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Commission des affaires sociales

Mercredi 13 novembre 2013

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 16

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

–  Audition, ouverte à la presse, de M. Didier Houssin, dont la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) est envisagée par le Gouvernement (application de l’article L. 1451-1 du code de la santé publique)

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 13 novembre 2013

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission des affaires sociales entend M. Didier Houssin, dont la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) est envisagée par le Gouvernement (application de l’article L. 1451-1 du code de la santé publique).

Mme la présidente Catherine Lemorton. Mes chers collègues, nous accueillons aujourd’hui M. Didier Houssin, président du conseil de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, dont la nomination à la présidence du conseil d’administration de l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), est envisagée par le Gouvernement. Cette audition a lieu en application de l’article L.1451-1 du code la santé publique, issu de l’article 1er de la loi sur la sécurité du médicament, que nous avons adoptée en décembre 2011. L’ANSES fait en effet partie des neuf organismes dont les présidents, directeurs généraux et directeurs doivent être auditionnés par le Parlement, en l’espèce les commissions des affaires sociales des deux assemblées, avant leur nomination. Je précise que nous ne sommes pas dans le cadre de la procédure de mise en œuvre de l’article 13 de la Constitution. Il s’agit donc d’une simple audition, et non pas d’un avis demandé aux commissions compétentes. C’est pourquoi cette commission ne sera pas suivie d’un vote.

Rappelons brièvement que l’ANSES est un établissement public à caractère administratif, placé sous la tutelle chargé des ministères chargés de la santé, de l’agriculture, de l’environnent, du travail et de la consommation. Cette agence est issue de la fusion de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET). Une telle fusion a été réalisée par l’ordonnance n° 2010-18 du 7 janvier 2012, prise en application de l’article 115 de la loi 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

La mission principale de l’ANSES est de contribuer à la sécurité sanitaire humaine dans les domaines de l’environnement, du travail et de l’alimentation. Elle contribue également à assurer la protection de la santé et du bien-être des animaux, la protection de la santé des végétaux, et l’évaluation des propriétés nutritionnelle et fonctionnelle des aliments. Elle exerce enfin des missions relatives aux médicaments vétérinaires. L’ANSES met en œuvre une expertise scientifique indépendante et pluraliste. Son directeur général est M. Marc Mortureux, que nous avions d’ailleurs auditionné le 25 juin dernier dans les mêmes circonstances. Je rappelle que l’ANSES a rendu dernièrement un avis important sur les effets des ondes électromagnétiques sur la santé humaine.

M. Houssin a fait parvenir au secrétariat de la Commission son curriculum vitae, qui est en distribution, ainsi que la déclaration publique d’intérêts – qui vous sera transmise par courriel – que la loi l’oblige à souscrire.

M. Didier Houssin. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie d’avoir trouvé le temps de m’auditionner, malgré un agenda que je sais fort chargé.

Après avoir évoqué les éléments qui vous permettront de juger de mon aptitude à devenir président du conseil d’administration de l’ANSES, je vous ferai part de ma vision de l’ANSES et de son avenir. Je répondrai ensuite à vos questions.

S’agissant de mon aptitude, je parlerai métiers, sécurité sanitaire et impartialité.

En premier lieu, en termes d’expérience des métiers de l’ANSES, j’ai fait de la recherche pendant plusieurs années en tant que chargé de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), puis en tant que professeur d’université, principalement en chirurgie, dans le domaine de la greffe du foie, qui fut pendant longtemps mon activité principale. Par goût pour les sciences sociales et humaines, j’ai accepté pendant plusieurs années d’en coordonner l’enseignement, pour les étudiants de première année de médecine.

Ma production scientifique se compose à ce jour d’à peu près 300 articles originaux, et j’ai écrit deux ouvrages – l’un sur la greffe dont je me suis occupé pendant longtemps, et l’autre sur le phénomène des urgences, qui m’a beaucoup intéressé.

J’ai aussi une expérience en termes de politique de recherche. En tant que directeur de la politique médicale de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, j’ai piloté pendant un temps la Délégation à la recherche clinique et, en tant que Directeur général de la santé, j’ai créé au ministère de la santé le comité ministériel chargé de l’orientation de la recherche dans ce domaine.

Mon expérience dans le domaine de l’évaluation est assez diversifiée. Tout d’abord, j’ai participé à l’évaluation des personnels chercheurs et enseignants chercheurs, notamment dans le cadre du Conseil national des universités. Ensuite, j’ai une expérience de l’évaluation des politiques publiques. Lorsque j’étais Directeur général de la santé, délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire et coordonnateur interministériel du plan « chlordécone », j’ai été amené à me pencher sur l’organisation des évaluations de politiques publiques. Enfin et surtout, depuis deux ans et demi, en tant que président de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES), je suis engagé dans l’évaluation des programmes de formation des organismes de recherche et des établissements d’enseignement supérieur et de recherche en France et à l’étranger. C’est mon activité actuelle – principale et presque exclusive.

Je veux souligner qu’en tant que Directeur général de la santé, j’ai organisé des travaux en vue de la valorisation de l’expertise en santé publique – je pense que c’est un point qui concerne l’ANSES – travaux auxquels j’ai d’ailleurs pu donner une orientation concrète dans le cadre de mon travail à l’AERES, à savoir : comment valoriser le travail des experts ? Je pense que c’est un point crucial pour l’activité des agences de sécurité sanitaire qui sont fondées sur l’expertise.

En deuxième lieu, j’ai une expérience de terrain et de pilotage interministériel dans le champ de la sécurité sanitaire. D’abord, j’ai eu un rôle d’acteur direct en termes de sécurité des patients en tant que chirurgien, puis chef de service de chirurgie. Ensuite, en tant que Directeur général de la santé, j’ai exercé une tutelle sur l’ensemble des agences nationales de sécurité sanitaire, dont l’ANSES et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN. J’ai été amené à partager cette tutelle avec d’autres ministères – en particulier les cinq ministères qui ont actuellement la tutelle sur l’ANSES. Enfin, en tant que Délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire et Coordonnateur du plan « chlordécone » aux Antilles, j’ai pu me familiariser avec les questions de coordination interministérielle, notamment entre les ministères chargés de l’agriculture, du travail, de l’environnement, de la consommation et de la santé.

Pour terminer sur cette question de l’aptitude, je dirai un petit mot sur l’impartialité. La tutelle que j’ai exercée sur l’ANSES en tant que Directeur général de la santé est déjà un peu ancienne, puisque j’avais déjà quitté la direction générale de la santé lorsque le Contrat d’objectifs et de moyens a été signé entre l’État et l’ANSES.

Je n’ai pas de liens d’intérêts avec les acteurs économiques, ni avec les parties prenantes du secteur associatif dans les champs de compétence de l’ANSES. Il faut toutefois signaler qu’une de mes enfants est employée par un cercle de réflexion, Think tank en anglais, de l’Institut Véolia, où elle organise des conférences internationales sur des thèmes scientifiques qui relèvent de ce secteur et qui associent cet Institut et des partenaires économiques étrangers. Elle en est salariée.

Venons-en maintenant à la vision que j’ai aujourd’hui de l’ANSES.

Premièrement, l’ANSES a su, au cours des trois dernières années, se positionner en tant qu’instance de référence, au plan national comme au plan international, par la qualité de son expertise, mais aussi par sa capacité à intégrer les questionnements, qu’ils proviennent de la sphère scientifique ou de la société. Cette capacité lui provient des conditions mêmes de sa naissance. J’ai d’ailleurs été un des acteurs qui sont intervenus à propos du projet de fusion AFSSA/AFSSET, qui a fait naître un nouveau modèle d’agence sanitaire permettant une évaluation transversale des risques. Il y avait beaucoup de complémentarité entre ces deux agences, et nous avions souligné l’intérêt qu’il y aurait à les rapprocher – et c’est bien ce que le Parlement a décidé il y a maintenant quelques années.

Deuxièmement, le conseil d’administration de l’Agence, à la présidence duquel je suis candidat aujourd’hui, est le premier élément qui fonde le socle d’ouverture à la société. Il est en effet composé de cinq collèges : des représentants de l’État et du personnel de l’Agence ; des représentants d’associations agrées de protection de l’environnement ayant une activité dans le domaine de la qualité, de la santé et de la prise en charge des malades, et de la défense des consommateurs ; des représentants d’associations nationales de victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles ; des représentants d’organisations et de fédérations professionnelles, des organisations syndicales ; enfin, des élus qui sont représentés par l’AMF (Association des maires de France) et l’ADF (Association des départements de France).

Je voudrais souligner que le mandat de président de l’ANSES est un poste non exécutif. Le patron de l’Agence est le directeur général ; c’est lui qui prend les décisions. J’ajoute que c’est une activité non rémunérée, à caractère bénévole. Le président a toutefois la charge importante de coordonner et d’animer le conseil d’administration de l’Agence. J’ai d’ailleurs pu constater, en lisant les comptes rendus du conseil d’administration, que le mode de gouvernance de l’Agence est assez ouvert. C’est une instance vivante, dont les membres sont très impliqués et s’attachent à garantir le maintien de standards élevés en termes d’excellence scientifique et d’indépendance. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail des précédents présidents de cette agence, en particulier de celui qui a assuré l’intérim pendant les deux années passées.

Le conseil d’administration discute et vote les orientations générales, sa stratégie pluriannuelle, son programme de travail annuel, le contrat de performances. Il délibère sur l’organisation générale, et notamment sur la création des comités d’experts spécialisés, sur les conventions à établir avec des organismes extérieurs, et il intervient dans la fixation des règles de déontologie qui sont un aspect extrêmement important.

Dans le contexte de contrainte budgétaire que vous connaissez, le conseil sera d’autant plus vigilant que les attentes vis-à-vis de l’ANSES sont de plus en plus fortes. Celles-ci émanent bien sûr des ministères de tutelle, mais aussi des acteurs de la société. Il y a, par exemple, aujourd’hui, une charge de travail très importante qui résulte de l’évaluation, au niveau européen, des produits phytosanitaires. Et selon moi, les recettes, les taxes qui résultent de cette activité devraient pouvoir être utilisées pour renforcer les capacités en ressources humaines de cette agence.

L’Agence a engagé depuis plusieurs années des efforts d’organisation et d’optimisation des ressources. Néanmoins, pour préserver ses capacités à faire face à des risques émergents, à une crise sanitaire, elle doit maintenir ses capacités de surveillance et de vigilance et poursuivre ses efforts de recherche, si elle veut rester active et bien visible sur la scène européenne et internationale.

L’ANSES me paraît confrontée à des défis importants, d’un point de vue scientifique, sociétal, en raison de la diversité et de la complexité des sujets dont elle a la charge, et par les attentes de la société en termes de transparence et d’indépendance. D’une certaine façon, on attend de l’Agence une sorte de « solution miracle » qui associe à la fois une indépendance totale et une compétence parfaite. Ces deux exigences sont difficiles à concilier.

Je n’aurai pas la prétention de vous livrer une vision toute faite sur l’avenir de l’ANSES mais je voudrais, alors que ma candidature au poste de président du conseil d’administration de l’ANSES est agréée par les cinq ministères de tutelle, vous dire les quatre défis majeurs que, selon moi, le conseil d’administration aura à relever.

Premier défi : il faut absolument assurer l’indépendance et la crédibilité des travaux de l’Agence. Celle-ci a réussi à acquérir un statut respecté, écouté, dans un cadre déontologique et d’expertise rigoureux. Mais rien n’est jamais acquis, tout est fragile. Les standards doivent pouvoir être questionnés, évalués, de même qu’ils doivent pouvoir être confrontés aux meilleurs standards internationaux.

L’Agence a mis en place – et je crois que c’est une très bonne idée – un Comité de déontologie et de prévention des conflits d’intérêts en 2010. C’est une instance dont les travaux indépendants sont et seront très précieux pour le conseil d’administration.

Maintenir un haut niveau d’exigence scientifique passe par la capacité à mobiliser les meilleurs experts, français et étrangers, et à assurer les conditions d’une expertise collective et contradictoire. Le conseil scientifique de l’Agence sera un partenaire important pour le conseil d’administration. J’ajoute que les recommandations formulées dans le récent rapport de la Cour des Comptes suggèrent des pistes intéressantes, précisément pour essayer de concilier au mieux indépendance et compétences.

Deuxième défi : il faut favoriser une coordination fructueuse avec les ministères de tutelle – au nombre de cinq, en raison du large champ de compétences de l’Agence. Certains s’étaient inquiétés, en disant que cela conduirait à des difficultés d’arbitrage et de décision. Cela a peut-être été le cas, d’ailleurs, pour ce qui est du président du conseil d’administration de l’Agence. Mais il faut aussi constater qu’un système efficace de présidence tournante de la tutelle a été mis en place, et je crois que le conseil d’administration peut contribuer à faciliter la bonne articulation entre les tutelles. De ce point de vue, je pense avoir une expérience de la coordination interministérielle qui peut être utile.

Troisième défi : la communication et l’ouverture à la société. Les attentes de la population en termes de maîtrise et d’anticipation des risques s’accompagnent d’une exigence croissante de transparence et de participation au processus de décision. Bien sûr, le conseil d’administration constitue, d’une certaine façon, le premier socle de cette ouverture à la société. Mais ce ne peut pas être le seul. L’ANSES a développé une approche globale alliant ouverture, dialogue, transparence et communication proactive dans le respect des rôles de chacun, et dans le cadre d’une grande rigueur dans la mise en œuvre de l’expertise. Grâce à une fonction de veille sociétale, à l’entretien de contacts permanents avec les parties prenantes, je pense que l’Agence dispose des capacités de mieux contextualiser les travaux d’expertise et de cerner les enjeux en amont.

Il n’en reste pas moins qu’en termes de communication, l’ANSES doit être extrêmement attentive et délivrer une information de référence, notamment en s’appuyant sur les données récentes dans le domaine des sciences de la communication, en particulier de la communication sur les risques. Le conseil d’administration qui délibère sur la stratégie d’ouverture et de communication de l’Agence y sera particulièrement vigilant.

Quatrième défi : le positionnement européen et international. La dimension européenne de l’ANSES est très importante, et je crois qu’elle est aujourd’hui largement reconnue au niveau européen. C’est impératif si l’on veut pouvoir peser sur les décisions communautaires, sachant qu’une grande part de l’action de l’Agence s’inscrit justement dans le cadre des réglementations européennes – j’ai mentionné tout à l’heure les produits phytosanitaires. Mais la collaboration de l’ANSES doit s’élargir au-delà du cadre européen. Elle le fait, dans le cadre d’une ouverture scientifique internationale, où l’excellence de la France en termes d’évaluation des risques peut être un élément de coopération utile avec beaucoup d’autres pays.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, vous l’avez compris, je serai plein d’ardeur, heureux et fier de présider le conseil d’administration de l’ANSES.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Merci monsieur Houssin, et merci d’avoir été aussi clair sur les potentiels liens d’intérêts de vos descendants. Véolia, qui est un groupe très prégnant, une multinationale française, sollicite souvent les parlementaires sur des questions liées à l’environnement.

M. Didier Houssin. Il s’agit de l’Institut Véolia, pas de l’entreprise.

Mme la présidente Catherine Lemorton. C’est forcément lié.

M. Jean-Louis Touraine. Nous sommes nombreux à bien connaître, et depuis longtemps, M. Didier Houssin, ne serait-ce que pour ses qualités très remarquées de chirurgien et de chercheur, et en raison de sa nomination à la tête de la direction générale de la santé et de l’AERES. Nous sommes nombreux à admirer son parcours et je crois que la qualité de son travail est le meilleur gage de succès de sa future mission.

Son expérience est grande et les questions d’évaluation sont au cœur de ses préoccupations. Il nous a indiqué tout à l’heure qu’il avait travaillé à la valorisation de l’expertise en santé publique. C’est une question cruciale dans les temps actuels, et j’aimerais qu’il puisse nous en dire plus à ce sujet.

La naissance de cette nouvelle agence – par fusion de deux agences – devrait être bénéfique et faciliter la gestion de problèmes aujourd’hui prioritaires. Nous ne pouvons que nous féliciter de la nomination, à la tête de cette nouvelle agence, d’une personne compétente en matière médicale et de santé publique. En effet, les questions d’environnement, de santé au travail, de sécurité alimentaire ou de médecine vétérinaire, parce qu’elles sont liées à notre sécurité, doivent être correctement évaluées.

Le professeur Houssin a une connaissance de longue date de ce que nous appelons le rapport bénéfice-risque. Nous sommes plusieurs ici a avoir assisté dernièrement à un colloque – dans une région que connaît bien M. Accoyer – où furent évoquées les difficultés entraînées par l’application abusive du principe de précaution. Entendu à l’origine comme un moyen de protection de l’environnement, celui-ci peut devenir un facteur d’immobilisme.

Il est important d’évaluer le bénéfice de l’action par rapport au risque spontané de l’inaction. Tout médecin ou tout chirurgien le sait, puisque l’on n’évalue jamais le risque d’un traitement ou d’une intervention chirurgicale autrement qu’en le comparant avec le risque spontané de la maladie.

Une telle question va se poser à M. Houssin s’il est nommé à la présidence de l’ANSES. Mais la précaution absolue n’a pas de sens pour résoudre les problèmes qui se présenteront au quotidien. Il faut avancer, sans craindre le progrès même s’il peut véhiculer de très minimes risques bien inférieurs aux risques spontanés.

Je terminerai sur deux des quatre défis qu’il a très bien résumés précédemment.

Premièrement, cinq ministères exercent leur tutelle sur l’ANSES. Quelle organisation permettra de pouvoir répondre simultanément à cinq ministères ? Comment sera coordonnée cette action interministérielle ? Il est légitime que les ministères concernés soient en relation directe avec l’Agence. Mais comment faire face à des différences d’interprétations ou de priorités ?

Deuxièmement, le positionnement européen et international de l’ANSES : M. Houssin a l’expérience et les relations. Il travaille comme expert auprès de l’OMS. Il a donc tous les atouts de son côté. De fait, il est important de sortir du contexte franco-français, car l’expertise existe dans de nombreux pays. Certes, nous devons l’adapter à nos singularités mais, pour autant, nous ne pouvons pas ignorer ce qui se passe au-delà de nos frontières.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur Houssin, c’est avec une certaine satisfaction que nous vous retrouvons ce matin, après vous avoir reçu à de nombreuses reprises ici même, au sein de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) ou de commissions d’enquête. À chaque fois, vous avez fait preuve de votre grande expérience. Il faut dire que vous avez été Directeur général de la santé, délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire, à une époque où il y avait des grands points d’interrogation et de grands risques et que vous êtes maintenant président de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.

L’audition d’aujourd’hui intervient un mois après la publication, le 8 octobre, d’un référé de la Cour des comptes qui pointait les problèmes d’organisation, de gestion et de tutelles qui affectent l’ANSES. La Cour recommandait la nomination d’un président du conseil d’administration. Celle-ci, qui devrait avoir lieu le 22 novembre prochain, mettra fin à la vacance du pouvoir qui dure depuis septembre 2011, date du départ de votre prédécesseur. Mais je pense qu’il n’y a pas eu de difficultés particulières pendant cette période, car le directeur général de l’ANSES possède lui aussi une grande expérience.

Monsieur Houssin, vous avez vous-même évoqué le problème lié au nombre des tutelles : 5 ! Je me souviens qu’en juillet 2010, au moment de la fusion de l’AFSSA et de l’AFSSET, nous nous en étions inquiétés, Mme Poletti, M. Bapt et moi. Pour autant, il n’était pas question pour nous de remettre en cause cette fusion. Nous étions en effet favorables à une diminution du nombre d’agences sanitaires sur notre territoire – comme l’avait d’ailleurs recommandé notre ancien collègue Yves Bur dans son rapport sur les agences sanitaires. Mais vous avez certainement quelques réponses à nous apporter à propos de cette tutelle.

Votre cv est d’une grande évidence, comme l’a rappelé Jean-Louis Touraine. Je crois même me souvenir que vous avez présidé France Transplant. Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons que nous satisfaire de votre prochaine nomination comme président du conseil d’administration de l’ANSES.

M. Jean-Louis Roumegas. Tout d’abord, monsieur Houssin, je voudrais que vous nous disiez quelle est, selon vous, la place de l’ANSES dans le processus de décision. On a l’impression qu’après lui avoir assigné un rôle de pure expertise, qui consiste à faire la part de la connaissance scientifique et à procéder à une évaluation face à un problème donné, on lui a confié un rôle de décision, voire un rôle normatif. Or il n’est pas bon de confier un rôle normatif aux agences. Au-delà de l’expertise, il faut faire des choix de société, qui reviennent aux politiques.

Ensuite, j’ai relevé dans votre curriculum vitae que vous aviez travaillé auprès de Mme Bachelot, notamment au moment de la grippe aviaire. Or cet épisode ne constitue pas, pour moi, l’exemple d’une heureuse gestion de crise. Comment avez-vous vécu cette période ? Êtes-vous critique sur ce qui s’est passé ? J’aimerais que vous nous donniez votre point de vue.

Mme Dominique Orliac. Permettez-moi, monsieur le professeur Houssin, de vous remercier pour votre présentation.

En premier lieu, j’aimerais savoir quelles relations vous entendez nouer que avec les différents organismes de sécurité sanitaire au sein de l’Union européenne – voire au-delà, avec les pays membres de l’Association européenne de libre-échange. En effet, nous avons pu constater, au moment du scandale de la viande de cheval, que la coordination entre les différentes agences de sécurité sanitaire de chaque pays gagnerait à être améliorée. En effet, après les scandales et les crises liées à la vache folle, à la bactérie escherichia coli, à la grippe porcine et à la viande de cheval, nous nous sommes rendus compte que les pays concernés n’avaient pas forcément de politique commune de sécurité sanitaire.

Tout en étant consciente que ce qui se règle au niveau européen n’est pas uniquement dans les mains d’organismes français, il me semblerait intéressant de connaître votre opinion sur l’action que l’ANSES pourrait mener auprès des instances communautaires et de nos partenaires européens.

Dès sa création, l’ANSES s’est autosaisie de la question des impacts, sur la santé des travailleurs agricoles, des expositions aux pesticides. Il s’agissait de caractériser les expositions à risque afin de proposer des actions de réduction des expositions. Par ailleurs, l’Agence a lancé une évaluation de l’efficacité des équipements de protection individuelle portés par les travailleurs, afin de proposer des améliorations dans ses recommandations en la matière.

Pour le groupe RRDP, il importe d’avoir toujours en mémoire que la production de protéines animales est fortement coûteuse en énergie et en eau. Culture ou élevage, il vaut mieux privilégier des filières de qualité et des circuits de distribution courts. Quel est votre avis sur ce sujet ?

Nous estimons qu’il faut mettre en place des politiques agricoles françaises et européennes qui continuent d’assurer la sécurité alimentaire des pays de l’Union. Cela implique non seulement de continuer à aider et à protéger le secteur, mais aussi de rééquilibrer les mesures prises en faveur des petites et moyennes exploitations de polyculture fruitière ou d’élevage.

Je suis élue d’un département rural, le Lot, où les relations qu’entretiennent les agriculteurs face aux agents de l’ANSES sont parfois conflictuelles, notamment parce que les activités agricoles peuvent entrer en opposition avec des recommandations qui émanent de l’ANSES. Selon vous, quelles relations l’Agence devrait entretenir avec nos agriculteurs, afin que chacun puisse faire convenablement son travail, tout en évitant soigneusement les conflits ? Comment faire en sorte que nos agriculteurs et l’Agence se comprennent mieux ?

En outre, mon groupe plaide pour la création d’une Agence européenne de la recherche agricole et de la pêche, chargée notamment de diffuser annuellement un dossier sur les meilleures pratiques des agriculteurs et des pêcheurs. Pour nous, l’agriculture française intégrée au projet d’Union européenne doit devenir un vecteur de protection et d’aménagement d’un environnement qui est trop souvent fragilisé, et un secteur exemplaire en matière de protection de la santé humaine et animale.

J’aurais enfin voulu connaître votre avis sur le renforcement des contrôles de production au niveau sanitaire et social. Que prévoyez-vous de mettre en place ou de développer, compte tenu des moyens logistiques et financiers qui vous seront alloués ?

Mme Chaynesse Khirouni. Le Gouvernement a exprimé l’idée de mettre en place des actions de groupe dans le domaine de la santé, sur le modèle de ce qui va exister, avec la loi Hamon, dans le domaine de la consommation. En matière sanitaire, le lien de cause à effet entre les défaillances et le produit incriminé est plus difficile à prouver qu’en matière économique, car cela suppose une expertise précise. L’ANSES pourrait, dès lors, jouer un rôle de conseil et mettre en lumière risques et dégâts sanitaires. L’Agence pouvant être saisie par les acteurs de la société civile, quel serait son rôle dans ces actions de groupe ?

Par ailleurs, l’ANSES semble très impliquée dans la lutte contre les conflits d’intérêts, ce qui est très positif. Mais des affaires récentes – je pense notamment au bisphénol A – nous amènent à nous interroger : comment l’Agence peut-elle renforcer son indépendance face aux agences européennes d’évaluation des risques sanitaires, qui semblent davantage soumises aux lobbies européens ?

Enfin, l’an dernier, le directeur général de l’ANSES, M. Marc Mortureux, a déclaré qu’il trouvait regrettable que le Parlement ne puisse pas saisir directement l’ANSES. Il est vrai que l’Agence est un outil précieux pour le travail parlementaire. Là encore, le rapport sur le bisphénol A en est un bon exemple. Quel est votre avis sur cette saisine ?

M. Laurent Marcangeli. Les différentes auditions que j’ai pu mener en tant que rapporteur de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, dans le cadre de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale 2014, ont révélé l’émergence de nouveaux risques, liés notamment au travail : nanotechnologies, champs électromagnétiques, etc.

L’ANSES est l’une des principales institutions chargées de pister, d’étudier, d’évaluer ces nouveaux risques. Voilà pourquoi je déplore qu’elle soit si souvent soumise à la critique. Le dernier exemple en date est le suivant : le rapport synthétisant plusieurs études consacrées à l’influence des ondes électromagnétiques sur la santé humaine, que l’Agence a publiée il y a un mois environ, a fait l’objet d’attaques plus ou moins sévères de la part de plusieurs associations. L’Agence serait en retard, par exemple, sur la question de la 4 G. Pire : son rapport serait « politique ».

L’Agence doit traiter de questions très sensibles – OGM, pesticides, etc. – et à chaque fois, c’est l’indépendance de l’expertise scientifique qui est pointée du doigt. M. Mortureux, son directeur général, que notre commission a auditionné en juin dernier, nous a parlé des efforts considérables mis en œuvre par l’Agence pour renforcer son indépendance. Vous qui allez fixer les orientations générales de l’Agence et qui interviendrez dans la fixation des règles de déontologie, quel regard portez-vous sur ces critiques récurrentes ? Et que comptez-vous faire pour rétablir un lien de confiance avec le citoyen ?

M. Gérard Sebaoun. Diriez-vous que la greffe entre l’AFSSA et l’AFSSET a pris ? Moi qui m’intéresse beaucoup à la santé au travail, je me demande si cette question n’est pas en quelque sorte la « queue de comète » des missions de l’Agence.

Le budget de l’ANSES dépend de cinq ministères. Ne peut-on envisager un financement plus simple ?

Comment concevez-vous la coopération entre l’Agence et la nouvelle commission déontologique de l’environnement, mais également entre l’Agence et les lanceurs d’alerte ?

Mme Isabelle Le Callennec. Dans le cadre de ses missions d’évaluation et d’expertise dans le domaine de la santé publique, quelles sont les recommandations de l’ANSES concernant les champs électromagnétiques et leurs conséquences sur la santé des personnes qui vivent à proximité des lignes à très haute tension (THT) ?

La ligne THT Cotentin-Maine est en cours de réalisation. À plusieurs reprises, les élus et les associations ont demandé aux ministères en charge de la santé et de l’environnement de se pencher sur les conséquences des champs électromagnétiques pour la santé humaine, mais ne recevant aucune réponse, ils se sont dirigés vers d’autres centres de recherche soi-disant indépendants. Ils ont ainsi demandé au CRIIREM (Centre de recherche et d’information sur les rayonnements électromagnétiques non ionisants), situé au Mans, qui avait déjà réalisé une première étude intitulée « Enquête citoyenne Vivre sous une ligne THT », de réaliser une seconde étude. Quelle sera la valeur de cette étude, sachant qu’elle aurait dû être réalisée par l’ANSES et que l’exposition aux champs électromagnétiques fera nécessairement l’objet d’une harmonisation européenne ? Pourquoi l’ANSES ne s’est-elle pas saisie d’une question aussi importante ?

M. Christian Paul. L’ANSES a pour mission non seulement de procéder à des évaluations les plus objectives possibles, mais également de communiquer, et cela sur des sujets qui font l’objet d’informations disséminées et facilement accessibles sur Google. Comment comptez-vous aborder cette question, sachant que les expertises de l’Agence sont sans cesse confrontées à toutes sortes d’expertises, aux interventions des lanceurs d’alertes, mais également à des informations moins sérieuses, voire totalement paranoïaques ?

Mme Véronique Louwagie. Trois ans après la création de l’ANSES, en juillet 2010, suite à la fusion de l’AFSSA et de l’AFSSET, quel est, selon vous, l’état des lieux ? L’organisation de l’ANSES a-t-elle atteint son niveau optimum ou devra-elle être améliorée dans les années à venir ?

Les compétences de l’Agence en matière d’évaluation sont reconnues, qu’il s’agisse des politiques publiques, des procédures de recherche ou de formation. Vous avez évoqué les quatre défis de l’Agence : quelles actions spécifiques allez-vous proposer au conseil d’administration pour relever ces défis ? Ces actions seront-elles inscrites dans une démarche européenne, voire internationale ?

M. Bernard Perrut.  L’ANSES ne compte pas moins de 11 laboratoires de référence. Ses moyens, à la fois financiers, humains et matériels, sont-ils suffisants ? Seront-ils identiques dans les mois et les années à venir ?

En ce qui concerne les risques liés à l’exposition aux radiofréquences, les résultats que vous avez publiés récemment ne mettent pas en évidence d’effets sanitaires avérés et ne proposent pas d’instaurer de nouvelles valeurs limites d’exposition pour la population, pourtant ils mentionnent la survenue d’effets biologiques, chez l’homme comme chez l’animal. Certaines publications évoquent en outre le risque d’augmentation du nombre des tumeurs cérébrales. L’opinion publique se demande pourquoi l’ANSES se contente de recommander à la population de limiter ses expositions aux radiofréquences et aux téléphones mobiles. Comment justifiez-vous cette position intermédiaire ?

Enfin, je salue l’effort de communication engagé par l’ANSES, car on trouve sur son site Internet, et de façon très lisible, des informations très précises concernant la santé et le bien-être des animaux, la sécurité sanitaire des aliments et la santé des végétaux.

M. Rémi Delatte. Je remercie le professeur Houssin pour la concision et la transparence de sa présentation qui retrace ses qualités et son expérience professionnelle. Celles-ci seront précieuses à la tête de l’ANSES.

En dépit des divergences qui se sont manifestées entre les ministères de l’agriculture et de la santé à propos de la délivrance par les vétérinaires d’antibiotiques aux animaux, ils ont manifestement le même but : réduire la consommation d’antibiotiques.

Comment appréhendez-vous cet objectif, dont les conséquences sont nombreuses en termes de santé animale, d’alimentation humaine et de santé publique, mais également pour notre économie et pour les vétérinaires, les pharmaciens et les laboratoires pharmaceutiques ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. En matière de lutte contre la consommation d’antibiotiques, je vous rappelle que des mesures ont été prises par le Gouvernement.

M. Denis Jacquat. Je reviens sur la question de l’exposition aux radiofréquences, car en tant qu’élus nous sommes souvent interpellés par des associations qui, suite à l’implantation d’une antenne-relais, mettent en avant des études démontrant que la proximité d’une antenne est nocive pour les enfants et les personnes âgées notamment.

Je considère pour ma part qu’il n’existe pas de populations sensibles, car ou bien ces radiofréquences entraînent des pathologies, ou bien elles n’en entraînent pas.

J’attends de l’Agence qu’elle nous apporte le plus rapidement possible une réponse très précise, conformément à ses objectifs de transparence, de clarté, d’indépendance et de compétence, car actuellement nous sommes pris entre les associations et des cabinets d’expertise dont nous savons parfaitement qu’ils sont orientés. Les antennes-relais présentent-elles, oui ou non, des risques de pathologies ? Si oui, s’agit-il de pathologies à court, moyen ou long terme ? Car si tel est le cas, aucune antenne-relais ne devrait être installée près des habitations dans notre pays.

M. Bernard Accoyer. Le principe de précaution a été introduit dans la Constitution pour des questions liées à l’environnement, or il est mis en œuvre dans bien d’autres domaines, en particulier celui de la santé. Les questions de mes collègues illustrent parfaitement cette dérive.

Un important travail a été conduit ici même sous la précédente législature. Avec des parlementaires de tous les groupes politiques, des chercheurs et le concours précieux de l’OPECST – l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques – nous avons élaboré une résolution. Mais les peurs de notre civilisation sont souvent excessives et irrationnelles et certains surfent sur ces peurs pour développer leur commerce ou leur influence. Dans un tel contexte, la confiance de nos concitoyens à l’égard des médicaments et des vaccins est essentielle, pourtant elle a tellement diminué que la couverture vaccinale a régressé d’une façon telle que cela pourrait entraîner des pathologies graves, voire mortelles. Il y a donc lieu de préciser dans la loi le périmètre et les conditions d’application du principe de précaution. Seriez-vous prêt à participer à une réflexion, ouverte et consensuelle, comme celle qui a été organisée au cours de la dernière législature, afin d’élaborer une proposition de loi en ce sens ?

M. Arnaud Robinet. Je vous remercie, monsieur le professeur, pour la présentation de votre parcours qui impressionne beaucoup le praticien hospitalo-universitaire que je suis.

Je souhaitais, moi aussi, vous interroger sur les problèmes liés aux antennes téléphoniques ou sur le principe de précaution, mais mes collègues l’ayant fait avant moi je me contenterai de vous demander quels sont les rapports de l’ANSES avec les agences équivalentes européennes. Est-il possible de mener une politique commune dans ce domaine ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Monsieur Accoyer, la diminution des vaccinations est un problème inquiétant, j’en conviens, mais n’appartient-il pas plutôt à l’InVS (Institut national de veille sanitaire) ou à l’INPES (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé) d’assurer la veille sanitaire en la matière ?

M. Didier Houssin. Je vais tenter de répondre aux questions dans l’ordre où elles m’ont été posées, sachant que certaines réponses seront incomplètes. J’exerce mon activité dans le champ de la santé depuis moins de deux ans et il me faut redécouvrir un certain nombre de domaines, d’autant que les choses ont évolué. Je vous prierai d’excuser mon ignorance passagère.

Monsieur Touraine, je vous remercie pour l’appréciation que vous avez portée sur mon intervention.

S’agissant de l’expertise, le rapport de la Cour des comptes met l’accent sur la difficulté de concilier indépendance et compétence. Pour remédier à cette difficulté, la Cour suggère de procéder en deux temps. Il s’agirait de confier l’expertise, dans un premier temps, à un groupe d’experts très compétents – qui, de ce fait, ont souvent des liens avec l’industrie susceptibles d’entraîner la suspicion – et, dans un second temps, à un contingent d’experts peut-être moins reconnus mais d’une virginité totale en termes de liens d’intérêts. L’expertise passerait ainsi par une sorte de purgatoire avant d’entrer dans une phase de purification, ce qui produirait un avis établi sur la compétence et éliminerait les soupçons de liens d’intérêts. Voilà une modalité que nous pourrions envisager.

Une autre solution m’a été suggérée par mon expérience en matière de plans de santé publique. On avait placé à la tête de ces plans des personnalités scientifiquement compétentes mais en léger décalage par rapport au domaine du plan. Ainsi le professeur Joël Ménard avait été désigné à la tête du Plan Alzheimer, or il n’est pas neurologue, et le professeur Jean-Pierre Grünfeld était chargé du Plan Cancer, et il n’est pas cancérologue. Cette façon de procéder permettrait de concilier indépendance et compétence.

En ce qui concerne les ministères de tutelle, le produit final étant de nature sanitaire, il est de mon point de vue logique que le ministère de la santé regroupe l’ensemble des préoccupations sanitaires. C’est à mon avis la meilleure façon de construire la coopération interministérielle.

Je vous remercie, monsieur Door, pour votre appréciation. Oui, la fusion entre l’AFSSET et l’AFSSA est réussie puisque l’Agence est bien dirigée. Il est faux de penser que c’est en France que nous sommes les plus favorables à la parcellisation. D’ailleurs parmi les pays européens, l’ANSES représente une forme d’intégration des compétences, tandis qu’en Europe il existe une Agence européenne pour la sécurité alimentaire, une pour l’environnement, une pour la santé au travail, une pour les produits chimiques. Notre pays pourrait utilement inciter l’Europe à construire une agence sur le modèle de l’ANSES.

Je n’ai pas été président de France Transplant, monsieur le député, mais de l’Établissement français des greffes qui lui a succédé.

Monsieur Roumegas, pour avoir été auditionné à de nombreuses reprises par diverses commissions d’information et commissions d’enquête sur le sujet de la pandémie grippale, j’ai la ferme conviction que nous n’avons nullement à regretter les actions qui ont été conduites. Dans cette affaire, nous avons eu de la chance mais nous avons tout de même déploré quelques décès, et j’en veux beaucoup à ceux qui ont dissuadé ces personnes de se faire vacciner.

Madame Orliac, vous posez des questions difficiles auxquelles je ne suis pas tout à fait à même d’apporter une réponse. Quant au problème de la viande de cheval, il ne relevait pas de sécurité sanitaire mais de l’information des consommateurs.

Il est effectivement très important de concilier les attentes du public en termes de sécurité sanitaire et les activités agricoles. L’ANSES, par le biais de son conseil d’administration, rassemble autour de la table des personnes qui ont une préoccupation environnementale et des agriculteurs. Cela permet, sinon de rapprocher leurs points de vue, au moins de leur permettre de s’entendre et de se comprendre.

Je suis d’accord avec vous, l’activité agricole est absolument essentielle et vitale pour notre pays et pour l’emploi, mais nous devons nous soucier de son impact sur le plan sanitaire – je pense naturellement aux pesticides. Malheureusement, à ce jour, je n’ai pas de solution miracle à vous proposer.

Madame Khirouni, s’agissant des actions de groupe, je ne suis pas à même de vous répondre avec précision. Je rejoins Marc Mortureux en ce qui concerne la saisine de l’ANSES par le Parlement, mais les parlementaires ne sont-ils pas les mieux placés pour inscrire cette disposition dans la loi ?

Je vous remercie, monsieur Marcangeli, d’être intervenu à propos des risques liés au travail et d’avoir souligné que des efforts considérables ont été accomplis. La confiance envers l’impartialité des experts ne peut être abordée qu’à travers une attention extrêmement précise aux détails, concernant l’identification des liens d’intérêts, leur publicité, la manière de gérer les réunions. Il est important, voire inévitable, de « procéduraliser » de plus en plus l’expertise. Je vous renvoie à la suggestion que j’ai faite à l’un de vos collègues pour concilier indépendance et compétence. Je ne vois pas d’autre solution que d’alourdir la procédure, même si cela a un coût.

Monsieur Sebaoun, je vous remercie d’avoir fait référence à la greffe de l’AFSSA et de l’AFSSET. Il ne s’agit pas à mes yeux d’une greffe mais plutôt d’une fusion, d’un rapprochement, qui fonctionne beaucoup mieux que nous n’aurions pu le craindre au départ. Je ne crois pas, pour ma part, que la santé au travail soit la « queue de comète » du dispositif. J’ai même tendance à penser, après des relations suivies avec la Direction générale du travail, qu’une évolution très importante s’est produite dans ce domaine et que beaucoup, aujourd’hui, considèrent que la santé au travail doit être jugée à l’aune de la santé de l’ensemble de la population. C’est une évolution considérable. Nous devons parvenir à ce que les personnes qui travaillent bénéficient de la même qualité de santé que la population générale qui parfois, par son comportement, se place dans une situation plus difficile que les travailleurs.

Madame Le Callennec, la présence de lignes THT, notamment la ligne Cotentin-Maine, est un problème d’épidémiologie qui relève des compétences de l’Institut de veille sanitaire (InVS) dont le métier est centré sur l’épidémiologie, à savoir l’analyse de l’impact de tel ou tel dispositif sur la santé humaine. C’est pourquoi l’InVS a été sollicité pour mesurer l’impact de ces lignes sur la population. Je n’ai pas suivi les derniers développements, mais il aurait été préférable que l’InVS engage une étude sur ce sujet au lieu de laisser la CRIIREM le faire, ce qui au demeurant aurait évité de comparer des expertises contradictoires. C’est une question que je vous invite à poser à l’InVS, et je suis sûr que Mme Weber y répondra.

Monsieur Paul, s’agissant de la communication et du rôle de l’ANSES en la matière, il me semble que d’une manière générale la capacité des États pour agir sur les réseaux sociaux se situe à un stade embryonnaire... Nous l’avions constaté lors de la pandémie grippale, malgré quelques tentatives menées par le Gouvernement des États-Unis. Cela pose un problème démocratique. Il est intéressant à cet égard d’observer ce qui se passe en Chine. Nous verrons si un État très ferme parvient à contrôler tout ce qui se dit et s’échange sur Internet.

L’un de nos principaux objectifs, à l’avenir, sera de mettre en place une agence capable, dans son secteur de compétences, de jouer un rôle face aux réseaux sociaux. Nous devrons être plus proactifs sur le plan de la communication. Je ne sais pas comment nous y parviendrons, peut-être en nous appuyant sur les dernières données des sciences de la communication, mais nous devrons occuper cet espace de développement, notamment pour faire pièce à certaines rumeurs. Une étude récente montre en effet que le caractère viral des informations à composante négative est considérablement plus élevé que celui des informations dont le contenu est positif. Quoi qu’il en soit, ce sujet doit être abordé de manière méthodique.

Madame Louwagie, vous vous interrogez sur les moyens de l’Agence. Les documents qui m’ont été transmis par l’ANSES présentent une trajectoire financière qu’il n’est pas facile de maintenir vers le haut dans le contexte actuel. Il me semble qu’une mesure simple pourrait être prise pour faciliter la vie de l’ANSES et l’aider à mener à bien sa mission : il suffirait d’utiliser le produit des taxes européennes relatives à l’évaluation des produits phytosanitaires pour débloquer le plafond de la masse salariale de l’Agence. Mais je suppose que le ministère des finances ne sera pas favorable à cette idée…

Monsieur Perrut, vous attirez mon attention sur l’implantation territoriale de l’ANSES et ses moyens financiers. La Cour des comptes a effectivement souligné le fait que l’Agence comptait de nombreuses localisations en France, mais elle n’a pas recommandé d’en réduire le nombre. En fait, de nombreuses implantations sont des laboratoires ou des structures de recherche liés à des activités très particulières, les cochons ici, la volaille ailleurs, qu’il serait délicat de mélanger, au risque de voir se développer des élevages combinant plusieurs espèces qui présentent un grand risque sur le plan de la sécurité sanitaire.

Monsieur Delatte, en ce qui concerne l’usage des antibiotiques, mon expérience en matière de santé publique m’amène à penser que l’antibiorésistance et l’usage des antibiotiques sont parmi les sujets les plus importants dont doit s’occuper l’ANSES. En effet, l’antibiorésistance, la raréfaction des antibiotiques et l’engagement très limité de l’industrie dans ce secteur sont les principales menaces qui pèsent sur la santé humaine. Il est à cet égard essentiel de prendre en compte l’interaction entre la santé humaine et la santé animale. S’il est un sujet dans lequel je me serais volontiers investi intellectuellement, c’est bien celui-là, qui d’ailleurs est présenté comme un sujet majeur dans les recommandations de l’OMS.

Monsieur Jacquat, vous nous alertez sur la présence des antennes-relais et leurs conséquences pathologiques, mais en la matière la notion de pathologie n’est pas facile à définir car les antennes ne provoquent pas de maladies bien identifiées. L’angoisse ou l’inquiétude que provoque chez une personne l’implantation d’une antenne à proximité de son domicile est sans doute mal vécue, mais est-elle pathologique ? Il est vrai que l’installation des antennes a souffert d’un manque de communication et d’une impréparation qui ont conduit à des réactions d’anxiété et d’agressivité de la part de nos concitoyens.

Monsieur Accoyer, je partage votre point de vue quant à l’importance du principe de précaution, mais je pense qu’il n’existe pas dans notre pays de remise en cause du progrès scientifique et de la vaccination. Certaines fragilités subsistent sans doute, et la question du mésusage du principe de précaution en est l’une des manifestations. Cela dit, le principe de précaution est un progrès puisqu’il a permis aux autorités, dans des situations d’incertitude, de mener des actions proportionnées.

Il serait utile, en effet, de faire évoluer la législation afin de clarifier et de mieux encadrer l’usage du principe de précaution. Je suis prêt à participer à une réflexion en ce sens, mais je ne sais pas si j’aurai un rôle à jouer en qualité de président du conseil d’administration de l’ANSES, car ce point me paraît relever des compétences du Parlement et du Gouvernement.

Monsieur Robinet, je vous remercie pour les appréciations que vous avez formulées. La relation de l’ANSES avec les agences européennes est établie et se développe. Il serait effectivement intéressant de faire en sorte que le modèle de l’Agence, à savoir sa vision intégrée et transversale de différents risques, trouve un écho au niveau européen. Voilà une ambition intéressante, qui pourrait de surcroît avoir des conséquences positives sur le plan financier.

Madame la présidente, concernant la diminution des vaccinations je suis moins pessimiste que vous. Je pense en effet qu’en dépit de certaines faiblesses dues à un défaut de communication sur le risque encouru – je pense au vaccin contre la rougeole – la population française a confiance dans le progrès scientifique et dans les vaccins.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je vous remercie.

Je vous indique, mes chers collègues, que la déclaration d’intérêt de M. Houssin a été adressée par mail à chacun d’entre vous.

Par ailleurs, nous devions examiner le 5 décembre la proposition de loi du groupe UMP visant à lutter contre l’ambroisie à feuille d’armoise, l’ambroisie trifide et l’ambroisie à épis lisses. Mais à la lecture du texte de la proposition de loi, je me suis aperçue qu’elle ne relevait pas de notre commission mais de celle en charge de l’aménagement du territoire. J’ai donc demandé qu’elle soit renvoyée à la Commission du développement durable, ce qui a été accepté.

Je vous remercie.

La séance est levée à dix heures cinquante.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du Mardi 13 novembre 2013 à 9 heures 30

Présents. – M. Bernard Accoyer, M. Pierre Aylagas, Mme Gisèle Biémouret, Mme Kheira Bouziane, Mme Valérie Boyer, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Fanélie Carrey-Conte, Mme Martine Carrillon-Couvreur, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Rémi Delatte, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, M. Yannick Favennec, M. Richard Ferrand, Mme Hélène Geoffroy, M. Jean-Marc Germain, M. Jean-Patrick Gille, Mme Linda Gourjade, Mme Joëlle Huillier, Mme Sandrine Hurel, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Jean Leonetti, Mme Véronique Louwagie, M. Laurent Marcangeli, Mme Ségolène Neuville, Mme Dominique Orliac, Mme Luce Pane, M. Christian Paul, M. Bernard Perrut, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gérard Sebaoun, M. Dominique Tian, M. Jean-Louis Touraine, M. Olivier Véran

Excusés. – M. Céleste Lett, Mme Gabrielle Louis-Carabin, Mme Véronique Massonneau, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Monique Orphé, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Richard, M. Christophe Sirugue, M. Francis Vercamer, M. Jean-Sébastien Vialatte

Assistait également à la réunion. – M. Élie Aboud