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Commission des affaires sociales

Mercredi 12 février 2014

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 40

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

– Présences en réunion 17

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 12 février 2014

La séance est ouverte à seize heures trente.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission des affaires sociales entend Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Nous sommes heureux de vous recevoir, madame la ministre, pour une audition prévue depuis longtemps, mais que ni l’agenda de la commission ni le vôtre ne nous avaient jusqu’à présent permis d’organiser. Nous sommes impatients de vous entendre au sujet de la politique mise en œuvre par le Gouvernement dans les domaines fondamentaux dont vous êtes chargée. Pour préparer cette audition, les commissaires ont reçu deux documents : d’une part, le bilan 2013 et la feuille de route pour 2014 du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale ; d’autre part, une note sur l’application des dispositions relatives à l’accessibilité des bâtiments prévues par la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, dont nous venons de fêter le neuvième anniversaire.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Je vous remercie de votre invitation, qui m’honore. Sur les sujets dont nous allons parler, votre commission est très active et notre collaboration est étroite, notamment avec Martine Carrillon-Couvreur, présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées, Martine Pinville, avec laquelle je travaille sur le plan autisme, et Christophe Sirugue, auteur d’un rapport sur le RSA.

La crise que traverse notre pays oblige chacun et chacune d’entre nous à faire preuve de solidarité, davantage encore que dans les périodes plus prospères. Car c’est dans les moments de crise que les personnes les plus vulnérables chutent ou risquent de chuter, que la défiance, que la violence se déchaînent. Voilà pourquoi nous avons particulièrement besoin d’une véritable politique de solidarité : c’est elle que nous souhaitons, elle que nous construisons ensemble.

Sans aborder tous les sujets prioritaires, je vous présenterai les principaux aspects de mon action récente.

S’agissant d’abord de la maltraitance individuelle, je me suis rendue la semaine dernière à Grenoble pour expliquer que filmer l’agression d’un jeune homme handicapé n’est en rien un exploit ou un fait d’armes dont on pourrait se glorifier, mais une faillite morale dont nous sommes tous responsables, car elle porte en puissance celle de notre société. C’est mon rôle, c’est notre rôle que de rappeler en toute occasion les valeurs républicaines. Nous, pouvoirs publics, élus, État, devons être particulièrement protecteurs.

Rappelons également l’affaire Amélie Locquet, jeune femme en situation de polyhandicap que l’on se passait d’un établissement à l’autre comme une patate chaude, si vous me permettez l’expression – une expression employée par les professionnels eux-mêmes, qui n’en peuvent plus, comme les parents qui ne parviennent pas à trouver une place pour leur enfant, comme l’enfant qui, à son tour, craque. Pour remédier à ce type de situation, j’ai instauré un dispositif de vigilance qui doit garantir une prise en charge dans les cas extrêmes ; d’abord créé au niveau départemental, il sera ensuite étendu au niveau régional, puis au niveau national. Nous verrons s’il faut changer la réglementation ou la loi afin d’obliger les établissements privés – de manière nécessairement limitée, à la différence des établissements publics – à recueillir une personne en grande difficulté psychologique, sociale ou familiale.

J’ai été, comme vous tous, choquée du récent reportage télévisé qui montrait des cas de maltraitance au sein même des établissements. La grande majorité des établissements français est d’excellente qualité. Les critères requis pour les ouvrir sont extrêmement rigoureux, plus que dans d’autres pays. Cette émission révèle toutefois que certains d’entre eux passent entre les mailles du filet. Pourquoi ? Voilà ce qu’il me faut déterminer.

Le premier établissement dont il était question dans ce reportage se trouve en Belgique. Grâce au comité de suivi résultant de l’accord-cadre entre la France et la Wallonie que vous avez voté, nous allons pouvoir mener des investigations réciproques. Nous allons envisager d’autres accords-cadres afin de déterminer qui paie, comment, et combien de personnes sont prises en charge. Loin de moi l’idée de stigmatiser les Belges, plutôt précurseurs en matière d’accueil d’enfants handicapés, notamment autistes. Mais, parce que les départements rémunèrent mieux la prise en charge de ces derniers que ne le fait l’Awiph, l’Agence wallonne pour l’intégration des personnes handicapées, les Belges ouvrent souvent des « boîtes à Français » – je sais que l’expression a déplu –, dans le seul but, parfois, de faire de l’argent en profitant de la misère des gens. Le phénomène régresse dans certains départements, mais, depuis la région Île-de-France, on continue d’envoyer des personnes de l’autre côté de la frontière. Je ne veux pas fermer les yeux sur ces cas. Il n’est pas normal que des familles comptant des enfants ou de jeunes adultes en situation de handicap soient obligées de procéder ainsi. Nous pouvons leur offrir des solutions, nous avons progressé sur certains points, et je veux poursuivre sur cette voie.

La deuxième affaire est ancienne. Je ne le dis pas afin d’en rendre responsable le précédent gouvernement, car cela pourrait nous arriver à nous aussi. Elle relève de la justice, comme tous les cas de ce genre le devraient en dernière instance.

La troisième affaire concerne l’établissement privé du Moussaron, dans le Gers, que j’ai placé sous administration provisoire dès que j’ai été informée des difficultés – c’est le mot, car il ne s’agit pas véritablement de maltraitance – par un rapport d’inspection. Celui-ci faisait suite à trois autres, ce qui signifie qu’à trois reprises, la structure est passée entre les mailles du filet.

Nous allons demander par voie de circulaire, signée par Marisol Touraine et par moi-même, que la loi de 2002, soit respectée sans exception – n’est-ce pas, en effet, le b.a.-ba de la République ? Cette loi subordonne le renouvellement des agréments à une évaluation externe réalisée par un organisme indépendant. C’est le moment ou jamais de l’appliquer puisque l’agrément de nombreux établissements arrive actuellement à échéance. Or à peine 30 % des établissements se soumettent à cette obligation.

J’ai également souhaité qu’il soit procédé à des contrôles inopinés, allant d’une ou deux heures à une demi-journée, peu coûteux pour les agences régionales de santé (ARS) qui connaissent parfaitement le terrain et savent dans quels établissements aller.

Je veux aussi protéger la parole des parents et des salariés, qui, souvent, n’osent pas dénoncer ces situations, de peur de voir leurs enfants jetés à la rue, pour les uns, de perdre leur emploi, pour les autres. Je favoriserai donc les appels anonymes sur le modèle du 119 ou du 3977. Avec Michèle Delaunay, nous avons créé un numéro d’appel réservé à la maltraitance au sein des établissements. Nous allons signer des chartes concernant l’ensemble des établissements afin que cette disposition se reflète dans les projets d’établissement et dans les livrets d’accueil. En effet, les signalements sont très rares, ce qui n’est pas normal. La loi sur l’avancée en âge que prépare Michèle Delaunay obligera à signaler les cas de maltraitance aux ARS et aux conseils généraux. Bref, nous nous efforçons de recoudre les mailles du filet afin que cette situation ne se reproduise pas.

J’en viens au « gros » dossier, celui de l’accessibilité. Nous devons protéger de la discrimination les personnes en situation de handicap, leur assurer les mêmes droits que les valides – en somme, là encore, faire respecter la loi. Je veux parler cette fois de la loi de 2005, une grande loi de la République dont nous venons, en effet, de fêter le neuvième anniversaire et qui, sur le terrain, peine à s’appliquer. Bien qu’elle ait permis des avancées dans de nombreux domaines, nous restons très en retard. Or il y va de la crédibilité de la parole politique : ce que le Gouvernement décide, ce que les parlementaires votent doit être mis en œuvre.

Dans ce domaine, nous devons donc agir vite et efficacement. Nous ne saurions déroger au respect de la date fixée par la loi, celle du 1er janvier 2015. Nous constatons toutefois que la majorité des établissements, qu’ils soient publics ou privés, ne seront pas prêts à temps. Nous allons donc faire en sorte que, pour autant, 2014 ne soit pas une année blanche, en aidant, notamment financièrement, par le biais de la Caisse des dépôts et consignations et de la Banque publique d’investissement, ceux qui sont susceptibles d’atteindre l’objectif. Mille ambassadeurs de l’accessibilité, volontaires du service civique formés à cette fin, vont être déployés partout en France, pour accompagner sur cette voie non les grandes institutions, les grandes entreprises ou les grosses communes, qui ont les moyens d’agir, mais les petits commerces, les petits villages. Vous serez tenus informés de leurs démarches dans chacun de vos territoires.

Parce que nous voulons agir vite, nous procéderons par ordonnance. Le projet de loi d’habilitation soumis au Parlement définira le périmètre des ordonnances, le délai au terme duquel elles seront adoptées en Conseil des ministres, ainsi que le délai qui séparera leur publication du dépôt devant le Parlement du projet de loi de ratification. Le débat commencera au Sénat, à la fois parce que son agenda s’y prête et parce que les collectivités territoriales sont particulièrement concernées.

L’accessibilité est universelle : elle ne se limite pas à celle des transports et des établissements recevant du public, même s’il s’agit du principal problème auquel nous sommes collectivement confrontés. Voilà pourquoi j’ai créé un statut des chiens d’aveugle et, à titre expérimental, une plateforme téléphonique destinée aux sourds et aux malentendants, et signé une charte afin de développer l’accès aux métiers de l’audiovisuel.

L’objectif de simplification des normes et des procédures, autre sujet d’actualité, vaut – on ne le dit pas assez – en matière sociale comme en matière économique. Nous devons lutter contre la violence institutionnelle dont sont victimes les plus faibles et les plus démunis, tenus à un véritable parcours du combattant pour obtenir ce à quoi ils ont droit, ce qui est humiliant et entraîne un taux de non-recours très élevé. La bureaucratie se nourrit d’elle-même : personne n’est responsable ; c’est un véritable engrenage qui alourdit les procédures et emporte de graves conséquences pour nos concitoyens.

Nous travaillons donc sur le dossier unique, qui fait l’objet d’une expérimentation dans deux départements volontaires : la Loire-Atlantique et la Seine-et-Marne. Distinct du guichet unique, avec lequel il ne doit pas être confondu, ce dispositif permet aux personnes concernées de remplir un seul dossier, le plus simple possible, afin d’éviter de faire le tour des différentes administrations. Cela devrait aller de soi, mais chaque administration a ses propres procédures et les aides n’ont pas les mêmes bases. La simplification prendra donc beaucoup de temps. Cela étant, nous progressons. Il le faut, car la simplification est pour tout le monde, et notamment pour nos concitoyens qui en ont le plus besoin.

Je veux enfin protéger de la pauvreté les travailleurs modestes et précaires. Pour cela, nous devons améliorer le fonctionnement du RSA activité et de la prime pour l’emploi (PPE). Christophe Sirugue y a beaucoup travaillé. Je veux naturellement accompagner les plus pauvres et les plus démunis, mais aussi les précaires, qui ont un métier mais des fins de mois difficiles. Tel est le sens du projet de fusion entre les deux prestations. Lors de sa dernière conférence de presse semestrielle, en janvier, le Président de la République a rappelé l’intérêt de cette réforme, qui sera incluse dans la remise à plat de la fiscalité annoncée par le Premier ministre. Elle permettra de remédier au problème du non-recours au RSA activité et d’intégrer les jeunes, très peu pris en considération aujourd’hui. Bref, il s’agit d’une vraie et belle réforme sociale.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Vous le savez, madame la ministre, les parlementaires ne sont jamais contents des ordonnances, ce qui est normal car dans ce cas le débat leur échappe. Toutefois, des ordonnances qui font avancer la cause valent mieux qu’une loi qui aura bientôt neuf ans et qui, en matière d’accessibilité, ne sera pas appliquée à la date requise, mais avec plusieurs années de retard, comme l’a reconnu le Gouvernement. Nous avons même été témoins, sous la précédente législature, de tentatives de retour en arrière s’agissant de l’accessibilité des bâtiments classés.

La presse a récemment fait état des difficultés de certains cabinets médicaux à se mettre aux normes d’accessibilité. Alors que les personnes handicapées ont davantage besoin que les autres de consulter le médecin, 50 % d’entre elles peinent à le faire. Pour elles, le libre choix du médecin traitant n’est pas acquis.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Madame la ministre, au nom du groupe SRC, je me réjouis de vous entendre aujourd’hui sur des sujets majeurs de préoccupation pour notre société. L’exclusion, la pauvreté, le handicap sont trop souvent indissociables, du fait des difficultés que rencontrent les personnes en situation de handicap, en particulier pour accéder à l’emploi et aux ressources. Nous devons tous travailler à les résoudre.

Au cours de l’année écoulée, la prise en considération du handicap dans notre société a connu d’importants progrès qu’il convient de saluer. La circulaire du 4 septembre 2012 relative à la prise en compte du handicap dans les projets de loi en est la traduction la plus concrète. Grâce à cette mesure, plusieurs dispositions spécifiquement destinées aux personnes handicapées ont pu être entérinées dans les différents textes dont nous avons débattu. Je songe au principe de l’école inclusive, signe fort du début du mandat ; à la réforme très attendue du statut des auxiliaires de vie scolaire (AVS) ; au droit à la retraite anticipée, traité dans le cadre de la loi sur les retraites ; à l’accessibilité de la formation professionnelle, enfin, dont nous avons discuté la semaine dernière. Ces mesures très importantes, nous les devons à cette circulaire et à la volonté des ministres.

Je salue particulièrement la réunion du Comité interministériel du handicap (CIH) sous la présidence du Premier ministre, le 25 septembre dernier. Très attendue par les associations, cette réunion, la première depuis la création du CIH, a permis de définir la feuille de route gouvernementale en matière de politiques publiques du handicap. Trois priorités ont été fixées : l’accessibilité, l’éducation et l’emploi.

S’agissant de l’accessibilité, qui suscite beaucoup d’attentes et d’inquiétudes, un mouvement est en marche dans les départements et au sein des chambres consulaires. Le Défenseur des droits vient de présenter un guide de l’accessibilité destiné aux collectivités. Le baromètre publié hier par l’Association des paralysés de France fait état d’avancées, malgré le retard pris et la difficulté à respecter l’échéance du 1er janvier 2015. Pouvez-vous nous fournir des informations complémentaires sur ce sujet, l’un des enjeux majeurs de l’année à venir ?

Le handicap fait désormais l’objet d’une approche interministérielle, qu’il convient d’adopter pour tous les sujets sociaux et économiques, afin de mieux tenir compte des besoins des personnes. Cette nouvelle approche requiert un suivi dans chaque ministère. Que pouvez-vous nous dire de l’installation des référents au sein des cabinets ministériels et des administrations, également prévue cette année ?

Je vous remercie de vos éclaircissements sur les difficultés que connaissent encore certains établissements malgré les efforts du Gouvernement en faveur des personnes handicapées. Nous devrions inciter davantage les ARS à étudier l’offre territoriale afin de nous permettre de l’améliorer par des créations ou des transformations de places.

Comment envisagez-vous de donner suite au CIH dans le cadre de la Conférence nationale du handicap prévue à l’automne 2015 ?

Enfin, nous serions heureux que nos travaux soient accessibles à tous nos concitoyens. Nous devons avoir cet objectif à l’esprit même s’il relève de la mission du CSA.

Mme Bérengère Poletti. Au nom du groupe UMP, je vous remercie, madame la ministre, de votre présence et de l’esprit de votre intervention. Les problèmes que rencontrent les personnes handicapées sont tels que nous en restons toujours au stade de la réflexion et du projet. Nous n’en avions pas fini au terme des mandats de M. Jospin, de M. Chirac, de M. Sarkozy, et nous n’en aurons pas fini au terme de celui de M. Hollande. Nous devons véritablement nous efforcer, ensemble, d’améliorer l’environnement des personnes handicapées en état de souffrance sociale.

J’ai réagi exactement comme vous au reportage télévisé que vous avez évoqué : ma première pensée est allée à tous ceux qui travaillent dans les établissements accueillant des handicapés, qui y donnent de leur personne et pour qui la révélation sans précaution de tel ou tel dysfonctionnement survenu ailleurs peut être délétère.

Envisagez-vous de réformer la tarification de ces établissements, fondée pour l’essentiel sur leur historique, ce qui n’est pas très juste ?

Dans ma région, l’ARS retire des moyens consacrés au maintien de jeunes adultes dans des établissements pour enfants et adolescents, régi par l’amendement Creton. Il semble qu’il n’en aille pas de même ailleurs. Comment expliquer cette apparente distorsion ?

S’agissant de l’accessibilité, on a beaucoup fait malgré tout, notamment dans les communes rurales, où la tâche est pourtant difficile. Je le constate dans ma circonscription. La situation est pire dans les grandes villes ; il suffit de prendre le métro pour s’en apercevoir.

Quant à l’accès au logement, il est souvent plus coûteux de construire des logements ou des bâtiments adaptés aux personnes handicapées, parce que les normes ne sont pas les mêmes que pour les bâtiments classiques. Puisqu’il est question de simplifier les normes, pourquoi ne pas les adapter d’emblée à l’accueil de personnes handicapées ? La largeur des portes en est un exemple, fréquemment cité.

J’en viens à la barrière d’âge entre le handicap et la dépendance, qui reste fixée à 60 ans alors que l’âge légal de la retraite a été reporté à 62 ans, ce qui n’est pas juste. À cette question, que je pose depuis longtemps, on me répond généralement que des études financières sont en cours, mais je n’en obtiens pas les résultats. Pouvez-vous m’en dire plus ?

Dans son excellent documentaire Mon fils, un si long combat, la journaliste Églantine Emeyé évoque la bataille qu’elle a dû livrer comme mère d’enfant polyhandicapé et la quasi-incapacité de la maison départementale des personnes handicapées à l’aider à trouver un établissement pour son fils. Peut-être s’agit-il d’une spécificité parisienne, mais il est aberrant qu’elle ait été envoyée dans des établissements dont on savait qu’ils ne pouvaient offrir à son fils une place ou des soins adaptés à son âge. Avez-vous vu ce film ? Qu’en pensez-vous ?

S’agissant enfin de l’obligation d’employer des personnes handicapées dans le secteur public, il semble que l’éducation nationale soit loin du compte.

Mme Véronique Massonneau. Je m’exprimerai au nom du groupe écologiste. Madame la ministre, la loi sur les retraites a ramené de 80 % à 50 % le taux d’incapacité requis pour bénéficier de la retraite anticipée en tant que travailleur handicapé, mais la suppression, même progressive, de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) est mal vécue, ce qui est compréhensible. Pouvez-vous nous assurer que le Gouvernement restera vigilant sur ce point ? Est-il envisageable de revenir sur cette mesure si ces craintes se confirment et si les problèmes se révèlent plus importants que prévu ?

Pour la cinquième fois, le Conseil de l’Europe a condamné la France pour sa mauvaise prise en charge des enfants autistes dans les écoles. Vous avez annoncé en mai dernier, dans le cadre du troisième plan autisme, dix mesures-phares qui vous ont valu plusieurs attaques, notamment de la part de Mme Olivia Cattan, présidente de l’association Paroles de femmes et porte-parole de SOS Autisme. Sans m’attarder sur ces critiques auxquelles vous avez largement répondu, j’aimerais que vous nous exposiez ce plan plus en détail. Qu’en est-il de l’intégration des enfants autistes dans les classes dites ordinaires ? Quel accompagnement médical et social pour l’enfant et pour sa famille ? Quel accompagnement pour les adultes autistes ? Comment intégrer les autistes dans le monde professionnel ?

Enfin, l’Association des paralysés de France (APF) a publié hier un panorama de l’accessibilité des villes dont le résultat est très mitigé. À peine plus de la moitié des écoles et 42 % des réseaux de bus sont accessibles aux handicapés. Le constat est analogue s’agissant des commerces de proximité et des cabinets médicaux. Dans ma circonscription, de nombreux commerçants s’affolent, bien qu’ils aient eu dix ans pour se préparer. En effet, la loi de 2005 fixait à 2015 l’accessibilité dans les villes. Cet objectif semble désormais inaccessible, si vous me permettez ce jeu de mots. Quelle politique incitative mener ? Comment le Gouvernement peut-il jouer son rôle auprès des collectivités pour éviter que le retard ne s’aggrave ?

Mme Dominique Orliac. Au nom du groupe RRDP, permettez-moi de vous remercier, madame la ministre, d’avoir rappelé des valeurs de solidarité, des valeurs républicaines qui nous tiennent tous à cœur.

En ce qui concerne le baromètre annuel de l’APF et ses conclusions « accablantes » – pour reprendre le terme employé par l’association –, l’inaccessibilité des cabinets médicaux s’explique, au-delà des raisons financières, par des problèmes de permis de construire et d’occupation du domaine public. Si le Gouvernement est résolu à faciliter la vie quotidienne et l’insertion des personnes en situation de handicap, les défis restent considérables, notamment l’accès à un service public de qualité sur tout le territoire de la République. La création du Comité interministériel du handicap témoigne de la volonté du Premier ministre et du Gouvernement, mais l’accessibilité complète ne sera pas atteinte en 2015, contrairement à ce qui était prévu. L’APF déplore un allongement des délais de trois à neuf ans, ce qui nous mènerait au mieux à 2017, au pire à 2023, sans parler de la directive européenne relative à l’accessibilité ferroviaire, prévue pour 2027. Madame la ministre, comment rassurer les associations qui luttent pour une meilleure inclusion des personnes en situation de handicap ? Confirmez-vous ou infirmez-vous l’estimation de l’APF ? Le respect de délais fixés il y a neuf ans est essentiel. En 2010, j’avais interrogé le Gouvernement pour obtenir un bilan à mi-étape qui s’est révélé catastrophique. Aujourd’hui, un signal fort encouragerait tous les acteurs.

Il serait intéressant de suivre l’agenda d’accessibilité programmée (Ad’AP) en maintenant l’échéance de 2015. Ainsi, des établissements recevant du public qui ne seraient pas encore accessibles pourraient établir un formulaire de programmation et de financement des travaux à réaliser et déposeraient leur dossier en préfecture, auprès de laquelle ils s’engageraient fermement à réaliser ces travaux dans un délai assoupli, mais impératif. Cela permettrait d’exercer une certaine pression sur eux. Qu’en pensez-vous ?

La feuille de route gouvernementale, destinée à mobiliser dès 2014 les acteurs publics et privés et à accompagner leur évolution vers l’accessibilité, intègre notamment des outils financiers qui aideront les collectivités territoriales et les entreprises à réaliser des travaux. Le groupe RRDP ne peut que s’en réjouir.

Le Gouvernement vient de me confier une mission sur l’accessibilité dans le domaine électoral. Il s’agit de réfléchir aux moyens de faciliter la participation électorale des personnes en situation de handicap moteur, sensoriel ou psychique – accessibilité des bureaux de vote, soutien aux électeurs lors des opérations de vote –, l’accès de tous les électeurs aux campagnes électorales et, plus généralement, à l’information politique ; de développer de nouveaux instruments d’accessibilité – lieux des réunions publiques, accès aux médias, à Internet ; d’intégrer dans ce cadre les élections professionnelles, les élections étudiantes et les élections des parents d’élèves. Cette mission devrait provoquer un changement de perception du handicap dans la population qui n’est pas encore sensibilisée à ces questions. C’est ainsi que nous ferons progresser notre société vers plus d’égalité. Je ne doute pas un seul instant que majorité et opposition travailleront main dans la main dans ce domaine essentiel.

M. Christophe Sirugue. Je me concentrerai pour ma part sur les questions de pauvreté et d’inclusion sociale. Il est heureux que nous puissions disposer d’un point d’étape – ce qui est rare –, d’autant que celui-ci permet de constater des avancées significatives : la revalorisation du RSA socle, le relèvement du plafond d’accès à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et à l’assurance complémentaire santé (ACS), le lancement de la garantie jeunes, l’allongement de la durée des contrats aidés.

La réforme du dispositif RSA-PPE, en cours de discussion et d’évaluation, va suivre son cours dans le cadre de la remise à plat de la fiscalité. Un problème ressort des auditions que j’ai conduites, y compris depuis que j’ai remis mon rapport : la gouvernance de ces politiques publiques. La dimension interministérielle, que vous évoquez souvent, est évidemment importante. Mais la gouvernance locale mérite réflexion. Si les politiques de solidarité relèvent des conseils généraux, les parcours d’insertion ne peuvent pas être « saucissonnés ». Or, avec le RMI, c’est l’idée de parcours et d’accompagnement des personnes en situation de précarité qui a disparu. On ne peut pourtant se contenter de confier l’insertion aux conseils généraux, les questions de santé aux ARS, etc.

Sur l’aide alimentaire, vous avez beaucoup progressé : tant mieux. Le ministre de l’agriculture s’est engagé à ce sujet, mais aucun texte n’en est résulté. On nous parle maintenant d’une simple lettre. Est-ce suffisant ? De quelles informations disposez-vous à ce sujet ?

M. Dominique Tian. Dans le rapport qu’elle a rendu public hier, 11 février, la Cour des comptes juge sévèrement la fiscalité liée au handicap, qualifiée d’« empilement de mesures sans cohérence ». « Les dépenses fiscales relatives au handicap », souligne-t-elle, « sont éclatées au sein de la loi de finances, entre différents programmes budgétaires, sans concertation ni coordination. De nombreuses mesures fiscales ne sont pas recensées ». La Cour souhaite que l’ensemble des mesures soient réunies au sein du programme 157, afin que les parlementaires comme les citoyens puissent s’y retrouver.

Le dossier de demande simplifiée ne devrait pas dispenser le demandeur de fournir les documents nécessaires à l’établissement du dossier. Le Conseil constitutionnel s’est d’ailleurs déjà opposé à l’une des mesures de pseudo-simplification que vous avez proposées, madame la ministre, et qui tendait à systématiser l’obtention de l’ACS chaque année, sans contrôle. Dans la note que vous nous avez fournie, vous jugez inutile de joindre des pièces justificatives aux dossiers de demande d’allocation de solidarité pour les personnes âgées (ASPA). Certes, en s’abstenant de demander des pièces, on va plus vite ; mais, pour nous, ce n’est pas conforme aux exigences d’une bonne gestion. Mieux vaudrait simplifier les formulaires, que la plupart des gens sont incapables de remplir, notamment sur Internet, et leur permettre de rencontrer physiquement un responsable. Avec cette mesure, vous courez à la catastrophe : chaque organisme fonctionne de manière indépendante, généralement avec efficacité, et s’appuie sur une expérience qui permet de résoudre la plupart des problèmes.

On ne connaît pas encore les conclusions de la mission parlementaire en cours sur les conditions d’exercice par les caisses d’allocations familiales de leurs missions. Mais la CAF des Bouches-du-Rhône, que vous et moi connaissons bien, traite les dossiers avec plusieurs mois de retard, en laisse des milliers non remplis et ferme un jour, voire un jour et demi par semaine !

Mme la ministre déléguée. Et elle est sous tutelle, comme tout dans les Bouches-du-Rhône !

M. Dominique Tian. Merci de le dire, madame la ministre ; j’avais évité de le faire. Bref, la simplification devrait plutôt consister à améliorer les services existants et à résoudre les problèmes les plus urgents qui se posent dans l’ensemble du territoire, en particulier celui de l’accès aux droits, très inégal selon les lieux.

M. Christian Paul. Même si la prise en charge en établissement des personnes en situation de handicap est loin d’être la seule solution possible – vous en avez d’ailleurs évoqué beaucoup d’autres –, la programmation des moyens budgétaires destinés à la création et à l’extension d’établissements reste essentielle afin de répondre à des besoins très concrets et très douloureux. Comment concevez-vous l’évolution de ces moyens au cours des années à venir ? L’effort devra venir de l’État, de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, des collectivités locales et notamment des conseils généraux, s’agissant en particulier de la création d’établissements. Comment répartir équitablement sur tout le territoire les moyens et les places en établissement ?

Le reportage que vous avez évoqué, et qui nous a tous beaucoup émus, concerne un cas que Martine Carrillon-Couvreur et moi-même connaissons bien. Je pourrai vous communiquer la réponse fournie il y a moins de deux ans par l’ARS concernée à des porteurs de projet qui proposaient d’ouvrir un lieu d’accueil pour enfants autistes. Selon l’ARS, il était inutile de créer des places supplémentaires ou de nouveaux établissements puisque le nombre de places pour jeunes autistes proposées dans le département était supérieur à la moyenne nationale. Cela confirme qu’il faudrait prendre en considération la réalité des moyens et de leur répartition, plutôt que des ratios abstraits entre le nombre de places existantes et la population d’une région ou d’un département.

J’ai appris par ailleurs que le conseil général des Yvelines – mais cela pourrait arriver ailleurs – procède à des prélèvements sur les produits d’épargne de personnes en situation de handicap grave accueillies en établissement, dans le but de recouvrer une partie des aides qu’il verse. Ce phénomène vous est-il connu ? Quelle est son ampleur ? Comment encadrer ces pratiques scandaleuses qui consistent à prélever, en l’absence de toute franchise – aux deux sens du terme –, une partie du produit de la modeste épargne que des personnes handicapées ont réussi à réunir ?

M. Jean-Louis Costes. Pourquoi la mise en œuvre de la garantie jeunes, à titre expérimental, dans certains territoires, est-elle confiée aux missions locales ? Certes, celles-ci exercent une mission de service public, mais ce « RSA jeunes » devrait relever en tant que tel de la compétence des conseils généraux.

Les préconisations que vous nous avez transmises incluent la poursuite des expérimentations « un chez soi d’abord ». Or, s’il n’est évidemment pas question de mettre tout le monde en établissement spécialisé, on constate sur le terrain que les malades ne font l’objet d’aucun suivi après leur retour à domicile, ce qui finit souvent par déboucher sur une hospitalisation d’office.

Quant au microcrédit personnel et social, expérimenté dans plusieurs territoires, dont ma commune, il permet souvent de dépanner les particuliers confrontés à un problème très ponctuel ou de mettre le pied à l’étrier à des personnes qui créent une activité professionnelle. Cet excellent dispositif devrait être étendu, notamment grâce à la caisse de développement social et à la Caisse des dépôts et consignations.

Permettez-moi enfin de déplorer la stagnation du nombre de places en établissements et services d’aide par le travail (ESAT) cette année, et de vous inviter à poursuivre l’effort important consenti par le gouvernement précédent pour revaloriser l’allocation adulte handicapé (AAH), unique revenu de nombreuses personnes qui ne peuvent travailler.

M. Michel Liebgott. S’agissant de l’autisme, des expérimentations ont été menées en Moselle, notamment dans la commune dont je suis maire. Comme l’a dit Christophe Sirugue, il importe de savoir faire travailler ensemble tous les partenaires. En l’absence d’établissements importants dans le bassin sidérurgique, le recrutement de 10 000 AVS et la titularisation de 28 000 postes d’assistants d’éducation au niveau national ont ainsi permis à l’éducation nationale, en coopération avec les collectivités locales, l’ARS et un service implanté dans le bassin houiller, de créer une classe CLIS (classe pour l’inclusion scolaire) TED (troubles envahissants du développement) qui fonctionne parfaitement. Les enfants autistes, pris en charge à côté de l’école, retrouvent les autres enfants à la récréation, et notamment leurs frères et sœurs.

Sur ces questions, nous ne devons plus prêter le flanc aux critiques. Je sais, madame la ministre, que vous avez plusieurs projets en ce sens. Prenons appui sur l’expérience des établissements qui fonctionnent bien et qui emploient des méthodes éducatives comportementalistes ; soyons pragmatiques au lieu de toujours viser l’excellence, et écartons les débats philosophiques qui ne nous permettent pas de progresser ni de faire progresser les enfants. Il suffit de faire preuve de bonne volonté et de se concerter. Mais il faut aussi des moyens, et j’aimerais vous entendre à ce sujet également.

Mme Sylviane Bulteau. Comme l’a dit Mme Poletti, notre tâche est immense : nous, élus, devons sans relâche nous préoccuper des plus fragiles et j’espère que nous le ferons ensemble.

Nous devrons en particulier étudier le problème des jeunes handicapés qui ne peuvent rester auprès de leurs parents. Les places ouvertes il y a quinze, vingt ou trente ans ne correspondent plus à la situation réelle des départements : certaines zones se désertifient, d’autres accueillent beaucoup plus de personnes.

On réduit souvent l’accessibilité à celle des bâtiments. Il faudrait parler plus généralement de l’accès des personnes handicapées aux droits : au logement, certes, mais aussi à l’emploi. Dans ce dernier domaine, les personnes souffrant d’un handicap sont défavorisées, malgré les grandes avancées que représentent les emplois d’avenir et le contrat de génération, dont la limite d’âge a été repoussée à 30 ans pour les jeunes handicapés, contre 25 pour les autres jeunes. La responsabilité à laquelle le Président de la République a appelé les employeurs vaut aussi dans ce domaine.

Le traitement des fonds de compensation par les MDPH révèle une injustice qui fait peut-être partie des travers de la décentralisation : dans certains départements, ces fonds sont élevés et permettent d’aider les personnes handicapées à acquérir un appareillage ; ailleurs, ce n’est pas le cas. Dans ce domaine aussi, il faudrait revoir la gouvernance locale afin de garantir l’égalité entre personnes handicapées dans tous les territoires.

Enfin, alors que l’innovation, dont on parle beaucoup en matière économique ou dans le secteur de la recherche, doit également être développée dans le domaine du handicap, le fonctionnement des appels à projet ne lui fait plus de place depuis la création des ARS, qui écartent les projets ne rentrant pas dans leurs petites cases. Nous devrons tenter de remédier à ce problème à l’avenir.

M. Gérard Sebaoun. Dans le chapitre qu’il consacre à l’accessibilité, le rapport Lambert-Boulard sur l’inflation normative cite l’exemple frappant d’une commune dont le projet d’aménagement d’écoles a été refusé au motif que l’entrée qu’il était proposé d’aménager pour les enfants handicapés n’était pas l’entrée principale mais l’entrée secondaire. Cela invite à se demander jusqu’où peuvent aller les exigences en la matière.

Comme l’a rappelé Mme Massonneau, la loi sur les retraites a fait disparaître la notion de RQTH. Toutefois, selon le site que le ministère des affaires sociales et de la santé consacre à la réforme, le passage de 80 % à 50 % du taux d’incapacité permanente requis devrait multiplier par deux le nombre de bénéficiaires de la retraite anticipée pour handicap. Pouvez-vous nous confirmer ce chiffre ? Je rappelle que j’ai obtenu avec Martine Carrillon-Couvreur le report de cette réforme au 31 décembre 2015 afin de ne pas pénaliser les assurés qui approchent aujourd’hui de la retraite.

Enfin, j’ai été interpellé par des associations qui s’occupent des grands polyhandicapés et réclament pour eux un statut particulier. Je ne sais quelle réponse il faudrait leur donner, mais j’aimerais connaître votre avis à ce sujet, madame la ministre.

Mme Hélène Geoffroy. Madame la ministre, je vous félicite à mon tour d’avoir mis en œuvre le plan contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, lancé il y a un an, et je vous remercie d’être venue en dresser le bilan d’étape à notre intention.

L’accès aux droits est l’une des grandes ambitions de ce plan, ce qui est légitime car les personnes en grande difficulté ne font pas toujours valoir leurs droits. Quels ont été les effets des actions de communication destinées à les y inciter ? Quelles mesures de sensibilisation sont prévues pour 2014 ?

Les assises du travail social en cours doivent également contribuer à la réflexion sur les politiques d’accès aux droits. Où cette réflexion en est-elle ? Comment envisage-t-on de valoriser les droits des usagers ? Comment offrir plus de sérénité aux travailleurs sociaux, dont certains sont en souffrance ?

Enfin, dans le cadre de la mission d’information relative aux conditions d’exercice par les caisses d’allocations familiales de leurs missions, dont je suis membre, il a été question des 100 000 rendez-vous annuels proposés dans la convention d’objectifs et de gestion avec l’État, mais aussi du recours à l’outil informatique pour mieux identifier les droits potentiels des usagers. Lors des auditions, des inquiétudes se sont exprimées à propos d’un usage plus systématique à cet outil, par opposition à l’accueil traditionnel. Qu’en pensez-vous ?

Mme Marie-Françoise Clergeau. Comment répondre aux familles confrontées à l’autisme, en proie à un désarroi croissant dont nous sommes tous témoins dans nos permanences ?

Le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, lancé il y a plusieurs mois, est très complet et très ambitieux. Mais, comme souvent, sa dimension interministérielle pourrait faire obstacle à sa cohérence et à sa lisibilité. Quels moyens le Gouvernement a-t-il prévu de consacrer à son évaluation et à son suivi ? Il est important qu’il le dise pour montrer sa détermination en la matière.

Mme la ministre déléguée. Madame la présidente, je sais que vous n’aimez guère les ordonnances. C’est pourquoi j’ai pris des précautions en vous annonçant que nous allions y recourir. Mais il y a urgence, et nous ne voulons pas ouvrir la boîte de Pandore en relançant le débat. Je sais que la commission des affaires sociales jouerait le jeu, mais qu’en serait-il ailleurs ? Or je tiens à respecter tout le monde : les professionnels, les petits commerces, le tourisme, les collectivités territoriales qui connaissent aujourd’hui de grandes difficultés et qui demandent des moyens financiers supplémentaires ; mais aussi la loi de 2005 et les personnes en situation de handicap.

Le projet doit être déposé au Sénat en mai 2014, de sorte que les ordonnances puissent être actées vers le mois de juillet. Ainsi, de juillet à la fin de l’année, nous pourrons accompagner les structures qui sont près d’atteindre l’objectif fixé au 1er janvier 2015, grâce à des outils financiers que nous sommes en train d’élaborer.

Même si elles ne relèvent pas de la loi, je tiens à vous informer de nos négociations avec l’ensemble des partenaires. Les médecins libéraux sont extrêmement frileux, ce qui est logique étant donné que la négociation n’est pas achevée ; ils disent avoir beaucoup de mal à rendre leurs cabinets accessibles. Mais l’accès aux soins constitue un droit universel. Les propositions que nous allons formuler pour résoudre ce problème devraient plaire à tout le monde sans satisfaire personne, puisqu’il s’agit d’un compromis.

Deux groupes de travail se sont réunis. Le premier concerne les Ad’AP, sortes de contrats passés avec les structures pour leur permettre de gagner, moyennant des contraintes particulières, trois à six ans, voire davantage selon les résultats de la discussion en cours, dont je vous informerai précisément dès qu’ils seront connus. Les Ad’AP doivent être couverts par la loi, afin de protéger ceux qui les auront signés ; un calendrier détaillé sera fixé, assorti de sanctions pour ceux qui, cette fois, ne le respecteraient pas. Le second groupe de travail porte sur la simplification des normes, non pour revenir en arrière, mais pour y voir plus clair, et surtout pour tenir compte de toutes les formes de handicap. Nous verrons ce que donnera cette négociation très tendue ; nous ne devons plus attendre, car plus elle traîne et plus chacun tend à revenir à sa position de départ. Il faut donc aboutir, quitte à ce que cela entraîne quelques grincements de dents.

C’est la sénatrice Claire-Lise Campion qui a mené les discussions. Nous aurons demain matin une réunion avec les associations. Chaque ministre concerné organise des réunions dans son champ de compétence, afin que le dispositif soit approuvé par tous. Si nous ne procédons pas ainsi, nous ne parviendrons de toute façon pas à l’accessibilité le 1er janvier 2015. Nous jouons donc la carte du réalisme, en recherchant un compromis que la société tout entière puisse assumer, en vue de devenir la société inclusive que nous appelons de nos vœux.

Madame Carrillon-Couvreur, les référents sont enfin installés dans chaque cabinet ministériel. Après l’inclusion du volet handicap dans chaque projet de loi, leur présence nous permettra d’être encore plus vigilants.

Madame Poletti, il faut sans cesse remettre l’ouvrage sur le métier car le chemin est long qui mène à la société inclusive et solidaire que nous voulons.

La réforme de la tarification est une question récurrente et urgente. Nous avons été condamnés à propos du programme 2012, nous allons sûrement l’être à nouveau en 2013 même si j’ai introduit plus de flexibilité dans le programme. Nous avons enfin réuni un groupe de travail chargé d’étudier cette réforme, mais cela prendra du temps. Les ESAT seront prioritairement concernés. Pour l’année qui s’ouvre, je souhaite donner plus de latitude aux ARS et leur permettre d’étudier la situation sur le terrain.

Le taux d’emploi des personnes en situation de handicap est à peu près équivalent dans le public – 4,5 % – et dans le privé – 3 % environ. Les collectivités territoriales ne sont pas en reste de ce point de vue. En revanche, ce taux ne dépasse pas 1,5 % dans l’éducation nationale. La raison principale en est la difficulté à recruter des personnes en situation de handicap dans le corps professoral. Mais le problème de l’accès à l’emploi se pose dans tous les secteurs. C’est d’emblée, lors de la formation initiale, que l’on peut le résoudre en prévenant l’autocensure. Tel est le sens des protocoles que j’ai signés hier avec le monde des médias. Je signe également une nouvelle convention avec le fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, le FIPHFP, afin de soutenir une formation particulière destinée aux personnes en situation de handicap, notamment à l’école.

En ce qui concerne la barrière d’âge, dans le contexte d’allongement de la durée de la vie, la plupart des établissements pour personnes handicapées gardent leurs pensionnaires après 60 ans. S’agissant des dispositifs d’aide, la question de la retraite n’entre pas en compte pour celles de ces personnes, nombreuses, qui n’ont pas travaillé. Quant aux personnels handicapés, la réforme leur ouvre l’accès à une pension à taux plein, sans condition de durée, dès 62 ans au lieu de 65.

Madame Poletti, non seulement j’ai vu le documentaire d’Églantine Emeyé, mais j’ai rencontré la réalisatrice, mère d’un enfant autiste et polyhandicapé. À ce sujet, Mme Cattan le sait comme vous tous, le troisième plan autisme généralise l’expérimentation lancée dans certains établissements par ma prédécesseure, à qui je tiens à rendre hommage, en application des préconisations formulées par la Haute autorité de santé (HAS) afin d’assurer une prise en charge spécifique de l’autisme. Les mesures du plan incluent en outre la prévention précoce, le dépistage dès 18 mois, le renforcement des Centres ressource autisme (CRA), le fait d’y associer les parents aux décisions. Le plan va débuter ; les financements ont été notifiés à l’ensemble des ARS ; 3 500 places vont ouvrir, pour les enfants et les adultes ; les appels à projet sont en cours. Malheureusement, pour Églantine, comme pour les autres mamans d’enfants autistes, tout cela prend du temps. Nous créons aussi 350 lieux de répit, où poser son enfant pour souffler un peu ; il n’en existe que 40 aujourd’hui. Ce sera encore trop peu, mais nous progressons énormément. Les places en unité d’enseignement en maternelle seront prêtes pour la rentrée prochaine. Dans une classe de maternelle par académie – par la suite, une par département –, des enfants autistes seront ainsi pris en charge par un professeur des écoles et par une équipe médico-sociale, grâce au budget que vous avez voté. Bref, le plan, qui inclut aussi la formation des enseignants et des accompagnants, est plutôt complet.

Dans quinze jours, nous disposerons de son premier bilan. Votre collègue Martine Pinville, membre de cette commission et présidente du Conseil national de l’autisme, pourra vous en rendre compte. Je tiens en effet à un suivi permanent, sans quoi nous reviendrons en arrière. Mon objectif est que cela n’arrive plus, que nous n’ayons plus à voir des films comme celui d’Églantine Emeyé. Évidemment, pour elle, il y a urgence, car c’est aujourd’hui qu’elle se trouve dans la situation décrite.

Nous ne créons pas seulement de nouvelles places, nous réhabilitons l’existant pour tenir compte de la spécificité de l’autisme et appliquer les méthodes de la HAS. Car il faut deux ou trois ans pour qu’une place s’ouvre, ce qui est très long.

En ce qui concerne la programmation budgétaire, monsieur Paul, le plan de création de places entamé en 2008 se poursuit. Nous lui consacrons 215 millions d’euros cette année. 16 000 places supplémentaires seront créées d’ici à 2016. Elles s’ajoutent à celles qui sont prévues dans le cadre du plan autisme, lequel est pour sa part doté de 205 millions d’euros, ce qui représente un effort considérable. Le budget global consacré au handicap est stable ou augmente ; cela ne s’explique pas seulement par l’allongement de la durée de la vie, mais bien par le fait que, sur un enjeu de cette importance, le Gouvernement ne recule pas.

Il est exact que le rôle des ARS est d’assurer l’équilibre territorial et d’étudier les problèmes d’ouverture de places, à la lumière de leur connaissance des établissements. Je dois y veiller, en étant plus ferme et plus exigeante à leur égard ; c’est à cette fin que je les ai réunies plusieurs fois. Marisol Touraine me soutient dans cette démarche. Il me faut en effet les recentrer sur le volet médico-social, qui n’est pas leur première préoccupation à toutes – ce qui peut se comprendre étant donné l’importance des questions de santé. Je vous invite à les interpeller, vous aussi, dans vos territoires respectifs, à propos des établissements qui n’ouvrent pas en temps et heure ou des crédits qui leur sont notifiés. N’hésitez pas à me demander des informations sur ce dernier point, pour les opposer à vos interlocuteurs qui écarteraient des projets au motif que l’on n’aurait pas besoin de créer des places pour les autistes. Si nous lançons ce plan de rattrapage, c’est bien parce que notre pays souffre d’un déficit de places.

Le prélèvement de l’épargne des personnes handicapées en compensation des aides perçues m’a également été signalé, monsieur Paul, en un seul endroit : celui que vous avez cité. Cette pratique me paraît, comme à vous, extrêmement choquante. Les textes étant, semble-t-il, imprécis à ce sujet, nous allons prendre contact sans tarder avec le conseil général pour la faire cesser, ou tout au moins l’encadrer.

S’agissant du dispositif RSA-PPE évoqué par Christophe Sirugue, nous y tenons car il est important d’accompagner des personnes en difficulté qui ont repris une activité. Votre projet, monsieur le député, agrée à tous ; à l’analyser, on constate que, contrairement à ce que l’on nous a prétendu à une certaine époque, la réforme ne devrait pas créer de perdants. Ce projet ouvre à tous les actifs, dès 18 ans, l’accès au dispositif ; il permet une individualisation du droit propice à l’émancipation, une simplification, un meilleur ciblage des travailleurs pauvres à l’heure où le taux de non-recours au RSA activité est préoccupant et où la PPE est gelée ; il évite de stigmatiser le pauvre, d’en faire un fraudeur, un voleur, nuisible à la société.

La réforme de la gouvernance territoriale constitue l’acte II du plan contre la pauvreté. C’est à cette fin que nous avons missionné François Chérèque. J’ai également travaillé avec Claudy Lebreton afin d’appeler les présidents de conseils généraux à se mobiliser collectivement. Nous devrions progresser sur ces points au cours de l’année.

En ce qui concerne l’aide alimentaire, j’ai fait ce qui était de mon ressort. Je ne dispose pas d’informations sur le suivi de l’élargissement prévu concernant les agriculteurs, mais je vais me renseigner auprès de Stéphane Le Foll. Je vous remercie de votre mobilisation sans précédent qui, ici comme au Parlement européen, a transcendé les clivages politiques et qui, jointe à celle des associations et relayée par le Président de la République au plus haut niveau, a permis de sauver le FEAD, le Fonds européen d’aide aux plus démunis. Nous avons constaté que les achats de denrées étaient assujettis à la TVA ; nous compensons à l’euro près la baisse de dotation qui en résulte. Nous avons découvert qu’il n’était pas possible de financer les épiceries sociales et solidaires parce que l’Union européenne n’accepte pas que l’on vende des produits relevant de l’assistance alimentaire, fût-ce pour un euro symbolique ; nous compensons le manque à gagner pour ces structures afin de sauver ce modèle. Nous avons ainsi voulu faire comprendre à l’Europe qu’elle ne pouvait, surtout à la veille des élections, tourner le dos aux plus faibles et aux plus démunis des citoyens européens.

S’agissant de l’accès aux droits, le dossier unique représente un progrès. Quant aux 100 000 rendez-vous des droits qui auront lieu cette année, nous allons les développer avec l’ensemble des caisses de sécurité sociale, à partir de l’expérience du réseau de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA). Il s’agit d’aider les personnes de manière globale et collective. Dans cette démarche, le recours à l’outil informatique n’empêche pas la rencontre personnelle. La confidentialité sera préservée. L’essentiel est que les personnes qui s’adressent à une caisse de sécurité sociale aient accès à l’ensemble de leurs droits.

Monsieur Tian, le dossier unique vise à éviter aux demandeurs de faire le tour du pâté de maisons ; il ne les dispense pas de produire des justificatifs ! Simplement, on ne leur demandera plus de présenter trois fois la même pièce ni des pièces que l’on ne fournit plus, à l’image de l’avis de non-imposition requis pour bénéficier de la garantie jeunes – c’était une erreur dont je suis responsable.

Le rapport de la Cour des comptes que vous citez ne dit pas qu’il ne faut pas aider les personnes en situation de handicap, mais que les dispositifs sont complexes, redondants et mal orientés ; que les aides sont efficaces, mais qu’elles devraient être plus efficientes. Nous continuerons donc de soutenir ces personnes, en simplifiant les dispositifs.

Les assises nationales du travail social, prévues pour novembre 2014 par le plan contre la pauvreté, visent à montrer aux travailleurs sociaux que leur métier pluridimensionnel est un maillon indispensable de l’action publique, à leur permettre de parler de leur formation, de leur orientation, à les valoriser. Lorsque les choses vont mal, ce sont eux qui restent au front. Longtemps, ils ont été, dans les quartiers, dans les campagnes, les seuls à lutter contre la pauvreté et contre la précarité. Quand on a stigmatisé les pauvres, qu’on les a traités de voleurs, ces professionnels, qui travaillent avec eux, ont subi la dépréciation de leur métier. L’affaire est mal partie, de manière trop administrative. Je veux en reprendre le pilotage pour que le dispositif soit mieux connu et plus efficace. Les assises seront diffusées dans l’ensemble des territoires ; je vous fournirai toutes les informations nécessaires à ce sujet.

Sur l’accessibilité dans le domaine électoral, des fiches existent déjà qui sont à votre disposition. Mme Orliac nous aidera à approfondir cette question qui nous intéresse tous.

Je reste à votre disposition pour préciser certains points ou remédier à d’éventuels oublis.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Merci, madame la ministre, d’avoir rappelé la volonté gouvernementale de lutter contre l’exclusion et de favoriser l’inclusion. Rappelons qu’en Allemagne, pays qui se targue de résultats positifs dans le domaine social, 18 %, 19 %, voire 20 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté européen. Si le nombre de personnes percevant moins de 964 euros mensuels ne dépasse pas 13 % en France, ce qui est encore un taux trop élevé, c’est bien à nos amortisseurs sociaux que nous le devons.

La séance est levée à dix-huit heures.

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 12 février 2014 à 16 heures 30

Présents. – M. Pierre Aylagas, Mme Sylviane Bulteau, Mme Martine Carrillon-Couvreur, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Jean-Louis Costes, Mme Hélène Geoffroy, M. Jean-Patrick Gille, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Michel Liebgott, Mme Véronique Massonneau, Mme Ségolène Neuville, Mme Dominique Orliac, Mme Monique Orphé, M. Christian Paul, Mme Bérengère Poletti, M. Gérard Sebaoun, M. Christophe Sirugue, M. Dominique Tian

Excusé. – M. Fernand Siré

Assistait également à la réunion. – M. Gérard Bapt