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N° 2531

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 28 janvier 2015

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

sur le programme de travail de la Commission européenne pour 2015

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Danielle AUROI

Députée

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; M. Christophe CARESCHE, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; M. Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, MM. Arnaud LEROY, André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, MM. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Rémi PAUVROS, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY.

SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION 5

I. LE PROGRAMME DE TRAVAIL DE LA COMMISSION EUROPÉENNE : UN NOUVEL ELAN ? 9

A. UN EXERCICE ENCADRÉ 9

B. UN VÉRITABLE PROGRAMME POLITIQUE 9

II. UN PROGRAMME DE TRAVAIL INSUFFISAMMENT AUDACIEUX 13

A. LES PROPOSITIONS NOUVELLES, SECTEURS PAR SECTEURS 13

1. Un nouvel élan pour l’emploi, la croissance et l’investissement 13

2. Un marché numérique connecté 14

3. Une Union plus résiliente sur le plan de l’énergie, dotée d’une politique visionnaire en matière de changement climatique 15

a. L’Union de l’énergie 15

b. Répondre au défi climatique 16

4. Un marché intérieur plus approfondi et plus équitable, doté d’une base industrielle renforcée 16

5. Une Union économique et monétaire plus approfondie et plus équitable 17

a. Sur l’Union économique et monétaire 17

b. Sur la fiscalité 17

6. Un accord de libre-échange raisonnable et équilibré avec les États-Unis 18

7. Un espace de justice et de droits fondamentaux basé sur la confiance mutuelle 19

8. Vers une nouvelle politique migratoire 19

9. Une Europe plus forte sur la scène internationale 19

10. Une Union du changement démocratique 20

B. LE RETRAIT DE PROJETS IMPORTANTS 21

1. En matière environnementale 21

a. La proposition de directive relative à la réduction des émissions nationales de polluants 21

b. La proposition de directive relative à l’économie circulaire 22

c. Sur la fiscalité de l’énergie 23

2. La proposition de directive sur le congé maternité 23

3. La proposition de règlement relative à la réciprocité en matière d’accès aux marchés publics 24

TRAVAUX DE LA COMMISSION 25

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE 31

ANNEXES 35

ANNEXE NO 1 : COMMUNICATION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE RELATIVE AU PROGRAMME DE TRAVAIL 37

ANNEXE NO 2 : ECHANGE DE COURRIER ENTRE LA PRESIDENTE DANIELLE AUROI ET LE VICE PRESIDENT DE LA COMMISSION EUROPÉENNE FRANS TIMMERMANS 49

ANNEXE N°3 : CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES ADOPTÉES EN JUIN 2014 SUR LES PRIORITÉS POUR L’UNION EUROPÉENNE 53

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La nouvelle Commission européenne a adopté le 16 décembre 2014 son programme de travail pour 2015, le premier programme de travail de ce mandat.

Ce programme de travail s’approprie les orientations définies par le président de la Commission européenne dans son programme politique pour 2014-2019, présenté au Parlement européen le 15 juillet dernier. Il s’agit d’un véritable programme politique, centré sur des objectifs précisément définis et donnant une meilleure lisibilité à l’action de la Commission européenne. Cette démarche stratégique doit être dans son principe saluée. Le nouveau contexte créé par les évènements dramatiques ayant eu lieu en ce début janvier en France aura nécessairement une influence sur cette feuille de route et sur les textes que proposera la Commission européenne lors de l’année à venir.

Le programme présenté en décembre se caractérise par une volonté affichée d’allègement règlementaire, partant du postulat que les citoyens souhaitent que l’Europe « s’immisce moins » dans leur vie quotidienne, pour reprendre les mots de Jean-Claude Juncker. Ce programme de travail ne prévoit donc que vingt-trois nouvelles initiatives, dont seulement treize comporteront un volet législatif, alors que les précédents programmes de travail pouvaient en contenir plus d’une centaine. Parallèlement, la Commission européenne a fait le choix d’appliquer de manière stricte le principe de la « discontinuité », en passant au crible les 452 propositions législatives actuellement sur la table des négociations pour in fine proposer l’abandon ou la modification de 80 textes n’ayant pas encore été adoptés par le Conseil ou par le Parlement européen. C’est sur ce dernier aspect que les tensions autour de ce programme de travail se sont cristallisées au cours des dernières semaines.

Une telle démarche de simplification et d’efficacité doit bien sûr être encouragée. « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires », affirmait Montesquieu, et les différentes commissions européennes qui se sont succédées au cours des dernières années sont probablement tombées dans ce travers.

Ce « mieux légiférer » ne doit pas pour autant se transformer en un « moins légiférer » aveugle. Avant même la publication officielle du programme de travail, plusieurs ONG ont tiré la sonnette d’alarme sur le retrait de textes fortement emblématiques dans le domaine environnemental, relatifs à la qualité de l’air et à l’économie circulaire. Votre rapporteure a saisi dès le 15 décembre le Vice-Président de la Commission européenne chargé des relations interinstitutionnelles, Frans Timmermans, afin de lui faire part de sa vive inquiétude à ce sujet, et a parallèlement interpellé le Gouvernement lors de la séance de questions du 17 décembre dernier. Dans sa réponse, le Secrétaire d'État aux Affaires européennes a indiqué partager la démarche générale de la Commission européenne visant à « faire le tri dans un ensemble de directives et de projets de législation européenne qui, pour certains, ne correspondent plus aux priorités d’aujourd’hui ou sont enlisés depuis des années faute d’un accord suffisant entre les États membres », tout en rappelant que cet exercice ne doit pas se transformer en « un acte de renoncement ». Il a également indiqué que Mme Ségolène Royal, a adressé au président de la Commission européenne, avec d’autres ministres de l’environnement européens, une lettre l’informant que la France n’accepterait pas de renoncer à avancer sur ces sujets, et que lui-même avait réitéré cette demande lors de la réunion du Conseil des affaires générales du 16 décembre. M. Frans Timmermans a pour sa part répondu le 19 décembre au courrier de votre rapporteure, en précisant que la directive sur la réduction des émissions nationales de polluants ne serait pas retirée mais seulement modifiée, afin d’exploiter les synergies avec le paquet énergie-climat 2030, dont elle fera partie. Les deux autres textes du paquet « air pur » restent sur la table des négociations. En ce qui concerne le paquet « économie circulaire », il affirme dans ce courrier que « l'intention de retirer la proposition législative est motivée par le choix de la Commission de revenir avec un paquet plus ambitieux qui ne couvre pas exclusivement la gestion des déchets mais également les autres éléments du cercle de l'économie circulaire tels que la création d'un marché pour des matières premières après recyclage ». Si ces éléments de réponse vont plutôt dans le bon sens, la commission des Affaires européennes doit rester extrêmement vigilante à l’évolution de ces textes.

Les sujets environnementaux ne sont pas les seuls concernés par cette simplification.

Ainsi, en l'absence d'accord au Conseil dans les six mois, la Commission européenne a annoncé le retrait et le remplacement de la directive sur le congé maternité par une nouvelle initiative. Sur un texte porteur de progrès sociaux importants pour les femmes, les États membres n’ont pas été capables depuis 2008 – date à laquelle cette proposition a été présentée – d’aboutir à un consensus. Cet échec est emblématique de la difficulté qu’il y a aujourd’hui à créer une Europe sociale, dès lors qu’il s’agit de sortir des incantations pour prendre des mesures très concrètes.

Enfin, ce rapport appelle également l’attention sur le retrait de la proposition concernant la réciprocité d’accès aux marchés publics, que la Commission européenne souhaite reformater. Il conviendra d’être attentif au sort réservé à ce texte porté par la France.

Surtout, il est nécessaire de s’interroger sur ce que veut dire politiquement ce « moins légiférer ». Prôner moins d’Europe, tout comme prôner moins d’État, conduit souvent à affaiblir ceux qui ont le plus besoin de protection et à affaiblir l’action commune au service des citoyens européens. Dans ce programme de travail, l’accent est mis sur la réduction des charges règlementaires pesant sur les entreprises, et votre rapporteure craint que cet équilibre ne se fasse au détriment de la protection de la santé des consommateurs, de la protection des travailleurs, de la protection de l’environnement.

Bien sûr, cela ne veut pas dire qu’il faut que l’Union européenne continue à intervenir dans le détail dans tous les aspects du marché intérieur – l’on a beaucoup raillé sous la législature précédente les propositions de la Commission européenne relatives à la taille des bouteilles d’huile d’olive ou à la création d’un label écologique pour les chasses d’eau. Oui, le principe de subsidiarité implique que l’Europe laisse les États membres légiférer pour ce qui peut se faire de manière plus pertinente au niveau national. Mais ayons le courage de dire que ce principe de subsidiarité implique également, dans le sens inverse, que les États membres acceptent de déléguer au niveau européen les actions qu’il serait bien plus efficace de mutualiser. Les champs où l’Union européenne aurait une immense valeur ajoutée et sont pourtant inexplorés restent nombreux, en matière sociale, dans le domaine de la recherche, en matière fiscale encore très largement du ressort des États, en matière de politique étrangère et de défense, comme l’a souvent souligné la commission des Affaires européennes.

Jean-Claude Juncker a prévenu que cette nouvelle Commission européenne serait « la Commission de la dernière chance ». Elle doit donc, dès 2015, répondre aux deux urgences majeures auxquelles elle doit faire face : l’urgence sociale d’un côté, l’urgence environnementale de l’autre. Pour y parvenir, seules des propositions ambitieuses pourront donner à l’Union européenne le « nouvel élan » que la Commission appelle de ses vœux.

En matière sociale, ce « nouvel élan » pourrait passer par la mise en place du principe d’un salaire minimum européen, différencié par pays, par la convergence des systèmes sociaux, y compris à travers des coopérations renforcées, ou encore par l’accroissement des moyens de l’Union européenne dédiés à la lutte contre la pauvreté.

En matière environnementale, 2015, année de la conférence de Paris sur le climat, sera une année décisive pour l’Union européenne. Cette conférence suppose en effet, pour réussir, que l’Europe soit exemplaire en matière de lutte contre le changement climatique.

Si le recul sur certains textes environnementaux est regrettable, votre rapporteure ne peut en revanche que se satisfaire du souhait de la Commission européenne d’adopter un « cadre stratégique pour l’union de l’énergie », une idée portée par la commission des Affaires européennes depuis plusieurs années. Le programme de travail est assez peu explicite sur le détail des propositions qui seront faites en 2015, mais de nombreuses initiatives seront nécessaires afin de permettre le succès d’un tel projet. La Commission européenne a annoncé qu’elle ferait des propositions dans les prochaines semaines.

Au Parlement européen, le programme de travail a fait l’objet d’un intense débat lors de la session plénière du 15 janvier dernier. Lors de ce débat, les groupes politiques n’ont pas été en mesure de s’entendre sur une résolution commune, et aucune résolution n’a obtenu de majorité suffisante. Il n’y aura donc pas de position formelle du Parlement européen sur ce programme, bien que de nombreux députés européens aient formulé des inquiétudes qui rejoignent celles exposées dans le présent rapport.

Ce rapport revient plus en détail sur chacune des propositions formulées par la Commission européenne, mettant en exergue ici les progrès, ici les lacunes de ce programme. Il ne s’agit cependant pas de se prononcer dès maintenant sur des propositions sectorielles qui restent pour le moment très floues : ce sera le rôle des rapporteurs de votre commission tout au long de l’année, dans le cadre de l’examen de chacun de ces textes. Ce rapport et l’adoption d’une résolution européenne sur ce programme doivent avant tout permettre, en éclairant les propositions contenues dans ce programme de travail, de réaffirmer les priorités stratégiques de l’Assemblée nationale pour l’année à venir en matière européenne.

I. LE PROGRAMME DE TRAVAIL DE LA COMMISSION EUROPÉENNE : UN NOUVEL ELAN ?

A. UN EXERCICE ENCADRÉ

La Commission européenne est en charge de la programmation annuelle et pluriannuelle de l’Union européenne. Ce rôle, qui découle directement du monopole d’initiative accordé à la Commission par les traités, est formalisé dans l’accord-cadre sur les relations entre le Parlement européen et la Commission européenne.

La Commission européenne doit présenter un programme de travail chaque année, « prenant en compte les priorités formulées par le Parlement » et fournissant « suffisamment de détails concernant ce qui est envisagé à chaque point de son programme de travail » (point 35 de l’accord-cadre).

La Commission européenne dispose d’un droit de retrait, corollaire de son droit d’initiative. Si en cours de mandature l’exercice de ce droit reste exceptionnel et limité aux cas d’absence d’intérêt manifeste du législateur ou de changement fondamental des circonstances ayant motivé la proposition, le principe de « discontinuité » prévoit que « la Commission procède à un réexamen de toutes les propositions pendantes au début de son mandat, de façon à les confirmer politiquement ou à les retirer, compte tenu des avis exprimés par le Parlement » (point 39 de l’accord-cadre).

B. UN VÉRITABLE PROGRAMME POLITIQUE

La Commission européenne « a l’intention de faire d’autres choses, et de les faire autrement », affirment les premières lignes du programme de travail. Cette volonté se traduit par l’affirmation de priorités claires mais également par un changement de méthode.

Ce programme est composé de plusieurs documents :

- une communication intitulée »  Programme de travail de la Commission pour l’année 2015 : un nouvel élan » ; (1)

- une liste des initiatives nouvelles, composée de vingt-trois propositions de nature législative et non législative ;

- une liste des retraits ou des modifications de propositions en cours d’examen ;

- une liste des actions du programme « REFIT » pour 2015. Ce programme « vise à rendre la législation de l'UE plus simple et à réduire les coûts induits par la réglementation », en abrogeant ou actualisant les textes européens devenus obsolètes et en évaluant la règlementation actuelle.

Le président de la Commission européenne a souhaité s’inscrire en rupture avec ses prédécesseurs en présentant une liste de nouveaux textes restreinte et en dégageant des axes prioritaires, alors que les précédents programmes pouvaient comporter jusqu’à 150 propositions. Parallèlement, 80 textes sur les plus de 400 hérités des précédentes Commissions ont été retirés. Pour le justifier, la Commission européenne souligne qu’elle « demeure fermement attachée aux objectifs d’un grand nombre des initiatives qu’elle propose de retirer » tout en affirmant que ces propositions « perdent tout utilité dès lors qu’elles traînent sur une table de négociation, qu’elles sont en décalage par rapport aux évènements ou que, dans le courant des négociations, elles ont été dénaturées à un point tel que leur objectif initial ne peut plus être atteint ». Cette « cure d’amaigrissement » imposée au corpus législatif européen s’inscrit dans un cadre plus global : celui de l’allègement de la charge règlementaire, considéré comme une priorité de la Commission européenne. Celle-ci souhaite en effet concilier cet allègement règlementaire, cette lutte contre les « obstacles bureaucratiques inutiles » (« red tape »), avec « un niveau élevé de protection sociale et de protection de la santé et de l’environnement » ainsi que « la liberté de choix des consommateurs ».

Pour votre rapporteure, cet agenda échoue malheureusement à concilier ces deux objectifs, en faisant de l’allègement de la charge règlementaire pour les entreprises un leitmotiv, au détriment d’une politique sociale et environnementale ambitieuse : c’est ce que montre l’abandon de textes emblématiques tels que les paquets « qualité de l’air » et « économie circulaire » ou la directive relative au congé maternité (cf. infra).

Sur le fond, le programme applique les orientations politiques présentées par le président Juncker à Strasbourg le 15 juillet 2014. (2)

Il distingue dix priorités pour l’Europe :

- « Un nouvel élan pour l’emploi, la croissance et l’investissement ;

- Un marché unique numérique connecté ;

- Une Union plus résiliente sur le plan de l’énergie, dotée d’une politique visionnaire en matière de changement climatique ;

- Un marché intérieur plus approfondi et plus équitable, doté d’une base industrielle renforcée ;

- Une Union économique et monétaire plus approfondie et plus équitable ;

- Un accord de libre-échange raisonnable et équilibré avec les États-Unis ;

- Un espace de justice et de droits fondamentaux basé sur la confiance mutuelle ;

- Vers une nouvelle politique migratoire ;

- Une Europe plus forte sur la scène internationale ;

- Une Union du changement démocratique. »

Ces mêmes priorités sont également celles de la présidence lettone, qui a distingué dans son agenda trois axes d’action : une Europe compétitive, une Europe digitale, une Europe engagée sur la scène internationale.

Le Conseil devrait prochainement réagir aux principaux retraits de textes proposés par la Commission européenne.

Au Parlement européen, le programme de travail a été présenté par Jean-Claude Juncker et Frans Timmermans le jour même de son adoption le 16 décembre 2014, puis a fait l’objet d’un débat lors de la session plénière du 15 janvier dernier. Lors de ce débat, les groupes politiques n’ont pas été en mesure de s’entendre sur une résolution commune, et aucune résolution n’a obtenu de majorité suffisante, certains groupes ne souhaitant pas qu’une position critique ne soit adoptée. Des préoccupations communes émergeaient pourtant de plusieurs groupes, en particulier sur le retrait des textes relatifs à la qualité de l’air et à l’économie circulaire ainsi que de la directive relative au congé maternité.

II. UN PROGRAMME DE TRAVAIL INSUFFISAMMENT AUDACIEUX

A. LES PROPOSITIONS NOUVELLES, SECTEURS PAR SECTEURS

1. Un nouvel élan pour l’emploi, la croissance et l’investissement

Le plan de 315 milliards d’euros pour relancer l’investissement en Europe, présenté le 26 novembre par le président de la Commission européenne, est le pilier de ce programme. Au sein de notre commission des Affaires européennes, nos collègues Razzy Hammadi et Arnaud Richard présenteront début février un rapport sur la proposition de la Commission européenne relative aux modalités de mise en œuvre du Fonds européen pour les investissements stratégiques.

Dans l’attente de précisions sur les conditions de participation des entités publiques à ce Fonds et sur sa gouvernance, la commission des Affaires européennes s’est déjà prononcée en décembre dernier par des conclusions (3)sur les lignes directrices de ce fonds, en saluant l’initiative prise par la Commission européenne de lancer un plan d’investissement sur trois ans ciblé sur des secteurs stratégiques comme la transition énergétique et les PME. Une plus grande ampleur doit cependant être conférée à ce plan, en particulier en matière d’apports publics européens et nationaux. Pour cela, les contributions nationales à ce Fonds et les co-financements publics mobilisés au titre de ce plan ne devraient pas être pris en compte dans l’appréciation des soldes publics menée dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance. Enfin, pour garantir la bonne utilisation de ces fonds, la sélection des projets devrait être effectuée de manière indépendante, et s’accompagner de la mise en place de mécanismes de contrôle de l’utilisation des fonds mobilisés.

La Commission européenne devrait également proposer des mesures législatives et non législatives visant à promouvoir « l’intégration et l’employabilité sur le marché du travail », destinées à aider les États membres à favoriser l'emploi des citoyens, en particulier les chômeurs de longue durée et les jeunes, et à doter la main-d’œuvre de qualifications. Sont ainsi prévues des mesures visant à faire suite à la mise en œuvre de l’initiative pour l’emploi des jeunes, une proposition de recommandation du Conseil sur l’insertion des chômeurs de longue durée, ainsi que des mesures en faveur du développement des compétences. Notre commission sera évidemment très attentive au contenu de ces mesures, qui reste pour le moment très flou.

La Commission européenne souhaite également actualiser la stratégie Europe 2020, afin d’en faire une véritable « stratégie d’après-crise ». Cette démarche a été initiée lors de la présidence italienne, au cours de laquelle chaque formation du Conseil a dressé un bilan de cette stratégie dans son domaine. Une consultation a également été lancée, et la commission des Affaires européennes y avait répondu en adoptant des conclusions (4), dans lesquelles elle souhaitait que les objectifs tels que fixés en 2010 soient maintenus et que la Commission européenne donne une plus grande place à ces objectifs dans ses recommandations relatives aux programmes nationaux de réformes.

2. Un marché numérique connecté

La communication de la Commission européenne a entamé l’élaboration d’une nouvelle stratégie numérique, dont l’objectif est de faire en sorte « que les consommateurs bénéficient d’un accès transfrontière aux services numériques, d’instaurer des conditions équitables pour les entreprises et de créer les conditions propices à une économie et à une société numériques dynamiques ». Votre rapporteure ne peut que se satisfaire d’une telle proposition, qui avait été appelée de ces vœux par l’Assemblée nationale suite au rapport de la commission des Affaires européennes présenté par M. Hervé Gaymard et Mme Axelle Lemaire. (5)

Une des propositions législatives de ce paquet « numérique » doit porter sur la modernisation du droit d’auteur. Cette proposition n’est pas une surprise. De décembre 2013 à mars 2014, une consultation publique avait été organisée par la Commission européenne « en vue de l’adaptation du droit d’auteur à l’ère numérique ». À la suite de cette consultation, un livre blanc relatif à la révision de la directive 2001/29 devait être publié, mais la Commission européenne sortante a ajourné son adoption. Dès le début de la nouvelle législature, un groupe de travail relatif à cette question a été mis en place au Parlement européen. Ce sujet est un sujet extrêmement complexe et sensible. Comme le souligne le rapport rendu par le Professeur Sirinelli à la ministre de la culture en décembre dernier à ce sujet, la perspective d’une révision de la seule directive 2001/29/CE suscite en France des réactions très majoritairement négatives.(6) La commission des Affaires européennes portera évidemment une attention toute particulière à la future proposition de texte.  

Enfin, la Commission européenne souhaite conclure les négociations interinstitutionnelles sur les textes relatifs aux données personnelles, appuyée en cela par la commission des Affaires européennes, qui, dans ses conclusions adoptées le 14 mai dernier sur ce paquet législatif, estimait primordial d’aboutir « au plus tard en 2015 à une adoption simultanée de la proposition de règlement et de la proposition de directive précitées ».

3. Une Union plus résiliente sur le plan de l’énergie, dotée d’une politique visionnaire en matière de changement climatique

a. L’Union de l’énergie

Le programme de travail prévoit l’adoption d’un « cadre stratégique pour l’union de l’énergie », afin :

- « d’assurer la sécurité de l’approvisionnement en énergie ;

- de réduire la dépendance à l’égard des importations en provenance de pays tiers ;

- de poursuivre l’intégration des marchés nationaux de l’énergie ;

- de renforcer l’efficacité énergétique ;

- de favoriser la décarbonatation du bouquet énergétique ;

- de promouvoir la recherche et l’innovation dans le domaine de l’énergie ».

Pour mettre en œuvre l’Union de l’énergie dont les grands objectifs ont été tracés par le Conseil européen des 23 et 24 octobre 2014, la Commission européenne a annoncé une communication qui constituera la stratégie donnée à l’Union de l’énergie, une feuille de route déclinant les prochaines actions à mener selon des échéances précisées au moins pour 2015. Cette communication devrait intervenir en février 2015 de façon à être validée par le Conseil européen de mars 2015.

Les objectifs adoptés pour l’échéance 2030 appellent à une réforme de la gouvernance future des politiques énergétiques européennes. Ce cadre pourrait s’inspirer de la gouvernance mise en place au niveau économique (préparation de plans nationaux examinés par la Commission, qui pourrait émettre des recommandations), et vise à résoudre la difficile conciliation entre le respect des bouquets énergétiques nationaux et le besoin d’une plus grande cohésion dans la politique énergétique européenne.

Si le programme de travail de la Commission semble donc encore assez peu explicite sur le détail des propositions qui seront faites en 2015, de nombreuses initiatives seront pourtant nécessaires.

En ce qui concerne la sécurité d’approvisionnement, il s’agirait de renforcer à la fois les mécanismes de coopération (sur la sécurité d’approvisionnement en gaz, il pourrait s’agir de l’élaboration d’un mécanisme très attendu d’achat commun du gaz sur une base volontaire) et de sécurité (notamment par la protection des infrastructures critiques). L’approfondissement du marché intérieur impliquera pour la Commission d’agir sur le renforcement des interconnexions, d’achever le marché de détail, d’intensifier la coopération régionale et de relever le défi des investissements.

L’efficacité énergétique, dont on peut regretter que les objectifs d’amélioration adoptés soient en deçà de ceux affirmés par le président Juncker devant le Parlement européen en juillet 2014, est un moteur de croissance potentiellement important pour l’Union européenne. Ce champ d’action devrait faire l’objet d’une attention soutenue de l’Union en 2015. La révision de la directive étiquetage énergétique d’ores et déjà annoncée pour 2015 devrait donc être complétée par d’autres initiatives.

b. Répondre au défi climatique

La préparation de la Conférence sur le climat qui se tiendra à Paris en décembre 2015 constitue l’objet de l’autre communication annoncée sur ce terrain par la Commission dans son programme de travail. Un haut niveau d’ambition de la contribution européenne apparait déterminant pour créer l’impulsion indispensable à la réussite de la Conférence.

La révision de la directive ETS (7) devra à ce titre aller dans le sens d’une décarbonisation volontaire des économies européennes et rendre le marché d’échange de quotas d’émission plus performant pour en faire un véritable instrument dans la lutte contre le réchauffement climatique.

4. Un marché intérieur plus approfondi et plus équitable, doté d’une base industrielle renforcée

Le programme de travail propose une stratégie pour le marché intérieur des biens et des services, mettant l’accent sur les services aux entreprises, la construction, le commerce de détail, les professions réglementées, les technologies de fabrication avancées et la fourniture combinée de biens et de services. Cette stratégie avait été demandée lors du Conseil compétitivité de décembre 2013. La Commission européenne a élargi le champ de ce travail au secteur des biens, tandis que le Conseil avait appelé à une analyse du fonctionnement du marché intérieur des services uniquement.

Un ensemble de mesures relatif à la compétitivité du secteur aérien doit également être présenté.

En matière de politique industrielle, le programme de travail est très peu développé. La feuille de route pour la compétitivité industrielle, initiative très attendue par les États membres, en est notamment absente. Pourtant l’industrie est un enjeu majeur en Europe, moteur de l’économie européenne. La notion de « politique industrielle » a trop longtemps été absente du débat communautaire, et il est regrettable qu’aucun changement ne s’amorce en la matière. Notre commission a, à plusieurs reprises, pris position en ce sens, et nos collègues Jérôme Lambert et Jacques Myard travaillent encore actuellement sur ce sujet.

Enfin, en matière financière, doivent être proposés :

- Un plan d’action visant à améliorer le financement de l’économie, et notamment l’accès des PME au crédit, l’accent étant mis sur le développement d’un cadre commun en matière de titrisation ;

- Une proposition législative relative à la création d’un cadre européen pour le redressement et la résolution des défaillances d’établissements financiers d’importance systémique, couvrant a minima la question des chambres de compensation.

Enfin, est annoncé un train de mesures ayant pour objectif de favoriser la mobilité de la main d'œuvre et de lutter contre les abus grâce à une meilleure coordination des systèmes de sécurité sociale, à une révision ciblée de la directive sur le détachement de travailleurs et à un renforcement du réseau EURES.

5. Une Union économique et monétaire plus approfondie et plus équitable

a. Sur l’Union économique et monétaire

Pour la Commission européenne, l’approfondissement de l’Union économique et monétaire passe notamment par l’évaluation des mesures de gouvernance économique adoptées lors de la précédente législature (« six pack » et « two pack »), par des nouvelles recommandations relatives aux réformes structurelles devant être menées par les États membres. Des évolutions doivent également être apportées sur la représentation extérieure de l’UEM. 

Dans ses conclusions adoptées en décembre dernier sur à l’examen annuel de croissance pour 2015, la commission des Affaires européennes avait insisté sur la nécessité, dans un contexte économique dégradé, d’adapter le rythme de consolidation budgétaire en fonction des situations nationales et de conduire des politiques budgétaires axées sur le soutien à la croissance. Elle considère également que la poursuite des réformes structurelles nécessaire au renforcement de la compétitivité de l’économie européenne doit permettre une croissance durable, reposant sur la préservation des ressources, l’équité sociale et un haut niveau de protection sociale.

b. Sur la fiscalité

La Commission européenne indique que « tout en reconnaissant la compétence des États membres pour ce qui est de leurs systèmes fiscaux », elle « redoublera d’efforts » pour lutter contre l’évasion et la fraude fiscales. Cela se traduit, sur la base des travaux de l’OCDE et du G20 concernant l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, par diverses annonces :

- un plan d’action comprenant des mesures à adopter au niveau de l’Union pour passer à un système selon lequel le pays où les bénéfices sont réalisés est également le pays d’imposition, y compris dans le domaine de l’économie numérique, ce qui nécessite un accord sur une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés ;

- une proposition relative à l’échange automatique d’informations entre les autorités fiscales en matière de rulings fiscaux transfrontières ;

- un effort accru pour aboutir enfin à l’adoption de la taxe sur les transactions financières et ainsi que de règles renforcées pour lutter contre le blanchiment d’argent.

Les travaux se poursuivront également dans le domaine de la TVA, notamment pour combler le manque à gagner en matière de recettes fiscales.

Ce programme, dont l’objectif est de lutter contre l’optimisation fiscale, est conforme à ce qui pouvait être espéré. Il faudra toutefois demeurer attentif à sa mise en œuvre.

6. Un accord de libre-échange raisonnable et équilibré avec les États-Unis

La Commission européenne affirme vouloir préserver les normes européennes dans les domaines de la santé, des droits sociaux, de l’environnement, de la protection des données personnelles ainsi que la diversité culturelle de l’Europe.

Cette affirmation va dans le sens prôné par l’Assemblée nationale, qui a défini dès 2013 (8) les lignes rouges de cette négociation :

- pas de remise en cause des préférences collectives européennes ;

- pas de nivellement par le bas des normes sociales et environnementales ;

- respect de l’exception culturelle ;

- refus de l’instauration d’un mécanisme de règlement des différends entre États et investisseurs, qui ne se justifie pas au regard du haut degré d’indépendance et d’impartialité des juridictions des parties concernées.

Il conviendra de rester extrêmement vigilant sur le respect de ces principes lors de la suite des négociations avec les États-Unis,

7. Un espace de justice et de droits fondamentaux basé sur la confiance mutuelle

L’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme est l’un des principaux chantiers de l’année 2015 en matière de justice et de droits fondamentaux. La perspective d’une adhésion en 2015 est cependant compromise par l’avis rendu par la Cour de Justice de l’Union européenne le 18 décembre 2014 (9), concluant à l’incompatibilité du projet d’accord d’adhésion avec le droit de l’Union européenne.

En matière de sécurité, aucune action législative n’est prévue pour 2015. La Commission européenne doit proposer un programme européen en matière de sécurité pour la période 2015-2020, passant en revue les actions en cours et déterminant les mesures à prendre en tenant compte des nouvelles menaces (cybercriminalité, terrorisme, combattants étrangers, radicalisation).

8. Vers une nouvelle politique migratoire 

Rien n’est prévu pour l’année à venir en matière d’asile, la priorité devant impérativement être la bonne mise en œuvre des très nombreuses mesures législatives adoptées en la matière sous la précédente législature.

En matière d’immigration illégale, la gestion des flux migratoires doit être améliorée, en intensifiant la coopération avec les pays tiers, en favorisant le partage des charges et la solidarité ainsi que la lutte contre l'immigration clandestine et la contrebande. En ce qui concerne l’immigration légale, la priorité devrait être la révision de la directive « carte bleue » (10) et du permis de travail à l’échelle de l’Union européenne pour les travailleurs hautement qualifiés.

9. Une Europe plus forte sur la scène internationale

En matière de politique extérieure, la Commission européenne a deux priorités pour 2015 : la révision de la politique européenne de voisinage et la présentation d’une communication relative aux objectifs de développement pour l’après-2015.

En ce qui concerne la politique européenne de voisinage, bien que le programme de travail ne soit pas très explicite, les nouvelles orientations seront déclinées sous la forme d’une première communication, posant le cadre et la problématique de la revue qui accompagnera le traditionnel paquet sur la politique de voisinage en mars, puis d’une seconde communication à l’automne 2015, qui tiendra compte de la large consultation publique qui aura lieu au second trimestre.

La présidence lettonne s’investira d’abord sur le Partenariat oriental, via le Sommet de Riga, mais il est envisagé que la Commission européenne organise un événement dédié à la rive Méditerranéenne.

La communication sur les objectifs de l’Union européenne en matière de développement durable vise à arrêter une position commune de l’Union Européenne dans la perspective de la Conférence d’Addis-Abeba, prévue pour juillet 2015, qui portera sur le financement du développement. Pour rappel, le 2 avril dernier, le Parlement européen a adopté une résolution faisant de 2015 « l’année européenne pour le développement ».

10. Une Union du changement démocratique

Dans la continuité de la priorité donnée par ce programme de travail au « mieux légiférer », une proposition relative à un nouvel accord interinstitutionnel doit être présentée, le précédent accord datant de 2003. Cette proposition avait été avancée par le Vice-président Frans Timmermans dès son audition au Parlement européen.

La Commission européenne souhaite également proposer un accord interinstitutionnel relatif à un registre de transparence obligatoire. Le 15 juillet 2014 devant le Parlement européen, Jean-Claude Juncker avait annoncé la création d’un registre obligatoire des groupes de pression couvrant les trois institutions, affirmant que la Commission européenne montrerait l’exemple dans ce processus. Un accord interinstitutionnel relatif à un registre de transparence existe depuis 2011 entre le Parlement européen et la Commission. Lors de sa révision en 2013-2014, le Conseil avait décidé de ne pas faire partie de cet accord interinstitutionnel, et seul le Secrétariat général du Conseil avait participé en tant qu’observateur aux discussions sur la révision de cet accord. Le nouvel accord aurait vocation à s’appliquer au Conseil également, mais les modalités de cette application restent à déterminer.

Enfin, la Commission européenne souhaite réviser le processus décisionnel pour l’autorisation des OGM. Son contexte doit être rappelé : le 13 janvier, le Parlement européen a en effet adopté en deuxième lecture la proposition de règlement modifiant la directive 2001/18 encadrant la mise en culture des OGM sur le territoire de l’Union européenne. La nouvelle législation devrait entrer en vigueur au premier semestre 2015. En revanche, les règles applicables à la commercialisation d’OGM à des fins d’alimentation humaines ou animales, qu’ils soient cultivés dans l’Union ou importés, sont définies dans le règlement no 1829/2003. Dans ces conditions, l’engagement du Président Juncker de réviser, en 2015, la procédure d’autorisation des OGM doit se comprendre comme la volonté de modifier ce dernier règlement. Les enjeux sont importants : si un seul OGM est actuellement cultivé en Europe (le maïs MON 810), plus de 50 sont actuellement autorisés à la commercialisation, c’est-à-dire en pratique à l’importation. Selon les informations transmises à votre rapporteure, les services de la direction générale de la santé et des consommateurs devraient rendre leurs propositions en fin de 1er trimestre au plus tard.

B. LE RETRAIT DE PROJETS IMPORTANTS 

1. En matière environnementale

La Commission européenne affirme dans la communication relative à son programme de travail que « les éco-industries et l’éco-innovation représentent actuellement un tiers du marché mondial des technologies vertes, soit un montant d’un billion d’euros, appelé à doubler d’ici 2020 ». Pourtant, le traitement des questions environnementales au sein de ce programme de travail a provoqué de forts mécontentements. L’inscription de deux directives relatives aux émissions nationales de polluants atmosphériques et à l’économie circulaire à la liste des textes retirés a été particulièrement critiquée.

De nombreux États membres ont interprété le retrait de ces textes comme un signal politique négatif, et onze ministres de l’environnement, dont Mme Ségolène Royal, ont écrit dès le 1er décembre dernier à la Commission européenne, demandant à ce que ces deux textes restent en haut de l’agenda européen. Lors des débats ayant eu lieu au Parlement européen le 15 janvier 2014, cinq groupes politiques sur sept (11), représentant plus de 60 % des députés européens, ont également montré par leur vote sur les résolutions présentées leur opposition au retrait de ces deux propositions. Les plus grandes ONG environnementales (« Green 10 ») se sont également mobilisées pour le maintien de ces deux textes.

a. La proposition de directive relative à la réduction des émissions nationales de polluants

La directive sur la réduction des émissions nationales de polluants (12) proposée en décembre 2013 dans le cadre du paquet « qualité de l’air », a vocation à se substituer à celle de 2001 en fixant de nouveaux objectifs contraignants de réduction des émissions pour chacun des États membres. Cette proposition sera in fine maintenue mais modifiée par la Commission européenne dans le cadre du processus législatif en cours, afin « d’exploiter les synergies avec le paquet énergie-climat 2030 », dont elle fera désormais partie. Le Gouvernement considère que ce compromis est acceptable.

Votre rapporteure est défavorable à cette décision de la Commission européenne, qui aura pour effet principal de retarder l’entrée en vigueur de cette directive pourtant urgente : comme l’ont rappelé les conclusions adoptées par la commission des Affaires européennes en juillet dernier sur le paquet législatif « Air pur pour l’Europe » (13), les émissions dans l’atmosphère de substances polluantes ont de graves conséquences sanitaires, environnementales et économiques, et l’aggravation du phénomène en Europe appelle un renforcement de la législation. Pour mémoire, le nombre de décès prématurés dus à la pollution de l’air est évalué à 420 000 par an, c’est-à-dire environ dix fois plus que ceux consécutifs aux accidents de la route, et cette même pollution réduit l’espérance de vie moyenne des Européens de huit mois – voire de deux ans pour les habitants des zones les plus polluées.

b. La proposition de directive relative à l’économie circulaire

La Commission européenne a par ailleurs confirmé le retrait de la proposition de directive sur les déchets (14), traduction législative du paquet relatif à l’économie circulaire présenté le 2 juillet 2014. La Commission européenne justifie le retrait de ce texte par son souhait de présenter une nouvelle proposition « plus ambitieuse » et plus large d’ici 2016.

Au cours du premier débat d’orientation du Conseil relatif à cette proposition, les objectifs en matière de recyclage proposés par la Commission européenne à horizon 2030 avaient été considérés comme trop ambitieux par un grand nombre d’États (Hongrie, Slovaquie, Roumanie, Lituanie, Chypre, Bulgarie, Irlande, Croatie, Grèce). Les États membres se sont cependant accordés sur la place plus importante que devrait occuper la prévention dans le dispositif de gestion des déchets en Europe, plusieurs délégations insistant notamment sur la nécessité de mieux prendre en compte dans la proposition de directive la question de l’écoconception des produits.

La France soutient la proposition législative actuelle, qui fixe un horizon à 2030 pour les objectifs de recyclage. Ce texte va dans le sens du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte - qui définit des objectifs de recyclage des déchets et de réduction de la mise en décharge sensiblement plus larges que ceux proposés par la Commission européenne.

Votre rapporteure considère que retirer la proposition de directive constituerait un signal très négatif, en l’absence de garanties concrètes sur la future proposition qui viendrait la remplacer. En effet, investir dans l’économie circulaire n’est pas seulement une priorité environnementale mais également une urgence en pour la croissance et l’emploi : selon la Commission européenne elle-même, les mesures proposées pourraient permettre de créer plus de 180 000 emplois directs d’ici à 2030, dont la plupart seraient impossibles à délocaliser en dehors de l’Union européenne.

S’il n’est pas souhaitable de retirer cette proposition, la Commission européenne pourrait en revanche utilement proposer un texte complémentaire relatif l’écoconception des produits.

c. Sur la fiscalité de l’énergie

La Commission européenne a décidé de retirer la proposition de directive relative à la taxation de l’énergie (15).

Les débats relatifs à cette proposition sont bloqués au Conseil depuis plusieurs années, aucun accord n’ayant été trouvé sur le projet de compromis. Votre rapporteure prend acte de ce retrait, tout en invitant la Commission européenne à saisir cette opportunité pour présenter dès 2015 une nouvelle proposition relative à la fiscalité énergétique. Sans une nouvelle proposition ambitieuse, l’abandon de cette proposition constituerait un signal extrêmement négatif, à quelques mois de la conférence de Paris sur le climat.

2. La proposition de directive sur le congé maternité

La Commission européenne incite le Parlement et le Conseil à trouver un accord dans les six mois sur la directive relative au congé maternité (16), aucun consensus ne se dégageant sur le moment autour du texte particulièrement progressiste adopté par le Parlement européen en première lecture en 2010 – la proposition a été présentée par la Commission européenne en 2008 –, qui prévoit notamment la création d’un congé de maternité d’au moins 20 semaines indemnisées à taux plein (contre 16 semaines actuellement en France pour un premier enfant), d’un congé de paternité rémunéré et non cessible d'au moins deux semaines continues, ainsi que l’application des dispositions relatives au congé de maternité et au congé de paternité en cas d'adoption d'un enfant âgé de moins de douze mois.

La Commission européenne a annoncé que si le texte était supprimé, il serait remplacé par une nouvelle initiative. On ne peut que craindre que celle-ci soit en retrait par rapport au texte précédent, considéré par de nombreux États comme irréalisable et désincitatif pour l’emploi des femmes.

3. La proposition de règlement relative à la réciprocité en matière d’accès aux marchés publics

Cette proposition de règlement (17), à laquelle la France est très attachée, prévoit la possibilité de fermer des marchés publics européens aux entreprises issues de pays ne garantissant pas aux entreprises européennes un accès équivalent à leurs marchés publics. En effet, l’actuelle absence d’accès réciproque aux marchés publics nuit aux entreprises européennes, puisque, dès lors, certaines entreprises protégées sur leurs marchés nationaux sont en capacité de proposer leurs produits à des prix anormalement bas (18).

Cette proposition législative, extrêmement complexe, a rencontré une forte opposition au sein du Conseil. La Commission européenne prévoit de modifier sa proposition « conformément aux priorités de la nouvelle Commission afin de simplifier les procédures en raccourcissant les délais des enquêtes et en réduisant le nombre d’acteurs impliqués dans la mise en œuvre ». Il conviendra de s’assurer que cette proposition reste ambitieuse et s’appuie sur le travail déjà réalisé.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie les mardi 20 et mercredi 28 janvier 2015, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

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Réunion du mardi 20 janvier : communication de la Présidente Danielle Auroi sur le programme de travail de la Commission européenne pour 2015.

L’exposé de la rapporteure a été suivi d’un débat.

« M. Philip Cordery. Il serait bien de disposer d’un peu plus de temps pour analyser cette résolution, pour que nous puissions en discuter à l’intérieur de nos groupes et avec des membres d’autres commissions. Je reviens d’une réunion interparlementaire, qui réunissait une dizaine de parlements nationaux, où chacun s’est demandé comment nos parlements réagissaient au programme de la Commission européenne. J’ai entendu qu’il y avait des parlements nationaux où ces résolutions circulaient au sein de l’ensemble des commissions permanentes. Nous pourrions peut être nous en inspirer pour disposer d’un texte plus global sur un projet qui fixe les orientations de la Commission européenne. Ce n’est pas l’Alpha et l’Omega mais cela donne un cadre pour les cinq années à venir. Au nom du groupe socialiste je demande que nous puissions disposer d’un délai d’au moins huit jours pour débattre et amender ce projet. Le texte lui-même manque, me semble-t-il, de clarté sur nos objectifs. Nous devrions dégager, trois, quatre, cinq objectifs principaux, au premier rang desquels les investissements, la flexibilité budgétaire ou l’Europe sociale devraient également figurer en bonne place, de même que le climat et j’y ajouterai une cinquième, absente du texte de la Commission européenne, mais que nous ont rappelé les évènements du début de l’année, la lutte contre le terrorisme, nous devrions appeler à son intégration par la Commission européenne dans son programme.

Je suis d’accord sur ce que vous avez dit sur la qualité de l’air et l’économie circulaire mais la fiscalité écologique nous semble également importante.

Mme Estelle Grelier. Je souscris totalement à ce qui vient d’être dit, mais j’ai un problème de méthode. L’intervention de Jean-Claude Juncker sur sa feuille de route est l’équivalent d’un discours de politique générale qui cadre la mandature. Il nous manque un travail de réflexion en amont si nous voulons donner corps à l’idée que les parlements nationaux ont quelque chose à dire sur les sujets européens. Sur la forme j’ai une question de méthode car j’aurais aimé disposer du texte, accompagné d’un rapport, en amont. Sur le fond nous avons un sujet budgétaire lourd aujourd’hui, en particulier sur les crédits de paiement. Il faut reconnecter le fait que nous nous félicitons du plan d’investissement avec l’insuffisance des budgets ; le plan Juncker ne se limite pas à la BEI ou aux « projets bonds » mais il y a aussi la question du budget européen. Il nous manque une phrase sur le projet et nos attentes en tant que parlements nationaux, même le président Juncker est plus lyrique. Je le dis un peu sévèrement car j’aurais aimé que nous ayons une discussion en amont. Et je vous présente tous mes vœux pour la nouvelle année.

M. Bernard Deflesselles. Je crois que sur le plan de la méthode il convient effectivement d’approfondir le travail engagé. Il ne me semble en effet pas possible d’adopter cette résolution sans y regarder de plus près. Nous y trouvons à peu près tous les éléments, mais il faut nous caler sur le plan européen pour les mettre en perspective. Outre quelques maladresses de forme, il me semble que sur le plan d’investissement, j’avais lourdement insisté pour souligner que les 315 milliards n’étaient pas au rendez-vous. L’effet de levier basé sur une garantie de 16 milliards me paraît trop optimiste. Nous devons rédiger un paragraphe pour expliquer que le compte n’y est pas, ou la façon d’atteindre un facteur 20. Nous avons également plusieurs questions que nous souhaiterions voir aborder : la contribution des États à ce fond ; la question du salaire minimum européen, dont nous savons très bien qu’il sera a minima, donc bien inférieur au nôtre ; il nous faut parler de coordination de la lutte contre le terrorisme, mais également de sécurité. Il nous faut donc un peu plus de temps pour reconstruire le texte.

La Présidente Danielle Auroi. Je vous ai dans mon propos liminaire indiqué qu’il s’agissait d’une première mouture et nous disposons d’une semaine supplémentaire.

M. Pierre Lequiller. Je vais aller dans le même sens que les parlementaires qui viennent de s’exprimer, pour dire qu’il me parait prématuré de prendre une position sur cette résolution. Je souscris totalement à ce qu’a dit M. Bernard Deflesselles ; il y a d’autres sujets qui tournent autour du terrorisme, et devraient faire l’unanimité ici, tels que le PNR, sur lequel nous devrions prendre position, la réforme de Schengen. Je vous souhaite également une bonne année, Madame la Présidente.

M. Arnaud Richard. Merci madame la Présidente de nous avoir proposé un texte rapidement, c’est tout l’intérêt de notre Commission d’être réactive. Même s’il y a de bonnes choses dans ce texte je souscris à l’idée que chacun des groupes y regarde à deux fois avant de donner son avis. Je partage l’idée que la Commission des affaires européennes doit émettre un avis solide et partagé sur ces sujets et, chacun devra répondre à ce projet de résolution, au sein de son groupe. Très modestement, avec M. Razzy Hamadi, nous apporterons notre contribution, s’agissant du plan Juncker, avec un travail que nous présenterons le 18 février. Nous gardons ce texte comme une ébauche sur laquelle nous nous allons travailler.

M. Michel Piron. J’ai pris la peine de lire ce texte dès hier. Première question : que pouvons-nous attendre d’une position de notre commission sur ce qu’est en train de lancer le président Juncker ? Il me semble que son travail mérite d’être salué, ce qui n’est pas négligeable par les temps qui courent. A l’intérieur du plan Juncker il y a une hiérarchisation des urgences pour maintenir une unité européenne, malgré les forces centrifuges à l’œuvre. Nous devrions avoir l’approche la plus positive possible en indiquant les priorités du plan Juncker auxquelles nous adhérons. La proposition qui nous est faite étant éclectique, cette hiérarchisation est importante et doit s’accompagner d’un message positif sur l’excellent travail de la Commission. Des présidents de Commission européenne ont été dans le passé moins pertinents que Jean-Claude Juncker.

La Présidente Danielle Auroi. Je vous renouvelle également mes vœux. Ce type de texte – une base – s’appelle un texte « martyr ». Deuxième point il s’agit pour nous d’une procédure nouvelle. C’est la première fois, toutes législatures confondues, que nous débattons au sein de notre commission du programme de travail annuel de la Commission européenne - en ce qui concerne cette législature, 2013 a marqué la fin d’un cycle où il y avait peu d’orientations fortes de la Commission et l’année dernière était électorale. La mission effectuée par M. Philip Cordery hier peut nous éclairer sur la manière dont d’autres parlements nationaux s’emparent du texte présenté par M. Juncker au Parlement européen. L’intervention des commissions permanentes serait une très bonne chose, comme peut le faire le parlement allemand. Je suis d’accord pour considérer que ce travail doit être complété. En particulier s’agissant des conséquences du drame survenu en France, postérieurement à la présentation des propositions du Président Juncker. La manifestation du 11 janvier n’avait pas eu lieu et nous avons nécessairement une dimension que nous devons rajouter. Il nous faut faire un paragraphe pour montrer que l’Europe se bat contre toutes les intolérances, d’où qu’elles viennent. Il ne faut pas oublier qu’en Grèce, où des élections vont avoir lieu, un rappeur a été tué par Aube Dorée. Nous devons nous placer dans une lutte contre le terrorisme et une mutualisation des moyens, lorsque cela a du sens, et continuer à affirmer la solidarité européenne.

Si nous donnons une dimension plus politique à cette résolution, elle aura plus de poids. M. Bernard Deflesselles a indiqué la difficulté de parler du salaire minimum, nous ne sommes pas nécessairement en divergence. On peut souligner la nécessité d’une Europe plus solidaire. Nous sommes à moins d’un an de la conférence climat et la formulation d’une Europe de l’énergie demeure une priorité essentielle. J’attends vos remarques et amendements pour avoir un texte qui fasse le plus possible consensus, dans lequel les commissions permanentes trouveront matière à réflexion.

Pour le dépôt des amendements, nous sommes convenus de fixer le délai à mardi 17 heures. »

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Réunion du mercredi 28 janvier 2015 : examen de la proposition de résolution européenne sur le programme de travail de la Commission européenne pour 2015

« La Présidente Danielle Auroi. Mes chers collègues, nous avions décidé la semaine dernière d’examiner cette proposition de résolution en deux temps, permettant ainsi à chacun d’en discuter au sein de son groupe après un premier débat d’orientation préalable en réunion de commission. Il avait été décidé que des amendements à cette proposition puissent être transmis jusqu’à hier à 17 heures. Je suis très satisfaite du travail de grande qualité qui a émergé de cette démarche, et je souhaite remercier tous ceux qui y ont participé.

Ce travail a été approfondi lors de la réunion de bureau de ce matin, au cours de laquelle nous avons examiné les amendements reçus. J’ai moi-même fait des propositions de sous-amendements, et le texte que je vous soumets à présent est la version « consolidée » de nos différentes propositions.

J’ai notamment souhaité ajouter à cette résolution une référence au droit d’auteur.

En effet, comme je le souligne dans mon rapport, l’une des propositions législatives du paquet « numérique » doit porter sur la modernisation de ce droit d’auteur.

Ce sujet est extrêmement complexe et sensible, et, comme l’a souligné le rapport rendu par le Professeur Sirinelli à la ministre de la culture en décembre dernier, la perspective d’une révision de la seule directive de 2001 suscite en France des réactions très majoritairement négatives.

Je propose donc que nous appelions la Commission européenne à la plus grande vigilance sur ce sujet.

Par ailleurs, l’une des principales modifications proposées porte sur la lutte contre le terrorisme et contre toutes les formes de discrimination, avec l’ajout d’un « considérant » et d’un alinéa appelant à « proposer un plan ambitieux de lutte contre le terrorisme ».

Des apports ont également été proposés sur la fiscalité, et en particulier sur la lutte contre la fraude fiscale, ainsi que sur les nouvelles mesures proposées par la Commission européenne en matière de droit social.

M. Philip Cordery. Je voudrais avant tout vous remercier madame la Présidente, d’avoir accepté ce travail en commun, qui atteste de votre esprit d’ouverture, et à l’issue duquel nous avons abouti à un texte ambitieux énonçant clairement les demandes de l’Assemblée nationale française concernant le programme de la Commission. Ce texte nous permet en effet de réaffirmer nos priorités, notamment en matière d’Europe sociale – réorienter l’Union européenne vers la croissance et l’emploi – mais aussi en matière de lutte contre le terrorisme, qui, depuis les évènements récents, doit être clairement intégrée au programme de travail de la Commission européenne, tout comme la mise en exergue des valeurs communes de l’Union européenne, qui doivent aboutir à la création d’un véritable « vivre ensemble » au niveau européen. J’espère aussi que vous pourrez porter ce message fort que nous délivrons à la Commission européenne à nos partenaires européens lors de la réunion de la COSAC de la semaine prochaine ; cela devrait d’ailleurs les satisfaire, dans la mesure où est réclamée une meilleure coordination des traitements des programmes de la Commission européenne.

La Présidente Danielle Auroi. Je porterai en effet et bien entendu ce texte lors de la réunion de la COSAC de la semaine prochaine, et je serai heureuse de souligner que ce texte est celui de l’ensemble de la commission et non de sa seule présidente. Je vous remercie à cet égard à mon tour de ce travail commun.

Concernant la rédaction du texte, globalement consensuelle, je vous propose simplement le sous-amendement à l’alinéa 19 suivant : « Se prononce en faveur du maintien de la proposition de directive sur la taxation de l’énergie et appelle les États membres à la responsabilité sur ce sujet requérant l’unanimité, afin de parvenir à un compromis conforme aux objectifs fixés pour le second paquet énergie-climat, et appelle la Commission européenne à engager une réflexion prospective à propos d’une taxation du carbone aux frontières de l’Union européenne ». Cette rédaction vous convient-elle ? Je mets le sous-amendement aux voix ; il est adopté.

Je mets à présent le texte aux voix ; il est adopté à l’unanimité. »

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La Commission a adopté, à l’unanimité, la proposition de résolution ci-après.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Article unique

L'Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les orientations politiques présentées par Jean-Claude Juncker, candidat à la présidence de la Commission européenne, au Parlement européen le 15 juillet 2014,

Vu la communication de la Commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions du 16 décembre 2014 : « Programme de travail de la Commission pour l’année 2015, un nouvel élan »,

Considérant notre ambition de réorienter l’Union européenne vers la croissance et l’emploi ;

Considérant que, l’Union Européenne étant fondée sur une aspiration collective au développement économique et social et à la paix, la construction d’une Europe sociale doit être une priorité,

Considérant la nécessité pour l’Europe d’entrainer tous les acteurs mondiaux dans un effort collectif pour apporter une réponse forte aux enjeux climatiques,

Considérant que, à la suite des nombreux attentats survenus au cours des dernières années en Europe, et notamment des derniers événements en France, une politique européenne coordonnée de lutte contre le terrorisme et contre toutes les formes d’intolérance constitue une priorité,

Salue l’initiative prise par la Commission européenne de lancer un plan d’investissement sur trois ans, ciblé sur des secteurs stratégiques, comme la transition énergétique et le développement des PME ; souhaite que ce plan puisse bénéficier de moyens de plus grande ampleur, s’agissant en particulier des apports publics européens et nationaux, grâce au développement des moyens d’intervention de la Banque européenne d’investissement, à l’émission de « Project bonds », à l’introduction de véritables ressources propres, nécessaires au renforcement des moyens budgétaires de l’Union, notamment au regard de la crise de liquidités qu’elle connait, et à la mise en place de mécanismes incitant les États à participer au fonds européen pour les investissements stratégiques ;

Demande également la mise en place d’une coordination plus forte des politiques d’investissement au niveau européen, condition d’un « dépenser mieux », se traduisant notamment par une politique industrielle commune, une mutualisation accrue de l’effort de recherche dans les secteurs d’avenir et une réforme de la politique européenne de la concurrence ;

Se félicite que la Commission européenne fasse du numérique une politique autonome dans l’agenda européen ; appelle toutefois la Commission européenne à la plus grande vigilance dans sa volonté de faire évoluer la règlementation relative au droit d’auteur, qui constitue un des piliers de la création européenne ;

Insiste sur la nécessité, dans un contexte économique dégradé, d’adapter le rythme de consolidation budgétaire en fonction des situations nationales et de conduire des politiques budgétaires axées sur le soutien au développement économique et à la création d’emplois ;

Demande la prise en compte de toutes les flexibilités budgétaires prévues par les traités européens ;

Appelle la Commission européenne à intensifier la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi que contre l’optimisation fiscale agressive, premières étapes d’une convergence fiscale européenne ;

Demande que l’action de la Commission européenne en 2015 développe un pacte de progrès social, en développant la garantie jeunesse, en mettant en place le principe d’un salaire minimum européen, différencié par pays, en s’orientant vers la convergence par le haut des systèmes sociaux, y compris à travers des coopérations renforcées, et en introduisant dans le suivi du Semestre européen des indicateurs sociaux à valeur obligatoire, ainsi que des indicateurs environnementaux ; soutient l’initiative de la révision de la directive sur le détachement des travailleurs, à condition que celle-ci aille dans le sens d’un haut niveau de protection des travailleurs ; se félicite des nouvelles mesures pour favoriser la mobilité des travailleurs et améliorer la coordination des systèmes de sécurité sociale ; invite les États membres à aboutir à un accord dans les six mois à venir sur la directive relative au congé maternité ;

Se félicite de la volonté de la Commission européenne d’adopter un cadre stratégique pour l’Union de l’énergie, afin de concrétiser la transition énergétique ; appelle à une réforme de la gouvernance des politiques énergétiques européennes et au renforcement des mécanismes de coopération en matière d’approvisionnement et d’interconnexion ;

Estime qu’un haut niveau d’ambition de la politique européenne en matière d’énergie et de climat constitue une condition déterminante pour créer l’impulsion indispensable à la réussite de la Conférence sur le climat qui se tiendra à Paris en décembre 2015 ;

Demande le maintien du paquet législatif relatif à l’économie circulaire ;

Se prononce en faveur du maintien de la proposition de directive sur la taxation de l’énergie, appelle les États membres à la responsabilité sur ce sujet requérant l’unanimité, afin de parvenir à un compromis conforme aux objectifs fixés pour le second paquet énergie-climat, et souhaite l’engagement par la Commission européenne d’une réflexion prospective à propos d’une taxation du carbone aux frontières de l’Union européenne ;

Est défavorable à la modification de la proposition de directive relative la réduction des émissions nationales de polluants, qui aurait pour effet de reporter une nouvelle fois l’adoption de ces nouvelles dispositions, au détriment de la protection des citoyens européens et de l’environnement ;

Appelle la Commission européenne à proposer un plan ambitieux de lutte contre le terrorisme autour de trois axes prioritaires : une politique étrangère et de défense commune, une coopération judiciaire et policière et en matière de renseignements accrue, et une réflexion sur les valeurs communes de l’Union européenne et le vivre ensemble ;

Réaffirme la nécessité d’une approche responsable et solidaire en matière de gestion des flux migratoires, à la hauteur des défis inédits auxquels l’Europe doit aujourd’hui faire face ; souhaite que la Commission européenne intensifie la coopération avec les pays tiers ;

Réaffirme la nécessité de relancer en 2015 l’Europe de la défense, afin de mettre l’action de l’Union au service de la sécurité de ses citoyens, en mettant en œuvre les dispositions du traité relatives aux coopérations structurées et aux groupements tactiques par la révision de la Stratégie européenne de sécurité définie en 2003 ;

Invite la Commission européenne à être très vigilante dans la conduite des négociations du traité de libre-échange avec les États-Unis ; rappelle les lignes rouges définies par l’Assemblée nationale relatives à ces négociations : refus de la remise en cause des préférences collectives européennes, refus du nivellement par le bas des normes sociales et environnementales, refus du mécanisme d’arbitrage des différends entre les États et les investisseurs, et respect de l’exception culturelle ;

Demande le maintien de la proposition concernant la réciprocité en matière d’accès aux marchés publics ; estime que la nouvelle proposition devra rester ambitieuse et s’appuyer sur le travail déjà accompli.

ANNEXES

ANNEXE NO 1 : COMMUNICATION DE LA COMMISSION EUROPÉENNE RELATIVE AU PROGRAMME DE TRAVAIL

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Les délégations trouveront ci-joint le document COM(2014) 910 final.

p.j. : COM(2014) 910 final

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INTRODUCTION

Cette Commission est entrée en fonction avec la détermination de changer le cours des choses : elle a l’intention de faire d’autres choses, et de les faire autrement. Les citoyens attendent de l’Union européenne qu’elle imprime un réel changement en ce qui concerne les grands défis économiques et sociaux – un chômage élevé, une croissance atone, des niveaux élevés de dette publique, un déficit d’investissement et un manque de compétitivité sur le marché mondial. Et ils souhaitent qu’elle s’immisce moins dans les questions pour lesquelles les États membres sont mieux à même d’apporter une réponse adéquate aux niveaux national et régional. Ils attendent aussi de l’UE qu’elle soit plus ouverte et qu’elle rende davantage compte de son action et de sa manière d’agir.

La Commission est déterminée à induire ce changement et à coopérer avec le Parlement européen et le Conseil afin de faire en sorte qu’il se concrétise. Telle est la raison pour laquelle nous nous concentrerons sur les « grands enjeux » tels que l’emploi et la croissance, conformément aux dix priorités des orientations politiques du président Juncker19. Nous ne présenterons aucune proposition qui ne contribue pas à la réalisation de ces priorités. Par ailleurs, nous appliquerons le principe de discontinuité politique20 et ferons table rase des propositions en attente qui ne cadrent pas avec nos objectifs ou qui ne mènent nulle part, car nous tenons à ce que toutes les institutions concentrent leurs efforts sur ce qui importe réellement.

Tel est notre engagement politique et c’est sur cette base que nous souhaitons nous adresser à l’ensemble de l’UE, et non aux seuls cénacles bruxellois, afin de rétablir la confiance et de regagner notre crédit auprès des citoyens de l’Union. Ces derniers nous jugeront à l’aune de notre engagement et de nos réalisations, ainsi qu’aux améliorations qui en découleront dans leur quotidien. Pendant le premier mois de notre mandat, nous avons présenté une importante série de mesures en faveur de l’emploi, de la croissance et de l’investissement21, qu’accompagne un nouveau plan d’investissement destiné à mobiliser plus de 315 milliards d’euros d’investissements supplémentaires dans des domaines stratégiques au cours des trois prochaines années. Nous entendons poursuivre sur notre lancée.

Les propositions annoncées dans le présent programme de travail ont été retenues en raison de notre conviction qu’elles peuvent faire la différence en matière d’emploi, de croissance et d’investissement, et déboucher sur des avantages concrets pour les citoyens au cours de l’année à venir. Ce à quoi nous nous engageons dans le présent programme de travail correspond à ce que nous réaliserons en 2015. D’autres actions visant à concrétiser les dix priorités seront proposées dans nos programmes de travail pour les années suivantes. Les travaux préparatoires débuteront, pour certaines d’entre elles, en 2015.

Cependant, l’essentiel de ce qui se passe aujourd’hui dans l’Union et du jugement que nos citoyens portent sur cette dernière repose sur la législation et les programmes existants. Les préoccupations immédiates des citoyens ont trait au corpus de règles existant, ce qui explique pourquoi l’une des priorités de cette Commission consistera à alléger la charge réglementaire, tout en maintenant un niveau élevé de protection sociale et de protection de la santé et de l’environnement, ainsi qu’en préservant la liberté de choix des consommateurs. Nous réviserons les règles de façon à ce qu’elles contribuent à la réalisation des objectifs que nous nous sommes fixés en matière de croissance et d’emploi et n’imposent pas d’obstacles bureaucratiques ou de charges administratives inutiles, tout en apportant aux citoyens les avantages attendus. Si les règles sont dépassées ou ne sont pas conformes à nos priorités, nous les réexaminerons et les améliorerons. S’il y a de la bureaucratie inutile, nous la supprimerons. Si les règles dont nous disposons sont judicieuses et concourent à la concrétisation de nos objectifs, nous nous emploierons activement à faire en sorte qu’elles soient appliquées, mises en œuvre et exécutées correctement, et offrent ainsi de réels avantages aux citoyens. En outre, nous utiliserons les autres outils à notre disposition pour stimuler l’emploi et la croissance, en particulier le budget de l’UE, qui sert avant tout à réaliser des investissements intelligents dans les États membres et les régions.

Notre programme de travail est un programme pour le changement, né de la nécessité de ramener l’Union sur le chemin de la croissance, de manière à pouvoir maintenir, à l’avenir, le modèle social européen et un environnement sain.

Il s’agit également d’un appel au changement dans les méthodes de travail du Parlement européen et du Conseil. Nous souhaitons travailler de concert avec eux pour définir des priorités absolues dans les trois institutions et accélérer la prise de décision à leur égard, de manière à ce que les citoyens puissent rapidement ressentir les effets positifs de nos propositions. Nous établirons un partenariat plus étroit avec les États membres, les parlements nationaux ainsi que les villes et les régions, afin d’assurer une meilleure mise en œuvre des politiques existantes et de garantir l’efficacité de l’action sur le terrain, dans des domaines allant de l’utilisation des Fonds structurels et d’investissement à la politique de l’environnement, en passant par le marché unique et les droits des consommateurs.

Si nous souhaitons rétablir la confiance, le changement doit être visible22 et avoir une incidence immédiate. Avec le présent programme de travail – et sa réalisation en 2015, nous souhaitons prouver que, cette fois-ci, c’est différent.

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Le présent programme de travail expose les actions ciblées à mener en 2015. Il ne décrit pas de façon détaillée ce que la Commission fera pendant les quatre années suivantes de son mandat, même si des travaux préparatoires seront entamés pour des questions telles que le réexamen à mi-parcours du cadre financier pluriannuel. L’annexe I présente les nouvelles initiatives, s’articulant autour des principales priorités des orientations politiques, sur lesquelles la Commission entend concentrer ses efforts en 2015.

Dans le cadre de l’élaboration du présent programme de travail, la Commission a examiné l’ensemble des propositions qui sont actuellement en attente d’une décision du Parlement européen et du Conseil23. Nous considérons l’application du principe de discontinuité politique comme un pan important de notre responsabilité politique : il y a lieu de faire place nette pour pouvoir investir du temps et de l’énergie dans les propositions qui auront le plus d’impact sur l’emploi et la croissance et qui ont de bonnes chances d’être adoptées dans un futur proche.

Nous avons pris position sur les propositions que nous souhaitons maintenir et voir adoptées, celles que nous avons l’intention de modifier de manière à ce qu’elles concordent avec nos dix priorités et celles que nous proposons de retirer. La Commission demeure fermement attachée aux objectifs d’un grand nombre des initiatives qu’elle propose de retirer. Cependant, celles-ci perdent toute utilité dès lors qu’elles traînent sur une table de négociation, qu’elles sont en décalage par rapport aux événements ou que, dans le courant des négociations, elles ont été dénaturées à un point tel que leur objectif initial ne peut plus être atteint. Dans certains cas, la Commission propose de retirer des propositions en vue de les remplacer ultérieurement par des propositions plus ambitieuses ou de mieux les ajuster à ses dix priorités. Dans d’autres cas, la société a évolué depuis que la proposition initiale de la Commission a été présentée. Les propositions à retirer (ou à modifier) sont énumérées à l’annexe II. La Commission attend l’avis du Parlement européen et du Conseil sur ces propositions avant d’effectuer les retraits.

Le programme de travail reflète également la volonté de la Commission d’améliorer la réglementation. Cet objectif est au cœur de son programme pour une réglementation affûtée, qui vise à réduire les contraintes administratives et à supprimer les charges réglementaires. Les actions s’inscrivant dans ce programme (modifications législatives, bilans de qualité et évaluations), qui constituent un élément essentiel du travail de la Commission, sont exposées à l’annexe III. Des efforts de simplification, notamment de la politique agricole commune, seront entrepris. Par ailleurs, nous nous emploierons à mettre en œuvre en douceur la récente réforme des services financiers, la politique commune de la pêche et les nouvelles règles relatives aux Fonds structurels et d’investissement européens 2014-2020. Cela implique une coordination à tous les niveaux et la participation de toutes les parties prenantes (grâce à la constitution de réseaux et au partage d’expériences et des bonnes pratiques dans différents domaines d’action).

Afin de mieux informer les citoyens et les entreprises des délais d’entrée en vigueur de la législation de l’UE, le programme de travail contient, en son annexe IV, une liste des textes législatifs qui deviendront applicables en 2015.

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1. Un nouvel élan pour l’emploi, la croissance et l’investissement

Le nouveau chapitre de l’histoire économique de la Commission s’articule autour de trois grands axes, consistant à stimuler l’investissement, à poursuivre les réformes structurelles et à assurer la responsabilité budgétaire. Dans le cadre d’un partenariat étroit avec la Banque européenne d’investissement, la Commission a proposé un important plan d’investissement24 visant à donner un nouvel élan à l’emploi, à la croissance et à l’investissement en Europe. Des financements supplémentaires pour de nouveaux investissements seront mobilisés par l’intermédiaire d’un nouveau Fonds européen pour les investissements stratégiques. Il sera fait en sorte que ces moyens financiers profitent à l’économie réelle, par la mise en place d’une réserve de projets crédible et par un accès plus large et plus facile à l’assistance technique.

Outre le nouveau Fonds, le recours à des instruments financiers innovants (par exemple, des prêts et des garanties, plutôt que des subventions) continuera d’être encouragé, afin d’accroître les effets des Fonds structurels et d’investissement européens pour la période 2014-2020, l’objectif étant d’au moins doubler l’utilisation de ces instruments au cours de la nouvelle période de programmation.

Des mesures complémentaires seront axées sur l’amélioration de l’environnement des entreprises, l’élimination des obstacles réglementaires et non réglementaires à l’investissement et le renforcement du marché unique. La Commission présentera plusieurs propositions visant à mettre en œuvre cette approche rapidement et se penchera plus avant sur les règles applicables en matière d’aides d’État.

Tous les accords de partenariat pour les Fonds structurels et d’investissement européens 2014-2020 ayant été approuvés et les programmes opérationnels restants étant sur le point d’être bouclés, les investissements devraient commencer à se traduire par la concrétisation des objectifs fixés dans le cadre de la stratégie Europe 202025 pour une croissance intelligente, durable et inclusive en 2015. La nouvelle politique de cohésion, solidement ancrée dans le semestre européen et le processus de gouvernance économique, est devenue la principale source d’investissement public dans plusieurs États membres.

La question de l’optimalisation de l’impact du budget de l’UE en faveur de l’emploi, de la croissance et de l’investissement, conjuguée à une nouvelle prise de conscience de la nécessité de mieux utiliser les deniers publics, viendra alimenter la réflexion sur le réexamen à mi-parcours du cadre financier pluriannuel (CFP) et les préparatifs relatifs au paquet CFP pour l’après-2020, à un stade ultérieur du mandat de la Commission.

La Commission entend se pencher sur la stratégie commerciale et d’investissement de l’Union, en s’intéressant tout particulièrement à la contribution de cette stratégie à l’emploi et à la croissance. La consolidation des liens de l’UE, dans le domaine du commerce et des investissements, avec les nouveaux centres de croissance dans le monde est non seulement essentielle pour la croissance, l’emploi et l’accroissement de la productivité dans l’UE, mais elle a aussi des répercussions importantes sur notre politique de voisinage et de développement, ainsi que sur la place de l’Union au sein des institutions financières internationales.

Les États membres sont confrontés au défi ardu de mettre davantage de personnes au travail et de veiller à ce que les travailleurs possèdent les aptitudes nécessaires pour pouvoir progresser et s’adapter aux emplois de demain. La Commission présentera un train de mesures visant à soutenir ces efforts, afin de contribuer à accroître l’intégration sur le marché du travail et à améliorer les compétences.

Une législation de l’UE bien rédigée et mise en œuvre efficacement peut avoir une incidence majeure sur l’emploi, la croissance et l’innovation. Les éco-industries et l’éco-innovation représentent actuellement un tiers du marché mondial des technologies vertes, soit un montant d’un billion d’euros, appelé à doubler d’ici 2020. La proposition révisée relative à l’économie circulaire renforcera cette tendance et contribuera ainsi à la croissance verte. Dans ce domaine, il importe que nous nous mettions d’accord sur des objectifs communs, reflétant un niveau d’ambition adéquat, quant aux résultats souhaités, tout en nous montrant moins normatifs en ce qui concerne les moyens que les États membres peuvent utiliser pour y parvenir. Les propositions devraient ainsi pouvoir être transformées plus facilement en actions concrètes sur le terrain.

L’UE dispose d’un système réglementaire bien développé. Un nouvel accent sur la mise en œuvre de la législation existante et la recherche de synergies en la matière pourrait donner des résultats rapides, en créant de nouvelles perspectives d’emploi et de croissance. La Commission révisera les textes en vigueur pour s’assurer qu’ils sont adaptés à leur objet, mais coopérera également avec les États membres afin de veiller à une exploitation maximale des possibilités de croissance offertes par la législation actuelle de l’UE. Ce sera la priorité absolue dans de nombreux domaines de notre travail – l’agriculture, la pêche, les douanes, les services financiers et le marché unique, pour n’en citer que quelques-uns.

2. Un marché unique numérique connecté

Le marché unique numérique détient l’une des principales clés d’une nouvelle dynamique au sein de l’économie européenne dans son ensemble, en ce sens qu’il favorise l’emploi, la croissance, l’innovation et le progrès social. Tous les domaines de l’économie et de la société deviennent numériques. L’Europe se doit d’être à l’avant-garde de cette révolution numérique, pour ses citoyens et ses entreprises. Les obstacles au numérique sont des obstacles à l’emploi, à la prospérité et au progrès.

La Commission a entamé l’élaboration d’une stratégie qui cernera les principaux défis à relever pour parvenir à un marché unique numérique sécurisé, fiable et dynamique. Cette stratégie s’articulera autour de six volets consistant à renforcer la confiance, à supprimer les restrictions, à garantir l’accès et la connectivité, à mettre en place l’économie numérique, à promouvoir la cybersociété et à investir dans des activités de premier ordre en matière de recherche et d’innovation dans le domaine des TIC.

En 2015, dans le cadre de la stratégie pour le marché unique numérique, la Commission s’efforcera de conclure les négociations interinstitutionnelles en cours concernant des propositions telles que la réforme des règles européennes communes en matière de protection des données et le règlement « continent connecté ». Elle proposera également de nouvelles initiatives, tant législatives que non législatives, pour amener le marché unique numérique au niveau d’ambition requis pour répondre aux défis existants. Dans ce contexte, la Commission s’emploiera notamment à compléter l’environnement réglementaire en matière de télécommunications, à moderniser la législation de l’UE relative au droit d’auteur et aux services de médias audiovisuels, à simplifier les règles applicables aux achats en ligne et numériques effectués par les consommateurs, à faciliter le commerce électronique, à renforcer la cybersécurité et intégrer pleinement la numérisation dans les différents domaines d’action.

3. Une Union plus résiliente sur le plan de l’énergie, dotée d’une politique visionnaire en matière de changement climatique

Une énergie fiable et à un prix abordable est une priorité absolue pour tous. La Commission adoptera un cadre stratégique pour l’union de l’énergie, qui prévoira les principales actions à entreprendre afin d’assurer la sécurité de l’approvisionnement en énergie, de réduire la dépendance à l’égard des importations en provenance de pays tiers, de poursuivre l’intégration des marchés nationaux de l’énergie, d’améliorer la participation des consommateurs, de renforcer l’efficacité énergétique26, de favoriser la décarbonisation du bouquet énergétique ainsi que de promouvoir la recherche et l’innovation dans le domaine de l’énergie.

L’UE est également à la pointe des efforts déployés au niveau mondial pour lutter contre le réchauffement climatique. La Commission exposera la vision et les attentes de l’UE au cours de la période précédant la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), qui se tiendra à Paris fin 2015, et commencera à présenter les propositions législatives destinées à mettre en œuvre le paquet « climat et énergie à l’horizon 2030 ».

Les efforts se poursuivront en vue d’améliorer le cadre réglementaire pour des services de transport interconnectés, sûrs et sécurisés, dans un contexte de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

4. Un marché intérieur plus approfondi et plus équitable, doté d’une base industrielle renforcée

Le marché unique est l’un des plus grands atouts de l’Europe – son potentiel doit être davantage exploité pour renforcer la compétitivité de l’Europe sur le marché mondial et créer des emplois. La Commission présentera une stratégie pour le marché intérieur exposant de nouvelles solutions pour tirer parti de ce potentiel.

Le marché intérieur est aussi à la base de la force industrielle et de la capacité de production de l’Europe, qu’il convient de développer davantage. Accroître les investissements dans les infrastructures ainsi que dans les PME et les entreprises à moyenne capitalisation, améliorer l’environnement réglementaire et aider les entreprises à innover, avec le soutien du programme Horizon 2020 par exemple, constitueront d’importants domaines de travail. Le secteur de l’aviation doit relever des défis de taille. La Commission examinera les moyens d’améliorer les conditions qui prévalent dans ce secteur en dynamisant la compétitivité de celui-ci.

La Commission tient à aider les États membres à réduire le niveau du chômage au moyen de réformes structurelles et d’un soutien à la création d’emplois et aux mesures d’employabilité. Elle détermine les moyens d’investir dans la connaissance et les compétences, en accordant une attention particulière aux groupes les plus vulnérables tels que les jeunes chômeurs et les chômeurs de longue durée. Il importera de favoriser la mobilité professionnelle, y compris entre les États membres, en particulier dans les domaines qui connaissent de manière persistante une pénurie de main-d’œuvre ou une inadéquation des compétences, tout en soutenant les autorités nationales dans la lutte contre les demandes abusives ou frauduleuses.

La finalisation et la mise en œuvre de la profonde révision du cadre réglementaire applicable au secteur financier, entreprise en réaction à la crise financière, et notamment l’application des nouvelles règles en matière de surveillance et de résolution bancaires, reste l’un des principaux domaines de travail de la Commission. Ce cadre réglementaire sera encore renforcé par une proposition relative à la gestion de crises et à la résolution des défaillances des entités non bancaires d’importance systémique. La Commission entamera des travaux préparatoires afin de déterminer comment le marché unique des services financiers de détail pourrait bénéficier davantage aux consommateurs.

La Commission élaborera un plan d’action concernant la création d’une union des marchés de capitaux, en étudiant les possibilités de réduire la fragmentation des marchés financiers, de diversifier l’offre de financements pour l’ensemble de l’économie, d’améliorer l’accès des PME au financement et de renforcer les flux transfrontières de capitaux dans le marché unique afin que le capital soit utilisé de la manière la plus productive possible. À court terme, elle entend proposer un cadre pour la titrisation de qualité en Europe, améliorer les données de crédit normalisées sur les PME, examiner les moyens de développer dans l’ensemble de l’UE les régimes de placement privés qui ont fait leurs preuves et réviser la directive « prospectus » afin d’alléger la charge administrative pesant sur les PME.

5. Une Union économique et monétaire plus approfondie et plus équitable

Il convient de renforcer davantage l’architecture de l’Union économique et monétaire afin que l’euro conserve la confiance des citoyens, continue à résister aux turbulences du marché et crée des conditions propices à des emplois durables et à la croissance. Après avoir révisé les règles de gouvernance économique et pris des mesures pour simplifier et rationaliser le processus du semestre européen, la Commission s’emploie à approfondir l’Union économique et monétaire ainsi qu’à élaborer des propositions concernant de nouvelles mesures en faveur d’une souveraineté commune en matière de gouvernance économique. Ces efforts s’accompagneront d’actions visant à redynamiser le dialogue social à tous les niveaux.

Tout en reconnaissant la compétence des États membres pour ce qui est de leurs systèmes fiscaux, la Commission redoublera d’efforts pour lutter contre l’évasion et la fraude fiscales et répondre au besoin d’équité et de transparence fiscale exprimé par la société. Sur la base des travaux de l’OCDE et du G20 concernant l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices, la Commission présentera un plan d’action comprenant des mesures à adopter au niveau de l’UE pour passer à un système selon lequel le pays où les bénéfices sont réalisés est également le pays d’imposition, y compris dans le domaine de l’économie numérique, ce qui nécessite un accord sur une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés. Dans ce contexte, la Commission présentera aussi très rapidement une proposition relative à l’échange automatique d’informations entre les autorités fiscales en matière de rulings fiscaux transfrontières. Elle travaillera en outre en étroite collaboration avec les autres institutions afin d’encourager l’adoption d’une taxe sur les transactions financières et de règles renforcées pour lutter contre le blanchiment d’argent. Les travaux se poursuivent également dans le domaine de la TVA, notamment pour combler le manque à gagner en matière de recettes fiscales.

6. Un accord de libre-échange raisonnable et équilibré avec les États-Unis

Le commerce contribue de manière importante à la création d’emplois et à la croissance. Parallèlement au partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI) avec les États-Unis, la Commission participe activement à des négociations bilatérales, conjuguées à un engagement multilatéral fort à l’OMC. Elle a déjà pris des mesures pour renforcer la transparence dans les négociations sur le PTCI27 et continue à œuvrer en faveur d’un accord raisonnable et équilibré, tout en préservant les normes européennes dans les domaines de la santé, des droits sociaux, de l’environnement et de la protection des données, ainsi que la diversité culturelle de l’Europe.

7. Un espace de justice et de droits fondamentaux basé sur la confiance mutuelle

Les citoyens attendent de l’UE qu’elle garantisse la justice, la protection, l’équité et l’état de droit et qu’elle continue à agir avec fermeté dans la lutte contre toutes les formes de discrimination. La Commission œuvrera en faveur de l’adhésion de l’UE à la Convention européenne des droits de l’homme en tenant compte des orientations qui seront fournies par la Cour. Elle continuera à améliorer la lutte contre la criminalité et le terrorisme transfrontières, à renforcer la coopération judiciaire dans l’intérêt des citoyens de l’ensemble de l’UE et à protéger le budget de l’UE contre la fraude, notamment en poursuivant ses efforts en vue de la création d’un Parquet européen indépendant.

La Commission européenne défend l’égalité des chances pour les personnes handicapées, respectant ainsi pleinement la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées. Il s’agit de permettre à ces dernières d’avoir accès à l’environnement physique, aux transports, aux systèmes et technologies de l’information et de la communication et à d’autres équipements et services.

La Commission est déterminée à promouvoir l’égalité entre hommes et femmes et à permettre à un plus grand nombre de femmes de participer au marché du travail. En ce qui concerne sa proposition concernant le congé de maternité, qui date de 2008, la Commission la retirera dans les six prochains mois s’il s’avère impossible de débloquer les négociations. Cela devrait permettre une nouvelle approche qui examinera la question dans un contexte plus large, à la lumière de la réalité des sociétés d’aujourd’hui, et qui prendra en considération les progrès accomplis dans ce domaine au niveau des États membres.

La Commission présentera un programme européen en matière de sécurité destiné à lutter contre les menaces à la sécurité intérieure de l’UE telles que la criminalité transfrontière, la cybercriminalité, le terrorisme, les combattants étrangers et la radicalisation, afin d’aider l’UE à protéger ses citoyens tout en restant ouverte au monde.

8. Vers une nouvelle politique migratoire

Pour faire face à la pression croissante exercée sur nos frontières extérieures, la Commission est en train d’élaborer un programme européen en matière de migration, qui a pour objet de concilier une approche plus équitable et responsable de la migration légale visant à faire de l’UE une destination attractive pour les talents et les compétences avec des mesures plus fermes contre l’immigration clandestine et les trafiquants et les contrebandiers. Pour améliorer la gestion de la migration, il convient de mieux accorder notre politique migratoire et notre politique extérieure, de favoriser une coopération interne et externe accrue, d’apporter une protection aux personnes qui en ont besoin, sur la base des principes de responsabilité et de solidarité, et de prévenir les événements tragiques qui se produisent régulièrement en Méditerranée.

9. Une Europe plus forte sur la scène internationale

De récents événements, notamment l’actualité aux frontières orientales et méridionales de l’Union, ont porté les problèmes géopolitiques sur le devant de la scène. L’UE a besoin d’une politique étrangère commune efficace dotée de meilleurs mécanismes lui permettant d’anticiper les événements et de concevoir rapidement des réactions communes à des problèmes communs, ainsi que des actions communes visant à saisir les occasions qui se présentent, dont nous ne pouvons profiter pleinement que si nous unissons nos forces. L’Europe doit collaborer sur les questions de sécurité et de défense et développer ses partenariats stratégiques. L’utilisation cohérente et coordonnée de tous les instruments à disposition de l’Union, y compris de sa politique étrangère et de sécurité commune (PESC), ainsi que la projection extérieure systématique des politiques intérieures de l’UE sont indispensables pour faire progresser les objectifs fondamentaux de l’UE sur la scène mondiale.

Une des priorités de la Commission sera de promouvoir la stabilité aux frontières de l’Europe. Pour ce faire, il est essentiel d’aider les pays voisins de l’Union à mettre en œuvre des réformes démocratiques et économiques, à veiller au respect de l’état de droit, à renforcer la gouvernance économique et la compétitivité, à développer des capacités institutionnelles ainsi qu’une administration publique performante et à devenir plus prospères. La Commission réexaminera la politique européenne de voisinage et formulera des propositions pour l’avenir. Comme indiqué dans les orientations politiques, les négociations d’élargissement actuelles se poursuivront, et la perspective européenne devra notamment être préservée pour les Balkans occidentaux. Cependant, il n’y aura pas de nouvel élargissement dans les cinq prochaines années.

L’UE affiche un solide bilan en matière de coopération internationale ainsi que d’aide au développement et d’assistance dans de nombreuses parties du monde, grâce notamment à la promotion des droits de l’homme dans toutes ses actions extérieures, à la lutte contre les inégalités et à la défense de l’égalité entre hommes et femmes. Cependant, notre politique de développement doit également s’adapter en permanence à l’évolution des besoins de nos pays partenaires afin que nous puissions tenir au mieux nos engagements. En 2015, qui sera l’année européenne du développement, la Commission continuera d’œuvrer à la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement post-2015 et lancera une réflexion sur ses futures relations avec les pays en développement (post-Cotonou). Nous contribuons également à la lutte contre le virus Ebola. Nous continuerons à optimiser les effets de notre aide humanitaire et à améliorer notre capacité à réagir aux crises.

10. Une Union du changement démocratique

Les citoyens attendent de l’UE qu’elle améliore ses interventions, tant sur le fond que sur la forme. Nous aspirons à la plus grande ouverture possible en ce qui concerne le travail de la Commission et nous coopérerons avec les autres institutions afin de renforcer l’obligation de rendre compte et l’accessibilité des actions de l’UE. La Commission a adopté de nouvelles dispositions afin d’assurer une transparence pleine et entière en ce qui concerne les contacts entre les commissaires et certaines organisations ou personnes agissant en qualité d’indépendants28 ; elle présentera des propositions en vue d’un accord interinstitutionnel relatif à un registre de transparence obligatoire, en vertu duquel toutes les institutions européennes devront faire preuve de transparence en ce qui concerne les groupes ou les personnes qui influent sur le processus décisionnel.

Comme annoncé dans les orientations politiques, la Commission entend réviser le processus décisionnel pour l’autorisation des organismes génétiquement modifiés (OGM) afin de répondre aux inquiétudes des citoyens et des États membres en ce qui concerne l’obligation juridique qui est faite actuellement à la Commission d’approuver l’autorisation des OGM même lorsqu’une majorité claire des États membres s’oppose à la proposition.

La Commission entend retoucher les instruments qui lui permettent d’améliorer la réglementation, en particulier ses évaluations, ses analyses d’impact et ses consultations publiques, et définir une nouvelle série d’actions dans le cadre de son programme pour une réglementation affûtée et performante. Toutes les institutions doivent s’efforcer de contribuer à l’amélioration de la réglementation si nous voulons que le processus législatif soit plus efficient au niveau de l’UE. C’est pourquoi la Commission présentera une proposition relative à un nouvel accord interinstitutionnel « Mieux légiférer ». Pour réaliser nos priorités en matière d’emploi, de croissance et d’investissement et faire avancer les choses, il importe que les trois institutions améliorent leur collaboration. La Commission entame un dialogue avec le Parlement européen et le Conseil sur le renforcement de la programmation conjointe afin d’encourager l’appropriation commune des priorités et de faire avancer le programme de l’UE de la manière la plus efficace possible, tout en respectant le rôle et les prérogatives conférés par les traités à chaque institution.

***

Après l’adoption du programme de travail pour 2015, la Commission souhaite travailler de concert avec le Parlement européen et le Conseil afin d’établir une liste de propositions prioritaires sur lesquelles les institutions s’engagent à progresser rapidement pour favoriser une adoption finale dans les meilleurs délais, notamment pour les propositions directement liées à la mise en œuvre de l’initiative dans le domaine des investissements. Ensemble, il est possible de faire en sorte que cette fois-ci, ce soit différent.

ANNEXE NO 2 : ECHANGE DE COURRIER ENTRE LA PRESIDENTE DANIELLE AUROI ET LE VICE PRESIDENT DE LA COMMISSION EUROPÉENNE FRANS TIMMERMANS

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ANNEXE N°3 : CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES ADOPTÉES EN JUIN 2014 SUR LES PRIORITÉS POUR L’UNION EUROPÉENNE

La Commission des affaires européennes,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu les propositions de résolutions et les conclusions que la Commission des affaires européennes a adoptées depuis le début de la législature,

Vu l’ordre du jour du Conseil européen des 26 et 27 juin 2014,

Considérant le fossé qui ne cesse de s’accroître entre les citoyens européens et les institutions européennes et ses élites politiques, la crise économique persistante et ses graves conséquences politiques et sociales, ainsi que le manque persistant d’un projet politique rassembleur pour l’Europe,

Considérant le risque sérieux pour l’avenir de l’Union que cette situation comporte et la nécessité d’une refondation courageuse du projet européen,

Considérant le résultat des élections européennes du 25 mai dernier et l’avertissement majeur qu’il représente pour la démocratie européenne,

Considérant la force de proposition, à l’égard des institutions européennes, que les parlements nationaux, pour répondre à ce défi collectif, ont vocation à constituer,

Considérant la responsabilité particulière qui incombe à cet égard à la France, en tant que pays fondateur et deuxième puissance économique de l’Union,

Considérant que cette ambition politique renouvelée, pour une Europe solidaire et efficace, doit apporter des réponses concrètes aux aspirations des Européen-nes – en particulier dans le domaine social, de l’emploi et de la transition énergétique –, en s’appuyant notamment sur une intégration économique renforcée, notamment de la zone euro, et une relance de l’investissement, basée sur un grand plan européen pour les investissements d’avenir, et en assurant un approfondissement démocratique des institutions européennes ;

Propose que la stratégie d’action de l’Union européenne pour la législature qui s’engage soit basée sur les quatre axes prioritaires suivants :

1. Bâtir une Europe sociale et solidaire

Il s’agit de concrétiser l’Europe sociale en développant la Garantie emploi jeunes, en mettant en place le principe d’un salaire minimum européen, différencié par pays, à la suite notamment de l’évolution intervenue à cet égard en Allemagne, et en s’orientant vers la convergence des systèmes sociaux, y compris à travers des coopérations renforcées. Il convient également d’introduire dans le suivi du Semestre européen des indicateurs sociaux à valeur obligatoire, ainsi que des indicateurs environnementaux. Parallèlement, la lutte contre la pauvreté doit être développée par un accroissement des moyens de l’Union qui y sont consacrés, notamment ceux du Fonds européen d’assistance aux personnes démunies.

Dans le même esprit, il convient de développer la stratégie européenne dans le domaine de la santé, notamment dans le domaine des perturbateurs endocriniens.

Pour renforcer la solidarité européenne et lutter contre le dumping fiscal, il est proposé par ailleurs d’adopter un plan de convergence fiscale, prioritairement dans le domaine de l’impôt sur les sociétés, en faisant aboutir rapidement le projet d’harmonisation de l’assiette de l’impôt, mais aussi en progressant vers l’harmonisation des taux, à travers le lancement dans ce domaine d’une coopération renforcée, basée sur une démarche franco-allemande. Il convient également de mettre en œuvre le projet de taxe sur les transactions financières, en interrogeant ses modalités d’application, en élargissant son assiette, en matière de produits dérivés, et en affectant son produit au budget de l’Union et à la solidarité internationale, ainsi que d’intensifier la lutte contre la fraude fiscale, à travers une coopération accrue entre les services.

2. Investir au service d’un développement économique, social et environnemental durable

Afin de soutenir le développement économique, social et environnemental, et la création d’emplois, il est proposé de lancer un grand plan européen d’investissement, intégrant un plan pour les énergies renouvelables en Europe, pour le développement du numérique, et un renforcement du programme des interconnexions en matière de transport et d’énergie. Le renforcement des moyens d’investissement de l’Union mis au service de ce plan d’investissement devra être basé sur un développement des moyens d’intervention de la BEI, l’émission de « project bonds », et une révision du cadre financier pluriannuel – prévu à ce stade pour 2016 – articulée avec l’introduction de véritables ressources propres, à pression fiscale constante. Il s’agit de conduire la maitrise nécessaire des déficits publics, dans la durée, sans basculer dans l’austérité, en intégrant pleinement la nécessité d’assurer un développement durable et d’investir pour l’avenir.

Il est également proposé d’engager dans le même temps, par étapes, la mise en place d’une communauté européenne de l’énergie, en intégrant pleinement la perspective de la Conférence climat de 2015 à Paris, qui suppose, pour réussir, que l’Europe soit exemplaire en matière de lutte contre le changement climatique. La future communauté de l’énergie doit être basée sur les objectifs d’efficacité énergétique, de réduction des émissions de CO2, de développement des énergies renouvelables, d’une indépendance énergétique renforcée, d’une communautarisation progressive des relations avec les pays fournisseurs, et de sécurité énergétique pour les entreprises et les particuliers. Dans cet esprit, les dispositions contenues dans le nouveau « paquet énergie climat », portant les objectifs à l’horizon 2030, proposé par la Commission européenne, doivent être renforcées, en y intégrant des objectifs chiffrés en matière d’efficacité énergétique et des objectifs nationaux en matière de développement des énergies renouvelables.

La politique agricole est une composante essentielle du développement durable. Dans cet esprit il s’agit de promouvoir une politique agricole commune soutenant l’emploi, assurant un revenu équitable et décent aux exploitants agricoles, préservant l’environnement, les sols et la qualité des eaux ainsi que la santé publique et développant la vitalité des territoires. Il convient également de protéger la souveraineté et la sécurité alimentaires, ce qui suppose la prise en compte des préférences collectives des consommateurs, celle de l’exigence de qualité et de traçabilité des aliments et le respect des normes que l’Union européenne impose à ses producteurs. Il est également proposé de mener une réflexion sur l’introduction de mécanismes d’aides contra cycliques dans la perspective des négociations commerciales internationales et notamment du projet d’accord transatlantique.

Assurer un développement européen durable suppose enfin d’intégrer résolument la défense de la biodiversité, en mettant concrètement en œuvre la stratégie de l’Union européenne à l’horizon 2020, afin de stopper le processus de dégradation du patrimoine de faune et de flore en Europe, notamment en outre-mer, qui implique directement la France.

3. Renforcer la gouvernance économique et industrielle de l’Union, en particulier de la zone euro

Il s’agit d’approfondir l’Union économique et monétaire en instituant une présidence stable des sommets de la zone euro, distincte de celle du Conseil européen, ainsi qu’une assemblée de la zone euro. Dans le même temps il est proposé d’ouvrir l’Eurogroupe à la participation d’autres ministres que les ministres des finances, de créer un budget propre de la zone euro. Dans le même esprit il est proposé également de créer un Trésor européen.

Pour redévelopper l’industrie européenne, il convient d’engager résolument l’Union vers la mise en place d’une politique industrielle commune, incluant une mutualisation accrue de l’effort de recherche dans les secteurs d’avenir et une réforme de la politique de la concurrence, prenant en compte la promotion des « champions européens » dans les secteurs stratégiques.

La politique commerciale européenne doit pleinement intégrer les préférences collectives des Européens, conforter la capacité des États à faire prévaloir l’intérêt général, notamment dans le cadre des procédures contentieuses, et le principe de la responsabilité des entreprises pour leurs filiales et sous-traitants.

4. Approfondir la démocratie européenne et renforcer l’action de l’Union au service de la justice, des droits fondamentaux et de la sécurité

Pour renforcer l’intégration démocratique de l’Union et lutter contre la distance sans cesse grandissante entre l’Europe institutionnelle et les peuples européens, il est proposé de lancer, d’une part, une réflexion approfondie sur les modes de désignation des présidences du Conseil européen et de la Commission européenne, incluant la participation des parlements – Parlement européen et parlements nationaux, d’autre part, une démarche européenne de dialogue public sur l’avenir de l’Union et, enfin, un développement résolu des initiatives citoyennes.

Il est proposé d’approfondir également l’espace de solidarité de sécurité et de justice en Europe, dans le cadre du prochain programme pluriannuel, prenant en compte les attentes et les besoins des citoyens européens, en développant notamment les moyens de la solidarité européenne pour assurer l’accueil des réfugiés et la gestion maitrisée de l’immigration, en assurant l'adoption rapide du nouveau cadre européen pour la protection des données et celle des propositions de directive déposées en matière de droits procéduraux des suspects et des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales, et en mettant en œuvre le projet de Parquet européen, dont la compétence doit inclure la lutte contre la criminalité transfrontière.

Enfin renforcer l’action de l’Union au service de la sécurité de ses citoyens et assurer son influence dans le monde, implique, notamment, la relance effective de l’Europe de la défense, à la suite du Conseil européen de décembre 2013, en mettant concrètement en œuvre les dispositions du traité relative aux coopérations structurées et aux groupements tactiques, en révisant la Stratégie européenne de sécurité définie en 2003 et en assurant une solidarité financière de l’Union européenne vis-à-vis des États membres qui participent à des actions de défense conduites dans le cadre de missions de l’Union. Il convient également de développer les efforts de l’Union en matière de prévention des conflits et pour le rétablissement de la paix.

1 () Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions, Programme de travail de la Commission pour l'année 2015 : Un nouvel élan du 16 décembre 2014, COM (2014) 910 final.

2 () « Un nouvel élan pour l’Europe : mon programme pour l’emploi, la croissance, l’équité et le changement démocratique ».

3 () Conclusions adoptées par la commission des Affaires européennes sur l’examen annuel de croissance pour 2015 et l’avis de la Commission européenne sur les projets de budgets nationaux pour 2015.

4 () Communication sur le bilan à mi-parcours de la stratégie Europe 2020 de Mme Danielle Auroi, 21 octobre 2014.

5 () Résolution européenne sur la stratégie numérique de l’Union européenne du 1er novembre 2013, TA n° 236.

6 () Rapport de la mission sur la révision de la directive 2001/29/CE sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information établi par M. Pierre Sirinelli, président de la mission, et Mme Alexandra Bensamoun et M. Christophe Pourreau.

7 () Directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil.

8 () Résolution européenne n° 156 sur le mandat de négociation de l’accord de libre-échange entre les États-Unis d’Amérique et l’Union européenne du 15 juin 2013.

9 () Avis 2/13.

10 () Directive 2009/50/CE du Conseil du 25 mai 2009 établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié.

11 () Socialistes & démocrates, Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, Verts/alliance libre européenne, Europe de la liberté et de la démocratie directe, Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique.

12 () Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques et modifiant la directive 2003/35/CE (COM/2013/0920).

13 () Communication sur la lutte contre la pollution de l’air de M. Arnaud Leroy, 8 juillet 2014.

14 () Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2008/98/CE relative aux déchets, la directive 94/62/CE relative aux emballages et aux déchets d’emballages, la directive 1999/31/CE concernant la mise en décharge des déchets, la directive 2000/53/CE relative aux véhicules hors d’usage, la directive 2006/66/CE relative aux piles et accumulateurs ainsi qu’aux déchets de piles et d’accumulateurs et la directive 2012/19/UE relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques (COM/2014/0397).

15 () Proposition de directive du Conseil modifiant la directive 2003/96/CE du Conseil restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité.

16 () Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil portant modification de la directive 92/85/CEE du Conseil concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail (COM/2008/0637).

17 () Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l’accès des produits et services des pays tiers au marché intérieur des marchés publics de l’Union et établissant des procédures visant à faciliter les négociations relatives à l’accès des produits et services originaires de l’Union aux marchés publics des pays tiers (COM/2012/0124).

18 () D’après la Commission européenne, les marchés publics de l’Union Européenne sont ouverts à près de 100 %, alors que les marchés publics américains ne sont ouverts qu’à hauteur de 47 % et ceux du Japon à hauteur de 72 %.

19 Un nouveau élan pour l’Europe : Mon programme pour l’Emploi, la Croissance, l’Équité et le Changement démocratique – Orientations politiques pour la prochaine Commission européenne (http://ec.europa.eu/priorities/docs/pg_fr.pdf).

20 Voir le point 39, deuxième alinéa, de l’Accord-cadre sur les relations entre le Parlement européen et la Commission européenne: « La Commission procède à un réexamen de toutes les propositions pendantes au début de son mandat, de façon à les confirmer politiquement ou à les retirer, compte tenu des avis exprimés par le Parlement. »

21 COM(2014) 903.

22 Pour marquer le nouvel élan insufflé par la nouvelle Commission et le présent programme de travail, la Commission axera ses activités de communication, en 2015, sur les dix priorités des orientations politiques. Voir le point 2.4 du document SEC(2013) 486 du 23 septembre 2013 sur la communication interne au titre du cadre financier pluriannuel 2014-2020.

23 Au total, 452 propositions sont héritées de Commissions précédentes.

24 COM(2014) 903.

25 COM(2010) 2020 final.

26 La Commission a entamé la révision de la directive sur l’efficacité énergétique (2010/30/UE) et examinera s’il y a lieu d’adapter les modalités actuelles afin d’atteindre ses objectifs de façon moins interventionniste.

27 C(2014) 9052.

28 COM (2014) 9051.