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Commission des affaires sociales

Mercredi 12 décembre 2012

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 27

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur le projet de loi portant création du contrat de génération

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 12 décembre 2012

La séance est ouverte à seize heures vingt.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission entend M Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur le projet de loi portant création du contrat de génération.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Mes chers collègues, nous accueillons aujourd’hui, pour la quatrième fois depuis le début de la législature, M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, afin qu’il nous présente le projet de loi portant création du contrat de génération, adopté ce matin par le Conseil des ministres.

L’objet de ce texte est de favoriser tout à la fois l’intégration des jeunes dans le monde du travail et le maintien dans l’emploi des seniors, de manière à assurer le transfert des connaissances et des compétences. Il s’agit de la transposition de l’accord national interprofessionnel signé le 19 octobre dernier par l’ensemble des partenaires sociaux – fait suffisamment rare pour être souligné.

Le projet de loi étant inscrit à l’ordre du jour de la séance publique dès la reprise de nos travaux, les 15 et 16 janvier, nous l’examinerons en commission mercredi prochain. Afin de vous laisser le temps de rédiger vos amendements, j’ai fixé l’échéance pour le dépôt de ceux-ci à lundi, 17 heures.

Enfin, M. le ministre devant impérativement nous quitter à 18 heures, je vous saurais gré d’être concis dans vos interventions.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Le présent projet de loi était annoncé depuis longtemps ; j’ai déjà eu l’occasion de vous en parler lors de mes précédentes auditions et, dès la première d’entre elles, je vous avais informé de la volonté du Gouvernement de mettre en œuvre des « contrats de génération » fondés sur la négociation.

La situation est connue : parmi les jeunes, le taux de chômage atteint un niveau record, 24 %, et moins d’un salarié sur deux est en contrat à durée indéterminée (CDI) ; les autres subissent la précarité de l’emploi, sous la forme de contrats courts, de missions d’intérim ou de stages. À l’autre extrémité de la pyramide des âges, les seniors ont un taux d’activité extrêmement faible : 41 % pour les 55-64 ans en 2011.

Le contrat de génération, proposé par le Président de la République durant la campagne électorale, vise à remédier à cette situation. Il propose un changement de regard et de méthode et, plutôt que d’opposer les politiques en faveur des jeunes et celles en faveur des seniors – les unes ayant des effets négatifs sur les autres –, de conclure un pacte entre les générations. L’enjeu est d’importance, y compris pour la compétitivité de nos entreprises, puisque plus de 5 millions d’actifs partiront à la retraite d’ici à 2020 tandis que 6 millions de jeunes feront leur entrée sur le marché du travail.

Le contrat de génération s’inscrit dans la bataille du Gouvernement pour l’emploi, et, plus particulièrement, pour l’emploi des jeunes. En complément des emplois d’avenir et à la différence de ces derniers, il s’adressera à tous les jeunes, quelle que soit leur qualification, et à toutes les entreprises du secteur privé. En outre, sa création intervient juste avant l’aboutissement de la négociation sur la sécurisation de l’emploi, dont l’enjeu est de lutter contre la précarité sur le marché du travail, qui touche tout particulièrement les plus jeunes. Il participe donc d’un continuum.

Ce projet repose aussi sur une méthode, dont je souhaiterais qu’elle porte davantage de fruits : celle du dialogue social. Lors de la grande conférence sociale des 9 et 10 juillet derniers, le Gouvernement avait invité les partenaires sociaux à négocier sur les modalités du contrat de génération. Celui-ci est issu d’un accord national interprofessionnel, conclu le 19 octobre après un mois et demi de travaux de grande qualité. Fruit de la volonté gouvernementale, dans la continuité de la campagne électorale, et résultant d’un accord entre les partenaires sociaux, ce contrat ne pouvait naître sous de meilleurs auspices !

Le texte qui vous est présenté reprend l’essentiel des dispositions de l’accord national interprofessionnel relevant du domaine législatif, moyennant quelques précisions nécessaires ; il devra être complété par une transcription du même type pour les aspects réglementaires.

Le contrat de génération sera également l’occasion d’un diagnostic et d’un réexamen des pratiques dans les entreprises et dans les branches. Chaque entreprise de plus de 50 salariés aura à réaliser un état des lieux sur la situation des jeunes et des seniors ainsi que sur les savoirs et les compétences décisifs pour son activité. Seront notamment identifiés les métiers dans lesquels la proportion des femmes et d’hommes est déséquilibrée, en vue d’y apporter des remèdes.

J’en viens au contenu à proprement parler du texte.

L’article 1er fixe les modalités de mise en œuvre du contrat de génération en fonction de la taille des entreprises.

S’agissant des entreprises de 300 salariés et plus – seuil que nous avons retenu, en accord avec les partenaires sociaux, dans un souci d’harmonisation avec d’autres dispositions du code du travail –, nous considérons qu’elles disposent en interne de moyens suffisants pour lancer la dynamique du contrat de génération sans qu’une incitation financière soit nécessaire. Ces entreprises seront donc obligées d’engager une négociation, qui se traduira par des engagements concrets de progrès. La réflexion sur les pratiques sera particulièrement importante. En effet, plus la taille de l’entreprise augmente, et plus la part des embauches de jeunes en CDI diminue : il convient de remédier à cette situation. Par souci de cohérence et de simplicité, les accords sur les contrats de génération se substitueront aux « accords seniors » antérieurs, afin d’inclure dans un même dispositif ambitieux l’emploi des jeunes et leur intégration dans l’entreprise, le maintien dans l’emploi des salariés plus anciens ainsi que la gestion et la transmission des compétences.

Les partenaires sociaux ont souhaité que la recherche d’un accord au sein de l’entreprise soit privilégiée, le « plan d’action » unilatéral de l’employeur ne venant qu’en dernier ressort, après l’échec d’une négociation menée de bonne foi, attesté par un procès-verbal de désaccord. Mes services, dans leur action de validation des accords et plans d’action, seront particulièrement attentifs à l’ambition et au contenu de ces documents, au regard de ce qui a pu être observé sur les précédents plans d’action « seniors » – que, souvent, l’entreprise adoptait sans avoir véritablement recherché un accord entre les partenaires sociaux. En l’absence d’accord ou de plan d’action, l’entreprise sera soumise à une pénalité, fixée par l’autorité administrative, et plafonnée à 10 % du montant des exonérations de cotisations patronales dont elle bénéficie ou, si ce montant est plus élevé, à 1 % de sa masse salariale.

Les entreprises de moins de 300 salariés, qui disposent de capacités plus limitées pour la gestion de leurs ressources humaines, bénéficieront d’une incitation financière pour s’engager dans cette démarche. Cette aide s’élèvera à 2 000 euros par an, pour un temps plein, pour l’embauche d’un jeune comme pour le maintien dans l’emploi d’un senior – soit 4 000 euros par an et 12 000 euros sur la durée maximale de l’aide.

Les entreprises de 50 à 300 salariés auront accès à cette aide si elles négocient un accord d’entreprise ou, à défaut, mettent en place un plan d’action ou sont couvertes par un accord de branche étendu. Leurs obligations seront allégées par rapport aux plus grandes. Ainsi, elles n’auront pas à transmettre chaque année un document d’évaluation, car cela représenterait une charge trop importante pour elles. Le contrat de génération sera aussi un outil de soutien de la compétitivité des petites et moyennes entreprises (PME), car il favorisera le développement de l’emploi.

Les entreprises de moins de 50 salariés auront accès à l’aide sans obligation de négociation préalable, en pratique difficile à réaliser. Elles pourront prétendre à cette aide dès lors qu’elles embaucheront en CDI un jeune de moins de 26 ans, ou un jeune reconnu travailleur handicapé de moins de 30 ans – disposition similaire à celle que vous avez souhaitée pour les emplois d’avenir – et qu’en parallèle, elles maintiendront dans l’emploi un salarié de 57 ans ou plus – ou de 55 ans ou plus s’il s’agit d’un salarié reconnu travailleur handicapé – ou qu’elles recruteront un salarié âgé d’au moins 55 ans, ce qui peut être intéressant pour de petites entreprises qui ne comptent pas de seniors dans leurs effectifs.

L’aide relative au jeune sera individuelle et maintenue pendant trois ans ; celle qui est attachée au senior pourra être accordée jusqu’au départ de celui-ci à la retraite, tant qu’il sera associé à un jeune – dans le cadre d’un contrat de génération, un senior pourra en effet être associé avec deux jeunes embauchés à la suite l’un de l’autre.

L’entreprise pourra bénéficier d’autant d’aides au titre du contrat de génération qu’elle compte de salariés seniors de 57 ans et plus, dès lors qu’elle embauchera un nombre équivalent de jeunes en CDI. Elle aura en outre la possibilité d’augmenter le nombre de seniors éligibles au contrat de génération par l’embauche de salariés âgés de 55 ans ou plus.

Afin d’éviter tout détournement du dispositif, l’aide ne sera pas accordée si l’entreprise a procédé à un licenciement économique sur le poste occupé par le jeune éligible au contrat de génération dans les six mois précédents, ou si elle a licencié, dans le même temps, un salarié de 57 ans ou plus.

À la demande des toutes petites entreprises, le contrat de génération vise également à favoriser la transmission d’entreprise ; à cette fin, il pourra associer l’embauche d’un jeune avec le maintien du chef d’entreprise à son poste jusqu’à son départ à la retraite.

L’article 2 prévoit la complémentarité entre les accords de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et les thématiques relevant du contrat de génération. Les deux négociations pourront même être conjuguées afin de simplifier les choses.

L’article 3 introduit une coordination avec le code de la sécurité sociale pour l’application de la pénalité.

L’article 4 habilite le Gouvernement à modifier par ordonnance, dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le code du travail applicable à Mayotte, afin d’y rendre applicables les dispositions du texte.

L’article 5 est relatif à l’entrée en vigueur du dispositif. Pour les entreprises de plus de 300 salariés, la pénalité sera applicable faute d’avoir déposé un accord collectif ou un plan d’action auprès de l’autorité administrative compétente avant le 30 septembre 2013.

Il est toujours difficile d’évaluer en amont les effets d’un tel dispositif ; tout dépendra de la manière dont les entreprises s’en saisiront – mais il semble qu’elles l’attendent avec intérêt compte tenu des conversations que je peux avoir avec elles. L’objectif du contrat de génération est en tout cas d’infléchir profondément leurs pratiques dans quatre directions : accroissement du nombre d’embauches de jeunes en CDI ; ralentissement, voire arrêt des départs anticipés des seniors ; amélioration de la transmission des compétences ; relance du recrutement des seniors.

Outre les embauches nettes qui devraient être favorisées par les dispositions négociées et par les aides financières, nous espérons une substitution d’embauches en CDI aux embauches en CDD. Le contrat de génération devrait ainsi contribuer à faire de nouveau du contrat à durée indéterminée la norme des embauches, y compris pour les jeunes.

Pour les entreprises de moins de 300 salariés, où les contrats de génération seront individuels, nous avons fixé des objectifs chiffrés : 500 000 contrats conclus sur cinq ans, à raison de 100 000 par an – soit un million de personnes concernées. Dans les entreprises de plus de 300 salariés, en revanche, le contrat de génération aura un caractère collectif et seules pourront être comptabilisées les nouvelles embauches en CDI. Au total, notre objectif – certes ambitieux – est de multiplier par deux, au titre du contrat de génération, les embauches de jeunes en CDI.

Le coût du dispositif est difficile à apprécier : tout dépendra de son rythme de montée en puissance. Nous considérons que, pour l’année 2013, quelque 200 millions d’euros seront nécessaires ; ils seront mis à la disposition du ministère à l’occasion de la plus prochaine loi de finances rectificative. En régime de croisière, ce coût devrait s’élever à un peu plus de 900 millions d’euros ; il sera intégré au dispositif de financement du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi.

Quand les contrats de génération entreront-ils en vigueur ? Dans les entreprises de plus de 300 salariés, je l’ai dit, ils devront être signés avant septembre 2013 ; certaines grandes entreprises étant déjà prêtes à engager des négociations, j’espère que les premiers le seront dans les premières semaines de 2013 et que cela aura un effet d’entraînement. Dans les entreprises de moins de 50 salariés, où aucun préalable n’est nécessaire, le dispositif sera applicable dès la promulgation de la loi. Il serait même envisageable que le Parlement fixe une date d’application anticipée, afin d’éviter les rétentions d’embauches. Je n’y verrais pas d’inconvénient.

En conclusion, je voudrais insister sur la cohérence de ce texte : cohérence avec le projet présidentiel, puisque nous mettons en œuvre un engagement qui avait marqué la campagne électorale ; cohérence avec la lutte que nous menons contre le chômage, entre emplois d’avenir et négociation sur la sécurisation de l’emploi ; cohérence avec la priorité accordée aux jeunes et à la lutte contre le travail précaire ; cohérence avec les autres mesures en faveur de la compétitivité : compétitivité prix, sous la forme d’une aide pour l’embauche des jeunes, et compétitivité hors prix, grâce à l’organisation de transferts de compétences au sein de l’entreprise ; cohérence enfin dans la méthode, ce texte résultant d’un accord des partenaires sociaux.

Le Gouvernement a fixé les grandes orientations, les partenaires sociaux ont négocié les modalités d’application et les ont adoptées à l’unanimité : n’est-ce pas un gage d’efficacité pour la mise en œuvre du dispositif ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. À l’opposition qui s’insurge contre les délais d’examen du texte, je rappelle que la création du contrat de génération était un engagement présidentiel, qu’il faisait partie de la feuille de route de la grande conférence sociale des 9 et 10 juillet, qu’il a fait l’objet d’un document d’orientation le 4 septembre, et que l’accord national interprofessionnel a été signé à l’unanimité le 19 octobre. Chacun aura donc eu largement le temps de prendre connaissance du dispositif.

M. Christophe Sirugue, rapporteur. Ce projet de loi répond à une urgence et à une attente de beaucoup de nos concitoyens, et je veux saluer l’esprit dans lequel il a été préparé. Enfin, une seule politique de l’emploi s’adresse à deux catégories particulièrement marquées par le chômage, sans que l’on privilégie l’une par rapport à l’autre ; enfin, on n’oppose pas les générations, on les réconcilie !

Le dialogue social est au cœur du contrat de génération, dans sa conception comme dans sa mise en œuvre – ce dont je me réjouis. Mais comment sera précisé le contenu à donner aux accords collectifs ? Cela se fera-t-il par voie réglementaire ?

Dans les entreprises ne disposant pas de délégué syndical, il existe des possibilités de négociation avec les représentants du personnel ou avec des salariés mandatés. Ne faudrait-il pas s’assurer que les entreprises mettront tout en œuvre pour que cette négociation s’engage, plutôt que de recourir systématiquement à la formule dérogatoire d’un « plan d’action » unilatéral de l’employeur ?

Comment les services du ministère exerceront-ils leur contrôle de conformité ? Auront-ils besoin de moyens supplémentaires ? Seront-ils appelés à contrôler les résultats atteints sur le fondement du document d’évaluation remis par chaque entreprise ?

S’agissant de l’aide forfaitaire versée aux entreprises de moins de 300 salariés, que recouvre exactement la condition de maintien dans l’emploi des autres salariés âgés ? Dans quels cas l’aide sera-t-elle supprimée ?

Quelles seront les modalités de financement de cette aide ? Vous avez évoqué pour 2013 l’ouverture de crédits dans le cadre d’une prochaine loi de finances rectificative, mais comment financera-t-on le fonctionnement du dispositif en année pleine ?

L’article 2 prévoit une complémentarité entre les accords de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) et ceux qui relèveront du contrat de génération. Il étend également le dispositif de soutien à l’élaboration des plans de GPEC à la mise en œuvre des contrats de génération. Comment les petites entreprises seront-elles intégrées dans ce dispositif ? Avec quelles contraintes et selon quelles modalités ?

Vous avez enfin évoqué la possibilité que le Parlement adopte une disposition à effet rétroactif pour permettre une entrée en vigueur dès le 1er janvier 2013, mais d’éventuels amendements en ce sens risqueraient de tomber sous le coup de l’article 40. Quelle solution proposez-vous ?

M. Olivier Véran. Le contrat de génération a été pensé comme un dispositif innovant, destiné à compléter un arsenal de mesures en faveur de l’emploi. Proposition phare du programme présidentiel, il est attendu tant par les dirigeants des entreprises que par les salariés. Issu de la concertation des partenaires sociaux organisée lors de la grande conférence sociale de juillet, il est fidèle à l’esprit de l’accord interprofessionnel conclu après une négociation très poussée, et rencontre dès lors l’adhésion de la quasi-totalité des représentants des syndicats et associations que nous avons auditionnés et qui nous ont convaincus de l’urgence de le voter.

Ce contrat de génération répond à un triple objectif. Tout d’abord, il vise à favoriser l’emploi des jeunes tout en abaissant l’âge de signature de la première embauche en CDI. Il combat donc à la fois le chômage et la précarité de l’emploi.

En second lieu, il tend à maintenir dans l’entreprise les seniors, dont le taux d’emploi est beaucoup plus faible en France que dans les pays voisins, mais il le fait sans opposer les générations puisque l’embauche d’un jeune ne devra jamais s’accompagner du licenciement d’un senior.

Enfin, il vise à favoriser l’intégration des jeunes dans le milieu professionnel, intégration qui, sans remplacer la formation initiale ou continue, représente un moment clé dans une carrière. Les partenaires sociaux ont souhaité que le texte ne fixe pas de manière trop contraignante les outils et les étapes de ce parcours, pour tenir compte de la diversité des métiers, des compétences et des entreprises.

Servant ces trois causes à la fois, vous avez néanmoins évité l’écueil de la complexité. Votre dispositif reste très attractif. Même s’il faudra en faire la promotion auprès des entreprises, le cap de 500 000 contrats de génération signés d’ici à la fin de la législature apparaît réaliste, quoique ambitieux.

Lors de l’examen du texte en commission, notre groupe présentera ses réflexions, nourries par les auditions, et déposera des amendements, mais en veillant à ne pas dénaturer le travail des partenaires sociaux et à conserver au dispositif son caractère pragmatique. Nous poserons par exemple la question des bornes d’âge. Il faut éviter que l’entreprise ne puisse licencier un salarié en CDD qui aurait dépassé l’âge limite, pour proposer un CDI à quelqu’un de plus jeune. On peut aussi se demander si ces bornes doivent s’appliquer de la même manière dans le cadre de la transmission d’une entreprise. D’autre part, quand des entreprises de moins de 50 salariés relèvent d’un même groupe, la négociation devra-t-elle être menée au niveau du groupe ou de chacune d’entre elles ? Plusieurs de nos propositions porteront aussi sur le lien entre ces négociations et la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC), ainsi que sur les conditions de conclusion et d’évaluation d’un accord ou d’un désaccord. Enfin, nous souhaitons que le dispositif entre en vigueur sans délai car il en va de l’emploi et de la compétitivité de nos industries.

M. Bernard Perrut. Comme vous, monsieur le ministre, nous souhaitons mobiliser tous les acteurs pour faire baisser le chômage des jeunes et pour augmenter le faible taux d’emploi des seniors, mais le contrat de génération que vous nous proposez est-il adapté à cette fin, utile, suffisant et efficace ? Il est difficile de s’en convaincre à la première lecture du texte.

Comment éviter les effets d’aubaine et de substitution ? Compte tenu de la conjoncture, il est peu probable que les entreprises qui ne souhaitent pas embaucher se laissent convaincre par l’aide financière de l’État. Celles qui recruteront s’y seraient sans doute résolues de toute façon, par exemple pour gérer une vague de départs en retraite. Dans les plus grandes, ne sera-t-on pas tenté de négocier un accord sans réel contenu ? L’administration aura-t-elle les moyens d’être vigilante sur ce point ? Le pari semble d’autre part incertain dans les PME, où le dispositif n’est qu’incitatif. Il suppose en outre un véritable diagnostic sur ses besoins en compétences présents et à venir : sur quelles aides les entreprises pourront-elles compter dans cette gestion prévisionnelle ?

Est-il souhaitable de remplacer les accords et plans d’actions seniors rendus obligatoires en 2009 par le contrat de génération, très ciblé et moins contraignant ? Nous attendons vos arguments sur ce point. L’objectif de transmission des savoirs sera-t-il tenu puisque la loi n’établit pas de lien entre le jeune embauché et le senior maintenu en exercice ? Si le référent n’est pas le senior, la solidarité entre générations risque de se réduire à une fiction.

La presse s’interroge sur le financement du dispositif. Le Monde observe que les crédits pour 2013 n’ont pas encore été votés, et Le Figaro titre : « Imbroglio sur le financement des contrats de génération » car, contrairement à ce qu’on avait annoncé, le coût de ceux-ci s’imputera sur le financement global du pacte de compétitivité, donc sur les 20 milliards du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE).

M. le ministre. La presse peut se tromper !

M. Bernard Perrut. Comment couvrirez-vous ce coût s’il doit atteindre 2,5 milliards d’euros ?

Je doute que vous ayez mesuré l’ampleur de la crise. Que pèsent 100 000 contrats de génération face à 3,2 millions de chômeurs ? Selon l’Observatoire du management intergénérationnel, ils ne concerneront pas 43 % des entreprises, qui n’emploient pas de seniors. D’autre part, quand ces entreprises embauchent, c’est pour satisfaire des commandes, non pour profiter d’un nouveau dispositif. Le Gouvernement soutient-il suffisamment leurs efforts ? Pourquoi avoir défait les mesures structurelles amorcées par la précédente majorité, alors que nous avons tant besoin de réformes ? Ne faut-il pas s’attaquer aussi au problème du coût du travail et de la compétitivité ?

Si la mesure doit porter des fruits, il faut plutôt les attendre du côté de la transmission des compétences entre générations, soit un bénéfice plus qualitatif que quantitatif et qui ne sera sensible que sur la durée. Le contrat de génération offrira peut-être aussi une issue aux jeunes qui arrivent en fin de contrat d’apprentissage, et il se peut qu’il facilite la transmission des petites entreprises. Quoi qu’il en soit, il est trop tôt pour porter un jugement définitif sur ce projet de loi, qui mérite cependant d’être étudié en s’aidant de l’étude d’impact.

Mme la présidente Catherine Lemorton. D’où l’intérêt d’auditionner rapidement le ministre, ne serait-ce que pour qu’il rectifie les contrevérités de la presse !

M. Gilles Lurton. Avec le contrat de génération, le Gouvernement lance un dispositif qui, contrairement aux emplois d’avenir, s’adresse à tous les jeunes et à toutes les entreprises. Nous regrettons toutefois un examen précipité, qui nous oblige à nous prononcer sur un texte que nous venons de découvrir.

Alors que des plus de 50 ans sont licenciés sans aucune perspective de retrouver jamais un travail tandis que des jeunes souvent sans formation ne parviennent pas à trouver leur place dans l’entreprise, notre groupe ne peut qu’être intéressé par la relation que vous voulez créer entre les premiers, dont l’expérience professionnelle mérite d’être valorisée, et les seconds, qui ne demandent qu’à apprendre. Votre projet soulève néanmoins plusieurs questions.

Les entreprises peuvent-elles embaucher dans une conjoncture économique des plus tendues ? Les chefs d’entreprise nous le disent : la création d’un emploi découle de la rencontre du besoin d’un entrepreneur, de la compétence d’un candidat et de la capacité matérielle d’embaucher. Dès lors, dans le contexte actuel, rares sont les entreprises à même de signer un contrat de génération. La plupart préféreront sans doute acquitter des pénalités. Au lieu de mener une politique de répression au travers de ces sanctions, mieux vaudrait faire confiance à leur capacité de se développer et de créer des emplois.

Lors de la discussion sur les emplois d’avenir, j’ai souligné l’importance de l’apprentissage. En dépit des assurances que vous m’avez alors prodiguées, j’ai le sentiment que le nombre de contrats est en net recul. Pouvez-vous nous fournir des chiffres à ce sujet ?

Vous évaluez le coût du contrat de génération à 200 millions d’euros pour 2013, à 600 millions pour 2014 et entre 800 millions et 1 milliard à partir de 2015. Récemment, le Gouvernement a annoncé une augmentation de 10 % du montant du revenu de solidarité active (RSA) et le relèvement du plafond de la couverture maladie universelle (CMU). Lors de la Conférence nationale contre la pauvreté, le Premier ministre a en outre promis de renforcer plusieurs aides aux plus démunis, pour un total de 2,5 milliards d’euros d’ici à 2017. Comment comptez-vous couvrir cette dépense tout en tenant votre objectif d’équilibre budgétaire ?

M. Arnaud Richard. Nous avons tous la volonté de tirer les jeunes de la précarité, en leur proposant une insertion durable dans l’emploi, en même temps que de prolonger la présence des seniors dans l’entreprise. Fondé sur un beau projet de solidarité intergénérationnelle, le texte souffre cependant d’une ambiguïté à cet égard, car, contrairement à ce que vous aviez habilement annoncé pendant la campagne électorale, le référent du jeune dans l’entreprise ne sera pas nécessairement le senior.

Le jeune sera, certes, accueilli dans l’entreprise. Il aura pour tuteur le référent, qui devra être choisi à bon escient, mais il doit pouvoir acquérir une qualification ou une certification professionnelle, ce que le texte ne mentionne pas expressément. En outre, par rapport aux dispositifs en vigueur pour les seniors, votre projet assouplit le système des pénalités, qui, sans être la panacée, permet seul d’obtenir quelques résultats.

L’obtention d’un CDI est-elle la meilleure manière de sécuriser le parcours des jeunes dans l’entreprise ? Est-ce une condition nécessaire à leur intégration ? On risque de voir fleurir les CDI à temps partiel introduisant une nouvelle forme de précarité, et qui ressembleraient à de nouveaux contrats jeunes. La question de la rémunération est également fondamentale : elle doit permettre aux intéressés de vivre dans de bonnes conditions.

Autre lacune : le texte n’évoque pas la territorialisation des contrats. Pourquoi ne pas prévoir un « bonus » pour les entreprises qui intégreraient des jeunes venant des quartiers difficiles, où le taux de chômage est double de la moyenne nationale pour cette génération ?

La validation de l’accord ou du plan d’action par l’administration pose un problème d’efficacité et introduit une incertitude tant pour l’employeur que pour les salariés. En outre, elle allongera les délais. Pourquoi les partenaires sociaux ne sont-ils pas sollicités pour cette évaluation ? Leur avis conforme serait préférable à une validation administrative. Le texte prévoit certes une consultation des institutions représentatives du personnel, mais ne précise pas que cet avis devra être transmis aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE). Quels moyens, d’ailleurs, allouerez-vous à celles-ci pour ce surcroît de travail ?

Comment gérer les effets d’aubaine que créera le dispositif ? Nous souhaitons également obtenir des précisions supplémentaires sur l’intégration de son financement à celui du pacte de compétitivité. Nous craignons enfin que le contrat de génération ne bouleverse les mesures qui favorisent actuellement l’entrée des jeunes dans le marché du travail, comme les contrats de professionnalisation ou d’apprentissage, et que l’impossibilité pour une entreprise de licencier un senior ne se révèle dissuasive.

En somme, nous doutons que ce projet qui a séduit les Français pendant la campagne électorale parvienne à créer une dynamique suffisante pour régler le problème du travail des jeunes comme des seniors.

M. Christophe Cavard. Il va de soi que nous soutenons ce bon projet. La volonté d’agir en faveur d’un public ciblé – jeunes et seniors – fait d’ailleurs l’unanimité, même si certains s’interrogent sur la mise en œuvre du dispositif. Pour la méthode, il faut valoriser le dialogue social qui, dans le passé, a parfois été rompu. Ce contrat de génération ne sera en effet un succès que si tous les acteurs sont persuadés de son bien-fondé.

Les aides financières prévues pour les entreprises de moins de 300 salariés ne devraient pas susciter d’effet d’aubaine – elles n’excéderont pas 2 000 euros par an et par contrat –, mais elles inciteront les entreprises à s’intéresser à un public particulier. L’obligation faite à celles de plus de 300 salariés jouera également son rôle. Notre groupe souhaite donc l’adoption de ce texte et son application aussi rapide que possible.

Nous nous interrogeons cependant sur certains points. Tout d’abord, nous nous demandons – à nouveau – si le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ne devrait pas être soumis à la même conditionnalité que les contrats de génération, les entreprises qui en bénéficieront étant invitées à démontrer par exemple leur intérêt pour les mêmes publics. D’autre part, il nous semble qu’il faudrait préciser que ces contrats supposent une embauche à temps plein. Et si les entreprises peuvent les cumuler avec d’autres dispositifs, comme des exonérations de charges, ne faudrait-il pas autoriser un cumul similaire pour les jeunes embauchés dans ce cadre, par exemple en leur ouvrant le bénéfice du crédit formation dès leur entrée dans l’entreprise – ou bien, au pire, dans le cas où leur contrat serait rompu pour des raisons économiques ?

La sanction fait, elle aussi, débat. Comme Gilles Lurton, je préfère la carotte au bâton, mais on ne peut distribuer des incitations sans poser des conditions. Cela étant, je me demande si certaines grandes entreprises ne préféreront pas payer une amende plutôt que d’entrer dans le dispositif. Pour elles, que représente 1 % de la masse salariale ?

En cas d’impossibilité de parvenir à un accord d’entreprise, si l’employeur doit faire valider un plan d’action par les services de l’État, les salariés devraient pouvoir déposer un contre-plan, à charge pour l’État de trouver un compromis. Il serait très discutable que seul l’employeur ait voix au chapitre. Il nous semble aussi que doit être posée la question de l’accès aux marchés publics. Enfin, nous attendons pour septembre 2013 une évaluation des accords conclus : un trop grand nombre d’échecs devrait alors conduire à rouvrir le dialogue social.

Mme Joëlle Huillier. Ce projet de loi a trois mérites. Il s’inscrit d’abord dans la politique volontariste que vous menez depuis six mois en faveur de l’emploi, politique qui contraste avec l’indigence de l’action conduite par l’ancienne majorité – a-t-elle pris une seule mesure dans ce domaine, hormis la création de Pôle emploi sur laquelle il y aurait beaucoup à dire ? En second lieu, il illustre au mieux la méthode du Gouvernement, qui privilégie la négociation et la concertation préalable avec les partenaires sociaux. Enfin, il s’attaque à deux fléaux de notre société : le chômage des jeunes et celui des seniors.

Le contrat de génération évitera à des personnes en activité, qui n’ont pas encore l’âge requis pour partir à la retraite, de se retrouver sans emploi pendant plusieurs années. Même les entreprises qui n’emploient pas de travailleurs âgés pourront bénéficier des aides de l’État si elles embauchent en même temps qu’un jeune une personne de plus de 55 ans. Toutefois, de tels cas ne peuvent être qu’exceptionnels et je regrette qu’on ne fasse rien pour les quinquagénaires qui constituent la majorité des chômeurs de longue durée. Ils seraient près d’un million, selon les dernières statistiques. Le Gouvernement envisage-t-il des mesures en leur faveur ou, à tout le moins, une réflexion sur le sujet ?

M. Jean-Pierre Door. Le chômage des jeunes, qui en touche plus de 24 % dans ma circonscription, est indéniablement un fléau à combattre. Cependant, j’ai eu le sentiment que le contrat de génération faisait débat même parmi les socialistes, lors des primaires, certains mettant son efficacité en doute. Pour ma part, votre manière de jouer de la carotte ou du bâton et de moduler le dispositif en fonction de la taille des entreprises me paraît aboutir à des dispositions trop complexes. En outre, l’embauche de jeunes ne risque-t-elle pas d’affaiblir la filière de l’apprentissage, à laquelle je vous sais très attaché, monsieur le ministre ? D’autre part, comment des entreprises en difficulté pourraient-elles recourir au contrat de génération pour maintenir les seniors dans l’emploi ? Il ne servirait d’ailleurs à rien qu’elles embauchent dans le seul but de profiter d’un effet d’aubaine. Enfin, le financement de ce contrat pose question, surtout dans la période difficile que nous traversons.

M. Jean-Marc Germain. J’ai été surpris par les premières interventions de nos collègues de l’UMP et du R-UMP. Savent-ils que l’accord a été signé par le patronat, ce qui ne se serait pas produit s’il présentait les défauts qu’ils lui prêtent ?

Pour ma part, je me félicite de l’ampleur du dispositif, car les chiffres du chômage appelaient une réponse forte. Le pacte de génération repose en outre sur une belle idée, puisqu’il utilise la solidarité entre générations pour lutter contre le chômage. En d’autres termes, on cesse enfin de pénaliser les uns pour aider les autres. Je regrette cependant que, dans le texte, la dimension intergénérationnelle liée au transfert des savoirs apparaisse moins nettement que dans l’accord professionnel. Parfois, il n’est pas inutile que les lois sociales soient bavardes, si cela permet d’être explicite.

Enfin, ce projet constitue un modèle en matière de démocratie sociale, tant par l’unanimité de l’accord interprofessionnel qu’il transcrit que par la négociation sociale à laquelle il va donner lieu dans les entreprises de plus de 300 salariés. Toutefois, n’est-il pas étrange que, pour les autres, on s’en remette à un accord d’entreprise, puis, à défaut, à un plan d’action et, encore à défaut, à un accord de branche ? Faut-il vraiment négocier un accord d’entreprise quand il existe un accord de branche ? Cette articulation des niveaux me semble contre-intuitive.

Mme Kheira Bouziane. Je ne doute pas, moi non plus, de l’intérêt et de l’importance de ce projet de loi. Cependant, il me semble qu’il ne précise à aucun moment que les contrats de travail devront être à temps complet. Si on devait laisser ainsi la porte ouverte à des contrats à temps partiel, cela ne pourrait qu’accentuer la précarité de l’emploi.

Dans presque tous les secteurs de l’économie, les seniors subissent une dégradation des conditions d’exercice de leur métier, source de souffrance au travail. La loi devrait donc comporter des dispositions en vue de contrer cette évolution.

Il faudrait en outre veiller à ce qu’elle ne puisse être utilisée pour mettre fin aux contrats de travail en cours, par le biais de ces ruptures conventionnelles qui, depuis 2008, ont concerné un million de salariés et qui peuvent être un moyen de contourner les règles du licenciement.

Enfin, il serait souhaitable que le dispositif soit étendu au secteur agricole, pour favoriser la reprise d’exploitations et l’embauche, et que les jeunes qui en bénéficieront aient, comme les apprentis et les intérimaires, accès au 1 % logement.

Mme Isabelle Le Callennec. Si ce contrat de génération ne rencontre pas d’opposition de principe de notre part, il soulève néanmoins quelques interrogations. Au reste, les partenaires sociaux, unanimes pour signer l’accord du 19 octobre dernier, n’auraient-ils pas pour autant appelé à la vigilance sur certains points ?

Vous avez affirmé, monsieur le ministre, que ce dispositif était cohérent avec les négociations en cours sur la sécurisation des parcours professionnels et vous avez marqué votre préférence pour l’embauche des jeunes en CDI. Cependant, si les entreprises privilégient souvent le CDD, c’est qu’elles manquent de visibilité et que le CDI les empêcherait d’adapter leurs effectifs aux variations de l’activité. Ce point n’a-t-il pas été soulevé ?

Dans notre pays, 300 000 à 500 000 offres d’emploi demeurent insatisfaites. Ne pourrait-on faire un effort de promotion de ces emplois en vue d’orienter les bénéficiaires des contrats de génération vers ces métiers dits « en tension » ?

Comme pour les emplois d’avenir, vous souhaitez, monsieur le ministre, que ces contrats soient rapidement mis en œuvre, mais les négociations dans les entreprises ou dans les branches professionnelles prendront du temps. Dès lors, quel calendrier envisagez-vous précisément ?

Si une entreprise vient de licencier des seniors ou s’apprête à le faire, l’accès aux contrats de génération lui sera-t-il totalement interdit ?

Comment voyez-vous l’articulation entre ces contrats et la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC) qui se fait, je le rappelle, à l’échelon des bassins d’emploi ?

Enfin, Pôle emploi bénéficiera-t-il de moyens supplémentaires pour être à même de verser aux entreprises l’aide de 2 000 euros par salarié entrant dans ce dispositif ?

M. Michel Issindou. Le contrat de génération est un mécanisme astucieux, car il n’oppose pas les jeunes aux vieux ; il démontre, en outre, qu’on n’avait pas tout essayé pour améliorer la situation de l’emploi.

Les personnes âgées de 55 à 64 ans ne sont que 40 % à être encore en activité. Autrement dit, 60 % d’entre elles ne subsistent que grâce à l’allocation équivalent-retraite (AER) ou à l’allocation de solidarité spécifique (ASS), qui ne leur garantissent pas un niveau de vie décent. On peut espérer que ce dispositif les maintiendra dans l’emploi et leur permettra de transmettre leur savoir et de leur expérience aux plus jeunes. Vous avez dit, monsieur le ministre, que vous n’étiez pas hostile à ce que sa mise en œuvre soit anticipée : soit, mais dans quelle mesure ? Ne pourriez-vous préciser une date ?

M. Arnaud Robinet. L’idée de lier la lutte contre le chômage des jeunes à un effort pour améliore le taux d’emploi des seniors peut être bonne, mais je ne puis approuver certaines modalités retenues pour ces contrats de génération.

Tout d’abord, alors que les entreprises de moins de 300 salariés seront seulement incitées à en signer, les autres y seront contraintes, ce qui ne me paraît pas être une méthode efficace.

Ne conviendrait-il pas, ensuite, d’assouplir les conditions d’âge pour entrer dans ce dispositif ? Dans certains métiers, on ne débute souvent qu’après 26 ans. D’autre part, les jeunes ainsi recrutés ne vont-ils pas évincer des salariés plus âgés ?

Quel recours aura un chef d’entreprise si l’employé embauché en CDI ne donne pas satisfaction ? Ne peut-on craindre aussi, comme Jean-Pierre Door, que ce contrat ne constitue une menace pour l’apprentissage ?

Comment êtes-vous parvenu à évaluer à 500 000 le nombre de créations d’emplois à attendre ? Connaissez-vous vraiment le nombre d’entreprises et de salariés susceptibles d’être concernés par ces contrats ?

S’agissant du financement de ce dispositif, vous semblez intégrer son coût dans l’enveloppe des 20 milliards d’euros dévolus au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Or, en novembre, le Premier ministre a affirmé que ce montant serait intégralement consacré au crédit d’impôt.

Même si l’idée de ces contrats est séduisante, la création d’une niche fiscale supplémentaire – je reprends ici les termes utilisés par Mme Aubry pendant la campagne des primaires socialistes – ne saurait suffire à améliorer la situation de l’emploi à long terme. Il faut aussi faire en sorte que les jeunes soient embauchés, non en raison de l’avantage financier que cela peut procurer, mais pour leurs qualités professionnelles, ce qui suppose d’améliorer la formation et de réformer les systèmes éducatif et universitaire.

M. Serge Letchimy. Dans certains territoires, 90 % des entreprises sont des très petites entreprises (TPE), et 80 % ne comptent aucun salarié. Ne conviendrait-il pas de prévoir au moins des dispositions spécifiques pour celles de moins de 11 salariés, même s’il est vrai qu’elles entrent dans la catégorie des entreprises de moins de 50 salariés qui, aux termes de ce projet, pourront bénéficier des contrats sans avoir à négocier préalablement un accord ?

Là où le taux de chômage des jeunes atteint 60 % – contre 24 % en moyenne en métropole –, il serait souhaitable de porter à 30 ans l’âge limite pour entrer dans ce dispositif.

Enfin, dans le cadre du pilotage territorial de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), les collectivités ne pourraient-elles être mobilisées pour organiser les filières ? Ne pourrait-on, au moins dans les régions où le chômage atteint des niveaux dramatiques, autoriser celles qui le souhaitent à mettre en place des incitations à l’embauche, y compris des incitations financières ?

M. Francis Vercamer. Venant après les emplois d’avenir, ces contrats de génération constituent le deuxième pilier de la politique de l’emploi du Gouvernement. Le projet est ambitieux, puisque vous en attendez la création de 500 000 emplois. Cependant, la conjoncture économique laisse sceptique sur vos chances d’atteindre cet objectif, que nombre de partenaires sociaux jugent d’ailleurs hors de portée. De fait, l’emploi ne se décrète pas : ce sont la croissance et l’état des commandes reçues par l’entreprise qui en décident. Autrement dit, en période de récession, les entreprises ne recrutent pas et, en période de forte activité, elles le font sans qu’il soit besoin d’un dispositif tel que le contrat de génération. Celui-ci va donc avant tout susciter des effets d’aubaine !

Pourquoi n’avez-vous pas suivi les préconisations du Conseil économique, social et environnemental (CESE) qui souhaitait limiter le bénéfice de ce contrat aux jeunes peu qualifiés, aux secteurs qui vont connaître un important mouvement de départs à la retraite et aux entreprises dont les salariés sont exposés à la pénibilité ? Ces recommandations raisonnables auraient au moins permis de réduire les effets d’aubaine.

Mme Sylviane Bulteau. Il me semblerait souhaitable que les jeunes qui occupent un emploi d’avenir dans une collectivité territoriale ou dans une association puissent, ensuite, intégrer une entreprise grâce au contrat de génération.

D’autre part, les jeunes femmes sont, davantage encore que les jeunes hommes, touchées par le chômage, par la pauvreté ou par la précarité. Ne pourrait-on à tout le moins ouvrir le bénéfice de ces contrats aux jeunes mères isolées, âgées de 26 à 30 ans ?

Mme Monique Iborra. Le mécanisme de ce contrat de génération peut sembler complexe à certains, en raison de la modulation des aides aux entreprises, mais celle-ci est justifiée par les réalités économiques. Cette modulation, quasiment inédite, doit donc être soutenue. Néanmoins, la confiance et le dialogue social n’excluent pas le contrôle. Qu’avez-vous prévu à cet effet ?

En cas de rupture du contrat par l’employeur, le poste créé pourra-t-il être pourvu par un autre salarié dont l’embauche bénéficierait d’une nouvelle aide ?

L’un des objectifs du dispositif est d’assurer la transmission des savoirs et des compétences aux jeunes, diplômés ou non, formés ou non, mais le projet de loi ne comporte aucune mesure incitative en ce sens. Quelle est votre position sur ce sujet, monsieur le ministre ?

Mme Hélène Geoffroy. Nous nous réjouissons de ce projet de loi, qui s’appuie sur un accord unanime des partenaires sociaux et rétablit en quelque sorte le compagnonnage grâce auquel, autrefois, les jeunes pouvaient tout naturellement s’insérer dans l’entreprise.

Le système envisagé ménage une liberté et une souplesse d’action utiles pour les entreprises. Néanmoins, les services de l’État et les chambres consulaires ne pourraient-ils accompagner les plus petites d’entre elles, pour les aider dans un recrutement pour lequel elles sont souvent mal armées ?

Enfin, le projet de loi ne précise pas la nature du tutorat dont bénéficieront les jeunes. Pourriez-vous préciser comment s’organisera la transmission des compétences ?

M. le ministre. Je n’aurai sans doute pas le temps de répondre à toutes vos questions cet après-midi, mais je fournirai au rapporteur des éléments qu’il pourra vous communiquer lorsque votre Commission examinera le projet de loi. Pour l’heure, je souhaite avant tout évacuer les faux débats et lever les incompréhensions – du moins les incompréhensions involontaires.

Il est légitime de poser la question des effets d’aubaine. C’est d’ailleurs sur ce point qu’a porté la vigilance des partenaires sociaux qui, salariés comme employeurs, se sont employés à les limiter – autant qu’il est possible car penser les éliminer totalement serait illusoire. Ainsi un jeune embauché sous contrat de génération ne pourra remplacer un salarié licencié et la mise en place d’un tel contrat gèlera pour quelque temps la possibilité de licencier un senior dans l’entreprise.

Cela étant, écartons les faux débats : on pourrait par exemple discuter à perte de vue pour savoir s’il convient de laisser l’économie créer toute seule les emplois ou s’il faut l’aider – et de quelle manière. Nous avons voulu pour notre part agir concrètement contre une situation inacceptable, où se conjuguent chômage élevé des jeunes et éviction des salariés les plus anciens. Nous avons donc cherché le dispositif le plus efficace possible qui, au lieu d’opposer ces deux populations, favoriserait leur présence commune dans l’entreprise.

Ce dispositif concernera l’ensemble des secteurs économiques, y compris donc l’agriculture. Les très petites entreprises, aussi bien artisanales que commerciales ou agricoles, bénéficieront ainsi d’une mesure de nature à en faciliter la transmission, puisque le contrat pourra être conclu entre un jeune et un chef d’entreprise senior – je ne doute pas que cette disposition, très attendue, soit utilisée sans attendre.

Ce sont plus de 99 % des entreprises qui seront concernées par les incitations. Les grandes entreprises, elles, disposent de la capacité de négocier des contrats de génération « collectifs ». D’ailleurs, elles mettent déjà en œuvre des contrats pour les seniors. Ceux-ci comportent également des pénalités, toutefois moins contraignantes que celles des contrats de génération, et la réforme sera donc l’occasion de fusionner les deux dispositifs comme l’ont demandé les partenaires sociaux, soucieux de simplicité. Notre objectif, c’est en effet l’efficacité et le débat sur ce sujet apparaît assez vain.

C’est ce même souci d’efficacité qui nous a conduits à cibler les entreprises les plus créatrices d’emplois : celles de moins de 300 salariés dans lesquelles travaillent les deux tiers des salariés français.

Les entreprises savent désormais ce qu’elles peuvent attendre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Il en sera de même du contrat de génération, qui obéit toutefois à une logique différente puisque le versement de l’aide y sera conditionnel – subordonné à l’embauche en CDI d’un jeune de moins de 26 ans et au maintien d’un emploi senior. Ce contrat sera intégré dès 2013 dans le pacte pour la compétitivité, dont le crédit d’impôt est sans doute la principale mesure mais qui en comporte bien d’autres. Ce pacte sera financé par des dispositions fiscales que vous avez déjà votées et auxquelles il est exclu d’ajouter, et, pour le reste, par une diminution des dépenses publiques. C’est dans ce cadre que sera financé le contrat de génération. Son coût devrait être compris, à plein régime, en 2016, entre 900 millions et 1 milliard d’euros. Ce montant ne viendra pas amputer l’enveloppe de 20 milliards d’euros promise aux entreprises : celles-ci bénéficieront en fait des deux dispositifs, le Gouvernement veillant au bon équilibre de l’ensemble.

Pour 2013, le contrat de génération n’exigera, comme je l’ai dit, que 200 millions d’euros. Pôle emploi sera chargé du versement des aides, mais cette dépense lui sera compensée à l’euro près car il n’est pas question de diminuer ses moyens. Nous ne pouvions le faire dans le projet de loi de finances pour 2013, la loi n’ayant pas encore été votée, mais nous y pourvoirons dès la première loi de finances rectificative qui se présentera.

Quant au calendrier, les entreprises de plus de 300 salariés devront négocier un accord collectif ou élaborer un plan d’action avant le mois de septembre 2013, mais elles peuvent le faire bien avant, l’enjeu budgétaire étant nul puisque ces entreprises ne percevront pas d’aides financières. Les entreprises de 50 à 300 salariés devront négocier un accord collectif ou établir un plan d’action si elles ne sont pas couvertes par un accord de branche. Ce dernier sera suffisant pour percevoir les aides. Néanmoins, compte tenu de la diversité des situations, les partenaires sociaux ont souhaité donner la priorité à la recherche d’un accord dans l’entreprise. Enfin, pour les entreprises de moins de 50 salariés, l’application du régime des contrats de génération sera immédiate, dès la promulgation de la loi et la parution des décrets d’application.

Si le Parlement souhaitait une mise en œuvre dès le 1er janvier 2013, le Gouvernement aurait la même attitude que pour les emplois d’avenir en étant prêt à lever les obstacles à une telle anticipation. Dans cette hypothèse d’une application anticipée, il est clair que les aides ne pourraient pas être versées le premier mois, mais un rattrapage serait opéré au cours des mois suivants.

Ce projet de loi répond à une préoccupation que nous pouvons tous partager et il a fait l’objet d’un accord unanime des partenaires sociaux. Dans ces conditions, je ne comprendrais pas qu’il ne soit pas soutenu, au sein de votre Assemblée, par une très large majorité.

La séance est levée à dix-huit heures.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 12 décembre 2012 à 16 heures 15

Présents. – M. Gérard Bapt, Mme Gisèle Biémouret, Mme Kheira Bouziane, Mme Sylviane Bulteau, M. Christophe Cavard, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Jean-Pierre Door, Mme Hélène Geoffroy, M. Jean-Marc Germain, M. Jean-Patrick Gille, Mme Linda Gourjade, M. Henri Guaino, Mme Joëlle Huillier, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Catherine Lemorton, M. Céleste Lett, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, Mme Véronique Massonneau, M. Pierre Morange, Mme Ségolène Neuville, Mme Dominique Orliac, Mme Monique Orphé, M. Christian Paul, M. Bernard Perrut, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gérard Sebaoun, M. Christophe Sirugue, M. Jean-Louis Touraine, M. Olivier Véran, M. Francis Vercamer

Excusés. – Mme Valérie Boyer, M. Gérard Cherpion, M. Guy Delcourt, M. Dominique Dord, Mme Geneviève Levy, Mme Martine Pinville, M. Fernand Siré, M. Jonas Tahuaitu, Mme Catherine Troallic

Assistaient également à la réunion. – M. Jean-Jacques Cottel, M. Régis Juanico, M. Serge Letchimy, M. Michel Liebgott, Mme Julie Sommaruga