Accueil > Travaux en commission > Commission des affaires sociales > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires sociales

Mardi 17 septembre 2013

Séance de 21 heures

Compte rendu n° 84

Présidence de M. Jean-Patrick Gille, Vice-président

– Examen, ouvert à la presse, du rapport de la mission d’information sur la mise en œuvre de la loi portant création des emplois d’avenir (M. Jean-Marc Germain, président-rapporteur)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 17 septembre 2013

La séance est ouverte à vingt et une heures quinze.

(Présidence de M. Jean-Patrick Gille, vice-président de la Commission)

La Commission des affaires sociales examine le rapport d’information de M. Jean-Marc Germain en conclusion des travaux de la mission d’information sur la mise en œuvre de la loi portant création des emplois d’avenir.

M. Jean-Patrick Gille, président. À la demande du président de l’Assemblée, M. Claude Bartolone, notre Commission a mis en place, le 12 juin dernier, une mission d’information sur la mise en œuvre de la loi du 26 octobre 2012 portant création des emplois d’avenir.

Je souhaitais soumettre à votre attention le caractère particulier de cette mission. D’une part, elle était d’un format réduit, puisque composée de six membres représentant les groupes de la majorité comme de l’opposition. D’autre part, elle a travaillé dans des délais relativement courts.

Ces caractéristiques étaient commandées par la nature de la mission : il s’agissait non seulement, comme cela se fait classiquement six mois après l’entrée en vigueur d’une loi, de faire le point sur la publication des textes d’application, mais aussi d’apporter une appréciation, de faire une évaluation de l’application de la loi quelques mois à peine après cette entrée en vigueur. Il a semblé, en effet, utile de le faire pour cette loi si importante pour l’emploi des jeunes. La mission, qui a adopté son rapport aujourd’hui même, devait permettre, si nécessaire, de proposer des modifications de la loi pour ajuster au mieux le dispositif à la réalité telle que constatée sur le terrain.

M. Jean-Marc Germain, président-rapporteur de la mission d’information. Je tiens à souligner, à mon tour, le caractère innovant de notre démarche. Cette nouvelle forme d’évaluation mériterait, je crois, d’être renouvelée, car il est très instructif d’évaluer la mise en place d’un dispositif car cela permet, en effet, le cas échéant, de proposer des modifications et de « corriger le tir ». La mission a mené ses travaux durant l’été, a entendu l’ensemble des acteurs du dispositif – les acteurs administratifs, les opérateurs du service public de l’emploi, les grands comptes, les représentants des grands secteurs d’activité qui accueillent des emplois d’avenir, les principaux opérateurs de la formation –, et a effectué cinq déplacements sur l’ensemble du territoire métropolitain dans des territoires ruraux et urbains : dans la Somme, dans les Côtes-d’Armor, en Haute-Garonne, dans le Rhône, et enfin, dans les Hauts-de-Seine.

De ses travaux, la mission a tiré plusieurs enseignements et recommandations, que le rapport qui vous est aujourd’hui soumis s’attache à détailler.

Un constat, tout d’abord : le dispositif des emplois d’avenir est aujourd’hui entré, après un retard à l’allumage, dans un rythme de croisière soutenu, et ce grâce à une forte mobilisation de l’ensemble des acteurs.

S’il a fallu de l’ordre de six mois pour que le dispositif « décolle », cela s’explique par le nombre important de textes, conventions et accords qu’il a fallu adopter pour permettre sa mise en œuvre concrète. Une comparaison effectuée avec la mise en place rapide du dispositif des emplois-jeunes montre cependant que les emplois d’avenir ont connu un rythme de montée en charge comparable, grâce notamment à la « pression amicale » du ministre du travail qui a su mobiliser ses services.

Qualitativement, la cible est atteinte puisque 87 % des jeunes sont de niveau inférieur au baccalauréat. Quantitativement, la barre des 100 000 emplois d’avenir en 2013 est haute, mais franchissable, à condition de généraliser sans délai les bonnes pratiques des territoires les plus en avance, tout en conservant la priorité en faveur des jeunes les plus éloignés du marché du travail. En effet, 51 719 emplois d’avenir ont été conclus au début du mois de septembre 2013, soit 55 % de l’objectif annuel. En tenant compte des emplois d’avenir professeur, ce sont 55 000 emplois d’avenir qui ont été conclus début septembre 2013. Si l’on poursuit ce rythme, l’objectif pourra être atteint.

En effet, si la montée en charge se poursuit sur le rythme de la meilleure semaine, 104 000 emplois d’avenir auront été prescrits en fin d’année ; si elle se poursuit sur le rythme du meilleur mois – le mois de juillet – 96 000 contrats auront été prescrits et si le rythme est celui de la moyenne des trois derniers mois, on dénombrera 90 000 contrats au total à la fin de l’année.

Deuxième constat de la mission : le dispositif a reçu un écho largement positif sur le terrain en raison de ses spécificités ; la durée du contrat – puisque près de 60 % sont aujourd’hui des contrats à durée indéterminée (CDI) ou des contrats à durée déterminée (CDD) de trois ans –, un temps plein, qui concerne aujourd’hui 91 % des bénéficiaires d’un emploi d’avenir, et une formation qualifiante. Les jeunes rencontrés par la mission avaient véritablement le sentiment d’être considérés comme des salariés comme les autres et d’avoir de réelles opportunités de formation et d’insertion professionnelle. À titre d’exemple, un jeune rencontré à Gennevilliers, qui n’avait pas obtenu son baccalauréat professionnel en comptabilité, a été recruté par une association pour s’occuper de la gestion de stocks et de comptabilité. Il compte obtenir son baccalauréat professionnel par validation des acquis de l’expérience. La qualité des formations proposées aux jeunes en 2014 est donc primordiale pour la réussite du dispositif.

Troisième constat : la mission a constaté un déploiement très inégal du dispositif sur le territoire, la région la plus avancée – Midi-Pyrénées – ayant déjà atteint 80 % de son objectif alors que d’autres régions n’ont atteint que 40 % de leur objectif.

Ces différences marquées ont des origines multiples. Une tendance se dégage toutefois : le déploiement du dispositif a été plus rapide en zone rurale qu’en zone urbaine. Ainsi, les dix départements qui ont les meilleurs résultats sont des départements ruraux : il s’agit de la Creuse, du Lot-et-Garonne, de la Nièvre, du Tarn, du Gers, du Lot, de l’Aveyron, des Côtes-d’Armor, de la Haute-Loire et du Cantal. La mobilisation des associations et des collectivités territoriales – principaux employeurs concernés – par les services de l’État se fait indéniablement plus rapidement en zone rurale qu’urbaine.

Les missions locales ont pu tisser, dans les territoires ruraux, des relations de proximité avec les entreprises. C’est le cas, par exemple, de la mission locale de Saint-Brieuc, dont les conseillers ont chacun en charge un secteur géographique et connaissent l’ensemble des employeurs de ce secteur. La mission a beaucoup discuté du choix des missions locales comme uniques prescripteurs des emplois d’avenir. Si ce choix est indéniablement le bon, on ne peut que constater que le réseau doit impérativement être restructuré pour gagner en efficacité, et cela est particulièrement le cas en Île-de-France. Il faut en tout cas faire avancer le service public de l’emploi, notamment dans les zones urbaines sensibles (ZUS).

Le deuxième élément d’explication de ces différences très fortes, sans doute un peu tautologique, est que les zones urbaines sensibles sont précisément celles qui comptent le plus de chômeurs et, notamment, de jeunes chômeurs, 29 % de ceux-ci étant en Île-de-France. Un débat a eu lieu sur la Seine-Saint-Denis où l’objectif de 2 800 emplois d’avenir est le double de celui des Hauts-de-Seine, pourtant département de taille équivalente, où il n’est que de 1 400. La barre à atteindre est deux fois plus élevée alors même que le nombre d’offres d’emplois y est plus faible, le résultat est donc logiquement inférieur à l’objectif.

La proportion de jeunes issus des ZUS, de 15,7 %, n’est pas dramatique, mais elle est inférieure à l’objectif poursuivi, fixé à 20 %. Le rapport fait donc un certain nombre de propositions pour progresser vers cet objectif en considérant en particulier le retard des grandes régions urbaines sur l’objectif national : la première est d’utiliser les grands comptes pour affirmer une action positive, et donc fixer des objectifs pour la SNCF, la RATP, La Poste, l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) ou les hôpitaux, en province, pour avancer sur les recrutements en ZUS.

La deuxième proposition se fonde sur la constatation de pratiques très inégales au regard du diplôme. Une dérogation avait été votée, destinée aux bacheliers résidant en ZUS pour leur permettre d’accéder aux emplois d’avenir ; or, le recours à cette possibilité est très inégal, certaines régions étant très en avance. Il est donc préconisé d’homogénéiser les pratiques vers le haut, la seule règle devant s’appliquer étant l’adaptation du diplôme à l’emploi proposé. C’est en effet un paradoxe, dans le secteur de l’économie sociale et solidaire par exemple, que des emplois qui nécessiteraient un niveau baccalauréat ne trouvent pas preneurs parce que les textes sont appliqués de façon trop restrictive. Il serait ainsi possible de répondre aux besoins des bacheliers des zones urbaines sensibles comme de ces associations, généralement au service des personnes.

La troisième proposition part de la constatation du taux plus faible d’embauches dans le secteur privé en ZUS et suggère une majoration de l’aide financière. L’effort ne sera pas important, cinq régions sur les vingt-deux de la France métropolitaine pratiquent déjà un abondement financier qui se révèle très efficace pour infléchir les comportements. En Île-de-France, l’aide à la formation est conditionnée à l’embauche en CDI. Les résultats sont intéressants, car au-delà des quelques centaines d’euros supplémentaires annuels, les employeurs rencontrés se posent la question même du recrutement en CDI. Pour une association, l’avenir est en effet relativement simple : soit elle a pérennisé sa solvabilité et donc son activité, soit elle ne l’a pas fait et licencie. Le CDI est donc mieux adapté, pour le jeune comme pour l’association, en procurant davantage de stabilité.

Dernier point, nous avons beaucoup débattu sur ce que j’ai appelé les « effets de trottoir » dans le rapport. L’expression a du sens quand il s’agit de vrai trottoir : chacun d’entre nous a connu le cas de celui qui, habitant de l’autre côté de la rue, trouve injuste de n’être pas éligible à un dispositif. Nous recevons tous, dans nos permanences, des gens qui entrent manifestement dans l’esprit du dispositif prévu par le législateur et qui en sont néanmoins exclus, nous conduisant à contacter le préfet pour tenter d’y remédier. Le débat a donc été soutenu entre nous, mais il me semble qu’avec ce type de mesures pour l’emploi, sans renoncer au public qui correspond en priorité à l’objectif, les sans diplômes et donc les non-bacheliers, il convient, en faisant confiance aux acteurs locaux, de prévoir une enveloppe, d’un maximum de 5 % – 5 000 contrats sur 100 000 ou 5 personnes sur les 100 contrats prévus pour une mission locale –, qui permettra de régler les cas n’entrant pas dans les cases administratives initialement prévues, tout en étant conformes à l’objectif poursuivi par le législateur. C’est, par exemple, le cas qui nous a été exposé d’une personne diplômée de l’enseignement supérieur, devenue handicapée, ayant perdu son emploi initial pour cette raison, mais exclue du dispositif des emplois d’avenir à raison de son niveau de qualification. Le préfet devrait pouvoir lui autoriser l’accès au dispositif des emplois d’avenir. Un contingentement, avec une enveloppe prévue à cet effet, devrait permettre d’éviter cette injustice en apportant des solutions à des situations ponctuelles, sans risque de dérives vers des publics qui n’en auraient pas besoin.

C’est dans cet état d’esprit que s’inscrivent l’ensemble de nos propositions, il ne s’agit pas de gouverner à la place du Gouvernement, mais de relever les « points de vigilance », selon l’expression même du ministre de l’emploi et de proposer un certain nombre de solutions permettant d’améliorer le dispositif.

Pour résumer, afin d’atteindre l’objectif quantitatif, il convient d’utiliser les souplesses offertes par la loi en se fondant sur les bonnes pratiques constatées, en particulier pour les jeunes diplômés résidant en ZUS lorsque les emplois sont adaptés à leur profil.

La mission a également eu un débat approfondi sur la répartition des emplois d’avenir entre les secteurs public et privé. Le dispositif s’est largement ouvert au privé puisque le nombre d’emplois d’avenir de ce secteur est passé des 5 % initiaux à 15 ou 20 % ces derniers mois, voire, pour certaines régions, à 30 %. Il a parfois été suggéré aux préfets d’orienter ces créations d’emplois sur certains secteurs, comme le tourisme, mais il ne semble pas que ce soit très pertinent. Il est préférable d’accepter une palette large de secteurs, mais il convient d’être vigilant sur les effets d’aubaine. Sans citer de cas précis, nous avons rencontré des employeurs qui nous ont dit qu’ils allaient de toute façon embaucher mais que la mission locale leur avait signalé ce dispositif, auquel ils s’étaient naturellement ralliés, afin de bénéficier de l’aide afférente. Or, ce n’est évidemment pas l’objectif que le législateur avait défini. Nous nous sommes interrogés sur l’introduction de nouveaux critères d’attribution, ce qui ne me semble pas adapté. En conclusion sur ce point, le niveau atteint dans le secteur privé devient satisfaisant, mais il faut élargir les domaines concernés et éviter les effets d’aubaine.

Le rapport met l’accent sur les zones urbaines sensibles, avec des propositions à court et long terme, des réflexions sur le service public de l’emploi, et insiste sur la priorité de la formation, quand la montée en charge et les objectifs du dispositif seront réalisés, afin d’en préparer la sortie.

M. Jean-Patrick Gille, président. Je remercie le président-rapporteur de sa présentation et, à travers lui, l’ensemble des membres de la mission ayant mené avec diligence ce travail pendant l’été. Je me permettrai quelques remarques, mais je me retrouve parfaitement dans ce qui vient de nous être dit et dans les conclusions du rapport, notamment sur la mobilisation des acteurs dont les missions locales. Vous avez remarqué les inégalités de démarrage et de montée en charge du dispositif. Je suis les statistiques de près, l’application du dispositif est en train de s’égaliser sur tout le territoire. Vous avez pointé la situation particulière de l’Île-de-France et la difficulté de structuration, entre autres, des missions locales, difficulté liée non pas aux personnes mais à l’ampleur de l’intervention qui concerne un bassin de dix millions d’habitants et quatre-vingts missions locales. Or, on constate la réussite des dispositifs de proximité, d’où le succès dans le monde rural où tout le monde se connaît, comme le montre le classement des départements. Mais à l’échelle d’un département, la même répartition inégale peut s’observer. Mon département de l’Indre-et-Loire comporte une grande agglomération centrale et des zones rurales. Les missions rurales sont toutes mobilisées, mais la plus rurale, celle du Lochois, a déjà réalisé ses objectifs à 100 %, alors que celle de l’agglomération a d’importants résultats en chiffres absolus, mais n’atteint, en valeur relative, que 60 % de l’objectif fixé. Ces disparités se retrouvent donc partout. Je voulais souligner également la pertinence de la cible : le Gouvernement a eu raison de maintenir le dispositif en direction des jeunes peu ou pas qualifiés. Assistant à un certain nombre de petites cérémonies collectives de signature de contrats en présence de la presse locale, j’ai pu constater que les personnes concernées ne sont pas celles qu’a perçues le grand public ou certains employeurs. Il ne s’agit pas des jeunes en plus grande difficulté mais des jeunes qui ont un petit bagage, qui ont suivi, peu ou pas jusqu’au bout, une formation. Ils ont connu une forme d’emploi, pour la plupart, mais connaissent une grande précarité. On constate leur satisfaction d’avoir là devant eux une perspective de trois ans, ou d’un an renouvelable jusqu’à trois ans.

Le premier enjeu est l’accompagnement, alors que, comme le ministre l’a souligné, le taux de rupture n’est que de 3 %, très en-deçà, donc, de celui observé pour ce type de dispositifs, notamment destiné aux jeunes, pour lequel il est généralement de 10 %. Il faudra suivre plus précisément les emplois dans le secteur marchand, où le taux de rupture semble plus important.

Le second enjeu est celui de la formation. Il faut toutefois rappeler que les emplois d’avenir ne sont pas un dispositif de formation par alternance, même s’ils permettent d’obtenir des formations qualifiantes. Il s’agit d’un dispositif nouveau qui suppose la mobilisation des personnels qui font l’accompagnement, mais aussi des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) qui proposent l’offre de formation, ce qui me semble une excellente idée. Ces instruments d’accompagnement sont en train de se mettre en place sous l’impulsion des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) et des régions.

Le retard observé dans les ZUS constitue une surprise, alors même que nous avions intuitivement parié que ce serait là que le dispositif aurait le plus de succès, puisque s’y trouvait le public concerné, et pour lesquelles les objectifs fixés avaient été très renforcés Il y a des décalages importants entre les attentes et les résultats. Certes, le nombre de jeunes des ZUS en emploi d’avenir correspond au nombre de ceux inscrits dans les missions locales, il n’y a donc pas effondrement du nombre des bénéficiaires dans les ZUS. Mais l’objectif était d’y faire beaucoup plus, de doubler ce nombre, d’autant plus que des dérogations étaient mises en place en matière de qualification. Il convient donc de s’interroger sur ce fonctionnement insuffisant du dispositif.

Il me semble qu’il faut insister sur les problèmes rencontrés avec les « gros employeurs », notamment les grosses collectivités, les centres hospitaliers importants. Il existe une frilosité à l’égard du public concerné. Là aussi, un autre public était imaginé, des informations erronées ont circulé sur les différents réseaux des directions des ressources humaines de ces grosses structures. Elles sont par ailleurs amenées à mettre en place, pour entrer dans le dispositif, des protocoles lourds qui en retardent l’application pratique.

S’agissant des préconisations, je m’y retrouve. Je ne me prononce pas sur la structuration des réseaux des missions locales, problème délicat, même si nous connaissons tous les difficultés de la région Île-de-France. La proposition n° 5 porte sur les questions, très techniques, des systèmes informatiques. Pour le moment, Pôle emploi et le réseau des missions locales disposent de systèmes différents : s’il est souhaité d’y remédier, il faut donc le faire savoir maintenant, cette alerte est donc nécessaire. La dématérialisation est une bonne chose mais les équipes intéressées ont dû vous faire remarquer qu’en pratique, le système papier permet un résultat en vingt-quatre heures alors que la procédure dématérialisée demande quinze jours, d’où certains retards statistiques observés. Il convient enfin, effectivement, d’introduire une certaine souplesse, pour lutter contre ce que vous appelez « l’effet de trottoir ».

Il est nécessaire de redéfinir les objectifs pour les ZUS : l’objectif global y est de 20 % des emplois d’avenir prescrits. Il est possible de fixer un objectif là où ces zones existent, mais, si elles sont absentes, par définition, aucun objectif ne peut être fixé. Il faut donc, me semble-t-il, recaler le dispositif pour obtenir les 20 % au niveau national.

Ma seule réticence porte sur la proposition n° 15, qui prévoit que les écoles de la deuxième chance (E2C) et l’Établissement public d’insertion de la défense (EPIDe) soient prescripteurs. Ils ont effectivement leur rôle à jouer, mais ce sont plutôt des dispositifs de formation et non pas d’accompagnement. Je ne crois pas que le réseau des E2C soit demandeur, mais le débat aura lieu, je n’en doute pas.

Vous pointez également, monsieur le président-rapporteur, les difficultés d’accès aux formations du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) dans la proposition n° 23, en particulier lorsque la formation ne figure pas dans le « catalogue » des formations proposées, la prise en charge de celles-ci incombant alors complètement à la commune, ce qui a sans doute contribué à la frilosité des services des ressources humaines des collectivités territoriales.

Je donne la parole à notre collègue Monique Iborra, également membre de la mission, qui va s’exprimer au nom du groupe SRC.

Mme Monique Iborra. Merci, monsieur le président. Si le dispositif des emplois d’avenir a pris du retard dans sa mise en œuvre, c’est en raison précisément de son caractère exigeant, notamment en ce qu’il s’adresse aux jeunes sans qualification, issus pour beaucoup des zones urbaines sensibles.

Cela étant dit, l’exemple des emplois d’avenir souligne la nécessité de réformer aujourd’hui le service public de l’emploi, s’agissant par exemple de l’intervention des missions locales.

Il nous appartient de nous montrer vigilants en ce qui concerne le secteur marchand qui, une fois l’assouplissement intervenu, a pu recruter de manière assez importante. L’effet d’aubaine a pu être d’autant plus net que plusieurs régions contribuent à la prise en charge de ces emplois, de sorte que certaines entreprises n’ont eu presque rien à débourser pour en bénéficier. Il existe de ce point de vue un vrai risque d’entrée en concurrence avec d’autres dispositifs tels que celui de l’alternance.

Ce qui frappe ensuite, c’est que, contrairement à ce qu’on aurait pu attendre, le secteur rural est en pointe et que les territoires urbains se révèlent à la traîne. L’une des explications de ce phénomène tient sans doute au fait que, dans les territoires ruraux, dépourvus de zones urbaines sensibles, les employeurs potentiels connaissent les jeunes susceptibles d’être recrutés et opèrent un choix parmi eux. À l’inverse, dans les grandes agglomérations, on vit souvent plus sur des représentations et, à l’évidence, certains jeunes des quartiers ne sont pas toujours les bienvenus, que ce soit dans les collectivités territoriales, toutes étiquettes politiques confondues, ou, dans une moindre mesure, dans le secteur privé.

Dans cet esprit, je soutiens les propositions formulées par ce rapport, y compris celle portant sur l’intervention des écoles de la deuxième chance dont je rappelle que la plupart se situent dans les zones urbaines sensibles. Plus il y aura de prescripteurs compétents pour faire connaître les jeunes susceptibles de bénéficier des emplois d’avenir et mieux ce sera. Il n’y a pas lieu de craindre, comme le font certains, une concurrence avec les missions locales. Nous sommes ici pour défendre l’intérêt général et l’efficacité du système dans son ensemble, et non pas une structure par rapport à d’autres. Il est donc impératif d’essayer la prescription par les écoles de la deuxième chance et d’en évaluer les résultats, sachant que ces écoles connaissent au moins aussi bien les jeunes concernés que les missions locales. Enfin, je m’inscris en faux lorsqu’il est dit que les écoles de la deuxième chance se rattachent au secteur de la formation. En réalité, elles proposent de l’alternance et surtout un suivi individuel, contrairement aux missions locales qui n’en ont pas les moyens.

Il reste que le dispositif des emplois d’avenir est bon, quoique très exigeant. Votre rapport, monsieur le président-rapporteur, fruit d’un travail important, est de nature à permettre son maintien et son succès. Je conclurai en soulignant que, s’il importe d’atteindre les objectifs fixés en termes quantitatifs, il est encore plus nécessaire de veiller à la qualité des emplois ainsi créés.

M. Jean-Patrick Gille, président. Merci. Je donne la parole, pour le groupe UMP, à notre collègue Isabelle Le Callennec, membre de la mission.

Mme Isabelle Le Callennec. Merci, monsieur le président. Je rappellerai, à titre liminaire, que, si l’UMP s’était prononcée majoritairement contre le texte instituant les emplois d’avenir, neuf de ses membres avaient toutefois voté en sa faveur et que vingt-quatre s’étaient abstenus.

Nous avions des doutes sur ce dispositif, et tout d’abord sur sa cible. 450 000 jeunes sont peu ou pas qualifiés. Or, ce dispositif ne concerne que 100 000 jeunes en 2013 et 50 000 en 2014. Par conséquent, le compte n’y est pas. S’agissant de la nature des emplois, la circulaire du 2 novembre 2012 précisait qu’ils étaient affectés en priorité au secteur non marchand. Il semble que ceci soit remis en cause. Quant au coût, il s’élève en 2013 à 2,27 milliards d’euros en autorisations d’engagement, auxquels il convient d’ajouter le coût cette année des 440 000 contrats aidés dans le secteur non marchand. Pour ce qui est du zonage, vous aviez privilégié les zones urbaines sensibles, et l’on s’aperçoit que c’est là qu’ont été rencontrées les difficultés les plus prégnantes, malgré les dérogations prévues en matière de diplôme. Nous nous étions aussi étonnés de voir figurer dans ce texte la création des 6 000 emplois d’avenir professeur, ce qui était une source de confusion. Je trouve dommage, de ce point de vue, que nous n’ayons pas pu auditionner le ministre de l’éducation nationale. Pour éviter l’écueil des emplois-jeunes, nous avions beaucoup souligné la nécessité de privilégier la formation et le tutorat. J’ai bien noté que ces points devaient faire l’objet d’efforts supplémentaires. Nous avions enfin souligné le risque de pénaliser les autres mesures en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes.

C’est parce que nous étions curieux de connaître les raisons du retard dans la mise en œuvre du dispositif que nous avons accueilli favorablement la création de cette mission d’information dont je dois dire qu’elle s’est déroulée dans un excellent esprit.

Nous prenons acte des éléments statistiques et des enseignements tirés tant des auditions que des déplacements, tels qu’ils sont retracés dans ce rapport. Nous confirmons aussi un certain nombre de remarques formulées par les interlocuteurs que nous avons rencontrés sur le terrain et qui sont rappelées ici. Nous ne pouvons en revanche cautionner un document qui donne si opportunément raison au Président de la République et à sa promesse d’inverser la courbe du chômage d’ici à la fin de l’année, quitte à s’éloigner de l’esprit de la loi initialement votée. Nous estimons qu’il n’appartient pas au groupe UMP de se prononcer pour ou contre la publication de ce rapport, qui relève selon nous de la responsabilité de la seule majorité.

Sur les vingt-six propositions formulées par ce rapport, six recueillent notre assentiment : « favoriser le regroupement de missions locales, notamment dans le cadre des intercommunalités, tout en définissant mieux leur feuille de route », « avancer dans l’intégration informatique de Pôle emploi et du réseau des missions locales », ou au moins tendre vers cet objectif s’il y a des difficultés opérationnelles, « opérer un basculement immédiat vers une procédure (…) dématérialisée », « orienter prioritairement les recrutements d’emplois d’avenir par les entreprises publiques et les grands comptes vers les jeunes issus des zones urbaines sensibles », d’autant plus que certaines entreprises publiques bénéficient de l’avantage de 75 % et non pas de 35 %, « ouvrir la possibilité aux jeunes embauchés en emplois d’avenir dans les collectivités territoriales d’avoir accès à des formations qualifiantes financées par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) », ce qui est bien le minimum compte tenu des financements dont dispose celui-ci, et « prévoir, pour les contrats à venir, que le plan de formation soit arrêté au plus tard six mois après le contrat pour les CDI et les CDD de trois ans ».

En revanche, nous rejetons toutes les propositions qui s’écartent de l’esprit de la loi, soit dans la définition du public visé, soit dans l’ouverture du dispositif au secteur marchand, alors que vous pointez vous-mêmes le risque d’effets d’aubaine. Il ne faudrait pas que, sous prétexte d’atteindre à tout prix les 100 000 emplois créés d’ici à la fin de l’année, l’esprit de la loi soit dévoyé au risque de laisser une fois de plus au bord de la route les jeunes les moins qualifiés et d’évincer ou de concurrencer au passage les autres dispositifs tels que l’apprentissage et l’alternance. Si nous nous réjouissons bien sûr pour les jeunes qui ont trouvé un emploi, nous ne pouvons que nous inquiéter pour les autres.

M. Jean-Patrick Gille, président. Merci. Je donne la parole, pour le groupe UDI, à notre collègue Arnaud Richard, qui était membre de la mission.

M. Arnaud Richard. Merci, monsieur le président. Je voudrais, à mon tour, remercier le président-rapporteur et souligner le bon esprit qui a présidé à cette mission. Je regrette simplement que la majorité n’ait pas fait le choix de donner la présidence ou le rapport à l’opposition. J’observe aussi que, pour éviter les contestations sur les chiffres, il serait bon que l’Assemblée nationale puisse avoir un « droit de tirage » vis-à-vis de l’administration pour des analyses chiffrées plus légères que celles de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) ou de l’INSEE. Cela nous aurait été utile concernant les 55 000 contrats qui ont déjà, semble-t-il, été conclus.

Je crois que les constats relevés lors des auditions sont partagés. Contrairement à notre collègue Isabelle Le Callennec, nous sommes, quant à nous, assez en phase avec les propositions émises, qui reprennent en partie les nôtres.

La situation de l’emploi des jeunes est grave. Comme l’a souligné notre collègue Monique Iborra, il faut tenir bon sur l’esprit de la loi, qui est de viser les jeunes les moins qualifiés et de prévoir de la formation. Le dispositif n’est certes pas parfait mais il a le mérite d’exister. Il constituait d’ailleurs un engagement fort de la campagne de l’actuel chef de l’État. On voit bien toutefois qu’il y a une pression pour détourner la loi de son esprit afin d’atteindre des objectifs chiffrés et d’inverser la courbe du chômage.

Lors des débats, vous nous aviez expliqué que le dispositif était destiné seulement aux associations et au secteur non lucratif. Nous étions opposés à cette limitation. Vous vous êtes manifestement trompés. L’idée nous paraît judicieuse d’ouvrir aujourd’hui le dispositif au secteur marchand, pour qui le contrat de génération n’est pas l’alpha et l’oméga.

Pour ce qui est des propositions, nous sommes attentifs à la formation. Le groupe UDI appelle le Gouvernement, les régions et les partenaires sociaux à mettre en œuvre un grand plan de formation, axe fondamental s’il en est pour l’adaptation du marché du travail. Il importe, à ce sujet, de réformer la gouvernance de la formation professionnelle et de réorienter les moyens vers les personnes les plus éloignées de l’emploi.

En attendant six mois dans les faits pour ouvrir largement le dispositif au secteur privé, le Gouvernement et la majorité ont fait perdre beaucoup de temps aux jeunes en grande difficulté.

S’agissant des moyens, je m’interroge sur le point de savoir si les 25 ou 30 millions d’euros donnés aux missions locales sont suffisants pour assurer le succès d’une telle politique publique.

Pour ce qui regarde le chiffrage, il est clair que l’objectif du rapport est de donner satisfaction au Président de la République. Je pense que vous arriverez aux 100 000 emplois d’avenir. Il est permis toutefois de s’inquiéter de la pression peut-être excessive mise sur les missions locales pour atteindre ce but. Il importera aussi de regarder attentivement s’il s’agit de conventions signées, d’intentions de contrats ou de contrats réellement commencés. La prescription des contrats est certainement le chiffre le plus honnête intellectuellement, comme le président-rapporteur l’a reconnu.

J’en viens aux propositions émises par le président-rapporteur. Il est suggéré d’assouplir le dispositif pour être moins exigeant en matière d’embauche de jeunes issus de ZUS. Ce point a donné lieu à débat au sein de la mission. Il nous paraît nécessaire d’amodier l’esprit de la loi, mais il convient de rester très ferme quant à l’objectif d’embauche de ces jeunes, qui constituent le public le plus éloigné de l’emploi.

Après la sortie de la première circulaire en novembre 2012, il y a eu, à mon sens, un « trou d’air » administratif et réglementaire. Certaines circulaires, par exemple dans le domaine médico-social, ont été publiées trop tardivement. Nous nous sommes rendus dans le département des Hauts-de-Seine, où la représentante de l’agence régionale de santé nous a indiqué que les hôpitaux et les établissements médico-sociaux n’avaient reçu d’instructions émanant de l’agence qu’à la fin de mois de juin, voire même au début du mois de juillet, ce qui est tout de même effarant dans ce secteur d’activités qui sera sûrement pourvoyeur de nombreux emplois d’avenir.

Comme l’a souligné ma collègue de l’UMP, on se rend compte qu’il a souvent été recouru aux emplois d’avenir professeur pour régler des conflits dans les établissements ou mettre en place la semaine scolaire de quatre jours et demi. Est-ce vraiment la vocation de ces emplois d’avenir professeur ? Le choix de les limiter à certaines matières – les mathématiques, l’anglais, l’allemand et les lettres – est-il pertinent ? Le ministère de l’éducation nationale est revenu sur cette doctrine, mais elle nous est apparue trop complexe pour donner une chance au dispositif.

Concernant la formation, la collaboration entre OPCA et missions locales est certes novatrice, mais l’enveloppe du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) dédiée aux emplois d’avenir n’a pas été à la hauteur des besoins exprimés par les OPCA dans le cadre de l’appel à projets. Cette question reste donc en suspens, alors que les OPCA s’étaient montrés très volontaristes.

M. le président-rapporteur a parlé d’une montée en charge du dispositif comparable à celle des emplois-jeunes. Nous aurons cette discussion lors de l’examen du prochain projet de loi de finances avec le ministre chargé de l’emploi, pour évoquer notamment les risques de doublons et le nombre de contrats conclus. L’objectif sera, en la matière, certainement atteint, mais à quelles conditions pour les missions locales et le service public de l’emploi ? Les missions locales n’étaient plus habituées à une telle « mise sous pression » depuis le « plan de cohésion sociale ». Il me semble qu’il faut faire attention : il se peut que l’on obtienne de très bons résultats, en termes de nombre de contrats conclus, d’ici à la fin de l’année, mais on peut craindre que le système ne « casse » sous l’intensité de la pression à laquelle il est soumis de la part des préfectures de région. On peut par ailleurs se demander, sans polémique, si le service public de l’emploi en Île-de-France est réellement efficace… J’ai été étonné par le choix de la région Picardie qui, pour rattraper son retard, a décidé d’ouvrir assez largement le dispositif aux emplois marchands, en les subventionnant.

Concernant les réseaux, à savoir l’Union nationale des missions locales (UNML) et le Conseil national des missions locales (CNML), le Premier ministre s’est exprimé. Il est temps d’en tirer les conséquences. Je pense qu’il faudra redéfinir précisément le rôle des missions locales, pour améliorer leur efficacité et réduire leur hétérogénéité.

En conclusion, je suis globalement en accord avec les propositions du rapporteur. Il faut faire confiance aux acteurs de terrain pour la mise en œuvre de ce type de dispositif et ne pas se lancer dans la production de circulaires absconses. Le risque encouru avec les emplois-jeunes était celui d’ouvrir et dévoyer complètement le système. J’espère qu’il n’en sera pas de même avec les emplois d’avenir, et que le Gouvernement et sa majorité ne feront pas le choix d’une simple « politique du chiffre ».

M. Christophe Cavard. À mon tour de saluer les très bonnes conditions dans lesquelles la mission d’information à laquelle j’ai eu l’honneur d’appartenir a conduit ses travaux. Nous avons tous pu bénéficier de retours d’information précis et détaillés sur les visites de terrain qui ont été menées lorsque nous n’avons pas pu y participer, ce qui nous a permis de nous prononcer sur ce rapport en connaissance de cause.

Je tiens à rappeler l’importance que revêt cette mission d’information pour le groupe Écologiste. Le président Claude Bartolone avait fait part de sa volonté de renforcer, avec cette mission, le rôle des députés au stade de l’application d’une loi très récemment votée, afin de donner toutes les conditions de la réussite aux emplois d’avenir et parvenir à atteindre l’objectif de conclusion de 100 000 contrats d’ici à la fin de l’année. Je pense que la mission d’information, sous la conduite de notre collègue Jean-Marc Germain, a pleinement répondu à son cahier des charges. Il ne s’agit pas d’un travail d’évaluation « hors sol » et nous sommes parvenus à un certain nombre de propositions visant, j’en suis sûr, à améliorer le dispositif.

Nos travaux ont permis de constater la mobilisation des missions locales en faveur de la mise en œuvre des emplois d’avenir, malgré une relative hétérogénéité selon les territoires, qui reflète celle des moyens dont ces missions disposent et des bassins d’emploi dans lesquels elles sont implantées. Nos propositions visent à améliorer l’efficacité des missions locales qui doivent demeurer les premiers prescripteurs des emplois d’avenir. Nous avons toutefois noté que dans certains territoires fragiles, comme les ZUS, les missions locales ont intérêt à s’appuyer sur d’autres organismes qui y sont aussi implantés. De ce point de vue, je soutiens pleinement la proposition visant à rendre les écoles de la deuxième chance prescriptrices pour les jeunes sans qualification issus de ces territoires. J’ai d’ailleurs suggéré que d’autres partenaires puissent être associés à la prospection, pour ce qui concerne tant l’offre des emplois d’avenir que la demande. Si tout le monde s’y met, nous parviendrons à améliorer le dispositif.

S’agissant de l’ouverture des emplois d’avenir, le groupe Écologiste appelle à la vigilance et souhaite que soient évités les effets d’aubaine dont le risque est bien souligné par le rapport. Mais lorsque des collectivités locales importantes ne jouent pas le jeu – comme cela est ressorti de nos travaux –, il convient que les employeurs du secteur marchand désireux d’embaucher sous contrat d’avenir puissent le faire. La souplesse est nécessaire ; il serait dommage de s’arc-bouter sur des chiffres, même si la vigilance est de mise.

En conclusion, le groupe Écologiste reste convaincu de l’importance du rôle des territoires et de l’animation régionale pour la réussite du dispositif, comme le souligne d’ailleurs le rapport.

Mme Hélène Geoffroy. Je tiens moi aussi, en tant que membre de la mission, à souligner la qualité de ses travaux, qui nous ont permis de faire un véritable « Tour de France », riche et varié selon les types de mission locale et de service public rencontrés. Je me réjouis d’avoir pu constater que les acteurs de l’emploi sont très investis. Une œuvre collective est en cours de construction, caractérisée par une grande cohésion entre les employeurs des secteurs marchand et non marchand, les missions locales et des jeunes qui ont le sentiment de débuter, enfin, une « vraie vie ». Nous pouvons tous éprouver de la satisfaction à l’égard de la loi que nous avons votée.

J’ai entendu les inquiétudes exprimées par nos collègues Arnaud Richard et Isabelle Le Callennec qui, s’inquiétant qu’un assouplissement de la loi ne conduise à en trahir l’esprit, sont devenus de véritables « gardiens du temple »… Nos auditions ont permis de constater l’attachement de tous à l’égard d’un outil destiné et pleinement adapté aux jeunes sans qualification, pour lesquels on disposait jusqu’alors de peu de réponses. Je pense qu’on peut faire confiance aux acteurs de terrain pour veiller à ce que ce dispositif ne soit pas dévoyé de sa vocation première. Je rappelle que près de 90 % des jeunes en emploi d’avenir n’ont pas le baccalauréat : jusqu’à maintenant, l’esprit de la loi a bien été respecté.

Je souhaite attirer l’attention sur les propositions de la mission d’information concernant les ZUS. Vous remarquerez qu’elles sont concernées par un tiers de l’ensemble de nos recommandations. Elles correspondent au cœur des difficultés que nous avons constatées : l’enjeu est bien de permettre un large accès aux emplois d’avenir, pour atteindre l’objectif de 20 % de contrats conclus avec des jeunes issus de ZUS. Nous avons observé que des barrières restent à lever du côté des employeurs, ce qui suppose un travail pédagogique de la part des missions locales pour mettre un terme à la stigmatisation dont ces jeunes sont victimes. Le travail constant des missions locales au cours de ces derniers mois a permis de progresser en la matière. Les critères relatifs à la non-qualification des jeunes et au caractère prioritaire des ZUS doivent être maintenus.

Nos travaux nous ont conduits à estimer que des mécanismes doivent être mis en place pour permettre aux jeunes issus de ZUS d’accéder aux emplois d’avenir, notamment pour ce qui concerne les « grands comptes », comme La Poste ou la SNCF qui parfois ne recrutent aucun de ces jeunes. Cela a conduit les missions locales à agir en conséquence, pour procéder à un rééquilibrage. Nous proposons que les pratiques soient homogénéisées sur l’ensemble du territoire.

Nous avons eu un débat fourni sur l’éligibilité des diplômés aux emplois d’avenir. Nous pensons que les jeunes non diplômés doivent demeurer prioritaires, tout en maintenant la possibilité de dérogation prévue par la loi et en instaurant, de surcroît, la possibilité d’ouvrir les emplois d’avenir à d’autres jeunes rencontrant des difficultés d’accès à l’emploi, dans la limite de 5 % de l’enveloppe dont disposent les prescripteurs. Cela devrait permettre de régler certaines situations à la marge.

Pour conclure, après les débats qui nous ont animés sur la diversité des missions locales qui sont des émanations de territoires et de volontés politiques, il est peut-être temps de « remettre à plat » ce dispositif et de créer une mission d’information de notre commission sur ce sujet.

M. Gilles Lurton. Je ne peux qu’approuver le choix qui a été fait de créer une mission d’information pour voir, sur le terrain, comment est appliquée la loi que nous avons votée. J’aurais toutefois apprécié de disposer plus tôt du rapport qui ne nous a été transmis qu’aujourd’hui à 18 heures, alors que nous avons siégé en commission jusqu’à 20 heures 30, pour reprendre nos travaux à 21 heures.

S’agissant du fond, j’ai moi aussi, en circonscription, voulu suivre, avec l’aide de la sous-préfecture, les conditions d’application de la loi. Lors de l’examen du projet de loi, j’avais, avec certains de mes collègues, déposé des amendements visant à ouvrir les emplois d’avenir aux jeunes n’habitant pas dans des zones urbaines sensibles, ou encore à instaurer une obligation de formation. Tous ces amendements constructifs ont été rejetés. Je suis sûr que s’ils avaient été acceptés, nous aurions été plus nombreux à nous prononcer en faveur du projet de loi qui nous était soumis – pour ma part, je me suis abstenu. On se rend compte, aujourd’hui, que ces amendements n’étaient pas totalement infondés : vous venez de nous dire, monsieur le président-rapporteur, que la limitation du dispositif aux ZUS posait problème. En effet, un jeune qui habite de l’autre côté d’une rue délimitant une zone urbaine sensible est aussi méritant, lorsqu’il est dépourvu de formation et d’emploi, que celui qui vit dans la ZUS. J’ai connu l’application des clauses d’insertion dans une convention conclue avec l’Agence nationale pour la rénovation urbaine : le problème soulevé par les zones urbaines sensibles était strictement identique.

Je pense que, dans une situation de crise économique et de fort taux de chômage, nous devons trouver des solutions pour ceux qui sont au bord de la route et qui, sans notre soutien, ne retrouveront pas le chemin de l’emploi. Je m’inquiète toutefois du caractère durable de ces emplois et estime nécessaire d’accroître les efforts en matière de formation, faute de quoi on aboutirait à un échec. Enfin, je souhaite insister sur la nature publique du financement de ces emplois. L’objectif de conclusion de 100 000 contrats d’ici la fin de l’année ne saurait en aucun cas constituer un élément durable d’inversion de la courbe du chômage.

Mme Joëlle Huillier. Je félicite la mission pour son excellent travail. Je trouve le rapport, que nous avons eu un peu tard, très constructif. Les propositions sont pleines de bon sens. Nous avons tous dit que les zones couvertes, les ZUS, laissaient de côté des personnes dans de nombreux territoires. J’ai déjà demandé au ministre de l’emploi de faire bénéficier les zones éligibles aux contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) des extensions dérogatoires qui sont accordées aux zones urbaines sensibles. Le ministre chargé de la ville m’avait répondu que le zonage des CUCS, défini localement par des contrats triennaux, était moins stable et moins homogène que celui des ZUS et que le dispositif serait adapté à la nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville dont nous débattrons prochainement. Pourquoi limitez-vous, dans votre proposition n° 12, aux zones CUCS de priorité 1 l’extension du périmètre d’éligibilité des jeunes en zones urbaine sensible, alors que l’exclusion des zones de priorité 2 et 3 risque de produire un nouvel « effet de trottoir », privant d’aides ceux qui n’habitent pas du bon côté de la rue ?

Mme Véronique Louwagie. Je remercie les membres de la mission pour leur travail. Je voudrais m’attacher à l’objectif annuel de 100 000 contrats conclus. Nous avons entendu qu’au début du mois de septembre, 55 000 emplois d’avenir avaient été conclus, soit 55 % de l’objectif assigné. On perçoit, dans la présentation de ce résultat, une inquiétude sur la réalisation complète de l’objectif annuel auquel le rapporteur est attaché mais qui semble suspendue au-dessus de lui comme une épée de Damoclès. Je comprends son souhait de justifier le bien-fondé du texte en respectant les objectifs fixés. Mais les conséquences de cette politique du chiffre peuvent être préjudiciables. Le rapporteur a souligné un retard de mise en œuvre et des pressions importantes exercées par le Gouvernement et que le ministre a qualifié de pressions amicales. Elles ne doivent pas se transformer en pressions financières sur les territoires. Cette politique a des effets négatifs sur les contrats d’apprentissage dont, entre janvier et juillet 2013, le nombre a baissé de 7,5 % par rapport à 2012. Les emplois d’avenir sont-ils l’une des causes de cette diminution ? La procédure de formation des jeunes en emploi d’avenir m’inquiète parce qu’un objectif quantitatif a été retenu au détriment de la qualité des formations. La mission qualifie de contrats de sortie de la précarité 57 % des emplois d’avenir, conclus à durée indéterminée ou pour une durée déterminée de plus de trois ans. Pouvez-vous nous confirmer que la proportion de contrats à durée indéterminée atteint 10,8 % ?

Mme Martine Pinville. Le rapport est très agréable à lire et d’autant plus intéressant que, publié quelques mois après la mise en œuvre du dispositif des emplois d’avenir, il permettra de l’ajuster. Le rapporteur a évoqué le rôle des acteurs du service public de l’emploi dans les Côtes-d’Armor, en soulignant leur parfaite connaissance de la demande mais aussi de l’offre d’emplois, c’est-à-dire des besoins des entreprises. Je souhaite insister sur le rôle de ces personnels. On peut toujours dématérialiser en cherchant des sources d’économies mais l’accompagnement des demandeurs d’emploi et l’élaboration de fiches de poste présentant les offres d’emploi ne peuvent se faire sans eux. L’objectif fixé me paraît utile parce qu’il invite à rattraper le retard pris dans la mise en œuvre des emplois d’avenir. Je souhaite que le secteur médico-social et celui de la santé, en particulier les hôpitaux, se mobilisent davantage pour atteindre cet objectif et j’approuve la proposition n° 20 qui demande aux agences régionales de santé d’y veiller.

M. Gérard Cherpion. Nous pouvons constater ce soir tout l’intérêt de ces missions d’information qui suivent l’application des lois. Cette mission a aussi permis au rapporteur de la loi, qui a parfois été sévère dans les appréciations et les jugements qu’il a portés en séance publique, au cours de la discussion du texte, sur un certain nombre d’amendements de l’opposition, de les reprendre aujourd’hui, en tant que président et rapporteur de la mission d’information, à son compte, dans ses propositions. Cela prouve son ouverture d’esprit. Cela montre aussi qu’aller sur le terrain reste important même quand on croit connaître un sujet. L’intervention du président-rapporteur a commencé par dénombrer les emplois créés. Comme l’a souligné Mme Isabelle Le Callennec, cela témoigne d’une préoccupation quantitative qui laisse de côté le qualitatif, même s’il rappelle les écarts constatés entre les régions ou les départements par les services publics de l’emploi. Je suis content de voir réapparaître dans le rapport des propositions que nous avions faites, notamment celle d’associer plus largement le secteur marchand et d’assurer une formation aux titulaires des emplois d’avenir, comme vous l’aviez accepté en commission.

M. Michel Liebgott. J’insiste pour que les zones urbaines sensibles restent prioritaires. Les jeunes qui y habitent ne font pas spontanément acte de candidature pour les emplois d’été proposés par les communes comme la mienne, alors que ces publics doivent en bénéficier par priorité. Ce sont les candidats les moins qualifiés. Les emplois d’avenir qu’ils obtiennent ont valeur d’exemple dans leur quartier où l’économie parallèle rapporte souvent autant d’argent. Les besoins associatifs que ces emplois satisfont sont nombreux. Les associations qui créent du lien social manquent de moyens. Les jeunes de ces quartiers sont victimes de discriminations. Même en période de reprise de la croissance économique, ces jeunes les plus en difficulté ne trouvent pas aussi facilement d’emploi dans le secteur marchand que ceux qui ont plus de capacités. Ce sont ces jeunes en difficulté qui doivent bénéficier des emplois d’avenir proposés hors d’un secteur marchand dans lequel, comme le rapport l’indique, ces emplois ont un effet d’aubaine. Je suis en désaccord avec l’opposition à propos des emplois d’avenir professeur qui sont un succès. 40 % de leurs bénéficiaires viennent de zones urbaines sensibles et obtiennent une qualification. Il y a peu de chose à dire à propos de l’« effet de trottoir ». Une modification du critère d’extension du zonage doit le porter à 60 % du revenu médian, ce qui conduit à réduire les différences faites entre les territoires. J’ai, dans ma commune, un lycée situé en zone sensible qui offre une préparation aux instituts d’études politiques. Il accueille des élèves d’autres quartiers voire d’autres villes, qui évitent ainsi de passer le concours d’entrée dans ces instituts. Cet effet, inévitable s’agissant de la carte scolaire, me semble marginal pour les emplois d’avenir. Je ne pense pas que l’on vienne spécialement habiter dans des zones urbaines sensibles pour en bénéficier.

M. Dominique Tian. Je suis toujours intéressé par une séance d’autocritique publique puisque c’est une preuve de maturité. Reconnaître, en une cinquantaine de pages, six mois après avoir été le rapporteur d’un texte de loi, que ce texte était médiocre et qu’il convient de l’améliorer par une vingtaine de propositions me paraît en effet constituer un exercice intellectuel d’autocritique salutaire ! Cela ne veut pas dire que ces propositions sont plus lisibles que le texte lui-même, comme en témoigne, par exemple, la lecture de votre proposition n° 8 que je cite : « homogénéiser et fluidifier les décisions de dérogations relatives aux diplômés en zone urbaine sensible (ZUS), en s’alignant sur les pratiques les plus souples… ». Je vous en passe de plus extraordinaires comme la proposition n° 9. Votre autocritique méritoire reste peu lisible, ce qui me conforte dans l’idée que l’UMP a bien fait de ne pas voter ce texte. J’ajoute que les emplois d’avenir sont des dépenses imposées, par des pressions gouvernementales, à la SNCF, la RATP, La Poste, autrement dit à des sociétés qui n’ont vraiment pas besoin de créer des emplois inutiles et coûteux. La ville de Marseille ne souscrira pas d’emplois d’avenir parce que nous n’avons pas besoin de postes inutiles, que nous pensons que le contribuable doit être ménagé alors que les communes sont handicapées. La ville de Marseille préfère lutter contre la précarisation de ses propres agents, malmenés par l’État. Les emplois d’avenir sont une mauvaise méthode pour lutter contre le chômage des jeunes. Je rappelle un seul chiffre. Le chômage des jeunes atteint 20 % en France contre 2 % en Allemagne. Je vous invite à vous pencher sur l’apprentissage, l’école et sur la façon dont les entreprises allemandes sont gérées plutôt que d’inventer des systèmes qui ne servent à rien comme nous sommes en train de le faire actuellement. Bravo encore pour cette séance d’autocritique !

M. Denys Robiliard. Comme presque tout le monde à l’exception de M. Tian, je me félicite du rapport établi et de la méthode suivie. La loi est du 26 octobre 2012 et le rapport de ce 17 septembre. Il conclut une mission qui a été décidée il y a trois mois. Il me paraît très intéressant que le législateur aille voir comment sa loi se met en œuvre, dans un délai qui lui permet de réintervenir en tant que de besoin. J’apprécie que la mission, au-delà des emplois d’avenir, ait décrit ce qu’elle a vu du réseau des missions locales ou constaté des discriminations à l’emploi en raison de l’adresse du postulant. Les recommandations faites sur les emplois d’avenir demandent de la souplesse, la mobilisation des écoles de la deuxième chance et des agences régionales de santé, l’anticipation du plan de formation, l’accès aux formations du CNFPT et la surveillance des effets d’aubaine dans le secteur marchand. Je reste néanmoins attaché à la distinction du public des emplois d’avenir et de celui des emplois-jeunes. Le public des emplois d’avenir appartient au noyau dur du chômage. Les bénéficiaires prioritaires de ces contrats doivent être ceux qui ne trouveront pas d’emploi sans eux. Cet objectif ne doit pas être perdu de vue à la faveur d’un assouplissement des critères du zonage. Le dispositif doit cependant monter en puissance en bénéficiant d’un assouplissement de certaines dispositions. Sont-elles législatives ou réglementaires ? Si elles ne relèvent que d’une circulaire du ministre du travail, dans quels délais est-il prêt à la prendre ?

Mme Fanélie Carrey-Conte. J’aurais aimé entendre l’autocritique de M. Tian à propos de la politique de lutte contre le chômage des jeunes du précédent gouvernement. Je remercie le président-rapporteur et les membres de la mission pour les bonnes nouvelles qu’ils nous apportent concernant la montée en charge du dispositif. Je trouve très intéressantes la plupart des recommandations et en particulier celles qui concernent les zones urbaines sensibles. Je suis attachée à la proposition n° 10 qui autorise les prescripteurs à conclure des emplois d’avenir avec des jeunes qui n’entrent pas dans les catégories administratives prévues, dans la limite de 5 % de leur enveloppe. La question de la souplesse ne doit pas créer de faux débats entre nous. Ce n’est pas dénaturer le dispositif mais faire preuve de souplesse intelligente que de répondre à des situations de terrain dans lesquelles des jeunes, qui connaissent des difficultés réelles d’accès à l’emploi en raison de discriminations, seraient écartés du dispositif parce qu’ils n’entrent pas dans les catégories prévues. Il serait injuste que leurs difficultés d’emplois ne soient pas résolues et il est légitime qu’elles le soient par un emploi d’avenir. Je conclus par quelques questions. Comment se passe l’information dispensée en amont de la prescription ? Quels sont les canaux empruntés ? Les réseaux d’information de la jeunesse tels que les centres régionaux d’information jeunesse, les bureaux d’information jeunesse et les services d’orientation scolaire sont-ils sollicités ? Les débats parlementaires avaient laissé une inquiétude sur la capacité des associations, financièrement fragiles, d’accueillir des emplois d’avenir. Pourriez-vous nous donner des éléments précis à leur sujet ?

M. Arnaud Richard. La question des associations a été peu développée. Je suis tout aussi circonspect sur le prêt de main-d’œuvre au CNFPT ainsi que sur la modification du zonage et des priorités de la politique de la ville et je m’interroge sur les effets que cette modification aura sur les emplois d’avenir.

M. le président-rapporteur de la mission d’information. S’agissant de l’objectif des 100 000 emplois d’avenir, il me semble que l’évaluation de l’objectif fixé par le Gouvernement est du rôle de la mission : il est normal que la représentation nationale contrôle l’action publique.

J’ai ensuite toujours eu le souci de ne pas opposer employeurs publics et employeurs privés, action publique et action privée. Notre majorité défend l’idée d’un État stratège en matière de politique industrielle, ce qui ne signifie pas qu’elle est opposée à l’initiative privée, et s’agissant des emplois d’avenir, dans l’attente que les objectifs macroéconomiques soient atteints, il n’est pas absurde que des possibilités nouvelles d’emplois soient offertes à ces jeunes par le secteur marchand.

L’objectif quantitatif fixé par le Gouvernement pour les emplois d’avenir est important, car, et cela, j’en suis convaincu, c’est lui qui nous permet d’amorcer l’inversion de la courbe du chômage des jeunes. Rappelons-nous le scénario de 1997 : ce sont les emplois-jeunes qui ont permis d’enclencher le retour de la dynamique de croissance. Je suis persuadé que, sans les emplois d’avenir, nous n’aurions pas assisté à l’inversion de la courbe du chômage des jeunes à laquelle nous assistons depuis le mois de mai : le nombre des demandeurs d’emploi de cette tranche d’âge est depuis cette date, passé de 560 000 à 550 000 et, pendant ce temps-là, 40 000 emplois d’avenir étaient signés.

Mais cet objectif quantitatif, pour important qu’il soit, ne doit pas occulter les exigences qualitatives du dispositif : je considère, pour répondre à M. Tian, que l’on ne peut pas affirmer que cette dimension qualitative est laissée de côté, quand 87 % des jeunes recrutés en emploi d’avenir ont un diplôme inférieur au baccalauréat. Il s’agit, au contraire, d’une véritable réussite.

Monsieur Cherpion, je n’ai jamais opposé le secteur public et le secteur privé : j’ai toujours dit, dans le cadre des débats parlementaires, que la force des emplois d’avenir, c’était de mêler le secteur marchand et le secteur non marchand, les emplois d’avenir classiques avec les emplois d’avenir professeur. Pourquoi ? Parce que c’est cela qui fait que le dispositif n’est pas stigmatisant comme le sont souvent les contrats aidés. Les jeunes en emploi d’avenir le ressentent ainsi : ils ont l’impression d’être valorisés par leur emploi. Cela ne revient pas à nier le débat sur le degré d’ouverture au secteur marchand que nous avons eu lors des discussions sur le projet de loi et, ensuite, au sein de la mission.

S’agissant des chiffres de l’apprentissage, il faut avant tout rappeler qu’il existe une forte cyclicité de l’apprentissage, avec généralement des entrées nombreuses constatées aux mois de septembre et d’octobre : on ne peut donc en réalité que comparer les chiffres des mêmes mois d’une année sur l’autre et non pas évaluer ces chiffres en glissement. À ce stade, pour les chiffres dont nous disposons, qui concernent les entrées en apprentissage en mai, juin et juillet 2013 par rapport aux mêmes mois de 2012, on ne constate aucun repli. Il conviendra de poursuivre cette évaluation par la suite, lorsque nous aurons plus de recul. Mais, en tout état de cause, les jeunes rencontrés par la mission ne semblent pas avoir hésité entre l’apprentissage ou un emploi d’avenir ; autrement dit, ce ne sont pas les mêmes publics qui sont susceptibles d’entrer en apprentissage ou d’être recrutés en emploi d’avenir.

Concernant la durée des contrats évoquée par Mme Louwagie, j’ai dit que la part des CDI et des CDD de trois ans est de 57 % : en effet, au sein de cet ensemble, la part des CDI ne représente que de l’ordre de 10 % des contrats, mais cette proportion est en réalité peu parlante, car les collectivités territoriales et les personnes publiques en général ne peuvent recruter sous la forme d’un CDI. Si l’on se réfère au secteur marchand, ce sont de l’ordre de 65 % des contrats qui sont conclus à durée indéterminée. La durée du contrat, même quand elle est d’un an, n’est pas ressentie comme un handicap par les jeunes, même si la mission considère que des marges de progression demeurent sur ce critère de la durée du contrat et a réfléchi à un système de bonus-malus concernant l’aide financière, qui inciterait à conclure des contrats longs et serait moins incitative pour les contrats plus courts.

S’agissant des emplois d’avenir professeur évoqués par plusieurs collègues, j’ai défendu le dispositif depuis le début, parce qu’il n’y a en effet pas assez de jeunes issus de milieux modestes qui accèdent aux carrières de l’enseignement. L’objectif était de 6 000 : je précise qu’il s’agissait en réalité de 4 000 emplois pour le premier semestre 2013 et de 2 000 emplois complémentaires pour le second semestre 2013, l’année universitaire n’étant pas calée sur l’année civile. Au premier semestre, 80 % de l’objectif fixé a été atteint. Le dispositif a connu des difficultés au début, car les recteurs ont tous cherché à limiter le recrutement aux seules disciplines prioritaires ; dans un second temps, ils ont procédé à un élargissement. Le ministre de l’éducation nationale n’a pas pu être auditionné : son audition avait en effet été initialement prévue en juillet, mais reportée à septembre car nous souhaitions procéder aux auditions des ministres en dernier. Avec la rentrée des classes, il a ensuite été difficile pour le ministre de se rendre disponible. Je suis d’accord pour dire que le dispositif a initialement souffert d’un manque d’information : les réseaux d’étudiants et les CROUS n’ont pas suffisamment été mobilisés pour faire connaître le dispositif, qui est pourtant assez attractif pour un étudiant, puisque la rémunération est égale à 900 euros par mois pour environ huit heures de présence en établissement. Il est certain qu’une évaluation rigoureuse du dispositif doit à terme permettre de voir réellement ce que font les établissements de ces emplois d’avenir professeur : les résultats devront notamment être analysés au regard des profils des candidats aux concours de l’enseignement.

Dans le secteur marchand, la mission recommande de garder une certaine vigilance car nous avons en effet pu constater des effets d’aubaine : néanmoins, il serait dommage de se priver de cette offre d’emplois dans des territoires où les associations et les collectivités locales ne recrutent pas. Une part de 10 à 15 % de contrats dans le secteur marchand nous paraît raisonnable, en privilégiant plutôt une palette large de secteurs d’activité.

S’agissant de l’implication des grands comptes, nous avons surtout constaté que ceux-ci n’avaient que de très faibles contacts avec les missions locales, ce qui est un problème, particulièrement en Île-de-France, pour des raisons évidentes : il s’agit d’entreprises multi-sites et le réseau des missions locales paraît donc peu adapté pour gérer les relations avec ces grands comptes. Peut-être aussi que les grands comptes n’ont pas suffisamment intégré que les emplois d’avenir constituent un dispositif d’emploi aidé : ils ont dans un premier temps parfois cherché à recruter les meilleurs.

Ce que l’on constate surtout, c’est un phénomène de sous-embauche de jeunes en ZUS, y compris dans les établissements publics, et c’est pourquoi la mission fait des propositions pour inciter les grands comptes à en recruter davantage.

Je suis d’accord avec M. Lurton : la formation est un volet essentiel du dispositif, et le principal défi sur le plan qualitatif reste la sortie de l’emploi d’avenir. C’est pourquoi la mission recommande qu’un rendez-vous entre le jeune, son conseiller de mission locale et son employeur soit fixé dès avant la fin de l’année 2013 pour les contrats déjà conclus, afin de définir le plan de formation qualifiante du jeune. Pour les futurs contrats, le parcours de formation devrait impérativement être défini dans les six premiers mois, et dans les trois mois pour les contrats plus courts. Sur ce plan, on constate également une mobilisation variable des OPCA, qui sont néanmoins très souvent demandeurs. En effet, ils souhaitent pouvoir disposer des contacts des employeurs ayant recruté des emplois d’avenir pour définir plus rapidement avec eux les actions de formation : certaines démarches exemplaires ont été menées, avec par exemple un guide des formations au bénéfice des emplois d’avenir embauchés dans le secteur des offices HLM. La mission a néanmoins eu une déception concernant le CNFPT, dont les rigidités sont trop fortes : il ne propose que des formations de découverte de la fonction publique et de ses métiers. Nous avons mis en place une cotisation supplémentaire affectée au CNFPT pour le financement de formations au bénéfice des emplois d’avenir : il est donc nécessaire que des mesures soient prises rapidement pour que cela fonctionne mieux.

Enfin, il faut le dire, en Île-de-France, la mission a constaté un véritable problème de fonctionnement du service public de l’emploi : la réforme de l’État a eu pour conséquence une moindre présence de l’État au niveau local. En Île-de-France, la DIRECCTE apparaît trop lointaine et ce sont en réalité les services départementaux qui sont aux manettes. Il s’agit d’un enjeu essentiel, je le rappelle, car un tiers des jeunes issus de ZUS en France réside en Île-de-France.

Nous nous sommes effectivement posé la question d’élargir les dérogations au public des CUCS de priorité 1. Nous devrons être particulièrement attentifs à l’évolution de ces dispositifs dans le cadre de la réforme du zonage de la politique de la ville afin de garantir qu’il corresponde aux réalités du terrain. Par exemple dans ma circonscription, le zonage n’est pas optimal car il correspond aux frontières d’une commune alors qu’une cité s’étend sur plusieurs communes.

Parmi les préconisations proposées par la mission, plusieurs relèvent du domaine législatif, notamment celle concernant l’élargissement de la prescription des emplois d’avenir aux écoles de la deuxième chance et à l’EPIDe, celle proposant l’élargissement des dérogations aux CUCS ou bien encore celle suggérant d’inclure le lieu de résidence dans la liste des motifs de discrimination expressément prohibés par le droit du travail. Beaucoup de préconisations relèvent néanmoins du domaine réglementaire et doivent donc faire l’objet d’une initiative du ministre. Celui-ci partage notamment notre constat sur le développement encore insuffisant des emplois d’avenir dans les ZUS : nous lui proposons donc quelques pistes de réformes pour tenter de remédier à cette situation.

On a pu constater la fragilité des ressources de certaines associations notamment dans les ZUS. Cela les conduit à se montrer particulièrement prudentes dans le recrutement de jeunes. C’est pourquoi l’intervention de certains conseils régionaux, visant à financer une partie du reste à charge pour les associations qui recrutent un jeune en emploi d’avenir, me semble pertinente car le secteur associatif représente un potentiel important en matière de création d’emplois.

Je retiens surtout de ce dispositif d’emplois d’avenir le fait qu’il offre aux jeunes l’opportunité d’avoir un « vrai » travail dont ils sont fiers et le fait que les employeurs ont été très souvent surpris par le sérieux et la motivation de ces jeunes.

M. Jean-Patrick Gille, président. Je note qu’à l’exception de M. Dominique Tian, le diagnostic semble partagé, même si ont pu apparaître de nouveau les divergences qui étaient apparues lors du débat sur le projet de loi, avec toutefois une certaine évolution et parfois des rapprochements des points de vue. L’esprit de la loi aurait donc soufflé sur la mission, puisque tout le monde s’en revendique, en demandant qu’il soit respecté. J’ai aussi compris que tout le monde demandait des moyens supplémentaires pour les missions locales, il faudra l’évoquer au moment de l’examen du budget…

Mme Isabelle Le Callennec. Le groupe UMP prend acte du rapport et n’a pas la capacité de s’opposer à sa publication, mais nous n’en partageons pas un certain nombre de propositions et craignons que les souplesses que vous introduisez dans les propositions ne dévoient le texte voté il y a moins d’un an. Nous nous abstiendrons.

M. Arnaud Richard. J’ai trop souffert de la non-publication d’un rapport sous la précédente législature, le « rapport Perruchot » sur le financement des syndicats, que nos collègues socialistes n’avaient pas souhaité voir publier, pour m’opposer à la publication de celui-ci, dont j’assume et je partage les propositions, pour la plupart, avec notre président-rapporteur. J’espère que ce travail sera salutaire pour le dispositif des emplois d’avenir. J’avais participé à la mise en place des contrats d’avenir en 2005 et nous avions constaté que celle du volet « formation » n’avait pas été à la hauteur des attentes. Il faudra donc être particulièrement attentif à cet aspect pour les emplois d’avenir.

La Commission autorise, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

La séance est levée à vingt-trois heures vingt.

Présences en réunion

Réunion du mardi 17 septembre 2013 à 21 heures

Présents. – M. Gérard Bapt, Mme Fanélie Carrey-Conte, M. Christophe Cavard, M. Gérard Cherpion, Mme Hélène Geoffroy, M. Jean-Marc Germain, M. Jean-Patrick Gille, Mme Joëlle Huillier, Mme Monique Iborra, M. Denis Jacquat, Mme Isabelle Le Callennec, M. Michel Liebgott, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, M. Christian Paul, Mme Martine Pinville, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, Mme Barbara Romagnan, M. Gérard Sebaoun, M. Dominique Tian

Excusés. – M. Bernard Accoyer, Mme Catherine Lemorton, M. Jean-Sébastien Vialatte