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Commission des affaires sociales

Mercredi 15 janvier 2014

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 29

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Suite de l’audition, ouverte à la presse, des représentants de salariés (CGT) sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 15 janvier 2014

La séance est ouverte à douze heures.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission des affaires sociales entend des représentants des salariés (CGT) sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Après avoir entendu les syndicats signataires de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 14 décembre dernier, nous recevons maintenant la CGT, afin de connaître les raisons l’ayant conduite à ne pas le signer ainsi que les points qui pourraient néanmoins la satisfaire.

Mme Agnès Le Bot, secrétaire confédérale de la CGT. Je présenterai tout d’abord notre délégation : membre de la direction confédérale, Catherine Perret est chargée de la formation professionnelle. Administrateur de la CGT, Éric Lafont s’occupe notamment des questions de financement. Enfin, je suis moi-même membre du bureau confédéral, chargée de la démocratie sociale. Nous vous remercions de prendre le temps de nous auditionner au sein de cette commission.

Le projet de loi qui vous occupe aujourd’hui porte sur des sujets très divers, touchant très concrètement à la vie des salariés dans leur rapport au travail. La CGT considère l’emploi, la formation professionnelle et la démocratie sociale comme des enjeux majeurs. L’élévation du niveau de qualification des salariés nous paraît en effet nécessaire pour assurer le progrès social, la dynamique de l’emploi et le développement économique. Quant à la démocratie sociale, elle doit avoir pour objectif le progrès social et constituer un instrument de citoyenneté pour les salariés.

Le projet comprend trois titres : le premier porte sur la formation professionnelle et l’emploi, le deuxième sur la démocratie sociale et le troisième, sur la dimension régalienne de l’inspection et du contrôle des politiques de l’emploi, du travail et de la formation professionnelle. Derrière ces titres se profilent plusieurs questions majeures qui devraient faire l’objet de vos discussions concrètes : la qualification et la sécurisation des salariés dans leur parcours professionnel ; la représentation collective des salariés et notamment le droit pour tous les salariés à une instance représentative du personnel qui soit utile à leurs yeux ; la qualité des consultations démocratiques des salariés que sont les élections professionnelles et les élections prud’homales ; les conditions d’exercice du droit syndical et du financement des syndicats ; les missions et moyens du service public de l’Inspection du travail ; enfin, la production de normes sociales au niveau de la branche et au niveau interprofessionnel. Or, ce ne sont pas forcément ces enjeux qui ressortent le plus dans le débat public. Il nous faut d’ailleurs admettre que nos efforts pour permettre aux salariés de s’approprier pleinement les enjeux qui les concernent se heurtent à certaines limites – fait qui constitue déjà en soi un problème pour la démocratie sociale.

Quant à la méthode retenue pour élaborer ce projet de loi, elle a varié selon les thématiques abordées. Le volet relatif à la formation professionnelle fait suite à l’ANI de décembre 2013. Le fait que la CGT ne soit pas signataire de cet accord – qui amoindrit les obligations de formation des grandes entreprises et crée des droits virtuels sans prévoir les financements correspondants – ne remet nullement en cause son investissement dans cette négociation. Nous avons en effet défendu la nécessité de plus de formation, en reliant formation, qualification et salaire.

La lettre de cadrage du Gouvernement était extrêmement précise et contraignante : elle fixait le principe, les objectifs à atteindre et la durée de la négociation.

Nous sommes attachés à la consultation systématique des organisations syndicales sur toute réforme du droit du travail, considérant qu’il s’agit là d’une évolution logique de la démocratie sociale. Les organisations syndicales disposent en effet d’une expertise que rien ne remplace puisqu’elle s’appuie sur leurs adhérents, les élus dans les entreprises et leur rapport aux salariés. Ainsi notre participation permet-elle d’enrichir le débat républicain et démocratique. Nous contestons cependant l’idée que les accords nationaux interprofessionnels doivent être rigoureusement transcrits dans la loi, ce qui priverait le législateur de sa légitimité d’intervention. Ces accords entérinent en effet un compromis issu d’un rapport de forces entre des propositions contradictoires. Mais la loi, elle, est censée porter l’intérêt général, et elle doit viser à réduire les inégalités. Vous avez donc, à notre sens, un vrai rôle à jouer dans l’élaboration de ce titre premier.

Il en va d’ailleurs de même des autres volets du texte ayant fait l’objet d’une concertation avec le Gouvernement. Nous avons relevé que l’exposé des motifs qualifiait cette concertation de « large et approfondie ». Or, notre appréciation est sensiblement différente : certes, il y a eu concertation, mais l’on ne retrouve dans ce projet de loi que ce qui fait consensus entre les acteurs syndicaux et patronaux. Nous verrons en quoi cela affaiblit, selon nous, l’ambition d’une véritable démocratie sociale. Il est par ailleurs des thèmes, sur lesquels des désaccords mais aussi des propositions ont été exprimés, qui n’ont pas fait l’objet d’une véritable concertation : c’est notamment le cas de la représentativité patronale et des élections prud’homales.

Enfin, la procédure accélérée souhaitée par le Gouvernement, sur un projet de loi aussi large, nous paraît bien peu valorisante en matière de démocratie sociale.

J’en viens à l’appréciation que nous portons sur les différents titres du projet de loi.

En l’état actuel, le titre premier tend à traduire au niveau législatif les dispositions de l’ANI du 14 décembre 2013 et une partie des conclusions de la concertation relative au compte personnel de formation (CPF) et au conseil en évolution professionnelle. Ce faisant, il s’éloigne fortement des orientations annoncées dans le document remis par le ministre du travail aux organisations syndicales et patronales le 8 juillet 2013. L’ambition exprimée dans la lettre de cadrage a pour le moins été revue à la baisse avec un ANI a minima dont l’équilibre général interroge la première organisation syndicale que nous sommes et sur lequel – fait quasi inédit – une organisation patronale a refusé d’apposer sa signature. La question de l’accès des salariés issus des très petites entreprises (TPE) et des PME à une formation qualifiante reste ouverte. Sans réclamer une nouvelle négociation, la CGT souhaite toujours que le projet de loi permette des avancées en matière de sécurisation des parcours professionnels. Pour y parvenir, il faut que le Parlement joue tout son rôle en vue d’améliorer le projet de loi initial.

Nous partageons tous le diagnostic selon lequel ce qui rend une formation attrayante, c’est la promotion professionnelle qu’elle peut générer. Il convient donc que la loi tende à cette fin. Selon la CGT, le projet de loi doit rétablir un équilibre et notamment encadrer la définition des actions de formation à visée qualifiante entrant dans le périmètre du compte personnel de formation. Il convient de fonder ce nouveau dispositif – qui ne constitue pas un droit à formation mais seulement un droit d’initiative –, en affirmant de nouvelles garanties collectives qui permettent de le rendre opposable dans l’entreprise. Il faut pour cela rendre le plan de formation obligatoire et inscrire sa construction et son suivi dans le cadre d’une délibération sociale au sein de toutes les entreprises. On pourrait ainsi créer un droit d’alerte sur l’employabilité et donner corps à l’obligation de former en instituant une obligation formelle d’adaptation et de maintien de la capacité à occuper un emploi.

L’obligation légale de financement du compte personnel de formation doit s’élever au minimum à 0,2 % de la masse salariale annuelle brute de l’entreprise et être généralisée sous trois ans à l’ensemble des entreprises. Ce compte doit être en effet le même pour toute personne, quelle que soit la région ou l’entreprise dans laquelle elle travaille. C’est pourquoi la CGT réclame également que la gestion de ces 0,2 % soit assurée par une instance nationale interprofessionnelle paritaire telle que le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.

Le texte permet à une entreprise de se soustraire pour trois ans à la mutualisation du financement du CPF par accord d’entreprise, sur la base d’un raisonnement proche d’une logique d’assurance individuelle : toucher à hauteur de ce que l’on paie. Il s’agit là d’un fractionnement du financement du CPF qui, compte tenu de la faiblesse des obligations prévues, risque de ne même pas porter le nombre de CPF financés à la hauteur du volume des droits individuels à formation prioritaires (DIF) et des DIF portables constatés en 2012. La CGT est donc résolument opposée à cette échappatoire.

Nous reviendrons sur le détail des différents articles du texte au cours du débat si vous le souhaitez.

Consacré à la démocratie sociale, le titre II aurait dû traiter de la représentativité patronale, comme le revendiquait la CGT. En effet, ce sujet concerne au plus haut point les organisations syndicales de salariés puisque les critères de représentativité patronale conditionnent la production de droits et garanties collectives des salariés. La CGT regrette que ce projet de loi exclue la mesure de l’audience patronale par l’intermédiaire d’un vote des employeurs alors que plusieurs confédérations syndicales de salariés y sont favorables. D’autre part, les propositions formulées pour asseoir l’audience sur un vote des employeurs auraient mérité une concertation approfondie. Il est incompréhensible que la position commune rendue publique par trois organisations patronales constitue la source principale du texte – ainsi que le reconnaît le ministère dans l’exposé des motifs du projet de loi –, d’autant plus que les organisations patronales avaient, elles, participé en 2008 à la négociation relative à la représentativité syndicale et que la négociation collective est un droit constitutionnel des salariés et non du patronat.

Il est pour le moins curieux de faire reposer l’audience sur l’adhésion. Voilà qui pourrait s’apparenter à une forme de suffrage censitaire : pour pouvoir compter, il faut payer ! Ce faisant, le projet de loi ne garantit nullement la transparence nécessaire au contrôle de ce critère, tout particulièrement en ce qui concerne la multi-adhésion. En effet, dans ce cas, ce serait l’organisation de branche qui répartirait les voix entre les organisations nationales interprofessionnelles auxquelles elle est adhérente, ce qui ouvrirait la porte à des abus.

L’instauration d’un droit d’opposition des organisations patronales à l’extension d’un accord, même si elle reste soumise à des conditions d’effectifs, porte atteinte à la procédure d’extension qui doit demeurer de la compétence de l’État. Elle affaiblit ainsi le droit constitutionnel des salariés à la participation et risque d’entraîner une diminution du nombre d’accords étendus.

Sur le volet de la représentativité syndicale, le projet de loi comporte des aménagements de nature à améliorer la mise en application de la loi de 2008. Ceux-ci sont le fruit du travail conséquent qui a été mené au sein du Haut conseil du dialogue social.

Nous saluons la reprise dans le projet de loi d’une disposition importante portée par trois organisations syndicales : les délégués syndicaux pourront à nouveau être désignés dans un périmètre moins important que celui des comités d’entreprise. Le MEDEF s’opposant à cette disposition, qui favorise une activité syndicale de proximité avec les salariés, nous vous invitons à rester vigilants dans le cadre du débat parlementaire.

Pour autant, le projet de loi manque d’ambition et ne permet pas de franchir le cap nécessaire en matière de démocratie sociale. La loi devrait en effet énoncer le principe de validation des accords sur la base d’accords collectifs majoritaires à au moins 50 %, d’autant que les dispositions actuelles, qui fixent cette majorité à 30 % en l’absence d’opposition d’une organisation ayant recueilli une majorité, avaient été conçues comme transitoires dans la position commune.

Le fait qu’il ne soit pas institué de représentants élus ni de commissions paritaires territoriales pour les salariés des TPE entache le volet démocratie sociale de ce projet de loi. Le Gouvernement s’est en effet contenté d’envisager dans l’exposé des motifs une concertation complémentaire au sein du Haut conseil du dialogue social et une éventuelle traduction législative d’ici 2017. Or, les 4,6 millions de salariés qui travaillent dans de très petites entreprises ne disposent pas, pour la majorité d’entre eux, de représentants élus ni d’instances représentatives dotées de compétences. Des propositions existent pour corriger ce défaut de démocratie sociale. Si la concertation a besoin d’être poursuivie, le législateur ne peut se contenter de maintenir le statu quo.

L’article 19 du projet de loi, qui concerne les juges prud’homaux, est inacceptable pour la CGT. La possibilité d’agir devant le conseil de prud’hommes est partie intégrante des garanties collectives dont disposent les salariés pour faire respecter leurs droits – 98 % des 200 000 affaires traitées chaque année par les prud’hommes sont à l’initiative des salariés. Les conseillers prud’hommes sont donc une force inestimable pour les salariés qui veulent obtenir réparation d’un préjudice subi. Leur légitimité ne peut être garantie que par l’élection au suffrage universel. Supprimer le vote prud’homal constituerait un déni de démocratie – ce serait supprimer la dernière élection sociale, qui plus est par ordonnance.

L’idée de désigner les conseillers prud’hommes sur le fondement de la représentativité ne résiste pas à l’analyse. Les salariés ne votent pas aux élections professionnelles pour élire des conseillers prud’hommes mais pour déterminer une représentativité syndicale donnant le pouvoir de négocier en leur nom des accords collectifs. Dès le lendemain du scrutin de 2008, la CGT a exprimé la volonté que soient étudiées les causes de l’abstention pour y porter remède. Or, la seule réponse fut la commande du rapport Richard qui, malgré notre demande, n’a nullement conduit à la création d’un groupe de travail. De plus, les personnes privées d'emploi seraient aussi privées de leur droit de vote, c’est-à-dire sans moyen de s'exprimer ! Autre argument avancé, le coût des élections serait trop important : mais on ne peut sacrifier une élection démocratique qui concerne 19 millions de personnes sous prétexte de faire des économies !

Commandé en 2010 par le précédent Gouvernement, le rapport Richard mettait en garde contre le risque d’inconstitutionnalité que présentait le mode de désignation retenu, compte tenu de l’impossibilité pour des citoyens, dans les conditions définies par la loi, de se présenter à l’élection des juges, dès lors que la représentativité imposerait le « filtre syndical ».

Rien n’oblige à adopter cet article couperet qui entacherait singulièrement la démocratie sociale. La CGT a formulé des propositions sur le sujet et reste disposée à participer à une réflexion qui viserait à conforter la juridiction prud’homale, notamment en instituant un vote dédié des salariés en faveur de leurs conseillers prud’homaux. Cela nécessite d’organiser les élections pour 2015.

L’article 17, qui concerne le financement des organisations syndicales et patronales, met en place un fonds paritaire de centralisation et de répartition des subventions publiques et contributions existantes – la définition des méthodes concrètes de détermination du niveau de ces financements étant renvoyée à des décrets en Conseil d’État et à une négociation nationale interprofessionnelle encadrée par décret. Quelques remarques sur cet article : si la création d’un tel fonds fait partie de nos revendications, il ne s’agit pas selon nous de substituer de nouveaux financements à ceux existants mais de permettre le financement de la mise à disposition de salariés pour l’activité syndicale. Le fonds serait assis sur une cotisation de toutes les entreprises permettant de rembourser la rémunération totale des syndiqués mis à disposition aux entreprises maintenant leur salaire. Or, le fonds institué par le projet de loi ne répond pas à cette revendication. Pour cela, il conviendrait d’instituer un droit des organisations syndicales à la mise à disposition de salariés de toute entreprise ; intégrer le remboursement de la rémunération des salariés mis à disposition parmi les missions du fonds ; et enfin, intégrer ce financement dans la cotisation patronale minimale dont un décret en Conseil d’État déterminerait le niveau.

Deux autres questions importantes ne sont pas traitées dans le projet de loi. Il s’agit, d’une part, du droit des confédérations syndicales de salariés de justifier de l’utilisation de subventions et contributions de façon totalement interprofessionnelle, c'est-à-dire pour les salariés du public comme du privé. On sait que ce droit est nié par la Cour de Comptes. Et d’autre part, du droit à l’hébergement syndical des unions territoriales interprofessionnelles des confédérations.

Question essentielle, la détermination du niveau du fonds concerne tant la cotisation des entreprises que la contribution des institutions paritaires autres que celles de la formation professionnelle et la subvention de l’État. S’agissant de la répartition, il est injuste que l’audience des organisations syndicales ne soit pas prise en considération dans la répartition de la part de la subvention publique. En effet, la répartition forfaitaire des subventions crée d’importantes inégalités dans le financement des confédérations. Alors que les ressources de celles qui ont le plus d'adhérents, c’est-à-dire les plus représentatives, reposent majoritairement sur les cotisations, le financement de celles qui ont peu d’adhérents dépend majoritairement des subventions. Une telle situation est intolérable car elle risque d’alimenter des campagnes médiatiques de dénigrement du syndicalisme amalgamant toutes les organisations.

Le titre III du projet de loi porte sur l’Inspection du travail, service public essentiel à la protection des salariés contre les abus du patronat. Son autorité repose sur trois critères essentiels : son indépendance, assurée par la convention 81 de l’Organisation internationale du travail (OIT) ; sa fonction généraliste, qui lui permet une présence dans toutes les entreprises ; et son maillage territorial de proximité qui la rend accessible à tous. Or en l’état actuel, le projet de loi remet en cause ces critères et, s’il était adopté tel quel, il provoquerait immanquablement un bouleversement parmi le personnel et porterait dangereusement atteinte à la protection des salariés. De fait, le texte remet en question l’indépendance du corps de l’Inspection du travail, transforme ses missions en amoindrissant les contrôles dans les entreprises, et en particulier dans les TPE, et désorganise son maillage territorial. Et, sous couvert d’une évolution de carrière d’une partie des agents, une vraie menace continue de peser sur les effectifs de contrôle et des autres personnels. Or, ce dont a besoin l’Inspection du travail, c’est de moyens humains pour assurer ses missions de contrôle, d’un doublement de ses sections pour pouvoir être encore plus proche des salariés, et de la reconnaissance du travail des agents de contrôle, fondée notamment sur un véritable déroulement de carrière pour les catégories C, B et A. Il convient aussi de permettre aux inspecteurs du travail de constater la situation de travail des salariés, en particulier s’ils sont en situation de vulnérabilité, pour les aider à s’en sortir, et de recevoir localement et directement tout salarié qui le demande.

Si la concertation prévue au niveau départemental en vue de développer les échanges et le partage d’expérience peut constituer une bonne idée, elle ne saurait être confondue avec une subordination des inspecteurs.

Enfin, la lutte contre le travail non déclaré doit pouvoir se construire entre l’inspecteur du travail « local », les organisations syndicales et les représentants du personnel, mieux à même d’être efficaces que n’importe quel « groupe national d’intervention ».

Voilà notre appréciation d’ensemble de ce texte, mais nous répondrons volontiers à vos observations.

M. Jean-Patrick Gille. Votre intervention nous laisse un peu sur notre faim, s’agissant de l’ANI. Sans vous opposer au principe de la mise en place d’un compte personnel de formation, vous semblez exprimer une certaine déception quant aux modalités retenues pour son instauration. Vous appuyant sur une analyse quasi « fiscale » du statut du prélèvement de 0,2 % dédié au financement de ce compte, vous proposez qu’il soit géré par le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), contrairement à ce que prévoit l’accord. Que pensez-vous du fonctionnement de ce fonds, tel que le redéfinit l’article du projet de loi qui lui est consacré ?

Que pensez-vous de la régionalisation et de la nouvelle gouvernance prévues par le texte en matière de formation ? Le projet de loi tend à remettre les partenaires sociaux « dans la boucle », eux qui avaient été évincés du dispositif lors de la création de Pôle emploi : considérez-vous qu’ils auront partout les moyens de remplir leur mission en ce domaine ? Que pensez-vous du poids important accordé aux branches par le texte ?

Enfin, concernant le compte personnel de formation, quel regard portez-vous sur les modalités d’élaboration des listes prévues par le texte ?

M. Gérard Cherpion. Votre exposé nous a permis de bien comprendre les raisons pour lesquelles vous n’aviez pas signé l’ANI, ainsi que vos positions sur les dispositions du projet de loi qui dépassent le cadre de négociation de cet accord. Si vous rejetez globalement ce texte, quels aspects de celui-ci jugez-vous néanmoins positifs ? Nous estimons pour notre part qu’il représente une avancée, s’agissant en particulier du compte personnel de formation.

Le projet de loi renforce également la participation des partenaires sociaux à la prise de décision non seulement au niveau national mais également au niveau régional – s’agissant notamment de la détermination des formations « qualifiantes » : que pensez-vous du système de listes prévu par le texte ? Nous ignorons en effet si elles seront établies à l’échelon national, régional ou encore au niveau des branches, et si elles concerneront tant les demandeurs d’emploi que les salariés.

Enfin, qu’entendez-vous lorsque vous affirmez que « faire reposer l’audience sur l’adhésion ne garantit pas la transparence » ?

M. Christophe Cavard. Je souhaiterais revenir un instant sur la question du dialogue social, que nous avions déjà abordée lors du débat sur le projet de loi de sécurisation de l’emploi. Selon vous, l’ANI signé en décembre dernier découle d’un rapport de forces entre partenaires sociaux. Vous nous renvoyez donc à nos responsabilités de parlementaires, estimant que nous pourrions faire évoluer le texte. Or, notre groupe considère pour sa part que le dialogue social s’est nettement renforcé et amélioré depuis la précédente législature. Cela faisait en effet bien longtemps qu’un accord national interprofessionnel (ANI) n’avait pas pu être aussi bien retranscrit dans un projet de loi qu’aujourd’hui. Et il ne faudrait pas croire que la négociation et le rapport de forces n’existent pas au Parlement ! Il n’y a pas, d’un côté, la négociation entre les partenaires sociaux et, de l’autre, un Parlement constitué d’un bloc uni. Nous serions donc plutôt enclins à veiller au respect de l’équilibre de l’ANI, ce qui n’empêche pas les parlementaires d’améliorer le texte, voire de trancher certaines questions.

D’autre part, les écologistes se réjouissent de la régionalisation de certains enjeux du dialogue social tels que la formation. De nouveaux organismes seront ainsi amenés à prendre des décisions, et notamment à déterminer la liste des formations pouvant être prises en compte dans le cadre du compte personnel de formation. Les syndicats de salariés n’ayant guère coutume de débattre à ce niveau, comment le vôtre compte-t-il s’organiser à cette fin ?

Si la CGT a toujours soutenu l’idée d’une formation individualisée tout au long de la vie, vous semblez redouter un manque de moyens financiers pour valoriser le compte personnel de formation : quelles seraient vos propositions concrètes pour permettre à ce compte de jouer pleinement son rôle, tant en faveur des salariés que des demandeurs d’emploi ? Il doit en effet constituer selon nous un levier de la politique de l’emploi que nous menons depuis plusieurs mois.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous trouvant au tout début de l’examen de ce texte, nous sommes là avant tout pour vous entendre plutôt que pour vous interroger. J’ai bien entendu vos préoccupations quant à la méthode retenue pour élaborer ce texte et à son contenu même. Quel est votre avis sur le plafonnement des heures de formation et sur les listes de formations éligibles ? Nous avons bien compris que vous contestiez le fait que l’on ne discute pas de la représentativité patronale et nous sommes nous aussi très préoccupés par l’éventualité d’une suppression des élections prud’homales. Vous avez également dénoncé le fait que ce texte n’accroisse pas les droits des salariés.

Dans un souci de pragmatisme, il est cependant nécessaire de formuler des propositions afin de tenter d’améliorer ce projet de loi, malgré un contexte que je me passerai ici de commenter. Nous sommes quant à nous prêts à y travailler. J’insisterai donc à mon tour sur le fait que si la démocratie sociale et les accords ont leur importance, ils ne sauraient remettre en cause le rôle des députés qui, compte tenu de leurs responsabilités nationales, doivent imposer les dispositions qui leur paraissent aller dans le sens de l’intérêt des salariés et des entreprises de ce pays.

Mme Monique Iborra. Que pensez-vous du traitement réservé par le projet de loi aux demandeurs d’emploi ? Quelle est votre position sur cette gouvernance qualifiée de « décentralisée » – bien qu’elle ne le soit guère – et sur la détermination des listes de formations ? Enfin, si le MEDEF tend à s’organiser au niveau régional, les organisations syndicales de salariés semblent très attachées au niveau national : cela vous paraît-il efficace pour le dialogue social ?

Mme Isabelle Le Callennec. Dans l’appréciation que vous portez sur l’ANI et le projet de loi, vous accordez une large place à la représentativité, au financement du paritarisme et à l’inspection du travail. Vous êtes moins diserts sur la formation professionnelle, sur laquelle nous sommes pourtant tous attendus, élus comme partenaires sociaux.

La loi doit être garante de l’intérêt général, avez-vous dit, et permettre de lutter contre les inégalités. Mais l’actualité nous rappelle tous les jours que la situation est plus difficile pour certains salariés que pour d’autres – selon que leur emploi est exposé ou non – sans compter les demandeurs d’emploi.

Au sujet de la représentativité, vous avez souligné l’abstention lors des élections prud’homales. Quels sont les causes de ce phénomène selon vous ?

S’agissant du compte personnel de formation, vous estimez, contrairement aux organisations signataires de l’ANI, qu’il ne crée pas de droit à la formation, faute de financement suffisant, et qu’il remet en cause la mutualisation. Avec l’employabilité, vous posez une bonne question, celle de l’attractivité des formations : si les salariés ne perçoivent pas l’utilité d’une formation, ils ne perdront pas leur temps à la suivre.

Dernière question, quelles seront les marges de manœuvre de vos représentants au niveau local ?

M. Michel Liebgott. Sur la méthode, les organisations syndicales qui vous ont précédé ont exprimé le souhait d’une amélioration du texte sur certains points et d’une consultation sur sa mise en œuvre. De votre côté, vous réfutez les grandes lignes de l’ANI et du projet de loi qui en est la traduction.

Pouvez-vous néanmoins nous indiquer quelles dispositions sont à votre avis susceptibles d’améliorer la situation des salariés et quelles sont celles qui portent atteinte à leurs intérêts ? Nous n’entendons pas chambouler le texte mais l’améliorer. Vous défendez une position très différente des autres signataires, mais si vous avez noté une difficulté majeure, nous ne voudrions pas passer à côté. Pour le reste, plusieurs mesures – l’entretien sur la formation, le CPF, la décentralisation – me paraissent plutôt positives.

Mme Véronique Louwagie. L’un de vos arguments pour refuser de signer l’ANI a retenu mon attention : selon vous, l’accord emporte un affaiblissement des obligations des entreprises en matière de formation. Cette analyse ne me paraît pas pertinente. La seule question qui vaille est de savoir si ce dispositif constitue une avancée pour la formation des Français.

Je souhaite connaître votre avis sur le dispositif actuel de mutualisation en matière de formation. Avec un montant collecté de 6,3 milliards d’euros, peut-on considérer qu’elle est effective ?

Vous avez souligné trois caractéristiques essentielles de l’inspection du travail – l’indépendance, la fonction généraliste et le maillage territorial – pour regretter qu’elles disparaissent dans le texte. Celui-ci apporte pourtant, me semble-t-il, des moyens supplémentaires. Comment améliorer la lutte contre le travail non déclaré afin de poursuivre l’indispensable combat contre la fraude ?

Enfin, vous n’avez guère abordé la question de la décentralisation ni évoqué l’utilité d’une cartographie territoriale des emplois et des compétences.

M. Denys Robiliard. Vous n’avez pas commenté les dispositions relatives à la transparence financière des comités d’entreprise : est-ce à dire qu’elles ne posent pas de problème ?

Vous regrettez le défaut de concertation sur la réforme de la représentativité patronale et réclamez une symétrie avec celle de la représentativité salariale, notamment l’organisation d’élections. Mais l’asymétrie est le reflet de situations différentes. Il faut tenir compte de la taille des entreprises, qu’il s’agisse du volume de production ou du nombre de salariés. Comment envisagez-vous la représentativité patronale ? Pensez-vous que le vote de l’usine Renault puisse avoir le même poids que celui du garage de proximité ?

Enfin, l’ordonnance envisagée par le projet de loi entend apporter une réponse à la baisse de la participation aux élections prud’homales. Comment remédier à cette difficulté tout en maintenant ces élections ? Une participation très faible met en cause la légitimité des conseils de prud’hommes. Dans le collège des employeurs, la présentation fréquente de listes uniques ne peut-elle pas expliquer la faible participation ?

M. Pierre Morange. J’aimerais connaître votre opinion sur le compte personnel de formation (CPF) dont la création témoigne d’une philosophie nouvelle, substituant à une logique de statut une logique d’emploi. Quel regard portez-vous sur la portabilité des droits qu’il met en place dans la continuité de la sécurisation des parcours professionnels ? Le CPF doit-il comptabiliser seulement un nombre d’heures ou peut-il intégrer une part de monétisation ?

Mme Catherine Perret, membre de la Commission exécutive confédérale. Ma réponse ne saurait être exhaustive, compte tenu du nombre de questions posées, et je vous prie de m’en excuser.

Vous l’avez compris, la sécurisation des parcours professionnels est une préoccupation majeure de la CGT. Nous défendons l’idée d’une sécurité sociale professionnelle et nous revendiquons la paternité du droit individuel à la formation (DIF) mis en place en 2003.

Nous portons une appréciation négative sur l’accord national interprofessionnel et le projet de loi car on manque l’occasion de mener une réforme de fond permettant la création d’un véritable droit à la formation. Le compte personnel de formation ne constitue pas un droit à la formation. Il donne au salarié un droit d’initiative mais les contraintes auxquelles il est soumis ne permettront pas d’améliorer l’accès à la formation. Aujourd’hui 6 à 7 % seulement des salariés bénéficient d’un DIF. Ce n’est pas suffisant.

Si un diagnostic partagé a permis de remplacer le DIF par le CPF, le projet de loi n’apporte pas les remèdes appropriés, qu’il s’agisse d’augmenter le nombre de bénéficiaires ou de faciliter l’accès pour les salariés, en activité ou non, qui en ont le plus besoin. À cet égard, nous avons souligné le décalage entre l’ANI et la lettre de cadrage du ministre qui relevait les difficultés d’accès des salariés les plus fragiles aux formations qualifiantes. Cela concerne les salariés les moins qualifiés ou ceux travaillant dans les entreprises les plus petites – les cadres des TPE sont ainsi moins formés que ceux des grandes entreprises. Le projet de loi en l’état ne répond pas à ce problème alors que la concertation quadripartite avait permis des avancées. Les éléments positifs du CPF sont d’ailleurs le fruit de cette concertation.

L’universalité du CPF, que nous appelons de nos vœux, exige d’améliorer notablement le projet. Elle suppose de s’intéresser aux salariés du secteur privé mais aussi à tous les autres, le « hors champ » – 5 millions de salariés –, le secteur public ou les travailleurs indépendants, ce que le projet de loi ne fait pas. Les travaux parlementaires devront y remédier.

Nous sommes déçus car notre ambition était plus grande. Le contexte économique exige des efforts importants de la Nation en faveur de la formation. Les attentes fortes des salariés seront déçues car le financement du CPF ne permettra pas l’accès à la formation qu’on leur fait miroiter.

Nous suggérons donc plusieurs modifications.

L’ANI est éloigné de nos propositions en matière de financement. Au cours de la négociation, notre position sur la contribution des entreprises a évolué. Mais nous souhaitions instituer un garde-fou consistant, pour les entreprises, à passer de l’obligation de dépenser à l’obligation de former. Nous avions proposé d’abaisser la cotisation obligatoire mais parallèlement d’obliger toutes les entreprises à établir un plan de formation et à mettre en place un suivi de celui-ci. Conscients des contraintes des petites et moyennes entreprises, nous avions envisagé une mise en place progressive de l’obligation, accompagnée d’un soutien aux plus petites entreprises par le biais des organismes paritaires collecteurs agréés. Cette obligation devait s’inscrire dans le cadre d’une réflexion approfondie en matière de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC) territoriale afin de prendre en compte les spécificités régionales et de bassin. Nous n’avons pas eu gain de cause sur ce dispositif, qui aurait conféré au salarié un droit d’initiative opposable. Il me semble important d’y revenir.

Concernant les listes, nous proposions que soient déterminées dans le cadre de la délibération sociale de l’entreprise des formations prioritaires répondant aux besoins des salariés comme à ceux de l’entreprise. Grâce au compte personnel de formation, le salarié aurait un accès prioritaire à ces formations afin d’évoluer et de se reconvertir. La CGT tient également à ce que le CPF se traduise par un droit à l’évolution et à la promotion professionnelle dans l’entreprise et, au-delà, dans la branche. L’attractivité des formations est liée à la reconnaissance accordée au salarié par l’entreprise ou la branche pour l’effort qu’il a consenti afin d’obtenir une nouvelle qualification. Cette reconnaissance peut s’inscrire dans le cadre de la GPEC. Le projet de loi est loin d’octroyer les garanties collectives que nous attendons.

La CGT a obtenu l’instauration d’un entretien sur la formation professionnelle. Le projet de loi est néanmoins mal rédigé sur ce point. Il importe de préciser que cet entretien doit être distinct des autres entretiens et qu’il n’est pas un entretien d’évaluation. La systématisation de l’entretien de formation professionnelle, ainsi que le plan de formation professionnel délibéré, sont de nature à favoriser une meilleure égalité d’accès à la formation dans l’entreprise. Vous avez encore la possibilité de densifier cette partie.

L’ouverture et la fermeture des droits au CPF sont un autre sujet de débat. Pour créer un CPF universel, l’ouverture doit être possible dès 15 ou 16 ans, quelle que soit l’activité de la personne et sans lien avec l’entrée sur le marché du travail ou une inscription à Pôle emploi. Dans le cas contraire, on réduit l’universalité du CPF. Il faut également tenir compte du cas des femmes. Parce que nous croyons à un droit à la formation équivalent à la sécurité sociale, nous avions proposé que le CPF soit géré par une branche de la sécurité sociale.

Quant à la fermeture des droits, il semble injuste qu’elle intervienne lors de la liquidation de la retraite. Il faut vous interroger sur l’utilité sociale des retraités. Il pourrait être judicieux de conserver les droits à formation non consommés aux retraités qui s’engagent dans le monde associatif ou dans des missions intérêt général. La CGT propose que les droits soient maintenus pendant un an après la liquidation des pensions afin d’inciter les retraités à se former.

Il importe également que le salarié conserve dans le cadre du CPF le droit d’initiative qui avait été acté dans le DIF. La décision d’utiliser le CPF doit appartenir entièrement au salarié, qu’il soit en activité ou privé d’emploi. Cela vaut particulièrement pour les chômeurs signataires d’un contrat de sécurisation professionnelle dont les droits issus du CPF pourraient être siphonnés par leur adhésion à un parcours de sécurisation. Le projet de loi n’est pas suffisamment précis sur ce point. En outre, il convient de bien distinguer le congé individuel de formation et le CPF.

La CGT a plaidé pour un passage du plafond d’heures de formation à 150 heures car, depuis la mise en place du DIF, le nombre d’heures nécessaires à la professionnalisation a augmenté. Il a été décidé que ces 150 heures pourront être utilisées sur neuf ans au lieu des six ans que nous demandions. Ce choix présente un risque de lissage. En l’état, le projet de loi ne préserve pas d’un risque de régression par rapport au droit existant.

Quant au financement, la CGT avait évalué au plus bas à 0,4 % la part de la contribution obligatoire devant être dédiée au CPF pour réussir à cibler les publics les plus fragilisés. Avec 0,2 %, on est loin du compte…

Autre problème majeur, le fonds dédié au CPF n’est pas sécurisé. L’ANI prévoit que les entreprises peuvent s’en affranchir en cas d’accord de branche ou d’accord d’entreprise. Le projet de loi limite cette possibilité à l’accord d’entreprise. Selon nous, il faut la supprimer et obliger toutes les entreprises à dédier 0,2 % de leur masse salariale au CPF. L’existence d’un tel fonds serait un gage d’égalité pour les salariés sur l’ensemble du territoire. Sans cette garantie, le niveau de financement du CPF sera différent d’une région à une autre. Vous risquez de mettre en place une « assurance formation ». Nous demandons donc une généralisation de la contribution dédiée à 0,2 % avec l’espoir d’une montée en puissance qui nous semble inévitable.

La gouvernance a fait l’objet d’un travail approfondi dans le cadre de la concertation quadripartite. Nous approuvons l’instauration de deux niveaux de gouvernance. En revanche, reste posée la question de l’établissement de listes prioritaires. Nous souhaitons que soient définies des listes nationales issues du répertoire national des certifications professionnelles, à même de garantir l’égalité des salariés, la mobilité, la péréquation, etc. Nous ne sommes évidemment pas opposés à la détermination, en complément et par la concertation, de listes répondant aux besoins régionaux et locaux, voire de listes issues d’accords d’entreprise.

M. Éric Lafont, secrétaire confédéral. Les dispositions relatives à la transparence financière des comités d’entreprise sont la transcription pure et simple de la position commune adoptée il y a deux ans par les organisations patronales et syndicales ainsi que l’État – chose suffisamment rare pour être soulignée. Nous ne pouvons que nous en satisfaire.

S’agissant du financement du syndicalisme, nous sommes dans l’incapacité de porter une appréciation sur un texte qui nécessite cinq décrets d’application. Nous demandons d’ailleurs à être associés à leur rédaction, comme ce fut le cas pour la loi de 2008.

Nous déplorons que le dispositif ne repose pas uniquement sur la représentativité syndicale déterminée en 2008. Pis, il contourne la loi en faisant bénéficier toutes les organisations d’un financement public, forfaitaire de surcroît. Nous ne contestons pas le fait que toutes les organisations syndicales soient financées. Nous craignons néanmoins que le dispositif envisagé donne une prime aux petites organisations. Moins vous aurez d’adhérents, plus vous aurez de subventions. La CGT est financée à hauteur de 74,2 % par les cotisations de ses adhérents. Les grosses organisations vont devoir continuer à se défendre contre la fausse accusation selon laquelle elles sont principalement financées par des fonds publics.

Nous souhaitons que la mise à disposition soit le premier mode de financement public des organisations syndicales. Nous n’avons pas reçu de réponse sur ce point.

Enfin, les mesures relatives au fonds paritaire de financement répondent à une revendication de longue date. Elles permettront une plus grande transparence des organisations syndicales de salariés mais aussi d’employeurs.

Mme Agnès Le Bot. Nos échanges témoignent de la densité du projet de loi et sont donc appelés à se poursuivre.

Nous sommes évidemment favorables au dialogue social mais nous sommes soucieux du sens qu’on lui donne. Nous faisons la part des choses. Nous savons que certains peuvent écouter longuement sans entendre. Nous savons aussi qu’un seul acteur syndical peut être entendu.

À chaque accord national interprofessionnel conclu, se pose la question du rapport entre l’accord et la loi. Il interroge les acteurs sociaux comme le législateur avec une acuité singulière alors que les conditions de la négociation collective sont particulièrement dégradées. Depuis des années, les accrocs à la hiérarchie des normes et au principe de faveur sont nombreux. De ce fait, vous ne pouvez pas considérer aujourd’hui qu’un accord est porteur de l’intérêt général. Ce n’est pas vrai ! C’est pourquoi il importe que le législateur joue pleinement son rôle.

Quant à l’adhésion à une organisation patronale, elle obéit à une logique de fourniture de services. Cette préoccupation de l’employeur est légitime, mais très éloignée de l’un des fondements de la représentativité, à savoir le mandat donné pour négocier un accord. Nous ne sommes pas les seuls à proposer des modalités de calcul de l’audience fondées sur un vote des employeurs. Nous regrettons qu’il n’ait pas été possible d’aborder ce sujet, les organisations patronales s’y étant fermement opposées. Il faudra explorer d’autres voies.

Sur la question de la multi-adhésion, je ne vois pas de solution car la pratique est très répandue – les organisations patronales le reconnaissent elles-mêmes.

Nous savons que la participation des salariés aux élections prud’homales est problématique. Le Conseil supérieur de la prud’homie n’a pas travaillé comme cela était prévu depuis les dernières élections sur des pistes d’évolution. Il est possible de simplifier le scrutin – en supprimant des sections –, de faire campagne pour ces élections – celle-ci repose pour beaucoup sur les organisations syndicales – et de les faciliter. Nous avons proposé que le cycle électoral ouvert par la loi de 2008 serve de point d’appui pour travailler à des évolutions du scrutin prud’homal.

Le projet de loi supprime les élections prud’homales alors que des évolutions sont possibles. Il faut organiser les élections de 2015 et examiner les aménagements qui permettent aux salariés de conserver la pleine maîtrise de leur juridiction prud’homale.

Sur l’inspection du travail, la concertation a été difficile, tout comme l’écoute des syndicats du personnel, pourtant unis. Or, il faut renforcer les missions de service public de l’inspection. Dans la lutte contre le travail non déclaré, elle ne doit pas jouer le rôle des services de police, mais travailler avec les organisations syndicales pour éviter la généralisation du dumping social et faire que tout salarié travaillant en France ait accès au droit du travail français.

La séance est levée à treize heures vingt.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 15 janvier 2014 à 11 heures 30

Présents. – M. Élie Aboud, M. Bernard Accoyer, M. Pierre Aylagas, M. Jean-Pierre Barbier, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Véronique Besse, Mme Gisèle Biémouret, Mme Valérie Boyer, Mme Sylviane Bulteau, Mme Fanélie Carrey-Conte, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Christophe Cavard, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Jean-Louis Costes, M. Rémi Delatte, M. Jean-Pierre Door, M. Dominique Dord, M. Richard Ferrand, Mme Jacqueline Fraysse, Mme Hélène Geoffroy, M. Jean-Marc Germain, M. Jean-Patrick Gille, Mme Linda Gourjade, M. Henri Guaino, M. Jérôme Guedj, Mme Joëlle Huillier, Mme Sandrine Hurel, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Conchita Lacuey, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Jean Leonetti, M. Céleste Lett, Mme Geneviève Levy, M. Michel Liebgott, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, Mme Véronique Massonneau, M. Pierre Morange, M. Hervé Morin, Mme Ségolène Neuville, Mme Dominique Orliac, Mme Luce Pane, M. Christian Paul, M. Bernard Perrut, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Arnaud Richard, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, M. Gérard Sebaoun, M. Christophe Sirugue, M. Jean-Louis Touraine, M. Olivier Véran, M. Jean-Sébastien Vialatte

Excusés. – Mme Kheira Bouziane, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Laurent Marcangeli, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Monique Orphé, M. Fernand Siré, M. Jonas Tahuaitu

Assistaient également à la réunion. – M. Régis Juanico, Mme Bernadette Laclais