Accueil > Travaux en commission > Commission des affaires sociales > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires sociales

Mardi 3 juin 2014

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 48

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Audition, ouverte à la presse, de Mme Elisabeth Hubert, présidente de la Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mardi 3 juin 2014

La séance est ouverte à seize heures trente-cinq.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission procède à l’audition de Mme Elisabeth Hubert, présidente de la Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Madame la présidente de la Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (FNEHAD), soyez la bienvenue. La Commission est heureuse de vous entendre, afin, notamment, de savoir quelle contribution les établissements d’hospitalisation à domicile (HAD) peuvent apporter au plan d’économie qui va toucher la sécurité sociale. En outre, votre organisation est particulièrement intéressée par le projet de loi d’orientation et de programmation pour l’adaptation de la société au vieillissement, présenté ce matin en Conseil des ministres et nous vous écouterons donc avec attention. Il est en effet certain si l’on suit les ergothérapeutes, qu’en jouant sur l’adaptabilité de l’environnement, on peut aider certaines personnes à se sentir autonomes plus longtemps.

Mme Élisabeth Hubert, présidente de la Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile (FNEHAD). Je suis d’autant plus heureuse de cette audition, que j’ai conservé de très bons souvenirs des années que j’ai passées dans cette enceinte et j’espère vous transmettre ma passion à l’égard de l’hospitalisation à domicile, qui rend tant de services aux patients.

L’HAD est au cœur de la stratégie nationale de santé, que Mme Touraine présentera le 17 juin, du pacte de stabilité et, plus globalement, des réponses qu’il faudra apporter au vieillissement de la population. Sur le plan sanitaire, elle s’inscrit dans un contexte bien connu : insuffisante structuration de l’offre de soins, cloisonnement des secteurs, évolution des besoins liée à la prévalence des maladies chroniques et aux polypathologies.

Le cloisonnement s’opère non seulement entre les secteurs sanitaire et médicosocial, mais aussi, à l’intérieur du secteur sanitaire, entre la médecine de ville et l’hôpital, ainsi qu’entre les différentes professions de santé, qui n’ont pas appris à travailler ensemble. Dans les territoires, l’approche de l’offre de santé est tunnellaire, même si les projets régionaux de santé (PRS) élaborés par les agences régionales de santé (ARS) ont marqué un premier pas vers les diagnostics territoriaux partagés.

Les données de santé sont éclatées, puisqu’elles relèvent, pour la médecine ambulatoire, du système national d’information interrégimes d’assurance maladie (SNIIRAM) et, pour les établissements hospitaliers, du programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI). Entre les deux systèmes, il n’y a quasiment pas de croisements. Depuis quelques années, on observe une multiplication d’acteurs dans le champ de la coordination, ce qui est préjudiciable à l’efficacité.

La volonté des patients n’est pas suffisamment prise en compte. Même si, depuis la loi de 2002, on tient davantage compte de la volonté des intéressés et de leur famille, les besoins sont analysés de manière trop segmentaire. On raisonne non globalement mais par appareil. La prévention est quasi inexistante. On prend trop peu en compte le désir des malades de rester chez eux.

Dans notre pays, le monde sanitaire est hospitalo-centré, en raison d’une confusion entre hospitalisation et hébergement. En France, les coûts liés à l’hospitalisation conventionnelle représentent 37 % des dépenses, contre 29 % dans les autres pays de l’OCDE, qui ont dissocié depuis plus longtemps hospitalisation et hébergement. Ainsi s’explique notre retard tant pour la chirurgie ambulatoire que pour la prise en charge à domicile de nombre de pathologies. D’ailleurs, la formation que reçoivent les médecins, axée sur le centre hospitalier universitaire (CHU), entretient la vision d’un médecin prescripteur, dont dépendent les autres professions de santé. Nous avons fossilisé la médecine libérale. C’est dire le mérite de ceux qui constituent des maisons ou des pôles de santé. Alors que d’autres pays s’appuient sur les innovations pour faire évoluer l’organisation des soins, le nôtre n’a pas intégré des innovations techniques et thérapeutiques qu’elle connaît pourtant.

Nous sommes dans un cadre financier confus, de plus en plus contraint. Les missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (MIGAC) ont pris une part considérable dans la tarification à l’activité (T2A). Les honoraires conventionnels sont soumis à de multiples majorations. Les règles de financements des ARS ne sont pas encore claires, et les financements accordés par les régions et les départements ne sont pas identiques sur le territoire. Dès lors, l’obligation de réduire l’ONDAM de 2,4 % à 2 % peut être interprétée comme une chance : demain, la contrainte peut devenir une opportunité.

L’enjeu est de réduire le recours à l’hospitalisation avec hébergement et de développer les soins coordonnés, balbutiants en France mais très importants dans les pays anglo-saxons. En conformité avec le génie français, nous avons préféré un système compliqué à des systèmes simples. L’hospitalisation que nous pratiquons n’existe sous cette forme dans aucun autre pays, sauf, peut-être, en Australie. Je le répète : la stratégie nationale de santé est une chance, qui permettra un virage vers l’ambulatoire, en replaçant l’hospitalisation à sa juste place. C’est pourquoi la FNEHAD adhère à ses objectifs.

Quelles orientations générales faut-il inscrire dans la stratégie nationale de santé ? Comment réduire les dépenses tout en répondant aux besoins liés au vieillissement de la population ?

Il faut tout d’abord cesser de penser qu’on doit encore et toujours injecter davantage d’argent dans le système. Les marges de manœuvre existent. Encore faut-il avoir la volonté de faire bouger les lignes et de rompre avec le système des enveloppes, qui fige tant les interactions entre les secteurs d’activité, que notre capacité d’innovation, technique, thérapeutique ou organisationnelle.

Il faut ensuite développer une véritable politique de santé et non plus simplement de l’organisation des soins, ce qui suppose de nous appuyer davantage sur les technologies et de faire plus de place à la prévention.

Nous devons aussi nous montrer pragmatiques en nous fixant pour objectifs de simplifier, et cesser de créer de nouveaux dispositifs sans renoncer à d’autres moins efficaces – bref ne conserver que ce qui est vraiment efficient, en développant une véritable culture d’évaluation.

En quatrième lieu, il faut résolument jouer la carte du domicile et faire de la loi le support de cette volonté. Dans un futur proche, l’hébergement hospitalier, tel que nous le connaissons aujourd’hui, sera l’exception. Il sera circonscrit à des besoins précisément identifiés tels que la réanimation, quand le pronostic vital est en jeu à court terme, ou le suivi d’interventions lourdes justifiant une surveillance continue.

Enfin, il faut amener les professionnels de santé à travailler en concertation, en partenariat, en leur donnant les moyens de s’affranchir de la rigidité et du cloisonnement propres au système actuel. À cet égard, la télésanté est une opportunité dont nous devons nous saisir.

L’hospitalisation à domicile existe depuis plus de cinquante ans. La loi de 2009 a inscrit nos établissements parmi les établissements de santé. Leur but est non d’effectuer du maintien à domicile ni de proposer des prestations, mais d’être un véritable dispositif sanitaire. Tout département possède au moins un établissement de ce type, dont le nombre se monte à 300. N’hésitez pas à prendre contact avec leurs responsables. Ces établissements proposent une offre unique, qui répond à une complexité médicale, soignante et sociale. Ils prennent en charge des patients qui souffrent de pathologies compliquées ou réclament des soins plusieurs fois par jour, avec des médicaments innovants, difficiles à administrer, exigeant des techniques hospitalières. Nos professionnels gèrent en outre des difficultés sociales de certains patients.

Nos établissements sont des experts de l’évaluation. Dans quatre cas sur cinq, nous sommes appelés par un établissement hospitalier MCO (médecine chirurgie obstétrique), pour évaluer une situation et vérifier que l’état du patient justifie une prise en charge en HAD. La gestion des parcours de soins, dont on parle tant, est notre quotidien. Plus de 80 000 patients par an bénéficient d’une HAD en aval d’une hospitalisation conventionnelle. Nous traitons en tout plus de 110 000 personnes. La différence entre les deux chiffres correspond aux patients qui viennent directement de leur domicile et nous sont adressés par des généralistes.

Notre activité est encadrée. Elle est soumise à autorisation et contrôlée par l’assurance maladie. Nous sommes certifiés, ce qui nous impose de passer sous les fourches caudines de la Haute autorité de santé. Si certains établissements, peu nombreux, se sont vu refuser la certification, parce qu’ils ne répondaient pas à certains critères de qualité ou de sécurité, j’y vois la preuve du sérieux des autres.

Nos établissements ont la culture de l’hôpital et la souplesse de l’ambulatoire. Tous les jours, nous œuvrons avec médecins libéraux, infirmières libérales et kinésithérapeutes. Le dispositif hospitalier emploie des personnels salariés et interagit à domicile avec les professionnels libéraux. Non seulement nous avons donné une vertu conceptuelle à la coordination, mais nous l’avons décrite opérationnellement sur un plan médical, soignant et social, tant en matière de logistique et d’organisation que d’intervention.

Que pouvons-nous faire demain ? Tout d’abord accompagner cette formidable mutation, car nous ne passerons pas en un jour d’une culture hospitalocentrée à la dimension ambulatoire. La méfiance que ressentent les praticiens hospitaliers à l’idée de laisser les patients rentrer chez eux se manifestera davantage à l’égard de l’ambulatoire, mais, en tant qu’établissements hospitaliers, nous pouvons être un élément d’appui.

Nous pouvons aller encore plus loin dans le domaine des soins palliatifs, où nous accompagnons près de 40 000 patients par an. Nous sommes le premier acteur à domicile des soins palliatifs. Chaque jour, nous intervenons dans les établissements médico-sociaux, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et les établissements pour personnes handicapées, auxquels nous évitons des hospitalisations inopportunes. Malgré la présence de cardiologues, nous ne sommes pas assez présents dans le domaine de l’insuffisance cardiaque, où nous serons aidés par les technologies de surveillance à domicile. Nous possédons aussi un potentiel de développement pour la rééducation neurologique et les post-AVC.

Nous pouvons aussi élargir notre champ d’intervention. Certaines chirurgies peuvent être pratiquées avec un séjour hospitalier plus court, suivi d’une HAD, si les praticiens hospitaliers craignent des complications. Pour peu que nous prenions le relais pendant quelques jours, on peut réduire une hospitalisation post-chirurgicale d’une semaine à vingt-quatre ou quarante-huit heures. Cet axe de travail, évoqué il y a quelques mois par la ministre de la santé, lors de nos journées, a été repris par le comité de réforme de la T2A.

Des techniques permettent de développer la chimiothérapie à domicile, après quelques séances, dans un cadre contraint et rigoureux, si l’établissement d’HAD est associé à des établissements autorisés. Nous pouvons également nous positionner davantage sur la pédiatrie, pour éviter que des enfants qui pourraient être pris en charge à domicile ne soient hospitalisés loin de leurs parents. En outre, les personnes âgées en EHPAD, qui doivent se rendre aux urgences, n’ont pas à aller dans un lit hospitalier. Elles peuvent rester dans leur établissement, où nous les prendrons en charge.

Enfin, nous pouvons assumer de nouvelles fonctions, par exemple en développant l’évaluation en amont. Sur dix demandes, nous ne prenons en charge que cinq ou six patients. Dans les autres cas, soit la famille ou le patient refuse notre hospitalisation, soit l’état du patient s’aggrave, ce qui appelle une surveillance continue, voire une réanimation, soit la prise en charge, plus légère, relève d’un service de soins infirmiers à domicile (SSIAD) ou de l’ambulatoire. Nous pouvons appuyer les expérimentations PAERPA (Personnes âgées en risque de perte d’autonomie). Par ailleurs, si nous pouvons jouer gratuitement un rôle d’aiguilleur, nous sommes prêts à nous mobiliser davantage. Nos coûts resteront marginaux, dès lors que nos équipes existent, et qu’il suffit de les renforcer. Une expérience Soins et santé en HAD a été lancée à Lyon, pour développer l’activité de soins de support. Dès lors qu’un établissement hospitalier hésite sur le cas d’un patient, il nous sollicite, et nous proposerons une orientation vers l’HAD, le SSIAD ou l’ambulatoire. Quand nos établissements ont suffisamment de maturité, notre réponse est claire et rapide.

L’intérêt de l’HAD est donc multiple. Pour le planificateur, notre maillage territorial est large. HAD publique et privée observent les mêmes réglementations, perçoivent les mêmes financements et concourent à un même service public. Nous exerçons d’ores et déjà une responsabilité populationnelle, que confirme la circulaire signée en décembre par Mme Touraine. Nous pouvons encore déployer l’offre et proposer une version transversale, soit un sas, qui fera évoluer mentalités et pratiques. Les patients que nous prenons en charge peuvent connaître la précarité, vivre dans une caravane ou se trouver dans de grandes difficultés. Nous activons tous les dispositifs sociaux et effectuons même des prises en charge dans les foyers d’hébergement. Le coût de l’HAD est de 200 euros par jour, contre 705 pour une hospitalisation complète. Nos investissements concernent nos services et nos systèmes d’information.

Nous sommes souples et évolutifs. En 2015, le post-partum physiologique sortira de l’HAD, où il n’a pas sa place. C’était pourtant une activité non négligeable pour certains établissements, qui ont d’ores et déjà amorcé leur mutation. Nous sommes contrôlés par l’assurance maladie, ce qui nous condamne à la vertu, car on ne nous fait pas plus de cadeaux qu’aux autres. Notre principe est : « qui peut le plus ne peut pas obligatoirement le moins ».

Pour les patients, nous sommes un vecteur d’égalité des chances, car nous sommes présents sur tout le territoire et soumis à une exigence de certification. En matière d’HAD, il n’existe pas de reste à charge. Les patients sont totalement solvabilisés par la T2A et une prise en charge soit par l’assurance maladie soit par les systèmes complémentaires.

L’HAD, gage de qualité, respecte l’exercice des médecins hospitaliers et des professionnels libéraux. Certains de nos établissements sont situés dans des départements très déshérités sur le plan de la démographie médicale. Dans le Cher, la Haute-Marne et les Vosges par exemple, les médecins nous voient comme un support qui permet d’accompagner les malades et d’organiser la logistique.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Vous avez bien fait de souligner que la chirurgie ambulatoire n’implique pas nécessairement une hospitalisation à domicile. Un patient peut parfaitement rentrer chez lui le lendemain d’une intervention, tout en étant autonome, de même qu’il peut être hospitalisé à domicile, sans avoir subi d’acte de chirurgie.

Lors les auditions organisées par la mission d’information sur l’organisation de la permanence des soins, présidée par M. Door et dont je suis rapporteure, nous entendons souvent évoquer le cloisonnement entre l’hôpital et les professions de santé associées aux soins ambulatoire et à l’hôpital.

Vous semblez ne pas rencontrer de difficultés liées à la répartition des professions de santé sur le territoire. Comment faites-vous pour attirer les professionnels de santé dans certains déserts médicaux ?

M. Gérard Bapt. La FNEHAD a regretté que le Gouvernement ne mentionne pas la chirurgie ambulatoire pour réduire la durée d’hospitalisation. Je peux néanmoins témoigner que, lorsqu’elle a présenté les grandes orientations de la stratégie nationale de santé, la ministre a évoqué l’hospitalisation à domicile comme une alternative à l’hospitalisation, même s’il faut sans doute approfondir le lien entre hospitalisation à domicile et chirurgie ambulatoire.

Je me félicite qu’on ait renoncé à l’absurde système des bornes basses, interdisant de rembourser l’acte en cas de durée d’hospitalisation insuffisante. Cela dit, l’hospitalisation à domicile ne se résume pas à l’accompagnement de la chirurgie ambulatoire : il faut y inclure une prise en charge sociale, voire psychologique du patient.

Les associations ou les établissements d’hospitalisation à domicile sont-ils concernés par l’expérimentation PAERPA ? Puisque vous plaidez pour une plus grande souplesse en matière de financement, pensez-vous que les fonds d’intervention régionaux (FIR) peuvent aider à mieux adapter les structures et les capacités au terrain ? Quels sont les rapports de l’hospitalisation à domicile avec l’organisation des soins palliatifs ? Le recours à la télésanté suppose une coordination non seulement entre les acteurs de soins mais entre ceux-ci et l’établissement où le patient était soigné précédemment. Comment le médecin traitant, qui doit centraliser l’information, est-il associé à la prise en charge à domicile ? L’accès au dossier pharmaceutique ou aux volets médicaux de synthèse (VMS) des médecins libéraux est-il acquis ? Enfin, comment régler les problèmes de confidentialité liés à la collaboration d’intervenants médicaux, liés par le secret médical, et d’intervenants médico-sociaux, voire sociaux, qui ne sont pas tenus aux mêmes obligations ? Faut-il faire évoluer la législation sur ce point ?

M. Jean-Pierre Door. Je vous remercie à mon tour de votre visite. Vous portez depuis de longues années un dossier que je soutiens ardemment. Jadis, quand on voulait ouvrir un lit en hospitalisation à domicile, il fallait en fermer en hospitalisation publique, ce qui représentait un frein considérable. Je me réjouis que ce temps soit révolu.

L’hospitalisation à domicile est une alternative à l’hospitalisation, même si, pour la mettre en œuvre, il faut entrer dans une tuyauterie complexe où se mêlent les missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation, l’assurance maladie et la tarification à l’activité. Dans certains territoires, comme le mien, le développement de l’hospitalisation à domicile a fait augmenter l’offre de soins infirmiers à domicile ou de services à la personne, ce qui a favorisé l’emploi. Désormais, les patients bénéficient des nouvelles technologies, par le biais de la télémédecine ou de la téléalarme : un insuffisant cardiaque peut réaliser des électrocardiogrammes à domicile par le biais du téléphone. On peut sans doute aller encore plus loin pour améliorer la sécurité et la qualité des soins.

Quels liens établissez-vous entre les établissements de santé à domicile, les SSIAD et les maisons de santé pluridisciplinaires ? Comment assurer la permanence des soins ambulatoire (PDSA) ? Quid de la dialyse à domicile, qui, si elle n’entre pas strictement dans le cadre strict de la PDSA, permettrait de réaliser d’importantes économies ?

M. Élie Aboud. Nous sommes très heureux de vous accueillir.

Lorsqu’on parle d’hospitalisation à domicile au grand public, il pense surtout à la fin de vie et aux soins palliatifs. Mais le plus gênant est quand les initiés et le corps médical eux-mêmes entretiennent une certaine confusion.

Il faut changer d’approche : les médecins sont débordés, les CHU ont une autre conception et dans les centres hospitaliers généraux, où les interactions doivent être fortes, cela ne marche pas car les intérêts diffèrent. Les directeurs d’hôpitaux nous disent en effet que, sans l’hébergement, ils n’arrivent pas à boucler leur budget, ce qui pose un véritable problème.

Quelle est la place de la télémédecine au sein de votre fédération ?

Y a-t-il un véritable dialogue avec les ARS ?

Enfin, quelles sont les relations avec les centres hospitaliers ? Y a-t-il une concurrence entre les établissements d’hospitalisation à domicile et ce que ces centres appellent la sortie à domicile avec l’hôpital de jour ?

M. Jean-Louis Costes. Je suis partisan de l’hospitalisation à domicile. Cela me paraît être une solution pour inciter des praticiens à venir dans les zones rurales. Pourquoi cette solution de bon sens est-elle si limitée et ne se développe-t-elle pas dans notre pays ?

D’autre part, comment sont répartis les 300 établissements que vous évoquiez ? Certaines zones sont-elles mieux desservies ? Si oui, pourquoi ?

Mme Véronique Louwagie. Merci pour votre présentation. On ne peut que se réjouir de la promotion que vous faites de l’hospitalisation à domicile.

J’ai pu d’ailleurs constater hier, en présidant le conseil de surveillance du centre hospitalier de la ville dont je suis maire, que le seul budget en équilibre était le budget annexe de l’hospitalisation à domicile.

Comment ont évolué les formes d’exploitation de celle-ci, qu’il s’agisse des associations, des centres hospitaliers ou de la prise en charge par les collectivités ?

Quels devraient être selon vous les objectifs à court, moyen et long terme pour le développement de l’hospitalisation à domicile ?

Enfin, je pense que nos territoires ruraux doivent faire un effort pour déployer les moyens technologiques tels que la télémédecine s’ils veulent disposer à terme des dispositifs médicaux et paramédicaux dont ils ont besoin.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Quelle est la visibilité du système pour le citoyen ayant besoin de vos établissements ? Connaît-il leur existence ? Qui le met en contact ? Est-ce le médecin ou l’auxiliaire médical ?

Mme Élisabeth Hubert. J’ai volontairement gardé un peu sous le boisseau les difficultés. Mais je rappelle qu’environ un tiers des établissements d’hospitalisation à domicile connaissent des difficultés financières et que nous commençons à connaître les premiers redressements, voire liquidations judiciaires. Pour la première fois depuis qu’existe l’hospitalisation à domicile, depuis la fin des années 1950, le premier quadrimestre a été mauvais et notre activité stagne. Nous allons essayer de savoir pourquoi car il y a une volonté générale de développer le « hors hôpital » et nous disposons d’une circulaire qui nous est favorable. Sachez en tout cas que, sur le plan tarifaire, nous sommes dans un univers contraint, qui n’a pas bougé depuis 2006.

Si nous pouvons répondre aux sollicitations des familles, des patients, des infirmiers ou des travailleurs sociaux, la prescription d’un médecin est obligatoire. Dans quatre cas sur cinq, la démarche fait suite à une hospitalisation conventionnelle et, dans un cas sur cinq, elle résulte directement d’un médecin généraliste.

Il est vrai que l’hospitalisation à domicile n’est pas bien connue du grand public, faute d’efforts de communication suffisants. Nous essayons de combler cette lacune.

Je précise par ailleurs que notre couverture de l’ensemble du territoire français est récente. Désormais, tous les départements sont dotés d’au moins un établissement d’hospitalisation à domicile. J’avoue m’être autocensurée car je pensais que si l’on parlait beaucoup dans les grands médias de l’hospitalisation à domicile, on risquait de ne pouvoir satisfaire certaines demandes dans des endroits difficiles, faute d’établissement. Mais nous souhaitons aujourd’hui aller davantage de l’avant, notamment en nouant avec les représentants des patients et des familles une démarche plus active de communication. Les usagers participent d’ailleurs à nos commissions.

Les établissements hospitaliers sont beaucoup moins réticents qu’on ne le pense. Leurs dirigeants sont conscients qu’il faut avoir moins recours aujourd’hui à l’hébergement. Mais le fait pour un médecin de ne pas avoir son patient sous la main est une révolution culturelle en termes de confiance. Or faire bouger les lignes en matière de formation des professionnels de santé est difficile.

Nous comptons en notre sein des médecins coordonnateurs, salariés souvent à temps partiel, des infirmières coordonnatrices, des aides soignants et des assistantes sociales et nous faisons appel à des professionnels libéraux tels que les kinésithérapeutes ou les diététiciens quand nous en avons besoin. Mais nous n’avons pas de remède miracle pour attirer les personnels médicaux et nous sommes aussi confrontés à de grandes difficultés de recrutement dans certains territoires.

Il est vrai que notre activité est mal connue, pas enseignée et guère identifiée. Nous comptons également y remédier.

S’agissant des expérimentations PAERPA, nous pouvons y participer, mais nous ne bénéficions pas des dérogations tarifaires et organisationnelles car nous sommes des établissements de santé. Nous sommes cependant éligibles aux fonds d’intervention régionaux (FIR) – même si les crédits ont tendance à être orientés vers les pratiques ambulatoires et les pôles de santé – ainsi qu’aux missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (MIGAC).

Nous prenons en charge plus de 110 000 malades par an, ce qui représente 850 millions d’euros pour le budget de l’assurance maladie, soit plus d’1 % du budget de l’hospitalisation en France. Si nous étions complètement ignorés par les MIGAC jusqu’ici, une récente circulaire budgétaire rappelle aux ARS que nous pouvons aussi en bénéficier. Nous avons largement diffusé l’information et encouragé nos établissements à déposer des dossiers pour être éligibles.

Nous travaillons beaucoup avec les organisations de soins palliatifs et, dans certains cas, nous mutualisons nos personnels, notamment nos médecins coordonnateurs. Un médecin de soins palliatifs a en effet toute vocation à être médecin coordonnateur.

Cela étant, les réseaux sont plus positionnés en formation, en appui, en support, alors que nous sommes concentrés sur les interventions, sachant que les soins, les médicaments et l’appui que nous délivrons – sous forme de matériel ou de prestations sociales – sont solvabilisés soit par la tarification à l’activité, soit par les aides que nous activons.

La télémédecine et la télésanté constituent un sujet important. Elles engendreront une révolution de nos pratiques. Nous pourrions dès lors considérer que 35 000 médecins généralistes en France suffisent, sous réserve qu’ils soient mieux répartis.

Mais ces méthodes supposent une adaptation des systèmes d’information, sachant que nous avons imaginé le complexe en omettant d’instituer le plus simple, c’est-à-dire de faire en sorte qu’un ou plusieurs hôpitaux travaillant ensemble, la pratique ambulatoire, les établissements de l’hospitalisation à domicile et les professionnels qui interagissent soient dotés de systèmes capables de communiquer entre eux et de permettre une interopérabilité.

Le dossier médical personnel (DMP) n’a pas encore été très développé. En revanche, le dossier pharmaceutique, qui résulte d’une initiative de la profession, constitue une vraie réussite. Si nous n’y avons pas encore accès, des expérimentations sont lancées avec les EHPAD et certains établissements hospitaliers, sous couvert du Conseil national de l’ordre des pharmaciens, et nous devrions pouvoir le faire, moyennant le règlement de certains problèmes techniques.

Au-delà de cette première étape, la télémédecine et la télésanté supposent une capacité de consulter à distance et à avoir, non un médecin, mais une infirmière. C’est le cas notamment dans le domaine des plaies ou de pansements complexes, y compris pour des patients en HAD ou à domicile.

Ces moyens pourraient également être utilisés pour certains malades en soins palliatifs. Cela implique la capacité de communiquer via un objet connecté avec le patient et la pompe à morphine, et que l’infirmière coordonnatrice puisse à distance, non seulement avoir accès au dossier, mais également donner son accord sur une injection de produits. Pour des patients habitant dans des régions isolées, cela ne serait pas une vue de l’esprit !

Mais nous avons encore des « trous » en termes de réseau, certaines zones n’ayant pas encore la 3G.

En tout cas, nous encouragerons nos établissements à déposer des dossiers de financement au titre de l’hôpital numérique, ce qui n’est pas simple pour des petites structures comme les nôtres. Nous verrons si ces demandes ont été prises en compte, que cela soit pour le circuit du médicament, pour la télésanté ou les systèmes d’information.

S’agissant de la confidentialité des données, nous avons moins de contraintes que le secteur ambulatoire – notamment sur la communication de celles-ci entre médecins et infirmières –, dans la mesure où nous sommes un établissement de santé et travaillons en équipes de soins. Le problème se pose néanmoins pour nous vis-à-vis des équipes sociales. Or, pour nos professionnels qui ont des réunions régulières de coordination, associant médecins, infirmiers et assistantes sociales, la communication de certains éléments sont indispensables pour que le patient soit bien pris en charge. Des améliorations juridiques sont certainement possibles dans ce domaine, sachant que les associations ont beaucoup évolué pour davantage partager l’information.

Je ne pense pas qu’il faille créer davantage d’établissements d’hospitalisation à domicile. On tend cependant à leur demander de mieux couvrir la totalité de leur territoire. Nous estimons en effet que tous les patients doivent avoir une réponse, ce qui implique de faire appel à des trésors d’imagination en termes d’organisation. C’est la raison pour laquelle nous travaillons étroitement avec les professionnels libéraux, notamment les infirmières libérales, sachant que ce sont nos règles et nos principes de qualité et de sécurité qui s’appliquent.

Les liens avec les maisons et pôles de santé seront nécessairement importants à l’avenir, même si nous avons des territoires plus vastes, de 120 000 à 150 000 habitants au moins. Reste que, même si le patient est adressé par un hôpital, nous ne pouvons le prendre en charge si le médecin traitant n’a pas donné son accord. Je me bats pour que ce principe soit respecté et, chaque fois qu’il est possible, le médecin généraliste est pleinement acteur de la prise en charge thérapeutique de son patient. Cependant, pour des malades exigeant un suivi particulièrement important, le médecin coordonnateur interagit largement avec ce praticien, toujours en accord avec lui. L’un ne se substitue pas à l’autre, même si on rencontre de plus en plus de difficultés à la fois pour des raisons de démographie mais aussi parce que des médecins généralistes refusent d’aller voir des patients en HAD.

Pour de nouvelles prises en charge, nous pouvons constituer un sas, sachant que les professionnels hospitaliers n’ont pas toujours confiance vis-à-vis des professionnels libéraux, les établissements hospitaliers étant de plus en plus contraints par divers indicateurs et la certification. Mais nous avons des modes de prise en charge qui pourront demain être assumés à notre place par des professionnels de l’ambulatoire organisés.

Quant à la dialyse à domicile, elle ne fait pas partie de nos pratiques. Mais cette question m’est de plus en plus souvent posée, au motif que les dispositifs de dialyse à domicile sont insuffisamment développés. Il faudra que nous nous penchions sur ce chantier.

Sur nos 300 établissements, les établissements publics représentent plus de 40 %, les établissements associatifs la même proportion, les établissements privés et commerciaux correspondant aux 20 % restant. Mais nous avons pour tous les mêmes autorisations, réglementations et financements.

Un objectif nous a été donné en termes de recours à l’hospitalisation à domicile il y a quelques mois par voie de circulaire : alors que nous avons actuellement 13 500 patients pris en charge, ce nombre devrait passer à 30 000 en 2018. Or, en 2005, on avait déjà dit qu’en 2010, il devrait y en avoir 15 000 ! Nous avons donc un peu de mal à atteindre ce type d’objectif.

Cela dit, nous avons davantage d’outils aujourd’hui, comme les ARS ou le fait que, dans les contrats d’objectifs et de moyens des établissements hospitaliers, soit prévu un indicateur de suivi du taux de recours à l’hospitalisation à domicile. Cela veut dire que les établissements qui veulent s’en dispenser ne pourront pas le cacher.

Nous avons aussi des objectifs tendant à diversifier nos modalités de prise en charge : si nous pouvons augmenter le nombre de nos malades en fin de vie, nous pouvons faire également davantage pour d’autres pathologies.

Les relations avec les centres hospitaliers et l’hospitalisation de jour soulèvent en effet des conflits d’intérêts. Quand j’évoque la chimiothérapie à domicile, certains interlocuteurs me disent en effet que l’hospitalisation de jour leur rapporte de l’argent.

Si, pour la chirurgie courte, la fin des bornes basses devrait concourir à recourir davantage à l’hospitalisation à domicile, il va bien falloir à un moment ou un autre revoir le mode de financement pour ne pas être en conflit d’intérêts avec des personnes souhaitant travailler avec nous.

C’est le problème des urgences, les directeurs d’établissement ne souhaitant pas réduire le recours à celles-ci dans la mesure où elles leur permettent d’équilibrer leur budget. Or il est difficile de faire bouger les lignes dans ce domaine.

Monsieur Costes, si nous sommes plutôt une voie en devenir, nous demeurons assez faibles. En effet, 30 % des médecins que nous avons interrogés ne savaient pas qu’ils pouvaient prescrire l’hospitalisation à domicile. Nous devons donc faire preuve de beaucoup plus de pédagogie en la matière.

Par ailleurs, quand j’ai pris la présidence de notre fédération, vingt départements n’avaient aucun établissement d’hospitalisation à domicile, ce qui, encore une fois, n’est plus le cas aujourd’hui. Notre présence dans tous les départements doit concourir à mieux faire connaître notre offre de soins.

Enfin, nous n’avons pas été excellents en communication, d’autant que cette offre est compliquée. Nous travaillons d’ailleurs avec la Haute autorité de santé sur le périmètre de l’hospitalisation à domicile, de manière à ce qu’il soit plus lisible par nos interlocuteurs.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Merci pour votre engagement et cette présentation fort intéressante, qui est cohérente avec les textes que nous allons examiner.

La séance est levée à dix-sept heures cinquante-cinq.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mardi 3 juin 2014 à 16 heures 15

Présents. – M. Élie Aboud, M. Gérard Bapt, Mme Kheira Bouziane, M. Jean-Louis Costes, M. Jean-Pierre Door, Mme Hélène Geoffroy, Mme Sandrine Hurel, M. Denis Jacquat, Mme Catherine Lemorton, Mme Véronique Louwagie, M. Bernard Perrut, M. Fernand Siré, M. Dominique Tian, M. Jean-Louis Touraine

Excusés. – Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Richard Ferrand, M. Christian Hutin, Mme Gabrielle Louis-Carabin, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Monique Orphé, Mme Martine Pinville, Mme Bérengère Poletti, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gilles Savary, M. Christophe Sirugue, M. Jonas Tahuaitu