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Commission des affaires sociales

Mardi 16 juillet 2013

Séance de 21 heures

Compte rendu n° 77

Présidence de M. Christian Hutin, Vice-président

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, sur la mise en œuvre de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 16 juillet 2013

La séance est ouverte à vingt-et-une heures.

(Présidence de M. Christian Hutin, vice-président de la Commission)

La Commission entend Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, sur la mise en œuvre de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.

M. Christian Hutin, président. Nous recevons ce soir Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, en vue de dresser le bilan de l’application de la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Conformément aux dispositions de l’article 145-7 du Règlement, notre commission s’est saisie de l’application de ce texte, voté sous la précédente législature mais dont l’actualité demeure eu égard aux drames sanitaires que nous avons connus dans le domaine du médicament. Elle a désigné deux co-rapporteurs, l’un de la majorité, l’autre de l’opposition : Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission, responsable du texte pour l’opposition lors de son précédent mandat, et M. Arnaud Robinet, qui en était le rapporteur. Nous examinerons demain en commission le rapport issu de leurs travaux, qui fait état des textes réglementaires publiés et des dispositions qui n’ont pas fait l’objet des textes d’application nécessaires.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. La loi dite « de renforcement de la sécurité des produits de santé » du 29 décembre 2011, nécessite 37 décrets d’application. Si cette loi comporte des dispositions intéressantes, elle présente néanmoins des limites sur lesquelles il sera nécessaire de revenir dans notre débat.

Sur les 37 décrets nécessaires, 29 décrets ont déjà été pris, dont 19 depuis mai 2012, et 6 sont en train de l’être. Un autre décret, portant sur les données de santé, dépendra des conclusions d’une mission que j’ai confiée à Pierre-Louis Bras, inspecteur général des affaires sociales, dont les conclusions me seront remises au mois de septembre. Par ailleurs, 12 arrêtés et une circulaire étaient nécessaires : je les ai signés. J’ai également pris une ordonnance et trois autres le seront très prochainement.

Le travail d’évaluation de cette loi représente un enjeu tout à fait important en termes de sécurité sanitaire, c’est pourquoi je veux remercier et féliciter les deux co-rapporteurs qui s’étaient par ailleurs fortement impliqués dans l’examen de ce texte et résolument engagés en faveur de la sécurité sanitaire.

L’action que le Gouvernement mène pour appliquer la loi, telle qu’elle a été votée par le Parlement, s’articule autour de six priorités.

La première d’entre elles est le renforcement des instances chargées d’évaluer la sécurité, la qualité et l’efficacité des médicaments : c’est tout le sens de la création de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Il ne s’agit pas là d’un simple changement de nom, pour cette structure qui a pris le relais de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), car cette agence s’est vue confier de nouvelles responsabilités pour mieux surveiller, pour mieux informer.

Cette agence ne fonctionne réellement, selon les nouveaux principes de la loi, que depuis six mois. Le renouvellement de son organisation et de sa gouvernance ont demandé un peu de temps. Désormais, et comme l’ont montré les crises sanitaires récentes, l’ANSM est opérationnelle et je tiens à saluer devant vous la qualité du travail qu’elle réalise au quotidien, même si nous pouvons réfléchir à la manière de toujours mieux garantir la sécurité de nos concitoyens.

La deuxième priorité est celle de la sécurisation des produits de santé. La loi a mis en place un renforcement du système de pharmacovigilance. En deux ans, plus de 110 révisions de médicaments ont été lancées en France et un programme de réévaluation des médicaments a été initié : la commercialisation de certains produits a ainsi été suspendue ou arrêtée. Parmi les 58 médicaments qui ont été réévalués, je citerai plus particulièrement Diane 35, qui nous a préoccupés cet hiver, ou, plus récemment encore, le tétrazépam (ou Myolastan).

La loi a également permis d’encadrer les prescriptions de médicaments en dehors des indications de leur autorisation de mise sur le marché (AMM). L’ANSM a ainsi reçu une trentaine de demandes de recommandation temporaire d’utilisation (RTU). La première RTU vient d’être annoncée par l’agence : elle concerne le Baclofène dans le traitement de la dépendance à l’alcool et devrait être mise en place à la rentrée.

Ce mouvement, je l’ai prolongé en renforçant encore la sécurisation des utilisations hors AMM pour des raisons économiques. J’ai ainsi soutenu, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, le principe d’une nouvelle forme de RTU. Le décret est en cours de finalisation.

Ce sont des avancées majeures pour la sécurité des patients. Cependant, les crises récentes ont montré qu’il nous fallait aller plus loin. Je proposerai prochainement des mesures pour sécuriser encore les dispositifs médicaux, pour simplifier notre système de vigilance et pour promouvoir la notification.

La troisième priorité du Gouvernement est celle de la transparence et de l’indépendance de l’expertise.

Le crédit d’une étude ou d’une décision se mesure à l’aune de ces deux critères. S’assurer de leur effectivité, c’est là la condition de la confiance dans nos médicaments. Désormais, les responsables publics doivent publier une déclaration d’intérêts. C’est le cas, par exemple, des membres de mon cabinet et des dirigeants des agences sanitaires et des agences régionales de santé. Ces déclarations publiques d’intérêts sont disponibles sur Internet.

Dans le même temps, le décret qui instaure une charte de l’expertise dans le domaine de la santé et de la sécurité sanitaire, a été publié. Cette charte permettra de veiller aux principes d’impartialité, de transparence, de pluralité et d’indépendance de l’expertise.

Enfin, le décret dit « Sunshine Act », publié le 21 mai dernier après un important travail de concertation, permet désormais de clarifier les liens entre l’industrie et les professionnels de santé. Ce dispositif garantit la plus grande transparence possible dans l’état actuel de la loi. En effet, tout avantage d’une valeur supérieure ou égale à 10 euros sera rendu public. Ce seuil est le plus bas qui soit compatible avec la rédaction de la loi du 29 décembre 2011, comme l’a précisé le Conseil d’État. J’avais marqué ma préférence pour un seuil d’un euro, car j’estimais que tout avantage, aussi minime soit-il, méritait d’être rendu public. Mais le texte de la loi votée ne le permet pas et je le regrette. Par ailleurs, la publication des informations sera centralisée dans les meilleurs délais sur un site Internet unique. Dans l’attente de sa mise en place, ces informations seront publiées sur le site Internet des ordres professionnels concernés et sur ceux des entreprises, à partir du 1er octobre.

Dans cette bataille pour la transparence, il nous faudra encore franchir de nouvelles étapes : je pense notamment que le champ de la disposition pourrait être élargi, par exemple, aux organismes qui certifient les dispositifs médicaux. J’ai également à l’esprit le niveau du seuil visé à l’article 2.

La quatrième priorité est celle de l’accès à l’information, enjeu qui concerne aussi bien les professionnels de santé que les patients. Une large base de données sur le médicament est en train d’être créée. Une première version sera accessible à tous, dès le mois d’octobre. Elle permettra d’avoir un site unique, officiel, gratuit, exhaustif et indépendant. Cette version sera la première pierre d’un service public d’information en santé qui doit être lancé ensuite, au-delà du seul domaine du médicament.

La cinquième priorité, c’est de nous assurer du bon usage des médicaments.

Dans ce domaine, notre pays a progressé, même si nous restons dans le peloton de tête des grands consommateurs de médicaments.

Un mot sur la vente sur Internet des médicaments : comme l’imposaient la loi et les textes européens, nous l’avons autorisée, par l’ordonnance du 19 décembre 2012. Néanmoins, les médicaments ne sont pas des produits comme les autres. Il est du devoir des pouvoirs publics de garantir la sécurité de la chaîne d’approvisionnement, notamment pour combattre la contrefaçon. Il est aussi essentiel de ne pas encourager la surconsommation de médicaments. Voilà pourquoi le choix a été fait d’encadrer la vente sur Internet en mettant en place des garde-fous. Par exemple, les médicaments sous ordonnance n’y seront pas accessibles. Par ailleurs, seuls les sites Internet qui sont adossés à une pharmacie « physique » pourront vendre en ligne : les patients pourront ainsi se rendre dans une officine et échanger avec un pharmacien, si besoin. C’est également pourquoi le Gouvernement ne s’engagera pas dans l’ouverture partielle du monopole officinal, comme le suggère l’Autorité de la concurrence.

La dernière priorité vise à donner un souffle nouveau à la démocratie sanitaire. La participation des citoyens aux instances de santé est primordiale pour garantir la confiance. L’ANSM permet désormais à des représentants de patients et d’usagers d’intégrer ses instances de gouvernance, ainsi que ses groupes de travail. Je me réjouis de cette décision et je souhaite que ce mouvement se prolonge dans l’ensemble de nos instances de santé.

La réforme engagée en 2011 est une première étape importante, mais elle reste incomplète. Il nous revient ainsi de poursuivre les chantiers engagés, en centrant notre action sur le bon usage des médicaments, sur leur sécurisation, par la simplification de la pharmacovigilance et par la mise en place d’une surveillance de l’utilisation des médicaments. J’ai ainsi diligenté une mission, afin que soient étudiés les moyens d’analyser en continu les pratiques collectives de prescription. Enfin, le chantier de la sécurité des dispositifs médicaux doit être ouvert. Tous ces enjeux seront au cœur de la prochaine loi de santé publique : il nous appartient donc d’y travailler tous ensemble.

Mme Catherine Lemorton, rapporteure. Je voudrais souligner la situation singulière dans laquelle s’est retrouvé le nouveau Gouvernement en mai 2012 puisqu’il lui a incombé de mettre en musique la loi votée en décembre 2011, le précédent Gouvernement n’ayant eu que quatre mois devant lui pour travailler à son application.

J’aurai plusieurs questions précises.

Tout d’abord, sur la prévention des conflits d’intérêts : quand est prévue la mise en ligne sur un site Internet unique de l’ensemble des déclarations d’intérêts prévues par l’article 1er de la loi ? Envisage-t-on de centraliser aussi la publication des avantages consentis par les entreprises et d’en simplifier les modalités pour les plus petites ?

Ensuite, pourquoi ne pas avoir prévu la publication du montant de certaines rémunérations ou participations dans des entreprises par les experts soumis à déclarations publiques d’intérêts ? Pourquoi, de la même manière, ne pas avoir prévu la publication précise du contenu des conventions passées entre les laboratoires et les professionnels de santé ? Je pense notamment aux praticiens hospitaliers professeurs des universités (PUPH) qui utilisent la notoriété qu’ils ont acquise dans le cadre de leur activité à l’hôpital public pour la mettre au service de la promotion de certaines molécules en étant rémunérés par des laboratoires. Il y a eu des rapports mettant en lumière les montants touchés, dont un rapport de l’IGAS de janvier 2009. Sans mettre en cause la probité de ces professionnels, on peut néanmoins estimer que ces pratiques devraient s’inscrire dans un cadre transparent.

Les conventions conclues dans le cadre des relations commerciales qui ont pour objet l’achat de biens ou de services ne sont pas dans le champ de l’article 2 de la loi. Nous pensons qu’elles devraient y être intégrées.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. La loi du 29 décembre 2011 a permis de changer les pratiques existantes pour plus de transparence, pour plus de sécurité et aussi pour éviter que les liens d’intérêt ne se transforment en conflits d’intérêt. La loi a permis de réaliser un grand nombre d’avancées, même si elle ne constitue qu’une première étape et que des ajustements seront sans doute nécessaires. A cet égard, la mission d’évaluation de la loi que nous avons menée avec Catherine Lemorton permettra sans doute d’avancer sur l’amélioration de ce texte.

Toujours sur les conflits d’intérêts, j’ai une question très précise sur le décret « Sunshine act » : pourquoi avoir fixé le seuil de déclaration des avantages accordés par les entreprises aux professionnels à 10 euros ? Vous l’avez évoqué mais je souhaiterais que vous nous précisiez le processus qui a abouti à cette décision, alors que les débats sur le texte avaient convergé sur un seuil à un euro.

S’agissant de l’ANSM et du pilotage du système sanitaire, Xavier Bertrand, avait annoncé, pour améliorer le pilotage de la politique du médicament, la création d’un comité stratégique de la politique des produits de santé et de la sécurité sanitaire réuni chaque semaine en comité opérationnel et en comité stratégique, tous les trimestres, sous la présidence du ministre. Cette pratique a-t-elle été mise en place ?

S’agissant de l’ANSM, l’augmentation de ses missions est un véritable défi et avec Gérard Bapt, nous sommes très conscients de ce que cela représente pour la nouvelle agence. Au-delà de cette augmentation, il y aussi un changement de culture qui touche tous les collaborateurs de l’agence. Or, il semble que les moyens humains attribués à l’Agence soient inférieurs aux chiffres annoncés par le ministre de l’époque. Quelles seront les principales orientations du contrat de performance signé avec l’ANSM et les moyens accordés pour remplir ses nouvelles missions ? Plus généralement comment pourrait-on réfléchir aux moyens d’alléger la charge de travail de l’ANSM, en simplifiant les procédures et en revoyant le partage des compétences entre les différentes agences ?

Mme Catherine Lemorton, rapporteure. Deux questions concernant la base de données publiques : les dispositifs médicaux et les médicaments non remboursés ont-ils vocation à y figurer, et tout un chacun pourra-t-il y accéder sur Internet de manière prioritaire par rapport aux informations communiquées par des sites commerciaux ?

Une question qui concerne également les compétences du ministère de la recherche : elle concerne la faiblesse de la formation initiale des professionnels de santé, qui présentent des carences importantes de contenu sur le médicament, en particulier pour toutes les professions qui relèvent du chapitre IV du code de la santé publique. S’agissant de la formation continue, une taxe a certes été mise en place, mais il n’y a pas de transparence sur les moyens dégagés par l’industrie pharmaceutique pour ce que l’on appelle désormais le développement professionnel continu des professionnels : on parle de 150 millions d’euros, mais cette estimation se situerait semble-t-il très en-deçà de la réalité.

S’agissant des campagnes de vaccination menées par les laboratoires pharmaceutiques, lors du débat sur le projet de loi, l’opposition de l’époque, dont j’étais, considérait qu’il s’agissait du domaine régalien. Je me réjouis donc de la parution d’une liste limitée à cinq vaccins pouvant faire l’objet de campagnes de publicité par l’industrie pharmaceutique, et notamment du fait que ne figure pas sur cette liste le vaccin contre le papillomavirus responsable du cancer de l’utérus, qui, à l’époque, avait fait l’objet d’une campagne de publicité qui avait fait grand bruit.

M. Arnaud Robinet, rapporteur. S’agissant de la formation des patients, je souhaiterais aborder la question d’un article qui avait été très débattu au sein même de la majorité de l’époque, concernant les visiteurs médicaux. Le texte a mis en place le principe d’une visite collective dans les hôpitaux. Une charte serait en cours de rédaction avec le CEPS pour encadrer la visite médicale : quelle sera sa valeur juridique ? Ne faut-il pas réformer les principes de la visite médicale comme cela avait d’ailleurs été prévu dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2013 ?

S’agissant ensuite de la nouvelle profession des attachés à la promotion du médicament, est-il envisageable d’encadrer celle-ci ainsi que les nouvelles méthodes qu’ils emploient au sein des officines ?

S’agissant de la question de l’encombrement thérapeutique et de la multiplication des médicaments, l’article 14 de la loi posait l’exigence de l’apport d’une valeur ajoutée d’un médicament pour sa mise sur le marché : le décret d’application de cet article n’a toujours pas été pris. Quand paraîtra-t-il ?

Sur la question de la pharmacovigilance, une simplification des procédures est-elle prévue, tant pour les centres régionaux de pharmacovigilance que pour les professionnels de santé, qui rencontrent souvent des difficultés pour faire remonter le signalement des effets indésirables auxquels ils sont confrontés ?

Mme Catherine Lemorton, rapporteure. Concernant la certification des logiciels d’aide à la prescription, le délai pour cette certification a été fixé à janvier 2015 : pensez-vous que ce délai est raisonnable ? Le processus est-il bien enclenché ?

S’agissant des données de santé, j’ai bien compris que nous attendions les résultats de la mission confiée à Pierre-Louis Bras, inspecteur général des affaires sociales, mais peut-être aurez-vous d’ores et déjà des éléments à nous communiquer.

Je restais pour ma part dans l’expectative concernant le GIP « Études de santé » prévu à l’article 33, dans la mesure où il me semblait qu’il était possible de perfectionner l’Institut des données de santé, qui avait l’avantage de regrouper de nombreux acteurs, y compris les patients. La question est donc la suivante : faut-il vraiment mettre en place une autre structure ?

La loi prévoit également que l’ANSM soit en mesure d’exiger des informations des entreprises et la réalisation d’études post-AMM, mais le décret fixant les sanctions que l’agence peut prononcer n’est toujours pas paru. Qu’en est-il ?

Sur le plan de la pharmacovigilance, j’ai avec moi deux notices de médicaments, l’un qui concerne un médicament administrable par voie orale, l’autre un médicament d’application locale. Pour ces deux médicaments, il est spécifié qu’en cas d’effet indésirable grave ou non prévu par cette notice, le patient est invité à en parler à son médecin ou à son pharmacien. Cela revient à limiter les types d’effets indésirables à déclarer, car pour ceux qui sont déjà spécifiés dans la notice, les patients ne sont pas incités à faire une démarche de déclaration. Or, certains effets indésirables rares, mais non graves, deviennent parfois fréquents lorsqu’un médicament est prescrit à plus large échelle. Je préconise que les notices des médicaments précisent la troisième voie qui est ouverte en matière de déclaration d’effets indésirables, autrement dit, la déclaration directe par le patient auprès du Centre régional de pharmacovigilance (CRPV). On pourra rétorquer que cela crée un risque d’engorgement des centres de pharmacovigilance, mais il existe aussi des risques d’effets en cascade en raison du nombre de prescriptions d’un médicament. Il faut donc bien distinguer entre effet indésirable grave et effet indésirable courant.

S’agissant des dispositifs médicaux, on connaît votre exigence, que vous portez au niveau européen. Il est en effet essentiel que le marquage des dispositifs médicaux ne soit pas de pacotille. On sait que dans certains pays, on peut choisir son certificateur ; cela n’est pas sérieux, et il convient de sécuriser encore ce dispositif.

Enfin, dernière question, très précise, concernant la pilule du lendemain : l’encadrement de la vente sur Internet est-il équivalent à certains médicaments soumis à prescription ? Autrement dit, le prix d’appel seul de la pilule est-il disponible sur Internet, à charge ensuite pour la personne d’aller l’acheter directement en pharmacie ? Ou, étant donné que la pilule du lendemain n’est pas soumise à prescription, l’achat peut-il s’effectuer directement par Internet, solution à laquelle je suis très opposée ?

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Concernant tout d’abord la question de la prévention des conflits d’intérêts, l’enjeu est d’en finir avec l’ère du soupçon et de rétablir le lien de confiance entre les Français et les médicaments. En effet, cette confiance existe, mais elle est doublée de certaines inquiétudes et de certaines exigences. Il est donc important de supprimer l’idée qu’il existe de tels liens d’intérêts entre les laboratoires et les professionnels de santé : des mesures de transparence sont indispensables.

Le décret qui a été pris, dit du « Sunshine act » est issu d’un processus de réflexion. En effet, deux approches étaient possibles en la matière et qui ont d’ailleurs été en discussion au moment du vote de la loi. La première consiste à fixer un seuil au-delà duquel on considère que les avantages apportés ou les bénéfices consentis à un professionnel de santé doivent être déclarés ; en deçà de ce seuil, on considère qu’ils sont sans importance, comme par exemple, le fait d’offrir un café à un professionnel de santé. La seconde approche consiste à ne pas retenir de seuil, mais à adopter le principe de la transparence absolue, autrement dit, de dire qu’il n’y a aucune suspicion, que les relations entre les industriels et les professionnels de santé sont normales et n’ont pas à être interdites, mais qu’elles doivent juste être connues. C’est la première approche qui a été privilégiée par la loi, puisque celle-ci a retenu un seuil. Le Conseil d’État a préconisé de le fixer à 10 euros, considérant qu’en deçà, il n’y avait pas de seuil praticable. Il n’y a donc aucun fondement juridique dans la loi pour dire que c’est l’approche de la transparence complète qui a prévalu.

Concernant le pilotage du système sanitaire par l’ANSM, mon prédécesseur, M. Xavier Bertrand avait en effet mis en place un groupe de suivi de l’application de la loi, qui n’a tenu qu’une seule réunion en mars 2012. Ce comité de suivi n’était en réalité qu’une modalité du suivi de la loi, il n’était pas issu d’une prescription réglementaire. J’ai pour ma part opté pour un système de réunions informelles hebdomadaires, qui dressent un bilan régulier de la mise en œuvre de la loi. Ce que l’on peut dire aujourd’hui, c’est que les textes indispensables ont été pris ou sont en voie de l’être, autrement dit, sont en cours de finalisation. Le directeur général de l’ANSM est par ailleurs très régulièrement reçu par moi-même et mon cabinet.

Concernant le fonctionnement de l’ANSM, sa réorganisation est relativement récente et les progrès sont encore en cours, d’autant qu’elle a concerné près de 800 agents. L’Agence est bien prioritaire au regard des enjeux de la politique ministérielle. Un travail de simplification doit être mené, pour déboucher sur une meilleure articulation notamment avec la HAS, car même les professionnels de santé trouvent que l’articulation entre les deux instances n’est pas suffisamment claire.

Concernant la base de données prévue par l’article 8, elle a pour objet de renforcer l’information de nos concitoyens : elle doit procurer une information fiable et indépendante, mais n’a pas vocation à se substituer aux bases commerciales existantes. Elle sera publiée en octobre sur le site du ministère et on y trouvera des alertes de sécurité. Le principe qui a été retenu est celui d’une mise en ligne très rapide de cette base de données, qui a vocation à être améliorée en permanence, plutôt qu’une mise en ligne retardée pour une base de données plus complète. J’ajoute que l’information relative aux dispositifs médicaux devra en effet y figurer à terme.

Sur le thème des vaccins, je suis d’accord avec Catherine Lemorton et n’ai rien à ajouter.

Concernant la visite médicale, le président du CEPS doit aujourd’hui prendre en compte le nouvel objectif de la charte, qui fixera des objectifs annuels chiffrés d’évolution des pratiques. Un cycle de négociations a été engagé avec les industries du médicament. Une charte existe déjà depuis 2004 : un avenant doit donc intervenir sur ce point d’ici la fin de l’année. Indépendamment de cette révision de la charte, je pense en effet qu’il convient de réformer la visite médicale elle-même : l’article que nous avions présenté en projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 a été censuré comme cavalier social par le Conseil constitutionnel : il faudra y revenir.

S’agissant de l’accès aux données de santé, c’est bien entendu un sujet majeur. Nous devons aller vers un meilleur partage des données de santé dans l’intérêt de la sécurité sanitaire, et de la santé en général. Mais les règles doivent être précisément posées. Il faut éviter que tout cela soit d’un accès trop facile, car il y a un enjeu de confidentialité qui doit être respecté. J’attends donc bien sur ce point les conclusions de la mission confiée à Pierre-Louis Bras.

La certification des logiciels d’aide à la prescription doit être opérationnelle au plus tard le 1er janvier 2015 ; le processus se déroule de façon satisfaisante. Il n’y a pas de raison ni d’indices montrant que ces logiciels poseraient problème, en revanche, s’agissant d’une simple aide à la prescription, les problèmes éventuels peuvent venir d’une mauvaise maîtrise de ces outils par leurs usagers.

La présidente m’a interrogée sur les informations que l’ANSM peut demander aux laboratoires postérieurement à la délivrance de l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament : le décret relatif à la pharmacovigilance qui introduit ces études « post-AMM » a été publié le 8 novembre 2012, l’Agence peut donc d’ores et déjà les demander. Elle aura le pouvoir d’infliger des sanctions qui seront fixées dans le cadre d’un décret en cours d’élaboration.

Concernant la notice des médicaments, dans le décret de novembre 2012 sur la pharmacovigilance, il est prévu que les notices des médicaments invitent expressément les patients à signaler eux-mêmes des effets indésirables. Il faudra toutefois simplifier le dispositif prévu pour ce faire.

J’ai demandé au niveau européen la mise en place d’une procédure d’autorisation de mise sur le marché pour les dispositifs médicaux les plus à risque, le renforcement de leur évaluation par les organismes notifiés ainsi que l’encadrement de ces organismes, et la mise en place des règles de transparence. En effet, en matière de dispositifs médicaux, certaines affaires récentes nous ont montré que la transparence de l’information était nécessaire.

M. Gérard Bapt. La loi dont nous suivons l’application vise à sécuriser l’usage des médicaments afin d’éviter que ne se reproduisent certains scandales sanitaires, mais aussi à restaurer la confiance de l’opinion publique en notre système de santé. La notion d’indépendance, sur laquelle la ministre a insisté, est très importante. La question des conflits d’intérêts est traitée très sérieusement par l’administration de la nouvelle Agence. En revanche, la transparence reste à assurer. La remise en question de la façon dont a été traité le règlement intérieur quant à la transparence sur les données d’études qui fondent les décisions montre que la mise en place de nouvelles structures ne suffit pas à changer les habitudes. Les salariés de l’Agence ont été traumatisés par la crise du Mediator, et les demandes de moyens supplémentaires du conseil d’administration méritent d’être entendues dans un contexte d’élargissement des missions de l’agence.

Concernant ce que l’on appelle le « Sunshine Act » à la française, c’est-à-dire la transparence sur les cadeaux, je comprends que le seuil de 10 euros apparaisse raisonnable, étant donné les contraintes posées par le Conseil d’État. Reste la question des leaders d’opinion qui, eux, ne sont soumis à aucune obligation de transparence lorsqu’ils passent des conventions avec l’industrie pharmaceutique. La présidente Catherine Lemorton et moi-même souhaitons proposer une amélioration législative sur ce point.

La transparence concerne aussi, comme vous l’avez souligné, l’accès aux données de santé, qui soulève deux questions distinctes : la possibilité pour les chercheurs de travailler sur des grands programmes de santé publique, et la surveillance en temps réel de la délivrance des médicaments. Sur ce sujet, la Caisse nationale d’assurance maladie est en conflit avec certaines grandes entreprises dont on retrouve le nom dans la présentation par la Caisse de l’évolution récente des prescriptions des contraceptifs oraux combinés. Je me suis exprimé au conseil d’administration de la Caisse en m’étonnant que certains médias aient déjà abandonné leur cheval de bataille contre les pilules de troisième et quatrième générations et soient passés à la promotion des œstradiols dits naturels.

De façon générale, la Haute Autorité de santé et l’ANSM devraient être particulièrement vigilantes sur les pratiques collectives de prescription déviantes.

Par ailleurs, j’ai été indigné, ce matin, en apprenant la façon dont, par des compromis secrets, le laboratoire Servier cherche à dissuader un certain nombre de victimes du Mediator d’aller au pénal. Cette possibilité de compromis entre le laboratoire et les victimes, qui avait été refusée à l’unanimité par les associations et par le Gouvernement de l’époque, ne peut pas être reproduite aujourd’hui dans des clauses secrètes. Il s’agit là d’un abus de faiblesse de la part de Servier. Le Gouvernement entend-il agir pour faire cesser ces pratiques ?

M. Elie Aboud. Je souhaiterais saluer le combat de la présidente qui a fait un travail exceptionnel sur l’amélioration de la sécurité du médicament. Je remercie aussi Madame la ministre de reconnaître que cette loi, votée par la précédente majorité, est intéressante. Vous dites aussi qu’elle a des limites, ce qui est vrai. Elle nécessitait plus de trente-cinq décrets, dont certains n’ont pas encore été publiés ; néanmoins, il faut avant tout laisser cette loi vivre et produire ses effets.

Concernant ce que vous appelez le premier pilier, l’ANSM : les relations avec les agences européennes sont-elles transparentes ? On a appris que certains praticiens français signent des conventions pour participer à des études réalisées dans d’autres pays européens, cela mérite une clarification.

S’agissant du deuxième pilier, la pharmacovigilance, on constate aujourd’hui que, dans les hôpitaux, les utilisations hors du cadre des autorisations de mise sur le marché sont de plus en plus fréquentes et échappent au contrôle attentif des agences. Par ailleurs, on parle des médicaments mais pas des prothèses : là aussi, il y a des conflits d’intérêts plus que visibles.

Le troisième pilier concerne les études cliniques et la transparence : je me félicite que désormais les études cliniques soient réparties sur tout le territoire et ne puissent plus être centralisées par certains patrons.

Concernant le cinquième pilier et la vente sur Internet, je m’inquiète sur ses conséquences en termes de surconsommation médicale.

Enfin, s’agissant de la formation, les visiteurs médicaux ont payé cher alors qu’ils n’étaient que la partie émergée de l’iceberg. Or, un tiers des généralistes se formaient grâce à ces visiteurs médicaux. Le système des visites regroupées dans les hôpitaux ne fonctionne pas bien. Cette question reste donc à approfondir.

M. Francis Vercamer. Le renforcement de la sécurité du médicament pose la question de la confiance de nos concitoyens dans notre système de santé. La France fait partie des pays les plus consommateurs de médicaments. Les patients sont à la fois surexposés et surinformés. La loi n’est pas encore parvenue à apporter une réponse d’ensemble à ces problèmes.

Pour assurer l’effectivité du contrôle des produits de santé, l’agence dispose-t-elle de moyens suffisants et en a-t-elle une visibilité pluriannuelle ? Nous avons besoin d’une agence qui anticipe les évènements. Comment entendez-vous développer et renforcer les évaluations post-autorisation de mise sur le marché ?

La confiance nait de la lisibilité. Le groupe centriste avait insisté sur la nécessité de réduire le nombre d’intervenants dans la régulation de notre système de santé. Ne pourrait-on pas opérer des regroupements entre l’ANSM et la Haute Autorité de santé ?

La qualité de l’information est aussi un élément déterminant de la confiance de nos concitoyens. À quelle date la base de données chère à la présidente Catherine Lemorton verra-t-elle le jour et comment cela va-t-il se passer pour ceux qui utilisent l’automédication : comment vont-ils pouvoir utiliser cette base de données ?

Le rôle du médecin dans la prescription est incontournable. Comment comptez-vous développer la formation continue ?

La baisse du prix des médicaments est-elle compatible avec l’amélioration de la sécurité ? C’est la chaîne de distribution qui est la plus impactée par ces économies.

Enfin, quel est le rôle de l’ANSM dans la contrefaçon, et comment collabore-t-elle avec les services des douanes ?

M. Jean-Louis Roumegas. Le groupe écologiste avait pris l’initiative d’un débat dans l’hémicycle sur la sécurité sanitaire du médicament le 26 février dernier ; vous connaissez donc notre vigilance sur les questions de santé publique, sur la précaution, l’indépendance de l’expertise et les conflits d’intérêts.

Au vu des mesures que vous aviez alors annoncées, il nous reviendra de mesurer le chemin parcouru lors de l’examen des textes budgétaires cet automne et lors du projet de loi de santé publique, tant attendu.

Vous avez souhaité que la politique de sécurité sanitaire du médicament repose sur un triptyque, je vous cite « vigilance, transparence, confiance ». Nous avons partagé vos constats : le système de pharmacovigilance est compliqué, peu lisible ; son organisation est morcelée ; les règles sont mal connues des professionnels de santé ; les alertes ne sont pas toujours prises en compte ; les prescripteurs sont insuffisamment impliqués dans leur rôle de vigie en matière de sécurité sanitaire.

Le dispositif d’information sur le médicament repose principalement sur le secteur privé. Les stratégies industrielles interdisent parfois aux patients l’accès à certains médicaments ou entraînent la délocalisation des fabrications.

Enfin vous avez relevé l’insuffisante association des patients à la pharmacovigilance, à l’encontre des principes de la démocratie sanitaire.

Nous saluons donc les décrets que vous venez d’annoncer et celui du 21 mai 2013 qui constitue un « Sunshine act » à la française.

Quels moyens de contrôle seront mis en œuvre, assortis de quelles sanctions ?

Il convient en outre de prendre les décrets relatifs à la commission nationale de déontologie pour l’expertise indépendante, prévus par la loi du 3 avril 2013 relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur.

Je souhaiterais également vous entendre sur la mobilisation des patients contre le vaccin DT-Polio contenant des sels d’aluminium. Certains, Madame la Ministre, font la grève de la faim devant votre ministère depuis plus d’un mois : ils souhaitent seulement que vous les entendiez. Je ne comprends pas que vous ne les ayez pas reçus après trente jours. Lors de la campagne présidentielle, vous aviez pourtant exprimé des doutes sur les adjuvants à base de sels d’aluminium et, faisant état de nombreuses études scientifique, vous aviez déclaré que « les familles doivent avoir le droit de faire procéder à des vaccinations obligatoires par des vaccins sans sels d’aluminium, ce qui était le cas jusqu’en 2008 ». Je ne comprends donc pas la fin de non-recevoir que vous opposez à une revendication pourtant modérée : il s’agit seulement de demander le libre-choix pour les patients et non la suppression des sels d’aluminium. Vous invoquez l’attente d’un rapport sur le sujet ; pourtant il suffirait, sans attendre, de mettre à la disposition du public un vaccin qui était d’utilisation très large jusqu’en 2008 lorsque Sanofi a décidé de reprendre les vaccins DT-Polio. Le libre choix peut donc être accordé aux familles bien avant la publication de ce rapport qui se prononcera sur l’opportunité d’interdire les sels d’aluminium. Il me semble que nous ne pouvons pas laisser l’industrie pharmaceutique décider seule en la matière.

Mme Véronique Massonneau. Le but principal de l’ANSM est de surveiller et de prévenir les risques et les dysfonctionnements tels que ceux occasionnés par l’utilisation détournée, hors-AMM, du Mediator ou de la Diane 35 notamment.

Je m’interroge sur les caractéristiques communes des acheteurs des médicaments dont l’utilisation était détournée : il s’agissait selon les cas majoritairement ou exclusivement de femmes. J’ai déjà pu souligner que la problématique des essais cliniques sur des femmes se pose, alors que les personnes sur qui les essais sont pratiqués sont majoritairement des hommes, pour des raisons économiques et parfois physiologiques. C’est donc plus particulièrement pour les femmes que les conséquences de l’insuffisance des essais cliniques peuvent être dramatiques.

Comment l’ANSM peut-elle donc agir en matière de surveillance des essais cliniques et en ce qui concerne les différences physiologiques entre femmes et hommes. Est-il possible d’aller plus loin que la législation actuelle ? À l’échelle européenne, quels sont les résultats du Conseil européen du 28 juin dernier qui devait étudier la question des essais cliniques ?

M. Jean-Louis Touraine. Ma question s’inscrit dans le droit fil de l’intervention de Gérard Bapt. Quelle est la perspective d’un système de pharmacovigilance en temps réel ? Celui-ci est possible ? Il suppose un accès ouvert aux données de santé. La CNIL semble favorable à une telle ouverture. Quelle est la position du ministère et quelle serait celle de l’assurance maladie ? L’enjeu me semble important.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Sur les données de santé, en réponse aux questions de MM. Bapt et Vercamer, il convient de distinguer deux processus différents.

Un premier sujet concerne la mise à disposition de données dans un but d’intérêt collectif à des acteurs publics. C’est ce qui fait l’objet de la mission de Pierre-Louis Bras qui doit définir comment des acteurs publics pourront, de façon encadrée, utiliser des données qui sont aujourd’hui celles de la CNAM.

Vous avez, M. Bapt, évoqué le deuxième sujet qui renvoie à la pharmaco surveillance des prescriptions. Comment, à partir des données de l’assurance maladie, peut-on suivre les données collectives et en tirer un certain nombre d’enseignements en temps le plus réel possible ? J’avais mis ce point en avant lorsque nous nous sommes rendus compte de la prescription massive de Diane 35, en dehors de son autorisation de mise sur le marché, comme pilule contraceptive et non pas comme anti-acnéique. Ceci était apparu lorsqu’ont été rendues publiques les informations montrant que les pilules de troisième et de quatrième génération étaient massivement prescrites en première intention au lieu de l’être en deuxième intention, conformément aux recommandations. J’avais donc commandé une mission aux professeurs Bégaud et Costagliola : leur rapport me sera remis dans les prochains jours.

Sur la question des conventions, madame la Présidente, je me rallie à vos conclusions : de nouvelles dispositions législatives sont nécessaires pour que soient publiés le montant des conventions et des avantages consentis sur leur fondement. La loi prévoit la publication du principe et de la nature des conventions, mais pas leur montant. La définition législative est très précise : une nouvelle disposition législative est donc nécessaire.

Sur le Mediator, la clause litigieuse qui permettrait au laboratoire Servier de tenter d’obtenir un accord en amont avec certaines victimes a bien été signalée. Elle fait l’objet d’une saisine de la direction des affaires juridiques du ministère. Je serai très vigilante pour que la procédure spécifique mise en place à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) afin d’indemniser les victimes du Mediator ne soit pas détournée par le laboratoire. Il ne faut pas que de nouveaux obstacles apparaissent sur la voie de l’indemnisation des victimes.

M. Aboud, concernant les essais cliniques, vous vous interrogiez sur les liens entre l’ANSM et l’agence européenne. Tout essai clinique conduit en France y est autorisé par l’ANSM. Tout essai clinique réalisé dans un pays européen est publié sur le site de l’agence européenne. Les mécanismes de transparence sont donc bien présents, aux deux niveaux. Je suis attentive à ce qu’il n’y ait pas de rupture entre ces deux niveaux de responsabilité.

Pour ce qui est de la visite médicale, vous avez parfaitement raison de souligner que la visite médicale collective à l’hôpital ne fonctionne pas. Dans le cadre de l’examen du dernier projet de loi de financement, j’avais donc, avec de nombreux parlementaires, souhaité l’adoption de mesures permettant de définir un autre processus ; mais cette disposition a été considérée comme un cavalier social par le Conseil constitutionnel. Il nous faudra donc trouver un autre vecteur pour mettre en œuvre des mesures nouvelles de sécurité sanitaire.

Concernant les dispositifs médicaux, je vous confirme que j’ai la volonté d’encadrer la mise sur le marché de dispositifs médicaux implantables. Il s’agit de bien les distinguer des autres dispositifs médicaux sans empêcher l’innovation médicale à laquelle nos concitoyens doivent accéder dans de bonnes conditions. J’ai engagé une démarche au niveau européen, isolée au départ et qui a rallié de nombreux soutiens. Je souhaite que les dispositifs médicaux soient à terme traités comme les médicaments sur les sites d’information mis en place par les autorités publiques.

M. Vercarmer, vous m’avez interrogé sur les moyens accordés à l’ANSM pour garantir son bon fonctionnement. Si les moyens de fonctionnement des autres opérateurs sont en diminution, ce n’est pas le cas pour cette agence. La réorganisation a été engagée : il convient également de continuer à rendre plus lisible les relations entre l’ANSM et la Haute autorité de santé.

Concernant les relations entre l’agence et les services des douanes: en application de la directive sur les médicaments falsifiés, une convention reliant l’agence et les douanes a été signée le 8 juillet dernier. Les liens sont donc renforcés dans l’objectif, si important à mes yeux, de lutte contre la contrefaçon.

M. Roumegas, vous m’avez demandé de préciser les sanctions appliquées en cas de non-respect des dispositions du Sunshine act : la non publication expose les entreprises à une amende de 45 000 euros ; les personnes physiques peuvent également faire l’objet de sanctions. Le contrôle relève de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes : les sanctions seront mises en place à partir du 1er octobre prochain.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé.  Un certain nombre de textes a déjà été pris, mais j’ai indiqué que nous devions aller plus loin, parce que nous nous trouvons dans un domaine dans lequel les progrès et les évolutions sont constants. La crise appelle certes la réaction, mais nous ne devons pas attendre les crises pour mettre en œuvre de nouveaux mécanismes. J’ai ainsi commandé des études qui nous permettront d’avancer concrètement sur la pharmaco-surveillance et la prescription collective.

S’agissant de la transparence, au moment de « l’affaire de la pilule », les autorités n’avaient pas pour habitude de diffuser des informations sur le nombre de prescriptions : il n’existait pas de réelle culture de la transparence. J’ai donc demandé à l’Agence nationale de sécurité du médicament de réaliser désormais un point presse mensuel donnant l’évolution des données. Le premier point presse a suscité d’importantes réactions et interrogations, mais il est désormais considéré comme un processus normal de partage de données, qui doivent être soumises au public et pouvoir être analysées.

Un chemin important a donc été parcouru, mais il reste des évolutions à engager, dont certaines doivent passer par le vote de lois et d’autres par la mise en place de dispositifs de politiques publiques ministérielles.

Sur les vaccins sans sels d’aluminium, une première grève de la faim a eu lieu il y a quelques mois, dont les protagonistes ont été reçus et ont exigé la mise en place d’un groupe de travail. Ils affirment aujourd’hui que ce groupe n’a pas été réuni, ce qui justifie à leurs yeux la reprise de leur grève. Or, ils ont été reçus à de multiples reprises par les services du ministère et par mon cabinet, et le groupe de travail a été constitué. D’ailleurs, les acteurs qui souhaitent évaluer la possibilité de remettre sur le marché des vaccins sans sels d’aluminium, ont demandé la réalisation d’études. Un comité de pilotage a donc été mis en place pour financer un projet de recherche spécifique, qui sera mené par le professeur Roman Ghirardi.

Les vaccins sans sels d’aluminium n’existent nulle part en Europe. Pourquoi ont-ils été retirés du marché ? Parce que des effets secondaires très graves ont été constatés dans un nombre limité de cas, ce qui a conduit à s’interroger sur leur maintien. Les autorités sanitaires européennes et françaises et l’Académie de médecine considèrent aujourd'hui qu’il n’y a pas d’éléments concluants sur l’existence d’un risque lié à l’adjuvant aluminique dans les vaccins. Je pense, cependant, qu’il faut poursuivre les recherches à ce sujet, et obtenir également des garanties sur le fait qu’un autre vaccin ne comporterait pas de risques, qui soient quantitativement ou qualitativement supérieurs. Les industriels devront, par ailleurs, solliciter une autorisation de mise sur le marché.

J’insiste sur la dimension européenne de cette réflexion aujourd'hui. Je ne veux pas laisser croire que la ministre de la santé a la capacité de décider seule de la mise sur le marché de ces vaccins : au contraire, ma responsabilité est de commander des études pour évaluer ces produits, puisque des doutes subsistent. Par principe, je suis favorable au choix des vaccins sans sels d’aluminium, mais les rapports dont nous disposons nous conduisent à nous interroger. Je n’oppose pas une fin de non-recevoir, contrairement à ce que vous prétendez : nous finançons de nouveaux projets de recherches.

Mme Massonneau m’a demandé pourquoi les essais cliniques étaient insuffisants chez les femmes. Il s’agit d’une vraie préoccupation mais, en même temps, cette situation de fait s’explique : s’il y a plus d’hommes dans les essais cliniques, c’est parce que l’on ne peut pas exclure, dans les essais, l’impact du médicament testé sur une grossesse. Or la plupart des essais cliniques se déploient sur plusieurs années et de nombreuses femmes se retirent en cours de protocole, lorsqu’elles attendent un enfant, ce qui coûte cher aux commanditaires. Il y a là un vrai enjeu : davantage de femmes doivent être représentées dans ces essais et nous devons réfléchir à la promotion du financement de projets incluant des femmes, car ceux-ci présentent des coûts supérieurs par rapport à ceux uniquement effectués sur des hommes.

M. Jean-Pierre Barbier. Pourriez-vous nous apporter un éclairage sur la question de la contraception d’urgence et de sa vente sur Internet, car je n’ai pas entendu votre réponse à cet égard ?

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. À l’origine, j’avais écarté la contraception d’urgence de la liste des médicaments qui pouvaient être vendus sur Internet, puis les produits concernés ont été réintégrés par le Conseil d’État, au motif qu’il s’agissait de produits non soumis à prescription.

La première liste que j’avais établie était beaucoup plus restrictive que celle qui a été finalement publiée. Mais nous sommes face à des textes européens qui ont été transposés en droit français. Toutefois, Internet ne me semble pas un moyen adapté à une situation d’urgence : un jour, c’est un jour. Or commander en ligne prend du temps. De deux choses l’une : soit vous recevez le produit chez vous, et vous vous trouvez hors délais, soit vous allez le chercher dans une pharmacie et, dans ce cas, vous bénéficiez d’un conseil médical de même nature que si vous vous rendiez directement dans une officine.

Nous sommes, de plus, face à une réalité qui existe en dehors d’Internet : une jeune femme peut aller de pharmacie en pharmacie et stocker chez elle des boîtes de contraception d’urgence. Je comprends votre interrogation et je la partage : nous serons donc vigilants à la mise en place de la vente de médicaments par Internet, du point de vue de la sécurité sanitaire, et si des problèmes étaient identifiés, nous étudierions comment y répondre.

La séance est levée à vingt-deux heures trente.

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Présences en réunion

Réunion du mardi 16 juillet 2013 à 21 heures

Présents. – M. Élie Aboud, M. Gérard Bapt, M. Jean-Pierre Barbier, Mme Kheira Bouziane, Mme Valérie Boyer, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, Mme Bernadette Laclais, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Gilles Lurton, Mme Véronique Massonneau, M. Christian Paul, M. Bernard Perrut, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gérard Sebaoun, M. Dominique Tian, M. Jean-Louis Touraine, M. Francis Vercamer

Excusés. – Mme Gisèle Biémouret, M. Laurent Marcangeli, Mme Dominique Orliac, M. Denys Robiliard, M. Christophe Sirugue