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N° 1118

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 juin 2013.

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)

sur
le programme Erasmus ,

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Sandrine DOUCET,

Députée

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; Mmes Annick GIRARDIN, Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; MM. Christophe CARESCHE, Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, M. André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Emeric BREHIER, Jean-Jacques BRIDEY, Mme Nathalie CHABANNE, M. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, M. Yves DANIEL, MM. Charles de LA VERPILLIÈRE, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Marc LAFFINEUR, Mme Axelle LEMAIRE, MM. Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Arnaud LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY, Mme Paola ZANETTI.

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I. « ERASMUS POUR TOUS » VERSUS « YES EUROPE » 7

II. RENFORCER L’ACCÈS À LA MOBILITÉ POUR TOUS 7

III. OFFRIR DES GARANTIES SUBSTANTIELLES EN CE QUI CONCERNE LE MÉCANISME DE GARANTIE DE PRÊT 8

TRAVAUX DE LA COMMISSION 9

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE 11

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le programme Erasmus est un programme emblématique de l’Union européenne à un double titre : une notoriété et un succès jusqu’ici non démentis. La proposition de règlement « Erasmus pour tous » a pour objet, sous la forme d’un règlement, de présenter le nouveau cadre légal pour les années 2014-2020.

Ce règlement vise à remplacer le programme pluriannuel pour les années 2007-2013 qui se déclinait en différents programmes pour l’éducation, sous le vocable « Éducation et formation tout au long de la vie ». En effet, le projet de règlement pour 2014-2020, rassemble sous le nom « Erasmus pour tous » les différents programmes relatifs à la mobilité, Erasmus, Comenius, Grundtvig et Leonardo da Vinci, auquel il agrège un programme spécifique pour la Jeunesse et un pour le Sport.

Les objectifs de la Commission européenne sont ambitieux. Outre un objectif affirmé de démocratisation, elle entend répondre aux impératifs de la stratégie « Europe 2020 » qui fait de la mobilité des travailleurs ainsi que de l’acquisition d’un haut niveau de qualification une des clés d’une « croissance intelligente, inclusive et durable ». La construction d’une identité et d’une citoyenneté européennes n’est en rien absente même si elle n’est pas l’objectif premier.

Pour y répondre, la Commission envisage, dès lors, de favoriser la mobilité de 5 millions de personnes d'ici 2020, à comparer à l'estimation de 2,8 millions de bénéficiaires du programme 2007-2013. Le programme pour 2014-2020 prévoit donc une enveloppe globale de 19,1 milliards d'euros dont 63 % devrait être attribués à l'action clé, la mobilité des individus à des fins d'apprentissage.

Le projet de règlement Erasmus pour tous répond partiellement à ces ambitions, à travers trois dispositifs. Trois novations sont à relever qui visent à favoriser l’accès à la mobilité de l’ensemble des citoyens européens :

– la création d’une enveloppe globale consacrée à l’éducation, sans distinction de programmes, qui ouvre la possibilité d’une mobilité professionnelle au sein de l’espace communautaire, à tous les âges de la vie, sous différentes formes et durée, d’où le choix du vocable « Erasmus pour tous » ;

– la mise en place d’un dispositif destiné à élargir le financement de la mobilité, sous une forme autre que celle des bourses allouées aux étudiants, par un mécanisme de garantie de prêts, pour la préparation d’un master sur une ou deux années, à hauteur maximale de 12 000 euros par an pour un an et de 18 000 euros pour deux ans ;

– une augmentation du budget alloué à l’ensemble de ce programme pour les années 2014-2020.

La fongibilité entre les différentes actions en faveur de la mobilité se trouve encadrée par un pré-fléchage des crédits attribués en fonction des différents secteurs éducatifs. Ainsi les dotations au sein de l’éducation ne peuvent-elles être inférieures à 25 % pour l’enseignement supérieur, 17 % pour l’enseignement et la formation professionnels, dont 2 % pour l’apprentissage des adultes, 7 % pour l’enseignement scolaire, et 7 % pour la jeunesse. Il importe, néanmoins, de s’assurer que la fongibilité des crédits ne se traduise pas par une sous-dotation des actions dans les secteurs les moins favorisés que sont la formation professionnelle, les filières techniques et l’apprentissage.

Trois enseignements principaux peuvent être retirés des différentes auditions que votre rapporteure a pu mener, à Bruxelles, Bordeaux et Paris.

En premier lieu, la demande d’un accès renforcé aux programmes de mobilité européenne et internationale quels que soient l’âge et le niveau de formation des apprenants est une préoccupation de l’ensemble des acteurs de terrain rencontrés tant en France qu’à l’étranger. C’est en enjeu crucial au niveau européen et national afin de favoriser notamment un haut niveau d’employabilité.

Deuxièmement, il apparaît indispensable pour répondre aux enjeux qui précèdent de renforcer les structures au sein des établissements destinés à assurer cette mobilité professionnelle, notamment par la mise en place de dispositifs de formation pérenne dotés de moyens humains et financiers ambitieux ;

Troisième élément, une meilleure allocation des bourses en fonction de critères socio-économiques afin de favoriser la mobilité des personnes pour lesquelles les freins économiques se combinent aux freins culturels semble nécessaire pour répondre à l’hétérogénéité des réponses sur les divers territoires des Etats membres.

Le projet de règlement relatif à Erasmus pour tous est actuellement en discussion. A ce stade des négociations avec le Parlement européen et le Conseil, les co-législateurs semblent animés d’une volonté commune d’aboutir à un vote de la base légale d’ici la fin juin. Néanmoins aucun programme pour la période 2014-2020 ne sera adopté sans un accord préalable sur les perspectives financières 2014-2020.

Si les négociations sur le cadre financier pluriannuel (CFP) aboutissent, la base légale du programme devrait pouvoir être votée malgré tout d’ici la fin du mois.

Le projet de résolution que nous présentons devant votre commission a pour objet de souligner les dispositions de la base légale qui mériteraient d’être amendés même si les parlements nationaux ne sont pas partie intégrante au processus législatif en cours.

Trois d’entre elles méritent également d’être soulignés, notamment au regard de l’objectif de démocratisation : le maintien du nom du programme proposé par la Commission « Erasmus pour tous » ; le renforcement de l’accès à la mobilité en particulier pour les formations professionnelles et d’apprentissage, l’apport de garanties substantielles en ce qui concerne le mécanisme de garantie de prêt.

I. « ERASMUS POUR TOUS » VERSUS « YES EUROPE »

Mme Doris Pack, rapporteure du projet de règlement devant le Parlement européen a proposé de renommer le programme « Yes Europe », pour « Youth Education and Sport ».

Les arguments qui militent pour la préservation de l’appellation actuelle sont nombreux : défense du multilinguisme, label et notoriété du nom du programme, symbole de l’humanisme incarné par le nom d’Erasme. Votre rapporteure propose donc de soutenir la position française au Conseil en demandant le maintien du nom proposé par la Commission : « Erasmus pour tous » ; outre le fait que le terme « pour tous » rappelle également l’enjeu de démocratisation inhérent à ce programme.

II. RENFORCER L’ACCÈS À LA MOBILITÉ POUR TOUS

De nombreuses études ont souligné l’aspect peu démocratique du programme Erasmus dans sa version uniquement consacrée aux étudiants. Votre rapporteure en citera une seule, à titre d’exemple : « L’autre réalité du programme Erasmus : affinité sélective entre établissements et reproduction sociale des étudiants » (de Magali Balatore et Thierry Blöss).

La Commission européenne donne une autre explication à la faible représentation d’étudiants venant de milieux défavorisés bénéficiaires du programme Erasmus : l’accès au programme Erasmus étant limitée à la licence, la part d’étudiants en échec scolaire étant plus élevée dans les milieux défavorisés, cela expliquerait que la faible représentativité des étudiants issus de milieux défavorisés dans le programme Erasmus ne serait pas la conséquence d’une trop forte sélectivité de ce programme mais du défaut d’indicateur choisi.

Pour renforcer l’accès à la mobilité il me paraît dès lors judicieux de faire porter l’effort financier du programme en renforçant la mobilité des apprenants en formation professionnelle ainsi qu’à ceux en dispositif d’apprentissage.

De plus, pour inciter les jeunes à la mobilité quel que soit leur milieu d’origine il s’avère nécessaire de développer la formation à la mobilité des personnels administratifs destinés à s’occuper de ces formations. De même, cette formation doit également déboucher sur des structures intégrées au sein des différents établissements éducatifs afin de rendre l’incitation à la mobilité pérenne.

III. OFFRIR DES GARANTIES SUBSTANTIELLES EN CE QUI CONCERNE LE MÉCANISME DE GARANTIE DE PRÊT

La création d'un mécanisme de prêt garantissant le financement d'une à deux années de master dans une université européenne partenaire peut sembler a priori une bonne idée. C'est une novation s'adressant aux étudiants en master ne pouvant financer sur leurs fonds propres leur scolarité à l’étranger, non éligibles aux autres programmes, et souhaitant néanmoins effectuer une mobilité universitaire. La garantie qui leur est offerte n'est pas négligeable à condition que l’accès au prêt se fasse sur les seuls critères académiques, et que la sélection ne s’opère pas en fonction du cursus envisagé ou du profil socio-économique des emprunteurs.

Pour éviter un surcroît d’endettement et qu’une part de l’enveloppe budgétaire y soit substantiellement allouée, il s’avère nécessaire, en accord avec la position française au sein du Conseil, d’inscrire dans la base légale le caractère expérimental de ce dispositif, de préciser le niveau de garanties offert aux étudiants, et surtout de limiter son extension à 2 % de l’enveloppe globale.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 5 juin 2013, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

La Commission a approuvé à l’unanimité la proposition de résolution ci-après.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

L'Assemblée nationale,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu les articles 6, 9 et notamment les articles 165 et 166 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la décision n° 1720/2006/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 novembre 2006 établissant le programme d’action « Éducation et formation tout au long de la vie »,

Vu la décision n° 1298/2008/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 établissant le programme d’action « Erasmus Mundus »,

Vu les conclusions du Conseil de l’Union européenne du 12 mai 2009 appelant à la mise en place d’un cadre stratégique pour la coopération européenne dans le domaine de l’éducation et de la formation (Éducation et Formation 2020),

Vu la communication de la Commission du 29 juin 2011 intitulée « Un budget pour l’Europe » recommandant un programme unique dans le domaine de l’éducation, de la formation, de la jeunesse et du sport,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil (COM n° 788/2011 du 23 novembre 2011) établissant « Erasmus pour tous » le programme de l’Union européenne pour l’éducation, la formation, la jeunesse et le sport,

Vu la position adoptée par le Conseil le 11 mai 2012,

Considérant que l’Union européenne et les États membres doivent assurer un niveau élevé d’éducation et de formation professionnelle tout au long de la vie conformément aux objectifs de la stratégie « Europe 2020 », afin de promouvoir « une croissance intelligente, durable et inclusive » ;

Considérant également que pour assurer les objectifs de plein-emploi, et la réalisation effective du marché intérieur, l’Union européenne et les États membres doivent favoriser la mobilité professionnelle des travailleurs européens, notamment par une reconnaissance mutuelle des diplômes et des compétences professionnelles ;

Considérant que les programmes Erasmus, Comenius, Grundtvig et Leonardo da Vinci ont rencontré un succès confirmé dans la durée et participent autant à la construction d’une identité européenne, à la mobilité des apprenants européens qu’à une meilleure employabilité de ceux-ci au sein de l’espace communautaire ;

Considérant que le projet de règlement établissant « Erasmus pour tous », actuellement en discussion, prévoit une fusion de l’ensemble des programmes susmentionnés dans une même enveloppe budgétaire, à laquelle s’ajoutent également deux programmes, l’un relatif à la jeunesse, l’autre relatif au sport ;

Considérant que l’objectif de démocratisation des programmes Erasmus doit être entendu comme le fait de renforcer et de faciliter l’accès à la mobilité internationale à l’ensemble des citoyens qui y seraient intéressés ;

1. Soutient la position de la France au sein du Conseil en faveur du maintien du nom de ce programme sous le vocable « Erasmus pour tous », seul à même d’identifier précisément auprès des citoyens européens le contenu de celui-ci et de respecter le multilinguisme ;

2. Ne s’oppose pas au principe de la création d’un mécanisme de garantie de prêt, destiné à financer la mobilité des étudiants dans le cadre de leur master, à condition que son caractère expérimental soit expressément mentionné dans la base légale, que des garanties sociales soient apportées, qu’il ne vise ni à réduire ni à remplacer le nombre de bourses, et que la part du budget consacrée à cet instrument ne dépasse pas 2 % du budget total du programme ;

3. Souhaite que le renforcement de la fongibilité entre les différents types de programmes ne se traduise pas par une asymétrie au détriment d’actions en faveur des publics les moins enclins, pour des raisons sociales et économiques, à la mobilité européenne et internationale ;

4. Demande, afin de répondre à l’objectif d’une démocratisation du programme « Erasmus pour tous » :

- que la part de l’enveloppe budgétaire consacrée aux mobilités destinées à la formation professionnelle, à la formation technique et notamment à la formation en alternance, soit augmentée ;

- que la part de l’enveloppe budgétaire destinée à la formation des personnels administratifs en charge de l’organisation des mobilités au sein des États membres soit également augmentée pour ne plus reposer sur la seule initiative et la bonne volonté de quelques personnels motivés ;

- que la formation des personnels administratifs au sein des États membres soit à la fois l’objectif d’une politique à part entière, et d’une politique intégrée aux seins des établissements éducatifs pour encourager et développer les actions en faveur de la mobilité internationale ;

- que soient reconnues, au même titre que les mobilités ouvertes dans le cadre du programme Erasmus, les mobilités proposées dans le cadre de formations en alternance, notamment celles relatives aux ingénieurs ;

5. Souhaite également que les États membres développent une politique plus volontariste, notamment par la modulation des bourses allouées aux étudiants en fonction de critères socio-économiques ;

6. Demande que l’enveloppe budgétaire prévue par la Commission européenne pour le programme « Erasmus pour tous » sur la période 2014-2020 soit adoptée au niveau proposé.

1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.