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Commission des affaires sociales

Mercredi 9 juillet 2014

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 57

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Audition, ouverte à la presse, de M. François Bourdillon, dont la nomination à la direction générale de l’Institut national de veille sanitaire (InVS) est envisagée par le Gouvernement (application de l’article L. 1451-1 du code de la santé publique)

– Information relative à la commission 12

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 9 juillet 2014

La séance est ouverte à neuf heures trente.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. François Bourdillon, dont la nomination à la direction générale de l’Institut national de veille sanitaire (InVS) est envisagée par le Gouvernement (application de l’article L. 1451-1 du code de la santé publique).

Mme la présidente Catherine Lemorton. Mes chers collègues, nous accueillons maintenant M. François Bourdillon, chef du pôle Santé publique, évaluation et produits de santé des hôpitaux universitaires la Pitié-Salpêtrière Charles-Foix, dont la nomination à la direction générale de l’Institut national de veille sanitaire, autrement appelé InVS, est envisagée par le Gouvernement.

Cette audition a lieu en application de l’article L. 1451-1 du code de la santé publique, issu de l’article 1er de la loi sur le médicament que nous avons adoptée en 2011. En effet, l’InVS fait partie des neuf organismes dont les présidents, directeurs généraux et directeurs doivent être auditionnés par le Parlement – en l’espèce les commissions des affaires sociales des deux assemblées – avant leur nomination.

Nous ne sommes pas dans le cadre de la procédure de mise en œuvre de l’article 13 de la Constitution : il ne s’agit donc que d’une simple audition et non pas d’un avis demandé aux commissions compétentes. C’est pourquoi cette audition ne sera pas suivie d’un vote, mais elle n’en reste pas moins très intéressante.

Je rappelle brièvement que l’InVS, créé par la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et au contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l’homme, a vu ses missions complétées et renforcées par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, afin de répondre aux nouveaux défis révélés par les crises sanitaires récentes et les risques émergents. Il s’agit d’un établissement public, placé sous la tutelle du ministère chargé de la Santé, qui réunit les missions de surveillance, de vigilance et d’alerte dans tous les domaines de la santé publique. À ce titre il est chargé de suivre les maladies infectieuses, les effets de l’environnement sur la santé, les risques d’origine professionnelle, les maladies chroniques et les traumatismes ainsi que les risques liés à des maladies se développant à l’étranger mais risquant d’affecter notre pays : dans ce domaine, les frontières n’existent pas.

J’indique que M. Bourdillon a fait parvenir au secrétariat de la commission son curriculum vitae ainsi que la déclaration publique d’intérêts que la loi l’oblige à souscrire. Ces documents sont en distribution dans la salle.

M. Bourdillon, je vous souhaite la bienvenue dans cette commission. Vous avez la parole.

M. François Bourdillon. Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les députés, comme vous le savez je suis pressenti par Madame la Ministre des affaires sociales et de la santé Marisol Touraine pour être directeur général de l’Institut de Veille sanitaire (InVS). Il me semble naturel dans un premier temps de vous décrire mon parcours professionnel, avant d’évoquer les raisons de ma candidature.

Âgé de soixante ans, je suis médecin de santé publique actuellement en charge du pôle Santé publique, évaluation et produits de santé des hôpitaux universitaires La Pitié-Salpêtrière Charles Foix. Cette structure de 180 personnes regroupe le département de santé publique à laquelle est associée la recherche clinique que je dirige, deux pharmacies, la pharmacologie, et des activités cliniques transversales : l’addictologie et les soins aux personnes sourdes. Je suis par ailleurs président de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT). J’exerce également la présidence de la commission « Prévention » du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) et la vice-présidence du Conseil national du Sida.

C’est par le Sida que je suis entré dans la santé publique, puisqu’à la fin des années 1980, j’ai travaillé sur ce thème à l’Observatoire régional de santé (ORS) d’Île-de-France, en particulier sur les questions relatives à l’épidémiologie. J’ai ensuite assuré, au sein de la direction des hôpitaux, la responsabilité de la Mission Sida. Il s’agissait de faire face à cette épidémie nouvelle, de favoriser la recherche clinique, de construire des indicateurs et des recommandations de pratiques cliniques, de comprendre les complications. Il s’agissait également de répondre aux problèmes des hôpitaux, dont les moyens et les capacités d’accueil étaient très hétérogènes. À la fin des années 1990, j’ai exercé la responsabilité de chef du bureau « Pathologies et organisation des soins », pour élargir le savoir-faire qui avait été développé précédemment.

Au début des années 2000, j’ai été conseiller technique du ministre de la Santé, avec pour mission de construire des plans de santé publique. Ces plans poursuivaient deux logiques. La première était une logique de programmation visant à mettre en œuvre la programmation en santé sur des périodes de trois à cinq ans. La seconde logique visait à mettre en place une approche « holistique » de la santé autour des notions de prévention, de dépistage, d’organisation des soins, de recherche clinique, de surveillance, de gouvernance et de solidarité. C’est ainsi que sont nés les plans de santé publique : le premier plan « Maladie d’Alzheimer », les plans relatifs aux maladies rares, au diabète, aux maladies cardio-vasculaires, etc.

À la fin de ce gouvernement, j’ai rejoint l’hôpital public, où j’ai exercé principalement deux fonctions. Une première fonction d’enseignement, en assurant des cours à Sciences po Paris et à l’université Pierre et Marie Curie. La seconde est une fonction de santé publique hospitalière, en tant que coordonnateur des risques liés aux soins. J’encourage dans ce cadre les retours d’expérience, les évaluations pratiques professionnelles, afin de faire en sorte que les erreurs – et non les fautes – ne se reproduisent pas.

Pour terminer, j’ai exercé pendant six ans la présidence de la Société française de santé publique. J’ai eu un engagement humanitaire très important auprès de Médecins Sans Frontières (MSF), où j’ai été vice-président. J’ai également été membre du Conseil d’administration de l’Institut National de Prévention et d’Éducation pour la Santé (INPES). Je mentionnerai enfin l’activité clinique que j’ai exercée jusqu’à ce jour, bien qu’à un rythme désormais réduit au mardi soir.

Enfin, j’ai toujours veillé à être très attentif aux possibles conflits d’intérêts avec mes fonctions professionnelles. Je vous ai fait transmettre ma déclaration publique d’intérêt, parce que je pense qu’il est important d’être transparent.

J’en viens à évoquer les raisons de ma candidature au poste de directeur général de l’Institut de Veille sanitaire (InVS).

La première raison est que je suis un médecin de santé publique et que l’InVS est la plus belle des agences, la plus professionnelle, la plus scientifique. Elle allie la mesure l’état de santé à la mesure des risques.

La deuxième est que je considère que l’InVS a réussi sa mutation sur au moins sur deux champs. Dans le champ de la surveillance, en se concentrant sur les maladies chroniques, les maladies environnementales ou les risques en milieu de travail. L’InVS a également très tôt compris qu’elle ne pourrait pas tout faire, et elle n’a pas voulu tout faire. Elle s’est constitué un réseau de correspondants et entretient aujourd’hui plus de trois cents partenariats. Elle est ainsi en mesure à ce jour d’analyser l’ensemble des données sanitaires à l’aide de deux logiciels, SMIRAM et PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d’information).

La troisième raison de ma candidature tient au fait que l’InVS sait répondre aux défis actuels. Tout d’abord, la réponse de l’Institut tient compte du défi de la mondialisation des mouvements de population avec le risque de transmission de maladies émergentes ou ré-émergentes. L’InVS est également au fait du défi des mutations environnementales. Je pense ainsi aux perturbateurs endocriniens, aux pratiques agricoles industrielles, ou au développement des résistances aux antibiotiques. Enfin, l’InVS a également su prendre en compte le défi des facteurs sociaux et démographiques parmi lesquels les changements de comportements, tels que la modification des habitudes alimentaires, ou le vieillissement de la population.

Je souhaiterais également insister sur les enjeux auxquels l’InVS est aujourd’hui confronté.

Définis dans le dernier contrat d’objectif et de performance 2014, plusieurs axes ont été précisés.

Tout d’abord, un axe relatif à l’évolution de la stratégie de la surveillance. L’InVS regroupe 430 personnes et il apparaît évident que la veille sanitaire ne peut être déployée tous azimuts. C’est pourquoi, il convient de favoriser une logique de priorisation qui permettra d’établir des choix solides en termes de prospective. Cet axe devra s’appuyer sur les nouvelles technologies de l’information – je pense ainsi aux modèles bio-statistiques.

Le deuxième axe concerne le renforcement de l’organisation régionale. Il faut ainsi penser à la place de la surveillance, de la veille et de l’alerte dans les agences régionales de santé (ARS) en fonction des futurs territoires régionaux. Il faudrait, à mon sens, mieux déterminer la place des cellules interrégionales d’épidémiologie (CIRE) localisés dans les ARS : alerte de premier niveau aux ARS, alerte de second niveau aux CIRE et à l’InVS. La taille des nouvelles régions pourrait permettre, par exemple, de regrouper certaines CIRE pour qu’elles aient une masse critique suffisante.

Le dernier axe consiste à travailler en grande proximité avec le ministère de la santé et ses services car l’expertise est au service de la politique de santé.

Enfin, il me faut souligner le dernier enjeu, et non des moindres. En effet, la ministre des affaires sociales et de la santé a annoncé dans son discours du 19 juin 2014 la création d’un institut pour la prévention, la veille et l’intervention en santé publique. Il serait issu de la fusion entre l’InVS, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), et l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS). De nombreux pays ont promu un tel regroupement comme la Suède, le Québec avec l’Institut national de santé publique. Ce regroupement de compétence est aussi encouragé par L’IANPHI, « international association of national public health institutes » qui préconise l’instauration d’instituts de santé publique dotés d’un large éventail de compétences et d’expérience, d’une organisation qui fonctionne comme un tout et basés sur des programmes et des politiques à fondement scientifique. La logique recherchée consiste en l’association du constat épidémiologique à l’action dans un grand continuum.

Je m’emploierai à la construction de cette agence en privilégiant le dialogue, la concertation, la logique de co-construction en m’appuyant sur un état des lieux, les besoins identifiés et les missions que la ministre aura retenue dans sa loi de santé.

Telles sont les raisons qui m’ont amené à être candidat à la direction générale de l’InVS et ma vision de l’InVS.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je vous remercie de votre présentation. Votre candidature me paraît parfaitement convenir aux missions et aux défis que doit relever l’InVS.

Je rappelle, à l’intention de nos collègues, qu’un bulletin hebdomadaire international fort intéressant est publié par l’InVS. Cela peut être utile pour nos travaux.

Enfin, je me félicite du projet de fusion entre l’InVS, l’INPES, et l’EPRUS d’autant que le partage des compétences et des responsabilités entre ces différents organismes n’était pas évident pour nous autres parlementaires.

M. Olivier Veran. Je me réjouis à mon tour, au nom du groupe SRC, de la candidature de M. Bourdillon. Votre expertise en matière de santé, votre engagement dans la lutte contre les inégalités de santé, votre implication dans la recherche, votre impressionnant curriculum vitae plaident en faveur de votre désignation à ce poste stratégique. À la tête de l’InVS, vous devrez relever plusieurs défis importants sur lesquels j’aimerais d’ailleurs recueillir votre avis.

Comme vous l’avez annoncé, l’institut devra se restructurer. Sur le plan pratique, comment percevez-vous ce rapprochement ? Aura-t-on affaire à une « super institution » ? Qu’en sera-t-il de la prévention, de l’éducation en matière de santé et de la vigilance ?

Par ailleurs, que pouvez-vous nous dire en matière de politique de prévention ? Celle-ci recouvre deux réalités distinctes. Elle revêt d’abord une dimension individuelle - médecine scolaire - et nous savons tous combien cette dimension est en souffrance. Elle a aussi une portée collective. Les moyens déployés sont à cet égard plus conséquents, la dimension politique plus affirmée et le partenariat avec les associations locales plus étroit. Pensez-vous qu’il faille envisager la professionnalisation des acteurs de la prévention collective ?

Dans un autre registre estimez-vous que notre pays est suffisamment préparé pour affronter une crise sanitaire majeure ? Avec la recrudescence du virus Ébola en Afrique, nos concitoyens nourrissent en effet une certaine crainte.

S’agissant ensuite de la veille environnementale, pensez-vous que notre pays dispose de suffisamment d’éléments pour identifier les facteurs dits « exogènes » – je pense notamment aux effets des ondes électromagnétiques – et évaluer leur lien avec les nouveaux enjeux en matière de santé tels que l’accroissement des cas d’infertilité ?

Pensez-vous en outre que la coopération internationale est suffisamment opérationnelle pour aborder les défis sanitaires mondiaux ?

S’agissant particulièrement de l’épidémie de chikungunya dont on peut redouter l’apparition des premiers cas en France métropolitaine, que pouvez-vous dire ?

Enfin, comme vous le savez j’avais été désigné, par le Premier ministre, parlementaire en mission sur la filière sang en France. Dans la continuité du rapport que j’ai commis, allez-vous conférer une place particulière à l’hémovigilance ?

M. Jean-Pierre Door. Votre curriculum vitae, impressionnant et de grande qualité, vous permettra d’exercer avec talent vos nouvelles responsabilités, succédant ainsi à Gilles Brückner et Françoise Weber. Nous savons tous que l’institut pour lequel vous présentez votre candidature joue un rôle indispensable. Je ne peux m’empêcher, à cet égard, de rappeler, à titre purement anecdotique, cette phrase prononcée en 1967 par le directeur général de la santé américain : « l’ère des maladies infectieuses est révolue ». Force est de constater que les événements lui ont donné tort ! Pensons en particulier aux maladies émergentes – Ebola, Chikungunya, H5N1, variole - qui ont bouleversé notre stratégie de défense et de prévention. Dans ce contexte de recrudescence des maladies infectieuses, j’aurai plusieurs questions à vous adresser.

Comment concevez-vous la collaboration avec l’organisation mondiale de la santé, le Centre américain de prévention et de contrôle des maladies situées à Atlanta et le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies basé en Suède ?

Par ailleurs, pensez-vous que le plan national de prévention et de lutte « pandémie grippale » lancé en 2009, mérite d’être actualisé ? À mon sens, il doit faire l’objet d’une réactualisation permanente. De même, il convient d’y associer le Parlement, ne serait-ce que pour le tenir informé de ce dossier.

J’ai également une question relative à la chaîne de surveillance dont le dispositif d’alerte remonte du médecin généraliste, en première ligne, vers les SAMU/Centres 15, puis vers l’InVS et les ARS. Comment les ARS se positionnent dans ce dispositif ? Il me semble aussi nécessaire que la remontée de l’information soit effective jusqu’au niveau ministériel. Au Royaume-Uni, le Plan Cobra, qui constitue une réponse à des crises d’urgence sérieuses ou catastrophiques, fait intervenir des acteurs locaux au sein d’une zone de défense et des acteurs nationaux informés de la situation en flux continu. Pouvez-vous nous donner votre avis sur l’organisation qu’il conviendrait d’adopter pour éviter une perte d’information préjudiciable pour la résolution d’une éventuelle crise sanitaire ? Dans le même ordre d’idée, comment peut-on articuler ce dispositif avec les groupements régionaux d’observation de la grippe (GROG) et les réseaux sentinelles dont le rôle est primordial ?

En outre, pouvez-vous nous faire un point de situation sur le coronavirus MERS, qui a fait près de 200 morts en Arabie Saoudite depuis son apparition en 2012, et dont on ne peut pas exclure qu’il sévisse en Europe.

Enfin, je conclurai par un appel au regroupement des agences sanitaires. Notre collègue Yves Bur avait commis un rapport sur ce sujet lors de la précédente législature. Je suis personnellement convaincu des effets positifs que l’on pourrait tirer des regroupements d’agences tant en termes de productivité que d’efficacité d’action. Au Royaume- Uni le nombre d’agences est ainsi passé de 30 à 12, améliorant considérablement l’emploi des deniers publics. Je me réjouis à cet égard du projet de fusion dont vous venez de vous faire l’écho. Je me demande simplement si l’on ne pourrait pas aller plus avant dans le regroupement des agences sanitaires.

Mme Dominique Orliac. Je voudrais vous remercier pour votre présence aujourd’hui. J’aimerais revenir sur l’étude, coordonnée par l’InVS sur la surveillance virologique de l’infection au virus de l’immunodéficience humaine (VIH) avec le laboratoire du Centre national de référence (CNR) du VIH, afin de mieux suivre l’incidence de l’infection VIH et mieux orienter les actions de prévention en apportant des informations sur les populations récemment infectées par cette maladie en France. Selon l’étude publiée en novembre 2013, il y aurait une hausse de 5 % des personnes ayant découvert leur séropositivité en 2012, avec un chiffre de 6 400 personnes, soit 300 personnes de plus qu’en 2011. De même on constate davantage de découvertes de séropositivité en province qu’en Ile-de-France par rapport à 2011. Les hommes contaminés par rapports hétérosexuels représentent plus d’un quart des découvertes en 2011. Or, ils ont recours au dépistage plus tardivement que les femmes et les homosexuels. Plus de 4 hommes sur 10 ne se font dépister qu’à l’apparition de signes cliniques et ils sont plus souvent diagnostiqués au stade « sida » et à un stade d’immunodépression sévère. Parmi les nouvelles contaminations, on distingue également un groupe important, les migrants. Ce sont les personnes d’origine caribéenne et d’Afrique sub-saharienne qui présentent les taux de prévalence les plus élevés : dans 98 % des cas, les contaminations se font par voie hétérosexuelle. Le rapport mentionne également un faible impact des recommandations d’élargissement du dépistage à l’ensemble de la population. Ainsi, j’aurais voulu vous demander comment vous envisagez l’action de l’InVS pour inciter les hommes hétérosexuels à avoir recours au dépistage plus tôt et plus souvent ? De plus, le dernier bulletin de l’InVS consacré au VIH, indique que pour la première fois depuis 1994, les 18-30 ans ont une moins bonne connaissance des mécanismes de transmission du virus que leurs aînés. Je voudrais donc savoir si vous pensez que la prévention fait également partie intégrante du rôle de l’InVS et si des missions concernant la sensibilisation seraient renforcées sous votre direction.

J’aimerais également revenir sur l’impact sanitaire de l’amiante. Le comité de suivi sur l’amiante créé au sein de la Commission des affaires sociales du Sénat a publié son rapport le 4 juillet dernier. Celui-ci concerne à la fois la problématique de l’indemnisation des victimes et la question épineuse du désamiantage. Les conclusions du rapport révèlent des chiffres inquiétants, selon lesquels l’amiante aura fait 100 000 morts en 2050. Le rapport rappelle également la responsabilité des pouvoirs publics dans la mise en œuvre du désamiantage sinon celui-ci sera fait dans des conditions catastrophiques et c’est une seconde épidémie qui pourrait se développer, touchant notamment les salariés du bâtiment, les salariés des entreprises de désamiantage, mais aussi les riverains. Rappelons que tous les bâtiments publics et privés construits avant 1997, date de l’interdiction en France de l’amiante, contiennent potentiellement de l’amiante.

Le rapport du Sénat émet plusieurs propositions, notamment sur la protection de la population en renforçant l’information des particuliers sur la gestion des déchets, l’aide aux employeurs publics pour contacter les agents susceptibles d’avoir été exposés à l’amiante et la hausse des effectifs de l’InVS. Ces propositions rejoignent les missions de l’InVS de surveillance de l’état de santé des populations, de veille et de vigilance sanitaire. J’aurais donc voulu savoir comment vous voyiez votre rôle en tant que directeur général de l’InVS et les relations qui pourraient en découler avec le Parlement.

M. Gérard Bapt. Je n’ai rien à dire sur votre curriculum vitae si ce n’est que la partie consacrée aux liens d’intérêts est particulièrement courte, ce qui est très positif. Je vois que vous avez été responsable d’un département de biostatistique, que pensez-vous des nouveaux traitements contre l’hépatite C ? Sont-ils aussi révolutionnaires qu’annoncés ? Ne sommes-nous pas une nouvelle fois les victimes d’un « enfumage » des laboratoires pharmaceutiques qui annoncent la découverte d’un traitement révolutionnaire ? Ne devrait-on pas prendre un peu de recul sur ce sujet ?

M. Rémi Delatte. Je salue votre parcours professionnel qui vous donne une réelle légitimité pour le poste auquel vous êtes candidat. Le réseau de veille sanitaire comprend dix-sept cellules régionales dont neuf concernent plusieurs régions. Certaines relèvent du statut de l’État, d’autres relèvent du statut de l’InVS. Quel sera l’impact de la fusion de l’InVS, de l’INPES, et de l’EPRUS sur le réseau régional ? Quel sera aussi l’impact de la baisse des effectifs des agences régionales de santé sur ce même niveau régional ? L’ensemble de ces personnels ne devrait-il pas relever d’un statut unique ?

Mme Hélène Geoffroy. Je tiens aussi à saluer votre curriculum vitae et votre parcours professionnel. Je souhaite vous interroger sur la gestion des épidémies, notamment au regard de la méfiance que la population a manifesté à l’égard des constats d’experts et des vaccins lors du risque d’épidémie de H1N1. Quel travail peut-on faire pour retrouver la confiance des Français, alors que le virus du chikungunya arrive sur le territoire métropolitain ?

Mme Isabelle Le Callennec. Compte tenu de votre parcours et de votre expérience, je ne doute pas que vous serez retenu. Y a-t-il des résistances à la fusion entre l’InVS, l’INPES et l’EPRUS ? Comment fonctionne le réseau des communes « sentinelles » ? S’agissant de la santé au travail, secteur dans lequel les Pays de la Loire mettent en place de nombreuses actions, quelles actions sont envisagées, notamment pour lutter contre les troubles musculo-squelettiques ? Quelles sont les suites données au programme COSET (cohortes pour la surveillance épidémiologique en lien avec le travail) qui identifie les métiers qui présentent des risques pour la santé ? Quelles sont les actions envisagées par l’InVS s’agissant de l’impact des lignes à haute tension sur l’environnement ? Est-ce que les recommandations de l’InVS en matière de veille sont suivies d’effet ?

Mme Véronique Louwagie. Je tiens aussi à saluer votre parcours très intéressant et je souhaite vous poser quatre questions. La première concerne les moyens de garantir l’indépendance du réseau d’expert sur lequel s’appuie l’InVS. La deuxième concerne la coopération internationale, l’Union européenne n’ayant pas été évoquée. Existe-t-il un support européen en matière de veille sanitaire ? Y a-t-il un intérêt à faire la promotion de la recherche pour l’InVS ? Quelles sont les réflexions de l’InVS sur le don d’organe notamment le moyen de le développer et de lutter contre les trafics d’organes ?

M. Bernard Perrut. Je salue vos compétences qui vous permettront de prendre la tête de l’InVS. Quels sont les moyens pour rendre cet institut plus connu de la population ? Quelles sont les relations entre les cellules interrégionales d’épidémiologie (Cire) et les agences régionales de santé ? S’agissant du virus du chikungunya, ma circonscription fait partie des dix-huit départements dans lesquels le moustique tigre est présent : comment rassurer la population ? Quelles actions vont être mises en place ?

M. François Vannson. Je souhaiterais interroger M. Bourdillon sur le problème de la maladie de Lyme : je viens de déposer une proposition de résolution européenne destinée à répondre au problème de cette pandémie, dans la mesure où il s’agit d’une maladie vectorielle grave, mais pour laquelle nous ne connaissons même pas le nombre exact de personnes touchées. Il me semble qu’une véritable politique de santé publique doive être engagée sur ce sujet, puisqu’il s’agit d’une maladie qu’il est possible de traiter dès lors que les mesures sont prises à temps.

Mme la présidente Catherine Lemorton. S’agissant des addictions et des conduites addictives, nous avons auditionné la semaine dernière Mme Danièle Jourdain Menninger, présidente de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), qui a soulevé la question de la prévention dans ce domaine, pour lequel les chiffres français sont assez alarmants, notamment en ce qui concerne les jeunes. Ensuite, en matière d’éducation thérapeutique, pensez-vous que la France est à la hauteur des enjeux par rapport aux maladies chroniques, qu’il s’agisse de l’observance du traitement, de l’accompagnement de l’entourage ou encore de la prévention du capital santé chez le malade chronique ? Les barrières entre l’éducation thérapeutique et l’industrie pharmaceutique sont-elles suffisantes ?

M. François Bourdillon. S’agissant de la fusion des agences, je plaide pour la construction d’un continuum dans la production de connaissances, qui va de la surveillance aux recommandations puis à la prise de décision. Cette dernière peut relever de l’action urgente, comme c’est le cas pour l’établissement public de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), qui est dotée d’une capacité de réponse quasi militaire, avec ses stocks de masques, de vaccins et d’antibiotiques, et qui est même outillée pour répondre à un risque nucléaire, radiologique, bactériologique ou chimique (NRBC) : je rappelle que le stock stratégique de l’EPRUS représente 80 millions d’euros. La prise de décision peut aussi relever d’une crise sanitaire plus lente, comme par exemple dans le cas d’une pandémie grippale ou encore du chikungunya. De ce point de vue, l’expérience de la grippe A permet de tirer quelques leçons, et notamment le fait que l’on ne se soit pas suffisamment appuyé sur le réseau des médecins généralistes ou encore sur le système hospitalier à l’époque.

S’agissant de la coopération internationale, l’OMS joue évidemment un rôle crucial, mais nous avons également un organisme européen, l’ECDC (European Centre for Disease Prevention and Control), dont le siège est situé à Grenoble, et qui regroupe l’ensemble des systèmes de veille européens.

Ma candidature me semble par ailleurs de nature à rassurer le personnel concerné, puisque, je le rappelle, j’ai été membre du conseil d’administration de l’INPES.

En matière d’hémovigilance, je pense que la sécurité transfusionnelle n’est pas encore totalement assurée aujourd’hui ; des risques demeurent, qu’ils soient liés aux erreurs de patients ou encore au suivi post-transfusionnel. Nous n’avons pas malheureusement de ressources humaines suffisantes qui sont déployées en matière de contrôle et de veille dans ce domaine.

S’agissant de la réactualisation du plan stratégique pandémie, je tiens à rassurer M. Door : ce plan est bien constamment réactualisé. La chaîne de surveillance est, de ce point de vue, cruciale. L’InVS s’appuie sur les réseaux nationaux de santé publique, qu’il s’agisse des déclarations de maladies obligatoires ou encore des réseaux de médecins généralistes, le réseau GROG ou le réseau Sentinelles. En matière de suivi de la grippe, la superposition de deux systèmes de suivi n’est pas efficace : la fusion demandée se fait pourtant avec difficulté. Nous nous appuyons également sur les centres nationaux de référence (CNR), mais aussi sur les réseaux de partenaires et d’experts, qui permettent d’améliorer notre capacité à comprendre. La fonction de partenariat est en effet essentielle.

S’agissant du VIH, les médicaments sont aujourd’hui efficaces pour soigner, même s’ils ne permettent pas de guérir. Il y a toujours 6 000 à 7 000 contaminations par an. Mais la politique de prévention combinée doit être poursuivie, celle du dépistage et de la thérapeutique par les antirétroviraux, qui permettent de ne pas transmettre le VIH.

Concernant l’amiante, pour le moment, le sujet est resté très centré sur la problématique des maladies professionnelles. L’InVS travaille sur les expositions à l’amiante hors milieu professionnel. Mais il est certain que par ailleurs, la nouvelle agence aura à travailler sur les risques aussi divers que l’exposition aux particules fines, à l’amiante, aux épandages agricoles, etc.

S’agissant du virus de l’hépatite C (VHC), les nouveaux médicaments sont en effet très efficaces, sans effets secondaires. Mais le problème est leur coût : entre 60 000 et 80 000 euros le traitement, avec pour la pharmacie de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, par exemple, un budget qui s’établit déjà à 11 millions d’euros depuis le début de l’année à ce titre. Et il s’agit du prix dans le cadre de l’autorisation temporaire d’utilisation !

M. Gérard Bapt. Le problème n’est-il pas également celui de la prescription.

M. François Bourdillon. Aujourd’hui, l’administration de ce traitement est prise dans le cadre d’équipes pluridisciplinaires, et elle est réservée aux cas les plus graves.

S’agissant des cellules interrégionales (CIRE), sur la question de savoir s’il convient d’avoir deux tutelles ou une seule, je souhaiterais disposer du temps nécessaire avant de me prononcer. Une chose est sûre : l’INPES manque aujourd’hui cruellement de relais régionaux et il est nécessaire qu’une collaboration étroite s’instaure avec les ARS. C’est fondamental à la fois pour la veille et l’alerte sanitaire.

En matière de couverture vaccinale, la France n’est pas très bien placée, comme on a pu le constater encore récemment avec l’épidémie de rougeole qui a provoqué des décès en région Rhône-Alpes. Il est indispensable de mieux communiquer, et de ce point de vue, un rapprochement de l’INPES et de la surveillance sanitaire est plus que bienvenu.

S’agissant de la médecine du travail, nous devons améliorer le partenariat avec ce secteur : en effet, si les études relatives aux troubles musculo-squelettiques avancent, c’est plus difficile en matière de risque électromagnétique. En tout état de cause, nous devons chercher à améliorer la santé des travailleurs. Il est donc indispensable de passer des conventions de partenariat autant d’ailleurs avec la médecine du travail qu’avec la médecine scolaire.

S’agissant des jeunes et de leurs conduites addictives, en effet, le constat est lourd : 33 % des jeunes sont fumeurs. Il s’agit néanmoins d’un problème qui relève davantage de l’observatoire français des drogues et des toxicomanies, qui est l’outil de veille dans ce domaine.

En matière d’éducation thérapeutique, la France est le seul pays à avoir un programme en ordre de marche : nous ne pouvons que nous en réjouir.

La maladie de Lyme est en effet une maladie vectorielle grave : nous devons développer les recommandations de pratiques cliniques afin de mieux identifier cette maladie et de mieux comprendre ses modalités de transmission.

Enfin, s’agissant des liens avec les instituts de recherche, ils sont permanents, que ce soit avec l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), les instituts régionaux d’éducation et de promotion de la santé (IRESP) ou encore l’Agence nationale de la recherche (ANR). Nous lançons en effet des appels d’offres en matière de santé publique, et souhaitons renforcer le rapprochement entre le monde des chercheurs et le monde de l’action, autrement dit des professionnels de terrain.

En matière de dons d’organes, oui, nous manquons de greffons, mais il s’agit là du champ de compétences de l’Agence de la biomédecine.

La séance est levée à onze heures.

——fpfp——

Information relative à la commission

La MECSS a demandé à la Cour des comptes, pour le premier semestre 2016, une étude sur la politique d’achat et les délégations de gestion des établissements publics de santé.

Présences en réunion

Réunion du mercredi 9 juillet 2014 à 9 heures 30

Présents. – M. Élie Aboud, M. Gérard Bapt, Mme Kheira Bouziane, Mme Sylviane Bulteau, M. Gérard Cherpion, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Rémi Delatte, M. Jean-Pierre Door, Mme Hélène Geoffroy, M. Henri Guaino, Mme Monique Iborra, Mme Chaynesse Khirouni, Mme Bernadette Laclais, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Céleste Lett, Mme Gabrielle Louis-Carabin, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, Mme Dominique Orliac, Mme Monique Orphé, Mme Luce Pane, M. Bernard Perrut, Mme Martine Pinville, M. Gérard Sebaoun, M. Fernand Siré, M. Jonas Tahuaitu, M. Olivier Véran

Excusés. – M. Bernard Accoyer, Mme Véronique Besse, Mme Gisèle Biémouret, M. Richard Ferrand, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet, M. Christophe Sirugue

Assistait également à la réunion. – M. François Vannson