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Commission des affaires sociales

Mercredi 8 janvier 2014

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 26

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Audition, ouverte à la presse, de M. Daniel Lenoir, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales

Information relative à la commission

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 8 janvier 2014

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission des affaires sociales entend M.  Daniel Lenoir, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Permettez-moi de commencer par souhaiter à tous une excellente année et une excellente santé, en remerciant ceux d’entre vous qui ont répondu aux vœux que je leur avais adressés par mail.

Nous avons beaucoup travaillé en 2013, dans des conditions parfois difficiles – qui, je l’espère, ne perdureront pas. Nous abordons cette nouvelle année avec le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale. Je vous souhaite beaucoup de courage, et compte sur vous pour maintenir la sérénité de nos débats en Commission.

Monsieur le directeur général, je vous remercie d’avoir accepté notre invitation. Nous avons souhaité vous entendre, comme nous entendons régulièrement les responsables des organismes concourant à la mise en œuvre des politiques relevant des compétences de la Commission, pour évoquer la politique familiale.

La majorité présidentielle soutient les familles par une redistribution plus juste, attendue par beaucoup d’entre elles, quels qu’en soient le modèle et la forme. Notre démarche tend d’abord à pérenniser notre politique familiale, et à l’adapter aux nouvelles attentes de nos concitoyens – je pense notamment au travail des femmes. Le recentrage de la politique familiale sur les familles modestes, notamment monoparentales, constitue également un axe majeur de notre action. Plusieurs mesures ont été adoptées pour pallier l’effet faiblement redistributif des prestations familiales. Je pense à la revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire (ARS) dès le mois de septembre 2012, à la création d’un complément familial majoré pour les familles nombreuses vivant sous le seuil de pauvreté, à la modulation de l’allocation de base de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) selon les ressources, ou encore à la suppression du complément de libre choix d’activité majoré.

La nécessaire conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle constitue un autre objectif majeur. Le Plan crèche, présenté par le Premier ministre le 3 juin 2013, répond à une aspiration légitime des parents, avec le développement de 275 000 nouvelles solutions d’accueil pour les tout-petits dans un délai de cinq ans.

La politique familiale mobilise également notre Commission. La Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), coprésidée par nos collègues Jean-Marc Germain et Pierre Morange, a décidé de se pencher sur son financement. Notre commission a aussi mis en place une mission d’information sur les caisses d’allocations familiales (CAF), présidée par M. Francis Vercamer, dont le rapporteur est M. Christian Hutin. Vous allez d’ailleurs participer aux travaux de ces deux instances.

M. Daniel Lenoir, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). Je souhaite à mon tour à vous-même, madame la présidente, et à l’ensemble des membres de la Commission, une bonne année, une bonne santé, et beaucoup de bonheur dans vos parcours personnels.

Comme vous le savez, la branche famille a notamment vocation à accompagner les familles dans leurs parcours de vie, quel qu’en soit le modèle. J’ai plaisir à retrouver ceux d’entre vous que j’ai eu l’occasion de rencontrer dans mes précédentes fonctions, qu’elles soient nationales ou régionales, comme M. Vercamer, que j’ai connu lorsque j’étais directeur de l’Agence régionale de santé (ARS) de la région Nord-Pas-de-Calais. Je suis à la disposition de la mission d’information dont vous lui avez confié la présidence ; je serai par ailleurs auditionné la semaine prochaine par la MECSS, avec le président du conseil d’administration de la CNAF, sur le financement de la branche famille. Je n’aborderai donc pas ce sujet – qui est loin de relever de ma seule compétence – dans mon exposé liminaire.

La branche famille de la sécurité sociale est chargée d’un certain nombre de politiques publiques sociales, à savoir la politique familiale, mais aussi certaines politiques de solidarité. Les CAF gèrent ainsi les fonds du revenu de solidarité active (RSA) – même s’il ne s’agit pas de fonds de la sécurité sociale – pour le compte des départements.

L’objet de mon exposé est de vous présenter les grandes priorités de la convention d’objectifs et de gestion (COG) entre l’État et la CNAF pour la période 2013-2017, qui affiche de grandes ambitions en matière de politique familiale. Vous le savez, les conventions d’objectifs et de gestion ont été instituées par l’ordonnance du 24 avril 1996. Elles permettent de fixer les objectifs des différentes branches de la sécurité sociale en matière de mise en œuvre des politiques publiques, mais aussi les conditions de leur gestion. Bien qu’elles fassent l’objet d’une moindre publicité que les textes de loi, elles portent donc de vraies ambitions.

La nouvelle COG de la CNAF a été signée le 16 juillet 2013. Dès mon arrivée à la tête de la CNAF, début septembre, je me suis attaché à la mettre en œuvre au travers de dispositifs qui peuvent être regroupés autour de trois thématiques.

La première est le développement de services aux familles, à l’enfance et à la jeunesse, qui tendent de plus en plus à accompagner le versement des prestations légales de sécurité sociale par la branche famille. J’ai participé il y a une vingtaine d’années à des travaux de comparaison entre la politique familiale en France et dans les pays scandinaves. À l’époque, nous avions mis en évidence la nécessité de développer les services d’accueil de l’enfance et de conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle. La politique familiale portée par la CNAF s’oriente aujourd’hui délibérément dans cette voie. Sur les 82 milliards d’euros de budget gérés par la branche famille, 10 % relèvent désormais du Fonds national d’action sociale (FNAS), contre 5 % il y a une dizaine d’années. Les ressources du FNAS augmenteront d’environ 2 milliards d’euros sur la durée de la COG, pour passer de 4,6 à 6,6 milliards. C’est dire l’importance de ce développement de services aux familles, à l’enfance et à la jeunesse.

La deuxième thématique concerne la réponse à apporter aux difficultés d’un certain nombre de nos concitoyens à accéder à ces services et à faire valoir leurs droits. Cela suppose bien sûr que ces services existent, mais aussi que les conditions d’accès à ceux-ci – procédures, information – soient assurées.

Je ne dissocie jamais la question de l’accès aux droits de celle de la lutte contre la fraude, qui conditionne le consentement à la solidarité. Le Président de la République a d’ailleurs rappelé lors de ses vœux aux Français la nécessité absolue de lutter contre les abus et les fraudes.

La troisième thématique de cette COG est sans doute celle qui a suscité le plus de commentaires dans la presse au moment où elle a été négociée : il s’agit de la gestion de la branche elle-même – et de l’efficience de cette gestion. Là encore, le Président de la République a été très explicite, lors de ses vœux, sur les nécessaires efforts d’économies et de gestion auxquels la branche famille participe – j’y reviendrai.

Permettez-moi maintenant, sans entrer dans le détail de ces trois chapitres, d’illustrer leur mise en œuvre. Les politiques sociales relèvent certes du législateur et du pouvoir réglementaire, mais elles sont aussi – bien souvent – un art d’exécution. Autrement dit, les conditions de mise en œuvre sont parfois aussi importantes que les politiques qui ont été définies.

S’agissant du développement de services aux familles, à l’enfance et à la jeunesse, un axe particulièrement important sera celui du développement de l’accueil de la petite enfance. En matière d’accueil des enfants de moins de trois ans, le taux de couverture s’établit aujourd’hui à environ 50 % sur l’ensemble du territoire. Il est donc insuffisant pour répondre aux besoins des familles, avec de fortes inégalités territoriales et sociales, de même que dans la prise en charge des situations de handicap. La COG fixe un objectif ambitieux d’ouverture de 275 000 places, dont 200 000 relevant de la branche famille, les 75 000 autres relevant de l’éducation nationale. 100 000 de ces 200 000 places doivent être ouvertes au titre de l’accueil collectif, et 100 000 au titre de l’accueil individuel – c’est-à-dire des assistantes maternelles. Il s’agit d’un effort à peu près équivalent à celui prévu dans la précédente COG. La nouveauté réside dans l’objectif d’accessibilité sociale – avec un objectif d’accueil de 10 % d’enfants issus de familles pauvres dans les crèches – et de rééquilibrage territorial.

L’Observatoire national de la petite enfance, qui est piloté par la CNAF, mais dont les statistiques sont alimentées par l’ensemble des organismes d’observation, a publié il y a quelques semaines son rapport statistique, qui confirme qu’en matière d’accueil des enfants de moins de trois ans, le taux de couverture varie de 10 % à 90 % selon les départements. Le rééquilibrage territorial passera par des schémas départementaux d’accueil de la petite enfance, et plus généralement de soutien à la parentalité, élaborés par une commission dont le Gouvernement entend faire évoluer la composition dans le cadre de la loi famille. Sans attendre celle-ci, nous allons préfigurer ces schémas départementaux dans 16 départements. Je pense notamment, en ce qui concerne le soutien à la parentalité, aux dispositifs de médiation, qui sont très appréciés, mais paradoxalement peu développée. Nous avons donc un objectif ambitieux de développement de ces dispositifs. Tout cela sera fixé dans le cadre des schémas départementaux. Seront donc réunies par les préfets, dans les 16 départements préfigurateurs, des commissions auxquelles participeront les CAF et l’ensemble des collectivités territoriales concernées, pour élaborer ces schémas départementaux et attribuer les dispositifs de rééquilibrage, sachant que nous disposons d’un fonds de rééquilibrage pour accompagner ce rééquilibrage territorial.

Je souhaite également évoquer la réforme de l’allocation de soutien familial (ASF), appelée à être remplacée par un mécanisme de garantie contre les impayés de pensions alimentaires. Là encore, nous allons préfigurer le nouveau dispositif dans vingt départements. Il s’agit d’une nouvelle prestation légale, qui constituera une pension alimentaire minimale et incitera les caisses à faire les recours nécessaires auprès des débiteurs de pensions alimentaires. La préfiguration devrait nous permettre de généraliser cette nouvelle prestation sur l’ensemble du territoire dans une échéance qui devrait être ramenée à dix-huit mois, au lieu des trois ans initialement prévus. Nous mesurons ici la force du lien entre les prestations légales et les services pouvant être rendus par la branche famille : non seulement la prestation légale – qui sera une allocation différentielle – sera servie, mais la CAF jouera un rôle d’intermédiaire dans les recours intentés par les créanciers – le plus souvent des créancières – contre les débiteurs défaillants.

Le conseil d’administration de la CNAF a d’autre part été saisi hier d’une modification de ses dispositifs d’accompagnement de la réforme des rythmes scolaires – pour ma part, je préfère parler de réforme des rythmes éducatifs. La branche famille est très engagée dans cette réforme sur la partie « activités périscolaires », puisque les dispositifs prévus sur les trois heures qui ont été libérées sont financés par les CAF. Cela a posé un certain nombre de difficultés de mise en œuvre, que l’Association des maires de France (AMF) a d’ailleurs soulevées. L’application du décret du 2 août 2013 conduisait en effet à une distorsion entre les normes d’encadrement des activités périscolaires sur les plages horaires libérées par la réforme et des activités périscolaires habituelles. Suite aux discussions qui ont été conduites sous l’égide du cabinet du Premier ministre, nous allons ouvrir la possibilité de financer les autres heures dans la continuité des heures d’activités périscolaires, dès lors que la CAF a signé un plan éducatif de territoire, qui permet de garantir qu’il y a bien une continuité des activités, durant une période de transition de six mois. Cela nous permettra d’avoir une meilleure appréciation du fonctionnement du dispositif – qui ne concerne à ce jour que 20 % de la population scolaire – sur le terrain, afin de pouvoir le généraliser dans de bonnes conditions à la prochaine rentrée. Il est clair que cette année, nous avons « essuyé les plâtres », notamment sur cette question de la distorsion entre les activités ayant lieu sur les heures libérées par la réforme et les autres activités périscolaires.

L’accès aux droits et aux services – conditionné par l’existence de ces services – constitue le deuxième axe de la COG. Il est par exemple prévu, pour ce qui concerne l’accueil de la petite enfance, de faire passer le taux de couverture de 52 % à 70 % sur la durée de la COG. Dans les départements où ce taux s’élève déjà à 90 %, on peut considérer que la capacité d’accueil est suffisante ; mais dans les départements où il ne dépasse pas 20 % à 30 %, on peut considérer que l’accès au service n’est pas garanti.

Par ailleurs, il faut que les familles et les personnes concernées aient connaissance de leurs droits et des conditions dans lesquelles elles peuvent accéder aux services. C’est un point souvent mal traité dans notre pays. À titre d’exemple, un tiers des bénéficiaires potentiels du RSA socle n’en bénéficient pas, et la proportion approche les deux tiers pour le RSA activité. Il en va de même, dans une moindre proportion, pour les allocations logement.

La thématique de l’accès aux droits est donc particulièrement importante. Cet accès repose d’abord sur la capacité de contact des CAF. C’est pourquoi la COG prévoit que les caisses élaborent des plans d’accessibilité aux services et aux droits, qui utilisent tous les moyens de contact : points d’accueil physique, aujourd’hui au nombre d’environ 2 000, plateformes téléphoniques, et enfin internet, avec les sites caf.fr pour les télé-déclarations et mon-enfant.fr pour l’accueil de la petite enfance. À ces points de contact s’ajoutent les outils d’information tels que le magazine Vies de famille, adressé à l’ensemble des allocataires, que nous sommes en train de moderniser pour l’adapter au monde de l’internet. Pour l’anecdote, il a pris la suite de la revue Bonheur, créée en 1945.

Les plans d’accessibilité aux services et aux droits – que les caisses sont donc en train d’élaborer – doivent permettre d’optimiser ces différents outils, y compris dans le cadre de partenariats. Je pense ici aux relais services publics (RSP), à l’expérimentation desquels les CAF ont largement participé, qui devraient nous permettre de multiplier les points de contact avec les allocataires.

Mais il ne suffit pas d’avoir des contacts : il faut aussi pouvoir faire le point sur les droits de chacun. Pour cela, nous prévoyons d’organiser 100 000 « rendez-vous des droits » annuels. Il s’agit de dispositifs « pro-actifs » : l’idée est d’aller vers les allocataires potentiels au lieu d’attendre qu’ils fassent valoir leurs droits. Dans un premier temps, nous allons principalement utiliser les demandes de RSA, qui sont l’occasion de faire le point sur l’ensemble des droits auxquels peuvent prétendre les demandeurs.

La problématique de l’accès aux droits recouvre également celle de la simplification des procédures – dont le Président de la République a également rappelé la nécessité dans ses vœux aux Français. Nombre de dossiers sont trop complexes à remplir. Néanmoins, je le redis, cette question ne doit jamais être dissociée de celle de la lutte contre la fraude. Nous avons renforcé cette dernière en faisant un effort conséquent, grâce à l’utilisation de techniques dites de data mining, c’est-à-dire de ciblage des contrôles, qui ont permis d’augmenter le montant des fraudes détectées de 20 % entre 2011 et 2012. Ces techniques reposent sur un ciblage des contrôles sur les situations les plus susceptibles d’être à l’origine de fraudes. Il est important de le rappeler, car les simplifications reposeront souvent sur des dispositifs de télé-déclaration, qui conduisent à ne pas demander de pièces justificatives. En contrepartie, les allocataires doivent pouvoir les présenter lors des contrôles. Nous avons d’ailleurs obtenu, lors du comité interministériel pour la modernisation de l’action publique (CIMAP) du 18 décembre, la suppression de la production d’une pièce lourde à gérer, le certificat de scolarité pour les 16-18 ans ouvrant droit à l’ARS. Cela suppose évidemment des contrôles réguliers, débouchant le cas échéant sur des sanctions, pour vérifier qu’il n’y a pas de fausse déclaration.

Si le montant financier de la fraude – 120 millions d’euros – peut paraître important, il reste relativement faible au regard des 82 milliards gérés par la branche famille. Beaucoup d’entreprises – je pense notamment aux banques – n’investiraient pas autant de moyens dans la lutte contre cette fraude, dont la rentabilité est parfois faible. Mais chaque fraude, si petite soit-elle, est un coup de canif dans la solidarité qui nuit gravement au consentement à la solidarité. Car si les organismes que nous sommes ne savent pas toujours que tel allocataire bénéficie de prestations auxquelles il n’a pas droit, les voisins ou les amis, eux, peuvent le savoir, et cela a un effet délétère sur la solidarité. C’est aussi – et sans doute d’abord – pour cela qu’il est nécessaire de lutter contre la fraude, et c’est pourquoi la COG nous fixe des objectifs de renforcement dans ce domaine. Cela passe par les outils de data mining et par le ciblage des contrôles – qui est une façon d’améliorer leur qualité.

J’aimerais également que nous puissions faire évoluer les « rendez-vous des droits » en adoptant une démarche beaucoup plus « pro-active », elle aussi fondée sur les outils de data mining, qui permette de les cibler vers les personnes qui sont susceptibles de bénéficier des prestations. Cela nécessitera des échanges d’informations avec d’autres administrations, notamment l’administration fiscale.

J’en viens à la troisième thématique de cette COG, à savoir la gestion de la branche famille. Je n’aime guère l’expression – souvent utilisée dans les conventions d’objectifs et de gestion – de « choc de productivité » ou de « choc de simplification », non que je n’adhère pas à cette idée, mais parce que l’amélioration de la productivité et la simplification nécessitent à mon sens un effort continu.

Nous participons à l’effort de réduction des coûts de gestion du service public. Cela se traduit principalement par le non-remplacement d’un départ à la retraite sur cinq sur la durée de la COG. Mais dans la mesure où les CAF ont eu à faire face à un afflux de demandes important dans les dernières années, donc à des difficultés pour absorber la « production » supplémentaire, il est prévu dans un premier temps une augmentation des effectifs de 700 personnes, dont 500 dans le cadre des emplois d’avenir et 200 embauchées à partir du 1er janvier. Mais à partir de 2015, il nous faudra restituer des emplois. Or nous sommes confrontés à une augmentation de l’activité. À titre d’exemple, le nombre d’allocataires du RSA a augmenté de 7,5 % sur une année. Cela exigera un effort de productivité pour les caisses les moins productives, qui devront se rapprocher de la moyenne, sachant que les écarts de productivité entre caisses varient parfois de plus de un à deux, alors qu’elles ont toutes le même modèle d’activité. Cela suppose aussi un effort de mutualisation. Sous la précédente COG, la branche famille a organisé son réseau – à deux exceptions près, mais qui seront réglées – sur une base départementale. La Caisse du Nord, que je connais bien, a ainsi regroupé les huit CAF du département. Toutefois, elle n’est pas un bon exemple pour illustrer mon propos, puisqu’elle est importante en taille. En revanche, d’autres caisses départementales n’ont pas la taille suffisante pour répondre à leurs objectifs de production. Nous ne préfigurerons donc pas la nouvelle prestation appelée à remplacer l’ASF, qui requiert une expertise en matière de contentieux et de recouvrement, dans toutes les caisses, mais seulement dans vingt caisses, qui exerceront par la suite cette activité pour le compte des autres caisses de la région. Cet effort de mutualisation permettra de réaliser des économies d’échelle sur un certain nombre d’activités.

Enfin, nous pouvons gagner en productivité par la simplification. Ce qui est compliqué pour les allocataires est aussi une charge pour les caisses. Le développement de la télé-déclaration aboutit ainsi à une diminution considérable de la charge pour les caisses, qui disposent aujourd’hui toutes d’ateliers de scannérisation qui « absorbent » l’ensemble des papiers adressés par les allocataires, afin que le liquidateur puisse ensuite traiter les dossiers. Le développement de la télé-déclaration nous permettra donc d’instaurer des dispositifs de liquidation plus opérationnels.

Il est vrai que la simplification est très compliquée – comme le disaient les Shadoks, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué, ou pourquoi se compliquer la vie à tout simplifier quand il est si simple de tout compliquer ? Le législateur et l’administration ajoutent régulièrement de la complexité aux dispositifs existants. Simplifier exige donc une expertise de chacune des procédures, que nous sommes en train de conduire, selon une approche qui peut être qualifiée d’industrielle. En effet, il y a des endroits où l’on peut gagner sans nécessairement simplifier, par exemple en améliorant l’accessibilité aux pièces justificatives, et d’autres où l’on peut simplifier en supprimant des pièces justificatives – qui sont parfois redondantes. À cet égard, le CIMAP du 18 décembre a pris une décision importante sur notre proposition : lorsqu’on dispose de quatre déclarations trimestrielles de revenus à zéro, on ne demandera plus aux bénéficiaires du RSA de confirmer qu’ils n’ont pas touché de revenus durant l’année écoulée.

Il faut donc une analyse de l’ensemble des processus. M. Arnaud Rozan, directeur de l’évaluation et de la stratégie, qui m’accompagne, pilote notre démarche – qui consiste, à chaque fois qu’il y a une nouvelle procédure, à conduire une étude d’impact sur trois aspects : l’accès pour les bénéficiaires potentiels, la charge en termes de gestion, et la sécurité des paiements, afin de payer à bon droit, ce qui est l’un des objectifs de la COG.

Je terminerai sur deux idées. La nouvelle COG traduit une politique familiale exigeante et ambitieuse, qui s’adresse à tous les types de familles, et notamment les familles monoparentales, mais aussi une plus forte territorialisation de cette politique. Le maillage départemental des CAF est adapté à l’organisation administrative d’aujourd’hui, l’échelle étant identique à celle des conseils généraux qui sont responsables de l’action sociale, comme à celle des services de l’État en charge de la cohésion sociale. C’est le maillage pertinent pour établir des partenariats avec l’État et les collectivités locales, mais aussi les associations ; c’est aussi dans ce cadre que nous allons organiser la programmation de nos actions, et élaborer les schémas territoriaux d’accueil de la petite enfance et d’aide à la parentalité, ainsi que les plans d’accessibilité aux services et aux droits. C’est désormais la maille de gestion de la branche famille, avec une CAF – entreprise privée chargée d’une mission de service public, selon une jurisprudence très ancienne – dans chaque département.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Permettez-moi de présenter aussi mes vœux à l’ensemble de l’administration qui nous seconde au jour le jour dans nos travaux, et qui travaille dans des conditions aussi difficiles que nous – je pense notamment au bruit. Vous aurez compris que je vous invite à être un peu plus silencieux en 2014…

La COG vous a été adressée par mail hier soir, et a été distribuée à l’entrée de la salle. Avant de donner la parole à mes collègues, je voudrais revenir sur les propos du Président de la République concernant la fraude. Je rappelle que la fraude sociale n’est pas seulement le fait des allocataires, mais aussi celui des professionnels de santé, sans oublier le travail dissimulé. Bref, le champ de la fraude sociale dépasse largement les seuls bénéficiaires des prestations.

Vous avez raison d’insister sur l’accès aux droits : il importe de s’intéresser aussi, dans un juste équilibre, à ceux qui ne bénéficient pas des prestations auxquelles ils auraient pourtant droit, par méconnaissance du système – nous en connaissons tous. Or notre système de protection sociale est un amortisseur social en période de crise, et nous y sommes je crois tous attachés.

Mme Marie-Françoise Clergeau. La politique familiale passe notamment par la convention d’objectifs et de gestion (COG), qui lie la CNAF à l’État pour cinq ans. Cette nouvelle COG est un outil de gestion essentiel, et ses dispositions sont importantes dans le contexte d’endettement public que nous connaissons. Rappelons que depuis 2003, la branche famille n’a connu que deux exercices excédentaires, et a cumulé plus de 12 milliards d’euros de déficit. Ces déficits sont le résultat de l’alourdissement des charges et des transferts opérés au détriment de la branche. C’est pourquoi il était urgent de pérenniser son financement et d’améliorer ses comptes.

Au-delà de ces objectifs de gestion, la nouvelle COG trace les contours de la politique publique en faveur de toutes les familles, en développant deux grands types d’outils : les prestations financières et les services d’action familiale. Elle va permettre une politique d’action sociale ambitieuse, puisque ses ressources vont augmenter de 7,5 % par an pendant cinq ans. Elle permettra aussi la mise en œuvre d’un plan d’accueil de la petite enfance mieux ciblé sur les familles défavorisées et les territoires sous-dotés, qui contribuera à la réalisation de l’objectif global de création de 275 000 nouvelles solutions d’accueil en cinq ans.

Je reprends volontiers à mon compte les propos de Mme la présidente sur la fraude. Si celle-ci doit être combattue dans tous les domaines, son montant – 120 millions d’euros – ne représente que 0,0015 % du budget géré par la branche famille. Veillons donc à ne pas stigmatiser les familles, comme le font hélas trop souvent certains de nos collègues. L’essentiel de la fraude n’est pas le fait des familles : il est plutôt à rechercher du côté du travail au noir, ou d’autres formes de fraude.

Je vous poserai quatre questions. Tout d’abord, où en sont vos réflexions et vos expérimentations sur la médiation familiale, destinée à accompagner les familles qui font face à la séparation des parents ou qui souhaitent l’éviter ?

Ensuite, vous prévoyez de renforcer l’accès effectif aux droits par 100 000 « rendez-vous des droits » destinés à aider les allocataires à accéder à l’ensemble de leurs droits sociaux. Or certaines CAF ont déjà mis en place des actions en ce sens. Existe-t-il déjà un échange sur les bonnes pratiques ? Comment s’organisera le partenariat avec les acteurs de la lutte contre l’exclusion et la pauvreté ?

Ma troisième question porte sur l’expérimentation du versement du complément optionnel de libre choix d’activité (COLCA), congé parental plus court et mieux rémunéré, aux parents de deux enfants dans le projet de loi relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes – amendement que j’ai soutenu avec plusieurs de mes collègues. Quel est votre sentiment sur cette expérimentation, qui pourrait favoriser le retour à l’emploi des parents qui cessent leur activité professionnelle pour s’occuper de leurs enfants ?

Enfin, la COG prévoit le recrutement de 700 emplois en 2013 et 2014. Toutefois, 1 000 postes devront être restitués à l’État en 2017. Comment la CNAF et le réseau des CAF procéderont-elles, dans une gestion toujours plus fine de leurs ressources humaines, et quelle sera la part des différentes solutions – mutualisation d’effectifs ou de brigades, simplification de certaines procédures, dématérialisation des démarches ? J’aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur la simplification.

M. Jean-Pierre Door. Je vous adresse à mon tour tous mes vœux, madame la présidente, ainsi qu’à M. Lenoir, que j’ai eu l’occasion de rencontrer dans d’autres circonstances au cours de sa carrière.

Nous ne manquerons pas d’examiner en détail les 23 fiches thématiques de cette COG, qui constituent une précieuse information.

En ce qui me concerne, les relations que j’ai avec les CAF sur le plan local sont tout à fait satisfaisantes.

Les partenariats mis en œuvre avec les communes, notamment lorsque l’on crée des crèches, doivent être poursuivis. Les centres communaux d’action sociale (CCAS) font également souvent appel aux CAF dans le domaine des aides sociales ; cela doit être poursuivi. En revanche, j’observe un retrait des financements des CAF en ce qui concerne les actions de soutien des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS). Il faudra veiller à ce qu’elles ne se retirent pas complètement de la politique de la ville.

Vous indiquez en page 17 que le taux de personnes ayant un numéro d’identification au répertoire (NIR) certifié est désormais supérieur à 99 %. Je m’en félicite : ce registre national doit permettre d’améliorer la gestion et de lutter contre la fraude.

Comment comptez-vous améliorer la politique active de lutte contre la fraude ? Privilégierez-vous les contrôles sur place, réclamés par de nombreux élus, ou les contrôles à distance ? Ce n’est pas la même chose : pour trouver, encore faut-il chercher. Pour constater une fraude à l’aide personnalisée au logement (APL), il est impératif de se rendre sur place. En tant que maire, j’ai eu à connaître d’un cas où le fraudeur déménageait lorsqu’il savait que le contrôleur allait venir !

Je suis tout à fait favorable à une restructuration de l’offre sur les territoires. La MECSS avait d’ailleurs fait des propositions en ce sens. C’est un regroupement au niveau départemental qui a été choisi. Peut-on envisager une sorte de guichet unique au niveau des bassins de vie, afin de maintenir une certaine proximité ? Beaucoup d’élus seraient prêts à aider les CAF à assurer une présence au sein des maisons des services publics, des mairies ou des CCAS.

Sachant que les recettes de la branche famille s’élèvent à quelque 57 ou 60 milliards d’euros par an, dont 37 milliards provenant des cotisations salariales et patronales, et que le Président de la République a proposé, après le Haut Conseil du financement de la protection sociale, de réduire les charges des entreprises, quelles sont les pistes de financement envisagées pour compenser cette baisse ?

Ma dernière question concerne le partenariat avec les conseils généraux. Les départements, qui sont durement touchés par la crise financière, se demandent comment ils vont répondre à l’accroissement du nombre d’allocataires du RSA, et quelle sera la politique de la CAF en la matière.

M. Francis Vercamer. J’adresse également mes meilleurs vœux à l’ensemble des membres de la Commission, ainsi qu’à son personnel.

Je ne puis cependant vous rejoindre sur votre analyse de la politique familiale du Gouvernement, madame la présidente : je crains qu’en réduisant le quotient familial, on n’aille pas dans la bonne direction.

Je souhaite la bienvenue à M. Lenoir, que je connais bien puisqu’il a été directeur de l’Agence régionale de santé de la région Nord-Pas-de-Calais pendant plusieurs années, et que je retrouverai avec plaisir dans le cadre de la mission d’information que nous avons mise en place sur les CAF.

La nouvelle COG et la départementalisation des CAF – qui a eu des conséquences importantes dans le Nord, comme vous l’avez rappelé – induisent une certaine instabilité financière pour les collectivités territoriales, mais aussi pour l’ensemble de leurs partenaires. Quelles mesures entendez-vous prendre pour stabiliser la situation et assurer la visibilité à court terme dont nous avons besoin ?

J’en viens à la réforme des rythmes scolaires. Vous avez limité l’aide à un montant par enfant. Comptez-vous la développer à l’avenir, sachant que celle du Gouvernement sera limitée dans le temps ?

Le Gouvernement claironne à qui veut l’entendre que le droit commun, notamment en matière de politique de la ville, doit être la norme de financement. Avez-vous signé – ou comptez-vous signer – une convention avec le ministère de la ville pour un financement prioritaire dans la géographie prioritaire ? Si oui, quels en sont les termes ?

La fiche n° 7 porte sur l’amélioration des parcours d’insertion des personnes et des familles en situation de précarité, qui est un aspect très important. Quelle forme prendra « l’accompagnement social adapté et renforcé » que vous entendez proposer aux familles monoparentales ayant de jeunes enfants pour concilier vie familiale et insertion ? Comment se mettra-t-elle en place avec le département et les autres structures œuvrant dans le secteur de l’insertion sociale ?

J’en viens à la simplification administrative. Quelles simplifications envisagez-vous vis-à-vis des usagers, des collectivités territoriales et des partenaires des caisses ?

En ce qui concerne l’accès aux droits, comment ferez-vous en sorte que ceux qui en ont le plus besoin fassent valoir leurs droits ? Quels partenariats mettrez-vous en œuvre ? Envisagez-vous, par exemple, des conventions avec les collectivités territoriales ou les instances de quartier ?

Enfin, je voudrais poser le problème des indus. Nous rencontrons tous dans nos permanences des allocataires à qui l’on réclame le remboursement d’un trop-perçu qu’ils ne savent comment financer. C’est parfois source de drames. Comment comptez-vous traiter ce sujet ?

Mme Véronique Massonneau. Concernant la réduction des inégalités territoriales en matière d’accueil des jeunes enfants, qui fait l’objet de la fiche thématique n° 1, pouvez-vous nous expliquer plus en détail les modalités de ciblage et d’identification des territoires prioritaires ? La création des places d’accueil collectif sera-t-elle financée par les économies réalisées grâce à la réforme du CLCA ?

L’expérimentation du tiers-payant pour le complément de libre choix du mode de garde avait été proposée dans le PLFSS pour 2013. Votre plan d’action prévoit de la mettre en place en 2014. Pouvez-vous nous préciser le calendrier et les moyens d’évaluation de cette expérimentation ?

Le renforcement des relais assistantes maternelles (RAM) est une excellente nouvelle. Dans mon département de la Vienne, ces relais sont des supports indispensables, qui fonctionnent de manière exemplaire.

La fiche n° 2 concerne la structuration d’une offre « enfance jeunesse » adaptée aux besoins des familles. Pourriez-vous dresser un premier bilan de l’accompagnement de la mise en place de la réforme des rythmes éducatifs ?

La fiche n° 3 est consacrée au soutien à la fonction parentale. L’idée de faire évoluer le fonds national REAAP – réseaux d’écoute, d’appui et d’accompagnement des parents – vers un fonds « parentalité » semble une bonne chose, surtout si elle permet une plus grande visibilité pour les parents. Quels moyens comptez-vous mettre en œuvre pour permettre cette évolution ? Pouvez-vous nous présenter le bilan des REAAP au vu des objectifs annoncés ?

La fiche n° 7 prévoit notamment de proposer un accompagnement social adapté et renforcé aux familles monoparentales ayant de jeunes enfants pour concilier vie familiale et insertion. Quels moyens allouerez-vous à cet objectif ? La CNAF entend-elle développer les actions de médiation conjugale et familiale à destination des familles en difficulté, qu’il s’agisse de difficultés de couple ou d’épreuves plus douloureuses ?

La fiche n° 9 propose de cibler les interventions sur les familles confrontées à des événements ou des difficultés fragilisant la vie familiale. Le groupe écologiste a reçu hier Mme Najat Vallaud-Belkacem ; elle nous a annoncé que l’expérimentation du mécanisme de garantie contre les impayés de pensions alimentaires devrait se traduire par une plus forte implication des CAF dans la médiation. Quels seront les moyens mis en œuvre – recrutements, formations – à cet égard ? Comment articuler ce service avec les structures existantes ?

Mme Dominique Orliac. J’aimerais connaître votre sentiment sur la façon dont les CAF procèdent pour verser certaines allocations. Je pense plus particulièrement aux personnes exerçant des métiers qui subissent les aléas d’une activité irrégulière. Je prendrai l’exemple des intermittents du spectacle, qui doivent cumuler 507 heures de travail sur une période de 319 jours pour les artistes et 304 jours pour les ouvriers et techniciens. La culture pèse environ sept fois plus que l’automobile dans le PIB : c’est dire combien les personnes qui travaillent dans le domaine culturel sont nombreuses ! Toutefois, la plupart d’entre elles sont dans une situation de grande insécurité financière, voire de grande précarité. La crise a un coût dans le domaine de la culture, et beaucoup d’intermittents se retrouvent sans revenus suite à l’arrêt de leurs contrats. Or, les CAF procèdent habituellement au calcul des allocations en se fondant sur les revenus obtenus lors des années précédentes, si bien que des personnes qui sont réellement dans le besoin ne peuvent bénéficier de certaines allocations – en particulier les APL. En effet, il est fréquent que les intermittents du spectacle travaillent sur un projet sur de longs mois, puis n’aient aucune rentrée financière pendant quelque temps. Certains se retrouvent donc dans une situation ubuesque. Il serait intéressant de voir ce qui pourrait être fait pour que ces personnes puissent toucher des APL décentes au moment où elles en ont le plus besoin. En l’occurrence, le système de calcul des allocations sur les années précédentes ne répond pas à la mission de la CNAF d’aider les personnes les plus vulnérables.

Vous avez évoqué l’accès aux droits et la nécessaire simplification, dont on parle trop souvent de manière incantatoire. Il est temps de la mettre en œuvre ! C’est important pour le fonctionnement des caisses, mais aussi – et surtout – pour les usagers. Je ne suis sans doute pas la seule à recevoir dans ma permanence des personnes en grande difficulté ; ce sont souvent celles qui ont le plus de mal à faire valoir leurs droits. Si l’accès aux droits est essentiel, l’aspect humain l’est tout autant. Ne l’oublions pas.

Les moyens mis en œuvre pour remplir les missions dévolues aux CAF sont aussi importants. Souhaitons que leur présence sur les territoires soit pérenne et puisse prendre en compte la vulnérabilité des personnes.

M. Christian Hutin. Votre propos confirme le bien-fondé de la mission d’information que nous allons conduire avec M. Francis Vercamer – qui nous donnera l’occasion de vous rencontrer à nouveau, monsieur Lenoir.

Les CAF remplissent depuis quelques années des missions nouvelles – versement du RSA, de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), devenu trimestriel, mais aussi accompagnement de la réforme des rythmes scolaires, que nous aurons sans doute l’occasion d’évoquer à nouveau compte tenu de l’inquiétude d’un certain nombre de maires.

Le contexte économique et social est aujourd’hui difficile, et la demande sociale augmente. C’est un élément qu’il faut garder en tête. Or les effectifs des CAF ont diminué de 1 % entre 2005 et 2011. Cette COG, qui va leur permettre de disposer de 700 emplois à temps plein supplémentaires, témoigne de l’effort consenti par le Gouvernement. Rappelons qu’en trois ans, le délai d’attente pour le traitement d’un dossier est passé de 7 à 8,5 jours.

Enfin, je me fais le porte-parole de mon collègue Gérard Bapt, qui a dû nous quitter et souhaitait connaître votre sentiment sur la gestion de votre système d’information. La Cour des comptes avait relevé en 2012 un problème quant à vos appels d’offres aux opérateurs, sur lequel la MECSS s’était également penchée.

Mme Isabelle Le Callennec. Vous avez rappelé l’importance des conditions de mise en œuvre de la COG, et pas seulement de ses objectifs.

Permettez-moi de revenir sur vos partenariats. Dans les domaines de l’enfance, de la jeunesse et de la famille, les intervenants sont nombreux, et il faut veiller à éviter les doublons. Désormais, les CAF ne délivrent plus seulement des prestations, mais elles offrent aussi des services sur les territoires. Or elles ne sont pas les seules. Dans mon département, l’accueil des enfants de moins de trois ans a ainsi donné lieu à de vifs débats. Vous avez évoqué un objectif d’accueil de 10 % d’enfants issus de familles pauvres dans les crèches ; en Ille-et-Vilaine, le seuil a été fixé à 40 %. Une première difficulté tient à la définition des familles en situation de précarité. Avez-vous conduit une réflexion sur ce point ? Et que faire lorsqu’un département n’est pas sur la même ligne que la CAF ?

En ce qui concerne les RAM, il semble que les CAF aient plutôt tendance à se désengager financièrement et à demander aux collectivités locales – notamment les intercommunalités – de prendre le relais. Est-ce vrai ?

J’ai assisté lundi soir à une réunion sur les rythmes scolaires avec des élus locaux. De vraies interrogations subsistent sur le rôle de la CAF et les financements qu’elle est susceptible d’apporter. Il a notamment été dit qu’elle ne s’engagerait que dans les communes proposant des activités gratuites. La question du taux d’encadrement a également été abordée.

Enfin, il ne faut pas relâcher les efforts de lutte contre la fraude, qui ont porté leurs fruits.

M. Michel Issindou. Nous vous remercions pour toutes les politiques en direction de la famille, des jeunes et de la petite enfance mises en œuvre par les CAF, que nous vivons au quotidien sur nos territoires.

Permettez-moi de vous poser une question plus politique, qui ne relève peut-être pas du directeur général de la CNAF. À l’heure où nous nous interrogeons sur le financement de la branche famille, et notamment sur la compensation de l’allègement des charges des entreprises, n’est-il pas temps de poser à nouveau la question de la conditionnalité des allocations familiales, ou tout au moins d’une répartition différente de leur montant global ? Nous avons débattu il y a quelques semaines, à l’occasion de la réforme des retraites, de la majoration de 10 % des pensions accordée aux parents de trois enfants et plus, et envisagé de l’octroyer dès le premier enfant. La même réflexion pourrait être conduite pour la branche famille, dans un souci de justice. Après tout, la natalité remarquable de notre pays est peut-être moins liée aux allocations familiales qu’aux services que vous rendez par ailleurs. Je sais que cette question suscite la controverse, mais elle mérite d’être posée régulièrement.

Mme Véronique Louwagie. Lors d’un contact avec la CAF de l’Orne, j’avais cru comprendre que les déclinaisons de la COG dans les départements interviendraient avant la fin de l’année 2013. Pouvez-vous nous donner quelques précisions à ce sujet, notamment sur l’expérimentation des schémas départementaux d’accueil de la petite enfance et de soutien à la parentalité dans les 16 départements concernés ?

La Cour des comptes a certifié les comptes 2012 de la CNAF avec deux réserves, estimant notamment que le dispositif de contrôle interne des prestations demeurait pour partie inadapté et ne procurait qu’une assurance partielle sur la maîtrise des risques ayant une incidence dans les comptes. Quelles procédures avez-vous mises en place pour combler ces défaillances ? Envisagez-vous d’autres pistes d’amélioration ?

Vous avez évoqué le non-remplacement d’un départ à la retraite sur cinq, mais aussi le recrutement de 700 emplois en 2013 et 2014, et la sortie du dispositif – avec la « restitution » de 1 000 emplois en 2017. Les deux objectifs sont-ils vraiment conciliables ?

Enfin, le faible montant de la fraude – encore ne s’agit-il que du montant détecté – n’est pas une raison pour renoncer à la combattre. Je crains par ailleurs que la simplification et le développement de la télé-déclaration ne favorisent cette fraude, ou tout au moins une absence de maîtrise.

Mme Annie Le Houerou. L’exercice de la fonction de parent est difficile et plus complexe dans les familles d’aujourd’hui, notamment les familles monoparentales. Le doublement des crédits témoigne de l’attention particulière portée au développement des services de médiation familiale et de soutien à la parentalité. Mes trois questions portent donc sur la complémentarité entre les différentes institutions en charge de la politique de l’enfance.

Dans ce domaine, les acteurs sont nombreux – communes, communautés de communes, conseils généraux, CCAS. Vous avez évoqué des schémas départementaux. Or des commissions départementales d’accueil du jeune enfant existent déjà, et d’après mon expérience, elles fonctionnent assez mal.

J’observe d’autre part que les parents hésitent à faire appel aux services des conseils généraux ou des CAF lorsqu’ils sont en difficulté face à l’éducation de leurs enfants, si bien que ces services interviennent trop souvent dans des situations d’urgence. Comment les faire connaître davantage et modifier leur image ?

La COG prévoit un plan de formation aux métiers de la petite enfance. Quel rôle les CAF pourraient-elles y jouer aux côtés des autres partenaires, en particulier les conseils généraux – qui assurent déjà la formation des assistantes maternelles – et l’éducation nationale ?

Un effort budgétaire conséquent est prévu pour les solutions d’accueil des 0-3 ans. Que pensez-vous des classes passerelles ? En milieu rural, il est difficile de mettre en œuvre des structures d’accueil collectif adaptées aux moins de trois ans, alors que l’éducation nationale dispose souvent dans les écoles de locaux adaptés pour l’accueil des petits de 18 mois à 3 ans. Ce serait un bon moyen d’optimiser les ressources au bénéfice du service rendu aux familles.

M. Jean-Pierre Barbier. La complexification des procédures contribue peut-être à expliquer l’allongement de la durée de traitement des dossiers. La question aurait mérité d’être posée avant d’envisager l’embauche de 700 salariés supplémentaires.

Cette complexification constitue une vraie difficulté pour les partenaires de la CAF dans le dispositif « contrat enfance et jeunesse », en particulier pour les petites associations et les petites communes, qui n’ont pas les ressources en personnel suffisantes pour y faire face. Le risque est donc qu’elles n’y participent plus.

S’agissant de la réforme des rythmes scolaires, la COG n’apporte guère de réponses claires. On parle d’un financement exceptionnel de la CNAF pour 2014, puis pérenne par la branche famille. La vraie question est de savoir si cela engendrera une diminution des prestations dans les autres domaines, puisque cela constitue une dépense supplémentaire.

Par ailleurs, je suis surpris d’apprendre que les CAF conditionneraient leur participation à la gratuité des activités, d’autant qu’il me semble que les familles doivent obligatoirement participer – ce qui me choque, l’école de la République devant être gratuite pour tous.

Enfin, le réseau des CAF réduit sa présence dans les zones rurales. Nous avons construit une maison des services publics dans la collectivité que je préside : c’est le moment que la CAF a choisi pour supprimer sa permanence ! Or les bornes interactives ne sauraient répondre à tous les besoins. Je crains que les CAF ne soient elles aussi victimes du fait urbain et ne délaissent les territoires ruraux.

M. Christophe Cavard. Les systèmes d’information (SI) des CAF s’avèrent souvent incompatibles avec ceux employés par les conseils généraux. Le COG contient-il des mesures permettant de faciliter l’accès aux données des CAF, évolution primordiale pour que les conseils généraux puissent mieux gérer les publics relevant de leurs compétences ?

Des procédures de recouvrement d’indus sont souvent lancées avant que le contentieux ne soit tranché : comment la CNAF compte-t-elle s’adapter à cette situation ?

Moins de la moitié des allocataires du RSA bénéficient d’un contrat d’insertion : la CNAF compte-t-elle, en lien avec les départements, consacrer de nouveaux moyens – humains et de formation – à leur orientation ?

Dans le cadre de la mission de M. François Chérèque sur le non-recours aux droits sociaux, comment celui-ci peut-il reculer, notamment pour le RSA activité ?

M. Rémi Delatte. Les contrats pluriannuels petite enfance, enfance et jeunesse reposent sur un équilibre financier auquel participent les CAF, les collectivités gestionnaires et les familles. Or nous déplorons le retrait de la CAF au moment de la renégociation des contrats ; cela est préoccupant pour les collectivités locales qui doivent déjà faire face à une situation budgétaire difficile et met en péril le maintien de ces services aux familles. Les critères d’évaluation de la CAF évoluent en permanence, ce qui brouille leur lisibilité et conduit à limiter le taux d’occupation de certaines structures. Le gestionnaire ne dispose d’aucune liberté sur la tarification aux familles et sur la prise en charge de certains produits – lait ou couches –, cette réalité nourrissant la déresponsabilisation des familles. Enfin, les collectivités doivent faire face à un reste à charge beaucoup plus lourd. Comment peut-on accroître la lisibilité pour les collectivités et garantir la pérennité de ces services ?

À combien s’élève la somme des allocations indûment versées ?

Mme Hélène Geoffroy. Lors de l’élaboration du plan gouvernemental de lutte contre l’exclusion et la pauvreté, le non-recours aux droits a émergé comme une question importante. Quelles sont les dispositions prises par la CNAF pour accueillir les personnes en situation d’exclusion qui ont besoin d’une relation directe avec les agents ?

La CAF se propose de renforcer l’accompagnement socioprofessionnel : cela ne risque-t-il pas de faire doublon avec l’action conduite dans le cadre du partenariat avec les conseils généraux ?

La CNAF s’était engagée à réserver certains de ses recrutements aux emplois d’avenir : où en est-on aujourd’hui ?

M. Dominique Tian. La Cour des comptes avait refusé de certifier les comptes de la branche famille en 2011, notamment à cause des défaillances du contrôle interne et des indus. Des efforts de gestion ont été opérés en 2012, mais la COG, ambitieuse, souligne la persistance du problème des indus – qui reste proche de 1,15 milliard d’euros et qui provient, pour 17 % de cette somme, d’erreurs internes.

Tout le monde soutient la simplification, mais cette évolution ne doit pas entraîner une diminution du nombre de justificatifs à produire – notamment les certificats de scolarité –, mais bien une plus grande intelligibilité des formulaires à remplir.

Vous vous félicitez du taux de 99 % de réponse en matière de nouvelle certification des numéros d’inscription au répertoire (NIR) ; ce chiffre m’alarme au contraire, car la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) avait mis en lumière l’étendue de la fraude au numéro de sécurité sociale, si bien que des NIR certifiés ne sont pas forcément vrais.

Madame la présidente, la situation de la CAF de Marseille m’empêche de partager votre optimisme ; monsieur le directeur général, l’accès aux droits, à Marseille, signifie bousculer tout le monde pour arriver au guichet. Des centaines de personnes attendent tous les jours aux portes de cette CAF où règnent la violence et l’absence de droit. La situation empire, et il est impossible de joindre la caisse par téléphone ou d’accéder aux plateformes. En outre, le lien direct et physique avec l’agent s’avère indispensable, surtout pour les populations vulnérables qui ne comprennent souvent pas le français. L’accès aux droits n’est pas le même sur l’ensemble du territoire national, monsieur le directeur général !

Mme Sylviane Bulteau. Dans le COG, la prévention est remise au centre de la politique de la CNAF, notamment dans le domaine de la parentalité où cela répond à une demande forte. Il convient de fournir un effort particulier sur l’accompagnement de l’adolescence, y compris pour les jeunes dont les parents vivent toujours ensemble ; pour ce faire, il y a lieu de s’inspirer d’expériences conduites dans certains départements. Ce sont les collectivités territoriales qui disposent des compétences en matière familiale, et l’articulation entre leur action et celle des CAF s’avère difficile à comprendre. L’accompagnement nécessite du personnel spécialisé, or il ne s’agit pas du cœur de métier des CAF, dont les effectifs de travailleurs sociaux ont, en outre, fortement baissé. Sur cette question de l’emploi, les 1 000 suppressions de postes dans les CAF – dont 19 dans mon département – créent des remous.

La répartition des rôles et des responsabilités entre le président et le conseil d’administration d’une CAF et la direction générale de la CNAF se révèle difficile à comprendre, surtout lorsque des désaccords et des dysfonctionnements se développent.

Mme Bérengère Poletti. Monsieur Lenoir, vous avez affirmé que la fraude était un cancer qui rongeait le mécanisme de solidarité et que vous seriez impitoyable dans la lutte contre ce fléau. Je partage totalement ce constat, car rien n’est pire pour nos concitoyens que les dérives et les escroqueries qui minent l’esprit de solidarité.

Dans mon département, des crèches privées n’ont pas eu accès à des aides pour réaliser des investissements à cause du conseil d’administration de la CAF, alors même que la CNAF défendait cette politique pour l’ensemble du pays – je n’ai d’ailleurs reçu aucune réponse satisfaisante sur ce sujet qui pose la question de l’universalité de l’accès aux droits.

L’effort en faveur du rééquilibrage territorial bénéficiera-t-il aux départements pâtissant d’un déficit d’offre de garde et qui recevraient une majoration de leur enveloppe globale, ou à ceux ne disposant que de peu de moyens et dans lesquels des associations et des communes pourraient recevoir davantage d’aide ?

M. Jérôme Guedj. Les CAF animent l’un des plus beaux services publics de notre pays : 80 milliards d’euros de prestations servis par 33 000 agents, et la qualité de ce service public répond à la grande exigence de nos concitoyens dans ce domaine.

Le terme de CAF s’avère impropre, car 40 % des 11 millions d’allocataires n’ont pas d’enfant. Ces caisses exercent avant tout une mission de solidarité et de protection qui se situe au cœur du pacte républicain. Dans le cadre d’une réforme de l’organisation des politiques de solidarité, comment l’articulation de l’action des caisses et de celle des conseils généraux pourrait-elle s’approfondir ?

Pensez-vous que l’universalité des prestations de la branche famille – existant depuis 1978 – peut permettre de déconnecter leur financement du versement des cotisations sociales patronales ? La Cour des comptes a rappelé que 13 à 14 milliards d’euros sur les 55 milliards des prestations strictement familiales permettaient la conciliation de la vie familiale et de la carrière professionnelle, ce qui justifie le maintien d’un financement de la branche famille par les entreprises.

La qualité des notifications des CAF à destination des usagers s’avère constante ; les propos de M. Tian sont contradictoires, car il réclame en permanence la baisse de la dépense publique tout en rappelant la nécessité de disposer de moyens pour assurer un accompagnement personnalisé des allocataires.

Mme Kheira Bouziane. Si les collectivités territoriales rencontrent des difficultés dans leur fonction de gestionnaire, pensons à celles éprouvées par les associations dépendant des collectivités.

La COG fixe un objectif louable de 100 000 rendez-vous pour améliorer l’accès aux droits et diminuer le non-recours aux prestations familiales ; ne pensez-vous pas cependant préférable de développer des partenariats, des formations et des campagnes d’information en direction des étudiants en action sociale, des assistantes sociales des départements et des travailleurs sociaux des communes ?

La prise en compte de la très petite enfance – de 3 mois à 3 ans – s’avère souvent insuffisante : que pourrait faire la CNAF pour aider les familles ne bénéficiant pas de structures d’accueil adaptées à ces enfants ?

M. Daniel Lenoir. Certaines dispositions de la COG sont en cours de mise en œuvre et leur traduction se retrouvera dans des contrats pluriannuels d’objectifs et de gestion, qui seront signés avec les CAF avant la fin du mois de janvier.

Les circulaires de la CNAF sont désormais publiées sur notre site caf.fr.

Nous transmettrons des éléments techniques à MM. Hutin et Vercamer pour les aider dans leur mission.

L’ordonnance du 4 octobre 1945 dispose que la sécurité sociale est une politique nationale ; néanmoins, celle-ci se trouve déclinée localement. La COG est un instrument de mise en œuvre de nombreuses politiques publiques, importantes pour la société. La CNAF déploie des politiques pour la famille et pour la solidarité, qui sont appréciées de nos concitoyens et des collectivités locales.

Un organisme de sécurité sociale est une structure privée chargée d’une mission de service public ; sa gouvernance s’avère particulière, car elle diffère de celle des administrations comme de celle des établissements mutualistes reposant sur un exécutif formé d’un conseil d’administration et de son président. Dans un organisme de sécurité sociale, le conseil d’administration représente les parties prenantes – salariés, employeurs, Union nationale des associations familiales (UNAF) et unions départementales des associations familiales (UDAF) – et le directeur général de la CNAF assure le rôle d’exécutif de la branche famille. Des distorsions peuvent se créer comme à Marseille où l’on a suspendu le conseil d’administration et nommé un administrateur provisoire en novembre dernier.

L’un des avantages de la COG est d’assurer au gestionnaire la pérennité des fonds pour une période de cinq ans. Cette contractualisation pluriannuelle avec l’État – car si la CNAF assure une mission de service public, elle ne fait pas partie de l’État – garantit l’augmentation du Fonds national d’action sociale (FNAS) de 2,5 milliards d’euros, soit 7,5 %, dans les cinq ans à venir.

La visibilité du versement nourrit le consentement à la solidarité. Le coût de la protection sociale consomme 60 % des prélèvements obligatoires, et l’adhésion à cette politique financée par quelque 30 % du PIB exige d’établir un lien clair entre le prélèvement et le service dans les domaines de la maladie, de la vieillesse et de la famille. Lorsque je dirigeais la caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), j’avais adressé à l’ensemble des assurés une fiche indiquant que chacun d’entre nous payait en moyenne 400 euros par mois pour la branche maladie permettant de financer des prestations : ainsi, la prise en charge annuelle d’une personne atteinte d’un cancer nécessitait six années de cotisations. Ce raisonnement peut être appliqué à la branche famille. À ce titre, le dispositif – contenu dans la loi de financement de la sécurité sociale – de compensation du transfert de cotisations familiales vers les cotisations patronales reposant sur une affectation d’une fraction supplémentaire du produit de TVA revenant à la sécurité sociale ne répond pas à cet objectif de visibilité. Néanmoins, le Premier ministre a adressé une lettre à Mme Mireille Elbaum le 19 décembre dernier dans laquelle il insiste sur la nécessité d’assurer une meilleure perception de l’affectation des recettes aux différentes dépenses.

Les premières prestations versées sous condition de ressources datent des années soixante-dix et concernaient la branche famille. En revanche, l’universalité est préservée pour l’ensemble des personnes remplissant les conditions posées pour l’attribution d’une prestation.

Les prestations familiales monétaires ou prenant la forme d’un service possèdent sans doute un impact sur la natalité, puisque le taux de fécondité reste supérieur à 2 enfants par femme et proche du seuil de renouvellement des générations. Néanmoins, de nombreux débats se sont développés sur les autres facteurs stimulant la natalité ; il convient en tout cas de favoriser à la fois les prestations monétaires – car certaines familles en ont besoin pour vivre – et celles de service – qui permettent de mieux concilier la vie familiale et la vie professionnelle, d’où la légitimité de la contribution des entreprises au financement de la branche famille, mais également les différents rythmes de la vie contemporaine.

Le développement des structures d’accueil de la petite enfance répond à une logique de politique nationale devant s’appliquer territorialement ; ainsi, les schémas territoriaux seront départementaux : dans 16 départementaux de préfiguration, la commission départementale d’accueil des jeunes enfants (CDAJE) et la commission de la parentalité fusionneront, ce qui apportera de la simplification et assurera la cohérence de l’action publique. Ces nouvelles commissions accueilleront l’ensemble des partenaires et seront placées sous l’égide du préfet, du fait du caractère national de cette politique ; elles élaboreront des schémas départementaux qui permettront de développer les relais d’assistantes maternelles, de donner la priorité à l’accueil collectif ou individuel, de tenir compte des spécificités rurales ou d’intégrer les 75 000 places en classes passerelles de l’éducation nationale selon des modalités qui dépendront des caractéristiques du territoire concerné.

Le département de la Seine-Saint-Denis dispose d’une capacité d’accueil de 25 % des enfants âgés de 0 à 3 ans, alors que ce taux atteint 90 % dans certains départements : la diversité des situations fait que certains droits restent virtuels à certains endroits. Les schémas départementaux et le fonds de rééquilibrage permettront à ces départements d’améliorer leur situation grâce à des actions adaptées à leurs spécificités. Ces schémas – qui s’inscrivent dans la pratique de planification à la française à laquelle je suis attaché – traiteront également du remplacement des assistantes maternelles, dont beaucoup partiront en retraite dans les cinq ans à venir. Ils seront donc la déclinaison territoriale de la politique nationale, et leur généralisation bénéficiera de l’expérience accumulée dans les 16 départements de préfiguration.

Comment généraliser les dispositifs de médiation dans les conflits familiaux ? La COG permet d’augmenter la capacité de médiation de 20 % dans les cinq ans à venir ; j’ignore si cela répondra aux objectifs que fixera le projet de loi sur la famille, mais cet effort est conséquent bien qu’il ne suffise pas à généraliser la médiation, dont il conviendrait d’ailleurs de définir les conditions. Les dispositifs de médiation et d’appui à la parentalité seront intégrés dans les schémas départementaux.

Nous avons dressé la carte des services à la petite enfance non par département, mais par zone d’emploi – notion de l’INSEE, qui recouvre les bassins de vie – car il existe des zones déficitaires dans des départements qui ne le sont pas.

Nous inciterons, par le biais d’une circulaire discutée avec l’Association des maires de France (AMF), les communes à prendre en charge les couches et les repas dans les crèches, et nous aiderons celles qui ne peuvent pas encore financer intégralement un tel dispositif.

Un amendement parlementaire devrait permettre de verser le complément optionnel de libre choix d’activité (COLCA) dès le deuxième enfant ; je tiens à informer la représentation nationale que la CNAF ne sera pas en mesure d’assurer l’expérimentation de cette réforme dès le 1er juillet prochain. Une telle disposition, si elle était votée, devrait prévoir une mise en œuvre à partir du 1er janvier 2015.

S’agissant des rythmes éducatifs, la prise en charge des heures périscolaires a suscité de nombreuses inquiétudes. La CNAF étendra la possibilité de dérogation des taux d’encadrement ouverte par le décret du 2 août 2013 aux heures non libérées, dès lors qu’elles se situent dans la continuité des heures libérées. Cette mesure, transitoire, a été adoptée afin de préparer dans les meilleures conditions la rentrée prochaine, car 20 % des enfants sont couverts par la réforme des rythmes scolaires et ses conséquences en termes de rythmes éducatifs. Nous allons dresser un bilan, du point de vue des CAF, de l’AMF, des ministères concernés – famille, éducation nationale, jeunesse et sports – afin de disposer d’une image précise et objective de ce qui fonctionne et de qui réussit moins. À titre d’exemple, il semble que le dispositif d’accueil périscolaire pour les maternelles ne suscite pas un grand intérêt. Placée sous l’égide du Premier ministre et pilotée par la CAF, cette évaluation permettra d’adapter les dispositifs existants – par exemple de gratuité ou de reste à charge.

En matière de non-recours aux droits, nous connaissons les raisons liées à la lourdeur des procédures, à la capacité d’accueil individuel, aux effets de stigmatisation liés à certaines prestations, mais nous ne disposons pas d’étude complète sur le sujet. J’ai donc demandé que le programme d’études de la CNAF en 2014 soit consacré à l’identification des causes de non-recours aux droits. Nous devons mener ce travail en partenariat avec l’administration, les collectivités locales, les centres communaux d’action sociale (CCAS) et adopter une démarche plus proactive – les renseignements que nous avons collectés à l’issue de la précédente COG nous ont montré qu’un tiers des bénéficiaires potentiels du RSA socle ne le demandaient pas – qui exige des échanges d’informations avec Pôle emploi et la direction générale des finances publiques (DGFIP).

La télétransmission ne doit pas être opposée au lien humain, car les gains de productivité qu’elle induit permettent de concentrer des effectifs sur l’accueil et l’accompagnement des usagers qui en ont besoin. J’ai pu constater l’enclenchement de ce cercle vertueux à la CNAM après la mise en place de la carte Sesam-Vitale. À la prochaine rentrée, nous souhaitons que l’intégralité des formulaires d’allocation logement pour les étudiants soit dématérialisée. L’objectif ambitieux des 100 000 rendez-vous pour l’accès aux droits s’inscrit dans cette démarche proactive envers les allocataires potentiels.

Les simplifications sont avant tout conçues pour les allocataires, et nous commencerons par simplifier les courriers que nous envoyons. Elles permettent également d’alléger les charges.

Mon passage à la MSA m’a montré que la fraude nourrissait les contestations à acquitter les cotisations, si bien que j’ai toujours cherché à lutter contre la fraude des allocataires, des cotisants et des professionnels de santé. D’un point de vue financier, les fraudes aux prestations familiales ne sont pas les plus lourdes, mais il faut tout de même les combattre. Les pièces justificatives ne constituent pas une garantie contre la fraude, raison pour laquelle nous effectuons des contrôles sur place. Nous ciblons les personnes contrôlées – même si nous maintenons les examens aléatoires – et celles qui ne fraudent pas ne sont pas mécontentes d’être contrôlées – du moins à la condition que les vérifications n’aient pas lieu chaque année, biais que nous essaierons de corriger. Ces actions ont permis d’augmenter notre recouvrement, la fraude devant également déboucher sur des sanctions. Au total, ce système s’avère plus efficace que les contrôles administratifs opérés derrière un écran de pièces justificatives pouvant être contrefaites.

Le montant des prestations indûment versées est bien supérieur à celui des fraudes et dépasse 1 milliard d’euros. L’erreur peut provenir de l’allocataire ou de la caisse qui liquide la prestation ; la Cour des comptes a pointé les failles de la branche famille dans ce domaine et nous tâchons d’améliorer nos dispositifs. La COG énonce le principe de payer à bon droit, qui repose sur l’accès aux droits et sur la lutte contre les indus. Une partie des indus provient des changements de la réglementation et du délai nécessaire entre le fait générant la fin du versement de la prestation et l’arrêt effectif de celui-ci ; nous avons donc décidé que la date d’effet se situe à la fin du mois suivant l’entrée en vigueur du changement de situation. Les récupérations de prestations prennent en compte les situations des allocataires en étalant si nécessaire ce remboursement.

Nous avons lancé une procédure de dialogue compétitif pour changer de prestataire de système d’information, afin d’en diminuer les coûts de gestion. La branche famille gère entre 12 et 15 prestations qui reposent chacune sur un processus, d’où la complexité de notre système d’information qui représente 120 millions d’euros de fait générateur.

La CNAF a conduit dans de bonnes conditions un travail portant sur la certification du NIR. En revanche, il est difficile d’échanger avec d’autres administrations : la loi sur l’informatique et les libertés du 6 janvier 1978 empêche la DGFIP d’utiliser le NIR si bien que, lors des transferts des fichiers de la DGFIP, nous échouons à identifier 2 millions de personnes ; nous tenterons dans les six prochains mois de réduire le plus possible ce nombre, en développant notamment notre accès aux fichiers de la CNIL au moment où nous en avons besoin et pas seulement une fois par an. Le résultat de cette évolution sera bien entendu soumis à l’autorisation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), et cette démarche sera étendue à Pôle emploi et à d’autres administrations. Ces informations nous permettront de lutter contre la fraude et d’identifier des bénéficiaires potentiels inconnus des CAF. La Belgique a mis en place il y a 20 ans un dispositif généralisé d’échange entre les administrations, qui permet à l’usager de ne transmettre une même information qu’à une seule administration ; j’aimerais que l’on puisse développer un tel projet d’« armoire électronique ».

Nous commençons à recueillir les effets des mesures que nous avons prises pour réduire les délais, ceux-ci, au 2 janvier, étant inférieurs de trois jours à leur niveau de l’année dernière à la même date. La CAF de Marseille souffre des délais les plus longs avec 14 jours en moyenne, alors que la moyenne nationale atteint 6,2 jours. Dans la COG, nous avons fixé un objectif d’appui d’une quinzaine de CAF souffrant de ces difficultés – dites CAF à fort enjeu.

La branche famille a connu lors des deux dernières années une « crise de production », qui a nourri un allongement des délais, celui-ci alimentant son propre développement puisque l’extension des délais induit une augmentation des sollicitations des agents par les usagers. L’embauche de 700 personnes permettra de rompre ce cercle vicieux et de rendre notre production plus efficace. Toutefois, ces recrutements ne constituent que des anticipations des 5 000 départs en retraite. Parmi ces 700 recrutements, 500 sont occupés par des emplois d’avenir, dont 450 sont déjà en poste et dont 75 % proviennent d’une zone urbaine sensible (ZUS) ou d’une zone de revitalisation rurale (ZRR) ; la branche famille assume ainsi son rôle d’employeur socialement responsable. Ces jeunes reçoivent une formation et ont la perspective d’occuper un emploi stable alors qu’ils étaient la plupart du temps très éloignés de l’emploi. En outre, 200 personnes, concentrées sur les activités mutualisées entre les caisses, sont en cours de recrutement.

La dotation du FNAS a augmenté de 2 milliards d’euros, mais les fonds placés à la disposition des conseils d’administration des caisses ont diminué car les aides sont de plus en plus ciblées sur des politiques nationales comme celle du rééquilibrage territorial des capacités d’accueil de la petite enfance. Il convient néanmoins de veiller à éviter tout désengagement de la branche famille dans une région.

Dans le cadre du partenariat avec les conseils généraux, nous pâtissons de l’hétérogénéité des dispositifs de gestion – notamment des systèmes d’information – d’un département à l’autre. Les conventions entre les CAF et les conseils généraux s’avèrent également très diverses et elles n’ont souvent pas été renouvelées depuis longtemps.

Nous allons engager des revues de processus de l’ensemble des procédures gérées par les CAF – en commençant par le RSA – afin d’identifier les possibilités de simplification, d’amélioration de la gestion partenariale et administrative, et de renforcement de la garantie du paiement à bon droit – ce dernier élément étant important pour la certification des comptes de la branche famille par la Cour des comptes. Ce chantier important nécessitera des évolutions réglementaires et très probablement législatives.

La séance est levée à douze heures trente.

——fpfp——

Information relative à la Commission

La Commission des affaires sociales a désigné M. Jean-Patrick Gille rapporteur sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale (sous réserve de son dépôt).

Présences en réunion

Réunion du mercredi 8 janvier 2014 à 9 heures 30

Présents. – M. Bernard Accoyer, M. Pierre Aylagas, M. Gérard Bapt, M. Jean-Pierre Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Kheira Bouziane, Mme Sylviane Bulteau, M. Jean-Noël Carpentier, Mme Fanélie Carrey-Conte, M. Christophe Cavard, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Jean-Louis Costes, M. Rémi Delatte, M. Jean-Pierre Door, Mme Hélène Geoffroy, M. Jean-Marc Germain, M. Jean-Patrick Gille, Mme Linda Gourjade, M. Henri Guaino, M. Jérôme Guedj, Mme Joëlle Huillier, M. Christian Hutin, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Conchita Lacuey, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Céleste Lett, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, Mme Véronique Massonneau, M. Hervé Morin, Mme Dominique Orliac, Mme Luce Pane, M. Christian Paul, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, Mme Barbara Romagnan, M. Gérard Sebaoun, M. Fernand Siré, M. Christophe Sirugue, M. Dominique Tian, M. Jean-Louis Touraine, M. Olivier Véran, M. Francis Vercamer, M. Jean-Sébastien Vialatte

Excusés. – Mme Valérie Boyer, M. Richard Ferrand, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Laurent Marcangeli, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Monique Orphé, M. Bernard Perrut, M. Jonas Tahuaitu

Assistaient également à la réunion. – M. Régis Juanico, M. Michel Ménard