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Commission des affaires sociales

Mardi 16 juillet 2013

Séance de 18 heures

Compte rendu n° 76

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Examen pour avis, ouvert à la presse, de la proposition de loi de M. Bruno Le Roux visant à redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel (n° 1037) (M. Jean-Marc Germain, rapporteur pour avis)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 16 juillet 2013

La séance est ouverte à dix-huit heures dix.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La commission examine pour avis, sur le rapport de M. Jean-Marc Germain, la proposition de loi visant à redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel (n° 1037).

Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a été déposée le 15 mai dernier par des députés membres des groupes SRC, RRDP et Écolo. Après son examen demain par la commission des affaires économiques, saisie au fond, elle sera discutée en séance publique à partir du 16 septembre.

Ce texte, qui s’inscrit en grande partie dans la continuité de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, tend en premier lieu à imposer aux entreprises qui décident de fermer un établissement, alors qu’elles ne souffrent pas de graves difficultés économiques, la recherche active d’un repreneur, sous peine de sanction. En second lieu, il propose un modèle de gouvernance et d’actionnariat à la française qui permette d’associer davantage les salariés aux décisions essentielles pour l’entreprise, tout en assurant aux dirigeants la stabilité nécessaire à la mise en œuvre d’une stratégie de long terme.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur pour avis. Cette proposition de loi fait suite à de nombreux textes déposés depuis le début du quinquennat en vue de refonder le capitalisme. Chacun en a fait le constat, la crise qui a éclaté en 2008 est une crise profonde, une crise systémique, qui vient de ce que la finance a pris le pas sur l’économie réelle. Le Gouvernement et la majorité se sont engagés sur plusieurs fronts pour redonner du sens au capitalisme et remettre la finance au service de l’économie : d’où, notamment, la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, la création de la Banque publique d’investissement (BPI), pour aider au financement des PME et des filières d’avenir, et la loi relative à la sécurisation de l’emploi. Celle-ci a donné de nouveaux droits aux salariés : représentation au conseil d’administration ou de surveillance avec voix délibérative ; information et consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise avec possibilité d’avancer des contre-propositions en bénéficiant de moyens d’expertise ; négociations obligatoires sur la formation professionnelle ou, en cas de difficultés économiques, sur le plan de sauvegarde de l’emploi.

À l’origine de ces évolutions se trouve l’idée que les entreprises ne doivent pas être soumises aux seuls actionnaires. Elles doivent prendre en compte, outre les intérêts de ceux qui apportent des capitaux, ceux des salariés qui donnent le fruit de leur travail, mais aussi ceux des territoires qui investissent pour créer un environnement favorable à l’entrepreneuriat.

La proposition de loi s’inscrit dans cette perspective, en utilisant trois leviers.

En premier lieu, honorant une promesse faite par le candidat François Hollande en février 2012, elle contraint toute entreprise qui envisage de fermer un établissement en France à rechercher un repreneur.

Ce point figurait dans la feuille de route fixée aux partenaires sociaux pour 2012-2013. Le patronat, la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC en ont accepté le principe et cette obligation a donc été inscrite dans l’article 19 de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, qui précise que le comité d’entreprise doit être tenu informé de ces recherches et peut recourir à l’expertise pour analyser les offres de reprise.

La proposition de loi va plus loin en tirant les conséquences du refus, sans motif légitime d’une offre de reprise sérieuse. Dans ce cas, le comité d’entreprise pourra saisir le tribunal de commerce et celui-ci pourra infliger une pénalité pouvant atteindre, pour chaque emploi supprimé, jusqu’à vingt fois le SMIC, soit environ 30 000 euros. L’objectif n’est bien sûr pas de pénaliser les entreprises, mais de les inciter à reconsidérer leur décision dans un sens plus favorable à l’emploi.

Afin que toutes les intelligences soient mobilisées en faveur d’une solution pour l’entreprise, le texte donne aussi aux salariés la possibilité de participer directement à la recherche d’un repreneur, voire de déposer une offre de reprise, en constituant par exemple une société coopérative et participative (SCOP), notamment dans les cas où il n’y aurait pas recherche effective d’un employeur.

Ces dispositions figurent aux articles 1er et 2.

En second lieu, la proposition de loi comporte des dispositions pour lutter contre les OPA hostiles. Actuellement, afin d’éviter les prises de contrôle rampantes, un actionnaire souhaitant augmenter sa part dans le capital doit déposer une offre publique d’acquisition (OPA) dès lors qu’il détient 30 % des actions – au lieu de 33,33 % jusqu’en 2011. Le texte propose d’abaisser ce seuil à 25 %, car le seuil actuel ne suffit pas à éviter les situations de contrôle de fait, compte tenu des taux d’abstention élevés aux assemblées générales d’actionnaires.

En troisième lieu, la proposition de loi favorise l’actionnariat de long terme. Nous souhaitons en effet encourager à investir de manière sérieuse et durable. Dans de nombreuses entreprises françaises, le principe d’une augmentation des droits de vote en fonction de la durée de détention des actions est déjà appliqué. Il est ici proposé de les doubler au bout de deux années de présence au capital.

Cette proposition de loi très importante vise donc à agir sur la structure même du capitalisme. Nous voulons favoriser les vrais entrepreneurs et protéger les entreprises des appétits des spéculateurs. Il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur tous les investisseurs, mais de faire le tri entre ceux qui se préoccupent des intérêts de l’entreprise et du pays et ceux qui n’ont à l’esprit que leurs intérêts à court terme.

M. Christian Paul. Comme vient de le souligner notre rapporteur pour avis, ce texte répond à une urgence. Nous sommes le Parlement d’un pays dont l’industrie a perdu deux millions d’emplois en trente ans, dont 750 000 ces dix dernières années, et nous avons tous à l’esprit des exemples de fermetures de sites industriels effectuées dans des conditions indignes. Nous avons par conséquent l’obligation d’agir.

Dès le début de la législature, refusant l’impuissance collective et publique face aux fermetures de sites rentables pour lesquels des solutions alternatives existaient, nous avons affirmé la nécessité d’une législation offensive. Contrairement à ce qu’on a pu lire, il ne s’agit pas seulement de punir les patrons voyous – il faut évidemment le faire – mais, plus fondamentalement, de reconnaître la responsabilité des entreprises à l’égard des salariés et des territoires.

Nous savons tous, quelle que soit notre lecture de l’économie, que le capitalisme est polymorphe et chacun peut, sans le diaboliser, reconnaître qu’il n’est pas exempt de dérives et d’excès.

Une entreprise n’est pas seulement la propriété des actionnaires. Elle est aussi un bien social et une communauté de travail, ce qui confère aux groupes français ou internationaux qui les détiennent une responsabilité particulière. Cette responsabilité s’exerce également à l’endroit du territoire dans lequel elle est implantée – une entreprise n’est pas hors sol – et qui lui apporte souvent beaucoup grâce à ses hommes et ses femmes, à ses infrastructures et à ses outils de formation.

Face à ceux qui sont tentés par le Meccano industriel, il fallait une dissuasion musclée, sans aller jusqu’à rétablir l’autorisation préalable de licenciement. De ce point de vue, la proposition de loi nous paraît adaptée aux besoins de la période actuelle. Elle assigne aux entreprises, pour la recherche d’un repreneur, une obligation de moyens sous le contrôle de la puissance publique et, en cas de manquement, prévoit une pénalité dont le montant est particulièrement dissuasif en comparaison des coûts des plans sociaux.

Les simulacres de discussions auxquels nous avons si souvent assisté lors de la fermeture de sites industriels, l’entreprise se bornant à abandonner quelques milliers d’euros aux salariés en guise de cadeau d’adieu, nous sont autant d’injonctions d’agir. Ce texte nous en donne le moyen. C’est pourquoi le groupe SRC apporte son soutien à cette proposition de loi aussi utile qu’urgente.

Mme Isabelle Le Callennec. Voici donc la « loi Florange », traduction de l’engagement n° 35 par lequel le candidat François Hollande promettait de dissuader les licenciements boursiers « en renchérissant le coût des licenciements collectifs pour les entreprises qui versent des dividendes ou rachètent leurs actions ».

D’abord conçu en vue de la « cession obligatoire de sites rentables », ce texte a été opportunément rebaptisé « proposition de loi visant à redonner des perspectives à l’économie réelle et à l’emploi industriel ». Mais les mots ne changent malheureusement rien à la réalité : cette proposition de loi est un texte d’affichage et de circonstance, afin d’entretenir l’illusion que le Gouvernement peut empêcher les licenciements dans une économie ouverte.

Tout d’abord, alors qu’il est présenté comme le grand levier du redressement productif, ce texte ne concerne que les entreprises de plus de 1 000 salariés. Or la majorité des entreprises françaises qui connaissent des difficultés sont en deçà de ce seuil. Rien ne sera donc fait pour ces entreprises de 100, 200 ou 300 salariés qui sont les premières victimes de redressements ou de liquidations judiciaires en nombre croissant – on en attend 62 000 d’ici à la fin de l’année !

Deuxièmement, vous adressez là un bien mauvais signal aux investisseurs nationaux et internationaux. Vous faites peser sur les dirigeants d’entreprise qui souhaitent fermer un établissement de lourdes obligations : ils devront informer les salariés par le biais du comité d’entreprise et rechercher un repreneur dans un délai de trois mois, en étant tenus par une obligation de moyens. En outre, le comité d’entreprise pourra saisir le tribunal de commerce, qui devra s’assurer de la réalité de l’effort de recherche et pourra, si celui-ci n’est pas avéré, condamner l’entreprise à une pénalité. Est-il bien raisonnable de confier une telle responsabilité à un juge et de le doter d’un pouvoir exorbitant ? Et que dire du montant de la pénalité qui peut aller jusqu’à vingt fois le SMIC par emploi supprimé !

Troisièmement, vous faites fi d’une disposition de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 que nous venons de transposer dans la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, disposition créant justement aux entreprises d’au moins 1 000 salariés une obligation de rechercher un repreneur. Je constate avec stupéfaction que l’un des amendements du rapporteur pour avis tend à abroger l’article L. 1233-90-1 du code du travail qui en est issu, au motif qu’il est repris dans la proposition de la loi. C’est incompréhensible. Vous supprimez un article à peine voté au prétexte de votre loi d’affichage.

Enfin, en adoptant ce texte, la France se rapproche dangereusement de l’économie administrée. Vous remettez en cause la liberté d’entreprendre et le droit de propriété, protégés par la Constitution, en dessaisissant l’entrepreneur de son outil de travail – en l’occurrence les murs, mais rien n’est dit sur les moyens de production.

Le groupe UMP est résolument opposé à ce texte et vous demande de ne pas laisser croire qu’il est de nature à faire cesser les plans sociaux dans notre pays. Votre seul but est de convaincre que le président de la République respecte sa promesse, faite dans l’euphorie d’une campagne électorale, un certain 24 février 2012. Mais les ouvriers ne sont pas dupes de ce « serment de Florange » !

Nous vous laisserons discuter entre vous du seuil à fixer pour déterminer les entreprises concernées par ces nouvelles obligations, de ce que le juge devra entendre par le caractère « sérieux » ou crédible d’une offre de reprise, ou encore du seuil de déclenchement d’une OPA. En ce qui nous concerne, ce texte nous est surtout un nouveau motif de vous exhorter à créer les conditions de la compétitivité des entreprises industrielles. Vous les connaissez : ce sont la diminution du coût du travail – et donc la maîtrise des dépenses publiques, la mise en œuvre des accords compétitivité-emploi consacrés par la loi relative à la sécurisation de l’emploi, la réforme de la formation professionnelle, attendue avec impatience pour sécuriser les parcours professionnels des salariés, ou encore l’amélioration de l’efficacité du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. S’agissant de ce dernier, bien des interrogations, soulevées jusque dans vos rangs, restent en effet à lever – sur son coût, sur le champ de ses bénéficiaires, sur la complexité du dispositif, pour ne pas parler de son financement même, les 720 millions d’euros dégagés à ce jour n’étant manifestement pas à la mesure des enjeux.

M. Christophe Cavard. Cette proposition de loi, dont le groupe écologiste est cosignataire, s’inscrit dans la continuité du travail mené par la majorité en faveur de l’économie et de l’emploi, et tout spécialement dans la continuité de la loi relative à la sécurisation de l’emploi qui, malgré certains manques, constituait un apport indéniable au dialogue social dans l’entreprise.

Je m’inquiète de la mention par l’opposition du droit de propriété, comme pour suggérer que l’employeur serait le seul et unique acteur de l’entreprise. Je rappelle que les salariés sont aussi des acteurs indispensables de la production de richesse. Un employeur seul ne produit rien sans leur participation. C’est la raison pour laquelle nous plaidons pour le développement de la copropriété de l’entreprise, dans le champ de l’économie sociale notamment, mais, sans aller jusque-là, il est important de replacer les salariés au cœur de l’entreprise et de leur permettre d’être pleinement acteurs du devenir de leur outil de travail.

Les fermetures de sites ne sont pas toutes justifiées par des difficultés économiques. Certaines obéissent à une logique de spéculation financière qui réclame des bénéfices à court terme. Des actionnaires, qui s’estiment propriétaires de l’entreprise, s’amusent à vendre sans souci des salariés, qui ne peuvent que subir. La proposition de loi donne à ces salariés les moyens de réagir. Elle rétablit le dialogue social et redonne sa juste place à la puissance publique dans la mesure où elle prévoit l’intervention des tribunaux, certes, mais aussi et surtout un accompagnement important par l’administration. Elle corrige enfin un excès de flexibilité introduit par de précédents textes et qui a largement fait débat.

Ce texte apporte aux salariés des garanties qu’ils attendaient de la part de notre majorité. Je conçois que cela puisse ne pas plaire à nos collègues de l’opposition, mais cela s’inscrit dans la recherche d’un équilibre entre salariés et employeurs, ces derniers devant partager avec les premiers la définition de la stratégie de l’entreprise au lieu de pouvoir la faire et la défaire à leur gré.

Le groupe écologiste a déposé un unique amendement, pour favoriser la reprise d’entreprises par les salariés. Cette solution n’est pas toujours possible, mais de nombreux salariés ont compris que, si les conditions de viabilité économique sont réunies, ils peuvent être les meilleurs repreneurs. Les outils pour cela existent, notamment dans le champ de l’économie sociale et en premier lieu avec les SCOP. Notre amendement fait donc obligation à l’employeur d’informer les salariés des possibilités dont ils disposent en la matière.

Enfin, je souhaite la reprise de la proposition formulée par M. Louis Gallois d’un small business act – comme il en existe même dans les pays les plus libéraux comme les États-Unis – afin de faire de la puissance publique l’un des premiers partenaires des PME et des entreprises. Ce partenariat avec des entreprises dirigées honnêtement et selon d’autres critères que la seule rentabilité pourrait trouver à s’appliquer dans les marchés publics.

Mme Véronique Louwagie. Ma première réaction porte sur le titre de votre proposition de loi : que signifie « économie réelle » ? Existerait-il une économie irréelle ou virtuelle ?

Votre texte est anxiogène pour les chefs d’entreprise de notre pays : ils craignent d’être assimilés aux patrons voyous qui ne sont pourtant qu’une très faible minorité d’entre eux. Leur inquiétude est encore accrue par le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire qui, au motif de préserver l’emploi, oblige les dirigeants souhaitant céder leur entreprise de moins de cinquante salariés à informer ces derniers de leur projet au moins deux mois à l’avance, afin qu’ils puissent se porter acquéreurs…

Autre interrogation terminologique : qu’est-ce qu’un site rentable ? Selon vous, madame la présidente, la proposition de loi viserait les entreprises qui ne connaissent pas de graves difficultés, mais comment savoir où placer le curseur pour évaluer ces difficultés ?

Il est erroné de croire que les entrepreneurs n’ont pas à cœur de sauver leur entreprise, de la faire vivre et de la transmettre. Les contraintes supplémentaires que vous leur imposez ici, à la fois en termes de délais et de procédures à respecter, ne vont pas leur simplifier la tâche. Vous introduisez aussi des lourdeurs inquiétantes au détriment de la confidentialité : toutes les OPA ne sont pas hostiles ; or vous exigez un avis du comité d’entreprise puis, si cet avis est défavorable, l’intervention d’un médiateur chargé d’examiner les conséquences de l’OPA sur l’emploi, sur les sites d’activité et sur la localisation des centres de décision.

Cette proposition de loi marque trop de défiance à l’égard des entrepreneurs pour leur insuffler la confiance indispensable au redressement de notre économie.

M. Michel Liebgott. En tant que député de Florange, je me réjouis du dépôt de cette proposition de loi. Si nous avions eu ces dispositions lorsque nous avons négocié avec ArcelorMittal, nous nous serions trouvés moins dépourvus de moyens de pression. Songez que, pour trouver un repreneur, il aura fallu deux rendez-vous avec le Président de la République et le délai de deux mois obtenu par le ministre Arnaud Montebourg. La loi n’aurait cependant pas pu s’appliquer complètement en raison de la configuration de l’usine car la suppression d’une partie de celle-ci était prévue depuis le début des années 2000.

L’accord négocié permet de maintenir 2 000 emplois de la filière froide, c’est-à-dire l’essentiel du site de Florange. Pendant deux mois, des repreneurs ont fait des propositions, dont une concernait l’ensemble de l’usine. La menace d’une nationalisation provisoire, qui était soutenue par tous les élus, y compris par le président UDI du conseil général de Moselle, a été efficace. L’accord intervenu entre le Gouvernement et ArcelorMittal a permis d’éviter un plan social : 180 millions d’euros d’investissements sont prévus dans la filière froide, permettant donc d’y pérenniser 2 000 emplois directs et un comité de suivi a été installé pour s’assurer de la mise en œuvre effective de cet accord.

À mes collègues de l’opposition, je signale que la production d’acier en Allemagne a dépassé cette année celle des années précédentes. C’est dû à l’action des Länder et à la présence dans les conseils d’administration de syndicats structurés. Les fermetures d’usines que nous avons connues en France n’auraient pas été possibles dans ce pays du fait d’un interventionnisme public permanent et d’une véritable cogestion. La présente proposition de loi, venant après la loi relative à la sécurisation de l’emploi, devrait à mon sens nous permettre d’arriver à une situation comparable.

M. Bernard Perrut. Cette proposition de loi se caractérise par sa logique punitive et par l’insécurité juridique qu’elle entraîne. Elle se situe aux antipodes de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, promulguée il y a un mois à peine, qui privilégie l’information du comité d’entreprise là où vous faites intervenir la justice. Elle contredit les objectifs mêmes de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013.

Elle pose également un problème de principe, par l’atteinte évidente qu’elle porte à la liberté d’entreprendre. La loi ne peut pas déposséder le chef d’entreprise de son pouvoir d’appréciation au profit du comité d’entreprise et du tribunal de commerce. Comment admettre l’immixtion du juge dans les restructurations des entreprises, sachant que celles-ci ne sont pas toujours dictées par des difficultés économiques ? Et je ne dirai rien de la pénalité très élevée que vous prévoyez et qui, indirectement, conduit à une forme de cession forcée.

Votre proposition de loi est fondée sur une erreur de raisonnement, révélatrice d’un état d’esprit défensif et malthusien que nous ne partageons pas. Pour vous, toute décision de fermer un site est présumée suspecte de même que toute recherche de repreneur est nécessairement de mauvaise foi. Pourtant, il ne manque pas d’exemples de fermetures qui, commandées par la logique industrielle, se sont révélées des réussites.

Ce texte exercera inévitablement un effet de repoussoir auprès des investisseurs étrangers. Il contribuera à la dégradation de l’image de notre pays. Il pourrait enfin être contre-productif pour les bassins d’emploi concernés.

M. Denys Robiliard. Cette proposition de loi a réveillé en moi le souvenir de deux fermetures d’entreprise, intervenues dans mon département. À Saint-Laurent-Nouan, un grand groupe international a fermé une entreprise de quarante salariés pour la reconstruire en Pologne où les normes écologiques sont moins contraignantes. Cette délocalisation a été préparée par un transfert de technologies, opéré par les salariés français qui n’ont appris qu’ensuite leur licenciement ! À Mer, ville de 5 000 habitants, l’entreprise Epeda, qui employait 450 salariés, a été rachetée par un autre groupe qui n’a eu de cesse de faire remonter les marques au niveau de sa holding. Pourtant bénéficiaire, cette entreprise a été fermée parce que sa rentabilité n’était plus suffisante.

J’entends les arguments de l’opposition, mais la logique industrielle ne peut se confondre avec une logique financière de court terme, exigeant des taux de rendement de 8 à 15 %.

Les exemples que je viens de donner montrent amplement la nécessité de cette proposition de loi. Cela étant, un travail d’amendement s’imposait, dans le cas de fermetures de sites par des entreprises bénéficiaires, pour bien articuler droit du licenciement collectif et droit économique.

J’ajouterai simplement ceci, à l’adresse de Mme Le Callennec : si nous voulions vraiment revenir à l’économie administrée, soyez certaine que nous n’aurions pas confié la responsabilité de la sanction au tribunal de commerce !

M. Jean-Pierre Door. Cette proposition de loi est purement électoraliste et de circonstance. Après que Florange a vu défiler de nombreux candidats à l’élection présidentielle et plusieurs ministres, vous cédez ici aux injonctions d’un syndicaliste charismatique et très engagé politiquement, qui occupe les plateaux de télévision et envisage une carrière cinématographique…

« Redonner des perspectives à l’économie réelle » : le titre est quelque peu osé car vous ne prenez pas le bon chemin pour parvenir à un tel résultat. Le traitement que vous préconisez est à la fois inquiétant et inopérant. Vous devriez plutôt vous intéresser au coût du travail, aux 35 heures et aux pesanteurs administratives – je pense à une entreprise de ma circonscription dont les projets sont retardés par des fouilles archéologiques qui grèvent son budget.

Vous allez décourager les investisseurs, nationaux et étrangers, que vous inquiétez déjà. Or, mon expérience des plans de sauvegarde de l’emploi – dont il est souhaitable que les élus locaux soient partie prenante – et des plans de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC) m’a appris que, contrairement à ce que vous croyez, les salariés préfèrent que des investisseurs reprennent leur entreprise plutôt que de le faire eux-mêmes.

Vous feriez donc bien d’écouter Mme Ségolène Royal qui déclarait ce matin : « Notre pays, la France, doit être le territoire des entrepreneurs où l’on a envie de persévérer, avec courage et avec confiance, pour aller de l’avant et de déployer l’esprit d’entreprise » !

M. Bernard Accoyer. L’exécutif et la majorité n’ont pas changé. Cette proposition de loi s’inscrit dans la continuité des propos du Président de la République expliquant aux Français attristés et au monde médusé, que la croissance est revenue et que la crise est finie.

Malheureusement, la réalité n’est pas celle-là. Ce texte est éminemment dangereux pour l’industrie, pour l’économie et pour l’emploi. Il produira l’effet inverse de celui qui est recherché.

Pourtant, jamais autant d’emplois n’ont été détruits – 1 000 chaque jour –, jamais le taux de chômage n’a été aussi élevé et jamais depuis au moins trente ans le pouvoir d’achat n’a été aussi faible. Pour y remédier, tous les analystes économiques, la Commission européenne et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) recommandent de faire l’inverse de ce que vous proposez. Ils plaident pour des mesures structurelles afin de réformer le marché du travail, de diminuer les dépenses publiques et d’alléger les charges fiscales et sociales ainsi que les contraintes administratives qui pèsent sur les entreprises.

Nous ne pouvons pas voter un texte qui propose le contraire de ce qu’il faudrait faire, qui judiciarise un peu plus l’économie française et qui constitue un moyen puissant de dissuader les investisseurs. Comment peut-on présenter une proposition de loi aussi déconnectée des réalités ? Elle témoigne du même dogmatisme que celui dont vous avez fait preuve avec les 35 heures, dont nous éprouvons aujourd’hui les effets…

Mme Kheira Bouziane. Je me réjouis de l’examen de cette proposition qui doit permettre de mettre le holà à certains comportements. Dans ma circonscription, un groupe américain souhaite fermer l’entreprise qu’il détient, bénéficiaire grâce aux efforts de ses salariés. Invité à une table ronde organisée à la préfecture, son représentant a été incapable de justifier la décision. En l’absence d’investissements depuis cinq ans et privée de machines, l’entreprise est tuée à petit feu alors que la compétence et la technicité des salariés sont reconnues, y compris par ledit représentant. Et ce groupe voudrait partir sans autre forme de procès…

Les sociétés qui ont ces comportements ont souvent bénéficié d’aides publiques : est-il dès lors acceptable qu’elles abandonnent leurs salariés à Pôle emploi pour aller investir dans des pays à bas coût – y compris d’autres pays européens soutenus par nos impôts ?

Je me réjouis de ce texte qui fera peut-être du tort à certains entrepreneurs, mais qui ne vise en aucune manière ceux qui mettent tout leur cœur à travailler pour leur entreprise.

M. Élie Aboud. Nous avons tous pour objectif de sauver les emplois, nous divergeons seulement sur la méthode. Longtemps, les responsables français de tous bords ont souhaité administrer l’économie. Aujourd’hui, vous la judiciarisez un peu plus en confiant à une juridiction le soin de donner un avis sur le projet de fermeture et de prononcer des pénalités. Mais vous ne parviendrez qu’à une chose : à décourager les chefs d’entreprise et la volonté d’entreprendre.

Nous savons d’expérience, ici, que la faute d’un seul peut jeter la suspicion sur tous. Les chefs d’entreprise et les décideurs économiques méritent-ils un tel traitement ? Adopter ce texte revient à afficher à nos frontières un panneau sur lequel serait inscrit « Ici, défense d’entreprendre ! ». Voyagez, écoutez autour de vous : vous saurez comment les décideurs étrangers nous regardent et quel diagnostic ils portent sur notre pays !

Une question, pour finir : que se passera-t-il pour une entreprise qui souhaite se restructurer sans licencier ?

M. Gilles Lurton. L’information des instances représentatives du personnel sur les raisons économiques, financières et techniques d’une restructuration d’entreprise ne constitue pas une nouveauté : le code du travail la prévoit déjà. Mais la proposition de loi ne se borne pas à cela : elle impose l’obligation de rechercher un repreneur, d’examiner toutes les offres de reprise et de justifier des raisons pour lesquelles telle ou telle n’a pas été retenue. De surcroît, elle institue une pénalité très lourde pour l’entreprise qui aurait écarté une offre de reprise sérieuse. Pouvez-vous donner une définition de cette dernière notion, monsieur le rapporteur pour avis ? Les points de vue peuvent en la matière être très divergents, comme en témoignent les exemples récents de Florange et de Petroplus.

Comment, selon vous, les investisseurs pourront-ils accepter d’engager des fonds importants pour créer ou reprendre des entreprises s’ils courent le risque de se voir piégés dans des procédures administratives et judiciaires à l’issue totalement incertaine et financièrement très coûteuses ?

M. Gérard Bapt. Cette proposition de loi n’est ni électoraliste ni opportuniste comme l’affirment certains de nos collègues de l’opposition. Et, monsieur Aboud, les entreprises qui se restructurent sans licencier ni fermer de site ne seront pas concernées par ses dispositions. Le projet de restructuration donnera simplement lieu à une discussion avec les organisations représentatives du personnel, dans le cadre du dialogue social promu par la loi relative à la sécurisation de l’emploi.

Mais tout ne se passe pas toujours ainsi et j’ai l’expérience dans ma circonscription de l’entreprise Molex. Le groupe américain dont elle dépendait avait décidé d’organiser la perte de compétitivité du site de Villemur-sur-Tarn : l’exploitation des brevets mis au point dans cette usine a été transférée à l’étranger tandis que, faute d’investissements, les équipements devenaient obsolètes. La direction a ainsi pu faire valoir la perte de compétitivité de l’établissement pour justifier sa fermeture. Les représentants des salariés ont démontré a posteriori devant la justice que cette perte de compétitivité avait été organisée et que des éléments importants leur avaient été dissimulés. Les tribunaux leur ont accordé 22 millions d’euros, mais le site était fermé et il sera très difficile désormais de réimplanter des activités dans ce bassin, qui fut industriel.

Voilà pourquoi l’information préalable des salariés et le renforcement de leurs droits me semblent légitimes.

M. Jean-Pierre Barbier. Comment ne pas réagir à un tel texte ! Il est heureux aussi que peu de chefs d’entreprises soient témoins de nos débats : nous avons assisté à une stigmatisation en règle des employeurs de la part de notre collègue du groupe écologiste, qui les a décrits comme des rapaces avides d’argent et peu soucieux de leurs salariés. Ces propos sont sidérants dans le contexte actuel.

Nous sommes évidemment tous convaincus que la réussite d’une entreprise tient à la qualité de ses dirigeants, mais aussi de ses salariés. Personne ne défend ici les licenciements boursiers. Mais, si votre volonté est de réindustrialiser la France, vous devez changer de discours. La proposition de la loi est un nouveau mauvais coup porté à l’économie, de nature à handicaper sérieusement vos efforts de réindustrialisation.

Le temps judiciaire n’est pas celui de l’économie, qui impose des changements rapides. Les dégâts causés aux entreprises par l’intervention de la justice sont connus : le placement en redressement judiciaire aggrave souvent leur situation.

Du fait de la mondialisation, 55 % des groupes installés en France sont d’origine étrangère. Or ces groupes examinent la législation d’un pays avant de s’y implanter. Existe-t-il une loi similaire dans d’autres pays européens ? Si ce n’est pas le cas, demain les sociétés étrangères choisiront de s’installer ailleurs qu’en France. Ce n’est pas ainsi que nous parviendrons à réindustrialiser le pays !

M. Richard Ferrand. Vous êtes, chers collègues, d’accord pour sauver les emplois à condition de ne pas agir et de laisser faire. À ce compte, rien ne viendra endiguer les licenciements qui ont parfois pour seul but d’accroître une rentabilité déjà établie.

Il est inexact de dire que nous stigmatisons les chefs d’entreprise. Les patrons de PME et de PMI sont souvent au premier rang de la lutte contre les fermetures de sites car ils savent qu’ils seront les premières victimes de la dégringolade économique d’un territoire soudainement amputé d’activités. Ils savent que leur propre entreprise est mise en danger par des restructurations guidées par le seul souci de la rentabilité.

Il est tout aussi inexact d’affirmer que nous voulons faire fuir les entrepreneurs. Nous recherchons l’effet inverse. Nous voulons brider les groupes qui obéissent à la seule logique financière. Nous souhaitons que rien ne se fasse sans justification et sans dialogue avec les salariés et avec les territoires.

Dans ma circonscription bretonne, un groupe scandinave spécialisé dans le saumon a décidé de fermer deux sites, mais il a considéré que son éthique lui imposait de financer un plan social, de mettre en place un plan de formation et de solliciter des repreneurs. Ces dirigeants, pour lesquels les choix stratégiques doivent aussi obéir à une morale, pourraient être considérés comme une source d’inspiration de ce texte, quels que soient les dégâts qu’ils ont causés.

M. le rapporteur pour avis. Monsieur Aboud, nos approches divergent en effet, mais il me semblait que nous partagions le diagnostic. Je fus un auditeur attentif du discours dans lequel un ancien Président de la République dénonçait les patrons voyous et la finance qui avait pris le pas sur l’économie réelle. Plusieurs d’entre vous se sont interrogés sur la notion d’économie réelle à laquelle fait référence le titre de la proposition de loi. Eh bien, relisez le discours de Toulon! La proposition de loi tire les conséquences de ce diagnostic, qui n’est donc pas l’apanage des représentants du Front de gauche.Tous les patrons d’entreprises industrielles que nous avons interrogés ont admis qu’ils ne dirigeaient plus leurs entreprises car les financiers leur imposent leurs conditions, interdisant tout projet à long terme au nom d’une exigence de rentabilité immédiate.

Je pense donc que nous pourrions nous accorder sur le diagnostic et sur la nécessité de mettre en avant les vrais entrepreneurs. Vous avez raison, il n’y a pas un seul entrepreneur digne de ce nom qui déciderait de licencier 500 personnes quand une reprise de l’entreprise est possible. Mais vous connaissez tous aussi des situations dans lesquelles les financiers ont organisé le pillage de l’entreprise – M. Bapt a cité le cas de Molex qui en est sans doute un des premiers exemples avec Continental. On fait partir les carnets de commandes à l’étranger, on transfère les brevets, on organise l’absence de rentabilité et on explique ensuite qu’il est nécessaire de fermer l’établissement. Dans le cas de Molex, la rentabilité était de 15 %, les salariés et les dirigeants locaux étaient très fiers de leur entreprise et, pourtant, elle a été fermée.

Refuser que de telles situations se reproduisent, c’est réhabiliter le capitalisme et rétablir la confiance, aujourd’hui très ténue, des Français et des salariés dans leurs entrepreneurs. Je souhaiterais que nous puissions nous entendre sur ces objectifs. Quant aux moyens d’y parvenir, le débat politique est légitime.

Je remercie Christian Paul et les parlementaires socialistes et écologistes qui ont fait part de leur soutien à cette proposition de loi, ainsi que ceux de nos collègues qui, comme Michel Liebgott, ont travaillé à sa rédaction. Les exemples concrets qui ont été donnés montrent combien elle est attendue.

S’agissant de l’atteinte au droit de propriété, madame Le Callennec, monsieur Perrut, nous avons sollicité l’avis du Conseil d’État sur le texte, comme l’a souhaité le président de l’Assemblée nationale pour toutes les propositions de loi désormais. Le Conseil s’est livré à une analyse précise de la conformité de ces dispositions aux principes reconnus par la Constitution – spécialement la liberté d’entreprendre et le droit de propriété. Dans son avis comme toujours soigneusement pesé, il a estimé que la pénalité envisagée, à condition qu’elle soit précisément définie, était compatible avec la Constitution. Ces conclusions vont vous être distribuées afin que vous puissiez vous faire votre propre opinion.

Madame Le Callennec, vous me reprochez de supprimer l’article 19 de la loi relative à la sécurisation de l’emploi, mais l’article L. 1233-90-1 qui en est issu n’est pas modifié. C’est uniquement sa place dans le code du travail qui l’est, pour plus de cohérence. Cet article fait actuellement partie des dispositions particulières relatives à la reprise de site et à la revitalisation des bassins d’emploi. Nous proposons de le placer à part, dans le chapitre relatif au licenciement économique. À cette fin est créée une section intitulée « Obligation de rechercher un repreneur en cas de projet de fermeture d’un établissement », qui rassemble l’ensemble des règles d’information et de consultation des représentants du personnel au cours de la procédure de recherche, unifiant les dispositifs prévus par la loi relative à la sécurisation de l’emploi et par la présente proposition de loi. Nous ajoutons la possibilité pour les salariés de participer à la reprise et des dispositions dans le code du commerce tirant les conséquences d’un refus d’une offre sérieuse de reprise.

Je souhaite que cette procédure n’aboutisse pas à la judiciarisation que vous redoutez à raison. Mais le choix du tribunal de commerce, comme l’a rappelé M. Robiliard, correspond précisément à la volonté de soumettre les comportements abusifs à la justice des employeurs.

Monsieur Cavard, l’article 3 contient une disposition relative aux SCOP en cas de règlement judiciaire. Sous réserve de le sous-amender légèrement, je suis favorable à votre amendement prévoyant d’informer les salariés de la possibilité qui leur est ouverte de soumettre eux-mêmes une offre en cas de fermeture de leur usine.

Madame Louwagie, nous avons beaucoup travaillé sur la notion de site rentable. Nous savons qu’il peut être de l’intérêt de tous d’accepter une restructuration en cas de difficultés économiques. Mais la situation peut aussi être très complexe : ainsi, à Florange, les résultats du calcul de rentabilité étaient différents pour le haut fourneau et pour la filière à froid, dont une partie attirait d’ailleurs des candidats à la reprise. Les critères d’appréciation de la rentabilité d’un site étant donc difficiles à déterminer, nous avons préféré raisonner à partir d’une évaluation de l’offre de reprise présentée. Afin de préciser la façon d’apprécier le caractère sérieux ou non de l’offre, je présente un amendement qui fait référence aux perspectives de pérennité de l’activité et des emplois.

J’ai déposé un autre amendement qui précise le motif légitime de refus. L’acceptation de l’offre ne doit en effet pas être de nature à déstabiliser l’entreprise. Par exemple, il n’est pas question de demander à Michelin d’accepter que Goodyear installe une ligne de production au cœur d’une de ses usines car cette reprise aurait des conséquences dommageables pour l’ensemble de l’entreprise. En revanche, certaines unités de production de Michelin pourraient être reprises par Goodyear.

Monsieur Aboud, les cas de restructuration sans licenciements n’entrent pas dans le champ d’application de la proposition de loi. Je vous proposerai dans un amendement de reprendre le champ d’application prévu par la loi relative à la sécurisation de l’emploi, à savoir les projets de fermeture d’établissement ayant pour conséquence des licenciements collectifs. Si de tels projets n’existent pas, il n’y a pas lieu de soumettre à la procédure prévue par ce texte une restructuration, qui peut être strictement commerciale.

Monsieur Barbier, la question du temps judiciaire est en effet importante. Elle a été au cœur des débats sur la loi relative à la sécurisation de l’emploi. Cette loi sécurise les salariés en les protégeant contre les licenciements abusifs et en leur permettant de participer à la définition de leur avenir. Mais elle sécurise aussi les entreprises en inscrivant les procédures dans des délais préfix. J’ai déposé un amendement afin que ce principe s’applique à la procédure prévue par la proposition de loi. Les délais seront de sept jours pour saisir le tribunal de commerce, puis de quatorze jours pour que celui-ci se prononce, soit un total de vingt et un jours qui correspond au délai donné à l’administration pour homologuer un plan de sauvegarde de l’emploi. Les deux procédures seront donc enserrées dans le même délai global, ce qui répond à la préoccupation exprimée par les entreprises.

La Commission en vient à l’examen des articles.

TITRE Ier

OBLIGATION DE RECHERCHER UN REPRENEUR
EN CAS DE PROJET DE FERMETURE D’UN ÉTABLISSEMENT

Article 1er :

La Commission examine d’abord l’amendement AS 8 de M. Dominique Tian, tendant à la suppression de l’article.

M. Dominique Tian. Ce texte inutile et dangereux dégradera, aux yeux des investisseurs étrangers, l’image de notre pays.

Il faut surtout souligner que vous vous livrez à une désinformation permanente, ce qui est grave : ce texte n’a rien à voir avec l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, que M. Hollande disait pourtant vouloir suivre comme fil rouge. Le contenu de votre proposition de loi n’a fait l’objet d’aucun accord des partenaires sociaux : il y a escroquerie !

M. le rapporteur pour avis. Avis évidemment défavorable. Monsieur Tian, vous pourriez éviter d’employer le terme d’escroquerie…

Sur le fond, ce point figurait explicitement dans la feuille de route des partenaires sociaux ; mais le MEDEF considère aujourd’hui que l’article 19 de la loi de sécurisation de l’emploi suffit à transposer le résultat de leurs négociations, quand les syndicats signataires considèrent que le sujet n’a été qu’à moitié traité et qu’il reste à tirer les conséquences de l’obligation d’informer et de consulter le comité d’entreprise. On peut donc considérer que les partenaires sociaux ne se sont pas mis d’accord ; or personne ne pense qu’une absence d’accord des partenaires sociaux empêche le législateur de légiférer ! L’article L. 1 du code du travail est respecté.

Je voudrais ajouter à mes réponses de tout à l’heure que la législation française – calquée sur le modèle anglais – est l’une de celles qui protègent le moins bien les entrepreneurs de leurs concurrents. Les États-Unis ou la Chine font beaucoup plus ! En Allemagne, les représentants des salariés composent la moitié du conseil d’administration et peuvent dès lors faire obstacle aux délocalisations : croyez-vous que cela constitue un frein à l’investissement ? Si le dispositif que je vous présente est spécifique à la France, chaque pays trouve des moyens pour protéger ses industries.

M. Dominique Tian. Vous écrivez dans votre rapport que l’obligation de recherche d’un repreneur est le « fruit de la volonté du Gouvernement et du dialogue social » : c’est un mensonge !

M. le rapporteur pour avis. Vous pouvez jouer sur les mots, il n’en restera pas moins que le MEDEF, sous la conduite de Mme Laurence Parisot, a approuvé le principe suivant lequel toute entreprise qui veut fermer une usine doit chercher un repreneur. Relisez l’accord national interprofessionnel (ANI).

La Commission rejette l’amendement.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AS 9 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Dans la même logique, je souligne que jamais l’ANI n’a prévu de sanctions financières ou économiques. Je propose donc de les supprimer afin de rendre ce texte un peu moins dissuasif pour les entreprises qui viendraient s’installer dans notre pays.

M. Élie Aboud. C’est un aspect que vous ne pouvez pas négliger : il est évident que ce texte va freiner les investissements ! Je pense même qu’en réalité, vous partagez nos craintes.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la Commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 20 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement est le premier d’une longue série qui procède, comme je l’ai expliqué tout à l’heure, aux modifications formelles nécessaires pour unifier les dispositifs prévus par la loi de sécurisation de l’emploi et par cette proposition de loi. Il s’agit notamment de mieux distinguer ce que nous inscrivons dans le code du travail – règles d’information et de consultation des représentants du personnel au cours de la procédure de recherche d’un repreneur – de ce que nous inscrivons dans le code du commerce – sanction de l’obligation de recherche par le tribunal de commerce et procédure devant cette juridiction. De plus, certains des choix que nous avions faits dans la loi de sécurisation de l’emploi étaient – comment dire ? – perfectibles, et nous clarifions ici la rédaction et l’organisation du code du travail.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 21 rectifié du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Comme je l’indiquais tout à l’heure à M. Aboud, nous proposons que la procédure ne s’applique que si la fermeture de site a pour conséquence des licenciements collectifs. Cela permet également une meilleure cohérence avec l’article 19 de la loi de sécurisation de l’emploi.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement de précision AS 23 du rapporteur pour avis.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AS 24 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. La recherche d’un repreneur doit être engagée aussi vite que possible, dès avant l’élaboration d’un plan de sauvegarde de l’emploi, ce que permet l’amendement. Celui-ci vise également à mettre en cohérence les délais de la procédure de recherche d’un repreneur avec ceux de la procédure d’information et de consultation sur les projets de licenciements collectifs tels qu’ils sont prévus par la loi relative à la sécurisation de l’emploi.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 15 de M. Patrice Prat.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement supprime l’obligation pour les délégués du personnel d’émettre un avis. Ils sont simplement informés, comme le comité d’entreprise dont ils tiennent ici le rôle. Il n’est pas utile en effet de prévoir une consultation à ce stade.

Mme Véronique Louwagie. Ne serait-il pas judicieux d’écrire « soumis pour information » plutôt que simplement « soumis » ? On pourrait aussi écrire « transmis ».

M. le rapporteur pour avis. Cela ne paraît pas nécessaire.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement AS 25 du rapporteur pour avis, corrigeant une référence.

Elle est saisie de l’amendement AS 14 de M. Christophe Cavard, faisant l’objet d’un sous-amendement AS 73 du rapporteur pour avis.

M. Christophe Cavard. Les salariés sont une composante de l’entrepreneuriat et il faut porter une attention particulière à leurs projets : cet amendement vise donc à s’assurer qu’ils sont informés de la possibilité qui leur est ouverte de reprendre eux-mêmes l’entreprise, par exemple en utilisant la formule de la société coopérative et participative (SCOP).

M. le rapporteur pour avis. Avis favorable, sous réserve de l’adoption du sous-amendement AS 73 : la loi crée un nouvel expert ad hoc, auquel il convient de faire référence plutôt qu’à celui qui est « prévu aux articles L. 2325-35 et L. 2325-38 du code du travail ».

M. Christophe Cavard. J’accepte le sous-amendement.

La Commission adopte le sous-amendement AS 73. Puis elle adopte l’amendement AS 14 ainsi sous-amendé.

Elle adopte ensuite successivement six amendements du rapporteur pour avis : l’amendement AS 26, corrigeant une référence, l’amendement de codification AS 27, les amendements de conséquence AS 28 et AS 29, et les amendements AS 30 et AS 31, corrigeant des références.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AS 16 de M. Christophe Léonard.

M. le rapporteur pour avis. Le texte propose, je l’ai dit, une refonte du capitalisme – presque un retour aux sources : l’entreprise doit prendre en considération les actionnaires et les salariés, mais aussi le territoire où elle s’est installée et qui investit pour créer un environnement favorable à l’activité. Cet amendement prévoit donc que le maire de la commune est informé du projet de fermeture d’un établissement. L’autorité administrative se charge quant à elle d’informer les autres collectivités – conseil général, conseil régional, communauté de communes...

M. Dominique Tian. Est-il raisonnable de demander au maire d’intervenir et de trouver des solutions ? Vous faites peser une charge énorme sur les élus locaux, alors qu’il s’agit d’un problème de droit privé !

Mme Véronique Louwagie. Ne serait-il pas judicieux de dresser une liste précise des « élus locaux concernés » ? Je m’étonne aussi que vous ne fassiez pas mention des commissaires au redressement productif, pourtant présents dans toutes les régions.

Mme Isabelle Le Callennec. Qu’appelez-vous « l’autorité administrative » ?

Cet amendement me paraît tout à fait surprenant, car ce que vous prévoyez est très flou alors que, dans un plan de sauvegarde de l’emploi, la procédure doit être suivie de façon absolument rigoureuse et la communication d’informations, en particulier, est très encadrée de manière à éviter la commission d’un délit d’entrave.

M. Jean-Pierre Barbier. Quelles sont les informations données au maire, et qu’est-il censé en faire ? Les élus locaux sont toujours très au fait de ces situations ; ils sont souvent conduits à exercer une médiation entre patrons et syndicats. Mais ici, c’est une responsabilité énorme que vous attribuez au maire – en tout cas, ce sera compris ainsi par les salariés !

M. Élie Aboud. Le maire est toujours informé : nous sommes dans une société connectée ! Je comprends cette obligation d’information s’il y a de l’argent public en jeu, mais sinon, il me semble que cela n’a pas lieu d’être.

M. le rapporteur pour avis. Madame Le Callennec, l’autorité administrative, ce sont les représentants de l’État en général : il n’est pas nécessaire de détailler. Évidemment, madame Louwagie, les commissaires au redressement productif joueront un rôle important.

Monsieur Aboud, la commune dépense toujours de l’argent pour aider les entreprises : quand elles s’installent, il faut construire des logements, ouvrir des classes, etc. C’est tout cela qui est remis en cause si elles ferment. Il me semble donc juste que le maire soit informé sans tarder. Bien sûr, le plus souvent, il l’est, mais ce n’est pas toujours le cas ! S’agissant des autres élus locaux, j’avoue que nous nous sommes posé la question, ainsi que pour le député. Une énumération ne simplifierait pas le texte…

S’agissant enfin du délit d’entrave, madame Le Callennec, il n’y a pas de crainte à avoir : lorsque le maire est informé, les salariés le sont déjà.

M. Dominique Tian. Ce qui va se passer, c’est que l’entrepreneur menacé d’une amende très élevée ira voir le maire et lui intimera l’ordre de se débrouiller pour trouver un repreneur ! Vous prenez le maire en otage, alors qu’il n’a pas à être partie prenante !

Mme Véronique Louwagie. Est-ce que ce sont les collectivités locales qui sont informées, ou bien les élus locaux ?

M. le rapporteur pour avis. Nous avons voulu laisser un peu de souplesse à l’action du préfet, mais vous pouvez proposer des précisions – sans trop alourdir le texte, car les entrepreneurs ont besoin de simplicité.

La Commission adopte l’amendement AS 16.

Elle adopte ensuite l’amendement de codification AS 32 du rapporteur pour avis.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AS 17 de M. Yves Blein, faisant l’objet d’un sous-amendement AS 70 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement, conformément aux recommandations du Conseil d’État, précise l’obligation d’information imposée à l’employeur à l’égard des éventuels repreneurs, compte tenu de la sanction encourue en cas de manquement. Il prévoit également la réalisation d’un document de présentation de l’établissement ainsi que d’un bilan environnemental.

Mon sous-amendement précise que le document de présentation doit être réalisé « sans délai ».

La Commission adopte le sous-amendement AS 70. Puis elle adopte l’amendement AS 17 sous-amendé.

Elle adopte ensuite l’amendement de précision AS 33 du rapporteur pour avis.

Elle examine l’amendement AS 34 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à encadrer les délais dans lesquels l’employeur doit apporter une réponse motivée à toute offre reçue, en sorte que le comité d’entreprise en dispose en temps utile.

Mme Isabelle Le Callennec. Vous renvoyez aux délais prévus à l’article L. 1233-30 : de quoi s’agit-il ?

M. le rapporteur pour avis. Ce sont les délais de deux à quatre mois, en fonction du nombre de licenciements, prévus par la loi relative à la sécurisation de l’emploi.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement de codification AS 35 du rapporteur pour avis.

Elle se saisit alors de l’amendement AS 18 de M. Christophe Léonard.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à s’assurer que les offres de reprise parviennent rapidement aux représentants des salariés.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 38 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement demande que le comité d’entreprise se prononce dans un délai compatible avec la durée de la procédure, telle qu’elle est prévue par la loi relative à la sécurisation de l’emploi.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 39 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement autorise le comité d’entreprise à participer activement à la recherche d’un repreneur – ce qui est souvent le cas dans la pratique.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite successivement l’amendement rédactionnel AS 65, l’amendement AS 40 corrigeant une référence et l’amendement rédactionnel AS 51, tous trois du rapporteur pour avis.

Elle examine l’amendement AS 41 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement précise les missions de l’expert nommé par le comité d’entreprise.

Mme Isabelle Le Callennec. Qui paye cet expert ?

M. le rapporteur pour avis. L’employeur.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 42 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit d’un « article balai » qui vise à conférer, le cas échéant, au comité d’établissement les compétences dont jouit le comité d’entreprise en matière d’accès à l’information et de recherche d’un repreneur.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 43 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement propose une meilleure rédaction de l’alinéa 35 : en cas de recours à un expert, l’employeur en informe sans délai l’autorité administrative.

La Commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite successivement l’amendement de codification AS 36 et l’amendement rédactionnel AS 44 rectifié, tous deux du rapporteur pour avis.

Elle examine l’amendement AS 45, du même auteur.

M. le rapporteur pour avis. L’employeur doit indiquer les raisons qui le conduiraient à accepter une offre de reprise formalisée.

La Commission adopte l’amendement.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AS 46 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement fixe un délai pour l’avis du comité d’entreprise.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle passe à l’amendement AS 47 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit encore d’articuler les délais des deux procédures de recherche de repreneur et de licenciement collectif.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement l’amendement de précision AS 48 et l’amendement de codification AS 37, du rapporteur pour avis.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AS 49 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à prendre en compte dans la convention de revitalisation les efforts d’un employeur pour rechercher un repreneur, et donc à alléger ses obligations, conformément à la loi relative à la sécurisation de l’emploi.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 50 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Les modalités d’application de la nouvelle sous-section du code du travail consacrée à l’obligation de recherche d’un repreneur doivent être prévues par un décret en Conseil d’État.

La Commission adopte l’amendement.

Elle se saisit de l’amendement AS 52 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Il s’agit de réduire le délai de saisine du tribunal de commerce de 15 à 7 jours, afin, encore une fois, d’articuler les procédures de recherche d’un repreneur et de licenciement collectif.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte successivement l’amendement AS 53 corrigeant une référence, l’amendement de précision AS 66, les amendements rédactionnels AS 54 et AS 55, l’amendement de précision AS 56, les amendements rédactionnels AS 57 et AS 58 et enfin l’amendement de cohérence AS 59, tous du rapporteur pour avis.

Elle examine ensuite l’amendement AS 19 de M. Yves Blein.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à mieux définir la notion d’offre de reprise « sérieuse » : ce caractère sera apprécié « au regard notamment de la capacité de [son] auteur à garantir la pérennité de l’activité et de l’emploi de l’établissement ». L’amendement reconnaît également à l’entreprise la possibilité de refuser de céder son site pour un motif légitime – il ne s’agit pas d’obliger à une cession si celle-ci devait menacer la survie du reste de l’entreprise.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 10 de M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Qu’est-ce qu’une offre de reprise sérieuse ? Le déterminer est extrêmement compliqué et vous venez d’ailleurs de l’admettre implicitement en ouvrant une possibilité de refus pour motif légitime. La marge d’interprétation est beaucoup trop grande et ce n’est donc pas sur ce fondement qu’on peut infliger à des chefs d’entreprise une sanction financière tout à fait considérable !

M. le rapporteur pour avis. Monsieur Tian, vous pourrez lire à tête reposée les amendements que nous venons d’adopter, et vous pourrez proposer des améliorations, mais nous venons à l’instant de préciser le critère d’une offre sérieuse et d’admettre un motif légitime de la refuser. Avis défavorable.

M. Dominique Tian. Si un chef d’entreprise refuse une offre parce qu’il ne la juge pas sérieuse mais que d’autres en décident autrement, il sera puni financièrement, et lourdement ! Donc il acceptera n’importe quoi, c’est son intérêt.

La Commission rejette l’amendement AS 10.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS 60 et AS 67 et les amendements de précision AS 68 et AS 61 du rapporteur pour avis.

Elle examine ensuite l’amendement AS 72 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à affecter la pénalité prononcée par le tribunal de commerce aux mesures prévues par la convention de revitalisation, ainsi qu’à des mesures de promotion et de développement de la filière industrielle à laquelle l’entreprise est rattachée.

Mme Isabelle Le Callennec. De la filière ou de la branche ? Une filière, c’est bien vaste…

M. le rapporteur pour avis. La branche, encore plus !

M. Dominique Tian. Mais c’est un système moyenâgeux ! Ceux qui infligeront des amendes les récupéreront pour eux-mêmes. Quand on est condamné, on doit verser l’amende à l’État !

M. le rapporteur pour avis. Voilà, c’est une escroquerie moyenâgeuse… Plus sérieusement, il paraît pertinent que ces amendes servent en priorité à la revitalisation du bassin d’emploi où une usine a fermé, puis à la filière.

M. Élie Aboud. Mais cette somme est tout de même versée au Trésor public.

M. le rapporteur pour avis. Il y a plusieurs solutions : si on ne précise rien, les amendes versées peuvent être versées dans le budget de l’État ; on peut créer un compte d’affectation spéciale, ce qui se fait en loi de finances ; on peut encore imaginer, comme c’est le cas pour les conventions de revitalisation, qu’un comité local décide de soutenir telle ou telle action et que l’entreprise finance celles-ci.

Nous pensons plutôt pour le moment créer un compte d’affectation spéciale.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 69 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement devrait donner satisfaction à M. Aboud : il autorise le tribunal de commerce à demander à l’entreprise le remboursement de tout ou partie des aides publiques qu’elle aurait perçues.

M. Élie Aboud et M. Jean-Pierre Barbier. Nous voterons pour.

M. Dominique Tian. Mais c’est à l’administration de demander le remboursement des aides ! Ce n’est pas le rôle du tribunal de commerce, qui encore une fois sera juge et partie. Il faut que l’autorité judiciaire, qu’un vrai juge intervienne.

M. Denys Robiliard. Le tribunal de commerce est un vrai juge – ou alors il faut en prévoir une vaste réforme… Aujourd’hui, devant les prud’hommes ou devant une chambre sociale de cour d’appel, on peut demander le remboursement de six mois d’indemnités chômage en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. C’est un mécanisme tout à fait similaire.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle se saisit de l’amendement AS 62 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement demande que le tribunal de commerce statue dans un délai de quatorze jours : ainsi, nous ne rallongeons pas les délais prévus par la loi relative à la sécurisation de l’emploi.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine enfin l’amendement AS 63 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement prévoit un dispositif transitoire pour l’entrée en vigueur de l’article 1er, conformément aux recommandations du Conseil d’État.

La Commission adopte l’amendement.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

La Commission adopte l’amendement de cohérence AS 64, tendant à insérer un article additionnel après l’article 1er.

Article 2 :

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la Commission rejette l’amendement AS 11 de M. Dominique Tian, tendant à la suppression de l’article.

M. Dominique Tian. Madame la présidente, vous étiez d’habitude la première à vous insurger devant la multiplication de rapports aussi coûteux qu’inutiles…

La Commission est saisie de l’amendement AS 71 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Quitte à faire faire un rapport, autant qu’il soit vraiment utile, et qu’il comporte un bilan global de l’obligation de recherche d’un repreneur.

Mme la présidente Catherine Lemorton. D’habitude, monsieur Tian, les parlementaires se plaignent plutôt de manquer de moyens et de pouvoirs de contrôle !

La Commission adopte l’amendement, ce qui vaut avis favorable à l’adoption de l’article 2 ainsi rédigé.

TITRE II

MESURE EN FAVEUR DE LA REPRISE DE L’ACTIVITÉ
PAR LES SALARIÉS

Article 3 :

La Commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 sans modification.

TITRE III

MESURES EN FAVEUR DE L’ACTIONNARIAT
DE LONG TERME

Article 4 :

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la Commission rejette l’amendement AS 12 de M. Dominique Tian, tendant à la suppression de l’article.

Puis elle est saisie de l’amendement AS 88 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Dès lors que le seuil de 30 % ne correspond plus au seuil de déclenchement d’une OPA, l’obligation de déclaration prévue à l’article L. 233-7 du code de commerce n’a plus lieu d’être.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 74 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise, suivant les recommandations du Conseil d’État, à insérer une « clause de grand-père », qui permet de ne pas remettre en cause des situations légalement acquises. Il précise de plus les modalités d’application de la loi outre-mer.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 modifié.

Après l’article 4 :

La Commission examine l’amendement AS 76 du rapporteur pour avis, portant article additionnel.

M. le rapporteur pour avis. L’amendement AS 76 vise à introduire un seuil de caducité : une offre publique d’acquisition (OPA) devient caduque si elle ne débouche pas sur une détention de plus de 50 % de la société cible.

La Commission adopte l’amendement.

Elle se saisit ensuite de l’amendement AS 75 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Le régime dit de « l’excès de vitesse » permet à un actionnaire qui détient plus de 30 % d’une société de progresser au capital de cette société sans avoir à déposer d’OPA si cette progression se fait à un rythme inférieur à 2 % par an. L’amendement vise à ramener cette limite à 1 %, conformément à une préconisation de l’Autorité des marchés financiers (AMF).

La Commission adopte l’amendement.

Article 5 :

La Commission examine l’amendement AS 77 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement est celui qui, comme je l’ai dit, vise à favoriser les actionnaires fidèles à l’entreprise. Les droits de vote seront doublés après deux ans de détention des actions, et triplés après cinq ans, étant entendu que les assemblées générales peuvent toujours en disposer autrement. Autrement dit, les dispositions qui requièrent aujourd’hui une décision expresse deviendront demain la règle par défaut.

La Commission adopte l’amendement, ce qui vaut avis favorable à l’adoption de l’article 5 ainsi rédigé.

Après l’article 5 :

La Commission examine l’amendement AS 78 du rapporteur pour avis, portant article additionnel après l’article 5.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à demander au Gouvernement un rapport sur l’efficacité des golden shares, c’est-à-dire des actions spécifiques détenues par l’État, et destinées à maintenir le contrôle public sur des entreprises stratégiques malgré la présence limitée de la puissance publique au capital.

La Commission adopte l’amendement.

Article 6 :

La Commission examine l’amendement AS 13 de M. Dominique Tian, tendant à supprimer l’article 6.

M. Dominique Tian. Vous voulez renforcer les pouvoirs du comité d’entreprise face à une OPA, mais la procédure, placée sous le contrôle de l’Autorité des marchés financiers, est enserrée dans des délais très précis et c’est ce calendrier que vous allez gravement perturber.

M. le rapporteur pour avis. Avis défavorable : l’article 6 vise à permettre, en cas d’OPA, un dialogue entre le comité d’entreprise et l’auteur de l’offre, afin de préciser par exemple les engagements de celui-ci en matière d’emploi. Bien sûr, les délais demeureront serrés.

La Commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS 79 et AS 80, puis les amendements de précision AS 81 et AS 89 du rapporteur pour avis.

Elle examine ensuite l’amendement AS 82 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement vise à prendre en compte une éventuelle modification de l’avis du conseil d’administration ou du conseil de surveillance : dans une telle hypothèse, le comité d’entreprise devra être à nouveau consulté.

La Commission adopte l’amendement.

Puis elle examine l’amendement AS 83 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. C’est un amendement de conséquence : il s’agit de prévoir une sanction si l’auteur de l’offre refuse de participer à la médiation prévue.

La Commission adopte l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement AS 84 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement propose une procédure de vérification du respect des engagements pris par l’auteur de l’offre, en termes d’emplois notamment.

La Commission adopte l’amendement.

Elle émet alors un avis favorable à l’adoption de l’article 6 modifié.

Après l’article 6 :

La Commission est saisie de trois amendements du rapporteur pour avis portant articles additionnels après l’article 6. Elle examine d’abord l’amendement AS 85.

M. le rapporteur pour avis. Avec ces trois amendements, il s’agit encore d’améliorer la protection – aujourd’hui faible en droit français – des entreprises contre les OPA hostiles. L’amendement AS 85 tend à porter de 10 % à 30 % la proportion maximale d’actions gratuites qui peuvent être distribuées aux salariés.

La Commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AS 86 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement corrige la transposition de la directive européenne du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d’acquisition, telle qu’elle a été opérée par la loi du 31 mars 2006 : la France avait alors fait le choix, bizarrement, de permettre à nos entreprises de se protéger seulement contre les OPA des entreprises elles-mêmes couvertes par un droit protecteur, comme les entreprises allemandes, mais non contre les entreprises relevant, comme les britanniques, d’un système libéral. En inversant cette logique, nous permettrons à nos entreprises de prendre « à chaud » certaines mesures, comme d’interdire la détention de plus de 15 % des actions ou d’émettre des actions à bas prix.

La Commission adopte l’amendement.

Enfin, elle examine l’amendement AS 87 du rapporteur pour avis.

M. le rapporteur pour avis. Cet amendement est lié au dispositif de l’article 1er. Il propose, pour essayer d’empêcher la fermeture d’un site, d’utiliser les outils d’urbanisme, qui sont puissants, notamment en permettant au maire de réserver le terrain concerné à une utilisation industrielle – ce qui a évidemment des conséquences sur son prix et évitera des opérations de spéculation immobilière.

M. Jean-Pierre Barbier. Je vous avoue que nous avons perdu le fil : une proposition de loi sur un sujet aussi vaste et aussi complexe, une telle avalanche d’amendements, est-ce bien raisonnable ? J’espère que ceux qui vont voter le texte ont tout compris…

M. Dominique Tian. Eh oui, nous avons voté à la va-vite un nombre considérable d’amendements d’une complexité extrême, et qui vont bouleverser le paysage économique… Vous voyez d’un côté les bons, de l’autre les prédateurs : c’est vraiment l’économie Star Wars !

Mme la présidente Catherine Lemorton. Les amendements sont complexes et ils ont été distribués tardivement, certes, mais nous ne débattrons de ce texte en séance publique qu’au mois de septembre, et d’ici là, vous aurez le temps de réfléchir. Ce ne serait pas la première fois que vous passeriez de deux amendements en commission à plus de 300 en séance – rappelez-vous la proposition de loi relative à la recherche sur l’embryon…

M. le rapporteur pour avis. L’examen au fond par la commission des affaires économiques vous offre demain une session de rattrapage. Cela étant, nous avons réalisé de très nombreuses auditions – de l’AMF, des grands industriels, de patrons de grandes entreprises et de PME, de syndicats… – et nous avons soumis le texte au Conseil d’État ; les amendements sont le résultat de ces consultations, ainsi que de l’examen de cas concrets.

Mme Isabelle Le Callennec. Mais comment se fait-il qu’il y ait autant d’amendements sur une proposition de loi ? Qui a tenu la plume ?

M. le rapporteur pour avis. Vous avez bien réussi à déposer plusieurs milliers d’amendements sur le projet de loi autorisant le mariage pour tous, qui se résumait à une disposition assez simple… Quelques dizaines d’amendements après plus de 300 heures d’auditions, cela ne paraît pas si surprenant.

Mme la présidente a raison, les délais sont très courts, mais nous aurons le temps d’y revenir.

M. Christophe Cavard. Je veux souligner que les amendements respectent parfaitement l’esprit du texte. J’espère, monsieur Tian, que les salariés qui sont sous l’emprise des Goldman Sachs et autres entreprises prédatrices ne vous entendent pas parler d’économie Star Wars ! Je ne suis pas sûr qu’ils seraient ravis. Ce que nous voulons, c’est aider les salariés qui subissent la dérégulation et la folie de l’économie casino.

M. Dominique Tian. Vous parlez de régime d’« excès de vitesse », je peux bien parler de Star Wars !

La Commission adopte l’amendement AS 87.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble de la proposition de loi modifié.

La séance est levée à vingt heures vingt.

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Présences en réunion

Réunion du mardi 16 juillet 2013 à 18 heures

Présents. - M. Élie Aboud, M. Bernard Accoyer, M. Gérard Bapt, M. Jean-Pierre Barbier, Mme Gisèle Biémouret, Mme Kheira Bouziane, Mme Fanélie Carrey-Conte, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Christophe Cavard, M. Jean-Pierre Door, M. Richard Ferrand, M. Jean-Marc Germain, Mme Monique Iborra, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Michel Liebgott, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, Mme Ségolène Neuville, Mme Luce Pane, M. Christian Paul, M. Bernard Perrut, Mme Martine Pinville, M. Denys Robiliard, Mme Barbara Romagnan, M. Gérard Sebaoun, M. Dominique Tian

Excusés. - M. Laurent Marcangeli, M. Christophe Sirugue