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Commission des affaires sociales

Mercredi 19 juin 2013

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 70

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Yannick Moreau, présidente de la commission pour l’avenir des retraites, sur le rapport de celle-ci 2

– Information relative à la commission 30

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 19 juin 2013

La séance est ouverte à neuf heures cinq.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission entend Mme Yannick Moreau, présidente de la commission pour l’avenir des retraites, sur le rapport de celle-ci.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Mme Yannick Moreau va nous présenter ce matin le rapport réalisé par la commission pour l’avenir des retraites, qu’elle a présidée. Elle est accompagnée de M. Philippe Laffon, rapporteur général de la commission.

Vous avez, madame la présidente, remis ce rapport au Premier ministre vendredi dernier. Vous allez le présenter demain aux partenaires sociaux dans le cadre de la deuxième conférence sociale organisée par le Gouvernement.

Au cours de l’audition, la semaine dernière, de M. Hadas-Lebel, qui vous a succédé à la présidence du Conseil d’orientation des retraites (COR), j’ai rappelé la démarche que le Gouvernement a retenue en juillet 2012, lors de la première grande conférence sociale, pour préparer ses décisions en vue d’assurer l’avenir de notre système de retraite.

Dans un premier temps, le COR a été chargé, conformément à sa mission, d’établir un état des lieux et un diagnostic de notre système de retraite, en particulier de ses perspectives financières.

Ensuite, le Premier ministre a installé une commission pour l’avenir des retraites composée de dix experts et vous en a confié, madame Moreau, la présidence. Cette commission a été chargée d’identifier les différentes pistes de réforme permettant d’assurer l’équilibre des régimes de retraite à court, moyen et long termes, mais aussi de rendre ces régimes plus justes, plus équitables et plus lisibles pour les assurés.

Le rapport est le fruit d’un long travail. Ses préconisations visent, premièrement, à rééquilibrer à court terme notre système de retraite pour en assurer la pérennité à long terme ; deuxièmement, à en renforcer le caractère équitable et la lisibilité ; troisièmement, à accroître le taux d’emploi des seniors et à mieux prendre en compte la pénibilité. Je félicite la commission du travail accompli et la remercie pour son rapport très intéressant, lisible et compréhensible.

Mme Yannick Moreau, présidente de la commission pour l’avenir des retraites. En dépit des nombreux travaux existant déjà sur le sujet, le temps imparti à la commission nous a paru court : nous n’avons disposé que de quatre mois pour formuler des propositions pour les court, moyen et long termes. Les membres de la commission ont été très actifs et nous avons fourni un travail dense, bénéficiant de l’aide de tous les services de l’État et du secrétariat général du COR.

Je reviendrai pour commencer sur les principaux constats faits dans notre rapport.

Premièrement, même si chacun les connaît, il convient de rappeler précisément les défis démographiques auxquels notre système de retraite demeurera confronté dans la période à venir : nous sommes dans une période de départs massifs à la retraite – ceux des enfants du baby boom – qui va durer jusqu’en 2035. Dans le même temps, l’espérance de vie s’allonge. Il existe cependant une grande différence entre les deux phénomènes : si le premier était depuis longtemps anticipé, nous n’avons découvert le second que progressivement et n’en avons pleinement pris la mesure que dans les années 1990. Ni les rapports des années 1980 ni le Livre blanc de Michel Rocard sur les retraites n’en avaient fait état. C’est qu’à l’époque, l’INSEE prévoyait plutôt un tassement de l’espérance de vie. Cette prise de conscience relativement tardive est d’ailleurs commune à l’ensemble des pays développés.

La période de vingt-cinq ans dans laquelle nous entrons sera particulièrement éprouvante. En effet, le ratio entre cotisants et retraités va continuer à décroître : auparavant de 4, passé à 3 en 1990, il est aujourd’hui de 2,5 et tombera à 1,5 en 2035. À partir de cette date, il ne se stabilisera pas complètement – l’espérance de vie continuant à s’allonger –, mais diminuera beaucoup moins rapidement. Il convient de le dire, en particulier aux jeunes : à force d’entendre parler de réformes des retraites, ceux-ci sont en effet persuadés qu’ils ne percevront aucune pension. Tel n’est évidemment pas le cas.

La situation démographique de la France est dans la moyenne des pays européens. Elle est bien meilleure que celle de l’Allemagne, où le ratio entre cotisants et retraités tombera à 1,5 beaucoup plus rapidement et poursuivra sa baisse au-delà. Elle est en revanche légèrement moins favorable au financement des retraites que celle du Royaume-Uni, où la natalité et la mortalité sont l’une et l’autre plus élevées.

Deuxièmement, les réformes des retraites conduites depuis 1987 ont produit et vont produire des effets : comme nous le montrons dans notre rapport, sans ces réformes, la masse des pensions à financer en 2040 serait supérieure de six points de produit intérieur brut (PIB) à ce qu’elle sera dans le scénario médian – scénario B du COR – que nous avons retenu. À force de mener des réformes et d’annoncer un retour à l’équilibre qui ne se produit pas, nous avons l’impression d’une succession d’échecs. Mais prétendre que rien n’a été fait en France relève de la désinformation.

Au début des années 1970, Robert Boulin a conduit une réforme très importante qui a amélioré le niveau des pensions, objectivement faible jusqu’à cette date. Puis une loi a rendu obligatoire l’affiliation aux régimes complémentaires. À l’époque, on n’était guère en mesure de réaliser des projections et d’anticiper l’évolution des coûts. Les prestations sont demeurées élevées sur toute la période et n’ont d’ailleurs toujours pas commencé à décroître s’agissant du régime général, malgré les réformes menées depuis 1987. Quant aux régimes complémentaires, ils ont continué à accorder des droits nouveaux jusqu’en 1999. Enfin, en 1982, l’âge légal de départ à la retraite a été abaissé à 60 ans.

Les réformes destinées à « refroidir la machine » ont débuté dans la deuxième moitié des années 1980. À partir de 1987, les pensions et les salaires portés au compte ont été indexés sur les prix. Mais, malgré les réformes successives – 1993, 2003, 2008 et 2010 –, l’équilibre financier n’est toujours pas atteint. Il convient donc de nous interroger sur la manière de financer les retraites dans les années qui viennent.

Les réflexions de la commission ont porté sur trois questions ou séries de questions : l’équilibre financier, qu’il convient de restaurer pour redonner confiance dans notre système de retraite ; des mesures de justice, d’équité et de bonne gestion ; l’emploi des seniors et la pénibilité, l’avenir des retraites se jouant en grande partie dans le monde du travail.

À court terme, il est impératif d’assurer le financement de nos régimes de retraite par des mesures pérennes, le COR estimant le besoin de financement à 20 milliards d’euros en 2020.

Trois blocs peuvent être distingués : le régime général, les régimes alignés et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) ; les régimes complémentaires ; le régime de la fonction publique d’État, les régimes spéciaux et les autres régimes équilibrés par des taxes affectées ou par une subvention de l’État. Selon les rapports du COR, ces trois blocs vont connaître des évolutions différenciées, qui tiennent à la situation démographique propre à chacun d’entre eux : alors que les déficits du régime général et des régimes complémentaires vont continuer à se creuser jusqu’en 2020, celui du régime de la fonction publique d’État a déjà atteint son niveau le plus dégradé.

S’agissant des régimes complémentaires, une partie du besoin de financement – 7,6 milliards d’euros en 2020 – sera couvert par les mesures adoptées par les partenaires sociaux dans le cadre de l’accord national interprofessionnel conclu récemment. Il appartient désormais aux mêmes partenaires sociaux de prendre des décisions complémentaires permettant le retour à l’équilibre ; notre commission n’était pas chargée de les identifier.

Pour ce qui est du régime de la fonction publique d’État, des régimes spéciaux et des autres régimes équilibrés par des taxes affectées ou par une subvention de l’État, le COR a évalué en 2011 le besoin de financement à 8,6 milliards d’euros en 2020. Les lois de finances pour 2012 et 2013 l’ont déjà couvert à hauteur de 4 milliards d’euros. D’une manière générale, la commission a estimé que toutes les mesures qui seraient prises pour rééquilibrer le régime général et les régimes alignés devraient être étendues aux assurés – cotisants et retraités – des régimes du secteur public.

En ce qui concerne le régime général, les régimes alignés et le FSV, leur besoin de financement a été estimé par le COR à 5 milliards d’euros. Cependant, compte tenu d’un début de trajectoire économique dégradé par rapport aux hypothèses retenues par le COR, la commission a évalué l’effort financier nécessaire à 7 milliards d’euros. Elle a donc dressé une liste de mesures chiffrées, dont le rendement cumulé dépasse néanmoins largement cette somme. En effet, les mesures détaillées dans le rapport ne sont que des éventualités : la commission n’a pas exprimé de préférences ; il appartient au Gouvernement de faire ses choix. Pour la plupart des mesures, la commission n’a précisé leur rendement que pour le régime général et les régimes alignés. Quant aux mesures fiscales, elles concernent l’ensemble des retraités ; leur rendement est donc calculé tous régimes confondus.

Dans son rapport, la commission a distingué les mesures qui concerneraient les retraités de celles qui toucheraient les actifs. La question de savoir dans quelle proportion l’effort doit porter sur l’une ou l’autre catégorie – par exemple, pour un tiers sur les retraités et pour les deux autres tiers sur les actifs, ou à parité sur les deux catégories – est éminemment politique.

S’agissant des retraités, des mesures de désindexation peuvent être envisagées. Par exemple, une sous-indexation de 1,2 point des pensions soumises au taux plein de la CSG et de 0,5 point des pensions soumises au taux réduit, appliquée en 2014, 2015 et 2016, permettrait de réaliser une économie de 2,8 milliards d’euros en 2020. Cette mesure n’affecterait pas les pensions les plus modestes, les retraités non assujettis à la CSG n’étant pas concernés.

En matière fiscale, la Cour des comptes avait estimé que la situation des retraités était trop avantageuse et avait dressé une liste de mesures possibles, que la commission a examinées. Ainsi, la remise en cause de l’abattement fiscal de 10 % sur les pensions – équivalent de l’abattement pour frais professionnels dont bénéficient les actifs – rapporterait des sommes importantes : 3 à 5 milliards s’il était supprimé ; sensiblement moins si l’on se contentait d’en abaisser le plafond de 3 660 à 1 500 ou 2 500 euros par foyer fiscal. La suppression totale de l’abattement serait sévère : 790 000 ménages supplémentaires deviendraient imposables ; les autres prestations dont bénéficient certains d’entre eux seraient, en outre, réduites.

Enfin, des mesures peuvent également être envisagées s’agissant des recettes, par exemple un alignement sur celui des actifs du taux de la CSG auxquels sont assujettis les retraités.

S’agissant des actifs, une hausse de 0,1 point par an pendant quatre ans du taux de la cotisation déplafonnée rapporterait 3 milliards d’euros, et donc une hausse de 0,2 point, le double.

Une sous-indexation des salaires portés au compte permettrait également certains gains. Enfin, une augmentation de la durée de cotisation ou un report de l’âge légal du départ à la retraite sont également possibles. Cependant, compte tenu de la proximité de l’échéance de 2020, des mesures d’âge et de durée déjà mises en application actuellement et du niveau élevé du chômage, elles n’auraient qu’un rendement assez faible : 600 millions d’euros pour le régime général en 2020 dans l’hypothèse d’un calendrier très resserré.

Une fois la question du court terme traitée, la commission s’est penchée sur celle de la trajectoire de long terme. Elle a examiné la manière dont elle avait été abordée dans le cadre des précédentes réformes, à des époques où la réflexion, notamment sur les outils de pilotage, n’était pas aussi avancée.

En 1993, le Gouvernement n’avait pas promis un retour à l’équilibre, il souhaitait avant tout réaliser des économies.

En 2003, le Gouvernement a tenté de financer un retour à l’équilibre et fixé une clause de rendez-vous à 2008. Cependant, si une réforme très importante a bien été conduite en 2008, il ne s’est pas agi du rendez-vous prévu pour examiner les conditions d’un retour à l’équilibre. C’est d’ailleurs un problème : comment faire respecter les rendez-vous fixés par le Parlement ?

En 2010, le Gouvernement a annoncé un retour à l’équilibre, qu’il a cherché à atteindre, d’une part, grâce à des mesures pérennes – report de l’âge légal de départ à la retraite – et, d’autre part, grâce à des financements provenant du Fonds de réserve pour les retraites (FRR), lesquels n’étaient cependant pas reconductibles et n’ont donc pas eu d’effet durable.

La commission a estimé qu’il convenait désormais de présenter aux Français des solutions pérennes. De ce point de vue, elle a considéré que la réforme de 2003 n’était pas déraisonnable : le Gouvernement avait retenu l’un des scénarios du COR et tenté d’élaborer un plan de retour à l’équilibre.

Aujourd’hui, si nous retenons le scénario B du COR – 1,6 % de croissance par an, dont 1,5 point de gains de productivité et 0,1 point d’augmentation de la population active –, l’équilibre financier du système de retraite sera assuré à partir de 2020. Nous aurions donc pu nous en tenir là et ne rien proposer pour le long terme. Cependant, ce raisonnement nous est apparu peu crédible. En effet, la France est, comme les autres pays développés, confrontée à un deuxième défi : celui d’une croissance faible – les gains de productivité étant incertains – et irrégulière. Nous ne sommes donc nullement assurés que le scénario B est bien celui qui se réalisera pendant les vingt prochaines années. Aucun des économistes que la commission a consultés ne l’a d’ailleurs jugé raisonnable. La commission a donc travaillé à partir de l’ensemble des hypothèses présentées par le COR.

Dans tous les cas de figure – y compris le scénario B –, la commission propose d’augmenter la durée de la vie active afin de tenir compte de l’allongement de l’espérance de vie. Elle est partie de l’hypothèse que l’augmentation de la durée de cotisation serait poursuivie au rythme prévu par la réforme de 2003. Cependant, elle a également chiffré d’autres scénarios d’augmentation de la durée de cotisation et de report de l’âge légal de départ à la retraite. Le choix entre ces différentes propositions relève d’une décision politique.

La commission a étudié d’autres mesures que celles portant sur l’âge et la durée. Elle a constaté que le système de retraite ne rencontrait guère de problèmes de financement en période de croissance, mais qu’il y était confronté lorsque celle-ci faisait défaut. En effet, de manière définitive depuis la réforme de 1993, la revalorisation des pensions est indexée sur les prix, qui ont augmenté faiblement et régulièrement ces dernières années, indépendamment du contexte économique. Les cotisations évoluent pour leur part comme les salaires, qui sont au contraire très sensibles à la situation de l’économie. Lorsque celle-ci est bonne, le différentiel entre salaires et prix permet de financer le déséquilibre démographique lié au départ à la retraite des générations du baby boom – tel était d’ailleurs l’objectif de la réforme de 1993. De plus, les taux de remplacement baissent de manière mécanique. En revanche, en période de faible croissance, le différentiel entre salaires et prix n’est plus suffisant pour financer le système de retraite et les taux de remplacement ne se dégradent plus.

Dans les faits, aujourd’hui, les taux de remplacement ne diminuent pas : leur baisse dans le régime de base a été plus que compensée par les droits que les régimes complémentaires ont continué à accorder. Le niveau des pensions est donc historiquement haut. Cette situation ne va pas durer : à partir de 2018 ou 2020, les taux de remplacement vont se dégrader. Cela n’a rien de dramatique compte tenu du montant relativement élevé des pensions, mais il conviendra de surveiller ce phénomène.

Comment font les pays étrangers pour faire face aux aléas conjoncturels que j’ai décrits ? Chez beaucoup de nos partenaires, le mode de calcul des pensions n’est pas totalement fixe : on tient compte, chaque année, de la situation démographique et du contexte économique. Ainsi, en Allemagne, un coefficient démographique et un coefficient économique sont calculés chaque année et appliqués tant aux salaires portés au compte qu’aux pensions. L’indexation des pensions sur les prix constitue une originalité française.

En somme, la France doit choisir entre deux voies : procéder à une réforme des retraites tous les trois à cinq ans – si la situation économique n’est pas bonne – ou introduire des éléments de pilotage. Beaucoup estiment que nous devrions passer à un régime par points. Cependant, une telle réforme ne produirait en soi aucune économie en l’absence de mécanisme de pilotage. En réalité, comme l’explique la commission dans son rapport, il est possible de piloter tous les types de régimes : par annuités, par points ou en comptes notionnels. Plus que la nature du système, importent les outils de pilotage dont on se dote et les objectifs qu’on fixe. Bien sûr, cela n’empêche pas d’avoir une préférence pour tel ou tel système. Quoi qu’il en soit, la diversité des régimes français rend un pilotage plus difficile.

Afin de piloter notre système par annuités, la commission propose que soit calculé, chaque année, un coefficient d’indexation des salaires portés au compte, en fonction des gains de productivité – c’est-à-dire des salaires nets – observés au cours des dix dernières années.

La France étant attachée au primat du politique, nous n’estimons pas souhaitable que le mécanisme d’indexation soit purement automatique, comme c’est le cas en Suède. Ce serait l’échec assuré. La réforme doit être réalisable et ne doit ni bloquer ni mettre en péril notre système.

Le coefficient d’indexation serait donc calculé par un comité d’experts selon les modalités de pilotage prévues par la loi. Ensuite, le Gouvernement aurait la possibilité, après consultation du COR et des partenaires sociaux, soit de retenir ce coefficient, soit d’adopter des dispositions d’effet équivalent. Il inscrirait dans tous les cas la ou les mesures décidées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. L’instauration de ce mode de pilotage impliquant un choix politique annuel constituerait un progrès considérable.

J’en viens aux mesures visant à renforcer l’équité et la lisibilité, dont nous pourrons débattre plus longuement ensuite. La commission a travaillé de manière sélective : sur la vingtaine de mesures qu’a proposées le COR dans ses rapports, elle n’en a étudié que cinq ou six. De plus, elle n’a pas pu en chiffrer le coût dans le laps de temps qui lui était imparti. Cependant, elle a clairement indiqué que ces mesures devraient, si elles étaient adoptées, être intégralement financées dans le cadre de la réforme.

Les premières mesures que nous proposons concernent les règles d’acquisition des trimestres. Le calcul des droits à pension est défavorable à certaines catégories : les apprentis, les stagiaires en entreprise, les stagiaires de la formation professionnelle. Ces situations ne sont pas normales et il ne serait pas très coûteux d’y remédier. Nous proposons également des mesures – sans doute peu onéreuses – en faveur des polypensionnés, ainsi qu’une meilleure prise en compte des aléas de carrière.

D’autre part, la commission a étudié assez longuement la question des avantages familiaux. D’abord, ceux-ci varient considérablement d’un régime à l’autre. Ensuite, nous observons, notamment dans le régime général, des empilements d’avantages – assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), majorations de durée d’assurance… – qui vont parfois au-delà de ce qui est nécessaire. Enfin, lorsqu’elles sont proportionnelles aux pensions, les majorations pour enfant profitent paradoxalement davantage aux hommes qu’aux femmes, dans la mesure où ils perçoivent des pensions en moyenne plus élevées. Pourtant, les femmes contribuent largement à l’éducation des enfants. Il convient donc de revoir l’ensemble du système, qui a vieilli. Il serait notamment souhaitable de forfaitiser les aides. C’est, selon nous, une mesure intéressante et importante, une des rares que nous pouvons prendre en faveur des femmes, désavantagées par rapport aux hommes en matière de retraites.

Le système est encore plus illogique et illisible en ce qui concerne les pensions de réversion : dans le régime de base, leur versement est soumis à condition de ressources alors que, dans les régimes complémentaires, leur montant est proportionnel à celui de la retraite ; en outre, les taux sont beaucoup plus favorables dans les régimes complémentaires du secteur privé.

En tous les cas, toute réforme des avantages familiaux devra être menée de manière coordonnée entre le régime de base et les régimes complémentaires, d’une part, et entre le régime général et les autres régimes, d’autre part. Il faut clore l’époque où chaque régime pouvait élaborer son propre dispositif dans son coin. Nous pensons possible de parvenir à une convergence, d’autant que les partenaires sociaux et les responsables des différents régimes ne sont pas opposés à un rapprochement, voire à une uniformisation des règles en la matière.

Cependant, c’est une réforme complexe. La commission n’est pas certaine que le Gouvernement sera en mesure de la mener à bien dans le temps qu’il s’est donné pour conduire sa réforme des retraites. Elle a donc imaginé deux scénarios dans lesquels les réformes seraient moins importantes, mais incluraient la forfaitisation de certains avantages.

Au titre des mesures visant à renforcer l’équité et la lisibilité, la commission a étudié les taux de remplacement dans les régimes de la fonction publique et dans ceux du secteur privé. Contrairement à ce que l’on pouvait penser, ces taux ne sont pas plus avantageux dans le secteur privé où, de plus, ils restent pour le moment stables alors qu’ils baissent dans le secteur public. Ce n’est guère étonnant : comme la part des primes dans la rémunération des fonctionnaires augmente chaque année et que les primes ne sont pas prises en compte dans le calcul des pensions, le taux de remplacement diminue mécaniquement.

Quoi qu’il en soit, la commission a estimé que les différences de mode de calcul des pensions entre secteur public et secteur privé nuisaient à la lisibilité du système de retraite. Elle a donc proposé une évolution de ce mode de calcul dans le secteur public. Il ne s’agit nullement, comme je l’ai parfois entendu, de prendre en compte les salaires des vingt-cinq dernières années et d’intégrer toutes les primes. Une telle réforme aurait probablement des effets très anti-redistributifs : elle serait favorable aux cadres de la fonction publique qui perçoivent des primes élevées, mais non aux autres agents. En outre, elle supposerait au préalable une évolution profonde de la politique salariale menée par le Gouvernement, celles qui ont été conduites jusqu’ici rendant très malaisée une réforme des régimes de retraite de la fonction publique.

La commission est néanmoins favorable à une évolution – qui est loin de faire l’unanimité – : elle propose d’allonger la durée de référence de trois à dix ans, en contrepartie de l’intégration d’une partie des primes. Des mesures techniques permettraient de maintenir le niveau des pensions pour les agents qui ne perçoivent pas de primes. En effet, l’objectif de cette réforme serait non pas de faire baisser les pensions, mais de rapprocher les modes de calcul entre secteur public et secteur privé, de telle manière que le système de pilotage que nous proposons puisse concerner tous les régimes. La commission a en effet souhaité aller au bout de la logique de lisibilité et d’équité : il n’était pas question pour elle de préconiser un pilotage qui serait appliqué au seul secteur privé.

Je n’ai pas le temps de détailler les mesures que nous proposons pour accroître le taux d’emploi des seniors. Cependant, nous y attachons autant d’importance qu’aux autres volets de la réforme.

En matière de prise en compte de la pénibilité, beaucoup ont considéré que la réforme de 2010 n’était pas allée assez loin. Tout en retenant les mêmes critères, la commission propose un système alternatif : les salariés accumuleraient des points en fonction de la durée pendant laquelle ils exercent une activité dite pénible ; ces points seraient transférables d’une entreprise à une autre et seraient convertibles en trimestres soit de formation professionnelle – principalement en vue d’une reconversion –, soit de temps partiel de fin de carrière, soit de rachat de trimestres au titre de la retraite. Le barème favoriserait le recours à la formation et au temps partiel : pour un même nombre de points, un salarié aurait droit à trois fois plus de trimestres de formation et à deux fois plus de trimestres de temps partiel que de rachat de trimestres à la retraite.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je vous remercie, madame la présidente, pour votre exposé.

Vous avez évoqué le mode de calcul des droits à la retraite pour les apprentis, pour les stagiaires en entreprise et pour les stagiaires de la formation professionnelle, qui n’est en effet pas satisfaisant. Avez-vous réfléchi aussi au cas des étudiants qui vont entrer tardivement sur le marché du travail ? En général, ils ne cotisent pas pendant la durée de leurs études, à moins de travailler parallèlement, ce qui n’est d’ailleurs pas de nature à faciliter leur réussite universitaire.

M. Michel Issindou. Je vous remercie, madame la présidente, pour votre rapport précis, équilibré et sans complaisance. Vous y ouvrez de nombreuses pistes, auxquelles on peut acquiescer ou non. Quoi qu’il en soit, votre commission a réuni les experts ayant la meilleure connaissance pratique de notre système de retraite et a accompli un travail sérieux.

Vous posez le rétablissement de l’équilibre financier comme un préalable à toute réforme. Le titre du rapport – « équilibre financier et justice » – est révélateur à cet égard. En effet, il n’est pas possible de parler d’équité si le système est en perdition. À l’instar du COR, qui relève le caractère insupportable du déficit de notre système de retraite – environ 20 milliards d’euros en 2020 si rien n’est fait –, vous estimez qu’il est impératif de revenir à l’équilibre.

Je ne reviens pas sur les propositions que vous avez formulées à cette fin, tant en matière de dépenses que de recettes. Elles retiennent, plus que le reste du rapport, l’attention des médias – va-t-on désindexer les pensions, supprimer l’abattement de 10 %, augmenter le taux de cotisation ? – et ne manqueront pas de susciter des polémiques. Pour indispensables qu’elles soient, elles ne constituent pourtant pas le cœur d’une véritable réforme des retraites.

De manière très louable, vous nous invitez à concilier un principe d’efficacité – ne pas pénaliser la croissance – et un principe de justice – ne pas amputer le pouvoir d’achat des Français les plus modestes. Il nous faudra en effet trouver un équilibre subtil. À cet égard, vous avez élaboré deux scénarios de répartition des efforts : ceux-ci pourraient porter pour les deux tiers sur les actifs et pour un tiers sur les retraités, ou être partagés à parité.

En outre, le système de pilotage que vous proposez afin que les régimes de retraites ne soient plus soumis aux aléas de la croissance est particulièrement original. Il apparaît essentiel que nous nous dotions d’un tel système. Dans les faits, nous procédons déjà, ou peu s’en faut, à des ajustements bisannuels : depuis 2003, nous en sommes déjà à la quatrième ou cinquième réforme des retraites ! Un tel rythme montre bien que nous n’avons pas encore trouvé la formule qui permettrait d’équilibrer de manière durable nos régimes de retraite. C’est pourquoi l’instauration d’un système de pilotage annuel et l’inscription des mesures décidées à ce titre dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale me paraissent de bonnes idées. Cela n’empêcherait d’ailleurs en rien d’adopter des mesures plus générales ou de long terme.

Enfin, vous avez abordé tous les autres sujets importants. Vous proposez de clarifier les règles d’acquisition des trimestres : aujourd’hui, la base de calcul – 200 heures de travail rémunérées au SMIC – est pénalisante pour certains, avantageuse pour d’autres. Vous avez examiné attentivement la situation des jeunes actifs – apprentis, stagiaires –, auxquels il convient en effet de redonner confiance. Vous recommandez de mieux prendre en compte les périodes de chômage, souvent subies, dans le calcul des pensions. Vous préconisez d’améliorer la coordination entre les régimes de retraite pour les polypensionnés, souvent perdants, et, à cet égard, vous avez plaidé en faveur d’un guichet unique. Vous avez mis l’accent sur la convergence entre les régimes de la fonction publique et ceux du secteur privé.

Quant aux seniors, il est nécessaire qu’ils travaillent le plus longtemps possible, compte tenu de l’allongement de la durée de cotisation et du report de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans. Afin de prendre en compte la pénibilité, vous proposez là aussi un système original, qui permettrait aux salariés d’acquérir des droits, convertibles en périodes de formation, en temps partiel de fin de carrière ou en trimestres de cotisation à la retraite. Vos propositions vont toutes dans le bon sens. La réforme des retraites qui s’annonce, à la différence de celle de 2010, ne concernera pas que les paramètres financiers.

J’en viens à mes trois questions. Est-il indispensable de modifier les règles de calcul des pensions dans la fonction publique, dès lors que les taux de remplacement sont très proches de ceux du secteur privé ? Pour quelles raisons écartez-vous a priori l’instauration d’un système de retraite par points, qui serait pourtant plus lisible ? Enfin, quel regard portez-vous sur le système actuel : remplit-il correctement ses fonctions ?

M. Arnaud Robinet. Tout en vous félicitant à mon tour pour votre travail, je veux vous faire part de la déception du groupe UMP. Alors que votre commission devait lui livrer une réforme clés en main, il semble que le Gouvernement ait orienté ses conclusions par avance ; en tout cas, de façon délibérée ou non, vous n’avez pas abordé plusieurs sujets sensibles dont le traitement aurait demandé du courage.

Vous dressez un constat, mais qui est connu et partagé par tous : quelle est la plus-value par rapport aux travaux du COR ? Votre rapport définit des orientations comptables à court terme sans tracer de perspectives pour parvenir à l’équilibre financier ni pour répondre à l’exigence de justice, alors que celle-ci était présente dans la réforme de 2010, qui a pris en compte la pénibilité, les carrières longues ou la situation des femmes.

Vous insistez sur la contrainte démographique – allongement de l’espérance de vie, baisse du ratio entre actifs et retraités – en comparant notre situation à celle de l’Allemagne et des autres pays européens, mais il conviendrait de prendre en compte d’autres paramètres, qui font la singularité de notre système et qui tiennent aux acquis sociaux chers à notre pays, comme l’âge légal de départ à la retraite.

Vous annoncez un déficit de 20 milliards d’euros, mais il aurait valu la peine que vous rappeliez qu’il aurait été de 40 milliards sans la réforme de 2010. Le régime de la fonction publique est à l’équilibre, dites-vous aussi. Oui, mais grâce à l’impôt, à l’emprunt, et donc au contribuable ! Dans ces conditions, soutenir que le déficit ne serait que de 20 milliards, c’est mentir aux Français car on ne peut ainsi faire abstraction du régime des fonctionnaires, des régimes spéciaux et d’autres encore, tel le régime social des indépendants !

Des questions essentielles sont absentes de votre rapport : ainsi, dans vos développements en faveur de l’équité, vous n’abordez pas celle des régimes spéciaux, que traitait la réforme de 2008 même si elle n’est pas allée assez loin ; vous éludez celle de la création d’un régime unique par points et celle de l’adossement au système par répartition d’une capitalisation par le biais de l’épargne retraite.

Enfin, pour quelle raison n’avez-vous pas envisagé de reculer l’âge légal de départ à la retraite – à 65 ans à l’horizon 2025-2030 – alors que ce levier est le plus efficace pour atteindre l’équilibre financier à court terme ? L’allongement de la durée de cotisation est une mesure hypocrite, qui appauvrira les retraités : comment pourrez-vous soutenir à un jeune qui commence à travailler à 24 ans qu’il pourra partir à 62 ans sans lui expliquer que ce sera au prix d’une pension réduite ?

M. Arnaud Richard. Notre système de retraite est à nouveau menacé de faillite malgré la réforme de 2010. La majorité, qui a déjà trahi ses électeurs en n’honorant pas sa promesse de revenir sur cette loi, qui a déjà aussi augmenté les cotisations des salariés et baissé le montant des pensions en les soumettant à une nouvelle taxe, se trouve aujourd’hui au pied du mur et ne peut plus refuser comme par le passé toute réforme des retraites.

Vous l’avez dit, madame Moreau, une énième commission n’est pas nécessaire car les enjeux sont connus. Votre rapport doit permettre de faire le choix de la responsabilité qui, pour nous, passe par un relèvement à 62 ans, dès 2015, de l’âge légal de départ à la retraite et par une accélération de la convergence entre les régimes privé et public. Dans le même esprit, une réforme ambitieuse devrait instituer un système de retraite par points, seul à même de prendre en compte la diversité des parcours professionnels et la pénibilité, et de permettre l’extinction progressive des régimes spéciaux.

Le dernier rapport du COR est éclairant sur la situation de nos régimes de retraite et propose des pistes de réforme auxquelles viennent s’ajouter celles de votre rapport. Avant que ne commence la conférence sociale – on ne parle plus de « grande » conférence sociale ! –, nous savons déjà que le Gouvernement souhaite réformer le système avant la fin de l’année pour le ramener à l’équilibre et que le Président de la République, qui avait précédemment indiqué que la durée de cotisation devrait être allongée, considère que les Français devront travailler plus longtemps pour assurer l’avenir des retraites. Il n’y a là rien de bien neuf si l’on songe qu’il y a quelques mois, M. Michel Rocard lançait une proposition jugée alors iconoclaste, consistant à fixer l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans en contrepartie d’une réduction du temps de travail. « Il faut dire la vérité aux Français. Le vrai calcul se fonde sur la durée de cotisation, pas sur un droit lié à un âge borné inutile. En conséquence, on peut aller jusqu’à 65 ans », disait-il.

Espérons néanmoins que votre rapport ouvrira la voie à des changements structurels, au lieu de ces simples ajustements de paramètres qu’on a été obligé jusqu’ici de rééditer tous les trois ans, dans le cadre de réformes décrédibilisées par les hypothèses de croissance illusoires sur lesquelles elles s’appuyaient.

Le COR avait posé deux exigences qu’il considérait comme indispensables au retour des régimes à l’équilibre : la réforme et la fusion des régimes spéciaux, et une révision générale des éléments de solidarité. Ces deux nécessités demeurent mais, plus généralement, une simplification du système actuel paraît être le préalable à toute réforme juste et durable. Jusqu’où, selon vous, peut-on simplifier le pilotage pour assurer une plus grande égalité, sans pour autant aller jusqu’à unifier les 35 régimes français ?

La lecture de votre rapport suggère aussi d’autres questions : faut-il la désindexation des pensions et l’alignement du taux de CSG applicable aux retraités sur celui des actifs ? Quelles seront les conséquences de la réforme pour les fonctionnaires et pour les retraités ? Que changera-t-elle pour les régimes spéciaux ? Que promettre aux jeunes générations qui entrent aujourd’hui sur le marché du travail ?

Quelles convergences et divergences notez-vous entre votre rapport et la position exprimée par la Président de la République lors d’une récente émission télévisée ? Qu’attendez-vous de la conférence sociale ? Quelle part y prendrez-vous ?

On nous dit souhaiter que tous les Français soient mis à contribution pour redresser les comptes du système de retraite. Mais, sur les 20 milliards qu’il faudrait trouver d’ici à 2020, il est prévu que neuf aillent au régime des fonctionnaires. Il y a là un problème évident d’égalité qu’il conviendrait de traiter. De ce point de vue, comment jugez-vous le fait que le Président de la République ait rejeté l’hypothèse d’un rapprochement des modes de calcul des pensions entre régimes public et privé, alors que vous-même avez préconisé de calculer celles des fonctionnaires, non plus sur les six derniers mois, mais sur les dix dernières années ?

Mme Véronique Massonneau. Votre rapport constitue une base de travail intéressante, mais laisse en suspens des questions dont une réforme des retraites efficace et intelligente ne peut faire abstraction, notamment celles du chômage des seniors, des carrières interrompues et des inégalités entre hommes et femmes.

Le sort fait aux seniors sera une des pierres de touche de cette réforme des retraites. Quelles conséquences l’allongement de la durée de cotisation aurait-il sur leur taux de chômage ? La réforme de 2010 n’a fait que déplacer le problème en transférant le déficit du régime de retraite à l’assurance chômage. Si l’on veut éviter de se heurter à nouveau au même écueil, il faut une réflexion approfondie et une étude d’impact précise sur le sujet. Le transfert d’une caisse à une autre, non plus de flux financiers mais de personnes cette fois, n’est pas une solution. Il atténuerait certes le déficit du régime de retraite mais n’améliorerait pas la situation globale de nos finances publiques.

Les contrats de génération sont assortis d’une aide d’État pour les salariés de 57 à 60 ans. Ne conviendra-t-il pas de revoir ces bornes si l’on allonge la durée de cotisation ?

Votre rapport vise certes, à la fois, à prévenir et à compenser la pénibilité, mais il ne retient que deux facteurs ouvrant droit à la validation de trimestres supplémentaires : le travail de nuit et l’exposition à des agents cancérigènes. Pourquoi faites-vous l’impasse sur les autres facteurs reconnus par le décret du 30 mars 2011, comme le port de charges lourdes ou les postures pénibles ? Sera-t-il possible de les intégrer au dispositif que vous proposez ?

Quelles pistes envisagez-vous pour réduire les écarts de pensions entre hommes et femmes ? Comment pourrait-on prendre en compte les disparités de carrière, les congés parentaux et la précarité au travail qui est le lot de tant de femmes ?

Pour ce qui est des apprentis, le rapport suggère de modifier l’assiette de leurs cotisations afin d’améliorer leurs droits à retraite en leur garantissant la validation de quatre trimestres par année d’apprentissage. En revanche, si vous posez la question des stagiaires, vous n’y répondez pas. Comment intégrer les stages dans le calcul de ces droits, notamment les stages de fin d’études, qui sont de plus en plus souvent une première expérience professionnelle ?

Enfin, ne pourrait-on envisager des dispositifs alternatifs à l’allongement de la durée de cotisation pour financer le système de retraite ? Avez-vous réfléchi à un élargissement de l’assiette, à une taxation du capital ou encore à un plafonnement des retraites les plus élevées ?

Mme Jacqueline Fraysse. L’allongement de l’espérance de vie constitue un progrès à condition de ne pas être obligé de travailler jusqu’à 70 ans et de disposer de ressources suffisantes pour vivre dignement !

Les objectifs assignés à ce rapport – l’équilibre financier et la justice – sont pertinents mais, comme Véronique Massonneau, je suis surprise que la commission n’envisage d’efforts que venant des actifs et des retraités, sans jamais citer les employeurs, alors que la charge devrait être partagée.

Il est proposé, pour les retraités, de revenir sur certains avantages fiscaux dont ils bénéficient et, pour les actifs, d’augmenter la durée de cotisation et de supprimer certains avantages accordés au titre de la famille. Pourquoi n’avoir pas exploré la possibilité de ressources nouvelles, comme l’élargissement de l’assiette à tous les éléments de la rémunération – bonus, primes d’intéressement, etc. –, ou la mise à contribution des revenus financiers des entreprises ?

Je doute que les propositions faites à propos de l’emploi des seniors soient très pertinentes compte tenu du niveau actuel du chômage – en particulier du chômage des jeunes. C’est avant tout ce chômage qu’il faut combattre et, à cet égard, je regrette le rejet de notre proposition de loi tendant à interdire les licenciements boursiers et les suppressions d’emplois abusives.

D’où à nouveau cette question : pourquoi n’avoir pas considéré que, le système de retraite étant financé par des ressources provenant du travail, c’est aussi l’affaire de l’entreprise, donc des salariés mais également des employeurs ?

M. Jean-Noël Carpentier. Votre rapport servira de support aux discussions de la conférence sociale et l’on peut compter sur la sagacité des partenaires sociaux pour compléter ces propositions : la démarche choisie par le Gouvernement a en effet le mérite d’ouvrir le débat.

La volonté de la majorité parlementaire est de parvenir à un accord national afin de maintenir notre système de retraite, ce qui peut être obtenu dans la sérénité et la justice, sans les larmes et le sang promis par l’opposition !

Il est bon de ce point de vue que vous ayez écarté l’idée d’une réforme systémique. Je partage votre volonté de stabiliser le système actuel par répartition, qui garantit la solidarité entre générations. Il s’oppose en cela au système par capitalisation qui, trop développé, livrerait le secteur social aux appétits des marchés financiers et fragiliserait les retraites en les soumettant aux fluctuations boursières.

Il est impératif d’équilibrer notre système de retraite pour soulager les comptes publics en cette période de crise. Le financement des retraites est malade du déficit mais ce mal n’est pas incurable. Le remède réside en partie dans le retour de la croissance et de l’emploi, la nocivité de l’austérité n’étant plus à démontrer.

Je regrette que vous vous contentiez de jouer sur les leviers traditionnels que sont le niveau des pensions, le montant des cotisations ou la CSG. À aucun moment, vous ne remettez en cause le dogme interdisant d’élargir l’assiette des cotisations, ce qui serait pourtant un gage de justice sociale et d’efficacité économique en même temps qu’un moyen bienvenu de canaliser la finance vers une nouvelle utilité sociale. Votre proposition de relever de 0,1 point les cotisations sociales d’assurance vieillesse, en répartissant l’effort à parts égales entre salariés et employeurs, ne me semble pas à la hauteur de cette ambition nouvelle. Le retour à l’équilibre financier ne peut être le seul objectif, il faut aussi l’équité devant la retraite, notamment entre hommes et femmes.

Quel raisonnement vous conduit à proposer d’aligner le taux de CSG applicable aux retraités sur celui des actifs alors que le Gouvernement s’est engagé à maintenir le niveau des pensions ? La suppression de l’abattement fiscal de 10 % est-elle au nombre des mesures que vous privilégiez ?

Quant au rapprochement des régimes privé et public, vous indiquez que les pistes envisagées ne permettraient pas d’assurer de nouveaux financements. Dès lors, même si la lisibilité de notre système doit être améliorée, pourquoi s’aventurer dans une voie qui va créer des injustices là où elles n’existent pas ?

Le rapport n’est pas favorable à un nouveau recul de l’âge légal de départ à la retraite dans la logique de la réforme de 2010 – j’en suis heureux – mais recommande un allongement de la durée de cotisations. Je m’interroge sur cette mesure qui peut être source d’injustice si de larges dérogations ne sont pas prévues pour les salariés ayant commencé à cotiser très jeunes ou ayant été soumis à des travaux pénibles. Sur ce dernier point, il conviendrait d’ailleurs de mener plus avant la réflexion, d’autant que, si l’espérance de vie progresse, il n’en va pas de même pour l’espérance de vie en bonne santé.

Enfin, en allongeant la durée de cotisation, ne craignez-vous pas de modifier l’équilibre de notre système de retraite en faveur de la capitalisation et d’approfondir ainsi les inégalités en créant un système à deux vitesses qui aurait pour effet de faire baisser le montant des pensions de millions de nos concitoyens ?

M. Denis Jacquat. Vous avez exécuté la commande en alimentant la réflexion gouvernementale. Votre rapport vient ainsi s’ajouter au Livre blanc sur les retraites, au rapport Charpin et à ceux du COR. Quant aux difficultés posées jusqu’en 2035 par la fin du papy-boom, elles étaient connues. Si l’on se retourne aujourd’hui vers le passé, on peut donc constater que pendant que le parti socialiste écrivait, l’UMP agissait !

« Si ces réformes ont accru la capacité du système à faire face à ses engagements, elles n’ont pas atteint tous leurs objectifs ni eu les résultats escomptés », est-il écrit dans votre rapport. C’est exact, mais cela résulte aussi d’un climat extrêmement conflictuel, alors qu’en Allemagne, droite et gauche se sont accordées sur une réforme faisant une part à l’épargne retraite…

Une réforme réussie doit combiner des actions à court et long termes : à court terme, il faut une révision de la borne de l’âge légal parce que c’est le moyen le plus efficace de résorber rapidement le déséquilibre financier ; à long terme, il faut faire évoluer la durée de cotisation. Tout cela demande de faire œuvre de pédagogie auprès des Français : le devenir des retraites réclame de la lisibilité et de la sérénité. À cet égard, le groupement d’intérêt public Info-retraite est une réussite.

Mais il faut aussi réfléchir à la gouvernance et ne pas oublier les veuves et les retraites des personnes handicapées.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Notre système de retraite est au cœur du dispositif de solidarité nationale. Dans le contexte actuel de crise et de chômage, la réforme vise à rétablir l’équilibre financier du système pour le préserver, mais aussi à prendre des mesures de justice en faveur de ceux qui se trouvent en situation difficile. De nombreux mécanismes de solidarité – notamment les validations de trimestres sans contrepartie de cotisation, financées par la solidarité nationale – évitent que les aléas de carrière, comme l’entrée tardive sur le marché du travail, le chômage ou la maladie, ne réduisent les droits à pension.

Le rapport propose de renforcer le caractère redistributif de notre système de retraite et la solidarité face à ces aléas afin de mieux prendre en compte les carrières heurtées, les difficultés d’insertion professionnelle des jeunes et les problèmes spécifiques aux polypensionnés. Mais qu’adviendra-t-il des personnes handicapées si on allonge la durée de cotisation ? L’accès à l’emploi est pour elles plus difficile, d’où un taux de chômage double du taux moyen, et ils souffrent d’une usure prématurée de leur force de travail. Sur ce dernier point, j’ai apprécié votre proposition d’un « compte individuel pénibilité », mais quelles mesures spécifiques préconisez-vous plus généralement en leur faveur ?

M. Jean-Pierre Barbier. Votre rapport est sans surprise. En revanche, je suis étonné de vous entendre parler de concertation alors que le Président de la République a déjà défini les orientations de la réforme.

Dans l’historique du système de retraite que vous avez présenté, je regrette que vous ayez omis l’ordonnance Auroux de 1982 qui, en ramenant l’âge légal à 60 ans, ont lourdement pesé sur le devenir des retraites.

Parmi les pistes que vous proposez, l’allongement de la durée de cotisation est un trompe-l’œil qu’il convient de dénoncer car le départ à la retraite à l’âge légal ne permettra pas de bénéficier d’une retraite à taux plein.

Dans votre rapport, vous prévoyez des ressources supplémentaires provenant d’une augmentation des cotisations salariales et patronales, ce qui pèsera sur la compétitivité des entreprises. Mais, plus grave encore, les deux mesures entre lesquelles vous laissez le choix, la désindexation des retraites et la suppression de l’abattement fiscal de 10 %, auront pour conséquence une baisse du pouvoir d’achat des retraités. La suppression de l’abattement pour frais professionnels peut se comprendre pour les retraités mais vous devez avoir à l’esprit qu’ils sont souvent investis dans des associations. Enfin, n’oublions pas deux autres sujets importants : la convergence entre public et privé et le problème des retraites agricoles, dont le montant est souvent bien inférieur au minimum vieillesse.

M. Philippe Vigier. Vous semblez prendre acte d’une baisse du montant des retraites pour les années à venir, baisse déjà amorcée avec l’augmentation de 0,3 point des cotisations et avec la désindexation des retraites complémentaires. Vos préconisations tendant à relever les cotisations ou le taux de CSG ne s’inscriraient-elles pas dans les mêmes sombres perspectives ?

En quoi, selon vous, la réforme de 2010 était-elle injuste ? À combien se monterait le déficit si elle n’avait pas été menée ? Ne faut-il pas au contraire approfondir cette réforme ? Vous privilégiez l’augmentation de la durée de cotisation, mais vous ne dites pas un mot du relèvement de l’âge légal, au risque d’entretenir la spirale baissière des retraites. Pour quelles raisons ?

Pourquoi votre rapport est-il muet sur les régimes spéciaux alors que des sommes considérables sont prélevées sur le budget de la Nation pour les équilibrer : 7,5 milliards d’euros ont ainsi été ponctionnés sur la Caisse nationale des allocations familiales, aggravant un déficit artificiel qui a pourtant été mis en avant par le Gouvernement pour justifier ses récentes décisions en matière de politique familiale. Tous les sujets doivent être mis sur la table pour que la réforme soit la plus juste possible et repose sur une confiance partagée !

M. Michel Liebgott. Vous indiquez que, dans les années 1980, la retraite à 60 ans et les dispositifs de cessation anticipée d’activité ont été instaurés en réponse aux restructurations. Alors que ces restructurations se poursuivent, il importe que l’âge légal de départ à la retraite soit maintenu à 62 ans – 67 ans à taux plein – en l’absence de solutions au problème de l’emploi des seniors.

Nous sommes devant un choix de société : doit-on encourager le maintien en activité des seniors ou favoriser la relève par les jeunes ? Avec le contrat de génération, le Gouvernement a fait en sorte que les seconds puissent prendre le relais des premiers, choix logique dans la mesure où ils auront besoin d’une carrière longue pour bénéficier d’une retraite – et où ils sont plus productifs.

La prise en charge de la pénibilité doit-elle être individuelle ou peut-elle être collective, en fonction des métiers exercés ? La réponse se trouve peut-être dans les comptes notionnels pour lesquels vous jugez que la décision politique n’était pas mûre. Il nous faut en tout cas explorer et approfondir les voies que vous avez ouvertes en vue d’une individualisation des retraites en passant par-dessus les préconçus politiques.

Mme Véronique Louwagie. À la page 8 du rapport, il est écrit que « l’énoncé de propositions pour la prochaine réforme » demandé par le Premier ministre faisait l’objet d’« un ambitieux cahier des charges ». Or les propositions de votre commission manquent d’ambition ; d’où notre déception et les questions qui suivent.

Pour quelle raison n’avez-vous pas évalué l’impact de la réforme de 1982 ayant abaissé l’âge légal à 60 ans et de celles qui ont suivi ? Pourquoi avoir limité les perspectives à l’horizon 2020 alors que le COR en présente jusqu’en 2040 ou 2060 ? Pourquoi avoir écarté le système de retraite par points qui a cours en Suède et en Allemagne ? Pourquoi votre réflexion n’a-t-elle pas porté sur les modes de gestion et sur leur coût, de 1,92 % en France contre 1,23 % en Allemagne et 1,19 % dans l’ensemble de l’Union européenne ? Enfin, pourquoi n’abordez-vous pas la question des régimes spéciaux en dépit de vos objectifs d’équité et de justice ?

Mme Chaynesse Khirouni. La création d’un « compte individuel pénibilité » va dans le bon sens. Cependant, se limitant à des incapacités de travail, la notion de pénibilité retenue par la loi de 2010 est trop lacunaire pour que votre projet s’appuie sur ce texte. Quelles améliorations préconisez-vous ? Quels critères vous paraissent pertinents pour déterminer les métiers dits pénibles ?

Quelles mesures peut-on envisager pour compenser les écarts de salaires de référence entre hommes et femmes, pour les générations en âge de partir à la retraite ?

Le taux d’emploi des 55-64 ans était de 46 % en 2012 et leur taux de chômage a fortement augmenté en raison de la situation économique et de l’extinction de la dispense de recherche d’emploi. L’allongement de la durée de cotisation n’est donc pas la réponse adéquate pour les seniors qui se retrouvent au chômage sans l’avoir choisi et sans espoir d’en sortir. Il ne me paraît pas opportun de faire peser sur eux la charge du financement de la réforme.

Enfin, est-ce vraiment une évidence que l’allongement de l’espérance de vie doive se traduire par un allongement de la durée d’activité, compte tenu du taux de chômage des jeunes et de celui des seniors ? Pourquoi ne pas retenir d’autres pistes de financement, comme l’élargissement de l’assiette à d’autres revenus – à une partie des dividendes redistribués aux actionnaires, par exemple ?

Mme Isabelle Le Callennec. Je vous sais gré d’avoir rappelé que les réformes menées par les gouvernements précédents de la droite et du centre ont produit des effets et évité que la situation ne soit plus dégradée encore.

Je vous remercie également d’avoir souligné la nécessité d’améliorer les droits à retraite des apprentis : voilà qui contribuerait à valoriser ce que je considère comme une voie d’excellence.

Que répondez-vous à ceux qui considèrent que le maintien des seniors dans l’emploi pénalise les jeunes ? Je continue pour ma part à penser que le travail crée le travail. D’autre part, la commission est-elle favorable au maintien du cumul d’un emploi et d’une retraite, ou préconise-t-elle des évolutions en la matière ?

Enfin, l’action du fonds national de soutien relatif à la pénibilité, doté de 20 millions d’euros et destiné à améliorer les conditions de travail dans les entreprises, a-t-elle fait l’objet d’une évaluation ? On a dit que les crédits n’avaient pas été totalement consommés alors que la lutte contre les troubles musculo-squelettiques, par exemple, est indispensable pour que notre pays demeure une grande Nation industrielle.

Mme Monique Orphé. Mme la ministre Marisol Touraine a souhaité une réforme globale, durable et soutenable. De fait, après plusieurs réformes infructueuses, les Français sont inquiets et s’interrogent.

Votre rapport assigne trois objectifs à la nouvelle réforme. Le premier est de garantir un financement durable de notre système de retraite par répartition. J’ai compris que vous souhaitiez allonger la durée de cotisation mais aussi agir sur d’autres leviers et, par exemple, désindexer d’un point les retraites soumises à la CSG. Cependant, 51 % des retraités vivent aujourd’hui avec moins de 980 euros par mois. Comment comptez-vous préserver leur pouvoir d’achat, sachant que certaines petites retraites sont déjà soumises au taux réduit de CSG ?

Deuxième objectif de la réforme : assurer l’équité. Je me réjouis de vos propositions en faveur des jeunes et des femmes pénalisées par des carrières hachées. Mais le salaire de référence demeure une préoccupation, notamment pour les titulaires de bas salaires. Ceux qui ont travaillé quarante ans vivent ainsi comme une injustice le fait de percevoir le minimum vieillesse comme ceux qui n’ont jamais cotisé. Pouvez-vous préciser votre proposition tendant à porter les petites retraites à 85 % du SMIC ?

Troisième objectif : prendre en compte la pénibilité. Compte tenu d’un taux de chômage élevé, ne pourrait-on favoriser à la Réunion le remplacement des nombreuses personnes âgées qui souffrent de pathologies graves entraînant parfois des handicaps ?

M. Elie Aboud. La création du « compte individuel pénibilité », qui permettra le rachat de trimestres, pose plusieurs questions complexes : les dix facteurs de pénibilité retenus dans la réforme de 2010 n’y suffisant pas, comment pourrait-on prendre en compte la pénibilité « latente », qui diffère de la pénibilité « vécue » et qui ne peut pas être détectée sur le moment ? N’est-ce pas là l’occasion de réformer les régimes spéciaux ? Ce compte sera-t-il créé par des accords de branche, par des accords interprofessionnels ou par décret ?

Vous n’avez pas évoqué le travail de nuit. Comment sera-t-il quantifié pour donner droit à un départ plus précoce à la retraite ?

M. Gérard Sebaoun. Plutôt que de parler d’allongement de la vie, il me semble que nous devrions dire que l’on meurt plus tard.

Il faut en effet avoir à l’esprit quelques données qui ont des conséquences économiques majeures sur notre système de santé : les causes de décès ont changé et les maladies handicapantes ont progressé. La question est dès lors moins celle de la durée de cotisation retraite que celle du financement de l’ensemble de notre système de protection sociale. N’y a-t-il pas un paradoxe à contraindre à cotiser plus longtemps des personnes abîmées par le travail et dans l’incapacité de poursuivre une activité ?

Autre mauvaise nouvelle, inattendue : pour la première fois, l’espérance de vie sans incapacité baisse. En outre, les inégalités entre ouvriers et cadres devant l’espérance de vie en bonne santé restent telles qu’elles étaient il y a vingt-cinq ans.

Dès lors, on peut prédire sans risque de se tromper que le déficit va se reporter sur l’UNEDIC et sur l’assurance maladie, sans que soit amélioré durablement l’équilibre de notre système de retraite, à moins que la reprise économique n’apporte un surcroît de cotisations sociales.

À tout cela s’ajoutent deux données mentionnées dans votre rapport : le faible taux d’activité des plus de 55 ans et la pénibilité – dont la prise en compte, relevez-vous, pourrait avoir un effet pervers, les salariés préférant rester exposés aux risques pour bénéficier de trimestres supplémentaires.

Autant dire qu’il s’impose de révolutionner notre rapport aux conditions de travail !

M. Bernard Perrut. Je plaide pour l’égalité des Français devant la retraite. Une réforme qui épargnerait les régimes spéciaux et la fonction publique et qui alourdirait les prélèvements sur les retraités et sur les actifs ne serait pas acceptable à mon sens.

Cette réforme doit être guidée par quatre principes. En premier lieu, il faut éviter une nouvelle hausse des impôts et une baisse des pensions. Le levier fiscal ne peut constituer le cœur de la réforme dans un pays où le pouvoir d’achat a reculé pour la première fois depuis 1984. Quant à l’augmentation du coût du travail qui résulterait d’une hausse des cotisations vieillesse, elle n’est pas plus souhaitable que la baisse du pouvoir d’achat des retraités.

En deuxième lieu, il convient d’accélérer le rapprochement entre les différents régimes de retraite. Les Français ne comprennent pas que l’âge de départ à la retraite et le calcul du montant des pensions varient de l’un à l’autre. L’existence de presque quarante caisses de retraite n’est plus tolérable. 

Il faut, troisièmement, adapter la durée d’activité à l’évolution de l’espérance de vie. La plupart des pays européens ont repoussé l’âge de départ à la retraite à 65 ans et nous ne pouvons nous priver de ce levier.

Enfin, il ne faut pas se contenter de mesures comptables mais régler aussi des questions telles que le travail des seniors, l’évolution des carrières, la situation des travailleurs handicapés ou des polypensionnés et le développement de l’épargne retraite.

Parallèlement, il faut mener une politique économique qui favorise la compétitivité et une politique familiale qui encourage la natalité.

Au-delà des pistes que vous proposez, la réforme des retraites suppose donc une volonté très forte du Gouvernement.

M. Christian Paul. Votre commission, madame, a eu le double mérite d’appeler l’attention sur l’impact qu’a la transition démographique sur le système de retraite et de dédramatiser la situation tout en étant lucide.

La prise en compte de la pénibilité doit pour beaucoup d’entre nous constituer un élément essentiel de la réforme à venir. Je m’interroge sur l’ambition du rapport dans ce domaine. Il est important que, lorsque cette réforme aura été adoptée, les Français sachent précisément de quels avantages ils pourront bénéficier pour accéder plus précocement à la retraite en cas de travail pénible. Quels moyens y consacrer et comment les financer ?

Pour démythifier la compétition stérile et stupide entre public et privé et pour prendre la juste mesure des avantages de chaque régime, il serait utile que vous évoquiez le taux de rendement comparé plutôt que le taux de remplacement, qui est toujours mis en avant.

Il y a en France de nombreux retraités pauvres. Cette question n’est que partiellement abordée dans votre rapport. Quelles réponses sérieuses peut-on y apporter ?

M. Gilles Lurton. Rééquilibrer notre système de retraite à court terme pour assurer sa pérennité à long terme : nous savons tous que l’objectif n’est certes pas aisé à atteindre en raison de notre situation démographique et de l’augmentation de la longévité. Les Français sont conscients que celle-ci fragilise le système, mais ils n’admettent pas de devoir faire des efforts alors qu’ils sont inégaux devant la retraite. Votre rapport constitue à cet égard une déception puisqu’il ne propose rien d’autre que le statu quo pour les régimes spéciaux. Pourquoi laisser perdurer ces inégalités ?

À défaut d’y remédier, quelles autres solutions permettraient de préserver le système de retraite ? Le rapport propose de mettre à contribution les actifs et les retraités. Quelles recettes nouvelles attendez-vous de ces mesures fiscales qui viendraient s’ajouter à celles, très nombreuses, déjà prises depuis un an ? Ne réduiraient-elles pas d’autant le pouvoir d’achat des Français, aggravant la baisse de la consommation et de la production, et par conséquent le chômage et la baisse des cotisations ?

En dehors des motifs d’ordre politique, pour quelles raisons n’avez-vous pas envisagé un nouveau recul de l’âge légal de départ en retraite, inévitable selon moi ?

Mme Marie-Françoise Clergeau. En moyenne, les pensions des femmes sont inférieures de 42 % à celles des hommes. Nous en connaissons les causes – le travail à temps partiel, les carrières morcelées, les inégalités salariales – et pourtant cette inégalité perdure.

Envisageriez-vous d’autoriser, pour les salaires à temps partiel, une surcotisation sur la base d’un salaire à temps plein, à la charge du salarié comme de l’employeur, afin d’acquérir des annuités supplémentaires ? Avez-vous réfléchi au système de décote ?

Je crois que vous avez manqué de temps pour étudier la question des pensions de réversion, mais comment pourrait-on améliorer la situation des veuves pauvres ?

Je salue les mesures que vous proposez pour simplifier la liquidation des pensions : elles sont de nature à faciliter la tâche des administrations et la vie des retraités.

M. Bernard Accoyer. En apprenant votre nomination à la présidence de cette commission, madame, j’ai pensé que nous pourrions examiner les choses en profondeur car rares sont les personnes qui ont été associées aussi étroitement à la décision prise en 1982 d’avancer brutalement l’âge légal de départ à la retraite de 65 à 60 ans. Cette décision, qui a été l’atteinte la plus lourde au pacte de solidarité entre générations et donc au pacte républicain, est la cause de nos difficultés actuelles.

Le titre de votre rapport annonce clairement que vous n’entendez pas réformer les retraites et, en fait de justice et de redistribution, nous n’avons que la promesse d’une diminution des retraites, sous l’effet de l’augmentation des prélèvements fiscaux et des cotisations que vous recommandez, condamnant les retraités du régime général à une double peine. Mais ceux qui auront lu les pages que vous consacrez à la revue des différentes réformes passées ne pourront être surpris : que ce soit en 1993, en 2003, en 2008 ou en 2010, la gauche et ceux qui soutiennent sa démarche n’ont jamais rien fait pour préserver notre système de retraites, s’opposant frontalement à toute réforme.

Votre rapport ne propose aucune mesure en faveur de l’équité. Pourquoi n’avez-vous pas traité des régimes spéciaux et de la convergence entre public et privé, et n’avoir rien dit de l’anomalie que constitue l’absence de caisse de retraite de la fonction publique ?

Mme Fanélie Carrey-Conte. Pouvez-vous, dans le total des 7 milliards d’euros de déficit du régime général et des régimes alignés, faire la part des éléments structurels et des éléments conjoncturels, liés à la crise notamment ? La réponse importe en effet pour définir la réforme nécessaire : celle-ci ne peut être la même selon que l’on cherche à remédier à un déficit structurel ou conjoncturel. Dans ce dernier cas, les mesures prises pourraient s’avérer contre-productives pour le rôle d’amortisseur social que joue notre protection sociale en temps de crise.

Ma question prolongera celles qu’a posées Marie-Françoise Clergeau : la commission a-t-elle étudié l’hypothèse d’un retour à une retraite à taux plein à 65 ans, au lieu de 67, pour les femmes ?

Mme Joëlle Huillier. Vous rappelez le rôle historique des droits familiaux dans la réduction des inégalités entre hommes et femmes tout en montrant qu’ils sont aujourd’hui inadaptés en raison de l’augmentation de l’emploi féminin, de règles d’attribution différentes selon les régimes et de leur caractère proportionnel favorisant ceux qui peuvent déjà prétendre à des pensions élevées – c’est le cas de la majoration pour trois enfants que vous proposez de fiscaliser. Une refonte globale s’impose selon vous pour compenser les interruptions de carrière liées à l’éducation des enfants et pour faire bénéficier en priorité de ces droits les femmes percevant les plus petites pensions. À quels freins une telle réforme serait-elle exposée et dans quelles conditions pourrait-elle se concrétiser ?

Vous proposez un scénario alternatif avec un plafonnement ou une forfaitisation de la majoration de pension. Si la convergence de la durée d’assurance entre les femmes et les hommes se confirme, la suppression de la majoration ne serait-elle pas à terme envisageable ?

L’allongement de la durée de cotisation est, selon vous, la mesure la plus pertinente pour équilibrer le système de retraite à moyen terme. Avec les règles de la réforme de 2003, les jeunes nés en 1989 devraient cotiser quarante-quatre ans. Or, ils n’entrent dans la vie active qu’à partir de 23 ans, voire plus tard, et ne pourraient donc prétendre à une retraite à taux plein avant 67 ans, si ce n’est 70 ans. Ne pourrait-on prendre en compte, dans une certaine mesure, les périodes d’études ou de stages pour valider des trimestres ?

Mme Luce Pane. Merci, madame Moreau, pour ces pistes en vue d’une vraie réforme des retraites, indispensable pour que les prochaines générations ne paient pas au prix fort les effets conjugués de l’allongement de l’espérance de vie et de l’arrivée à la retraite de la génération du papy-boom. Nous devons impérativement, par la voie du dialogue social, consolider nos régimes de retraite. Or, alors que la loi de 2010 devait assurer leur financement jusqu’en 2020, nous en sommes encore aujourd’hui à préparer une loi visant à dégager un point de PIB pour cette même échéance. Il nous faut donc désormais travailler à une réforme pérenne.

Mais il s’agit aussi de modifier la législation actuelle pour assurer un niveau de vie décent à l’ensemble des retraités, dont 10 % touchent, au titre de droits propres, une pension inférieure à 521 euros – ce sont majoritairement des femmes. Ainsi, réformer les retraites, ce n’est pas seulement rétablir un équilibre financier, c’est aussi chercher à rendre le système plus juste. Avez-vous étudié des solutions pour améliorer ces petites pensions, au-delà de ce que votre rapport laisse apparaître ?

Mme Linda Gourjade. Sans nier la nécessité d’une réforme et, en particulier, d’un allongement de la durée de cotisation, nous nous inquiétons du montant des pensions. En effet, la moitié de la population active approchant de 60 ans est au chômage, les carrières linéaires à temps plein deviennent de plus en plus rares en raison de la situation économique, et les femmes subissent davantage que les hommes les contraintes qu’impose une famille.

À court terme, c’est-à-dire pour 2020, vous préconisez une accélération du rythme d’allongement des durées d’assurance : 41,75 ans pour la génération de 1957, 43 ans pour la génération de 1962, puis 44 ans pour la génération de 1966. Or les deux premières ont déjà consenti beaucoup d’efforts et perdu beaucoup de droits, sans compter qu’elles ont été particulièrement touchées ces dix dernières années par des périodes de précarité et de chômage. La génération de 1966 est entrée plus tardivement dans la vie active après avoir poursuivi des études plus longues, et est également touchée par le chômage, dans la proportion d’un quart.

Comment peut-on envisager pour ces générations d’augmenter le nombre d’annuités de cotisation sans voir que cela aura des répercussions sur le montant de leur pension ou sur l’âge de leur départ à la retraite ? Une telle préconisation ne répond-elle pas uniquement à des logiques comptables ? Une augmentation de la productivité française dans les années à venir ne permettrait-elle pas de s’en tenir à quarante-deux annuités, en particulier pour les jeunes qui prendront leur retraite dans quarante ans ?

Mme Annie Le Houerou. Merci, madame Moreau, pour ce rapport qui traduit un vrai changement d’orientation puisqu’il vise à « préserver notre système de retraite par répartition, solidaire et pérenne ». Les objectifs sont clairs : conforter l’équité en prenant en compte les disparités entre hommes et femmes, la situation des jeunes en formation professionnelle, des personnes en situation de handicap et de ceux qui ont commencé à travailler tôt, sans oublier la pénibilité au travail.

À ce dernier égard, rappelons que l’espérance de vie des personnes qui ont exercé des métiers pénibles est inférieure à celle d’autres catégories – de six années en moyenne à l’âge de 60 ans. Or, si l’idée d’un « compte individuel pénibilité » est intéressante, sa mise en œuvre me semble complexe. Une réorientation professionnelle en fin de carrière, même avec l’aide d’une formation, n’est-elle pas illusoire dans beaucoup de cas – je pense à certains métiers du bâtiment ou de la métallerie, par exemple ?

Concernant les retraites des femmes – dont le montant moyen est de 879 euros par mois, contre 1 657 euros pour les hommes –, un rééquilibrage est impératif. Relever l’âge de la retraite ou augmenter la durée de cotisation dégraderait encore leur situation. La compensation des inégalités professionnelles, grâce à la promotion du partage des tâches familiales, ainsi que la revalorisation et la professionnalisation des métiers féminins, portera ses fruits sur le long terme. En attendant, il faut corriger les inégalités. La surcotisation des temps partiels sur la base d’un salaire à temps plein, prise en charge par l’entreprise, vous paraît-elle réaliste ? Alors qu’une personne sur deux liquidant sa retraite est au chômage, le report de l’âge de la retraite vous semble-t-il opportun ? Ne serait-il pas plus équitable d’élargir l’assiette des cotisations ?

Mme Monique Iborra. Merci, madame Moreau, pour ce rapport qui a le mérite d’avancer des propositions novatrices, même s’il est critiqué par certains.

Vous jugez indispensable de préserver les petites retraites, ce que j’approuve entièrement. Mais quelle définition donnez-vous de ces « petites retraites » ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. En réponse à plusieurs interventions quelque peu caricaturales, Mme Moreau sera sans doute obligée de refaire un peu de pédagogie…

Mme la présidente de la Commission pour l’avenir des retraites. D’abord, je suis étonnée d’entendre dire que l’horizon 2040 n’a pas été évoqué par la commission. La lecture de notre rapport prouve le contraire.

Ensuite, plusieurs d’entre vous m’ont demandé pourquoi nous n’avions pas exploré la piste du régime par points. En réalité, nous nous sommes livrés à une étude comparée des différents régimes – par points, par annuités et en comptes notionnels – mais nous avons estimé qu’il convenait de ne pas attendre la transformation, nécessairement longue, de notre régime par annuités en un régime par points, si intéressant soit-il, pour nous doter d’un pilotage indispensable à la viabilité du futur système. Ce pilotage, nous le proposons pour la fin de l’année !

Lorsqu’ils sont dans l’opposition, les hommes politiques prônent le régime par points mais, une fois revenus au pouvoir, ils s’empressent de l’oublier. C’est qu’en France, chacun tient à son régime, et pas seulement les personnes relevant d’un régime spécial : les professions libérales, par exemple, sont très attachées à leurs caisses de retraite complémentaires, au nombre de dix – une par profession. Il serait donc irréaliste, à l’heure actuelle, de parler de transformation systémique sans tenir compte de l’histoire des régimes.

Le COR avait proposé de prendre en compte le salaire moyen de carrière, mesure dont il avait montré qu’elle pourrait avoir des effets redistributifs à volume égal et qui était de nature à faciliter le passage au régime par points. Cette voie n’était pas inintéressante, mais a malheureusement été refusée par l’ensemble des partenaires sociaux.

En réalité, une vraie réflexion sur le passage d’un système à l’autre n’est pas entamée, parce qu’elle se heurte à un obstacle sociologique, mais aussi parce qu’elle poserait le problème de la répartition des rôles entre État et partenaires sociaux pour la gestion d’un régime par points. En l’état, celui-ci s’apparente à une idée un peu magique, ce qui n’apporte rien à une réforme des retraites.

On m’a également reproché de n’avoir rien dit des régimes spéciaux et du régime des fonctionnaires.

En tant que présidente de la section sociale du Conseil d’État pendant la législature précédente, j’ai participé à la rédaction de tous les décrets réformant les régimes spéciaux. Dans ce rapport, où nous rendons justice, quoi qu’on en ait dit, aux différentes réformes, nous avons jugé celle de 2008 difficile, mais intelligente et pragmatique, et nous l’avons écrit. Or elle semble ignorée par certaines personnalités, en général plutôt de droite d’ailleurs, alors qu’elle a introduit la durée de cotisation – pourtant profondément étrangère à ces régimes –, ainsi que le principe de la décote et de la surcote, de sorte que, sans qu’il ait été besoin de revenir pour cela sur les âges fixés dans les statuts, les assujettis décalent leur départ à la retraite. Je suis donc stupéfaite d’entendre dire que rien n’a été fait.

Les salariés relevant d’un régime spécial bénéficieraient, dit-on, d’un grand nombre de mesures avantageuses. Peut-être, mais les salaires des agents de la SNCF, par exemple, sont loin d’être mirifiques. Et je vous rappelle que les bonifications ont été supprimées pour les nouveaux embauchés.

Que reste-t-il à réformer dans ces régimes spéciaux ? Préfère-t-on les supprimer, au prix de grèves et de psychodrames, ou les rapprocher progressivement du régime général ? Je le répète : l’essentiel a été fait pour les régimes spéciaux. D’ailleurs, réformer davantage ne ferait pas faire beaucoup d’économies au système – sauf si vous voulez accélérer les choses en révisant le barème introduit par la réforme de 2008.

De la même manière, la dernière réforme du régime de la fonction publique a procédé à un rapprochement des régimes en termes de niveau des cotisations – qui vont augmenter de 2,5 points–, de durée de cotisation, ainsi que de décote et de surcote. Il est donc également faux de dire que rien n’a été rien fait pour la fonction publique !

J’ajoute que nous n’avons pas biaisé s’agissant du mode de calcul : nous avons constaté que les taux de remplacement entre secteur public et secteur privé sont désormais similaires et que le point d’indice des fonctionnaires est bloqué depuis quatre ans. Par conséquent, ceux qui continuent à prétendre que les fonctionnaires sont des privilégiés ne rendent service à personne.

Je n’ai jamais caché, lorsque j’étais présidente du COR, que les orientations de la réforme de 2003 me paraissaient intéressantes. Entre la présentation de solutions miracles et la recherche de boucs émissaires, on n’avance pas beaucoup ! Il faut discuter des mesures d’âge et de durée – sur lesquelles je constate d’ailleurs un vrai débat entre la droite et la gauche.

En définitive, je ne suis pas opposée à un régime par points, mais la question essentielle aujourd’hui est de proposer les mesures permettant d’équilibrer et de pérenniser le système d’ici à 2020. Si les parlementaires de droite comme de gauche veulent réfléchir à une réforme plus ambitieuse, pourquoi pas ? Mais – j’y insiste – la priorité actuelle n’est pas de bâtir le plus beau régime de retraite qui soit : elle est de rééquilibrer notre régime de retraite en prenant le temps nécessaire. Plus tard, dans un contexte économique qui, je l’espère, sera plus serein, un débat suffisamment long pourra être engagé.

Les dépenses consacrées à la retraite atteignent 14 % du PIB. Il est dommage que cet élément de solidarité ne soit pas perçu comme tel, mais donne lieu à des anathèmes d’un côté comme de l’autre. En cette période, il convient de parler des vraies questions. Vous rendriez service au pays en contribuant à ne pas nourrir cette obsession de la réforme des régimes spéciaux ! Sur le régime par points, je suis prête à prendre part à une réflexion, mais il ne pourra être envisagé que dans une période apaisée où les forces politiques décideront de passer à une autre étape.

J’en viens donc aux vraies questions, celles relatives aux mesures d’âge et de durée.

Bien avant 1981, gauche et droite débattaient déjà de leurs préférences entre mesures d’âge et mesures de durée. Les premières, en pesant sur l’ensemble des travailleurs, y compris sur les personnes ayant commencé à travailler très jeunes, sont rejetées par la gauche. Les secondes peuvent avoir un impact plus important, mais moins rapidement. Pour notre part, nous avons davantage étudié les mesures de durée – j’ai eu la vague intuition qu’elles seraient plus facilement retenues que les autres… Pour autant, notre rapport chiffre les mesures d’âge.

Il est intéressant de comparer la situation des pays européens. En France, où nous avons beaucoup de jeunes, les salariés du secteur privé arrêtent de travailler en moyenne deux ans avant la retraite – durée qui ne s’est pas allongée depuis la réforme de 2003. À cet égard, je pense d’ailleurs utile de créer un observatoire des fins de vie active. À l’inverse, en Allemagne, où la proportion de jeunes est plus faible et le taux de chômage peu élevé, une augmentation de l’âge de départ à la retraite n’entraînera pas une hausse du chômage et ne sera pas un frein à l’embauche de main-d’œuvre. Il est donc logique que ce pays préfère les mesures d’âge.

Je pense que l’accélération du recul de l’âge légal de départ à la retraite serait, certes, efficace pour les régimes de retraite, mais problématique. Le recul par paliers de cinq mois est déjà très rapide – aucun autre pays n’a adopté un tel rythme. Je ne dis pas que l’allongement de la durée travaillée est mauvais pour l’emploi. Je dis que, dans un contexte de chômage très fort, il ne me semble pas raisonnable d’augmenter très vite l’âge de la retraite. Il n’en reste pas moins que, à terme, les enjeux de la prochaine réforme porteront bien entendu sur l’âge et la durée.

À l’occasion de la conférence sociale, le Gouvernement lancera une concertation avec les partenaires sociaux. La table ronde dont je ferai partie dans le cadre de cette conférence abordera le financement de la protection sociale. Cela m’amène à une autre de vos questions consistant à savoir pourquoi nous n’avons pas proposé des mesures qui pèseraient autrement.

Je précise que nous n’étions pas chargés de réfléchir à une réforme du financement de la protection sociale. Néanmoins, nous n’avons pas la prétention de clore le débat : rien n’interdit de proposer d’autres types de mesures que les nôtres lors de la conférence sociale et de la discussion parlementaire. En outre, il ne nous a pas semblé cohérent de proposer des mesures entrant en opposition avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) entré en vigueur le 1er janvier dernier. À cet égard, c’est au Gouvernement et au Parlement de réfléchir à une nouvelle cohérence économique et sociale. Nous pensons en effet que toutes les mesures proposées sur le court terme relèvent d’arbitrages politiques, étant entendu que nous nous sommes sentis plus libres d’avancer des propositions originales pour le plus long terme.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogée sur nos propositions en faveur des jeunes ayant poursuivi des études.

Nous pensons que les stages longs en entreprise, de cinq mois – qui représentent un véritable travail, au contraire des stages de découverte d’un mois par exemple – devraient permettre de valider des trimestres d’assurance vieillesse. En revanche, nous n’avons rien proposé s’agissant de la durée des études elles-mêmes. Notre rapport laisse la liberté de choix au Gouvernement, qui pourra envisager la prise en charge d’une année d’études, par exemple. À nos yeux, les mesures compensatoires que nous proposons devront être ciblées afin de ne pas mobiliser une trop grande part des économies.

Je tiens à souligner que tous les jeunes n’entrent pas dans la vie active à 25 ans – la moyenne est en réalité de 22 ans.

Pour répondre à M. Robinet, le déficit estimé de 20 milliards d’euros à l’horizon 2020 concerne l’ensemble des régimes, y compris donc celui de la fonction publique et les mécanismes de compensation entre régimes.

S’agissant de l’épargne retraite, je n’y suis pas opposée par principe. Le plan d’épargne pour la retraite collectif (PERCO), mis en place à l’initiative de l’entreprise ou par accord collectif, séduit un peu plus que le plan d’épargne retraite populaire (PERP), autre dispositif de retraite supplémentaire créés par la « loi Fillon » de 2003. Mais l’épargne retraite ne faisait pas partie du cahier des charges qui nous a été remis. Autrement dit, ni le Gouvernement ni les partenaires sociaux – lesquels ont tous été consultés, y compris le MEDEF – ne souhaitaient pas que nous étudiions ce sujet. Au demeurant, on ne peut pas aborder tous les sujets à chaque réforme des retraites.

D’autre part, il n’est pas exact de dire que nos hypothèses de croissance sont des hypothèses d’école. Elles sont celles du COR, et même de la Commission européenne : pour l’augmentation de la productivité, la plus favorable est de deux points de croissance et la moins favorable d’un point seulement.

Je voudrais maintenant revenir sur le problème crucial des taux de chômage des seniors au regard des mesures d’âge et de durée.

Le taux d’emploi des personnes de plus de 55 ans est particulièrement faible. La moyenne d’âge des salariés va augmenter dans les quarante années à venir d’environ dix ans. Dans ce contexte, les entreprises devront s’adapter. Il est donc très important que nous nous préparions collectivement à travailler plus longtemps. C’est pourquoi le rapport préconise, même en cas de scénario favorable, l’allongement de la durée de cotisation – allongement engagé depuis plusieurs années et qui va sans aucun doute se poursuivre encore très longtemps. À cet égard, l’évolution des conditions de travail est une nécessité.

Comme le soulignait déjà le COR dans son rapport de 2000, ce n’est pas parce que les seniors travaillent plus longtemps que les jeunes sont au chômage. Il n’y a aucune corrélation, pas plus en France que dans les autres pays. Ma seule réserve porte sur le raisonnement à court terme, avec par exemple l’augmentation de l’âge de la retraite en cinq ans. La question du rythme est très importante, et, je l’ai dit, l’augmentation actuelle de deux ans par périodes de cinq mois est déjà très rapide.

S’agissant des inégalités entre les hommes et les femmes, deux d’entre vous ont évoqué la possibilité pour les femmes de travailler à temps partiel au prix d’une surcotisation. Si cette mesure devient obligatoire, elle représentera une charge supplémentaire pour les entreprises ; facultative, elle est subordonnée à la conclusion d’accords d’entreprise. Cette piste, avancée notamment par Mme Vallaud-Belkacem, n’est pas inintéressante, mais se révélerait forcément coûteuse pour les entreprises et c’est donc dans le cadre de sa politique économique d’ensemble que le Gouvernement peut ou non décider de s’y engager.

Les écarts de salaires entre hommes et femmes perdurent. Il faut donc se battre contre les inégalités dans les entreprises, plus que sur les modes de garde.

La piste d’une réforme des avantages familiaux me semble très intéressante, avec des reconversions en majoration de pension et, éventuellement, de durée – la suppression des majorations de durée d’assurance pourrait être perçue comme une régression car, désormais, à 30 ans, la durée de cotisation des femmes est égale à celle des hommes. Il s’agit non de dépenser plus d’argent au total, mais de réorganiser les majorations de pension qui actuellement favorisent davantage les hommes, alors que ce sont les femmes qui s’arrêtent de travailler pour élever les enfants.

Monsieur Jacquat, nous avons étudié des scénarios d’évolution des pensions de réversion. Pour nous, l’hétérogénéité actuelle entre les régimes n’a aucun sens, et les partenaires sociaux ne sont pas particulièrement attachés au maintien de ces systèmes en l’état. Néanmoins, une réforme serait compliquée, notamment parce que les formules de calcul ne sont pas les mêmes entre le régime général, où le taux de réversion varie en fonction du niveau de ressources, et les régimes complémentaires, où il est proportionnel. Cela étant dit, in fine, les différences de taux entre régimes sont toutes relatives, même si elles sont généralement mal comprises par nos concitoyens.

Je suis très favorable au rapprochement des régimes pour aboutir à un système unique en matière d’avantages familiaux et de pensions de réversion – ce serait beaucoup moins compliqué qu’un régime par points ! Pour les pensions, une commission ad hoc devra être mise en place pour, d’une part, trouver le bon mode de calcul et, d’autre part, éliminer les « chausse-trapes ». En effet, le remariage supprime le droit à pension de réversion par les régimes de la fonction publique, les régimes complémentaires et ceux des professions libérales. En outre, s’il n’est pas illogique d’imaginer la suppression du droit à réversion sans condition d’âge dans la fonction publique et les régimes spéciaux, cette mesure exigerait la création d’une allocation veuvage. Il faudrait également réfléchir à l’intérêt de fixer une durée de mariage. Bref, on aurait là une belle réforme, même partielle, mais qui exigerait au moins six mois de réflexion.

Certains m’ont demandé pourquoi nous formulons des propositions touchant la fonction publique, alors que les taux de remplacement entre les salariés du secteur privé et les fonctionnaires sont proches. Il se trouve que nos concitoyens, mal informés, ne comprennent pas les différences de modes de calcul, n’y voyant qu’un élément d’injustice. La commission estime donc nécessaire de poursuivre la démarche de convergence dans un souci de lisibilité. Notre objectif n’était pas de proposer un système de pilotage pour certains régimes et pas pour d’autres.

Convenez tout de même que, s’agissant des fonctionnaires, le taux de remplacement baisse régulièrement, que la part des primes augmente tous les ans, et que le point d’indice est gelé. Je ne suis d’ailleurs pas sûre que cette méthode de gestion de l’État employeur soit très « franche du collier » ! Au surplus, il n’existe aucun moment identifié pour la discussion des retraites des fonctionnaires ! C’est pourquoi nous proposons dans notre rapport un rendez-vous « retraites » pour les agents publics, une fois tous les trois ans, avec leur responsable hiérarchique ou leur service des pensions.

Ainsi, pour la fonction publique, l’évolution de la politique salariale devrait davantage être mise en perspective avec la politique des retraites. Faute de quoi, les fonctionnaires continueront de préférer le statu quo – ce qui n’est pas la meilleure solution pour eux. Cette situation peu satisfaisante exige d’entreprendre une réflexion sur l’avenir, afin d’éviter à terme de se retrouver dos au mur ! Mais sur ce point, je ne suis pas suivie par les syndicats de la fonction publique. Je pense aussi que l’État a une responsabilité en la matière, car il n’existe aucun document exposant sa politique des retraites. Les choses sont « gérées » à Bercy, me dit-on…

Pour la pénibilité aussi, il faut distinguer entre le court terme et le long terme. À ce dernier égard, nous avons repris les dix catégories distinguées dans la loi de 2010 dans la mesure où elles sont consensuelles : elles avaient été arrêtées, sur la base de travaux scientifiques, dans le pré-accord de 2008, les syndicats de salariés et d’employeurs s’entendant alors sur cette liste de sujétions susceptibles de retentir sur l’espérance de vie ou sur la qualité de vie pendant la retraite. Enseigner à 60 ans est indiscutablement difficile mais on constate qu’une fois retraités, les enseignants sont en général en bonne santé ; en revanche, d’autres métiers laissent des traces – dont certaines ne seront sensibles que bien après le départ à la retraite. La loi de 2010 s’est intéressée surtout à ceux qui marquaient visiblement le salarié dès la période d’activité, se traduisant par la reconnaissance d’un certain taux d’incapacité, mais il a été prouvé statistiquement que certaines formes de travail, comme le travail de nuit, affectent l’espérance de vie. Nous avons donc voulu changer cela.

D’autre part, la même loi de 2010 – relativement restrictive puisqu’elle ne prenait en compte que quelques trimestres pour la retraite et ne bénéficiait qu’à quelques milliers de personnes – a obligé les entreprises à établir des fiches retraçant l’exposition à ces dix catégories de pénibilité : aucun usage n’en a été fait jusqu’à présent, mais nous proposons de nous en servir, ce qui aura l’avantage de ne pas imposer de contraintes nouvelles aux entreprises et de contribuer à une forme de continuité dans l’effort de réforme. À qui incombera-t-il d’exploiter ces données sur la durée d’exposition aux travaux pénibles ? Nous n’avons pas décrit tout le mécanisme à mettre en place, mais on peut envisager de confier cette tâche à un organisme existant, qui sera chargé de convertir ces périodes en points de retraite. Il conviendra simplement de veiller à ce que l’assurance de cette conversion n’ait pas les mêmes effets que les primes pour travail de nuit : il faut un mécanisme qui n’enferme pas les intéressés dans la pénibilité, mais qui, au contraire, aide à en sortir ; d’où notre proposition visant à favoriser les reconversions en cours de carrière. Privilégier de telles mutations n’est toutefois crédible que si celles-ci sont annoncées très tôt après l’entrée dans la profession, ce qui facilitera en outre la mise en place des formations nécessaires. Ces possibilités de reconversion pourront être offertes éventuellement dans le cadre du bassin d’emploi voisin.

Quant aux seuils, ils pourraient être fixés par accord professionnel, la pénibilité du travail de nuit n’étant pas la même dans la restauration et dans la sidérurgie, par exemple. À défaut, on pourrait procéder par décret. Mais on pourrait tout aussi bien imaginer un processus inverse, un décret fixant les seuils et l’accord professionnel intervenant ensuite pour ménager des dérogations.

S’agissant des petites retraites, nous partons d’un contexte marqué par l’indexation sur les prix, système qui n’est réellement protecteur que quand la situation économique tend à se dégrader. Pour notre part, nous proposons un pilotage qui ne joue pas sur le montant des pensions servies : nous estimons en effet que, contrairement à d’autres pays, la France n’est pas prête à accepter une mesure aussi brutale et qu’il faut donc conserver l’indexation sur les prix. Cependant, ce système est défavorable pour ceux qui vivent longtemps : après trente ans de retraite, quand le besoin de services se fera pressant, il est probable que les pensions auront décroché par rapport aux salaires, ceux-ci ayant augmenté plus que les prix. Il conviendrait donc de réfléchir à une forme de compensation pour les intéressés.

Les petites retraites sont surtout le fait de salariés âgés et en majorité, en effet, de femmes. Cela étant, il est fréquent que ceux qui se plaignent de la faiblesse de leur pension ne fassent état que de celle que leur sert le régime général, en oubliant leur retraite complémentaire – et ils sont souvent de bonne foi : une femme médecin m’a ainsi indiqué qu’elle n’aurait pas droit à une pension de réversion ; après vérification, c’était exact en ce qui concernait le régime de base, pour lequel joue la condition de ressources, mais non en ce qui concernait le régime complémentaire.

Quelle définition donner d’une petite retraite ? Le montant de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), ex-minimum vieillesse, est actuellement de 797 euros. Ceux qui la touchent ne devraient pas être concernés par une mesure de sous-indexation ou d’augmentation de la CSG, non plus que ceux qui, leur revenu fiscal étant inférieur à 10 000 euros, sont exonérés de CSG. Cela représente 30 % des retraités.

D’autre part, au moment où elle est liquidée, une pension plus faible est portée au minimum contributif que la loi de 2003 a fixé à 85 % du SMIC…

M. Denis Jacquat. C’était une demande des syndicats.

Mme la présidente de la Commission pour l’avenir des retraites. En effet : de la CFDT notamment. Cet objectif n’est pas tout à fait atteint, et nous avons donc proposé à nouveau ce montant. Actuellement, 40 % des retraités touchent ce minimum mais ces pensions perdent de leur pouvoir d’achat au fil du temps et peuvent être rattrapées par le minimum vieillesse. Or celui-ci n’est attribué que sous condition de ressources et sur demande. Il reste que, lorsqu’on agit sur le mode de calcul des pensions, on est au moins assuré que la solidarité jouera, à travers l’attribution du minimum de pension. En revanche, les mesures de désindexation toucheraient tous les retraités, y compris les titulaires de petites pensions – à moins de dispositions spécifiques en leur faveur, mais qui seraient malaisées à prendre car il faudrait distinguer selon les taux de CSG applicables ou selon le niveau global de pensions ; or, outre qu’une telle exonération n’a jamais été tentée, elle se heurterait à un obstacle constitutionnel.

S’agissant de l’AGIRC et de l’ARRCO, la mesure jouerait naturellement dès le premier euro, et se rajouterait à celle qui toucherait la pension de base – sauf pour les petites retraites. Cela étant, pour les gestionnaires de ces deux régimes, le fait de reculer l’âge serait bienvenu car cela atténuerait leurs problèmes de financement. Mais ils négocient aussi avec l’UNEDIC…

Mme la présidente Catherine Lemorton. Merci, madame, pour le fond comme pour la forme de vos réponses.

La séance est levée à douze heures quinze.

——fpfp——

Information relative à la Commission

Mme Hélène Geoffroy est désignée membre de la mission d’information sur la mise en œuvre de la loi portant création des emplois d’avenir en remplacement de Mme Fanélie Carrey-Conte.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 19 juin 2013 à 9 heures

Présents. – M. Élie Aboud, M. Bernard Accoyer, M. Pierre Aylagas, M. Gérard Bapt, M. Jean-Pierre Barbier, Mme Véronique Besse, Mme Gisèle Biémouret, Mme Kheira Bouziane, Mme Valérie Boyer, Mme Sylviane Bulteau, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Fanélie Carrey-Conte, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Christophe Cavard, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Rémi Delatte, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, Mme Jacqueline Fraysse, Mme Hélène Geoffroy, M. Jean-Marc Germain, M. Jean-Patrick Gille, Mme Linda Gourjade, M. Henri Guaino, Mme Joëlle Huillier, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Conchita Lacuey, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, Mme Geneviève Levy, M. Michel Liebgott, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, Mme Véronique Massonneau, M. Pierre Morange, Mme Monique Orphé, Mme Luce Pane, M. Christian Paul, M. Bernard Perrut, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, Mme Barbara Romagnan, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gérard Sebaoun, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Jean-Louis Touraine, M. Olivier Véran, M. Jean-Sébastien Vialatte

Excusés. - Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Laurent Marcangeli, M. Hervé Morin, Mme Ségolène Neuville, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Dominique Orliac, M. Jonas Tahuaitu, M. Francis Vercamer

Assistaient également à la réunion. - M. Serge Bardy, M. Régis Juanico, M. Michel Ménard, M. Lionel Tardy, M. Philippe Vigier