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N° 742

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 février 2013

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
les orientations européennes de politique économique

ET PRÉSENTÉ

PAR MM. Christophe CARESCHE et Michel HERBILLON,

Députés

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; Mmes Annick GIRARDIN, Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; MM. Christophe CARESCHE, Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, M. André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Emeric BREHIER, Jean-Jacques BRIDEY, Mme Nathalie CHABANNE, M. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, M. Yves DANIEL, MM. Charles de LA VERPILLIÈRE, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Marc LAFFINEUR, Mme Axelle LEMAIRE, MM. Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Arnaud LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY, Mme Paola ZANETTI.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. IL EST NÉCESSAIRE D’AFFERMIR LE RÔLE DE NOTRE ASSEMBLÉE DANS UN DISPOSITIF DE SURVEILLANCE BUDGÉTAIRE ET MACROÉCONOMIQUE DONT LA PORTÉE S’ACCROÎT 7

A. LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES SOUHAITE DÉSORMAIS INTERVENIR DÈS LA PREMIÈRE ÉTAPE DU SEMESTRE EUROPÉEN 7

B. LA SURVEILLANCE BUDGÉTAIRE VA ÊTRE RENFORCÉE À LA SUITE DE L’ADOPTION DU « TWO-PACK » 9

C. IL APPARAÎT DÈS LORS INDISPENSABLE QUE LE RÔLE DU PARLEMENT FRANÇAIS SOIT AFFERMI 10

II. LES RECOMMANDATIONS FORMULÉES PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE CONSTITUENT UNE PREMIÈRE ÉTAPE VERS L’INDISPENSABLE RENFORCEMENT DE LA COORDINATION DES POLITIQUES ÉCONOMIQUES 12

A. LA PROMOTION DE LA CROISSANCE ET DE L’EMPLOI DEVRAIT CONSTITUER L’AXE STRATÉGIQUE DES ORIENTATIONS DE POLITIQUE ÉCONOMIQUE 13

1. Il convient de trouver un juste équilibre entre assainissement des finances publiques et soutien à la croissance 13

2. Il est impératif de mettre l’accent sur les recommandations destinées à promouvoir la croissance et la compétitivité, lutter contre le chômage et l’exclusion sociale et accompagner la transition énergétique, et de mieux les articuler avec les actions menées au niveau européen 19

B. LA DÉFINITION DES GRANDES ORIENTATIONS DE POLITIQUES ÉCONOMIQUES ET LE MÉCANISME DE SURVEILLANCE DES DÉSÉQUILIBRES MACROÉCONOMIQUES DOIVENT ÊTRE COMPLÉTÉS AFIN DE METTRE EN PLACE UNE VÉRITABLE COORDINATION DES POLITIQUES ÉCONOMIQUES 21

TRAVAUX DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES 25

ANNEXE 31

ANNEXE 1: LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA MISSION D’INFORMATION 33

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Favorisé par la crise budgétaire, économique, financière et sociale à laquelle l’Europe doit faire face depuis 2008, le renforcement des mécanismes de surveillance budgétaire et macroéconomique, engagé avec l’adoption du « six-pack »2 à la fin de l’année 2011 puis l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2013, du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, devrait bientôt être accru à la suite de l’adoption des deux propositions de règlements relatifs au renforcement de la surveillance budgétaire – le « two-pack » –, qui ont fait l’objet d’un accord en trilogue le 20 février dernier.

Cet affermissement du gouvernement économique européen depuis le déclenchement de la crise doit nécessairement s’accompagner d’un ancrage démocratique solide, ce qui suppose une implication forte de notre Assemblée à chaque étape de la nouvelle gouvernance européenne.

Les présents rapport d’information et proposition de résolution ont ainsi pour objet de permettre à l’Assemblée nationale de se prononcer sur la première étape de la procédure dite du « semestre européen », avant le Conseil européen de printemps qui définit les orientations stratégiques de politique économique au sein de l’Union.

C’est la première fois que la commission des Affaires européennes prend l’initiative d’intervenir en amont de la procédure, récente, du semestre européen qui a pour objet de coordonner les politiques économiques, en particulier leur volet budgétaire, préalablement aux procédures nationales de détermination des budgets.

L’objectif est ainsi d’affermir l’indispensable ancrage démocratique de la nouvelle gouvernance européenne et d’émettre un avis sur les grandes orientations de politique économique proposées par la Commission européenne et sur lesquelles le Conseil européen se prononcera les 14 et 15 mars prochains.

Si vos rapporteurs se retrouvent sur la nécessité d’une part d’affermir le rôle de l’Assemblée nationale dans les dispositifs européens de suivi des politiques budgétaires et macroéconomiques et d’autre part de renforcer la coordination des politiques économiques au sein de l’Union – et plus particulièrement de la zone euro –, ils ont des analyses différentes de la situation de la France et de la politique économique qu’il convient d’y mener. Ils sont, en conséquence, en désaccord sur le contenu de la proposition de résolution.

I. IL EST NÉCESSAIRE D’AFFERMIR LE RÔLE DE NOTRE ASSEMBLÉE DANS UN DISPOSITIF DE SURVEILLANCE BUDGÉTAIRE ET MACROÉCONOMIQUE DONT LA PORTÉE S’ACCROÎT

L’enracinement démocratique de la gouvernance économique européenne repose sur l’association étroite des parlements nationaux à la détermination et à l’évaluation des objectifs communs, au plan européen dans le cadre de la conférence prévue à l’article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, signé le 2 mars 2012 et entré en vigueur le 1er janvier 2013, mais également au plan national.

Il apparaît ainsi d’autant plus nécessaire d’affermir le rôle de l’Assemblée nationale dans les mécanismes de suivi budgétaire et de coordination des politiques économiques que le Conseil et le Parlement européen sont parvenus, le 20 février 2013, à un accord sur le « two-pack », qui a pour objet de renforcer la gouvernance économique ainsi que la coordination et la surveillance des politiques économiques, notamment leur volet budgétaire.

A. La Commission des affaires européennes souhaite désormais intervenir dès la première étape du semestre européen

► Le présent rapport donne le coup d’envoi des travaux que vos rapporteurs vont mener, au sein de la Commission des affaires européennes, dans le cadre du semestre européen.

Il s’appuie ainsi sur l’examen annuel de la croissance pour 2013, qui, accompagné de deux rapports, l’un consacré à l’emploi, l’autre à l’intégration du marché unique, a été présenté le 28 novembre dernier par la Commission européenne et marque le lancement du semestre européen de coordination des politiques économiques.

L’objectif de l’examen annuel de la croissance est de déterminer les priorités économiques et sociales de l’Union européenne pour 2013, en indiquant aux États membres et à l’Union la voie à suivre pour mener leurs politiques. Sur le fondement de ces travaux, le Conseil européen, les 14 et 15 mars prochains, évaluera la mise en œuvre des recommandations faites à chaque État membre en 2012, définira les grandes lignes de politique économique pour 2013 et donnera aux États membres des orientations pour leurs programmes de stabilité et de convergence.

Le présent rapport prend également en considération les conclusions du rapport annuel sur le mécanisme d’alerte qui, également présenté le 28 novembre dernier, a pour objet d’identifier les déséquilibres macroéconomiques au sein de l’Union européenne et de déterminer les États membres dont la situation doit, en conséquence, faire l’objet d’un examen approfondi, puis, le cas échéant, de mesures correctives dans le cadre de la procédure de surveillance des déséquilibres macroéconomiques.

Il tient enfin compte des prévisions économiques d’hiver que la Commission européenne a rendu publiques le 22 février dernier.

► Le Parlement européen s’est prononcé sur les propositions de la Commission européenne dans ses résolutions du 7 février 2013 sur le semestre européen pour la coordination des politiques économiques, l’une portant plus particulièrement sur l’examen annuel de la croissance 2013, l’autre sur l’emploi et les aspects sociaux.

L’examen du rapport de Mme Elisa Ferreira sur l’examen annuel de croissance pour 2013 et de sa proposition de résolution a provoqué de vifs débats au sein de la commission des affaires économiques et monétaires, puis en séance plénière. La résolution finalement adoptée a ainsi fait l’objet de nombreux amendements, conduisant à faire prévaloir une position dure sur le rythme des assainissements budgétaires, si bien que Mme Elisa Ferreira a demandé à ce que son nom soit retiré du rapport sur l’examen annuel de croissance.

En revanche, la résolution relative à l’emploi et au volet social a fait l’objet d’un large consensus. Le Parlement européen demande ainsi de rendre obligatoire la présentation de plans nationaux pour l’emploi et défend les notions de « consolidation compatible avec la croissance » et d’« assainissement budgétaire proportionné et différencié ».

Par ailleurs, le Parlement européen souhaite que la gouvernance du marché unique s’inspire du semestre européen, qui devrait lui-même inclure un pilier consacré au marché unique.

► Pour sa part, le Conseil, en amont du Conseil européen des 14 et 15 mars 2013, a indiqué partager l’analyse de la Commission européenne sur les axes d’action prioritaires, tout en mettant l’accent sur la nécessité d’améliorer la confiance, relancer la croissance économique, améliorer la compétitivité, ramener la dette à un niveau supportable et, enfin, créer les conditions propices à une croissance et à des emplois durables à long terme.

Le Conseil a également pris acte, le 12 février dernier, du rapport sur le mécanisme d’alerte. Il a notamment salué le fait que les États membres présentant les déséquilibres les plus importants ont mis en œuvre des réformes structurelles profondes qui leur ont permis de renforcer leur compétitivité tout en contribuant à un rééquilibrage dans l’Union et dans la zone euro.

► C’est dans le cadre défini par le Conseil européen en mars prochain que les États membres devront soumettre leurs programmes nationaux de stabilité et de réforme actualisés d’ici, au plus tard, à la fin du mois d’avril. Après avoir étudié ces programmes, la Commission européenne présentera ses propositions de recommandations par pays, qui seront ensuite examinées par le Conseil européen lors du sommet des 27 et 28 juin 2013 puis définitivement adoptées par le Conseil.

B. La surveillance budgétaire va être renforcée à la suite de l’adoption du « two-pack »

La procédure de coordination des politiques économiques mise en place dans le cadre du semestre européen va être complétée par le paquet législatif dit du « two-pack », qui comprend un règlement sur le renforcement du suivi et de l’évaluation des projets de plans budgétaires des États membres et un règlement relatif au renforcement de la surveillance des États confrontés à des difficultés financières.

Au-delà de l’introduction de nouvelles exigences relatives à la nature des informations transmises dans le cadre des projets de plans budgétaires et du renforcement du contrôle des États en situation de déficit excessif, le « two-pack » prévoit en effet la mise en place d’une surveillance des projets de budget nationaux. Les États membres de la zone euro devraient ainsi soumettre à la Commission européenne et à l’Eurogroupe, avant le 15 octobre, leur projet de budget, sur lequel la Commission pourrait émettre, avant le 30 novembre, un avis, assorti d’une demande de révision en cas de manquement particulièrement grave aux obligations de politique budgétaire prévues dans le pacte de stabilité.

Il convient de souligner que l’accord de la délégation du Parlement européen sur les deux propositions de règlement a notamment été subordonné à la mise en place, par la Commission européenne, d’un groupe d’experts de haut niveau chargé d’étudier la faisabilité d’une mutualisation partielle de la dette dans le cadre d’un fonds européen d’amortissement de la dette et de l’émission de titres à court terme (« eurobills »). La Commission européenne ne sera pas liée par les conclusions que le groupe de haut niveau devrait rendre d’ici au mois de mars 2014. Le nom de Jean-Claude Trichet serait avancé par plusieurs députés européens pour présider ce groupe de travail.

C. Il apparaît dès lors indispensable que le rôle du Parlement français soit affermi

Alors que l’adoption du « two-pack » est considérée comme une étape indispensable à l’approfondissement de l’Union économique et monétaire sur les modalités duquel le Conseil européen devrait se prononcer en juin prochain, il apparaît plus que jamais nécessaire d’affermir le rôle de notre Assemblée, qui est souveraine en matière budgétaire.

Dans cette perspective, avant le Conseil européen du mois de juin prochain, la Commission européenne présentera ses propositions de recommandations sur les programmes de stabilité et de réforme de la France à l’Assemblée nationale. Ce sera une grande première pour notre Assemblée, comme le fut le débat sur la prise en compte des orientations budgétaires européennes par le projet de loi de finances pour 2013 organisé le 15 octobre 2012.

Par ailleurs, en complément de la mise en œuvre de la résolution sur l’ancrage démocratique du gouvernement économique européen adoptée par notre Assemblée le 27 novembre 2012, il apparaît nécessaire de progresser selon trois axes.

Il est tout d’abord indispensable que les calendriers budgétaires nationaux et européen soient harmonisés, afin de rationaliser l’examen des textes et de garantir la cohérence entre les engagements européens et les décisions budgétaires nationales.

Il est par ailleurs logique que le Parlement français puisse amender le programme de stabilité qui détaille la trajectoire sur laquelle la France s’engage auprès de ses partenaires ainsi que le programme national de réforme.

Il serait enfin utile, compte tenu de l’importance accordée par les autorités européennes à l’expression en termes structurels des objectifs fixés et des progrès accomplis (cf. infra II.A.1.), de mettre fin, ou à tout le moins de permettre au Parlement français de mieux les apprécier, aux éventuelles divergences d’appréciation entre la Commission européenne et le gouvernement français sur l’estimation du produit intérieur brut potentiel ainsi que sur la définition des « mesures ponctuelles et temporaires » qui doivent être prises en compte pour le calcul du solde et de l’effort structurel selon le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

À titre d’exemple, la Commission européenne considère que les cessions exceptionnelles de licences téléphoniques constituent des « mesures ponctuelles et temporaires », contrairement au gouvernement français. Plutôt que d’effectuer une appréciation au cas par cas, la Commission européenne devrait fixer la liste de ces mesures. Pour sa part, le gouvernement devrait présenter et justifier, dans la partie du rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques consacré aux modalités de calcul de l’effort structurel et du solde structurel, les différences éventuelles par rapport aux estimations de la Commission européenne, comme cela est déjà prévu pour les hypothèses relatives au PIB potentiel et les effets de la conjoncture sur les dépenses et les recettes publiques.

II. LES RECOMMANDATIONS FORMULÉES PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE CONSTITUENT UNE PREMIÈRE ÉTAPE VERS L’INDISPENSABLE RENFORCEMENT DE LA COORDINATION DES POLITIQUES ÉCONOMIQUES

La Commission européenne dresse un tableau très sombre de la situation économique en Europe, en particulier sur le front de l’emploi.

Alors que la croissance était de l’ordre de 2 % en 2010, le PIB s’est contracté de 0,3 % dans l’Union et de 0,6 % dans la zone euro en 2012, et devrait, selon les prévisions d’hiver de la Commission, être quasi-stable dans l’Union (+ 0,1 %) et diminuer de 0,3 % dans la zone euro en 2013.

La crise entraîne ainsi de lourdes conséquences sociales, avec une forte progression du chômage. Au cours des douze derniers mois, le nombre de chômeurs a augmenté de 2 millions pour dépasser le cap de 25 millions de personnes. La hausse du chômage de longue durée a pour conséquence que près d’un chômeur sur deux est sans emploi depuis plus d’un an. Les jeunes sont plus particulièrement touchés puisque leur taux de chômage dépasse 50 % dans douze États membres. Après avoir atteint 10,5 % dans la zone euro et 11,4 % dans l’Union en 2012, le taux de chômage devrait encore progresser en 2013, pour s’établir à, respectivement, 11,1 et 12,2 %. Toutefois, les situations sont très contrastées selon les pays. Les taux de chômage nationaux se situent en effet dans une fourchette comprise entre 5 et plus de 25 %.

La Commission européenne souligne qu’en conséquence la précarité et la pauvreté progressent fortement. Ainsi, le nombre de personnes exposées aux risques de pauvreté et d’exclusion sociale a augmenté dans treize États membres depuis 2008.

Elle affirme néanmoins déceler de premiers signes positifs montrant que les réformes entreprises commencent à produire leurs effets. Ces « premiers signes positifs » semblent toutefois se limiter à une réduction globale du niveau des déficits publics, qui passe, selon les derniers chiffres communiqués, de 6,2 à 3,5 % du PIB en moyenne dans la zone euro entre 2010 et 2012.

Ce bilan très contrasté, ainsi que le constat dressé par le FMI selon lequel les mesures d’austérité imposées aux pays de la zone euro en difficulté ont eu un impact récessif trois fois supérieur à celui envisagé initialement, ne peuvent que conduire à s’interroger sur les priorités qui doivent être assignées aux politiques économiques au sein de l’Union européenne.

Pour sa part, la Commission européenne conclut que les priorités fixées dans l’examen de croissance de l’an dernier demeurent valables, en y apportant toutefois quelques nuances. Elle indique ainsi que les États membres et l’Union européenne doivent concentrer leurs efforts sur les cinq priorités suivantes, dont elle modifie d’ailleurs à peine les intitulés :

– procéder à un assainissement budgétaire différencié propice à la croissance ;

– promouvoir la croissance et la compétitivité pour aujourd’hui et demain ;

– lutter contre le chômage et prendre des mesures pour faire face aux retombées sociales de la crise ;

– revenir à des pratiques normales en matière de prêt à l’économie ;

– moderniser l’administration publique.

A. La promotion de la croissance et de l’emploi devrait constituer l’axe stratégique des orientations de politique économique

Si les recommandations de la Commission européenne forment un ensemble cohérent, certaines d’entre elles mériteraient d’être plus détaillées. Toutes gagneraient à être davantage mises en regard d’une part des actions menées au niveau européen, en particulier à partir de la mobilisation du budget européen mais également du pacte pour la croissance et l’emploi, et d’autre part des objectifs de la stratégie Europe 2020.

1. Il convient de trouver un juste équilibre entre assainissement des finances publiques et soutien à la croissance

La Commission européenne salue les premiers progrès accomplis dans la maîtrise des finances publiques, avec le retour des déficits au sein de la zone euro à un niveau proche de 3 % du PIB, tout en réaffirmant fermement la nécessité « d’assainir de toute urgence les finances publiques ».

► Elle préconise néanmoins un effort d’assainissement budgétaire différencié, c’est-à-dire adapté à chaque pays, rappelle que les stratégies de redressement des finances publiques doivent être axées en priorité sur les progrès accomplis en termes structurels, plutôt qu’en termes purement nominaux, et souligne enfin que la politique d’assainissement doit également permettre de soutenir la croissance et l’équité sociale.

Cette approche correspond à la lettre et à l’esprit du pacte de stabilité et de croissance révisé. La Commission européenne elle-même souligne dans son examen annuel de croissance que « le pacte de stabilité et de croissance fournit le cadre approprié pour un ajustement budgétaire flexible et efficace ».

Il ressort ainsi d’une lecture attentive du pacte que, si un État membre respecte la trajectoire fixée en matière de réduction de son déficit structurel, il peut se voir accorder un délai pour corriger son déficit excessif, si une dégradation de la conjoncture économique l’empêche d’atteindre l’objectif qui a été fixé en termes nominaux. La Commission européenne le rappelle de manière explicite dans son rapport sur l’examen annuel de croissance.

C’est d’ailleurs ce qui s’est passé pour l’Espagne et le Portugal en 2012, qui ont ainsi bénéficié d’un délai supplémentaire, porté à 2014, pour ramener leurs déficits publics sous la barre des 3 % du PIB.

Le pacte tel que modifié depuis 2011 met en effet l’accent sur la position budgétaire sous-jacente et les efforts d’ajustement structurel. C’est logique : la manière la plus pertinente d’apprécier la qualité réelle des stratégies budgétaires, quel que soit le moment du cycle économique dans lequel elles s’inscrivent, est de recourir aux indicateurs structurels d’évolution des finances publiques. Les recommandations du Conseil sont d’ailleurs exprimées en termes structurels.

S’agissant plus particulièrement de la France, le commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires Olli Rehn a souligné le 22 février dernier que si, en mai prochain, l’ajustement budgétaire structurel dépasse 1 % par an en moyenne sur la période 2010-2013 et que des événements économiques négatifs et inattendus se produisent, alors l’échéance fixée pour ramener le déficit public « nettement en dessous de 3 % » pourra être repoussée à 2014.

Or, il apparaît que la France devrait, après avoir enregistré une croissance nulle en 2012, connaître une croissance de l’ordre de 0,1 % en 2013 selon les données de la Commission, alors que sa croissance potentielle s’élève à 1,7 % selon ce qu’a indiqué M. Jean-Luc Schneider, directeur adjoint chargé des études de politique économique à l’OCDE, à la mission d’information.

En outre, la France respecte jusqu’à présent son objectif d’ajustement structurel fixé à 1 % par an. Ainsi, sur la période 2010-2013, l’effort s’élèverait, selon le ministre de l’économie et des finances, à 4,1 points de PIB. Il serait réalisé pour les deux tiers sur les exercices 2012 et 2013.

Cet effort a été souligné par la Cour des comptes dans son rapport public annuel de 2013. La Cour note ainsi que « l’effort structurel réalisé en 2012 serait (…) de 1,4 point de PIB. Un effort d’une telle ampleur n’avait jamais été réalisé en France depuis les années 1994 et 1996. (…) L’effort structurel prévu pour 2013, sous réserve du chiffrage des mesures nouvelles relatives aux prélèvements et de la réalisation des objectifs de dépenses, est pourtant considérable : il représente 1,9 point de PIB, soit 38 Md€, ce qui est inédit en France ».

Par conséquent, et sous réserve des mesures inscrites dans le programme de stabilité, l’effort d’ajustement nécessaire pour ramener le déficit public sous la barre des 3 % du PIB pourrait être décalé dans le temps, sans remise en cause de l’objectif du retour à l’équilibre du solde structurel à compter de 2016. À cet égard, il convient de rappeler que la définition des moyens de résorber le déficit structurel relève de la compétence des États membres.

De manière plus générale, la nécessité de trouver un juste équilibre entre la maîtrise des finances publiques et le soutien à la croissance soulève la question de l’appréciation même qui est faite de la situation des finances publiques.

Des évolutions sont intervenues avec l’adoption du « six-pack » à la fin de l’année 2011. En particulier, dans le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance, les investissements publics entrent en ligne de compte dans le nouveau critère des dépenses, utilisé parallèlement à celui de l’équilibre structurel, pour évaluer les progrès accomplis dans la réalisation de l’objectif budgétaire à moyen terme. Il serait justifié d’aller plus loin, compte tenu de la nécessité d’encourager l’investissement dans la zone euro.

Il serait ainsi pertinent de mieux tenir compte des investissements publics favorables à la croissance, c’est-à-dire des investissements d’avenir, dans la trajectoire d’ajustement budgétaire. Il pourrait par exemple être envisagé que, sous certaines conditions, des programmes d’investissement public non récurrents et ayant un effet sur la viabilité des finances publiques puissent permettre un écart temporaire par rapport à l’objectif budgétaire à moyen terme.

Dans cette logique, il convient d’appuyer la proposition faite par la Commission européenne dans sa communication de novembre 2012 présentant un projet détaillé pour une Union économique et monétaire véritable et approfondie (dite « blue print »), et renouvelée dans l’accord auquel sont parvenus le Conseil et le Parlement européen sur le « two-pack », d’étudier d’autres moyens pour intégrer les programmes d’investissement productif dans l’évaluation des programmes de stabilité et de convergence.

► S’agissant de la méthode privilégiée pour assainir les finances publiques, la Commission européenne insiste sur l’équilibre à trouver dans la répartition de l’effort entre les dépenses et les recettes. L’amélioration des déficits publics intervenue au sein de l’Union entre 2009 et 2012 a davantage résulté d’une réduction des dépenses (avec une baisse de 2 points de PIB) que d’une augmentation des recettes (avec une hausse de 1,3 point).

La France devrait procéder à des ajustements s’élevant, selon le ministère de l’économie et des finances, à 38 milliards d’euros en 2013. Toutefois, l’effort porterait majoritairement sur les prélèvements obligatoires, à hauteur de 32 milliards d’euros3. Le gouvernement justifie cette répartition par deux facteurs : l’urgence à agir et des multiplicateurs budgétaires plus élevés à court terme sur les dépenses.

Il apparaît nécessaire de procéder, à l’avenir, à un rééquilibrage de l’effort et de maîtriser davantage les dépenses des administrations publiques. L’expérience montre en effet que, dans les pays où la part des dépenses publiques dans le PIB et les taux d’imposition sont relativement élevés, l’assainissement budgétaire réalisé grâce à une réduction des dépenses plutôt qu’à une nouvelle hausse des recettes fiscales soutient davantage la croissance sur le long terme.

► À cet égard, ainsi que le souligne la Commission européenne, il est essentiel de se pencher sur l’efficience et l’efficacité globales des dépenses.

La Commission européenne recommande en particulier aux États de se montrer sélectifs dans les économies à mener, de manière à préserver le potentiel de croissance et les filets de sécurité sociaux essentiels. Elle estime notamment utile de donner la priorité aux investissements dans l’éducation, la recherche, l’innovation et l’énergie, tout en veillant à ce que les deniers publics soient dépensés de manière efficiente. Selon la Commission européenne, il faudrait également accorder une attention particulière au champ d’action et à l’efficacité des services de l’emploi et des politiques actives du marché du travail, telles que les formations pour les chômeurs et les dispositifs de garantie pour les jeunes. Elle ajoute qu’il convient de poursuivre la modernisation des systèmes de protection sociale, en particulier les régimes de retraite, afin d’en garantir l’efficacité, la pertinence et la viabilité.

La liste des investissements prioritaires dressée par la Commission européenne serait utilement complétée par la prise en compte de ceux en faveur de l’adaptation au changement climatique.

Les recommandations de la Commission européenne doivent par ailleurs être mises en œuvre de manière éclairée.

Alors que la France a déjà engagé plusieurs chantiers allant dans le sens de ces préconisations, de nouvelles réformes sont en cours ou sur le point d’être lancées. Il en va ainsi des mesures qui devraient être prochainement présentées dans le cadre de la modernisation de l’action publique, qui évalue une quarantaine de politiques publiques et concerne l’État mais aussi les collectivités territoriales et les hôpitaux. C’est également le cas des travaux du Haut Conseil sur le financement de la protection sociale et de ceux relatifs à l’évolution des régimes de retraite, qui devraient déboucher, après concertation avec les partenaires sociaux, sur des propositions de réformes avant la fin de l’année.

Par ailleurs, au niveau européen, il convient que la Commission européenne détaille rapidement sa proposition relative à la mise en place des « contrats de convergence et de compétitivité », destinés à soutenir la mise en œuvre de réformes structurelles et d’investissement.

► S’agissant enfin des recettes, la Commission européenne recommande de manière générale d’élargir les bases d’imposition plutôt que d’augmenter les taux ou de créer de nouvelles taxes. Elle suggère également de réduire la pression fiscale sur le travail dans les pays où elle est comparativement élevée et freine la création d’emplois et, parallèlement, d’augmenter d’autres taxes comme les taxes sur la consommation, les impôts sur la propriété immobilière ou encore les taxes environnementales.

Vos rapporteurs partagent l’analyse de la Commission européenne relative à l’élargissement des bases d’imposition et invitent donc à poursuivre le mouvement de réduction des niches fiscales et sociales en France.

Vos rapporteurs sont en revanche d’avis divergents sur la politique, notamment fiscale, qui doit être menée afin de favoriser la compétitivité de la France.

Votre co-rapporteur Christophe Caresche estime que la mise en œuvre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dans le cadre du « pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi » inspiré des propositions formulées par Louis Gallois, s’inscrit dans la logique prônée par la Commission européenne de transfert d’une part de la fiscalité pesant sur le travail vers d’autres types de fiscalité. Destiné à soutenir la compétitivité des entreprises à travers notamment des efforts en matière d’investissement, de recherche, d’innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution des fonds de roulement, le crédit d’impôt, d’un montant estimé à 20 milliards d’euros, est financé pour moitié par une réduction des dépenses et pour moitié par une hausse de la TVA et de la fiscalité environnementale. Le transfert correspondrait ainsi à 1 point de PIB.

Votre co-rapporteur Michel Herbillon ne partage pas cette analyse et rappelle que sa préférence va vers le dispositif de TVA antidélocalisation décidé par le gouvernement et la majorité précédents (cf. observations infra).

Vos rapporteurs se retrouvent pour souligner que les mesures prises par les États membres en matière de fiscalité doivent impérativement s’accompagner d’une plus grande harmonisation au niveau européen. Il est en effet indispensable que les chantiers relatifs à une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, à la fiscalité de l’énergie, à la taxe sur les transactions financières et à la révision de la directive sur la fiscalité de l’épargne enregistrent des progrès rapides.

► Enfin, la Commission européenne, qui souligne que l’assainissement des finances publiques est un processus de long terme, rappelle la nécessité de disposer de règles de gouvernance européenne et de cadres budgétaires nationaux solides, parmi lesquels l’établissement de règles budgétaires chiffrées, le recours à des institutions budgétaires indépendantes et une planification à moyen terme, ainsi que la surveillance multilatérale des progrès accomplis.

À cet égard, il convient de souligner que la France apparaît exemplaire, en particulier depuis la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire et l’adoption de la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

Tout d’abord, l’objectif de solde structurel ne peut être inférieur à - 0,5 % du PIB en application du traité sur la stabilité ratifié par la France et entré en vigueur le 1er janvier 2013. Les lois de programmation des finances publiques déterminent en outre une trajectoire sous forme d’objectifs de solde structurel pour chaque année de la programmation.

Ensuite, la planification à moyen terme repose d’une part sur les programmes de stabilité qui sont transmis chaque année par le Gouvernement à la Commission européenne et d’autre part sur les lois de programmation des finances publiques, dont l’existence est consacrée par la Constitution. Une meilleure articulation, reposant notamment sur un calendrier plus cohérent, entre les programmes de stabilité et les lois de programmation des finances publiques, serait d’ailleurs utile (cf. supra I.C).

Enfin, le Haut conseil des finances publiques a été créé par la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, afin de développer une expertise impartiale et indépendante sur le cadrage économique et les perspectives budgétaires présentés dans les textes financiers. Il devrait être mis en place mi-mars et rendre son premier avis sur le programme de stabilité de la France mi-avril.

2. Il est impératif de mettre l’accent sur les recommandations destinées à promouvoir la croissance et la compétitivité, lutter contre le chômage et l’exclusion sociale et accompagner la transition énergétique, et de mieux les articuler avec les actions menées au niveau européen

► Dans ses recommandations, la Commission européenne détermine plusieurs grands axes afin de promouvoir la croissance, la compétitivité et l’emploi, qui gagneraient à être davantage détaillés et surtout mis en perspective au regard de l’articulation qui doit exister entre les actions menées au niveau européen et les réformes engagées par les États membres.

Les pistes retenues sont les suivantes :

– favoriser le retour à des conditions normales de financement de l’économie ;

– dynamiser l’économie en encourageant l’innovation et les nouvelles technologies, en améliorant les performances des systèmes d’éducation et de formation et en simplifiant l’environnement des entreprises, notamment les formalités de création d’entreprise ;

– parachever le marché unique, en particulier dans le domaine des services – ce qui implique notamment selon la Commission de régler le problème des règlementations créant des obstacles à l’accès à plusieurs professions – et des industries de réseau ;

– préparer une reprise de la croissance riche en emplois. Cela suppose, selon la Commission européenne, de limiter la pression fiscale sur le travail, de mettre en place des dispositifs spécifiques pour les travailleurs peu qualifiés et les chômeurs de longue durée, de simplifier la législation du travail, de faciliter une organisation plus flexible du travail fondée notamment sur des mesures de chômage partiel et d’allongement de la durée de la vie active, de surveiller les mécanismes de fixation des salaires et, enfin, d’exploiter le potentiel d’emplois des secteurs en expansion comme l’économie verte, les soins de santé et les technologies de l’information et de la communication ;

– améliorer les niveaux d’employabilité, notamment celui des jeunes, notamment en dynamisant les services publics de l’emploi et en mettant en place des dispositifs de garantie pour la jeunesse.

Votre co-rapporteur Christophe Caresche estime que la France s’inscrit dans les grandes lignes proposées par la Commission européenne avec le pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, qui fait l’objet d’un projet de loi présenté en conseil des ministres le 6 mars 2013, ou encore les contrats de génération. Deux projets d’interconnexion sont par ailleurs en cours dans le secteur énergétique avec l’Espagne et l’Italie.

Votre co-rapporteur Michel Herbillon ne partage pas cette analyse (cf. observations infra).

De manière générale, il serait opportun que la Commission européenne, lors de son prochain examen annuel de croissance, mette davantage en perspective les actions menées par les États et celles conduites au niveau européen. Il serait ainsi utile que l’examen annuel de croissance comporte un rapport sur l’état d’avancement de la stratégie Europe 2020, un bilan de la mise en œuvre du Pacte pour la croissance et l’emploi décidé par le Conseil européen les 28 et 29 juin 2012 ainsi qu’une analyse du rôle du budget de l’Union dans le processus du semestre européen.

► Force est de constater, dans les recommandations de la Commission européenne, la faible part des propositions consacrées aux domaines environnemental et social.

Il n’existe pas, à proprement parler, de « volet environnemental » dans les recommandations de la Commission européenne. Certes, cette dernière prône un transfert de la fiscalité du travail vers la fiscalité environnementale et suggère d’exploiter le potentiel de l’économie verte en établissant un cadre règlementaire prévisible et en promouvant l’émergence de nouveaux marchés et de nouvelles technologies. Mais elle se limite à ces recommandations au détour de l’examen des axes d’action qu’elle juge prioritaires. C’est contraire à l’article 3 du traité sur l’Union européenne, qui inscrit, aux côtés de la croissance et de l’économie sociale de marché, un troisième pilier, celui d’un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement. Il apparaît indispensable de remédier à cette lacune, notamment en mettant l’accent sur la transition énergétique.

Par ailleurs, alors qu’elle dresse un tableau très sombre de la situation sociale dans l’Union européenne, la Commission européenne détaille très peu les mesures destinées à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale. Elle se contente d’évoquer des mesures efficaces d’aide au revenu, un large accès à des services sociaux de qualité, un accès garanti au logement et la nécessité de renforcer le lien entre mesures d’assistance sociale et mesures d’activation grâce à des services plus personnalisés. Il convient au contraire de développer ce volet, conformément aux conclusions du Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012, qui demande à ce que la dimension sociale de l’Union économique et monétaire soit approfondie.

► La Commission européenne est enfin assez floue sur son cinquième axe de recommandation, la modernisation de l’administration publique. La principale suggestion à retenir est celle relative à un meilleur usage des fonds structurels de l’Union qui doit s’accompagner d’une distribution plus rapide des fonds inutilisés.

B. La définition des grandes orientations de politiques économiques et le mécanisme de surveillance des déséquilibres macroéconomiques doivent être complétés afin de mettre en place une véritable coordination des politiques économiques

Le renforcement de l’Union économique et monétaire et le soutien à la croissance et à la compétitivité au sein de la zone euro supposent une meilleure coordination des politiques économiques. Le président de la République l’a clairement annoncé dans son discours prononcé devant le Parlement européen le 5 février 2013 : « La prochaine étape que nous devons ouvrir, c’est la coordination des politiques économiques nationales, c’est nécessaire pour résorber les déséquilibres ».

Le mécanisme de surveillance des déséquilibres macroéconomiques mis en place l’an dernier constitue à cet égard une première étape très utile. Ainsi que l’a souligné l’ancien président de la Banque centrale européenne Jean-Claude Trichet lors de son audition par la commission des Affaires européennes le 20 février 2013, les trois axes à privilégier pour sortir de la crise et en prévenir la survenue sont la coordination budgétaire au niveau européen, l’union bancaire et la surveillance stratégique des indicateurs de compétitivité et des grands déséquilibres macroéconomiques. Le gouverneur honoraire de la Banque de France accorde d’ailleurs une place essentielle à la surveillance macroéconomique puisqu’il estime que « l’absence de contrôle de ces évolutions en Grèce, en Irlande et dans d’autres pays a été presque plus importante que le drame budgétaire ». Le suivi, pour chaque pays, de l’évolution des coûts, des revenus et de l’inflation domestique nominale, ainsi que de leurs conséquences sur le déficit externe et sur la balance des paiements courants, est en effet fondamental.

Dans son rapport sur le mécanisme d’alerte présenté le 28 novembre 2012 dans le cadre du deuxième cycle annuel de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques, la Commission européenne identifie ainsi quatorze États membres dont la situation macroéconomique requiert une étude approfondie, avant de faire éventuellement l’objet de recommandations de correction au printemps prochain. La France figure sur cette liste, comme l’an dernier.

La deuxième étape dans la coordination des politiques économiques doit consister en la conduite de réformes tant dans les pays déficitaires accusant des déséquilibres excessifs que dans les pays excédentaires, afin de renforcer la croissance et les capacités d’ajustement de l’économie et de faciliter le rééquilibrage. Ainsi que l’a clairement exposé M. Jean-Claude Schneider, directeur adjoint chargé de la branche des études de politique économique à l’OCDE, à la mission d’information, des réformes structurelles, conduites en particulier sur le marché des services, peuvent favoriser la demande intérieure et l’investissement dans les pays excédentaires.

Un juste équilibre doit être trouvé entre les politiques menées par les États en situation excédentaire et celles conduites par les pays en situation déficitaire. Dans son discours prononcé devant le Parlement européen, le président de la République a mis en évidence cette nécessité : « il y a des pays qui ont des excédents, qui ont une compétitivité élevée, d’autres qui ont des déficits, qui ont des efforts à faire. Les pays qui sont dans la première situation doivent relancer leur demande intérieure pour permettre aux autres de pouvoir connaître, à un moment, le retour de l’activité ». Le commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires Olli Rehn est allé dans le même sens en déclarant, le vendredi 22 février 2013, que les pays excédentaires devraient davantage axer leurs politiques sur le soutien à l’investissement et la progression des salaires.

Il apparaît en outre nécessaire d’évaluer les meilleurs pratiques dans les différents États membres. Les représentants de l’OCDE rencontrés par la mission d’information ont ainsi mis en évidence les gains sur la croissance qui pouvaient être tirés d’une diffusion des meilleures pratiques entre les pays.Par conséquent, vos rapporteurs appellent à la mise en place rapide d’un cadre destiné à évaluer les meilleurs pratiques et à permettre un débat sur les grandes réformes de politique économique envisagées par les différents États membres et une meilleure coordination, conformément à ce qui est prévu dans l’article 11 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire.

Vos rapporteurs demandent donc à la Commission européenne de présenter rapidement la proposition pour favoriser la coordination préalable des grandes réformes de politique économique dans le cadre du semestre européen qu’elle s’est engagée à formuler à la suite du Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012.

OBSERVATIONS DE M. MICHEL HERBILLON,

CO-RAPPORTEUR

Parmi les sujets de divergence entre notre collègue Christophe Caresche, co-rapporteur, et moi-même figurent principalement l’analyse de la situation de la France ainsi que la politique à mener pour favoriser la croissance et la compétitivité de notre pays.

Les prévisions économiques d’hiver de la Commission européenne montrent simplement que les engagements du président de la République François Hollande en termes de croissance, de déficit et de lutte contre le chômage, n’étaient qu’illusions, et que la politique menée depuis juin nous mène dans une impasse.

Le retour à la croissance avec, dans un premier temps, une prévision de 0,8 % de croissance affichée dans le projet de loi de finances ? La Commission européenne confirme, pour la France, une croissance nulle en 2012 et une croissance quasi-nulle (0,1 %) en 2013.

Le retour des déficits publics sous la barre des 3 % en 2013 ? La Commission européenne prévoit 3,7 % en 2013 et même 3,9 % en 2014 si rien n’est fait pour corriger le tir.

L’inversion de la courbe du chômage ? Après un taux de chômage de 10,3 % en 2012, la Commission européenne prévoit 10,7 % en 2013 et même 11 % en 2014. Aujourd’hui, le chômage s’accroît de mille chômeurs par jour.

Alors que ces objectifs ont été martelés avec force et confirmés jusqu’à la semaine précédant la publication des prévisions économiques d’hiver de la Commission européenne, le président de la République et le gouvernement font aujourd’hui mine de découvrir que tous ces engagements ne sont finalement pas tenables. À qui la faute ? La crise n’a pas seulement été sous-estimée, elle a même été niée en imputant toutes les difficultés de notre pays au précédent président de la République. La situation actuelle est avant tout le résultat de réponses inadaptées aux problèmes auxquels la France est confrontée et de l’obsession du gouvernement actuel de revenir sur tout ce qui a été fait précédemment, comme l’ont bien montré les lois de finances adoptées depuis juin et la remise en cause de la réforme ambitieuse que le précédent gouvernement avait engagée en faveur de la compétitivité.

Les efforts menés par la France en matière de réduction du déficit structurel sont soulignés tant par la Commission européenne que par la Cour des comptes. Mais cette réduction du déficit structurel est en grande partie le résultat de la politique menée par le précédent gouvernement, en particulier le non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux et la révision générale des politiques publiques, dont le gouvernement actuel engrange aujourd’hui les bénéfices. La Cour des comptes le souligne d’ailleurs dans son rapport public annuel de 2013.

La répartition des efforts entre dépenses et recettes est manifestement déséquilibrée avec une pression fiscale tellement accrue qu’elle risque de casser toute reprise de la croissance. En outre, les économies affichées depuis juin sont en grande partie biaisées, car il s’agit d’économies appréciées par rapport à ce qu’on appelle le « tendanciel ».

Il m’est donc impossible de m’associer à la proposition de résolution soumise à la commission des Affaires européennes.

TRAVAUX DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

La Commission s’est réunie le 26 février 2013, sous la présidence de Madame Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé des rapporteurs, au cours duquel M. Michel Herbillon, co-rapporteur, a fait part de son profond désaccord avec M. Christophe Caresche, co-rapporteur, sur l’analyse de la situation de la France et a précisé que le groupe UMP et lui-même ne pourraient pas voter en faveur de la proposition de résolution, a été suivi d’un débat.

« M. Arnaud Richard. Je partage globalement le point de vue de mon collègue Michel Herbillon et le groupe UDI s’abstiendra, même si certains éléments de la proposition de résolution nous conviennent.

La Présidente Mme Danielle Auroi. Le groupe écologiste soutiendra cette proposition. Vous avez entendu la discussion de la semaine dernière avec M. Jean-Claude Trichet. Ce sont plutôt les positions de la Commission qui étaient inadaptées, pas celles de la France. En définitive, cette proposition de résolution est plutôt modérée et elle constitue une bonne façon d’interpeller la Commission.

M. Jérôme Lambert. Le groupe socialiste va voter ce projet de résolution équilibré et raisonnable, qui résulte d’une série de consultations. Nos collègues rapporteurs ont accompli un gros travail. Nous regrettons que l’UMP ne vote pas ce texte estimable et nécessaire à la poursuite de notre politique, la seule raisonnable possible.

M. Michel Herbillon. Je souhaite que ma position et celle de l’UMP soient explicitement inscrites dans le compte rendu.

La Présidente Danielle Auroi. Je constate que la résolution est adoptée à la majorité, que l’UMP vote contre et que l’UDI s’abstient. »

La Commission a donc approuvé la proposition de résolution dont le texte figure ci-après.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu le traité sur l’Union européenne, notamment son titre II relatif aux principes démocratiques,

Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en particulier le titre VIII relatif à la politique économique et monétaire de sa troisième partie,

Vu le protocole n° 1 sur le rôle des parlements nationaux annexé au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques, modifié par le règlement (UE) n° 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011,

Vu le règlement (UE) n° 1176/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil du 23 novembre 2011 établissant des dispositions communes pour le suivi et l’évaluation des projets de plans budgétaires et pour la correction des déficits excessifs dans les États membres de la zone euro (COM [2011] 821),

Vu le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire signé à Bruxelles le 2 mars 2012,

Vu la communication de la Commission européenne du 28 novembre 2012 sur l’examen annuel de croissance 2013 (COM [2012] 750) et le projet de rapport conjoint sur l’emploi qui lui est annexé,

Vu le rapport de la Commission du 28 novembre 2012 au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d’investissement sur l’état 2013 de l’intégration du marché unique (COM [2012] 752 final),

Vu le rapport de la Commission du 28 novembre 2012 au Parlement européen, au Conseil, à la Banque centrale européenne, au Comité économique et social européen, au Comité des régions et à la Banque européenne d’investissement sur le mécanisme d’alerte (COM [2012] 751),

Vu la communication de la Commission européenne du 30 novembre 2012 relative au projet détaillé pour une Union économique et monétaire véritable et approfondie (COM [2012] 777 final/2),

Vu les résolutions du Parlement européen du 7 février 2013 sur le semestre européen pour la coordination des politiques économiques consacrées d’une part à l’examen annuel de la croissance 2013 et d’autre part à l’emploi et aux aspects sociaux dans le cadre de l’examen annuel de la croissance 2013,

1. S’inquiète de la dégradation générale des perspectives de croissance au sein de l’Union européenne mise en évidence par les prévisions économiques d’hiver de la Commission européenne le 22 février 2013 et appelle, pour éviter une récession généralisée, à une coordination plus étroite des politiques économiques ayant pour objectifs un soutien à la demande intérieure dans les pays qui bénéficient de comptes courants excédentaires et un accroissement de la compétitivité dans les pays déficitaires ; invite la Commission européenne à tenir compte de cet impératif dans la proposition qu’elle doit formuler sur la coordination préalable des grandes réformes de politique économique dans le cadre du semestre européen ;

2. Se félicite de l’effort d’ajustement structurel mené par la France, qui devrait s’élever à 4,1 points de PIB sur la période 2010-2013 et être réalisé à hauteur des deux tiers sur les exercices 2012 et 2013 ; souligne à cet égard, que la Cour des comptes juge qu’un effort structurel de l’ampleur de celui mené en 2012, soit 1,4 point de PIB, n’avait plus été réalisé en France depuis 1996 et que celui prévu pour 2013, soit 1,9 point de PIB, est inédit ;

3. Estime que la France remplit ses engagements en termes de réduction du déficit structurel et mène des réformes structurelles importantes ; considère par conséquent que le report de l’effort d’ajustement nécessaire pour ramener le déficit public français en-dessous de 3 % du PIB est justifié et conforme aux dispositions du pacte de stabilité et de croissance révisé ;

4. Appuie la proposition faite par la Commission européenne dans sa communication du 28 novembre 2012 présentant un projet détaillé pour une Union économique et monétaire véritable et approfondie d’étudier toutes les pistes susceptibles de mieux prendre en considération les programmes d’investissement productif dans le volet préventif du pacte de stabilité et de croissance ;

5. Demande à la Commission européenne de mettre davantage en évidence, dans son examen annuel de croissance, l’articulation entre les actions menées au niveau européen et celles entreprises par les États membres ; suggère par conséquent que l’examen annuel de croissance comporte un rapport sur l’état d’avancement de la stratégie Europe 2020, un bilan de la mise en œuvre du Pacte pour la croissance et l’emploi décidé lors du Conseil européen des 28 et 29 juin 2012 et une analyse du rôle du budget de l’Union dans le processus du semestre européen qui mette en évidence ses effets multiplicateurs et complémentaires par rapport aux politiques et investissements développés à l’échelon local, régional et national.

ANNEXE

ANNEXE 1:

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA MISSION D’INFORMATION

– M. Jean-Claude Trichet, ancien président de la Banque centrale européenne et gouverneur honoraire de la Banque de France, entendu dans le cadre des auditions de la commission des Affaires européennes ;

– M. Jean-Luc Schneider, directeur adjoint chargé des études de politique économique, M. Alain de Serres, chef de la division de la surveillance des politiques structurelles, M. Hervé Boulhol, chef du bureau France-Pologne, M. Andres Fuentes, chef du bureau Allemagne-Estonie, et M. Jean-Marc Fournier, économiste, au sein du département des affaires économiques de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.

2 Le « six-pack » désigne les règlements n° 1173/2011 à 1177/2011 du 16 novembre 2011 et la directive n 2011/85/UE du 16 novembre 2011, entrés en vigueur le 13 décembre 2011. Ce « paquet législatif » révise le pacte de stabilité et de croissance et l’enrichit d’un mécanisme de surveillance des déséquilibres macro-économiques.

3 Données tirées des rapports annexés aux projets de loi de finances pour 2013 et de loi de programmation.