______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUATORZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 septembre 2014.
RAPPORT D’INFORMATION
DÉPOSÉ
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES(1)
portant observations
sur le projet de loi n° 2188 relatif à la transition énergétique pour la croissance verte,
ET PRÉSENTÉ
PAR Mme Danielle AUROI,
Députée
——
La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; Mmes Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; MM. Christophe CARESCHE, Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, M. André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, MM. Philip CORDERY, Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Arnaud LEROY, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Rémi PAUVROS, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY.
___
Pages
SYNTHÈSE DU RAPPORT 7
INTRODUCTION 17
PREMIÈRE PARTIE : LA POLITIQUE ENERGÉTIQUE DOIT ASSURER LA TRANSITION VERS UNE ECONOMIE SOBRE EN CARBONE QUI TIENNE COMPTE DE L’URGENCE ENVIRONNEMENTALE ET DES NOUVELLES CONTRAINTES INTERNATIONALES 21
I. L’URGENCE CLIMATIQUE IMPOSE DE METTRE EN œUVRE LA TRANSITION ENERGETIQUE AU PLUS TOT 21
A. UNE OFFRE ÉNERGÉTIQUE DE PLUS EN PLUS COÛTEUSE AU PLAN ENVIRONNEMENTAL 21
1. Un changement climatique mis en évidence par la communauté scientifique et dont la responsabilité humaine est désormais difficilement contestable 21
2. Le réchauffement climatique entrainerait un ensemble de modifications dans nos modes de vie dont les conséquences sont alarmantes mais difficilement mesurables 22
B. LE CARACTÈRE IRRÉVERSIBLE DES DOMMAGES CAUSÉS PAR LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE DEMONTRE LA NÉCESSITÉ D’UNE ACTION INTERNATIONALE VOLONTARISTE 23
II. DE NOUVELLES CONTRAINTES INTERNATIONALES PLAIDENT EGALEMENT POUR LA TRANSITION VERS UN AUTRE MODELE ENERGÉTIQUE 24
A. UN CONTEXTE MONDIAL EN PLEINE MUTATION 24
1. L’augmentation des besoins énergétiques : une demande pour couvrir des besoins croissants et diversifiés 24
2. Les pays émergents réclament le droit aux mêmes niveaux de développement que ceux des anciens pays industrialisés 25
a. Une répartition de la consommation mondiale en pleine évolution 25
b. Des rythmes différents qui traduisent des phénomènes de rattrapage 25
c. Le droit au développement réclamé par certains pays peut conduire à rendre plus difficile la croissance vers une économie plus sobre en énergie 26
B. DES CONTRAINTES GEOPOLITIQUES ET LE RISQUE D’EPUISEMENT DES SOURCES D’ENERGIE FOSSILE FONT DE L’ENERGIE UN SECTEUR SENSIBLE ET STRATEGIQUE 27
1. L’énergie s’affirme de plus en plus comme un instrument de politique internationale 27
a. La possession relativement concentrée des sources d’énergie place les acteurs dans des positions variables 27
b. Les situations d’instabilité qui pourraient découler de la concentration des ressources 28
2. L’instabilité des prix de l’énergie 28
DEUXIÈME PARTIE : LE PROJET DE LOI S’INSCRIT PLEINEMENT DANS LA DEMARCHE EUROPEENNE D’UNE TRANSITION ENERGETIQUE AMBITIEUSE 31
I. LA PLACE DE L’ENERGIE AU SEIN DU PROJET EUROPEEN A CONDUIT L’EUROPE VERS UN ROLE PILOTE AU NIVEAU MONDIAL 31
A. L’ÉNERGIE A ÉTÉ DÈS L’ORIGINE AU CœUR DU PROJET EUROPEEN, LUI PERMETTANT D’AFFIRMER PROGRESSIVEMENT UNE AMBITION DE PILOTE MONDIAL DANS LE DOMAINE DES NEGOCIATIONS CLIMATIQUES 31
1. L’énergie, un des premiers moteurs de la construction européenne 31
2. L’Union européenne, vers un rôle de pilote des négociations climatiques et de la transition énergétique 32
a. Le protocole de Kyoto a permis de réelles avancées mais s’est heurté à des limites difficiles à surmonter 32
b. Après Kyoto : vers un nouveau cadre pour la période post-2020 33
B. LE NOUVEAU PAQUET ENERGIE-CLIMAT VISE À APPROFONDIR LES EFFORTS ENGAGES DES 2008 VERS UN MODE DE DEVELOPPEMENT PLUS SOUTENABLE 35
1. Des objectifs ambitieux à l’horizon 2020 35
2. Un second paquet énergie-climat pour aller plus loin dans la transition énergétique 37
a. Une feuille de route pour 2050 37
b. La directive relative à l’efficacité énergétique 37
c. Le Livre vert de la Commission et le second paquet énergie-climat 38
3. Vers une Union de l’énergie ? 39
II. LE PROJET DE LOI SUR LA TRANSITION ENERGETIQUE PROLONGE CETTE AMBITION AU PLAN NATIONAL 43
A. LE PROJET DE LOI RELATIF À LA TRANSITION ENERGETIQUE FIXE LES OBJECTIFS ET FOURNIT DES OUTILS UTILES POUR LA CONSTRUCTION D’UN NOUVEAU MODELE ENERGETIQUE FRANÇAIS 43
1. Titre Ier : définition des objectifs communs 43
2. Titre II : une meilleure rénovation des logements pour améliorer l’efficacité énergétique et créer de la croissance 45
3. Titre III : développer les transports pour améliorer la qualité de l’air et protéger la santé 46
4. Titre IV : lutter contre les gaspillages et promouvoir l’économie circulaire : de la conception des produits à leur recyclage 47
5. Titre V : favoriser les énergies renouvelables pour diversifier nos énergies et valoriser les ressources de nos territoires 48
6. Titre VI : renforcer la sureté nucléaire et l’information des citoyens 51
7. Titre VII : simplifier et clarifier les procédures pour gagner en efficacité et en compétitivité 56
8. Titre VIII : donner aux citoyens, aux collectivités et à l’État le pouvoir d’agir ensemble. 58
B. DES MESURES SUPPLÉMENTAIRES QUI PERMETTRAIENT DE COMPLETER LES OBJECTIFS DU PROJET DE LOI ET D’AFFIRMER L’AMBITION FRANCAISE DE CONTRIBUER À L’EMERGENCE D’UNE UNION DE L’ENERGIE 61
1. Promouvoir de façon plus ambitieuse encore la recherche et l’expérimentation pour les énergies renouvelables et encourager les initiatives en matière d’efficacité énergétique 61
2. Impliquer davantage le public et les collectivités 62
3. Affirmer le rôle de la France dans la promotion d’une Union européenne de l’énergie 63
D’après un sondage Eurobaromètre sorti en septembre 2014, 95 % des 28 000 personnes résidant dans l’ Union européenne interrogées jugent importante la protection de l’environnement, et 59 % des personnes interrogées considèrent que, pour mesurer les progrès réalisés dans leur pays, les facteurs sociaux et environnementaux devraient être pris en compte au même titre que les critères économiques. Ces données illustrent bien le poids croissant accordé au sujet environnemental par les Européens, qui souhaiteraient parfois que leur gouvernement aille plus loin dans ce domaine. Ils sont même 88 % à souhaiter que plus de fonds soient alloués par l'Union européenne pour soutenir des activités respectueuses de l'environnement.
L’ Union européenne est souvent apparue à la pointe dans les négociations environnementales (et notamment climatiques) internationales : qu’il s’agisse des accords de Kyoto, dans lesquelles on connaît son poids déterminant pour faire vivre le Protocole, puis le prolonger, ou de la mise en place d’un marché de quota d’émissions du gaz carbonique. A un an de la Conférence sur le climat qui se tiendra à Paris, l’Union européenne va devoir une nouvelle fois éprouver sa capacité à s’unir sur ces sujets majeurs, tandis que le cinquième rapport du GIEC ne laisse plus de doute sur la réalité et l’aggravation du changement climatique, et la responsabilité humaine à laquelle il incombe.
*
* *
Aujourd’hui, la question énergétique ne peut plus être dissociée de l’ impact anthropique sur l’environnement, et particulièrement de ses répercussions sur le réchauffement climatique. Selon les chiffres de l’AIE, la combustion d’énergie a été à l’origine de 95 % des émissions totales de CO2, elles-mêmes contributrices à hauteur de 76,5 % des gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique.
Les effets du réchauffement climatiques sont multiples et demeurent difficiles à anticiper, mais transformeront profondément la vie telle que nous la connaissons, avec :
- des phénomènes météorologiques plus violents ;
- la fonte des glaciers, et la diminution des ressources en eau ;
- la montée du niveau de la mer, avec des inondations et des déplacements de population importants et difficilement contrôlables ;
- le phénomène des réfugiés climatiques conséquent.
Cette réalité impose de reconsidérer notre rapport à l’énergie, d’autant plus que le contexte mondial de sa production et de son utilisation est en pleine mutation, et que l’énergie constitue également un enjeu stratégique.
Plusieurs phénomènes s’additionnent qui rendent le contexte mondial plus complexe :
- l’accroissement de la demande, marqué par un déplacement de son centre de gravité géographique vers les grands émergents souvent très polluants ;
- une intensité énergétique qui reste très différente selon les pays, avec des modes de croissance plus ou moins sobres en énergie ;
- un phénomène de rattrapage des émergents qui explique leur demande à une application différenciée des contraintes environnementales pour ne pas entraver un développement économique encore fragile ;
- un équilibre difficile à trouver dans la relation entre les pays possesseurs des réserves énergétiques, les pays d’exploitation, et les pays de consommation, ces trois réalités pouvant se recouper dans des configurations différentes et potentiellement désavantageuses pour certains acteurs ;
- la montée des prix de l’énergie et de leur volatilité qui pèse sur la compétitivité des pays dépendants, tels que la majeure partie des pays de l’Union européenne.
*
* *
Face à ce jeu de contraintes, l’Union européenne se trouve confrontée à un triple défi :
- assurer son approvisionnement de façon sûre pour ne pas souffrir de sa dépendance énergétique vis-à-vis de l’extérieur, l’Union étant structurellement importatrice d’énergie ;
- maintenir sa compétitivité alors qu’elle ne se trouve pas en position de fixer les prix du fait de sa demande toujours supérieure à son offre ;
- promouvoir un modèle de croissance durable.
Mais la construction européenne s’est elle-même bâtie sur la solidarité énergétique, dès les premiers traités, et cette préoccupation n’a cessé d’être présente en Europe. D’autant plus que les ressources énergétiques européennes semblent de plus en plus limitées et ne suffisent plus à alimenter le moteur de sa croissance.
L'article 194 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne indique que la politique européenne de l'énergie vise à :
- assurer la sécurité de l'approvisionnement dans l'Union ;
- assurer le fonctionnement du marché de l'énergie ;
- promouvoir l'efficacité énergétique et les économies d'énergie ainsi que le développement des énergies nouvelles et renouvelables ;
- promouvoir l'interconnexion des réseaux énergétiques.
L’Europe a été très active sur la scène internationale lors des négociations climatiques : il semblerait même que ce soit l’un des rares secteurs pour lesquels elle puisse affirmer une position de leader dans la communauté mondiale. L’ Union a ainsi été à la manœuvre lors des négociations des accords de Kyoto et pour faire vivre son protocole, quand d’autres acteurs mondiaux majeurs, comme les États-Unis, ne le mettaient jamais à exécution après l’avoir signé (mais non ratifié).
La conclusion de ces accords a conduit l’Europe à adopter une législation portant la marque de cet effort en direction d’une meilleure préservation du climat : c’est le sens du premier paquet énergie-climat adopté en 2009.
Il comprenait les objectifs suivants à l'horizon 2020 :
- une réduction des émissions de CO2 de 20 % par rapport à 1990 ;
- une part de 20 % d'énergies renouvelables dans l'énergie consommée ;
- une réduction de 20 % de la consommation énergétique par rapport aux projections faites en 2007 (objectif sans valeur juridiquement contraignante).
Une directive sur l’efficacité énergétique entrée en vigueur le 4 décembre 2012 devait permettre d’atteindre l’objectif fixé par l'Union dans la stratégie Europe 2020 d'accroître de 20 % l'efficacité énergétique d'ici à 2020.
Parmi les mesures phares de la directive :
- l’obligation pour les États membres de fixer des objectifs indicatifs nationaux d'efficacité énergétique et leur notification à la Commission ;
- l’obligation d’exemplarité pour le secteur public : à partir du 1er janvier 2014, les administrations centrales devaient rénover 3 % des bâtiments qu'elles possèdent et occupent, et tenir compte de l'efficacité énergétique dans leurs procédures de marchés publics.
La Commission européenne a présenté le 22 janvier 2014 une proposition pour un deuxième paquet-énergie climat sur la base des objectifs fixés par le précédent paquet et la feuille de route pour 2050. Ce second paquet énergie-climat comprend les objectifs suivants :
- un nouvel objectif contraignant de réduction des émissions de GES de 40 % en 2030 par rapport au niveau de 1990 ;
- une part de 27 % d’énergie renouvelable à atteindre au niveau européen ;
- l’amélioration de l’efficacité énergétique.
La question se pose aujourd’hui de réaliser entre les 28 États membres une véritable Union de l’énergie. Celle-ci pourrait représenter l’horizon d’un projet de croissance reposant sur un modèle économique plus soutenable, créateur d’emploi et vecteur d’une nouvelle dynamique d’approfondissement de la construction européenne.
L’édification d’un service public européen de l’énergie et de la transition écologique apparait comme une piste de réflexion intéressante, et largement plébiscitée, sur la voie du renforcement de l’Union. Mais pour réaliser les investissements indispensables à ce secteur public européen d’avenir, la question des moyens budgétaires alloués à l’Union devra être reposée. Ces services publics européens exigeront des ressources financières sans commune mesure avec le budget presque confidentiel (moins de 1 % du PIB) que lui accordent les États membres.
*
* *
Le projet de loi relatif à la transition énergétique représente une étape indispensable dans l’application à la France de cet ensemble d’orientations européennes. Il s’inscrit pleinement dans le mouvement de transition vers une croissance plus soutenable en termes environnementaux et permet un ensemble d’innovations qui doivent être saluées, mais pourrait toutefois afficher encore plus d’ambition sur certains des sujets abordés.
Le titre 1er du projet de loi affirme les objectifs à atteindre afin de réaliser une transition énergétique qui préserve l’indépendance de la France et s’inscrive dans l’effort européen de lutte contre le réchauffement climatique.
Sont fixées les grandes orientations de la politique énergétique nationale :
- favoriser l’émergence d’une économie sobre en énergie ;
- assurer la sécurité de l’approvisionnement ;
- préserver la santé humaine et l’environnement ;
- garantir la cohésion sociale et territoriale.
Certains engagements pris par le Président de la République au cours des deux premières conférences environnementales sont inscrits dans la loi :
- baisser la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025 ;
- réduire de 40 % de nos émissions de gaz à effet de serre en 2030, les diviser par quatre en 2050, par rapport à la référence de 1990 ;
- réduire de moitié la consommation d’énergie à l’horizon 2050 par rapport à 2012.
Les notions de « territoire à énergie positive », de « croissance verte » et « d’économie circulaire » apparaissent dans la loi afin d’associer tous les acteurs dans la recherche de l’efficacité énergétique.
La lutte contre les risques industriels majeurs ne compte parmi les principes de la nouvelle politique énergétique énoncés à l’article 1er, le principe de la prise en compte des interactions entre la transition énergétique et la préservation de la biodiversité auraient également mérité de notre point de vue d’apparaitre au sein des principes défendus par la loi.
*
* *
Les titres II à IV se penchent sur les économies d’énergie qui pourraient être réalisées dans les secteurs du bâtiment et des transports. Ils posent également les jalons du développement de l’économie circulaire.
Le titre II réunit des dispositions législatives qui visent à combiner trois objectifs :
- promouvoir une meilleure isolation des bâtiments ;
- réaliser des économies d’énergie ;
- créer de nouveaux gisements d’emplois dans le secteur de la construction.
Pour faciliter les rénovations et espérer atteindre le rythme annuel de 500.000 logements rénovés d’ici à 2017, des dérogations aux règles de l’urbanisme sont aménagées.
*
* *
Le titre III du projet de loi vise à réduire la pollution atmosphérique due aux transports routiers. Il comprend pour cela un ensemble de mesures destinées à favoriser le développement des véhicules propres :
- l’obligation pour les acteurs publics d’accroitre la part des véhicules propres pour arriver à des proportions minimales de 50 % des acquisitions pour l’ État et de 20 % pour les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que les entreprises nationales à partir de 2016 ;
- la possibilité pour le gouvernement de légiférer par ordonnance pour favoriser l’expérimentation de la circulation sur la voie publique de véhicules innovants.
Certaines mesures visent plus spécifiquement à réduire les émissions de gaz à effet de serre en agissant sur les modes de transport :
- par le biais d’engagements non contraignants des entreprises de grande distribution et d’actions de réduction des émissions de gaz à effet de serre produites dans leur activité logistique avec un bilan en 2017 ;
- par la possibilité donnée aux autorités compétentes locales d’adopter des mesures de restriction de la circulation en cas de mauvaise qualité de l’air ou dans certaines zones
L’amélioration de la qualité de l’air fera l’objet d’une planification nationale, avec des objectifs nationaux de réduction des émissions de polluants atmosphériques en 2020, 2025, 2030 et un plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) décliné dans les schémas des collectivités territoriales.
*
* *
Le titre IV introduit dans le droit français le concept d’économie circulaire, qui consiste à privilégier un mode de production et d’échanges prenant en compte la durabilité et le recyclage des produits ou de leurs composants afin qu’ils puissent être réutilisés ou redevenir des matières premières nouvelles, dans le but de réduire la consommation des ressources et d’améliorer l’efficacité de leur utilisation.
Des cibles sont précisément chiffrées pour 2020 avec notamment :
- la réduction de 7 % des quantités de déchets ménagers et assimilés produits par habitant ;
- l’orientation de 55 % des déchets dangereux non inertes en 2020 et 60 % en masse en 2025 vers des filières de valorisation ;
- la généralisation d’une tarification incitative en matière de déchets par les collectivités (avec l’objectif de couvrir 15 millions d’habitants à l’horizon 2020, et 25 millions d’ici à 2025) ;
- la valorisation de 70 % des déchets du secteur du bâtiment et des travaux publics.
*
* *
Le titre V vise à favoriser les énergies renouvelables pour diversifier les énergies et valoriser les ressources des territoires.
Le chapitre Ier prévoit la mise en œuvre de dispositifs pour développer les filières d’énergies renouvelables électriques :
- possibilité de créer un mécanisme de soutien sous la forme d’un « complément de rémunération » versé en complément de la vente sur le marché de l’électricité produite par les énergies renouvelables ;
- avec l’articulation prévue entre ce mécanisme et le mécanisme d’obligation d’achat existant pour rendre possible une adaptation par voie règlementaire aux différents types d’installation et une transition graduée vers une meilleure intégration au marché.
Le chapitre II est consacré aux concessions hydroélectriques, dans le but d’ harmoniser leur gestion à l’échelle des grandes vallées, d’améliorer la sécurité d’ exploitation, de réduire les impacts de l’hydroélectricité sur l’environnement et d’ exploiter au mieux le potentiel énergétique des cours d’eau.
Le projet de loi relatif à la transition énergétique renforce les exigences d’information et de sûreté du public et encadre plus précisément les conditions de mise à l’arrêt future des centrales nucléaires, en prévoyant :
- la tenue annuelle d’une réunion publique par la commission locale d’information CLI ;
- un renforcement des pouvoirs de contrôle de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) : pouvoirs de contrôle et de sanction plus gradués, nouvelle commission des sanctions, possibilité d’ordonner des tierces expertises.
La question de la gestion des déchets nucléaires nous apparait trop peu abordée dans la loi.
*
* *
Le titre VII se divise en deux chapitres qui visent à simplifier les procédures et à clarifier la régulation des marchés et des tarifs de l’électricité et du gaz. Parmi les mesures les plus remarquables :
- la définition plus précise du cadre législatif applicable aux tarifs réglementés de vente de l’électricité à partir de 2015, en tenant compte de la fin de la période de transition vers une nouvelle méthode de construction des tarifs réglementés ;
- la modification du volet économique du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) pour inciter aux investissements sur les réseaux en fournissant un cadre juridique plus sûr et une tarification économique comparable à celle pratiquée chez nos voisins européens.
*
* *
Le titre VIII vise à inscrire le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte dans une démarche participative qui rassemble les citoyens, les territoires, les entreprises et l’État d’agir ensemble dans une action commune. Un certain nombre d’outils de programmation, de recherche et de formation pour une gouvernance nationale de la transition énergétique sont instaurés au chapitre I :
- des budgets carbone ;
- une stratégie nationale bas carbone qui concrétisent les objectifs du projet de loi et permettront de disposer de références chiffrées pour une visibilité de la planification à quinze ans ;
- une programmation pluriannuelle (deux fois cinq ans) de l’énergie qui fusionne et complète les documents de programmation existants (programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité, plan indicatif pluriannuel des investissements dans le secteur du gaz et de la chaleur).
Le chapitre II énonce les règles de pilotage du mix électrique, dont le soin revient essentiellement à l’État.
Le chapitre III organise la transition énergétique dans les territoires en prévoyant le rôle de chef de file de la région dans le domaine de l’efficacité énergétique et en instaurant un plan climat air énergie territorial.
Le chapitre IV prévoit des dispositions spécifiques aux outre-mer et aux autres zones non-interconnectées.
*
* *
La Commission n’a pas exprimé une position article par article sur ce texte mais a souhaité expliciter, conformément à l’article 151-1-1, ses observations sur le contexte européen de la transition énergétique, et mentionner des pistes pour des améliorations possibles du texte. Parmi celles-ci, une plus grande importance pourrait être accordée à certains thèmes, comme la précarité énergétique et ses répercussions sociales, la qualité de l’air intérieur, le développement de la recherche et de l’innovation des énergies renouvelables, des moyens de stockage de l’énergie ou des véhicules propres et collectifs, le rôle des collectivités territoriales. Certaines mesures nous semblent pouvoir être renforcées, notamment sur les objectifs d’efficacité énergétique, la question de la gestion des déchets nucléaires ou de la stabilisation des procédures pour un développement plus serein des énergies renouvelables. La Commission a souhaité marquer son attachement particulier aux efforts qui devront être soutenus par notre pays dans la voie d’une Union européenne de l’énergie.
Sous réserve des remarques et ajouts contenus dans le rapport, la Commission des affaires européennes approuve les grands principes posés par le projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte ( n° 2188 ), les objectifs fixés et l’essentiel des mesures portées par ce texte ambitieux pour le passage à un mode de développement plus soutenable.
Mesdames, Messieurs,
A un peu plus d’un an de la Conférence climat qui se tiendra à Paris et dont l’horizon est de parvenir à un accord mondial sur le climat pour succéder au protocole de Kyoto, le sujet de la transition énergétique est un sujet majeur.
La Commission des Affaires européennes est engagée à plusieurs titres dans le suivi des problématiques de la transition énergétique, et notamment :
- avec le rapport annuel de MM. Jérôme Lambert et Bernard Deflesselles pour le suivi des négociations climatiques internationales et notre groupe de travail sur le climat ;
- avec la participation au groupe de travail conjoint, avec la Commission du développement durable et la Commission des Affaires étrangères, pour la préparation de la Conférence climat qui se tiendra à Paris en 2015. Ce groupe s'est réuni pour la première fois le 9 septembre 2014.
Le projet de loi relatif à la croissance énergétique pour la croissance verte comprend 8 titres, avec 3 grandes parties et 64 articles. C’est un texte programmatique, car il pose les grands principes et les objectifs de la transition énergétique française, mais laisse à une Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), qui sera adoptée ultérieurement, le soin du détail de sa mise en œuvre concrète. Cette première programmation devrait porter sur la période 2015-2018.
Les trois parties du texte en montrent les grandes priorités :
- priorité aux économies d’énergie (pour l’efficacité énergétique) ;
- diversifier notre mix énergétique (pour la promotion des énergies renouvelables et le renforcement de la sûreté nucléaire) ;
- agir ensemble, simplifier, mieux réguler (pour des gains de compétitivité liés à la simplification et une meilleure participation de tous les acteurs concernés).
Le projet contient des objectifs forts pour accélérer la transition énergétique parmi lesquels il faut souligner :
- la réduction des émissions de gaz à effet de serre françaises dans le but de contribuer pleinement à l’objectif européen d’une baisse de 40 % des émissions en 2030 par rapport à 1990 ;
- la diminution de la consommation d’énergies fossiles de 30 % à l’horizon 2030 ;
- la réduction de la part du nucléaire à 50 % de la production d’électricité en 2025 (73 % en 2013) ;
- le déploiement des énergies renouvelables pour qu’elles représentent 32 % de notre consommation énergétique finale en 2030.
Ces objectifs sont assortis d’outils utiles :
- des outils de programmation pour organiser la gouvernance de la transition énergétique :
o la programmation pluriannuelle de l’énergie qui fusionne les exercices existants dans les différents secteurs de l’énergie, avec des objectifs quantitatifs par filière et l’enveloppe des ressources publiques mobilisées ;
o des « budgets-carbone » et une stratégie de développement bas carbone afin de fixer par période de 5 ans des plafonds d’émission en application de nos engagements européens – sans oublier les risques du tout électrique que comporte une stratégie bas carbone qui ne peut être qu’une part de l’ensemble du projet ;
- des dispositifs d’action nouveaux :
o l’obligation de travaux d’efficacité énergétique à l’occasion des travaux de rénovation des bâtiments ;
o la réduction des émissions de GES liées au transport et à la grande distribution et à l’agriculture ;
o la simplification des procédures administratives applicables aux énergies renouvelables,
o le traitement des déchets que comprend la notion d’économie circulaire.
Il nous semble donc que le projet de loi propose certaines mesures ambitieuses et bienvenues afin de favoriser la transition énergétique. Même si l’application de certaines des dispositions reste conditionnelle aux mesures plus spécifiques qui seront adoptées dans la PPE, le texte n’en pose pas moins d’intéressants jalons. La question des moyens de sa mise en œuvre sera évidemment essentielle.
Cette proposition de loi intervient dans le contexte européen d’une discussion du second paquet énergie-climat et d’une révision de la directive sur l’efficacité énergétique.
La Commission européenne a publié, le 22 janvier 2014, une proposition en faveur de la politique énergie-climat à l’horizon 2030 pour succéder au premier paquet énergie-climat adopté en 2008, en vigueur jusqu’en 2020, qui prévoyait :
- de réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre,
- de porter à 20 % la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique européenne ;
- de réaliser 20 % d’économies d’énergie.
La nouvelle proposition de la Commission européenne contient des objectifs tels que :
- réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 40 % par rapport au niveau de 1990 ;
- porter à un niveau d’au moins 27% la part des énergies renouvelables, afin de rendre l’économie de l'Union plus compétitive, de réduire ses émissions de carbone et de créer de nouveaux emplois en lien avec ce secteur d’avenir.
L’objectif d’efficacité énergétique européenne qui figurait dans le paquet énergie-climat pour 2020 (augmenter l’efficacité énergétique de 20 %), n’a pas été repris dans la proposition de la Commission de janvier 2014. Il pourrait toutefois être réintégré, le nouveau Président de la Commission Jean-Claude Juncker s’étant déclaré favorable à un objectif contraignant pouvant aller jusqu’à une augmentation de 30 % de l’efficacité énergétique lors de son discours devant le Parlement européen le 15 juillet 2014.
Le projet de loi relatif à la transition énergétique s’inscrit donc dans un mouvement européen de passage à une économie moins « carbonée ». Ce nouvel horizon industriel pourrait être la perspective qui manque au projet européen et nourrir une forme de relance basée sur un modèle de développement plus durable.
Ce mouvement vise à fournir une réponse satisfaisante au triple défi énergétique que connaît l’Europe :
- le déséquilibre entre des réserves de source d’énergie fossile limitées et la demande, qui menace la sécurité de son approvisionnement et la place dans une situation de dépendance, dont les troubles en Ukraine nous font apercevoir les potentiels dangers ;
- le maintien de la compétitivité européenne face à des coûts de l’énergie croissants et de plus en plus volatiles ;
- le défi du réchauffement climatique, que l’Europe désire relever à la pointe en allant vers un rôle de pilote des négociations climatiques mondiales.
Mais la transition énergétique pourrait également être placée au cœur d’un approfondissement de la construction européenne (après ses phases successives d’élargissements) et voir se déployer une mobilisation nouvelle, positive et porteuse de projets, qui contribuerait à une croissance portée par un modèle plus soutenable. À cet égard, la position volontariste du projet de loi, pourvu que ses objectifs soient atteints, place la France dans la bonne configuration pour aller vers une Union de l’énergie.
C’est pourquoi notre rapport d’information pour observations, pris en application de l’article 151-1-1 de notre règlement, vise à illustrer le contexte actuel, européen et international, dans lequel s’inscrit la discussion du projet de loi sur la transition énergétique. Il s’efforce de rappeler les principaux textes européens auxquels la France a souscrits, et qui donnent des impulsions majeures à la forme de sa transition énergétique. Tout en saluant l’ambition d’un texte qui touche à de nombreux aspect de la transition énergétique, notre rapport tente également de dégager des voies d’amélioration du projet de loi, par lesquelles notre pays pourrait agir encore plus efficacement pour cette transition.
PREMIÈRE PARTIE : LA POLITIQUE ENERGÉTIQUE DOIT ASSURER LA TRANSITION VERS UNE ECONOMIE SOBRE EN CARBONE QUI TIENNE COMPTE DE L’URGENCE ENVIRONNEMENTALE ET DES NOUVELLES CONTRAINTES INTERNATIONALES
Les premiers volets du cinquième rapport du GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) sont très alarmants et confirment une réalité désormais indéniable : le réchauffement climatique, que les experts estiment à 0,85 °C depuis l'époque préindustrielle, est de façon « extrêmement probable » (soit une probabilité supérieure à 95 %, alors qu’elle était estimée à 90 % en 2007) le fait de l’accumulation des gaz à effet de serre (GES) produits par l’activité humaine. Dès lors, le plafond des 2°C de réchauffement, pris en référence dans les négociations climatiques comme le seuil à ne pas dépasser, pourrait être atteint dès 2030. La politique énergétique ne peut plus faire l’économie de mesures volontaires pour une transition vers un modèle énergétique de développement plus durable.
1. Un changement climatique mis en évidence par la communauté scientifique et dont la responsabilité humaine est désormais difficilement contestable
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a été constitué en 1988 à l’initiative du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) et de l’Organisation météorologique mondiale (OMM), dans le but de fournir une évaluation claire et objective des informations dont nous disposons afin de « comprendre les fondements scientifiques des risques liés au changement climatique d’origine humaine, cerner plus précisément les conséquences possibles de ce changement et envisager d’éventuelles stratégies d’adaptation et d’atténuation » (2).
Depuis 1988, le GIEC a publié des rapports d’information successifs confirmant la réalité du changement climatique au vu des informations scientifiques disponibles. Le cinquième rapport, dont les volets sont en cours de publication (pour une publication finale en octobre 2014) est plus inquiétant encore que le dernier, publié en 2007. Pour espérer limiter le réchauffement moyen à 2° C par rapport au niveau préindustriel, les émissions mondiales de gaz à effet de serre (les GES responsables de ce réchauffement) devront avoir été divisées par près de trois par rapport à leur niveau actuel. Cela signifierait de voir diminuer les émissions de GES dès 2020 pour les pays ayant souscrit à cet objectif dans le cadre de la convention de Cancun en 2016.
Le dioxyde de carbone est le principal contributeur parmi les gaz à effet de serre jugés responsables du réchauffement climatique (il contribue selon le rapport 2007 du GIEC à 76,7 % aux émissions de GES anthropiques). Il est très lié à l’utilisation humaine des sources d’énergie que sont le pétrole, le gaz naturel et le charbon, puisque selon les chiffres de l’AIE, la combustion d’énergie a été à l’origine de 95 % des émissions totales de CO2. Les émissions de CO2 continuent de croitre à un rythme de 3% par an : cela illustre toute la difficulté du passage à un modèle énergétique sobre en carbone.
2. Le réchauffement climatique entrainerait un ensemble de modifications dans nos modes de vie dont les conséquences sont alarmantes mais difficilement mesurables
Le réchauffement climatique entrainera des conséquences dramatiques, avec des effets multiples et difficiles à mesurer et à anticiper :
- des phénomènes météorologiques plus violents avec des hausses ou des baisses des précipitations mettant en cause les écosystèmes ;
- la fonte des glaciers, qui diminuerait les ressources déjà rares en eau potable et qui pourrait avoir de conséquences sur les courants marins ;
- la montée du niveau de la mer, qui aurait pour conséquence de provoquer des inondations et des déplacements de population importants et difficilement contrôlables ;
- le phénomène des réfugiés climatiques qui en découlerait serait vecteur d’instabilité sur des continents déjà en butte à d’importants problèmes de développement et d’un déséquilibre encore plus grand entre les pays industrialisés et les pays en développement.
La liste est longue des effets potentiels du réchauffement climatique, et certains d’entre eux sont déjà visibles : selon le Centre National de Données sur la neige et la glace (NSIDC), « la surface de la banquise arctique en 2008 est inférieure de 33 % par rapport à la moyenne de surface minimum mesurée entre 1979 et 2000 » (3).
B. LE CARACTÈRE IRRÉVERSIBLE DES DOMMAGES CAUSÉS PAR LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE DEMONTRE LA NÉCESSITÉ D’UNE ACTION INTERNATIONALE VOLONTARISTE
La prise de conscience des effets possiblement irréversibles du réchauffement climatique a poussé la communauté internationale à adopter des mesures afin de limiter les émissions de GES et mieux contrôler la dépense énergétique.
Les négociations climatiques internationales ont pour texte fondateur la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques ( CCNUCC ) signée à Rio en 1992. La Conférence des Parties ( Conference of the Parties, COP ) annuelle doit ensuite décider de l’application concrète des principes contenus dans la Convention. Cette Conférence se tiendra à Paris en décembre 2015, après Lima en 2014. Notre commission suit de près les travaux annuels de la Conférence sur le climat, puisque MM. Jérôme Lambert et Bernard Deflesselles rendent compte depuis plusieurs années de l’avancée des négociations et des enjeux des prochaines conférences dans un rapport annuel.
En 1997, la COP de Kyoto a abouti à la signature du protocole éponyme qui fixe pour la première fois un objectif de réduction de 5 % des émissions de gaz à effet de serre de 39 pays développés sur la période 2008-2012 par rapport à 1990. Mais les négociations ont été longues et certains pays particulièrement émetteurs de GES se sont ensuite retirés du Protocole complété par les Accords de Marrakech de 2001.
Depuis, la Conférence de Cancun de 2010 a permis une certaine relance des négociations internationales, puisque la Chine, l’Inde, le Brésil, les États-Unis, l’ Union et plus de cent pays représentant près de 80 % des émissions mondiales se sont engagés collectivement sur des mesures précises en faveur du climat.
Le coût des mesures destinées à lutter contre le changement climatique et à assurer la transition énergétique explique que les pays en développement demandent aux pays ayant déjà réalisé leur mutation industrielle de les aider à en assurer la charge (par des financements ou des transferts technologiques). Mais les rapports successifs du GIEC ont montré que les coûts engagés à présent sont bien inférieurs à ceux qu’entrainerait le prolongement de l’inaction. La Conférence de Paris de 2015 devrait être l’occasion d’une relance des accords internationaux sur le climat. La communauté internationale a en effet entériné le principe de la conclusion d’ici à 2015 d’un accord universel doté de force juridique qui devra entrer en vigueur en 2020 au plus tard et permettre une lutte efficace et mondiale contre le changement climatique (4).
II. DE NOUVELLES CONTRAINTES INTERNATIONALES PLAIDENT EGALEMENT POUR LA TRANSITION VERS UN AUTRE MODELE ENERGÉTIQUE
L’évolution du contexte énergétique mondial, dominée par un accroissement de la demande en énergie fossile du fait de l’émergence de grands pays, pose depuis quelques années et avec de plus en plus d’acuité la question de la soutenabilité de notre modèle de croissance. Face à des ressources dont le caractère épuisable apparait de façon plus évidente, et auxquelles l’accès n’est pas garanti, réduire la dépendance énergétique en allant vers un développement plus durable apparait inéluctable.
Le paysage énergétique international connaît une profonde mutation dont deux aspects méritent particulièrement d’être soulignés : la demande d’énergie croissante sur le plan mondial d’une part, et la diversification des flux et des acteurs internationaux d’autre part. Ces deux facteurs concourent à accroitre l’instabilité des échanges énergétiques.
1. L’augmentation des besoins énergétiques : une demande pour couvrir des besoins croissants et diversifiés
La consommation énergétique mondiale primaire est passée de 5,5 à 13,1 milliards de tep (tonne d’équivalent pétrole) entre 1971 et 2011, soit une croissance annuelle moyenne de 2,2 %. Sa croissance a été continue depuis quarante ans (5).
La consommation énergétique mondiale répond à un triple besoin :
- l’utilisation de l’électricité nécessaire aux activités générant de la croissance économique (industrie, agriculture et services) ;
- les besoins domestiques (chauffage, éclairage…) ;
- les transports.
Ces trois besoins croissent avec le niveau de développement économique et la croissance démographique. En raison du dynamisme démographique mondial (la population mondiale passera de sept milliards en 2010 à 9 milliards en 2050), les scénarios énergétiques de l’Agence internationale de l’énergie prévoient systématiquement une hausse soutenue de la demande énergétique dans l’avenir.
1. Les pays émergents réclament le droit aux mêmes niveaux de développement que ceux des anciens pays industrialisés
Cet accroissement de la demande est marqué par un déplacement de son centre de gravité géographique, puisqu’en 2013, l’Asie consommait 40 % de l'énergie primaire mondiale, contre 18 % en 1971. Acteur devenu incontournable dans le paysage énergétique mondial en raison d’un développement économique rapide et massif lors des décennies 1990 et 2000, La Chine est passée de 7 % en 1971 à 22 % en 2011.
À l’inverse, la consommation énergétique européenne tend à croître plus modérément, à un rythme de 0,5 % par an. Ainsi, si l’ensemble Europe/Russie consommait 39 % de l’énergie primaire mondiale en 1970, sa part est aujourd’hui tombée à 24 % (données AIE).
Ces rythmes géographiquement différenciés de croissance de la demande énergétique traduisent pour beaucoup des phénomènes de rattrapage tant économique que démographiques (la Chine est ainsi passée de 841 millions d’habitants en 1971 à 1,349 milliard).
Mais l’intensité énergétique reste très différente selon les pays :
- La consommation finale d’énergie par habitant est très inégale : elle est de 4,82 tonnes d’équivalent pétrole par habitant aux États-Unis en 2011, de 0,4 tep/habitant en Inde, de 1,22 tep en Chine et de 2,27 pour l’Union à 27 ;
- Rapportée au PIB, la consommation d’énergie finale reste relativement plus modérée dans l’Union à 27 en 2005 (81 tep/million de dollars en parité de pouvoir d’achat 2005) qu’aux États-Unis (114 tep/M US $ ppa 2005) ou qu’en Chine (160 tep/M US $ ppa 2005).
Ces écarts montrent que si l’intensité énergétique peut être plus faible rapportée à la population, cela n’empêche pas que les pays connaissent des modes de croissance plus ou moins intenses en énergie (et souvent, par conséquent, plus polluants : les émissions de CO2 de la Chine ont ainsi augmenté de 290 % depuis 1990).
Ces éléments doivent en outre être corrélés avec la forte pression démographique des pays en développement.
c. Le droit au développement réclamé par certains pays peut conduire à rendre plus difficile la croissance vers une économie plus sobre en énergie
Le sujet de la transition énergétique cristallise les débats du droit au développement et tend à opposer les nouveaux pays émergents, souvent plus pauvres et plus peuplés, aux anciens pays industrialisés.
Les négociations climatiques internationales devant mener à des efforts pour la transition vers un développement plus durable se sont en effet souvent heurtées au droit au développement réclamé par les pays émergents. Ceux-ci estiment illégitime de devoir inconditionnellement réduire leurs dépenses énergétiques polluantes alors qu’ils ont peu contribué jusqu’à récemment aux phénomènes de dégradations environnementales causés par la croissance des pays industrialisés depuis la Révolution industrielle.
Le débat sur la croissance des besoins énergétiques et leurs conséquences en matière de pollution et de dégradation climatique impose de mettre en balance deux objectifs. D’une part, celui d’utiliser l’énergie afin « d’optimiser les progrès à court terme au niveau individuel ou national (augmentation du PIB par habitant par l’utilisation des énergies fossiles bon marché) et, d’autre part, la nécessité de préserver à long terme les retombées bénéfiques communes (atténuer le changement climatique et réduire au maximum son impact sur les systèmes naturels et humains dans le monde entier) » (6).
La volonté internationale de répondre à la demande des pays en développement d’accompagnement sur le sentier d’un développement durable et résilient au changement climatique a mené à la décision de créer un nouvel instrument financier. Officiellement créé à Cancun en 2010, l’instrument du Fond Vert a été adopté par la Conférence climat de Durban fin 2011, destiné à accompagner les pays en développement dans la transition énergétique. Le Fond vert n’est à ce jour pas encore opérationnel.
A. DES CONTRAINTES GEOPOLITIQUES ET LE RISQUE D’EPUISEMENT DES SOURCES D’ENERGIE FOSSILE FONT DE L’ENERGIE UN SECTEUR SENSIBLE ET STRATEGIQUE
a. La possession relativement concentrée des sources d’énergie place les acteurs dans des positions variables
Les ressources énergétiques sont doublement concentrées :
- entre un nombre relativement restreint de grands fournisseurs qui prétendent utiliser l’énergie pour accroitre leur influence sur la scène internationale ;
- la demande entre les différents types de ressources énergétiques sont elles-mêmes encore peu diversifiées, puisque près de 80% de la demande énergétique mondiale se concentre encore sur les énergies fossiles, dont les réserves ne sont pas illimitées, et dont la combustion est selon l’AIE à l’origine de 95 % des émissions totales de CO2 en 2009.
Il faut souligner le déséquilibre persistant des rapports entre les pays qui disposent des sources d’énergie et des pays qui gèrent ces ressources, et sont souvent de grands pays consommateurs industrialisés. Cette relation déséquilibrée pose la question renouvelée du rapport pays industrialisés/pays émergents, et soulève le problème des coûts sociaux et humains supportés par les populations d’où sortent ces ressources.
Mais la possession de réserves énergétiques permet également à certains acteurs nationaux d’affirmer leur présence sur la scène internationale, au risque de mettre en cause la sécurité de l’approvisionnement énergétique pour certaines populations d’autre pays. Garantir aux utilisateurs un approvisionnement continu et approprié en énergie passe notamment par la réduction de la dépendance aux gros fournisseurs, elle-même liée à la diversification des sources d’énergie prônée par la transition énergétique. La dépendance de l’Union à l’égard des importations de pétrole est ainsi signalée par la Commission européenne dans sa communication de janvier 2014 visant à proposer un cadre d’action en matière de climat et d’énergie pour la période comprise entre 2020 et 2030. La Commission relève ainsi que « l’Agence internationale de l’énergie prévoit une dépendance accrue de l’Union européenne à l’égard des importations de pétrole, qui passera de 80 % aujourd’hui à plus de 90 % d’ici 2035 ». Le constat de la dépendance est le même pour les importations de gaz, puisque la dépendance à l’égard de ces importations devrait passer « de 60 % à plus de 80 % ».
De manière générale, les réserves mondiales d’énergie conventionnelle tendent à être détenues par un petit nombre d’État. Même si le développement des énergies non conventionnelles et renouvelables pourrait rebattre les cartes au plan mondial, la problématique persistante de l’accès à la ressource énergétique plaide pour la transition vers une économie plus sobre en énergie, et pour l’organisation des pays plus dépendants.
Les relations plus tendues entre la Russie et l’Union européenne depuis la crise ukrainienne ne manquent pas de mettre en lumière les risques inhérents à cette dépendance. La Russie est, en effet, le premier fournisseur de gaz naturel de l’ Union en 2007 (avec 40 % des importations, ce qui représente 19 % de la consommation totale de gaz de l'Union européenne, l’entreprise Gazprom fournissant à elle seule environ un tiers de la demande européenne de gaz) et le deuxième fournisseur de pétrole (avec 20 % des importations et 16 % de la consommation totale) (7). Une diminution des approvisionnements, comme cela a été le cas lors des précédentes crises russo-ukrainiennes ou russo-biélorusse survenues pour la distribution du gaz naturel, ont donc des conséquences économiques très concrètes pour l’ Union européenne. Par ailleurs, les investissements colossaux exigés pour entretenir les trois « super-gisements » fournissant l’essentiel du gaz naturel en Russie peuvent laisser planer le doute sur la capacité du pays à maintenir son niveau de fourniture.
Le cas du Niger, principal fournisseur d’uranium de l’industrie nucléaire française, peut également être évoqué. Si le contrat d’exploitation qui lie le pays au groupe français Areva a fini par être renouvelé le lundi 26 mai 2014, cela l’aura été au terme de négociations longues de dix-huit mois visant à rééquilibrer les relations. . Les effets réels de cette renégociation restent à évaluer pour le développement des populations concernées. Comme le rappelait un rapport récent d'Oxfam, en France une ampoule sur trois est éclairée grâce à l'uranium nigérien, tandis qu'au Niger 90 % de la population n'a pas accès à l'électricité.
De manière générale, la dépendance énergétique à des sources d’énergie fossile constitue un risque pour les pays dépendants, soumis à la conjoncture politique internationale. Il faut toutefois souligner la réciprocité de cette dépendance, dès lors que dans ce cas précis des relations entre la Russie et l’Union européenne, l’Union absorbe près de 70% des exportations de gaz russe.
La volatilité des prix de l’énergie est à mettre en rapport avec l’instabilité qui caractérise le marché de l’énergie. Cette instabilité tient à plusieurs raisons :
- les variations de la demande au regarde de la croissance économique (les périodes de recul entrainant mécaniquement une moindre demande énergétique, et la diminution des émissions polluantes) ;
- les variations de l’offre qui peuvent elles-mêmes tenir à un ensemble de motifs variés :
• déclin des réserves ou découvertes de nouvelles ressources (mais dont la durée d’exploitation pourrait être courte, comme c’est le cas pour le gaz de schiste) ;
• mise en œuvre de nouvelles technologies d’exploitation ( comme la fracturation hydraulique pour le gaz de schiste aux Etats-Unis ) ;
• instabilité politique et contexte international ( récemment, la crise libyenne a perturbé la production pétrolière du pays par exemple ) ;
- la spéculation financière, qui touche les produits énergétiques comme un ensemble d’autres matières premières, notamment alimentaires, conduit également à des mouvements de prix déconnectés des mouvements réels de l’offre et de la demande.
La question de la volatilité des prix de l’énergie est loin d’être anodine, car les répercussions sur l’économie réelle sont très conséquentes. Elle constitue une raison de plus de réduire la dépendance aux fournitures d’énergie en allant vers un mode de développement plus sobre dans sa consommation.
DEUXIÈME PARTIE : LE PROJET DE LOI S’INSCRIT PLEINEMENT DANS LA DEMARCHE EUROPEENNE D’UNE TRANSITION ENERGETIQUE AMBITIEUSE
III. LA PLACE DE L’ENERGIE AU SEIN DU PROJET EUROPEEN A CONDUIT L’EUROPE VERS UN ROLE PILOTE AU NIVEAU MONDIAL
A. L’ÉNERGIE A ÉTÉ DÈS L’ORIGINE AU CœUR DU PROJET EUROPEEN, LUI PERMETTANT D’AFFIRMER PROGRESSIVEMENT UNE AMBITION DE PILOTE MONDIAL DANS LE DOMAINE DES NEGOCIATIONS CLIMATIQUES
L’enjeu énergétique a été à la base des premiers traités européens, avec la Communauté européenne du charbon et de l’acier (traité de Paris signé par six pays : la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la République fédérale d’Allemagne (RFA), en 1951) et le traité Euratom de 1957, toujours en vigueur, sur l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire. La construction européenne prenait ainsi appui sur la mise en place d’institutions facilitant l’accès à l’énergie afin d’assurer pacifiquement la reconstruction industrielle du continent et son développement économique ultérieur. Le premier marché commun est celui de l’énergie. Il faut par ailleurs souligner que si l’Europe avait pu appuyer son développement industriel sur ses ressources propres, ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Si l’énergie a véritablement constitué le socle d’une construction européenne destinée à assurer une paix durable, les États européens ont compris tout l’intérêt d’accroitre leur solidarité dans ce domaine, eu égard à leurs situations spécifiques de dotation et de consommation. En effet, l’indépendance énergétique de l’Europe n’étant pas assurée (le continent a systématiquement besoin de plus d’énergie que celle qu’il est à même de produire), la question de la sécurité de l’approvisionnement est particulièrement sensible en Europe. L’Union européenne consomme aujourd’hui un cinquième de l’énergie dans le monde, mais possède très peu de réserves. Dès les années 1960, et avec une acuité encore plus marquée après les crises successives du pétrole dans les années 1970, la question de l’accès à la ressource a poussé les États à s’organiser, en mettant par exemple en commun des stocks de pétrole stratégiques.
Par la suite, le secteur de la production énergétique a connu de nombreuses transformations sous l’égide européenne. La relance de l’intégration européenne que constituait l’ Acte unique de 1986 a eu de profondes répercussions, puisque l’ objectif de créer un marché intérieur à l’horizon du 1er janvier 1993 a mené à la réorganisation du secteur et à la mise en cause des monopoles nationaux. La législation européenne a intégré des obligations de service public qui conditionnent l’exercice de la fourniture d’énergie par les grands acteurs, mais a surtout consisté depuis les années 1990 à libéraliser les marchés afin que la concurrence accroisse l’efficacité des différents secteurs, et que la libre-circulation de l’énergie soit plus effective.
Si l’ambition énergétique européenne semblait quelque peu limitée à la dérégulation et au décloisonnement des marchés de l’énergie, l’urgence climatique va pourtant donner une inflexion nouvelle à la politique énergétique européenne. En imprimant la marque d’une nouvelle nécessité de la préoccupation environnementale, le réchauffement climatique pourrait profondément transformer le modèle énergétique européen et lui permettre d’acquérir une position de leader mondial.
2. L’Union européenne, vers un rôle de pilote des négociations climatiques et de la transition énergétique
a. Le protocole de Kyoto a permis de réelles avancées mais s’est heurté à des limites difficiles à surmonter
Il est intéressant de relever que la transition énergétique est l’un des rares domaines dans lequel l’Union européenne puisse se targuer d’un leadership international. Dès les premières initiatives internationales sur la préservation du climat, l’Europe a été présente : la Communauté européenne et l’ensemble des États membres sont parties à la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) de 1992. Visés par l’Annexe 1 de la Convention, ces pays s’engagent à adopter des politiques ambitieuses pour agir contre le réchauffement climatique.
Après la signature du Protocole de Kyoto, le 29 avril 1998, qui concrétise les trois années de négociation écoulées depuis la première Conférence des Parties de 1995 à Berlin, les pays de la Communauté européenne vont aller plus loin que les objectifs de réduction de GES auxquels ils sont soumis par le Protocole. Si les parties membres de l’Annexe 1 s’engagent sur un objectif de réduction de 5 % en 2012 par rapport au niveau de 1990, les États membres de l’Union acceptent une réduction collective de 8% entre 1990 et la période 2008-2012. Les États membres prennent ainsi un engagement collectif adaptable entre les pays selon leur niveau de développement (principe du burden sharing). Il faut rappeler le rôle de premier plan joué par l’Europe lors de ces négociations, qui a permis d’aboutir au premier accord fixant des objectifs juridiquement contraignants pour la lutte contre le réchauffement climatique.
Les pays développés engagés dans le protocole de Kyoto peuvent utiliser trois mécanismes pour réduire leurs émissions de GES :
- les permis d’émission, avec un marché permettant de vendre ou d’acheter des quotas de GES ;
- la « mise en œuvre conjointe » (MOC), mécanisme de financement de projets encourageant le stockage de carbone, la réduction des émissions de GES et l’investissement dans des « projets propres » pour les pays parties au protocole ;
- le « mécanisme de développement propre » (MDP) qui permet aux pays développés d’investir dans des projets de réduction des émissions de GES dans des pays en voie de développement afin d’obtenir des crédits d’émission pouvant être utilisés pour leurs propres objectifs de réduction d’émissions de GES.
En 2005 est initiée en Europe la mise en œuvre du premier marché au monde de quotas d’émission de CO2. Le système communautaire d’échange de quotas d’émission (SCEQE) va concerner plus de 10 000 installations industrielles et concourir à la baisse des émissions de CO2 en Europe en favorisant les comportements vertueux.
Si le protocole de Kyoto a eu le mérite d’inscrire dans un accord juridique contraignant des objectifs de limitation ou de réduction des émissions de GES, l’absence de ratification des États-Unis ainsi que le retrait du Japon, du Canada ou de la Russie en ont significativement réduit la portée.
La quinzième Conférence sur le climat à Copenhague en 2009 avait suscité beaucoup d’espoirs, mais si certains résultats notables ont bien été actés, les résultats se sont avérés décevants. Les États se sont mis d’accord pour considérer l’augmentation de 2°C comme le plafond à ne pas dépasser, et un effort financier des pays développés au sein d'un Fonds vert de 30 milliards de dollars a été décidé afin d’aider les pays en développement dans la voie de la transition énergétique. L’objectif est de porter ce financement à 100 milliards à partir de 2020.
La 18ème conférence sur le climat qui s'est tenue à Doha en 2012 ( Rio + 20 ) a permis de relancer les négociations climatiques afin de prolonger le cadre fixé dans le protocole de Kyoto et d'engager la réflexion sur les mesures à prendre pour la période s'ouvrant en 2020. Le rapport d'information des députés de notre commission Bernard Deflesselles et Jérôme Lambert de novembre 2013 relève ainsi que parmi les décisions prises, les gouvernements ont :
- renforcé leurs engagements et se sont entendus sur un échéancier pour l’ adoption d’un accord universel sur le climat d’ici 2015 et son entrée en vigueur en 2020 ;
- rationalisé les négociations, complétant les travaux menés au titre du Plan d’action de Bali, de manière à pouvoir se concentrer sur l’élaboration d’un accord d’ici 2015 au moyen d’un processus de négociation unique impulsé par le Groupe de travail spécial sur la plate-forme de Durban pour une action renforcée (ADP) ;
- souligné la nécessité de relever leurs ambitions en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre et d’aider les pays vulnérables à s’adapter ;
- lancé une nouvelle période d’engagement au titre du Protocole de Kyoto, veillant ainsi à ce que les importants modèles juridiques et comptables de ce traité demeurent en place et soulignant le principe selon lequel les pays développés prennent l’initiative en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre ;
- continué de progresser dans la mise en place du soutien financier et technologique nécessaire, ainsi que de nouvelles institutions qui favoriseront les investissements dans l’énergie propre et une croissance durable dans les pays en développement. »
Le protocole de Kyoto a donc été amendé afin de demeurer en vigueur sans interruption. La deuxième période d'engagement devrait durer huit ans et commencer le 1er janvier 2013 pour s'achever le 31 décembre 2020. L'accord mondial espéré en 2015 devrait ensuite prendre le relais. Les pays concernés sont les États membres de l'Union européenne, l'Islande et huit autres pays industrialisés parmi lesquels la Norvège, l'Australie et la Suisse. S'il faut regretter que ces pays ne représentent que 15 % des émissions globales des GES, la prolongation pour une seconde période du protocole de Kyoto, seul accord juridiquement contraignant comprenant des engagements quantitatifs, n'en reste pas moins un élément positif.
La prochaine échéance d'importance est celle de la conclusion d'un accord sur le climat à vocation universelle pour la période post-2020. La Conférence de Lima en 2014, réunie au niveau des chefs d’État à l'appel du Secrétaire général de l' ONU, sera la dernière étape avant l'échéance de 2015 prévue pour la signature de ce texte, qui pourrait prendre une forme différente de celle du Protocole de Kyoto, dont le processus de signature et de ratification avait été long et marqué par des échecs, comme le retrait des États-Unis avec le refus du Sénat américain de ratifier l'accord pourtant signé.
À Varsovie, les étapes vers la conclusion d'un accord mondial ont été balisées. Chaque pays devra préparer sa contribution domestique au futur accord ( approche « bottom-up » censée faciliter l'adoption d'un compromis final, dès lors que les négociations s'ouvriront sur la base des propositions de chaque pays ) en vue de la transmettre au plus tôt.
Mais d'autres décisions ont également été prises afin d'assurer la mise en œuvre des accords antérieurs :
- l’objectif de 100 millions de dollars pour la recapitalisation du fonds d’adaptation pour les pays en développement a été atteint, et un programme de financement à long terme établi, qui prévoit l’engagement de mobiliser 100 milliards de dollars par an pour le climat en 2020, de sources publiques et privées ;
- le lancement rapide du « Mécanisme international de Varsovie sur les pertes et les dommages », une structure de coordination pour renforcer les capacités et mobiliser l’assistance aux pays, en particulier pour se préparer face aux conséquences à long terme des changements climatiques, a été prévu ;
- un système d’analyse et de revue internationale des actions des pays en développement (« ICA »), qui constituait la clé de voûte des accords de Copenhague et de Cancún, a été rendu opérationnel.
Beaucoup de chemin reste à parcourir avant que la France n'accueille la Conférence sur le climat de 2015, et des sujets majeurs restent en débat, comme le principe de « responsabilité commune mais différenciée » des pays selon leur niveau de développement passé et présent, dont l'application est sans conteste à revoir (un pays « émergent » comme la Chine étant responsable à lui seul d'une part importante des émissions de GES). L'Union européenne a eu un rôle crucial de force de proposition pour la lutte contre le réchauffement climatique en menant les négociations pour la prolongation du protocole de Kyoto. La tenue de la conférence de Paris, qui pourrait être un véritable tournant, devrait lui permettre de jouer à nouveau ce rôle de facilitateur.
B. LE NOUVEAU PAQUET ENERGIE-CLIMAT VISE À APPROFONDIR LES EFFORTS ENGAGES DES 2008 VERS UN MODE DE DEVELOPPEMENT PLUS SOUTENABLE
La politique énergétique de l' Union européenne vise à apporter une réponse cohérente à plusieurs défis :
- sa dépendance énergétique : l'Union consomme près de 20 % de l'énergie produite dans le monde et dispose de peu de réserves (moins de 1 % des réserves de pétrole, 4 % des réserves de charbon), elle est donc amenée à importer plus de 60 % de son gaz et plus de 80 % de son pétrole, et cette dépendance tend à s’accroître ;
- la diversité des mix énergétiques nationaux de ses États-membres : elle est certes un atout, mais rend plus complexe la mise en place d'une régulation communautaire unifiée ;
- la montée des prix de l'énergie, et leur volatilité qui nuisent à la compétitivité européenne sur le marché mondial ;
- le changement climatique, qui impose d'aller vers une économie plus soutenable en améliorant l'efficacité énergétique.
En application des engagements pris à Kyoto, l'Union européenne a défini des objectifs ambitieux dans le paquet énergie-climat de 2008, sur le fondement de la clause de flexibilité de l'article 308 du Traité de Rome. Avant le traité de Lisbonne, qui entérine avec l'article 194 du Traité sur le fonctionnement de l' Union européenne l'énergie ne faisait en effet pas partie des compétences partagées (ce qu'elle est aujourd'hui mentionnée à l'article 4 du Traité) et les États prenaient des décisions à l'unanimité dans ce domaine.
L'article 194 du TFUE indique que la politique européenne de l'énergie vise à :
- assurer la sécurité de l'approvisionnement énergétique dans l'Union ;
- assurer le fonctionnement du marché de l'énergie ;
- promouvoir l'efficacité énergétique et les économies d'énergie ainsi que le développement des énergies nouvelles et renouvelables ;
- promouvoir l'interconnexion des réseaux énergétiques.
Le premier paquet énergie-climat a fixé trois objectifs chiffrés pour la politique de l'énergie à l'horizon 2020 :
- une réduction des émissions de CO2 de 20 % par rapport à 1990 ;
- une part de 20 % d'énergies renouvelables dans l'énergie consommée ;
- une réduction de 20% de la consommation énergétique par rapport aux projections faites en 2007 (objectif qui n'était assorti d'aucune valeur juridiquement contraignante).
Le rapport d'information de notre commission sur le paquet énergie-climat de MM. Jérôme Lambert et Bernard Deflesselles, déposé en novembre 2008, a bien montré les principales dispositions de cet ensemble de textes, ainsi que les réticences et remises en cause dont ils ont fait l'objet. Le paquet énergie-climat était composé de quatre textes, trois directives et une décision :
- la directive 2009/29/CE du 23 avril 2009 modifiait la directive 2003/87/CE afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d'échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (SCEQE) ;
- la directive 2009/28/CE du 23 avril 2009 concernait la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables ;
- la décision no 406/2009/CE du 23 avril 2009 portait sur l'effort à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les engagements de la Communauté en matière de réduction de ces émissions jusqu’en 2020 ;
- la directive 2009/31/CE du 23 avril 2009 définissait les règles de stockage géologique du dioxyde de carbone.
Par ailleurs, deux autres textes adoptés simultanément se rapprochaient par leurs objectifs du paquet énergie climat :
- le règlement no 443/2009 du 23 avril 2009 fixait des normes de performance en matière d'émissions pour les voitures particulières neuves dans le cadre de l'approche intégrée de la Communauté visant à réduire les émissions de CO2 des véhicules légers ;
- la directive 2009/30/CE du 23 avril 2009 contenait des spécifications relatives à l’essence, au carburant diesel et aux gazoles, comportait l'introduction d’un mécanisme permettant de surveiller et de réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Bien que l'accord sur la politique énergétique, signé durant la présidence française de 2008, ait mené à des avancées importantes dans la lutte contre le réchauffement climatique en Europe, nos rapporteurs soulignaient déjà en 2008 le caractère trop timoré des objectifs d'efficacité énergétique.
À la suite du premier paquet énergie-climat, l’Union européenne a poursuivi ses efforts afin d’assurer la transition de son modèle énergétique vers un développement plus soutenable. La Commission européenne a d’abord adopté en mars 2011 une feuille de route pour l’horizon 2050, intitulée « Vers un secteur énergétique sûr, compétitif et " décarboné " », qui fixe pour objectif une réduction ambitieuse de 80 à 95 % de ses émissions de GES par rapport à 1990.
Cet objectif était assorti d’objectifs intermédiaires :
- 20 % de réduction en 2020 ;
- 40 % en 2030 ;
- 60 % en 2040.
Une directive sur l’efficacité énergétique est entrée en vigueur le 4 décembre 2012, les États membres ayant jusqu'au 5 juin 2014 pour mettre en œuvre la plupart de ses dispositions. Celles-ci sont nombreuses et doivent permettre d’atteindre l’objectif fixé par l'Union dans la stratégie Europe 2020 d'accroître de 20 % l'efficacité énergétique d'ici à 2020. La directive devait également préparer la voie à de nouvelles améliorations de l'efficacité énergétique au-delà de cette date. Parmi les mesures phares de la directive :
- l’obligation pour les États membres de fixer des objectifs indicatifs nationaux d'efficacité énergétique, selon des critères de leur choix (par ex. sur la base des économies ou de la consommation d'énergie primaire ou finale, ou de l'intensité énergétique), et la notification à la Commission de ces objectifs ainsi que la méthode utilisée pour les exprimer sous la forme d'un niveau absolu de consommation d'énergie primaire et finale en 2020 ;
- l’obligation d’exemplarité pour le secteur public : à partir du 1er janvier 2014, les administrations centrales doivent rénover 3 % des bâtiments qu'elles possèdent et occupent, et tenir compte de l'efficacité énergétique dans leurs procédures de marchés publics afin d'acquérir des bâtiments, des produits et des services présentant un bon bilan énergétique (dans la mesure où certaines conditions comme la faisabilité économique ou le rapport cout/efficacité sont réunies).
Le débat se poursuit sur le caractère contraignant des objectifs d’efficacité énergétique dans la perspective d’une révision prochaine de la directive sur l’efficacité énergétique. Alors que le Parlement européen était favorable à donner à cet objectif toute force contraignante, la Commission et le Conseil étaient jusqu’à présent favorables à maintenir le caractère incitatif de l’efficacité énergétique. Un changement d’orientation pourrait toutefois s’amorcer, le nouveau Président de la Commission européenne, M. Jean-Claude Juncker, s’étant déclaré lors de sa communication de politique générale du 15 juillet 2014 devant le Parlement européen, favorable à un tel caractère contraignant.
Afin d’approfondir le mouvement de transition énergétique, une consultation publique a été lancée en mars 2013 afin de « donner un cadre pour les politiques en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030. Ces consultations touchant aux objectifs à fixer pour 2030, à la cohérence entre les instruments, à la contribution du système énergétique à la compétitivité devaient fournir le socle des nouvelles mesures européennes pour la transition énergétique.
Le Conseil européen du 22 mai 2013 consacré à la fiscalité et l’énergie a parallèlement pu arrêter plusieurs priorités visant à fournir à l’Union un « approvisionnement énergétique durable à des prix abordables ». Les orientations retenues étaient les suivantes :
- aller vers l’achèvement du marché intérieur de l’énergie interconnecté et opérationnel ;
- faciliter les investissements nécessaires ;
- diversifier l’approvisionnement ;
- accroitre l’efficacité énergétique.
Enfin, la Commission européenne a présenté le 22 janvier 2014 un deuxième paquet-énergie climat sur la base des objectifs fixés par le précédent paquet et la feuille de route pour 2050. Ce second paquet énergie-climat comprend notamment les objectifs suivants :
- un nouvel objectif contraignant de réduction des émissions de GES de 40 % en 2030 par rapport au niveau de 1990 ;
- une part de 27 % d’énergie renouvelable à atteindre au niveau européen ;
- l’amélioration de l’efficacité énergétique.
Prenant acte des progrès accomplis depuis l’adoption du premier paquet énergie-climat, la Commission a donc souhaité fixer de nouveaux objectifs, que d’aucuns auraient certainement aimé plus ambitieux pour la transition énergétique. Parmi ces résultats significatifs depuis 2008, la Commission souligne ainsi :
- que les émissions de GES ont diminué de 18 % par rapport à leur niveau de 1990 (avec des projections de réduction de 24 % et 32 % à attendre pour 2020 et 2030 sur la base des politiques actuelles ;
- que la part des énergies renouvelables devrait s’établir à 21 % en 2020 et à 24 % en 2030 ;
- que l’intensité énergétique de l’Union européenne a diminué de 24 % entre 1995 et 2011 (30 % pour l’industrie) alors que l’intensité carbone baissait de 28 % entre 1995 et 2010.
Dans la proposition émise en janvier 2014 est également évoquée la future révision de la directive sur l’efficacité énergétique qui devrait s’achever dans l’année.
Depuis plusieurs années, de nombreuses voix s’élèvent pour réclamer que le secteur de l’énergie soit réellement une priorité forte de l’Union européenne et constitue un projet moteur, susceptible de conforter l’Union dans sa place de leader de la transition environnementale tout en lui assurant plus d’indépendance énergétique et de nouvelles opportunités de croissance. La conciliation des trois grands impératifs que sont la compétitivité, le développement durable et la sécurité de l’approvisionnement pourraient donc être mise au service d’un projet européen positif, alors que l’Union est depuis trop longtemps perçue comme un cadre institutionnel de gestion de la crise.
L’Union de l’énergie pourrait donc représenter un cap prometteur, porteur d’une croissance plus équilibrée et d’un nouveau projet faisant sens pour la construction européenne.
Il s’agirait également de mieux intégrer les marchés européens et leurs infrastructures, une démarche que vise à encourager la Commission dans sa communication de novembre 2013 : « Réaliser le marché intérieur de l’électricité et tirer le meilleur parti de l’intervention publique ».
Certaines orientations y sont données aux États sur la manière de :
- concevoir et de réformer les régimes d'aide nationaux en faveur des énergies renouvelables ;
- concevoir des capacités de production suffisante pour assurer un approvisionnement continu en électricité quand la production ;
- renforcer le rôle des consommateurs dans le marché de l'électricité en les incitant à utiliser l'électricité quand elle est moins chère et plus abondante.
De plus, depuis le mois de mars 2011, les directives gaz et électricité du troisième paquet pour un marché intérieur du gaz et de l'électricité sont transposées en droit national par les États membres et les trois règlements sont d'application. Ces dispositions vont également dans le sens d’une plus grande interconnexion des réseaux et d’un marché intérieur plus efficace. Si l’idée d’une communauté européenne de l’énergie ne saurait se réduire à la concrétisation tant attendue du marché intérieur dans ce secteur, elle ne peut faire l’économie d’une meilleure intégration.
Enfin, tous les moyens de financement disponibles doivent être mobilisés afin de réaliser les investissements nécessaires aux innovations. Au titre du nouveau programme « Horizon 2020 » de recherche et d’innovation de l’Union, près de 6 milliards seront consacrés à l’efficacité énergétique. Cette politique de recherche doit être intensifiée pour soutenir le cadre énergie-climat à l’horizon 2030. Il s’agit en particulier d’accélérer la réduction des coûts et la pénétration des technologies à faible intensité de carbone sur les marchés. Selon la Commission, des réductions de coût comprises entre 30 et 80 % sont à attendre lorsque les nouvelles technologies énergétiques parviendront à maturité.
L’édification d’un service public européen de l’énergie et de la transition écologique apparait comme une piste de réflexion intéressante, et largement plébiscitée, sur la voie du renforcement de l’Union. L’essentiel des incitations et des régulations applicables aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique serait alors unifié et déterminé au niveau européen. Mais pour réaliser les investissements indispensables à ce secteur public européen d’avenir, la question des moyens budgétaires alloués à l’Union devra être reposée. Ces services publics européens exigeront des ressources financières sans commune mesure avec le budget presque confidentiel (moins de 1 % du PIB) que lui accordent les États membres. Pour pouvoir agir, et comme nous l’indiquions déjà dans notre rapport d’information sur l’approfondissement démocratique de l’Union, l’Europe devra disposer d’un budget d’une taille beaucoup plus significative et de réelles ressources propres.
Ces ressources pourraient s’appuyer sur une fiscalité originale, même s’il convient de relever les difficultés rencontrées pour la mise en place d’une fiscalité de l’énergie, qui pourrait pourtant fournir un instrument intéressant de financement de la transition vers un modèle de développement plus soutenable. L’unanimité des États-membres restant requise dans le domaine de la fiscalité, aucun consensus n’a pour l’instant permis de réelles avancées.
Le projet de loi relatif à la transition énergétique représente une étape indispensable dans l’application à la France de cet ensemble d’orientations européennes. Il s’inscrit pleinement dans le mouvement de transition vers une croissance plus soutenable en termes environnementaux et permet un ensemble d’innovations qui doivent être saluées, mais pourrait toutefois afficher encore plus d’ambition sur certains des sujets abordés.
A. LE PROJET DE LOI RELATIF À LA TRANSITION ENERGETIQUE FIXE LES OBJECTIFS ET FOURNIT DES OUTILS UTILES POUR LA CONSTRUCTION D’UN NOUVEAU MODELE ENERGETIQUE FRANÇAIS
Le titre 1er du projet de loi affirme les objectifs à atteindre afin de réaliser une transition énergétique qui préserve l’indépendance de la France et s’inscrive dans l’effort européen de lutte contre le réchauffement climatique.
L’article 1er fixe ainsi les grandes orientations de la politique énergétique nationale :
- favoriser l’émergence d’une économie sobre en énergie et en ressources ;
- assurer la sécurité de l’approvisionnement ;
- préserver la santé humaine et l’environnement, en particulier en luttant contre l’aggravation de l’effet de serre ;
- garantir la cohésion sociale et territoriale en assurant l’accès de tous à l’énergie.
Certains engagements pris par le Président de la République au cours des deux premières conférences environnementales sont inscrits dans la loi :
- baisser la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025 ;
- réduire de 40 % de nos émissions de gaz à effet de serre en 2030, et les diviser par quatre en 2050, par rapport à la référence de 1990 ;
- réduire de moitié la consommation d’énergie à l’horizon 2050 par rapport à 2012 ;
- porter le rythme annuel de baisse de l’intensité énergétique à 2,5 % d’ici 2030. Les engagements européens prévoient déjà une baisse de 20 % de cette consommation en 2020 par rapport à 1990.
L’article 1er introduit la notion de « territoire à énergie positive » afin d’associer tous les acteurs (les collectivités territoriales, les entreprises et les citoyens) dans la recherche de l’efficacité énergétique, pour atteindre l’équilibre entre la consommation et la production d’énergie à l’échelle locale.
On aurait pu souhaiter qu’après les évènements tragiques survenus à Fukushima au Japon, la lutte contre les risques industriels majeurs compte parmi les principes de la nouvelle politique énergétique énoncés à l’article 1er. Le principe de la prise en compte des interactions entre la transition énergétique et la préservation de la biodiversité aurait également mérité de notre point de vue à être ici valorisé.
L’article 2 fait de l’efficacité énergétique un objectif à poursuivre par toutes les politiques publiques au service de la « croissance verte » qu’il inscrit dans la loi aux côtés de la notion « d’économie circulaire », plus développée dans les titres suivants.
Les titres II à IV se penchent en effet sur les économies d’énergie qui pourraient être réalisées dans les secteurs du bâtiment et des transports. Ils posent également les jalons du développement de l’économie circulaire.
Le thème de l’efficacité énergétique a récemment fait l’objet d’une directive européenne (adoptée le 4 décembre 2012) prévoyant « un cadre commun de mesures pour la promotion de l’efficacité énergétique dans l’Union en vue d’assurer la réalisation du grand objectif (…) d’accroître de 20 % l’efficacité énergétique d’ici à 2020 et de préparer la voie pour de nouvelles améliorations de l’efficacité énergétique au-delà de cette date » (8). La directive prévoit en outre de réaliser prévoit de réaliser 1,5% d'économies d'énergie par an chez les clients finaux entre 2014 et 2020 dans l'Union. À la suite de l’adoption de cette directive, la France a transmis, en avril 2014, son plan national d’action en matière d’efficacité énergétique (PNAEE 2014) dû au titre de l’article 24 de la directive. Elle a été le premier pays à transmettre son PNAEE, ce qui marque une certaine volonté de rattraper son retard L’affirmation du caractère transversal de cet objectif nous parait donc devoir être saluée, même si l’on peut regretter l’absence d’objectifs chiffrés plus précis sur l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments.
2. Titre II : une meilleure rénovation des logements pour améliorer l’efficacité énergétique et créer de la croissance
Le titre II réunit des dispositions législatives qui visent à combiner trois objectifs :
- promouvoir une meilleure isolation des bâtiments ;
- réaliser des économies d’énergie ;
- créer de nouveaux gisements d’emplois dans le secteur de la construction.
Pour faciliter les rénovations et espérer atteindre le rythme annuel de 500.000 logements rénovés d’ici à 2017, des dérogations aux règles de l’urbanisme sont aménagées.
L’article 3 prévoit ainsi que soit simplifiée l’obtention du permis de construire ou la formalité de déclaration préalable pour les travaux d’isolation par l’extérieur d’un bâtiment en saillie des façades ou de rehaussement des toitures pour mettre en place une isolation.
L’article 4 promeut les bâtiments à énergie positive en prévoyant que le plan local d’urbanisme puisse imposer aux constructions, installations et aménagements de couvrir une part minimale de leur propre consommation d’énergie par leurs propres moyens de production d’énergie renouvelable. Les bâtiments neufs à maitrise d’ouvrage publique devront en outre faire preuve d’une exemplarité énergétique particulière. Il faut souhaiter que cette obligation de la puissance publique à montrer la voie de la transition énergétique, qui reste dans l’article à l’état de principe, soit rapidement précisée et garantie afin d’être pleinement opérationnelle.
La modification de l’article L. 111-10 du code de l’urbanisme introduite par l’article 5 prévoit l’obligation de travaux d’amélioration de la performance énergétique lors de la réalisation de certains travaux importants.
L’article 6 précise le dispositif de tiers-financement mis en œuvre dans le cadre de travaux d’efficacité énergétique.
Le gouvernement est habilité à agir par ordonnance par l’article 7 afin de favoriser la mise en place de compteurs individuels d’énergie et d’instaurer des régimes de sanction en cas de manquement à ces obligations. Le projet de loi transpose ainsi certaines dispositions de la directive 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique qui prévoit l’installation d’ici au 31 décembre 2016 d’instruments de mesure de consommation individuelle de chaleur, de froid ou d’eau chaude dans les immeubles comprenant plusieurs appartements et immeubles mixtes équipés d’une installation centrale de chaleur/froid ou alimentés par un réseau de chaleur ou une installation centrale desservant plusieurs bâtiments.
Il parait regrettable que le projet de loi ne soit pas plus disert sur la précarité énergétique, qui nous semble pourtant un thème central. En effet, l’accès à une énergie abordable et de bonne qualité est encore trop souvent problématique et les factures énergétiques pèsent encore trop lourdement sur les budgets des ménages aux revenus les plus modestes, qui logent trop souvent dans des habitations particulièrement mal isolées (dont une bonne partie des logements sociaux).
En outre, si votre rapporteure salue les encouragements donnés à la rénovation des habitations, elle tient à relever que la recherche d’une bonne qualité de l’air intérieur doit compter parmi les priorités d’une action en faveur de meilleures conditions de logement. Or, les matériaux utilisés dans les rénovations énergétiques des bâtiments ne font pas dans le projet de loi l’objet d’exigences particulières, et cela est regrettable. La problématique de la qualité de l’air intérieur et des répercussions sanitaires d’une mauvaise qualité de l’air que peuvent respirer les habitants des logements est pourtant d’une grande importance. Les dangers d’une mauvaise qualité de l’air intérieur ont été mis en lumière par de nombreuses études, notamment celles d’un organisme missionné par les pouvoirs publics français, l’Observatoire pour la qualité de l’air intérieur.
Le titre II du projet de loi dégage de nouvelles marges d’amélioration de l’ efficacité énergétique des logements en accroissant les obligations de rénovation et d’isolation des bâtiments et en simplifiant les démarches administratives préalables aux travaux. L’absence de financement dédié pourrait toutefois limiter l’efficacité des dispositions législatives nouvelles. Il serait ainsi utile de préciser les modalités de financement des moyens de production d’énergie renouvelable évoqués à l’article 5.
Le titre III du projet de loi vise à réduire la pollution atmosphérique due aux transports routiers. Il comprend pour cela un ensemble de mesures destinées à favoriser le développement des véhicules propres :
- l’obligation pour les acteurs publics d’accroitre la part des véhicules propres pour arriver à des proportions minimales de 50 % des acquisitions pour l’État et de 20 % pour les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que les entreprises nationales à partir de 2016 (article 9) ;
- la possibilité pour le gouvernement de légiférer par ordonnance pour favoriser l’expérimentation de la circulation sur la voie publique de véhicules innovants (article 9) ;
- des dispositions pour accélérer l’installation d’infrastructures énergétiques dédiées pour véhicules électrique et hydrides rechargeables avec des obligations d’équipement élargies ou nouvelles (article 10) ;
Certaines mesures visent plus spécifiquement à réduire les émissions de gaz à effet de serre en agissant sur les modes de transport :
- par le biais d’engagements non contraignants des entreprises de grande distribution et d’actions de réduction des émissions de gaz à effet de serre produites dans leur activité logistique avec un bilan en 2017 (article 12) ;
- par la possibilité donnée aux autorités compétentes locales d’adopter des mesures de restriction de la circulation en cas de mauvaise qualité de l’air ou dans certaines zones (article 13).
L’amélioration de la qualité de l’air fera l’objet d’une planification nationale. L’article 17 prévoit des objectifs nationaux de réduction des émissions de polluants atmosphériques en 2020, 2025, 2030 et un plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA)) décliné dans les schémas des collectivités territoriales. Les objectifs du PREPA seront pris en compte dans les schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE) ou dans les schémas régionaux en tenant lieu, ainsi que dans les plans de protection de l’ atmosphère (PPA)).
Il faut noter que malgré les progrès indéniables pour la qualité de l’air qui seraient rendus possible par la promotion des véhicules innovants, la dimension collective de ceux-ci gagnerait à être mise en valeur. À défaut, c’est encore le modèle du déplacement dans un véhicule individuel qui reste promu, et celui de la dépendance à l’électricité. Or, l’efficacité énergétique des transports passera également par le changement de ce modèle vers des modes de déplacement plus collectifs, et plus sobres en énergie.
4. Titre IV : lutter contre les gaspillages et promouvoir l’économie circulaire : de la conception des produits à leur recyclage
Le projet de loi relatif à la transition énergétique introduit dans le droit français le concept d’économie circulaire, qui consiste à privilégier un mode de production et d’échanges prenant en compte la durabilité et le recyclage des produits ou de leurs composants afin qu’ils puissent être réutilisés ou redevenir des matières premières nouvelles, dans le but de réduire la consommation des ressources et d’améliorer l’efficacité de leur utilisation.
Cette logique nouvelle de production et de consommation repose sur la volonté de favoriser les systèmes locaux et durables de production, en s’appuyant sur une logique participative engageant les citoyens dans les territoires. Elle intègre notamment une démarche améliorée de prévention et de gestion des déchets, qui suive les préconisations de hiérarchisation européenne et permette d’atteindre des objectifs ambitieux de traitement.
L’article 19 pose en effet des cibles précisément chiffrées pour 2020 avec notamment :
- la réduction de 7 % des quantités de déchets ménagers et assimilés produits par habitant ;
- l’orientation de 55 % des déchets dangereux non inertes en 2020 et 60 % en masse en 2025 vers des filières de valorisation ;
- la réduction de 30 % par rapport à 2010 des déchets non dangereux non inertes admis en installation de stockage
- la généralisation d’une tarification incitative en matière de déchets par les collectivités (avec l’objectif de couvrir 15 millions d’habitants à l’horizon 2020, et 25 millions d’ici à 2025) ;
- la valorisation de 70 % des déchets du secteur du bâtiment et des travaux publics ;
- l’augmentation de la valorisation énergétique des déchets non valorisables sous forme de matière grâce à un cadre réglementaire adapté.
L’article 20 définit les grands principes de l’économie circulaire :
- principe de proximité dans la prévention et la gestion des déchets ;
- principe d’autosuffisance ;
- principe de transition vers l’économie circulaire sur le long terme.
L’interdiction de discrimination à l’encontre des matières issues du recyclage est généralisée par l’article 22 du projet de loi à tous les produits sans distinction de catégorie. Des matières répondant aux normes en vigueur pourront être utilisées dans les domaines de la production d’énergie par exemple.
5. Titre V : favoriser les énergies renouvelables pour diversifier nos énergies et valoriser les ressources de nos territoires
Le chapitre Ier prévoit la mise en œuvre de dispositifs pour développer les filières d’énergies renouvelables électriques :
- avec la possibilité de créer un mécanisme de soutien sous la forme d’un « complément de rémunération » versé en complément de la vente sur le marché de l’électricité produite par les énergies renouvelables (article 23) ;
- avec l’articulation prévue entre ce mécanisme et le mécanisme d’obligation d’achat existant pour rendre possible une adaptation par voie règlementaire aux différents types d’installation et une transition graduée vers une meilleure intégration au marché ;
- le complément de rémunération et l’obligation qui va en découler pour les « payeurs » obligés de conclure des contrats ad hoc avec les producteurs d’électricité intéressés qui en font la demande font partie des obligations de service public assignées à ces organismes, les charges qui leur seront imputables devront donc être également compensées.
L’article 24 du projet de loi modifie le dispositif d’appels d’offres pour l’achat d’électricité afin de permettre aux candidats retenus de bénéficier soit d’un contrat d’achat (dispositif déjà en vigueur), soit d’un contrat offrant un complément de rémunération. Le recours à l’un ou l’autre de ces dispositifs est défini par le cahier des charges de l’appel d’offres.
La conditionnalité et le contrôle des aides financières accordées en contrepartie du développement des énergies renouvelables sont renforcés avec une extension des sanctions de suspension ou de retrait des contrats d’achat aux installations ne respectant pas les clauses de ces contrats, les clauses du cahier des charges d’un appel d’offres remporté, ou en cas d’infraction grave (relevant du délit) à une réglementation en vigueur dans le cadre de l’exploitation de l’installation. Les sanctions prévues peuvent être financières et aller jusqu’à la résiliation du contrat d’achat, voire au remboursement par l’exploitant de tout ou partie des sommes versées en application du contrat.
La participation des collectivités et des citoyens doit être renforcée grâce à de nouvelles possibilités introduites par la loi :
- l’article 26 permet aux communes et à leurs groupements de participer au capital d’une société anonyme dont l’objet social est la production d’énergies renouvelables sur leur territoire ou participant à l’approvisionnement énergétique de leur territoire ;
- l’article 27 favorise la participation des habitants au capital des sociétés de projet pour les énergies renouvelables, notamment afin d’accroitre leur acceptabilité.
Le chapitre II du titre V est consacré aux concessions hydroélectriques, dans le but d’harmoniser leur gestion à l’échelle des grandes vallées, d’améliorer la sécurité d’exploitation, de réduire les impacts de l’hydroélectricité sur l’environnement et d’exploiter au mieux le potentiel énergétique des cours d’eau. La possibilité est ouverte par l’article 29 de recourir à une nouvelle catégorie de sociétés d’économie mixte, dont l’objet sera d’exploiter des contrats de concessions hydroélectriques sur une vallée. L’objectif de ce nouvel outil est de mieux associer les collectivités territoriales à la gestion des usages de l’eau et de renforcer le contrôle public sur le patrimoine commun que constitue le parc hydroélectrique français.
L’article 30 du projet de loi habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour un atteindre un certain nombre d’objectifs, parmi lesquels :
- réaliser la réforme des mécanismes de soutien des énergies renouvelables électriques pour renforcer leur intégration au marché de l’électricité ;
- mettre en place les mesures nécessaires à un développement maîtrisé de l’autoproduction, notamment relatives à la réalisation d’expérimentations ;
- réformer le régime des sanctions applicables aux concessions hydroélectriques et renforcer la protection du domaine hydroélectrique concédé, notamment par des sanctions à l’encontre des auteurs d’actes portant atteinte à l’intégrité, à l’utilisation ou à la conservation de ce domaine (lutte contre les dépôts illégaux de terres, de déchets et d’objets quelconques) ;
- mettre en cohérence les articles du code de l’énergie relatifs à la procédure d’appel d’offres avec les dispositions du projet de loi et de redéfinir les modalités de ces appels d’offre (et permettre par exemple l’organisation et la conclusion d’appels d’offres pluriannuels intégrés destinés à la mise au point, l’expérimentation et au déploiement de technologies innovantes).
S’il faut saluer les avancées permises ici pour favoriser le développement des énergies renouvelables, un certain nombre de sujets nous auraient paru devoir relever du titre V et ne sont pas évoqués.
Le problème du stockage, qui demeure un des enjeux majeurs pour l’avenir du développement des énergies renouvelables, est ici insuffisamment évoqué. Améliorer le stockage des énergies renouvelables intermittentes permettrait une meilleure intégration de ces énergies aux réseaux « conventionnels », mais nécessite des efforts de recherche et de développement qui doivent être encouragés. Il est donc urgent de favoriser la recherche et de la financer dans les domaines des énergies renouvelables et du stockage. Le programme européen Horizon 2020 offre des possibilités de financement européen pour de tels domaines auxquelles la France devra être particulièrement attentive, afin d’en exploiter toutes les possibilités.
La question des réseaux intelligents, qui se déploient encore trop lentement en Europe, et particulièrement en France, mériterait d’être plus développée. La mise en œuvre de tels réseaux permettrait pourtant d’accroitre l’efficacité énergétique :
- en favorisant une mutation des réseaux énergétiques européens vers l'intégration croissante des énergies renouvelables ;
- en réduisant les émissions de CO2 grâce à une adaptation des réseaux aux nouveaux modes de consommation,
- en favorisant l'effacement de la consommation (optimiser la demande d'énergie afin de ne pas générer de pics de consommation) et le stockage d'électricité.
Au sein de l’Union européenne, les États sont considérés comme « autorité compétente » pour le déploiement des systèmes intelligents.
Le projet de loi relatif à la transition énergétique renforce les exigences d’information et de sûreté du public et encadre plus précisément les conditions de mise à l’arrêt future des centrales nucléaires.
L’article 31 prévoit la tenue annuelle d’une réunion publique par la commission locale d’information CLI, qui pourra demander une visite de terrain à l’exploitant. La composition des CLI pourra désormais inclure des membres issus des pays étrangers concernés pour les installations nucléaires de base (INB) frontalières (l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, la Suisse), et qu’une visite de terrain soit organisée par l’exploitant
L’encadrement de la mise à l’arrêté définitif et du démantèlement des INB est modifié par l’article 32 pour privilégier le démantèlement des installations le plus tôt possible après leur arrêt. Une INB arrêtée pendant deux ans sera considérée de fait comme arrêtée définitivement, sauf cas particulier validé par le ministre chargé de la sûreté nucléaire ou prévu par le décret d’autorisation.
L’article 32 pourrait aller plus loin en définissant une procédure spécifique claire d’autorisation/de prolongation élaborée à partir de la définition réglementaire des 40 ans. Cette procédure pourrait reposer sur une étude d’impact impliquant pleinement les citoyens, avec des mesures d’information et de participation, et qui viserait à intégrer les enjeux de sécurité et la question de l’opportunité de la prolongation. Il pourrait en outre être utile de prévoir d’assurer une évaluation précise des coûts entrainés par le démantèlement et la sécurisation du financement.
L’article 33 permet un renforcement des pouvoirs de contrôle de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) :
- en habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur ses attributions ;
- en dotant l’ASN et ses inspecteurs de pouvoirs de contrôle et de sanction plus gradués par renvoi aux dispositions transversales du code de l’environnement, qui seront adaptées aux enjeux de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ;
- en prévoyant la création d’une nouvelle commission des sanctions au sein de l’ASN afin de respecter le principe de séparation des fonctions d’instruction et de jugement. Ces pouvoirs de police seront étendus aux activités importantes pour la sûreté exercées à l’extérieur des installations nucléaires de base par l’exploitant, ses fournisseurs, prestataires ou sous-traitants ;
- en accordant à l’ASN la possibilité d’ordonner des tierces expertises aux frais des assujettis, et de veiller à l’adaptation de la recherche publique aux besoins de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.
Les directives « IED », relative aux émissions industrielles, et « Seveso III », concernant la prévention des accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, seront transposées au sein du régime des installations nucléaires de base.
La directive européenne IED est une refonte de la directive 2008/1/CE relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution, dite « directive IPPC » et de six autres directives sectorielles : la directive relative aux grandes installations de combustion (2001/80/CE), la directive sur l’incinération de déchets (2000/76/CE), la directive relative aux émissions de solvants (1999/13/CE) et trois directives relatives à l’industrie du dioxyde de titane (78/176/CEE, 82/883/CEE, 92/112/CEE).
Elle fait donc œuvre de rationalisation, tout en permettant certaines avancées. La directive IED a notamment introduit de nouvelles obligations par rapport à la directive IPPC, parmi lesquelles :
- le renforcement du rôle des documents BREF (Best REFerence Documents) : les VLE (valeurs limites d’émission) des arrêtés d’autorisation ne devront pas dépasser les niveaux d’émission des MTD (meilleures techniques disponibles) décrits au sein des « conclusions sur les meilleures techniques disponibles », documents adoptées au niveau communautaire pour chaque nouveau document BREF. Une possibilité d’aménagement reste ouverte mais impose une consultation du public. Pour les établissements existants, cette obligation ne s’appliquera que lors du premier réexamen des conditions d’autorisation ;
- le déclenchement du réexamen des conditions d’autorisation : auparavant, la date de remise du bilan de fonctionnement était liée à la date d’autorisation. Le déclenchement du réexamen devra désormais être lié à la publication des conclusions sur les MTD relatives à la rubrique principale de l’établissement. Ainsi, dans un délai d’un an à compter de cette publication, un dossier de réexamen devra être remis par l’exploitant et, dans un délai de 4 ans, les conditions d’autorisations devront avoir été adaptées aux nouvelles conclusions sur les MTD.
Parmi les avancées notables permises par la nouvelle directive IED, il faut également souligner le développement des dispositions en matière de protection des sols et de remise en état, avec dans certains cas l’obligation de réaliser un « rapport de base » définissant l’état du sol et des eaux souterraines.
Après la cessation d’activité, le site doit être remis :
- soit dans un état tel qu’il ne présente plus de risque pour la santé humaine et pour l’environnement compte tenu de l’utilisation future qui a été définie (ce qui correspond à l’approche française déjà en vigueur) ;
- soit dans l’état défini dans le rapport de base lorsque cet état est meilleur.
La directive 2012/18/UE du 4 juillet 2012 dite directive « Seveso III » relative aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, a été adoptée et publiée le 24 juillet 2012 au journal officiel de l’union européenne. Elle est amenée à remplacer, d’ici le 1er juin 2015, la directive SEVESO 2. La nouvelle directive vise à renforcer les dispositions relatives à l’accès du public aux informations en matière de sécurité, à sa participation au processus décisionnel et à améliorer l’accès à la justice afin d’aligner la directive sur les standards posés par la convention d’Aarhus sur l’information et la participation du public.
Parmi les mesures à mettre en œuvre prévues par la directive :
- un accès direct pour les citoyens, via Internet, aux informations relatives aux installations SEVESO (les établissements sont classés « Seveso » en fonction des quantités et des types de produits dangereux qu'ils accueillent) situées à proximité de leur domicile, aux programmes de prévention des accidents et aux mesures d’urgence pour mieux réagir en cas de nécessité ;
- la possibilité d’ester en justice pour les particuliers estimant que leurs droits n’ont pas été pris en compte lors de l’installation d’un nouveau site SEVESO à proximité de leur domicile ;
- le renforcement de la politique de prévention des accidents majeurs, avec la garantie d’un niveau de protection accru dans tous les établissements, ainsi que de nouvelles obligations d’information à destination des populations en cas d’accidents majeurs.
Le projet de loi prévoit donc des mesures allant dans le sens de l’application de cette directive au cadre national.
L’article 34 habilite le Gouvernement à transposer la directive n° 2011/70 du Conseil du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs.
La directive vise à établir un cadre juridique concernant la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs et s’applique à la gestion du combustible usé provenant d’activités civiles et à la gestion des déchets radioactifs, de la production jusqu'au stockage définitif, qui résultent d’activités civiles.
Les États membres sont responsables en dernier ressort de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs. La responsabilité continue à incomber à l’État d’origine même en cas de transfert des déchets vers un pays tiers.
La directive charge les États membres de mettre en place un ensemble de politiques nationales qui :
- maintiennent à un niveau le plus bas possible la production de déchets radioactifs ;
- assurent l’interdépendance des différentes étapes de la production et de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs ;
- gèrent de manière sûre le combustible usé et les déchets radioactifs, y compris sur le long terme ;
- mettent en œuvre les mesures adéquates selon une approche graduée ;
- régissent toutes les étapes de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs.
Les États membres ont le devoir de stocker définitivement leurs déchets sur leur propre territoire sauf s’ils ont conclu des accords avec d’autres États membres leur permettant d’utiliser les installations de stockage de ces derniers. Avant le transfert vers un pays tiers, les États membres exportateurs doivent disposer d’un certain nombre de garanties quant au pays destinataire :
- celui-ci doit avoir conclu un accord avec Euratom sur la gestion du combustible usé et la sûreté de la gestion des déchets radioactifs, ou être partie à la convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs ;
- il doit disposer de programmes de gestion de traitement de ces déchets conformes à la directive ;
- son installation de stockage doit être autorisée à recevoir des déchets radioactifs destinés au transfert et est en activité avant le transfert.
La directive impose aux États membres de mettre en place un cadre national législatif, réglementaire et organisationnel qui comprenne :
- un programme de mise en œuvre de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs ;
- un système responsable de l’octroi d’autorisations des activités et installations de gestion du combustible usé et des déchets radioactifs ;
- un système de contrôle institutionnel ;
- des mesures d’exécution ;
- la répartition des responsabilités entre les organismes impliqués dans les différentes étapes de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs ;
- des dispositions en matière d’information et de participation du public ;
- les mécanismes de financement relatifs à la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs.
L’article 34 habilite donc le gouvernement à la transposition de ces différents objectifs dans le cadre législatif national. Il convient de souligner que la directive a mis en lumière la profonde interdépendance des pays membres de l’ Union européenne en termes de sécurité nucléaire et la nécessité de garantir celle-ci au sein d’un cadre communautaire efficace et rigoureux. Les mesures d’application qui seront adoptées doivent avoir pour priorité de garantir aux citoyens des niveaux d’information et de sécurité maximaux.
La question des déchets reste pour l’instant en attente d’une résolution à la hauteur des enjeux qu’elle soulève, et ne reçoit encore qu’une réponse insatisfaisante. Votre rapporteure souhaite souligner le coût durable et caché que recouvre cette problématique de la gestion des déchets nucléaires, et qui
Le titre VII se divise en deux chapitres qui visent à simplifier les procédures et à clarifier la régulation des marchés et des tarifs de l’électricité et du gaz. Le chapitre Ier allège ainsi les règles de consultation pour les ouvrages linéaires énergétiques. Tirant les conséquences des exigences européennes (règlement européen n° 347/2013 sur les infrastructures énergétiques) visant à raccourcir la procédure d’élaboration des projets à vingt-quatre mois et la procédure réglementaire d’autorisation à dix-huit mois, l’article 35 du projet de loi propose :
- de généraliser l’organisation des concertations sous l’égide d’un garant choisi par la commission nationale du débat public pour les ouvrages linéaires énergétiques. Cela devrait conduire à mieux associer le public à l’élaboration du projet, notamment au choix des tracés, là où le débat public ne portait que sur l’opportunité du projet.
- de maintenir pour les ouvrages de transport d’électricité non soumis à enquête publique une consultation du public sur le tracé général de l’ouvrage, afin de vérifier que les impacts sur la propriété privée ne sont pas excessifs.
Le chapitre II porte plus spécifiquement sur les règles des marchés et des tarifs de l’électricité et du gaz.
L’article 39 modifie le code de l’énergie pour donner à la Commission de régulation de l’énergie la compétence explicite d’approbation des méthodologies de fixation des coûts des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables.
Le dispositif de marché de capacité est complété dans l’article 40 du projet de loi. Ce dispositif de marché est le lieu où s’échangent les certificats de capacités que doivent produire les fournisseurs afin de prouver qu’ils sont en mesure de fournir l’électricité nécessaire à leur client en période de pointe, soit au maximum de la consommation métropolitaine. Les fournisseurs peuvent obtenir des certificats de capacité en démontrant leurs capacités de production propres ou en prouvant qu’ils disposent d’une certaine capacité d’effacement, qui représente la capacité de leurs clients à réduire leur consommation à la pointe. Mais ils peuvent également se procurer ces certificats de capacité sur un marché, auprès de producteurs d’électricité dont les capacités dépassent leurs obligations, le défaut de certificat de capacité pouvant entrainer des pénalités financières.
Pour ne pas défavoriser les petites installations de production ou d’ effacement, les écarts des exploitants de capacité peuvent être mutualisés au niveau de responsables de périmètre de certification depuis le décret n° 2012-1405 du 14 décembre 2012. Cette possibilité permet aux exploitants de bénéficier du foisonnement de leurs capacités, de diminuer leur risque d’être exposés à un règlement financier du fait de leurs écarts et de diminuer les coûts de gestion du dispositif, en diminuant le nombre d’interlocuteurs des gestionnaires de réseau en charge de la gestion opérationnelle du dispositif.
L’article 40 du projet de loi permet aux exploitants de capacité de contracter avec des responsables de périmètre de certification, qui prennent alors en charge la responsabilité des écarts entre les capacités certifiées et les capacités effectives. Dans le cadre du mécanisme d’obligation de capacité, l’article L. 335-5 du code de l’énergie prévoit qu’une entreprise locale de distribution (ELD) peut transférer son obligation de capacité à une autre ELD. L’article permet aux ELD de transférer leur obligation à d’autres fournisseurs qui ne sont pas des ELD.
Enfin, l’article autorise les consommateurs finals et les gestionnaires de s’approvisionnant auprès de plusieurs fournisseurs à gérer eux-mêmes leur stratégie d’achat des garanties de capacité afin de diminuer leurs coûts.
L’article 41 définit plus précisément le cadre législatif applicable aux tarifs réglementés de vente de l’électricité à partir de 2015, en tenant compte de la fin de la période de transition vers une nouvelle méthode de construction des tarifs réglementés que prévoyait l’article L. 337-6 du code de l’énergie.
Les tarifs réglementés de vente de l’électricité vont en effet connaitre une modification afin de mettre la France en conformité avec le droit européen : les tarifs réglementés de vente de l’électricité pour les gros consommateurs puissance souscrite supérieure à 36 kVA) seront supprimés au 31 décembre 2015. Le marché intérieur de l’électricité est régi par la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil, adoptée le 13 juillet 2009.
L'article 42 modifie le volet économique du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) pour inciter aux investissements sur les réseaux en fournissant un cadre juridique plus sûr et une tarification économique comparable à celle pratiquée chez nos voisins européens.
L'article 43 intègre le bénéfice apporté par les entreprises électro-intensives au système électrique par une prise en compte tarifaire de la moindre contribution de ces utilisateurs aux coûts de réseaux.
L’article 46 habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance dans un nombre important de domaines afin d’opérer des simplifications et des clarifications de procédures destinées à rendre le secteur de l’énergie plus compétitif.
Au sein de ce titre comportant de nombreuses dispositions à caractère très technique est affirmée une louable volonté de simplification. Cet effort ne peut être que salué et devra être poursuivi pour s’appliquer de façon plus importante aux énergies renouvelables, dont certains secteurs pourraient bénéficier d’une certaine clarification réglementaire. Les secteurs en particulier de l’éolien offshore ou du solaire photovoltaïque pourraient être plus concernés par des mesures de simplification, car ils gagneraient à connaitre des conditions plus sereines de développement. La stabilité des dispositifs destinés à favoriser le développement des énergies renouvelables est particulièrement à même de garantir la continuité des efforts entrepris, et d’assurer que les objectifs énoncés soient atteints.
Le titre VIII vise à inscrire le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte dans une démarche participative qui rassemble les citoyens, les territoires, les entreprises et l’État d’agir ensemble dans une action commune.
Le chapitre Ier instaure un certain nombre d’outils de programmation, de recherche et de formation pour une gouvernance nationale de la transition énergétique.
L’article 48 crée des budgets carbone et une stratégie nationale bas carbone qui concrétisent les objectifs du projet de loi et permettront de disposer de références chiffrées pour une visibilité de la planification à quinze ans. Il s’agit pour la France de se conformer à l’obligation internationale et européenne de se doter d’une stratégie de développement à faible intensité carbone de long-terme (horizon 2050).
Une programmation pluriannuelle (deux fois cinq ans) de l’énergie, instaurée par l’article 49, fusionne et complète les documents de programmation existants (programmation pluriannuelle des investissements de production d’électricité, plan indicatif pluriannuel des investissements dans le secteur du gaz et de la chaleur). Elle décrit les trajectoires cibles propres à atteindre les objectifs du mix énergétique et contient des outils de pilotage financier. La PPE définit des enveloppes indicatives maximales de ressources publiques mobilisées et comprend un test de soutenabilité économique et budgétaire.
Le comité d’experts pour la transition énergétique et climatique et le Conseil national de la transition écologique se prononcent sur son élaboration.
Le caractère transversal de la transition énergétique pour l’ensemble des politiques publiques est affirmé avec l’objectif de prise en compte des impacts de la transition écologique et énergétique dans les champs des politiques de l’emploi et du dialogue social (article 52) et l’importance soulignée de la recherche et de l’innovation dans la politique énergétique (article 53).
Conformément à l’article 15 de la directive 2012/27/UE sur l’efficacité énergétique, l’article 54 du projet de loi confie aux gestionnaires de réseaux l’évaluation du potentiel d’efficacité énergétique de leur infrastructure et l’identification des mesures concrètes à mettre en œuvre dans ce domaine. L’intégration des énergies renouvelables compte désormais parmi les missions des opérateurs de réseaux.
Le chapitre II énonce les règles de pilotage du mix électrique, dont le soin revient essentiellement à l’État. Ainsi l’article 55 :
- modifie le régime de l’autorisation d’exploiter des installations de production d’électricité, en compatibilité avec les objectifs de la politique énergétique et la PPE ;
- permet à l’autorité administrative de limiter le durée de fonctionnement d’une installation afin que les valeurs d’émission fixées par voie réglementaire soient respectées ;
- pose les principes d’un plafonnement à son niveau actuel de notre capacité de production nucléaire avec le respect de ce plafond par toute nouvelle autorisation d’exploitation d’une installation nucléaire ;
- instaure un plan stratégique pour tout exploitant produisant plus d’un tiers de la production d’électricité nationale, engageant à mettre en œuvre l’objectif de diversification de la production d’électricité fixé dans la PPE. Les producteurs concernés par cette obligation devront rendre compte chaque année devant une commission composée de parlementaires de la mise en œuvre de ces plans et de leur contribution aux objectifs de la PPE. ;
- prévoit la nomination d’un commissaire du gouvernement auprès de tout exploitant produisant plus d’un tiers de la production nationale d’électricité. Le commissaire du gouvernement aura la possibilité de s’opposer à une décision d’investissement incompatible avec la PPE, sous réserve de confirmation du ministre de l’énergie.
L’article 56 réaffirme le rôle de chef de file de la région pour l’efficacité énergétique. L’objectif est de parvenir à 200 projets de territoires à énergie positive à l’horizon 2017. Il est toutefois regrettable que l’article, qui encourage la mise en œuvre de stratégies locales ambitieuses, ne fixe pas d’objectifs chiffrés plus précis quant aux résultats à atteindre. Cela rendra plus difficile l’évaluation du dispositif.
L’article 7 reconnaît un service public communal de chaleur et de froid et en promeut le développement. Il vise à consolider le rôle des collectivités (communes et intercommunalités) en réaffirmant leur rôle d’autorité organisatrice du service public de distribution de chaleur, et en prévoyant la réalisation d’un « schéma directeur » du réseau de chaleur pour améliorer la planification du réseau.
L’article 58 introduit un droit à l’expérimentation des boucles locales. Le gestionnaire du réseau de distribution pourra conclure des contrats avec les acteurs fédérés pour rémunérer les économies que leurs actions généreront dans la gestion du réseau (dont les investissements évités).
L’article 59 introduit un droit à un déploiement expérimental d’un ensemble de solutions de réseaux électriques intelligents dans une zone géographique. Cette mesure donne ainsi la possibilité au Gouvernement de prendre par ordonnance les mesures nécessaires pour mener à bien ce déploiement expérimental, les technologies étant désormais mures pour aborder des phases de déploiement à grande échelle.
L’article 60 institue un chèque énergie versé sous condition de ressources et réservé aux achats d’énergie qui devra à terme se substituer aux tarifs sociaux de l’électricité et du gaz. Ce dispositif de solidarité améliore l’égalité de traitement entre sources de chauffage, facilite l’atteinte de la cible de bénéficiaires, grâce à des critères d’éligibilité plus simples et l’absence de croisements de fichiers, repose sur un critère de revenu unique, permettant une modulation de l’aide et une réduction des effets de seuil.
Le chapitre IV prévoit des dispositions spécifiques aux outre-mer et aux autres zones non-interconnectées :
- l’article 61 définit les objectifs particuliers de la politique énergétique outre-mer en tenant compte de leurs spécificités par le biais de PPE propres à chaque territoire non interconnecté ;
- l’article 62 renouvelle aux conseils régionaux de Guadeloupe et de Martinique, en application de l’article 73 de la Constitution, les habilitations leur permettant de prendre pour leur territoire des dispositions spécifiques en matière de planification énergétique, de maîtrise de la demande d'énergie et de développement d’énergies renouvelables ;
- l’article 63 vise à intégrer le schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie (SRCAE) dans le schéma d’aménagement régional (SAR) pour les régions d’outre-mer ;
- l’article 64 institue une prise en compte des coûts échoués des études de certains projets identifiés dans la programmation pluriannuelle de l’énergie et importants pour l’approvisionnement énergétique des zones non interconnectées.
B. DES MESURES SUPPLÉMENTAIRES QUI PERMETTRAIENT DE COMPLETER LES OBJECTIFS DU PROJET DE LOI ET D’AFFIRMER L’AMBITION FRANCAISE DE CONTRIBUER À L’EMERGENCE D’UNE UNION DE L’ENERGIE
1. Promouvoir de façon plus ambitieuse encore la recherche et l’expérimentation pour les énergies renouvelables et encourager les initiatives en matière d’efficacité énergétique
Le projet de loi comporte des mesures destinées à encourager l’investissement et le développement des énergies renouvelables, tout en renforçant la conditionnalité des aides et le contrôle de celles-ci. Il nous semble toutefois qu’il pourrait être plus précis sur les conditions de transition entre les différents mécanismes de soutien aux énergies renouvelables. Le dispositif de tarif d’achat pourrait en outre être renforcé. Le développement de la recherche et de l’innovation en matière énergétique, dont le principe est affirmé à l’article premier du texte, nous parait ainsi trop peu détaillé.
Il faut souligner que les mesures de simplification concernent encore trop peu le secteur des énergies renouvelables, rendant plus difficile le développement de celles-ci. Or, il est bien connu que la versatilité des dispositifs et leur complexité empêche fréquemment le développement serein de certaines filières. Les énergies renouvelables auraient particulièrement besoin d’une plus grande continuité législative pour voir se réaliser des investissements nécessairement d’autant plus lourds que le secteur est relativement neuf.
De plus, la question de l’expérimentation en petits et moyens projets des filières renouvelables non matures est peu évoquée, alors même que ces filières représentent des gisements potentiels d’innovation et de croissance. L’expérimentation est un prérequis incontournables au développement de segments industriels sur lesquels l’Union européenne (et la France) pourraient véritablement imposer un savoir-faire unique. L’enjeu du stockage de l’énergie, qui demeure l’un des obstacles majeurs à la diffusion de l’utilisation des énergies renouvelables, mériterait des développements plus importants et une réelle réflexion sur l’usage d’incitations publiques à la recherche.
Concernant l’efficacité énergétique, il nous semble que le projet de loi gagnerait à être plus précis sur l’amélioration de la performance des bâtiments, avec notamment des objectifs chiffrés. Dans le domaine des transports, il pourrait par exemple être intéressant de mesurer la performance énergétique des taxis et autres types de transports en commun. La promotion de l’efficacité énergétique pourrait également passer par une attention plus grande portée au choix des équipements dans les marchés publics. Par ailleurs, si le projet de loi pose de façon louable le principe d’exemplarité énergétique pour le secteur public, il reste à le définir de façon plus poussée et à la garantir.
Une réflexion pourrait être menée sur la pertinence et l’efficacité d’un outil tel qu’une agence de financement de l’efficacité énergétique, à l’image de ce qui existe chez nos voisins allemands. Une telle agence permettrait de donner une plus grande visibilité à des efforts pour l’instant encore trop éclatés, de concentrer et de simplifier les procédures d’accès aux financements. Elle pourrait également jouer un rôle dans la diffusion des bonnes pratiques, et permettre le suivi et l’évaluation des moyens financiers mobilisés.
Alors que la France doit mettre en œuvre les objectifs de la directive sur l’efficacité énergétique adoptée par l’Union européenne en 2012, on pourra regretter que le projet de loi ne soit pas plus précis sur les modalités de cette transposition. Toutefois, les objectifs d’efficacité énergétique pourraient être amenés à évoluer avec la prise de fonction future de la nouvelle Commission européenne. Il faudra donc être attentif aux objectifs promus au niveau européen et à ce que la loi française s’en fasse le relai volontaire.
L’un des points forts du projet de loi consiste selon nous en la volonté de faire participer chaque citoyen à l’effort de la transition énergétique. Cela passe par des obligations d’information et de consultation du public dans la lignée de la Convention d’Aarhus et des procédures de débat public introduites depuis en France.
Pour aller encore plus loin dans cette voie, il nous semblerait envisageable d’intégrer un représentant des collectivités locales dans le Comité de gestion de la contribution au service public de l’électricité, ainsi qu’un représentant citoyen. Cela permettrait de donner encore plus de transparence à ce suivi.
Un comité d’experts indépendants sur les enjeux de la transition énergétique pourrait également être créé et composé de membres choisis selon des critères de compétence, de pluralité et d’absence de conflit d’intérêt. Cette structure serait un utile lieu de débat et d’information sur les grands enjeux de la transition énergétique.
Dans un souci d’appui efficace aux collectivités locales, l’intérêt général que présentent des structures telles que les Agences locales de l’environnement et du climat gagnerait à être reconnu tant elles, et elles seraient utilement davantage soutenues, tant elles constituent une enceinte utile pour élaborer des réponses concrètes liées à la transition énergétique.
Les collectivités locales, en étant au plus près du terrain, jouent un rôle crucial dans l’expérimentation de nouveaux modes d’exploitation et de consommation de l’énergie et la diffusion des bonnes pratiques. Il faut donc encourager cette capacité d’initiative en leur laissant des marges de manœuvre réelles, dans le cadre de la loi, pour jouer ce rôle à plein. Cette action peut s’entendre dans le cadre du Programme SAVE II de l’Union européenne.
Alors que la Conférence climat de 2015 se tiendra à Paris et devrait constituer un tournant essentiel dans la lutte contre le réchauffement climatique, de nombreux espoirs reposent sur le rôle moteur de l’Europe dans ce processus. Ce rôle qu’elle a endossé dans le passé, l’Europe peut à nouveau le jouer, mais elle ne peut se contenter d’affirmer des ambitions sur la scène internationales si sans aller au bout de la logique de la communauté de l’énergie souvent évoquée.
En effet, l’Europe ne pourra faire l’économie d’une transition énergétique réussie, qui lui permette de relever le triple défi de la sécurité de l’approvisionnement, de la compétitivité économique et de la lutte contre le réchauffement climatique. L’Union de l’énergie doit être un objectif de long terme, un projet positif redonnant du sens à une construction européenne qui suscite au mieux le désintérêt, voire l’incompréhension ou, pire, l’hostilité de nombreux citoyens.
Dans cette démarche de long terme, la France doit jouer, comme en 1950, un rôle de proposition et d’impulsion. L’accueil de la Conférence climat en 2015 lui donne une position de choix pour assumer ce rôle, et s’il ne s’agit pas d’inscrire dans la loi des formules incantatoires, son examen ne saurait pour autant se passer de cette préoccupation d’exemplarité, qui pourra nous permettre d’affirmer un rôle leader au niveau européen et contribuer utilement à la relance de l’économie et à la création d’emplois, potentiellement très nombreux dans le secteur de la transition énergétique.
La Commission s’est réunie le 16 septembre 2014, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.
L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.
« M. Joaquim Pueyo. Nous allons voter ce projet de loi qui va dans le bon sens et qui constitue un enjeu de société et de civilisation pour les cinquante années à venir. Il me semble très important de souligner le lien entre ce texte et les territoires à travers trois thèmes : la rénovation des logements, il faut orienter les fonds européens vers ces dispositifs ; le développement des transports en commun, qui permettra de préserver la santé ; et la lutte contre les gaspillages et le recyclage des déchets. Nous sommes très satisfaits de ce projet de loi, qui devra aider à une réorientation des fonds européens.
La Présidente Danielle Auroi. Je suis d’accord avec ces remarques et, à mon sens, ce texte ne traite pas assez de ce qui tourne autour de l’efficacité énergétique. Le grand thème un peu délaissé des dernières directives est effectivement l’efficacité énergétique. Il est important de rappeler notre attention à ce thème. Une fois que la loi sera intervenue, il faudra être vigilant sur les moyens qui seront mis en place pour son application.
Nous proposons le sous-titre : « Projet de loi relatif à la transition énergétique : un pas décisif vers une Union européenne de l’énergie » à notre rapport pour appuyer ce qui vient d’être dit et rappeler notre souci de ce projet.
Yves Daniel. Le poids des territoires et de leur action est essentiel car les collectivités territoriales prennent des décisions importantes. Aussi nous faut-il un cadre défini pour protéger et accompagner les décisions locales.
Les conclusions, dont le texte figure ci-dessous, ont ensuite été adoptées à l’unanimité par la commission. »
La Commission des affaires européennes,
Vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notamment ses articles 4, 114, 122, 170 à 172 et 194, 216 à 218,
Vu l’article 151-1-1 du règlement de l’Assemblée nationale,
Vu le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte n° 2188 enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 juillet 2014,
Vu la directive n°2009/29/CE du 23 avril 2009 du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive n° 2003/87/CE afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d'échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (SCEQE),
Vu la directive n° 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives n° 2001/77/CE et n° 2003/30/CE,
Vu la décision n° 406/2009/CE du 23/04/09 du Parlement européen et du Conseil relative à l'effort à fournir par les États membres pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre afin de respecter les engagements de la Communauté en matière de réduction de ces émissions jusqu'en 2020,
Vu la directive n° 2014/52/UE du 16/04/14 du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive n° 2011/92/UE concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement,
Vu la directive n° 2009/30/CE du 23 avril 2009 contenant des spécifications relatives à l’essence, au carburant diesel et aux gazoles,
Vu la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution),
Vu la directive 2012/18/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 dite directive « Seveso III » concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, modifiant puis abrogeant la directive 96/82/CE du Conseil,
Vu la directive n° 2011/70 du Conseil du 19 juillet 2011 établissant un cadre communautaire pour la gestion responsable et sûre du combustible usé et des déchets radioactifs,
Vu la directive n° 2012/27/UE du 4 décembre 2012 du Parlement européen et du Conseil sur l’efficacité énergétique,
Vu le règlement n° 443/2009 du 23 avril 2009 fixant des normes de performance en matière d'émissions pour les voitures particulières neuves dans le cadre de l'approche intégrée de la Communauté visant à réduire les émissions de CO2 des véhicules légers,
Vu le livre vert de la Commission européenne du 27 mars 2013 COM(2013) 0169 : « Un cadre pour les politiques en matière de climat et d'énergie à l'horizon 2030 »,
Vu la communication COM(2011) 0885 de la Commission européenne du 15 décembre 2011 : « Feuille de route pour l'énergie à l'horizon 2050 »,
Considérant le rapport de la Commission européenne au Parlement européen et au Conseil COM(2013) 791 du 18 novembre 2011 sur la mise en œuvre du programme énergétique européen pour la relance,
Considérant la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au conseil, au Comité économique et social européen et au comité des régions COM/2014/015 du 22 janvier 2014 : « Un cadre d'action en matière de climat et d’énergie pour la période comprise entre 2020 et 2030 »,
Considérant que la transition énergétique constitue la voie la plus adaptée pour résoudre le triple défi de la sécurité de l'approvisionnement, du réchauffement climatique et de la compétitivité,
Approuve les grands principes posés par le projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte (n° 2188), les objectifs fixés et l’essentiel des mesures proposées sous réserves des remarques et ajouts énoncés dans le rapport de Mme Danielle Auroi « Projet de loi relatif à la transition énergétique : un pas décisif vers une Union européenne de l’énergie » déposé par la Commission des affaires européennes le 16 septembre 2014, et notamment :
- de souligner de manière plus appuyée la problématique de l’équilibre des rapports entre les pays disposant des ressources énergétiques et des pays assurant leur gestion et leur exploitation, qui sont aussi souvent les pays de plus grande consommation ;
- d’ajouter la prévention des risques industriels majeurs à la liste des objectifs de la loi énoncés à l'article premier, ainsi que le sujet des interactions entre la transition énergétique et la biodiversité, sur laquelle la Commission des Affaires européennes s'est récemment penchée (article 1) ;
- de préciser et de garantir l'exigence d'exemplarité des bâtiments neufs à maîtrise d'ouvrage publique afin de la rendre pleinement opérationnelle (article 4) ;
- de développer dans le projet de loi le thème de la précarité énergétique, qui touche les ménages à revenus modestes et conduit à un véritable et regrettable cumul des difficultés sociales ;
- de donner des objectifs chiffrés quant à l'amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments (article 5) ;
- de préciser quels moyens de financement seront alloués au développement des énergies renouvelables évoqué à l'article 5 ;
- de développer davantage certains sujets au sein du titre V du projet de loi : les problématiques liées aux réseaux intelligents et au stockage de l'énergie, qui sont des clés du développement futur des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique : le financement de la recherche sur ces sujets doit être abordé ;
- d'approfondir la procédure d’autorisation/de prolongation des installations nucléaires élaborée à partir de la définition réglementaire des 40 ans, qui pourrait reposer sur une étude d’impact impliquant pleinement les citoyens, avec des mesures d’information et de participation, et qui viserait à intégrer les enjeux de sécurité et la question de l’opportunité de la prolongation (article 32) ;
- de poser à nouveau le problème de la gestion des déchets nucléaires, pour lequel aucune réponse satisfaisante n’a véritablement été donnée ;
- de détailler plus avant au sein du titre VII, les mesures qui pourraient concerner la simplification des procédures au profit des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique ;
- de donner plus de poids aux collectivités territoriales et aux acteurs de terrain dans la définition donnée par la loi et la diffusion des initiatives destinées à assurer la transition énergétique : ces acteurs disposent de savoir-faire et d’expériences qui doivent pouvoir être relayés pour que se partagent les bonnes pratiques.
- enfin, de donner une importance particulière au rôle que la France pourrait jouer dans la promotion d’une Union de l’énergie au niveau européen. Ce rôle serait cohérent avec l’ambition affichée par le projet, à l’heure où une nouvelle ambition industrielle reposant sur les principes d’un développement plus soutenable nous semble de nature à donner un nouveau souffle au projet européen. »
1 () La composition de cette Commission figure au verso de la présente page.
2 () Selon la définition de l’ Intergovernemental panel on climate change.
3 () Source : Vedura environnement.
4 () Voir le rapport d’information n °423 de MM. Bernard Deflesselles et Jérôme Lambert sur les « négociations internationales relatives au climat », déposé par la commission des Affaires européennes le 20 novembre 2012.
5 () Chiffres clés de l’énergie, Commissariat général au développement durable, février 2014
6 () Climat et démographie: comment apaiser un débat orageux, Diarmid Campbell-Lendrum & Manjula Lusti-Narasimhan, Bulletin de l’Organisation mondiale de la Santé, 2009
7 () Union européenne - Russie : quelles relations ?, Rapport d'information n° 307 (2006-2007) de M. Yves POZZO di BORGO, fait au nom de la délégation pour l'Union européenne, déposé le 10 mai 2007
8 () Directive 2012/27/UE sur l’efficacité énergétique, 14 novembre 2012.