sanofi-Aventis France. Pour résumer, si nous ne faisions pas ce que nous sommes en train de faire aujourd’hui, nous aurions à nouveau rendez-vous avec vous dans quelques années, et la situation de Sanofi serait alors beaucoup plus difficile. Cependant, les modalités d’application de notre plan n’étant pas encore entièrement fixées, la discussion et la négociation restent possibles, et toutes les idées sont les bienvenues, qu’elles viennent de nos collaborateurs, de partenaires sociaux ou d’observateurs extérieurs.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je ne suis, pour ma part, toujours pas rassurée sur le caractère volontaire, à long terme, des départs. Les décisions de justice vous sont favorables car il ne s’agit aujourd’hui ni de licenciements boursiers ni de licenciements économiques, mais la pérennité des emplois ne me semble pas garantie. Dans trois ou quatre ans, les salariés encore éloignés de la retraite qui n’accepteront pas la mobilité, garderont-ils leur poste ?

J’ai également le sentiment que le rachat de Genzyme, mais également le départ de M. Déhecq et l’arrivée de M. Viehbacher, ont changé l’esprit de cette entreprise auparavant très franco-française. Le fait que le nouveau responsable scientifique soit basé au Massachusetts et non en France ne peut qu’inquiéter la représentation nationale, tout comme l’ancrage sur un site américain du développement du Lemtrada pour le traitement de la sclérose en plaques et de la recherche sur les maladies rares.

Vous dites avoir maintenu le nombre de salariés ; mais avez-vous tenu compte de ceux de Merial, dont l’intégration peut être à l’origine d’un niveau artificiellement constant des effectifs ?

Je finirai sur une note positive. À la suite de nos discussions avec le Premier ministre, le Conseil stratégique des industries de santé (CSIS), que les précédents gouvernements avaient l’habitude d’organiser soit en période de crise, soit à quelques jours de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, aura lieu désormais très en amont, afin de nous permettre de disposer à temps de tous les éléments nécessaires.

Je fais partie des harceleurs de l’industrie pharmaceutique, et j’assume d’en avoir renforcé la taxation. Monsieur Lajoux, vous venez de céder la place de président du syndicat des entreprises du médicament (LEEM) à M. Gisserot de GlaxoSmithKline ; mon propos s’adresse donc, au-delà de Sanofi, à l’ensemble de la branche. Je comprends votre difficulté à comprendre cette fiscalité complexe ; mais vous vous êtes, de votre côté, toujours engouffrés dans les interstices qui vous ont été laissés. Je vous renvoie donc à vos propres responsabilités.

Votre association avec Coca-Cola nous donne d’ailleurs une idée de nouvelle taxe, pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale de l’année prochaine, sur les produits portant mention d’allégations de santé, qui seront vendus dans les supermarchés. Vous avez minimisé ici ce partenariat, mais même s’il est marginal, il représente un mauvais signe au regard de la santé publique. Peut-on à la fois soigner des patients et s’associer avec des sociétés qui les rendent obèses et diabétiques ?

Le CSIS se réunira régulièrement, et nous comptons sur vous pour maintenir les emplois en France. Les doutes que nous avons émis reflètent ceux de vos salariés, car si nous sommes vos représentants, nous sommes également les leurs. Nous sommes fiers de Sanofi, et au nom de toute la représentation nationale, je souhaite que ce drapeau flotte encore sur tous les sites où vous êtes installés, voire sur d’autres encore.

Je vous remercie, messieurs, de vous être prêtés à cet échange fort intéressant.

La séance est levée à dix-huit heures cinquante-cinq.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 5 décembre 2012 à 16 heures 30

Présents. – M. Bernard Accoyer, M. Gérard Bapt, Mme Kheira Bouziane, M. Jean-Noël Carpentier, M. Rémi Delatte, Mme Hélène Geoffroy, M. Jean-Marc Germain, M. Jean-Patrick Gille, M. Jérôme Guedj, Mme Monique Iborra, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Catherine Lemorton, M. Gilles Lurton, M. Christian Paul, Mme Bérengère Poletti, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gérard Sebaoun, M. Jean-Louis Touraine

Excusés. – Mme Gisèle Biémouret, M. Guy Delcourt, M. Christian Hutin, M. Céleste Lett, Mme Geneviève Levy, M. Hervé Morin, Mme Martine Pinville, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Jonas Tahuaitu

Assistaient également à la réunion. – M. Christophe Borgel, Mme Martine Martinel, M. Jean-Luc Moudenc