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Commission des affaires sociales

Mercredi 9 juillet 2014

Séance de 11 heures 45

Compte rendu n° 58

Présidence de Mme Catherine Lemorton, Présidente

– Audition, ouverte à la presse, de M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social, sur la conférence sociale 2014

– Présences en réunion 18

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Mercredi 9 juillet 2014

La séance est ouverte à onze heures cinquante-cinq.

(Présidence de Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission)

La Commission procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social, sur la conférence sociale 2014.

Mme la présidente Catherine Lemorton. M. le ministre François Rebsamen est venu nous présenter, au lendemain de sa clôture, les résultats de la conférence sociale 2014, sur laquelle il vient de faire une communication en conseil des ministres.

Depuis 2012, la conférence sociale annuelle est devenue un rendez-vous important où se décide l’agenda social de l’année à venir. Elle est une traduction de la méthode adoptée par la majorité cherchant à faire prévaloir le dialogue social.

La première conférence sociale était centrée sur la compétitivité des entreprises, la deuxième sur la formation professionnelle et a abouti à la mise en place du compte personnel de formation. Pour la troisième, le Gouvernement a mis l’accent sur la lutte contre le chômage – fil conducteur de sa politique depuis deux ans – et le développement de l’apprentissage, auquel sera consacrée une grande réunion avec les partenaires sociaux à la rentrée.

Certains partenaires sociaux ont fait le choix de ne pas participer à une partie des travaux de la conférence en étant absents la seconde journée. Bien que regrettable, cette absence ne signifie pas que le dialogue social est rompu : il est essentiel à la poursuite des réformes nécessaires à notre pays dans les meilleures conditions et avec des chances de succès optimisées.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social. Mesdames, messieurs, j’ai voulu, dès après la communication en conseil des ministres, venir vous présenter la « feuille de route sociale 2014 » telle qu’elle est issue de la conférence sociale.

Cette troisième conférence, qui s’est achevée hier, a été un succès. Elle est un temps fort du dialogue social, qui est et restera la méthode du Gouvernement, car il ne faut pas opposer dialogue social et réforme. La réforme est indispensable : notre pays doit avancer, et, s’il a de formidables atouts, il souffre aussi de blocages qu’il lui faut lever.

La conférence sociale est un formidable accélérateur pour l’emploi et la croissance. Pendant ce moment fort, Gouvernement, syndicats, patronat, mais aussi représentants des collectivités locales et même organisations de jeunesse – présentes pour la première fois cette année – travaillent ensemble pour répondre aux attentes des Françaises et des Français. Je retiens de cette conférence utile l’esprit de responsabilité et d’exigence dont a fait preuve l’ensemble des participants.

Lundi, le Président de la République a eu, pendant plus de trois heures, un dialogue franc et direct avec l’ensemble des organisations syndicales et patronales sur plusieurs thèmes : l’emploi des jeunes, l’apprentissage, l’Europe, l’investissement, la croissance.

Le lendemain, deux organisations syndicales, et non des moindres, ont fait le choix de quitter la conférence. Nous en avons pris acte tout en le regrettant, mais cela ne signifie pas que le dialogue est rompu – pour reprendre la formule d’un des responsables en question, il a été « interrompu ». Pour autant, cela ne nous a pas empêchés d’avancer, de nous retrouver sur un certain nombre de sujets et d’arrêter des mesures.

La priorité numéro un est l’emploi. Pour la jeunesse, d’abord, avec des mesures fortes, telle la garantie jeunes. Nous avons l’ambition d’en faire bénéficier 50 000 jeunes dès 2015 et 100 000 en 2017 – contre 10 000 bénéficiaires aujourd’hui –, grâce notamment aux missions locales. Il s’agit d’une initiative européenne que la France est le premier pays à mettre en œuvre.

Des solutions ont également été avancées pour les chômeurs de longue durée, en particulier les seniors. Sur proposition de Louis Gallois au nom du collectif Alerte, les partenaires sociaux ont accepté le principe d’une négociation sur les demandeurs d’emploi de longue durée. Cette demande avait été formulée lors du conseil national des politiques de lutte contre l’exclusion, que j’avais présidé avec M. Pinte une dizaine de jours auparavant. Je pourrai revenir sur ce sujet, si vous le souhaitez.

L’apprentissage, qui rassemble par-delà les positions partisanes, fait l’objet d’un plan de relance global. Priorité des priorités, il sera développé à travers des mesures structurelles et des actions immédiates. D’abord, par la mobilisation de fonds européens, à hauteur de 100 millions d’euros. Ensuite, dans le cadre du programme d’investissements d’avenir, 100 millions d’euros seront affectés plus spécifiquement aux centres de formation d’apprentis (CFA). Enfin, dans un effort supplémentaire, que vous aurez à valider rapidement en loi de finances rectificative, l’État consacrera 200 millions d’euros à l’aide aux entreprises qui embauchent un premier apprenti, sous la forme d’une prime de 1 000 euros, à condition qu’un accord de branche ait été conclu dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité. Le Président de la République a également annoncé, pour la rentrée, une grande réunion de mobilisation pour l’apprentissage, à laquelle tous les acteurs ont pris l’engagement de participer et qui permettra de lever les nombreux freins à l’apprentissage, qui ne sont pas exclusivement de nature financière.

Comme je l’ai souligné, la conférence sociale est un accélérateur pour la croissance. À cet égard, le Président de la République a annoncé, pour la rentrée également, des assises de l’investissement.

J’indique encore que les rencontres bilatérales avec l’ensemble des organisations syndicales commencent dès aujourd’hui, ce qui est susceptible de rassurer celles et ceux qui pensaient que certains s’étaient retirés du dialogue social. Avec le Premier ministre, nous avons rappelé au patronat que les négociations de branche n’avaient pas suffisamment avancé. Nous avons décidé que serait mis en place à la rentrée un observatoire des aides publiques, regroupant le comité de suivi du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) et le suivi du Pacte de responsabilité et de solidarité et des aides publiques, qui nous permettra de faire le point et d’avancer plus hardiment dans le suivi des négociations de branche. On ne peut pas demander au patronat d’avoir déjà négocié des accords relatifs au Pacte alors qu’il était encore en discussion hier ou avant-hier. Des contacts ont été pris et, aujourd’hui, environ la moitié des cinquante principales branches, au premier rang desquelles la métallurgie, ont commencé à évoquer le sujet.

Enfin, il me reviendra de faire progresser la négociation sur la qualité du dialogue social au sein de l’entreprise, notamment sur le droit à l’information et la participation des salariés, aussi bien dans les TPE et les PME que dans les grandes entreprises.

Je me tiens maintenant à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Je me félicite de la mise en place de l’observatoire des aides publiques, car les mesures prises pour relancer l’économie, et donc l’emploi, en faveur des entreprises suscitent un vif débat entre nous. Il est important de lever les réticences : les aides ne sont pas des cadeaux, elles doivent avoir des contreparties, sachant toutefois que les entreprises, quelle que soit leur taille, ont besoin de temps pour réagir.

Mme Monique Iborra. Nous sommes particulièrement intéressés par les débats entre les ministres, les collectivités et les partenaires sociaux. Sans doute faudra-t-il préciser le rôle du Parlement dans cette démarche, à laquelle nous souscrivons totalement, qui valorise l’action des partenaires sociaux.

Un grand nombre de sujets ont été abordés les années précédentes, ce qui a permis d’aboutir à des réformes qui, pour certaines, ont été validées par le Parlement et dont l’impact a pu être mesuré, en particulier sur la sécurisation du marché de l’emploi.

L’intérêt général est, à nos yeux, prioritaire. Nous avons cru comprendre que trois priorités s’étaient dégagées de cette conférence : plus d’emplois, plus de croissance et plus de dialogue social. Je me préoccupe de l’opérationnalité des décisions prises, qui sont parfois difficiles à mettre en œuvre.

La garantie jeunes, qui va mobiliser des fonds européens à hauteur de 160 millions d’euros sur deux ans, a donné lieu à des expérimentations. Celles-ci ont-elles fait l’objet d’une évaluation ? Si oui, quels en sont les résultats ?

Pour les chômeurs de longue durée, la meilleure prévention passe, selon moi, par un accompagnement précoce. Aujourd’hui, Pôle emploi est-il prêt à assurer une prise en charge des demandeurs d’emploi plus précoce qu’aujourd’hui ?

Enfin, la loi sur la formation professionnelle votée récemment confie intégralement aux régions la politique de l’apprentissage et la formation professionnelle. Assiste-t-on aujourd’hui à une recentralisation de ces compétences récemment transférées ? N’y aurait-il pas un risque de doublonnage entre la politique de l’État et celle des régions ?

M. Gérard Cherpion. J’ai retenu du discours du Premier ministre qu’il faut « avancer ». Or je crains que la politique menée actuellement et les mesures proposées n’aillent pas dans ce sens.

S’agissant de l’apprentissage, après avoir supprimé certaines dispositions, le Gouvernement revient à de meilleurs sentiments. Après avoir pris 380 millions d’euros aux entreprises pour les affecter aux régions, on pourrait croire qu’il a rétabli un équilibre. Or ce n’est pas le cas. D’abord, il s’agit de fonds européens. Ensuite, le mode d’affectation semble différent : la prime de 1 000 euros est-elle rétablie pour l’ensemble des entreprises ? D’après les textes, elle le serait pour le premier apprenti embauché. En outre, vous ne revenez pas sur l’amputation, voire la suppression, du crédit d’impôt apprentissage, qui a pourtant eu un impact sur les chiffres, puisqu’on dénombre cette année 24 000 jeunes en contrat d’apprentissage de moins que l’année dernière. Et la chute continue – de 15 % à 20 % suivant les secteurs et les métiers.

Il faut inverser la tendance et faire preuve de pragmatisme. Je ne sais pas si la conférence de septembre résoudra le problème ; la concertation sociale ne remplace pas la décision politique. Certes, la première est nécessaire, mais la seconde est primordiale. Or aujourd’hui, je ne ressens pas une véritable volonté politique de la part du Gouvernement de s’engager en faveur de l’apprentissage. À cet égard, je rejoins la question de Mme Iborra sur la répartition des compétences entre les régions et l’État.

La conférence sociale serait un accélérateur du dialogue social : vous me permettrez d’en douter. Si tel était le cas, une partie des syndicats représentatifs n’aurait pas quitté la table des discussions. Le dialogue social ne s’improvise pas, il ne peut pas se tenir une fois par an autour d’une table. C’est une méthode de travail qui doit se développer dans la continuité, avec souplesse et fermeté. D’ailleurs, vous fixez, à juste titre, des délais et des conditions de négociation avec les différents acteurs pour réussir à obtenir les résultats escomptés.

Il faut, certes, changer l’image de l’apprentissage. Pourquoi, alors, avoir stoppé toutes les campagnes de communication en la matière depuis 2012 ?

Enfin, le chômage de longue durée des seniors, en augmentation constante, est une de nos grandes préoccupations. Le chef de l’État a évoqué l’« apprentissage senior ». Or je ne pense pas utile d’inventer un nouveau système : le contrat de professionnalisation existe, mais pour en augmenter l’efficacité, l’État doit en alléger le coût pour l’entreprise.

M. Christophe Cavard. Je tiens tout d’abord à saluer la démarche des conférences, qui permettent de valoriser le dialogue avec les corps intermédiaires et une partie de la société. Cette vision de la majorité actuelle est différente de celle qui a prévalu dans le passé.

Pour autant, la conférence sociale de cette année ne s’est pas déroulée dans de très bonnes conditions. Le MEDEF, dans une logique de provocation, a abordé les discussions d’une manière brutale, ce qui a fait réagir les partenaires sociaux – si la CFDT est restée à la table des discussions, d’autres ont tout simplement claqué la porte.

Certes, les partenaires sociaux ont abordé cette conférence sociale de manière désordonnée, mais certains propos du Gouvernement lui-même ont contribué à brouiller les choses. Je pense à la déclaration du Premier ministre sur le compte pénibilité précédant de quelques heures la conférence sociale. N’était-ce pas plutôt aux partenaires sociaux de discuter des modalités de sa mise en œuvre, dont tout le monde reconnaît la difficulté ? Je pense également à vos propres déclarations sur les seuils sociaux, monsieur le ministre. On ne peut pas, d’un côté, appeler les partenaires sociaux à la discussion, et, de l’autre, laisser penser que des orientations ont été prédéfinies.

Le Premier ministre a appelé le pays à se « mettre en mouvement » pour impulser les réformes. Notre groupe s’inscrit pleinement dans cette logique, à condition de donner un sens au mouvement ; sans quoi, ce n’est que de l’agitation. Quel est donc le sens qu’entend donner le Gouvernement à toutes ses actions dans ce domaine ?

Au chapitre de l’emploi, priorité des priorités, deux sujets doivent être traités. Le premier est lié aux emplois d’avenir. Plusieurs parlementaires ont défendu des amendements visant à en augmenter le nombre. J’aimerais vous entendre sur ce sujet.

Le second a trait aux contreparties. À partir du moment où l’on aide les entreprises, il nous faut des chiffres précis sur les emplois offerts en retour par celles-ci. S’il est nécessaire de régler le problème du trop grand nombre de branches pour espérer des contreparties du patronat, ne pensez-vous pas qu’un moratoire sur les 30 milliards d’euros d’aides pourrait être envisagé ? Sachant que les Françaises et les Français sont très sollicités, nous avons eu des choix politiques difficiles à faire, notamment s’agissant du vote du budget de la sécurité sociale. Les aides aux entreprises doivent être assorties de réelles contreparties. Seriez-vous d’accord pour que les entreprises qui n’auraient pas utilisé à bon escient les aides dont elles ont bénéficié, notamment le CICE, doivent les rembourser ?

Mme Dominique Orliac. Les conférences sociales constituent une avancée majeure pour la démocratie sociale. Elles sont une plateforme de dialogue entre le Gouvernement et les représentants des travailleurs et des employeurs, mais force est de constater que celle de cette année ne s’est pas tenue dans la sérénité.

L’art du dialogue social suppose un arbitrage entre les organisations patronales et les organisations des travailleurs. Le Gouvernement semble avoir endossé ce rôle. Toutefois, aux dires de certains syndicats, ceux-ci n’auraient pas été traités sur le même pied d’égalité.

Le compte pénibilité est une revendication de longue date du parti radical de gauche, et nous sommes satisfaits de la voir reprise par le Gouvernement. C’est une avancée importante qui concerne 20 % des salariés et dont les effets interviendront à partir du 1er janvier 2015, quatre des dix facteurs de risque listés au départ étant pris en compte. Si le dispositif n’est pas entièrement mis en place dès 2015, un échelonnement laissera aux entreprises plus de temps pour organiser les comptes pénibilité, en particulier au regard des facteurs les plus complexes.

Comment assurer la réussite de ce dispositif, dont le fonctionnement ne semble pas lisible pour tous ? Comment éviter que le cumul et la conversion de points des comptes pénibilité ne créent un effet d’aubaine ? Avez-vous envisagé de suivre la mise en œuvre et les résultats du dispositif ?

Par ailleurs, la réussite du Pacte de responsabilité repose sur un équilibre entre les engagements des travailleurs et ceux des entreprises. C’est cet équilibre qui permet l’acceptation des efforts sans précédent demandés à tous au nom de l’intérêt général. Or, si le Gouvernement met, à juste titre, l’accent sur les économies budgétaires et l’allégement du coût du travail, il omet d’expliquer les mécanismes qui permettront d’en obtenir un impact positif sur l’emploi.

À l’occasion de ses vœux aux Français, le 31 décembre 2013, le Président de la République avait annoncé un pacte de responsabilité à destination des entreprises, fondé sur un principe simple : moins de charges sur le travail, moins de contraintes sur leur activité, avec pour contrepartie plus d’embauches et plus de dialogue social. Un observatoire est prévu pour constater ces contreparties et évaluer l’efficacité d’un dispositif dont les effets sont peu connus. Quelles seront les compétences de cet observatoire ?

M. Gérard Sebaoun. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous apporter des précisions sur la simplification de la vie des entreprises, en particulier sur la durée minimale du travail ?

Une inquiétude s’exprime dans la fonction publique territoriale depuis que de nouvelles cartes des régions circulent et que la redistribution des compétences entre collectivités a été annoncée. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Le Premier ministre a jugé que la mobilisation dans les branches n’était « pas à la hauteur ». Et pour cause : alors que les entreprises vont bénéficier de 41 milliards d’euros d’allégements, le MEDEF s’est engagé à créer 1 million d’emplois. Le rapport de la mission sénatoriale sur l’impact des exonérations de cotisations sur l’emploi, à paraître en juillet, corrobore ceux de la Cour des comptes, considérant que les allégements généraux sur les bas salaires sont insuffisamment évalués, leur coût trop élevé et leur efficacité incertaine. Depuis vingt ans, 370 milliards d’euros de baisses de charges ont été accordés, mais personne ne sait aujourd’hui en apprécier l’impact sur la création ou la sauvegarde de l’emploi.

Par ailleurs, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la petite bombe que vous avez lancée, monsieur le ministre, à propos des seuils sociaux ?

Enfin, j’aimerais que vous appuyiez auprès du secrétaire d’État aux relations avec le Parlement l’inscription au plus tôt à notre ordre du jour de la proposition de loi de notre collègue Denys Robiliard sur l’inspection du travail.

M. Gilles Lurton. Monsieur le ministre, la conférence sociale est, pour moi, l’occasion de vous interroger sur les contradictions qui existent entre les récentes décisions annoncées et le PLFR que nous avons voté la semaine dernière.

Le nombre d’apprentis a baissé de 2 %, passant de 419 000 à 411 000, soit une perte de 8 000 apprentis. Plus grave, avec l’effet de report d’une année sur l’autre, cette baisse correspond en fait à 30 000 nouveaux contrats en moins, car, si rien ne change, la baisse se poursuivra quasi mécaniquement pendant les trois années à venir. Il y a donc urgence à intervenir, comme l’a souligné la semaine dernière un collègue de la majorité en défendant un amendement au PLFR. Alors que nous ne cessons, depuis deux ans, d’attirer votre attention et celle de votre prédécesseur sur ce problème, toutes vos réponses ont nié cette baisse des contrats d’apprentissage, alors qu’ils constituent un moyen d’insertion durable sur le marché du travail.

Le Premier ministre vient d’annoncer 200 millions d’euros d’aide supplémentaires en faveur de l’apprentissage, alors que tous les crédits demandés dans le cadre du PLFR ont été refusés par le ministre du budget pour des raisons budgétaires. Comment seront utilisés ces nouveaux crédits ?

Par ailleurs, le Gouvernement prévoit le recrutement de 45 000 emplois d’avenir supplémentaires. Ce chiffre tient-il compte du renouvellement des premiers contrats de 2013 ? Êtes-vous en mesure, à ce jour, de nous présenter un bilan de l’insertion dans l’emploi des premiers contrats d’avenir ?

Enfin, pouvez-vous faire le point sur les contrats génération, dont on nous dit qu’ils sont un échec total ?

Mme Kheira Bouziane. Je salue le très ambitieux plan de relance de l’apprentissage. Monsieur le ministre, vous avez annoncé à plusieurs reprises que pas un jeune en CFA ne se retrouverait sans entreprise d’accueil à la rentrée 2014. Cependant, on ne peut ignorer que certains jeunes sont victimes de discriminations parce qu’ils habitent dans des territoires stigmatisés ou que leurs parents sont d’origine étrangère. Certains jeunes de condition modeste, qui n’ont pas la chance d’avoir un réseau susceptible de leur faciliter l’accès à l’entreprise, ne trouvent pas non plus d’entreprise prête à les accueillir, malgré leur volonté de suivre un parcours d’apprentissage. Comment lever tous ces freins ?

L’élargissement de l’apprentissage aux adultes ne risque-t-il pas d’entraîner une préférence pour ces derniers, au détriment des jeunes, dans l’accès aux entreprises ?

Enfin, est-il envisageable de jumeler certains apprentissages pour adultes à une reprise d’entreprise dans le cadre d’un contrat de génération ?

M. Rémi Delatte. L’apprentissage est une voie d’excellence vers l’emploi puisque quelque 70 % des apprentis sont embauchés immédiatement dans l’entreprise qui les a formés. Pourtant, le nombre de nouveaux contrats signés chaque année ne cesse de décroître dans des proportions inquiétantes – moins 8 % l’an passé, moins 14 % au premier semestre 2014. Le Premier ministre a annoncé hier plusieurs mesures censées favoriser l’apprentissage dans notre pays, pour tenir l’engagement gouvernemental de 500 000 apprentis en 2017, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter. Parmi ces mesures, figurent l’attribution d’une aide de 1 000 euros à l’entreprise qui emploie un premier apprenti, et l’embauche de 10 000 apprentis par an au sein des administrations d’État, contre 700 aujourd’hui.

Comment s’appliquera la nouvelle prime de 1 000 euros par apprenti, qui avait été supprimée par le gouvernement de M. Ayrault ? En quoi le dispositif sera-t-il plus incitatif, à la fois pour nos jeunes et les entreprises ?

Le déblocage de crédits supplémentaires, dans le contexte actuel de tension budgétaire, n’aurait-il pu être évité en revenant sur la réforme de la taxe d’apprentissage, qui pénalise les PME et les centres de formation, dont certains sont menacés ? Je n’ignore pas votre préoccupation en la matière, en particulier sur un territoire que nous connaissons bien l’un et l’autre, monsieur le ministre.

Enfin, pouvez-vous nous assurer que ces mesures seront prises avec la rapidité nécessaire à la réussite de la rentrée 2014, autrement dit qu’elles ne seront pas étudiées à la rentrée seulement, lors de nouvelles rencontres avec les partenaires sociaux ? À cet égard, votre propos liminaire indiquant que la plupart des mesures feraient l’objet de dispositions en loi de finances n’est pas de nature à nous rassurer.

Mme Sylviane Bulteau. Le chômage est un drame pour les familles, un drame pour les individus. Cette conférence sociale a été utile, vous l’avez souligné, monsieur le ministre, et le dialogue doit être encouragé. À cet égard, les polémiques stériles sur la participation de tel ou tel ne rendent pas service au pays : nous sommes là pour combattre ce fléau qu’est le chômage.

Par conséquent, je me réjouis des conclusions de la conférence sociale sur des sujets aussi divers que la formation des jeunes, l’apprentissage, la formation et l’emploi des personnes handicapées, plus frappées encore que d’autres par le chômage, le chômage des seniors, en particulier des femmes, en faveur desquelles j’aimerais un peu plus de « discrimination positive », mais aussi sur l’illettrisme et le développement de l’insertion par l’activité économique. À travers ces conclusions, nous allons toucher ceux qui sont le plus en difficulté, les plus éloignés de l’emploi.

Beaucoup de choses vont être expérimentées en lien avec les collectivités territoriales, et des actions existent déjà dans plusieurs départements. Mais cela me semble un peu trop aléatoire et dépendant des pouvoirs politiques en place, comme je l’ai indiqué hier dans le cadre de notre mission d’évaluation des caisses d’allocations familiales. Pour ma part, je souhaite que notre pays assure un accès aux droits plus globalisé et moins dépendant des majorités politiques au pouvoir.

Mme Véronique Louwagie. Si nous partageons le souhait d’établir un véritable dialogue social en France, permettez-moi d’être dubitative quant à la méthode choisie par le Gouvernement. L’annonce par le Premier ministre, à quelques jours de l’ouverture de la conférence, du report de certaines dispositions du compte pénibilité, et ce sans concertation, a pu sembler, en effet, quelque peu provocatrice. Je me demande si l’organisation d’une grande réunion en septembre sur l’apprentissage, la création d’un observatoire, la tenue d’assises sur l’investissement, ne sont pas des outils destinés à masquer un échec de cette conférence sociale.

S’agissant de l’apprentissage, vous annoncez 200 millions d’euros de moyens supplémentaires, alors que, depuis deux ans, 550 millions d’aides ont été supprimées et qu’aucune campagne nationale de promotion n’a été lancée. Résultat : une baisse importante du nombre de jeunes entrés en apprentissage en 2013 et 2014. L’aide de 1 000 euros par apprenti ne concernera que les secteurs professionnels où un accord de branche aura été conclu pour fixer des objectifs de développement de l’apprentissage. Vous parlez d’intervention dans l’urgence, or ces accords de branche nécessitent du temps. Au final, je reste sceptique sur l’utilisation de ces 200 millions d’euros.

Enfin, le gouvernement précédent a relevé de 8 % à 20 % le forfait social. Aujourd’hui, on revient sur cette mesure, et je ne peux que m’en réjouir, mais beaucoup de temps a été perdu, alors que nous vous avions alertés, à l’époque, sur cet alourdissement relativement important.

Mme Martine Pinville. Tout en saluant les mesures prises par le Gouvernement dans le cadre des politiques de l’emploi en faveur des jeunes et des seniors, je souhaite attirer l’attention sur une difficulté de mise en œuvre de ces politiques : la multitude d’intervenants – missions locales, centres d’information jeunesse, départements, régions, éducation nationale, associations d’insertion, Pôle emploi – peut parfois nuire à leur lisibilité et à leur cohérence.

De même, l’accompagnement des entreprises ne doit pas être négligé. Les petites et moyennes entreprises ont, elles aussi, affaire à de multiples interlocuteurs et ont parfois du mal à trouver le bon.

Mme Isabelle Le Callennec. Monsieur le ministre, vous dites de la conférence qu’elle est un « vrai succès » ; je crains que vous ne soyez dans le déni, voire l’autosatisfaction. Il ne suffit pas de déclarer le chômage grande cause nationale pour le faire reculer ou d’annoncer toute une série de dispositifs à l’issue d’une grand-messe tenue à Paris pour inciter les entreprises à créer des emplois. À quand des conférences sociales en région et la valorisation du dialogue social dans chaque entreprise ?

La méthode et les dispositifs ne fonctionnent pas. Vous dialoguez avec les partenaires sociaux – et c’est très bien –, mais il manque toujours des signataires aux accords nationaux interprofessionnels, qu’on nous demande ensuite de transcrire dans la loi. Pour la sécurisation de l’emploi, il manquait la CGT et FO, pour la formation professionnelle, c’était la CGPME et pour la nouvelle convention d’assurance chômage, c’était la CFE-CGC. De facto, la mise en œuvre de vos mesures se heurte à la dure réalité des entreprises.

Au surplus, monsieur le ministre, toutes les mises en garde du groupe UMP sont balayées d’un revers de main, nos amendements ne sont jamais acceptés, alors que les faits nous donnent, malheureusement, raison. Vous présentez aujourd’hui l’apprentissage comme la priorité ; il y a peu, elle allait aux emplois d’avenir et aux contrats de génération. C’est seulement maintenant que les entreprises du bâtiment reçoivent des documents de promotion de l’apprentissage. Sur le compte pénibilité, vous avez dû reculer. Quant aux contrats de 24 heures, ils ne s’appliqueront pas dans la fonction publique, et leur application est très difficile dans le secteur privé.

Comment l’État va-t-il assurer la compensation des conséquences de la nouvelle convention d’assurance chômage des intermittents, annoncée par le Premier ministre ?

Quelle sera la feuille de route du comité d’évaluation des subventions publiques aux entreprises, et que va devenir l’observatoire des contreparties ?

Enfin, quel est l’avenir des maisons de l’emploi qui, sur le terrain, permettent précisément une politique cohérente en rassemblant tous les interlocuteurs ?

Mme la présidente Catherine Lemorton. Quand on est dans l’opposition, il est rare de voir ses amendements acceptés. Nous-mêmes avons vécu cette frustration pendant cinq ans, alors même que nous avions raison sur certains sujets également.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Malgré quelques regrets, je me réjouis que la troisième conférence sociale ait permis de nouvelles avancées en faveur de l’emploi.

Un volet est consacré à la lutte contre les discriminations et l’accompagnement des plus fragiles. L’accès à la formation et à l’emploi des personnes handicapées, jeunes comme adultes, avait, en effet, été érigé en priorité par le comité interministériel du handicap du 25 septembre 2013. Des débats récents ont permis d’avancer sur ces sujets dans le cadre des emplois d’avenir, de la formation professionnelle, des contrats d’apprentissage, du compte personnel de formation, du développement des passerelles entre le milieu protégé et les entreprises, du rôle accru des Cap Emploi. Une rencontre avec les partenaires sociaux et les associations a eu lieu avant la conférence sociale, au cours de laquelle certains sujets ont été évoqués. Quels sont ceux sur lesquels des avancées pourront être mises en œuvre à l’issue de la conférence sociale ?

Par ailleurs, en vue de la conférence nationale du handicap prévue pour la mi-décembre, le Président de la République a retenu cinq thèmes, dont l’un concerne l’accès et le maintien dans l’emploi. Comment pensez-vous mobiliser les acteurs sur ce sujet, afin de compléter par des mesures concrètes ces avancées ?

M. Bernard Perrut. Face au drame du chômage, chacun est appelé à l’humilité, vous comme nous, monsieur le ministre, car seuls les résultats comptent. Le dialogue social ne suffit pas, et nous en avons vu les limites : l’État doit prendre des mesures courageuses pour permettre au pays de renouer avec le plein-emploi. Cela sera possible avec un marché du travail efficace permettant aux jeunes de s’intégrer et aux chômeurs de se reconvertir, un système d’éducation et de formation performant, la suppression des réglementations aberrantes ou inutiles pour les entreprises, la baisse des charges, et le remplacement partout où cela est pertinent de la norme étatique par le contrat et la convention.

Il est urgent de relancer l’apprentissage, en chute libre depuis un an et demi, certes à cause de la conjoncture déprimée, mais aussi et surtout à cause du Gouvernement. Les coupes opérées dans les aides aux entreprises et la réforme de la taxe d’apprentissage ont envoyé un mauvais signal. Vous en êtes conscients aujourd’hui, et l’on ne peut que vous soutenir dans votre nouvelle démarche. S’ajoute la pression budgétaire sur les chambres de commerce et d’industrie et sur les régions, autres acteurs clés de l’alternance. À cet égard, nous voudrions plus de clarté sur les compétences de chacun en matière d’apprentissage.

Vous proposez, et c’est tant mieux, un plan d’action, mais il devra être ambitieux. Les choses ne bougeront pas sans une mobilisation réelle de l’éducation nationale, qui voit encore dans l’apprentissage une forme de concurrence. À cet égard, ne faut-il pas créer des filières dédiées dès le collège ? Nous n’obtiendrons pas de résultats non plus sans un engagement chiffré des entreprises, des chambres de commerce et d’industrie, mais aussi des régions, bref de tous les acteurs concernés.

Mme Annie Le Houerou. Je me réjouis de la prise en compte, dans le cadre de la conférence sociale, des besoins spécifiques des personnes en situation de handicap, en particulier de l’accompagnement de ces personnes, les plus touchées par le chômage. Je travaille dans le cadre d’une mission, que vous m’avez confiée, sur les conditions de mise en place d’un service d’accompagnement professionnel de long terme, mobilisable à tout moment du parcours de la personne handicapée. Des expérimentations existent depuis de nombreuses années ; il est temps d’en faire le bilan et de donner des perspectives aux associations ou entreprises qui accompagnent les personnes handicapées dans l’emploi. Je note que cela fait partie de la feuille de route qui a été définie.

Sans anticiper sur les conclusions de mon travail, il semble impératif de mobiliser toutes les entreprises pour accompagner les personnes handicapées dans l’emploi, notamment pour maintenir dans l’emploi celles qui découvrent leur handicap. En effet, trop souvent, l’inaptitude et donc l’exclusion de l’entreprise sont prononcées. Cet aspect relève de la responsabilité des entreprises et doit faire partie des contreparties qui leur sont demandées. Il est heureux que ce point soit traité dans le cadre du dialogue social.

Mme Monique Orphé. À mon tour, je salue cette troisième conférence sociale, placée sous le signe de la lutte contre le chômage et de la relance de l’apprentissage. Autant de sujets qui m’intéressent en tant que députée ultramarine, car mon département souffre de grandes inégalités liées au chômage et à la faiblesse des revenus. Cela dit, je m’interroge sur la place que fait cette conférence sociale à l’outre-mer, où ces sujets sont de véritables défis.

Permettez-moi de rappeler quelques chiffres. Alors qu’en métropole le chômage est de 10 %, à La Réunion il est de 30 % ; celui des jeunes y atteint 60 % contre 25 % en métropole. C’est dire l’ampleur du défi que nous avons à relever. Avec un tel niveau de chômage, il ne faut pas s’étonner que 42 % de la population réunionnaise vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Différents dispositifs ont été mis en place : emplois d’avenir, garantie jeunes, contrat de génération – qui a du mal à décoller car les entreprises ne jouent pas le jeu, CUI-CAE (contrat unique d'insertion-contrat d'accompagnement dans l'emploi), qui ne sont pas consommés en raison d’un résiduel élevé.

S’agissant de l’apprentissage, nous portons à La Réunion une ambition, mais nos jeunes peinent à trouver un lieu de stage. Lorsque, dans l’hexagone, 7 % de jeunes sortent du circuit scolaire sans qualification, ils sont 15 % à La Réunion. L’apprentissage devrait être un levier pour remettre ces jeunes dans le circuit de l’insertion et de l’emploi.

Les problèmes que nous rencontrons outre-mer sont hors norme, et nous ne pouvons pas appliquer les mêmes remèdes que dans les départements métropolitains. Nous réclamons donc le droit à l’expérimentation pour trouver des solutions qui soient à la hauteur de nos problèmes. Nous prônons également une conférence sociale spécifique à l’outre-mer, qui réunirait entreprises, syndicats et associations, afin de réfléchir sur tous ces sujets et de trouver des solutions adaptées.

Je vous saurais gré, monsieur le ministre, de ne pas faire, comme c’est trop souvent le cas au moment des réponses, l’impasse sur l’outre-mer.

M. Jean-Patrick Gille. À mon tour, je me félicite des annonces faites en faveur des jeunes, notamment l’extension de la garantie jeunes à 50 000 jeunes en 2015 et les 68 000 contrats CIVIS renforcés. Il serait bon que vous nous rappeliez les objectifs pour les emplois d’avenir, qu’il faudra stabiliser une fois atteint un certain palier. Cela nécessite, bien sûr, quelques crédits d’accompagnement.

Les mesures relatives à l’apprentissage font l’objet d’un large consensus. J’invite nos collègues qui ne l’ont pas encore fait, en particulier ceux de l’opposition, à lire la page 22 de la feuille de route, qui traite notamment du changement d’image de l’apprentissage auprès des acteurs de l’orientation. Toutefois, pourquoi attendre septembre pour tenir la grande réunion annoncée, alors que la campagne de recrutement a lieu maintenant ? Ne pourrait-on l’anticiper ? Il faut aller vite, comme l’expliquait encore hier soir le Premier ministre à la télévision.

Je serai plus nuancé, voire sceptique, sur les exonérations massives de charges et les allégements d’impôts qui ont été votés hier. Il me semble qu’un minimum de parallélisme des formes s’impose, notamment en faveur du monde associatif. Nous avions présenté des amendements d’appel qui visaient soit à redéfinir les barèmes de la taxe sur les salaires, soit à augmenter la franchise. Celle-ci est déjà passée de 6 000 à 20 000 euros ; pourquoi ne pas aller jusqu’à 30 000 euros ? Cela ouvrirait des possibilités de créations d’emplois.

En ce qui concerne la fiscalité et l’emploi, il faut retravailler sur l’aide à domicile. Ce n’est certes pas simple, mais c’est un gisement d’emplois important.

Je terminerai sur une petite déception : la conférence sociale n’a pas évoqué le droit à la deuxième chance en matière de formation, qui peut être un outil en direction des jeunes, mais aussi des seniors, et pourrait être articulé à partir de janvier 2015 avec le compte personnel de formation (CPF).

Mme Fanélie Carrey-Conte. J’évoquerai, pour ma part, le dialogue social. Sans revenir sur les raisons qui ont motivé leur décision, l’absence de deux organisations syndicales majeures à la conférence sociale doit nous interroger. Vous l’avez dit, nous ne pouvons nous en satisfaire. Il nous faut donc conduire une réflexion sur la meilleure manière de faire fonctionner ce dialogue social, qui a connu des ratés. Cela amène un débat sur l’articulation entre démocratie sociale et démocratie politique. S’il faut renforcer la démocratie sociale, cela ne peut se faire au détriment de la démocratie politique. N’aurions-nous pas intérêt à nous demander comment le pouvoir politique pourrait agir de manière contraignante lorsque les engagements pris ne sont pas respectés, par exemple face à la difficulté que nous avons à obtenir l’engagement de discussions dans les branches sur les contreparties au Pacte de responsabilité ? Quel est votre sentiment sur ce point ?

Ma deuxième question concerne la place des organisations multi-professionnelles, statut créé par la loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale pour les organisations du hors champ, notamment les employeurs de l’économie sociale et solidaire (ESS). Certains se sont émus de ne pas avoir été conviés à la réunion de lundi avec le Président de la République. Comment entendez-vous les associer aux prochaines étapes de la discussion à la rentrée ? Je rappelle que les entreprises de l’ESS sont exclues d’un certain nombre de dispositifs d’aide aux entreprises, ce qui est tout de même paradoxal quand elles réinvestissent leurs bénéfices et s’imposent des règles de non-lucrativité.

Pour finir, je voudrais revenir sur la question des seuils sociaux, qui suscite de véritables interrogations. Pour ma part, je ne conçois pas qu’ils puissent être un frein à l’embauche. Quelles sont les intentions du Gouvernement lorsqu’il demande aux partenaires sociaux de négocier sur cette question ?

M. le ministre. Mme Iborra et M. Gille ont évoqué l’extension de la garantie jeunes. Sachez que l’évaluation est intégrée dans le dispositif lui-même. Les premières remontées dont nous disposons, qui concernent notamment Drancy, où le dispositif est actuellement expérimenté, sont positives. Nous allons procéder à une évaluation pour accompagner cette réforme d’ampleur. À titre personnel, il me semblait très ambitieux de passer de 10 000 à 50 000 bénéficiaires en une seule fois, mais la demande était pressante. Bien entendu, cela impliquera une forte mobilisation sur le terrain.

S’agissant du chômage de longue durée, de nombreux facteurs interviennent dans son traitement, qui ne se limitent pas à l’accompagnement financier, même si celui-ci reste nécessaire. Après une étude de droit comparé, nous avons constaté que certains pays également confrontés à ce problème assuraient mieux que nous le retour des chômeurs de longue durée dans l’emploi, moyennant un accompagnement ou un suivi renforcé immédiat ; cela n’existe pas aujourd’hui à Pôle emploi. Nous avons décidé d’étendre l’accompagnement renforcé de Pôle emploi à 80 000 demandeurs d’emploi particulièrement éloignés de l’emploi, car c’est ce qui peut être réalisé tout de suite. Mille conseillers vont être dédiés au suivi de ces 80 000 demandeurs d’emploi. On peut attendre de cet effort de personnalisation et d’accompagnement un retour rapide dans l’emploi.

Pour ce qui est du transfert de la compétence de l’apprentissage aux régions, je présidais hier une table ronde à laquelle participaient certains de leurs représentants. Je tiens à dire qu’il n’y a pas de recentralisation ; il y a même un transfert aux régions d’une partie stabilisée de la taxe d’apprentissage. L’effort de 200 millions d’euros consenti en faveur de l’apprentissage permettra aussi de stabiliser et de consolider la part de la taxe affectée aux centres de formation des apprentis (CFA). Cette stabilisation est nécessaire, j’en conviens.

Les centres des relations avec les entreprises et de la formation permanente (CREFOP) vont se mettre en place – les décrets seront publiés en juillet. Ces réunions quadripartites permettront de travailler les cartes de formation et de définir avec les employeurs, qui sont parties prenantes, les formations adaptées. Vous savez la réussite du plan de 100 000 « formations prioritaires pour l’emploi » lancé l’an dernier. Nous étions à 47 000 formations à la fin du mois de juin ; l’objectif de 100 000 pourra donc être tenu cette année. Nous aurons ainsi une meilleure adéquation entre les demandes et les offres d’emplois, au plus près du terrain. Nous attendons beaucoup de ces réunions quadripartites pour le développement et la stabilisation de l’apprentissage.

M. Cherpion a dit que nous étions revenus à de meilleurs sentiments vis-à-vis de l’apprentissage, mais il ne s’agit pas de cela. Le sujet rassemble toutes les familles politiques, tous les Français et toutes les entreprises. Curieusement, toutes les entreprises sont favorables à l’apprentissage, mais seules 4 % d’entre elles prennent des apprentis en alternance. Je vous renvoie à l’étude qui a été réalisée par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) et France Stratégie sur les métiers de 2022. Vous constaterez qu’il y a des secteurs entiers où il n’y a pas du tout d’apprentissage, et que ce sont précisément ceux qui vont être créateurs d’emplois dans les dix années qui viennent – 800 000 emplois seraient en jeu. De nombreux métiers ne sont pas concernés par l’apprentissage aujourd’hui. L’étude montre que tant que nous n’arriverons pas à les ouvrir à l’apprentissage, les effets d’annonces et les objectifs chiffrés ne serviront à rien. Il faut certes stabiliser le nombre d’apprentis, apporter des aides financières, et il ne faut plus – et c’est une nécessité absolue – changer les règles. Mais il faut aussi encourager celles et ceux qui n’ont pas encore recours à l’apprentissage, d’où la prime de 1 000 euros au premier apprenti dans les branches qui auront signé des accords, qui devrait permettre d’étendre l’apprentissage à de nouveaux métiers.

Les chiffres que vous avez avancés sur la baisse du nombre de contrats d’apprentissage sont justes. Environ 410 000 jeunes sont aujourd’hui en apprentissage, sous des formes diverses, mais la baisse du nombre de contrats est incontestable – elle est de l’ordre de 8 %. Néanmoins, j’observe qu’il y a toujours une amélioration au deuxième semestre. Vous le savez, puisque vous nous dites que la rentrée se joue maintenant – ce qui est vrai.

Les raisons de cette baisse sont multiples. Elles sont d’abord économiques. L’analyse des chiffres des contrats d’apprentissage sur les dix dernières années montre que les baisses sont souvent liées à un ralentissement de l’activité économique.

On peut aussi se demander si l’apprentissage n’a pas été confronté à la concurrence des emplois d’avenir, par exemple. C’est une question que je pose ; je n’ai pas les éléments de réponse. On parle de contrats d’apprentissage, mais d’emplois d’avenir. Or beaucoup de familles préfèrent un emploi à un contrat : la terminologie a son importance.

Enfin, il est nécessaire de faire un effort financier pour stabiliser la taxe d’apprentissage et en fixer les parts. Cet effort sera tourné vers les entreprises. Restent deux pistes que je n’ai pas évoquées. La première est la mobilisation de fonds européens, à hauteur de 100 millions d’euros. Par-delà la pénibilité de certains métiers, la mobilité et les difficultés de logement sont souvent des freins à l’apprentissage. Cent millions d’euros de fonds européens vont donc être ciblés sur la résolution de ces difficultés ; nous prévoyons notamment des aides au permis de conduire. Un autre frein, que M. Delatte a évoqué, est la qualité des CFA. C’est pourquoi, dans le programme d’investissements d’avenir (PIA), 80 à 100 millions d’euros sont fléchés vers la modernisation et la rénovation des lieux d’accueil des apprentis, tant il est vrai que certains CFA font honte à notre pays.

M. Cavard a évoqué le compte pénibilité et les déclarations du Premier ministre. Celui-ci n’a fait que répondre au patronat, et aussi aux parlementaires. Je pourrais vous donner la liste de tous ceux – ils sont plus de cent – qui m’ont écrit pour me demander de prendre en compte les difficultés d’application du compte pénibilité, après avoir été eux-mêmes saisis par les fédérations, notamment du bâtiment et des travaux publics (BTP) dans leurs départements. Des secteurs entiers nous ont expliqué que le dispositif n’était pas applicable en l’état dans les petites et moyennes entreprises, dont il faut bien reconnaître que les pratiques relèvent souvent de l’improvisation en matière de comptabilité et de ressources humaines. Nous avons donc préféré, en accord avec les organisations syndicales, contrairement à ce qui est dit, mettre le dispositif en œuvre dès le 1er janvier 2015, conformément à la loi, pour les seuls facteurs facilement identifiables, et travailler à sa simplification.

Les difficultés d’application du compte pénibilité dans ces secteurs et dans les PME sont connues de tous. Le dispositif, qui est une avancée sociale, va être mis en place. Il ne s’agit pas de nier la pénibilité, mais de permettre aux salariés qui travaillent dans des secteurs difficiles de bénéficier d’une réduction de la durée de leur carrière, grâce aux points inscrits sur leur compte pénibilité, ce qui suppose que cela soit facilement mesurable. Les grandes organisations syndicales avaient proposé, par exemple, un traitement par métiers. Mais en souhaitant être plus précis, nous avons complexifié le dispositif. Il nous appartient maintenant de le simplifier. Ce sera notre travail. Nous essayons de donner du sens au mouvement, monsieur Cavard.

J’en viens aux emplois d’avenir. Quelque 135 000 ou 136 000 ont été signés, pour un objectif de 150 000 en régime de croisière. Les contrats d’avenir supplémentaires que j’ai obtenus incluent les renouvellements, monsieur Gille. J’observe que la montée en puissance des emplois d’avenir avait eu lieu au dernier semestre de l’année 2013.

Plusieurs d’entre vous m’ont interrogé sur l’observatoire et le suivi du CICE. Conformément à une demande forte portée par plusieurs organisations syndicales, dont certaines n’ont pas participé à toute la conférence sociale, l’idée est de disposer d’une évaluation du CICE, mais aussi du Pacte de responsabilité et de solidarité – ce qui est plus délicat, dans la mesure où celui-ci n’a pas encore été mis en œuvre. Ce sera un observatoire des contreparties mesurables, c’est-à-dire de l’ensemble des aides publiques accordées aux entreprises. Le travail de la Cour des comptes n’est, pour l’instant, pas validé pour ce qui concerne les conséquences en termes d’emplois. Les créations d’emplois font l’objet d’estimations diverses. Mais nous allons bientôt pouvoir avancer.

Je remercie Mme Orliac de son soutien. Sur le Pacte de responsabilité et de solidarité, il y a eu des relevés de conclusions et un suivi. Nous allons en parler dans le cadre de l’observatoire qui va se mettre en place. Comme je l’ai dit, celui-ci s’intéressera bien à ce pacte.

La question des seuils sociaux revient souvent, que ce soit pour m’aider ou pour me mettre en difficulté. Je ne parle pas des seuils sociaux comme « porte d’entrée » à une négociation sur la nécessaire modernisation de la représentation et de l’information des salariés dans les entreprises – dont les partenaires sociaux doivent discuter.

Je rappelle que le seuil de vingt a été gommé par des dispositions fiscales. Les seuils sont le fruit de notre histoire, qui s’est constituée en strates, en seuils et en quotas. Le résultat est compliqué pour les entreprises comme pour les salariés. Pour les salariés, puisque dans un certain nombre d’entreprises, il n’existe aucun système de représentation ni d’information. Pour les entreprises, qui ne doivent pas seulement mettre en place un comité d’entreprise, ce qui n’est certes pas un handicap, dès lors qu’elles passent par exemple de quarante-huit à cinquante-deux salariés. Tout cela mérite d’être débattu entre les partenaires sociaux. Ne peut-on, par exemple, simplifier les trente-quatre impositions « nouvelles » qu’impose le passage à cinquante salariés ? Les partenaires sociaux en discuteront. Je ne prends aucune décision avant eux. Nous le devons à Gérard Larcher, puisque cela figure désormais dans l’article L. 1, au chapitre préliminaire, du code du travail – qui n’avait pas été allégé à cette occasion, mais alourdi.

Il me semble anormal, par exemple, que les entreprises de plus de 1 000 salariés n’aient pas d’administrateurs salariés dans leurs conseils d’administration. Tout cela doit donc être débattu. Il faut transformer le « donnant-donnant » du dialogue social, c’est-à-dire respect et réciprocité, par du « gagnant-gagnant ». C’est ce que je souhaite, et c’est dans cet esprit que je vais organiser des rencontres bilatérales pour établir ce que pourrait être le document d’orientation que j’aurai à soumettre aux partenaires sociaux.

La proposition de loi de M. Denys Robiliard relative aux pouvoirs de l’inspection du travail sera discutée dès que possible. Or l’ordre du jour est chargé ; il y a beaucoup d’amendements sur le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, dont vous débattez en deuxième lecture. Nous ne pouvons pas tout faire en même temps.

La lutte contre les discriminations est une priorité qui a été au cœur des tables rondes hier. Les discriminations liées à la couleur de la peau, à la consonance du nom, à l’adresse des personnes ou à un handicap physique sont insupportables et abîment notre cohésion sociale. L’ensemble des partenaires sociaux partage donc la volonté d’avancer sur ce sujet. Vous trouverez d’ailleurs des pistes de réflexion dans la feuille de route.

Je rejoins ce que vous avez dit les uns et les autres : oui, l’apprentissage est une voie d’excellence, et il y a des efforts à faire dans la fonction publique. On compte aujourd’hui 700 apprentis dans la fonction publique de l’État ; l’apprentissage commence à se développer dans la fonction publique territoriale. Nous pourrions aller plus loin dans ce développement en consentant des « avantages » à ceux qui assument le tutorat ou la maîtrise de l’apprentissage. Cela peut valoir aussi pour la fonction publique de l’État et pour le secteur privé. Il faut renforcer et valoriser le rôle du maître d’apprentissage. Dans la fonction publique territoriale, cela pourrait se faire par des gains ou par une progression de carrière plus rapide – par exemple, la diminution d’un trimestre de la durée requise pour un avancement d’échelon. Dans la fonction publique de l’État, la faiblesse de l’apprentissage s’explique aussi par certaines réglementations ou l’usage de machines dangereuses ; nous allons les revisiter. L’objectif est d’arriver à 10 000 apprentis dans la fonction publique de l’État à la rentrée 2016. Si nous y parvenons avant, tant mieux !

Des critiques ont été formulées sur la modification du forfait social. Disons que l’UMP a porté le taux de 0 % à 8 %, et le parti socialiste de 8 % à 20 %. L’opposition a créé le forfait, nous l’avons augmenté. J’observe qu’en la matière, il y a souvent une continuité dans l’action publique dont on ne peut pas toujours se féliciter. En l’espèce, cela rapporte tout de même quelque 2,7 milliards d’euros, ce qui n’est pas rien. J’ai installé, l’autre jour, le Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement et de l’actionnariat salarié (COPIESAS). Des parlementaires y siègent ; certains sont connus pour leur compétence sur le sujet. Sous réserve de validation juridique, l’idée est de moduler le forfait social à la baisse pour les nouveaux types d’épargne salariale.

Mme Pinville et Mme Bulteau ont soulevé la question des dispositifs pour les travailleurs handicapés. Vous trouverez des éléments de réponse dans la feuille de route, avec des dispositifs spécifiques pour aider les personnes handicapées à trouver leur place dans le monde du travail, notamment le développement des structures et des dispositifs d’insertion par l’activité économique (IAE), le renforcement de l’accès aux droits, la lutte contre l’illettrisme et autres.

Vous avez eu raison de rappeler que les femmes seniors subissent parfois une double peine. S’agissant précisément des seniors, il y a nécessité non seulement de les maintenir dans l’emploi, avec le contrat de générations, mais aussi de les faire revenir dans l’emploi – ce qui se révèle particulièrement difficile pour les femmes.

Vous avez évoqué les Maisons de l’emploi. Personnellement, j’ai regretté que le Gouvernement modifie le dispositif. J’étais élu local au moment de son lancement par M. Borloo, et j’avais joué le jeu. Le problème est que, sous le gouvernement suivant, on a commencé à tailler dans les crédits de ces Maisons de l’emploi ; les suivants ont continué. Pour ma part, j’aurais préféré les affecter différemment : il y a des Maisons de l’emploi qui marchent, qu’il faut conserver, et d’autres qui fonctionnent moins bien, qu’il vaudrait mieux supprimer. Pour l’heure, j’ai obtenu le maintien des dispositifs par rapport à l’année précédente, autrement dit une stabilisation dans la baisse.

J’en viens au temps partiel. Oui, je vous proposerai une modification de la loi pour sécuriser à la fois les entreprises et les salariés, afin d’éviter la saisine des tribunaux pour des conflits liés aux contrats de travail. Cette modification ne touchera pas à l’essence de la loi, qui a été validée par les organisations syndicales et patronales – même si ces dernières l’ont aujourd’hui oublié, comme cela arrive parfois.

J’ai entendu ce que nous a dit Mme Orphé. Je connais la situation des départements et des territoires d’outre-mer, et celle de La Réunion, que vous avez évoquée de manière plus spécifique. Je vais étudier votre proposition d’organiser une conférence sociale pour l’outre-mer et la soumettre à Mme Pau-Langevin ; c’est une perspective que je n’écarte pas. J’avais justement en tête hier, au moment de la table ronde, la situation des départements d’outre-mer, dont chacun présente d’ailleurs des spécificités qui lui sont propres.

J’ai essayé d’être exhaustif dans mes réponses. De toute façon, vous trouverez dans la feuille de route l’essentiel des propositions détaillées.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Merci, monsieur le ministre, de votre disponibilité.

La séance est levée à treize heures trente.

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Présences en réunion

Réunion du mercredi 9 juillet 2014 à 11 heures 45

Présents. – M. Gérard Bapt, Mme Kheira Bouziane, Mme Sylviane Bulteau, Mme Fanélie Carrey-Conte, Mme Martine Carrillon-Couvreur, M. Christophe Cavard, M. Gérard Cherpion, M. Jean-Patrick Gille, Mme Linda Gourjade, Mme Sandrine Hurel, Mme Monique Iborra, M. Michel Issindou, M. Denis Jacquat, Mme Bernadette Laclais, Mme Isabelle Le Callennec, Mme Annie Le Houerou, Mme Catherine Lemorton, M. Céleste Lett, Mme Gabrielle Louis-Carabin, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, M. Pierre Morange, Mme Dominique Orliac, Mme Monique Orphé, M. Bernard Perrut, Mme Martine Pinville, Mme Barbara Romagnan, M. Gérard Sebaoun, M. Christophe Sirugue

Excusés. – M. Bernard Accoyer, Mme Véronique Besse, Mme Gisèle Biémouret, M. Richard Ferrand, M. Denys Robiliard, M. Arnaud Robinet

Assistaient également à la réunion. – M. Guillaume Chevrollier, M. Christophe Léonard, Mme Véronique Massonneau