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No 2579

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUATORZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 février 2015

RAPPORT D’INFORMATION

DÉPOSÉ

PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

sur les politiques européennes en matière de lutte contre l’immigration irrégulière au regard des migrations en Méditerranée

ET PRÉSENTÉ

PAR Mme Marietta KARAMANLI et M. Charles de LA VERPILLIÈRE,

Députés

——

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Danielle AUROI, présidente ; M. Christophe CARESCHE, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Pierre LEQUILLER, vice-présidents ; M. Philip CORDERY, Mme Estelle GRELIER, MM. Arnaud LEROY, André SCHNEIDER, secrétaires ; MM. Ibrahim ABOUBACAR, Jean-Luc BLEUNVEN, Alain BOCQUET, Jean-Jacques BRIDEY, Mmes Isabelle BRUNEAU, Nathalie CHABANNE, MM. Jacques CRESTA, Mme Seybah DAGOMA, MM. Yves DANIEL, Bernard DEFLESSELLES, Mme Sandrine DOUCET, M. William DUMAS, Mme Marie-Louise FORT, MM. Yves FROMION, Hervé GAYMARD, Jean-Patrick GILLE, Mme Chantal GUITTET, MM. Razzy HAMMADI, Michel HERBILLON, Laurent KALINOWSKI, Marc LAFFINEUR, Charles de LA VERPILLIÈRE, Christophe LÉONARD, Jean LEONETTI, Mme Audrey LINKENHELD, MM. Lionnel LUCA, Philippe Armand MARTIN, Jean-Claude MIGNON, Jacques MYARD, Rémi PAUVROS, Michel PIRON, Joaquim PUEYO, Didier QUENTIN, Arnaud RICHARD, Mme Sophie ROHFRITSCH, MM. Jean-Louis ROUMEGAS, Rudy SALLES, Gilles SAVARY.

SOMMAIRE

___

Pages

SYNTHÈSE DU RAPPORT 5

INTRODUCTION 7

I. UNE PRESSION MIGRATOIRE SANS PRÉCÉDENT EN MÉDITERRANÉE ET DES CONDITIONS DE TRAVERSÉE DRAMATIQUES 9

A. RAPPELS SUR L’ESPACE SCHENGEN 9

B. DÈS 2013, LES FRANCHISSEMENTS IRRÉGULIERS DE FRONTIÈRES ONT MARQUÉ UNE ACCÉLÉRATION ET SE SONT ORIENTÉS VERS LA MÉDITERRANÉE CENTRALE 12

C. L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE PAR LA MÉDITERRANÉE S’EST TRÈS NETTEMENT ACCÉLÉRÉE EN 2014 20

D. L’OPÉRATION MARE NOSTRUM MENÉE PAR L’ITALIE 27

II. QUELLES PRIORITÉS POUR LES POLITIQUES EUROPÉENNES EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE ? 31

A. LE CADRE DES ACTIONS EUROPÉENNES ET LES PRIORITÉS POLITIQUES PLURIANNUELLES FIXÉES 31

1. Rappel des dispositions du traité de Lisbonne 31

2. Le pacte européen pour l’immigration et l’asile et le programme de Stockholm 33

3. L’approche globale de la question des migrations et de la mobilité 34

B. LES FONDS EUROPÉENS 39

1. La période 2007-2013 39

2. Pour la période pluriannuelle en cours - 2014-2020 - les fonds européens ont été restructurés 46

C. LES PRINCIPALES MESURES LÉGISLATIVES EXISTANTES EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE ET DE LUTTE CONTRE LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS 51

1. Les sanctions contre les employeurs de personnes en situation irrégulière 52

2. La directive retour 52

3. La lutte contre les filières et la directive contre la traite des êtres humains 59

4. Le paquet législatif sur les frontières intelligentes 63

D. LES TRAVAUX ENTREPRIS DEPUIS LE DRAME DE LAMPEDUSA 67

1. Les positions prises par le Parlement européen 67

2. Les mesures préconisées par la task force Méditerranée 68

3. Renforcer les orientations stratégiques récentes 73

III. LE RÔLE DE FRONTEX ET LES RESPONSABILITÉS DE L’AGENCE 79

A. PRÉSENTATION DE L’AGENCE FRONTEX ET ÉVOLUTION DU RÈGLEMENT FRONTEX 79

B. LA PARTICIPATION FRANÇAISE AUX ACTIVITÉS OPÉRATIONNELLES 89

C. LE RESPECT DES DROITS FONDAMENTAUX DANS LE CADRE DES OPÉRATIONS COORDONNÉES PAR FRONTEX 91

1. Quelle est la responsabilité de Frontex en cas de violation des droits fondamentaux ? L’enquête du médiateur européen 94

2. Le droit applicable en mer et les opérations de recherche et de sauvetage 99

3. Le respect des droits fondamentaux dans le cadre des opérations de retour conjointes 103

D. LE CARACTÈRE OPÉRATIONNEL DU DISPOSITIF EUROSUR DOIT ÊTRE RENFORCÉ 105

E. L’OPÉRATION TRITON 108

CONCLUSION 113

TRAVAUX DE LA COMMISSION 115

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE 119

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS 123

SYNTHÈSE DU RAPPORT

Le rapport rappelle les dernières données disponibles en matière d’immigration irrégulière et de recueil des migrants en mer Méditerranée, telles qu’elles ressortent notamment des analyses publiées par Frontex.

L’immigration irrégulière par voie maritime a atteint en 2014 un niveau inédit et les foyers de crise à la source de l’immigration sont à la fois nombreux et persistants. La réponse italienne, à travers l’opération Mare nostrum, doit être analysée, ainsi que les différents instruments européens visant à lutter contre l’immigration irrégulière.

Le rapport rappelle les orientations politiques fixées depuis plusieurs années ainsi que les travaux ayant fait suite au drame de Lampedusa. Il dresse un panorama des principales mesures législatives adoptées au niveau européen et des projets en cours.

Il s’attache également à étudier les dispositifs de coopération opérationnelle, et notamment le rôle de Frontex.

Les rapporteurs proposent l’adoption d’une résolution européenne tendant à souligner les différents leviers qui devraient être actionnés afin de mieux lutter contre l’immigration irrégulière, tout en garantissant le respect des droits fondamentaux des migrants.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

À la suite de leurs travaux sur l’asile, qui avaient abouti au dépôt d’une proposition de résolution européenne puis à l’adoption par l’Assemblée nationale de la résolution européenne sur le régime d’asile européen commun no 76 du 29 décembre 2012, les rapporteurs ont été chargés d’étudier les politiques européennes en matière de lutte contre l’immigration irrégulière au regard de l’évolution rapide des migrations en Méditerranée.

Le présent rapport ne vise pas à recenser de manière exhaustive l’ensemble des aspects liés à la lutte contre l’immigration irrégulière mais vise à se concentrer sur la zone méditerranéenne, compte tenu des enjeux inédits et spécifiques qui s’y attachent.

Les rapporteurs souhaitent en premier lieu rappeler le drame de Lampedusa qui avait coûté la vie à 366 migrants le 3 octobre 2013. De très nombreuses tragédies se sont malheureusement depuis déroulées en Méditerranée, faisant de cette route migratoire la plus dangereuse au monde selon l’organisation internationale pour les migrations.

L’opération Mare Nostrum a été lancée dès le 18 octobre 2013 par les autorités italiennes afin de sauver les migrants en détresse et de lutter contre les différentes formes de criminalité en Méditerranée.

Cette opération a sauvé un grand nombre de vies et doit être saluée à ce titre. Elle a également soulevé nombre d’interrogations sur la capacité de l’Union à mettre en œuvre une politique cohérente en matière de lutte contre l’immigration irrégulière, sur l’absence de coopération entre les États membres et l’Union, ainsi que sur le manque de solidarité des politiques migratoires européennes.

Si, en matière de surveillance des frontières extérieures de l’espace Schengen et de lutte contre l’immigration irrégulière, les États membres demeurent responsables au premier chef, la place des différents instruments européens, qui sont nombreux et ne sont pas nécessairement coordonnés entre eux, doit être examinée. Il convient également de rappeler que les contrôles aux frontières extérieures font partie des éléments qui garantissent la libre circulation des personnes, qui constitue l’un des acquis majeurs de l’Union européenne.

Les rapporteurs examineront la pression migratoire en Méditerranée, qui se développe dans des conditions souvent dramatiques. Ils analyseront quelles sont les priorités fixées pour les politiques européennes en matière de lutte contre l’immigration irrégulière et les évolutions intervenues depuis le drame de Lampedusa. La place des problématiques migratoires dans les relations avec les États tiers doit être interrogée. Ils s’attacheront enfin à présenter le rôle spécifique de Frontex et les enjeux qui s’y rapportent, notamment en matière de protection des droits fondamentaux.

Selon les dernières informations disponibles, 251 262 franchissements de frontières irréguliers ont été enregistrés entre janvier et novembre 2014, dont 19 928 pour le seul mois de novembre, soit une hausse de 149 % par rapport à la période de janvier à novembre 2013 (le chiffre de 2014 atteint deux fois et demie celui de 2013 pour la même période).

Les franchissements irréguliers atteindront un niveau inédit en 2014. Ils sont dus pour une large part aux conflits civils et militaires existants et persistants dans des États proches de la zone méditerranéenne.

Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, « avec la guerre qui fait rage dans de larges zones du Moyen-Orient et en Afrique, on estime que 5,5 millions de personnes ont été nouvellement déracinées pendant les six premiers mois de 2014, marquant une nouvelle augmentation du nombre de personnes déplacées de force ».

La principale route suivie est la route de la Méditerranée centrale (163 674 franchissements entre janvier et novembre, soit un quasi triplement par rapport à la même période en 2013), puis la route de la Méditerranée orientale (47 198 franchissements enregistrés, soit un doublement par rapport à la même période en 2013), et la route des Balkans occidentaux (22 620).

Les défis à relever sont nombreux et la réactivité des réseaux illégaux est extrême. De nouveaux modes opératoires sont sans cesse déployés, les plus récentes tendant à faire partir des cargos de plusieurs centaines de migrants depuis la Turquie.

I. UNE PRESSION MIGRATOIRE SANS PRÉCÉDENT EN MÉDITERRANÉE ET DES CONDITIONS DE TRAVERSÉE DRAMATIQUES

Dans son rapport portant sur les mois de janvier à septembre 2014 « Déplacements mortels, localisation des vies perdues au cours des migrations » (1), rendu dans le cadre du projet migrants disparus (Missing migrants) initié suite au drame de Lampedusa, l’organisation internationale pour les migrations (OIM) indique que, sur les neuf premiers mois de l’année 2014, 4 077 migrants ont été recensés comme ayant perdu la vie dans le monde, dont 3 072 pour la seule Méditerranée, qui apparait comme étant de loin la zone la plus dangereuse pour les migrants irréguliers (251 morts recensés en Afrique de l’Est et 230 recensés à la frontière entre le Mexique et les États-Unis). Les chiffres réels sont, selon l’OIM, bien supérieurs aux statistiques connues. M. William Lacy Swing, directeur général de l’OIM, a souligné à l’occasion de la publication du rapport précité la nécessité « d’appeler le monde entier à arrêter cette violence à l’encontre de migrants désespérés ». L’organisation estime que, depuis 2000, 22 400 personnes auraient perdu la vie en tentant d’atteindre l’Europe.

A. RAPPELS SUR L’ESPACE SCHENGEN

Signé le 14 juin 1985, l’accord de Schengen prévoit une suppression progressive des contrôles aux frontières au sein de l’espace Schengen, constitué alors du territoire des cinq États signataires. En contrepartie de la libre circulation, les contrôles aux frontières extérieures de l’espace Schengen étaient renforcés.

La convention de Schengen (2), signée le 19 juin 1990, est entrée en vigueur le 26 mars 1995. Développant très significativement la coopération policière et la lutte contre l’immigration irrégulière, elle vise la suppression des contrôles aux frontières intérieures entre les États signataires et la création d’une frontière extérieure commune où sont effectués les contrôles d’entrée dans l’espace Schengen selon des procédures identiques. Le traité d'Amsterdam a, en 1999, mis un terme à la nature intergouvernementale de Schengen en intégrant l'acquis dans le cadre juridique de l'Union. Le code frontières Schengen (règlement (CE) no 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes) a consolidé et développé les textes applicables à la gestion intégrée des frontières et a précisé les règles relatives au franchissement des frontières extérieures. Le système d’information Schengen (le SIS II, déployé en 2013, est le système de deuxième génération) permet le traitement des données biométriques et comprend notamment les signalements de ressortissants de pays tiers aux fins de non-admission ou d’interdiction de séjour (3). Le code des visas (règlement (CE) no 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas) a fixé les procédures et conditions de délivrance des visas de court séjour (moins de trois mois) pour les transits ou les séjours sur le territoire des États membres. Le système d’information sur les visas (VIS) vise à simplifier la procédure de demande de visa, prévenir les demandes multiples de visas, renforcer la lutte contre la fraude et faciliter les contrôles.

L’espace Schengen s’est progressivement étendu à la quasi-totalité des États membres de l’Union, et seule Chypre, ayant demandé un délai supplémentaire, n’est pas membre. L’Islande, la Norvège, la Suisse et le Liechtenstein ont rejoint l’espace Schengen en tant qu’États associés.

La Bulgarie, la Roumanie et la Croatie ne sont pas encore membres de l’espace Schengen.

Il convient de rappeler les positions spécifiques du Royaume-Uni, de l’Irlande et du Danemark vis-à-vis de l’espace Schengen. Le protocole joint au traité d’Amsterdam prévoit que l’Irlande et le Royaume-Uni peuvent participer à tout ou partie des dispositions de l’acquis de Schengen après un vote du Conseil à l’unanimité des États parties aux accords et du représentant du gouvernement de l’État concerné (4). Le Royaume-Uni et l’Irlande ne font pas partie de l’espace Schengen de libre circulation, bien qu’ils participent à une partie de la coopération policière et judiciaire. Bien qu’ayant signé la convention de Schengen, le Danemark, qui appartient donc lui à l’espace Schengen, peut choisir d’appliquer ou non toute nouvelle mesure prise, même si une telle mesure constitue un développement de l’acquis Schengen. Le Danemark est toutefois lié par certaines mesures en matière de politique commune des visas.

S’agissant de l’entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans cet espace, il convient de rappeler qu’ il a été prévu dès 2008, lors du lancement du processus de préparation, que la Bulgarie et la Roumanie devaient entrer simultanément dans l’espace Schengen. Une déclaration commune des ministres de l’intérieur des deux États avait été adressée à ce sujet au Conseil dès le 6 février 2008.

L’évaluation des deux États au titre de Schengen est terminée, le Conseil Justice et affaires intérieures des 9 et 10 juin 2011 ayant adopté les projets de conclusion sur l’achèvement du processus d’évaluation. Une décision du Conseil à l’unanimité est maintenant nécessaire pour permettre l’entrée des deux États membres dans l’espace Schengen.

Se pose en outre la question délicate du mécanisme de coopération et de vérification (dit MCV). Ce mécanisme a été mis en place dans le cadre de leur entrée dans l’Union européenne, afin de contribuer au développement d’un système judiciaire et administratif impartial, indépendant et efficace. La lutte contre la corruption est au cœur de ce dispositif. Le mécanisme a également trait à la lutte contre le crime organisé pour la seule Bulgarie. La Commission européenne rend compte périodiquement (tous les six mois) des progrès accomplis et des mesures devant être réalisées.

Les rapports publiés depuis l’issue de l’évaluation Schengen en 2011 sont demeurés préoccupants et, bien qu’il n’existe pas de lien juridique entre l’issue du MCV et l’entrée dans l’espace Schengen, le vote sur cette question a été repoussé depuis juin 2011, plusieurs États membres, parmi lesquels la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Finlande ayant depuis cette date fait part de leur opposition à l’extension de l’espace Schengen. Les derniers rapports du 22 janvier 2014, portant sur l’année 2013, soulignaient l’absence de progrès nécessaires en Bulgarie et étaient plus favorables s’agissant de la Roumanie, bien que des préoccupations majeures demeurent. L’enjeu est important en termes de contrôle des frontières extérieures, compte tenu de la situation géographique de ces deux États, qui auront à gérer les frontières en des zones où l’espace Schengen est soumis à de fortes pressions migratoires et qui sont particulièrement sensibles en termes de migration irrégulière et de criminalité organisée (frontières avec la Turquie, la Moldavie et l’Ukraine). À ce jour, la France et l’Allemagne soutiennent une entrée en deux étapes qui, initialement proposée par l’Allemagne et la France en novembre 2011, permettrait de dissocier la phase de suppression des contrôles aux frontières terrestres, qui interviendrait dans un second temps, de la suppression des contrôles aux frontières aériennes, qui pourrait intervenir plus rapidement.

Pour la Bulgarie et la Roumanie, cette question est devenue au fil du temps un enjeu politique majeur, non seulement vis-à-vis de l’Union européenne, mais également au plan interne. Dans ses conclusions, le Conseil de décembre 2013 a prévu « qu’il reviendrait sur cette question dès que possible dans le cadre d’une approche en deux phases ». Depuis, l’élargissement de l’espace Schengen n’a pas été abordé au niveau du Conseil de l’Union.

L’espace Schengen comprend donc 26 États, y compris les États associés, et regroupe près de 500 millions d’habitants bénéficiant du droit à la libre circulation. Il comprend à ce jour 44 000 kilomètres de frontières extérieures maritimes et 9 000 kilomètres de frontières terrestres.

Chaque année, près de 720 millions de personnes franchissent les frontières extérieures de l’espace Schengen, parmi lesquelles 334 millions sont des ressortissants de pays tiers. Ces déplacements sont essentiels à la vie de l’Union et il convient de rappeler que la création d’un espace de libre circulation intérieure sans contrôles aux frontières a constitué l’une des réalisations concrètes majeures de l’Union, dont bénéficient, non seulement ses ressortissants, mais également les ressortissants de pays tiers.

Toutefois, le nombre de ressortissants de pays tiers qui se maintiennent sur le territoire au-delà de la durée de séjour autorisée ou qui entrent dans l’Union de manière irrégulière est élevé et constitue un grave sujet de préoccupation. En outre, les voies d’immigration irrégulière sont sujettes à de fortes variations dans le temps et dans l’espace. Alors qu’en 2012 et 2013, la principale voie d’entrée se situait aux différentes frontières grecques, à l’automne 2013, une forte hausse des entrées irrégulières a été constatée à la frontière bulgaro-turque, suivie par une chute des entrées suite au renforcement des contrôles. La question de l’immigration irrégulière se concentre par ailleurs depuis mi 2013 en Méditerranée centrale et atteint des niveaux jusqu’alors inconnus.

Le drame de Lampedusa, le 3 octobre 2013, au cours duquel le naufrage d’une barque de passeurs près de l’île de Lampedusa en Italie a entraîné la mort par noyade de 366 migrants, a connu un retentissement majeur dans l’Union et contribué à mettre en lumière, à la fois les périls encourus par les migrants, l’ampleur des phénomènes migratoires et des questions qu’ils soulèvent et la relative faiblesse des politiques de l’Union en la matière.

Il n’est en effet pas possible de laisser les États membres aux avants postes de l’Europe gérer seuls les questions migratoires auxquelles ils se trouvent confrontés du fait de leur position géographique.

Le Conseil européen, dans ses conclusions du 25 octobre 2013, a indiqué que : « sur la base de l'impératif de prévention et de protection et en s'inspirant du principe de solidarité et de partage équitable de responsabilités, il convient d'agir avec détermination pour prévenir les pertes de vies en mer et éviter que de telles tragédies humaines se reproduisent ». Il a appelé l’Union à adopter une réponse adaptée, à l’échelle européenne, aux différentes problématiques liées aux migrations.

B. DÈS 2013, LES FRANCHISSEMENTS IRRÉGULIERS DE FRONTIÈRES ONT MARQUÉ UNE ACCÉLÉRATION ET SE SONT ORIENTÉS VERS LA MÉDITERRANÉE CENTRALE

Dans son analyse de risque annuelle 2014, parue le 14 mai 2014, qui dresse un état des lieux des questions migratoires aux frontières extérieures de l’Union (5), l’agence Frontex rappelle que les détections de passages frontaliers irréguliers se sont nettement accrues entre 2012 (72.500 détections) et 2013 (107 000 détections, soit une hausse de 48 %). L’année 2013 a également été marquée par une très forte hausse des passages frontaliers irréguliers de ressortissants Syriens, qui pour la plupart déposent une demande d’asile, sur les routes méditerranéennes centrale et orientale, par une très forte hausse des départs d’Afrique du Nord, par la voie maritime, les migrants risquant leur vie pour traverser la Méditerranée dans des conditions très périlleuses, ainsi que par une forte hausse des détections de passages irréguliers à la frontière entre la Hongrie et la Serbie (principalement entre janvier et juin). Au cours de l’année 2013, la situation a très rapidement évolué et le nombre de détections s’est nettement accru au cours du second semestre.

Il convient de souligner que les franchissements irréguliers des frontières recensés sont le fait de flux mixtes de migrants au sein desquels les États membres devront distinguer les demandeurs d’asile des autres migrants sans visa ni passeport, principalement des migrants pour des motifs économiques. Une des difficultés majeures dans l’accueil des flux mixtes de migrants réside dans la nécessité absolue d’assurer la protection les personnes qui doivent être protégées en application des normes internationales (notamment la Convention de Genève du 28 juillet 1951), européennes (dans le cadre de la construction d’un régime d’asile européen commun prévue par les traités) et constitutionnelles (Préambule de la Constitution de 1946 (6)).

Il convient également de rappeler brièvement que, selon les données Eurostat, 434.160 demandes d’asile ont été déposées dans les 28 États membres en 2013 (contre 332 000 en 2012), parmi lesquelles 50 470 sont issues de Syriens, 41 270 de Russes, 26 290 d’Afghans, 22 380 de Serbes et 20 885 de Pakistanais (7). Les derniers chiffres connus portent sur les demandes d’asile déposées au troisième trimestre 2014, au cours duquel le nombre a atteint près de 180 000 (un quart des demandes étaient issues de Syriens) (8). Sur la dernière période de douze mois continus allant jusqu’à fin septembre 2014, près de 540 000 demandes avaient été déposées, dont 172 000 en Allemagne, 79 000 en Suède et 63 000 en France. Les très fortes variations dans le sort réservé aux demandes d’asile selon les États membres et selon la nationalité des demandeurs constituent une difficulté majeure en matière de gestion des flux migratoires et d’application du règlement de Dublin, selon lequel le premier État d’accueil est responsable du traitement de la demande d’asile. Nombre de demandeurs d’asile ne souhaitent en effet pas déposer leur demande dans le pays d’arrivée et se déplacent après être entrés dans l’Union.

Selon l’analyse de risque annuelle 2014 de Frontex, les personnes interceptées aux frontières en 2013 étaient principalement de nationalités syrienne (25 500 personnes, soit près du quart des interceptions), érythréenne (11 298 personnes, contre 2 604 en 2012), afghane (9 500 personnes, contre 13 169 en 2012) et albanaise (9 020 personnes, contre environ 5 000 en 2012), ces quatre nationalités représentant 52 % des personnes interceptées.

En Méditerranée centrale, les interceptions se sont accélérées à partir du second trimestre 2013 et 40 304 personnes ont été interceptées sur cette voie sur l’année, la plupart des bateaux venant de Libye, du fait de l’absence de contrôles. Beaucoup d’immigrants venaient également d’Égypte.

En Méditerranée orientale, les détections (24 800 personnes) ont atteint leur plus bas niveau depuis 2009 en 2013, mais cette voie demeure la seconde la plus empruntée en matière d’immigration irrégulière. Toutefois, ils convient de noter que les voies d’accès ont considérablement évolué par rapport à 2011 et 2012, avec une forte hausse des détections en mer Égée et à la frontière terrestre bulgaro-turque.

Dans les Balkans occidentaux, le flux des entrées irrégulières s’est accru de 6 400 (2012) à 19 500 en 2013, principalement à la frontière terrestre entre la Serbie et la Hongrie.

Sur la route de la Méditerranée occidentale, où les deux tiers des passages étaient détectés à la frontière terrestre à Ceuta et Melilla, les chiffres sont restés stables entre 2012 et 2013 (6 800 personnes interceptées).

Le tableau suivant résume les principaux indicateurs de l’analyse de risque annuelle de Frontex publiée en 2014 et portant sur l’année 2013.

PRINCIPAUX INDICATEURS DE L’ANALYSE DE RISQUE ANNUELLE DE FRONTEX 2014

Indicateurs

2009

2010

2011

2012

2013

% variation par rapport à l’année précédente

Entrées illégales entre les points de passages frontaliers (PPF)

104 599

104 060

141 051

72 437

107 365

48

Entrées clandestines aux PPF

296

242

282

599

599

0

Passeurs arrêtés

9 171

8 629

6 957

7 720

6 902

-11

Séjour illégal

412 125

353 077

350 948

344 928

344 888

0

Refus d’entrée

113 029

108 651

118 277

116 202

128 902

11

Demandes d’asile2

219 814

203 880

254 054

276 308

353 991

28

Personnes utilisant des documents frauduleux3

 :

 :

5 289

7 882

9 804

24

Décisions de retour prises4

 :

 :

231 385

269 949

224 305

17

Retours effectifs

 :

 :

149 045

158 955

160 699

1.0

Autres indicateurs

           

Visas délivrés (source : Commission européenne)

11 203 043

10 241 000

11 842 761

13 510 250

 :

n.a.

Flux de passagers4

660 000 000

675 000 000

701 000 000

 :

 :

n.a.

Source : FRAN and EDF-RAN data as of 10 February 2014, FRAN 2014, page 31.

1. L’Espagne a en outre reporté les refus d’entrée à Ceuta et Melilla qui ont atteint : 492 742 en 2008 ; 374 845 en 2009 ; 280 625 en 2010 ; et 215  021 en 2011.

2. Pour la France, seules les demandes d’asile à la frontière sont reportées.

3. Données non disponibles pour la France, l’Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suède.

3. Données non disponibles pour la France pour 2011 et 2012.

4. Chiffres fournis par les États membres à la Commission européenne dans le cadre du fonds frontières extérieures.

 : = non disponible

n.a. = non applicable

Le tableau suivant, assez détaillé, permet de comprendre les évolutions rapides d’une année sur l’autre, à la fois des voies empruntées en matière d’immigration irrégulière, et des nationalités des personnes interceptées, ainsi que la concentration de certaines nationalités sur certaines routes (comme c’est le cas pour les Erythréens, dont les réseaux paraissent très organisés et viser certaines destinations bien précises). Les routes détaillées apparaissent également sur la carte présentée plus loin.

Franchissements de frontières illégaux entre les points de passage frontaliers

Détections de franchissement de frontières illégaux entre 2009 et 2013, par route et présentation des trois premières nationalités aux frontières extérieures.

Routes

2009

2010

2011

2012

2013

Part du total

% d’évolution

2013/2012

Route de la Méditerranée centrale (Italie et Malte)*

10 236

1 662

59 002

10 379

40 304

38

288

Erythrée

1 084

55

641

1 889

9 926

25

425

Syrie

18

0

92

109

9 591

24

8 699

Somalie

3 143

82

1 400

3 394

4 497

11

32

Route de la Méditerranée orientale (Grèce, Bulgarie et Chypre)

39 975

55 688

57 025

37 224

24 799

23

-33

Frontières terrestres

11 127

49 513

55 558

32 854

12 968

52

-61

Syrie

354

495

1 216

6 216

7 366

57

19

Afghanistan

639

21 389

19 308

7 973

2 049

16

-74

Algérie

211

6 335

3 393

2 316

493

3.8

-79

Frontières maritimes

28 848

6 175

1 467

4 370

11 831

48

171

Syrie

184

139

76

906

5 361

45

492

Afghanistan

11 758

1 373

310

1 593

4 080

34

156

Erythrée

1 093

445

11

50

552

4.7

1 004

Route des Balkans occidentaux

3 089

2 371

4 658

6 391

19 951

19

212

Kosovo**

705

372

498

942

6 303

32

569

Pakistan

10

39

604

861

3 072

15

257

Afghanistan

700

469

983

1 665

2 174

11

31

Route circulaire de l’Albanie à la Grèce

40 250

35 297

5 269

5 502

8 728

8.1

59

Albanie

38 017

32 451

5 022

5 398

8 592

98

59

Kosovo**

34

21

37

34

45

0.5

32

Géorgie

12

16

21

7

23

0.3

229

Route de la Méditerranée occidentale

6 642

5 003

8 448

6 397

6 838

6.4

6.9

Frontières terrestres

1 639

1 567

3 345

2 839

4 229

62

49

Non spécifié

503

1 108

2 610

1 728

3 329

79

93

Algerie

464

459

735

967

900

21

-6.9

Maroc

672

0

0

144

0

0

-100

Frontières maritimes

5 003

3 436

5 103

3 558

2 609

38

-27

Algerie

3 190

1 242

1 037

1 048

536

21

-49

Mali

3

20

87

194

467

18

141

Maroc

254

300

775

364

282

11

-23

Pouilles et Calabre (Italie)

807

2 788

5 259

4 772

4 994

4.7

4.7

Syrie

22

191

191

472

1 912

38

305

Pakistan

1

53

992

1 156

956

19

-17

Egypte

0

168

962

424

746

15

76

Route de la frontière orientale

1 335

1 052

1 049

1 597

1 316

1.2

-18

Géorgie

173

144

209

328

235

18

-28

Vietnam

31

39

23

158

149

11

-5.7

Afghanistan

163

132

105

200

149

11

-26

Route de l’Ouest africain

2 244

196

340

174

283

0.3

63

Maroc

176

179

321

104

104

37

0

Mali

555

1

2

5

54

19

980

Burkina Faso

84

0

0

0

51

18

n.a.

Route de la mer noire

1

0

0

1

148

0.1

14 700

Syrie

0

0

0

0

80

54

n.a.

Afghanistan

0

0

0

0

62

42

n.a.

Turquie

0

0

0

0

6

4.1

n.a.

Autres

20

3

1

0

4

0

 

Egypte

1

0

0

0

2

50

n.a.

Guinée

0

0

0

0

2

5

n.a.

Ukraine

16

0

0

0

0

0

n.a.

Total

104 599

104 060

141 051

72 437

107 365

100

48

* Hors les Pouilles et la Calabre.

** cette designation est sans prejudice des positions sur le statut du Kosovo.

Source : FRAN data as of 12 February 2013.

Il convient de relever que les détections de passages irréguliers aux points de passages frontaliers (personnes cachées dans des véhicules par exemple) sont très limitées (599 détections en 2013, Frontex estimant que ce chiffre très bas sous-estime la réalité du phénomène).

En dehors des interpellations aux frontières, 345 000 personnes ont été appréhendées en séjour irrégulier en 2013 par les États membres (chiffre stable par rapport à l’année précédente).

La carte suivante présente les détections de séjours irréguliers dans les États membres en 2013. Alors que le nombre total des détections est stable entre 2012 et 2013, des différences significatives peuvent être observées entre les États membres, avec une très forte hausse en Allemagne et en Bulgarie et une forte baisse en Grèce et en Italie.

Détections des séjours illégaux en 2013 et évolution en pourcentage par rapport à 2012

Source : Analyse de risque annuelle de Frontex 2014, page 51.

Entre 2012 et 2013, Frontex a noté une baisse des arrestations des passeurs de 11 % (6 900 arrêtés), qui peut être analysée au regard de la pratique qui s’oriente davantage vers la fraude documentaire, permettant aux réseaux d’agir en amont et de demeurer en retrait plutôt que d’accompagner les migrants jusqu’à la frontière. En Espagne et en Italie, un tiers des passeurs étaient des ressortissants nationaux, cette proportion étant de 20 % en France.

En 2013, 224 305 décision d’éloignement ont été prises à l’encontre de ressortissants de pays tiers (baisse de 17 % par rapport à 2012 mais les chiffres n’étaient pas encore connus pour la France et les Pays-Bas, la Suède n’ayant par ailleurs cité que les retours effectifs). En 2013, 160 699 ressortissants d’États tiers ont été effectivement renvoyés dans leur pays d’origine ou de transit, la Grèce et le Royaume-Uni étant les deux États membres ayant effectué le plus grand nombre de retours. 54 % des retours effectués étaient des retours forcés.

C. L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE PAR LA MÉDITERRANÉE S’EST TRÈS NETTEMENT ACCÉLÉRÉE EN 2014

Les flux migratoires en Méditerranée ont connu une évolution très rapide en 2014, comme le soulignait le directeur exécutif de Frontex, M. Gil Arias-Fernández, lors de son audition devant la commission des Affaires européennes le 18 novembre 2014 :

« D’une façon générale, l’année 2014 connaît une augmentation spectaculaire en matière de franchissement irrégulier des frontières par rapport à 2013 : ce phénomène est en effet 2,5 fois plus important qu’au cours de la période précédente. De janvier à octobre de cette année, les États membres ont détecté 229 073 franchissements irréguliers, contre 107 365 pour l’ensemble de l’année 2013. Autrement dit, nous sommes face à une augmentation de l’ordre de 113 %. Le niveau d’ores et déjà atteint se situe bien au-dessus du total de 2011, année qui avait connu un record du fait du « printemps arabe ». Nous constatons pour le moment une augmentation de 60 % par rapport à 2011, année au cours de laquelle les détections étaient de l’ordre de 141 000. Le nombre total de franchissements irréguliers devrait avoisiner 250 000 cette année.

[…] On notera que certaines voies ont connu une baisse des flux migratoires tandis que d’autres ont connu une très forte hausse. La Méditerranée centrale a connu 153 603 détections entre janvier et octobre 2014, soit une augmentation de 272 % par rapport à la même période en 2013. En octobre, la baisse des flux migratoires en Méditerranée centrale et Méditerranée orientale est vraisemblablement due aux conditions météorologiques. Au cours de l’automne, un grand nombre de Kosovars ont franchi irrégulièrement la frontière et demandé l’asile une fois qu’ils ont été détectés ou lorsqu’ils ont atteint leur destination finale. Leur destination finale est, dans la plupart des cas, l’Allemagne.

La situation demeure globalement critique ».

Dans son rapport d’analyse des risques sur le deuxième trimestre 2014 (paru le 15 octobre 2014), Frontex souligne que les variations observées ce premier semestre 2014 sont supérieures aux variations saisonnières précédemment analysées.

68 589 franchissements irréguliers ont été dénombrés au deuxième trimestre, ce qui est plus du triple que lors du trimestre précédent. Comparé à la même période en 2013 (deuxième trimestre), le chiffre des franchissements a augmenté de 45 000, ce qui apparait comme une évolution majeure. 60 000 des 68 589 détections ont été faites aux frontières maritimes (c’est six fois plus qu’une année avant). 53.000 franchissements irréguliers ont été constatés en Méditerranée centrale.

Un tiers de l’ensemble des migrants étaient Erythréens (depuis le premier trimestre 2014, en Méditerranée centrale, leur nombre aurait été multiplié par dix, passant de 1 522 à 16 207). Plus de 10 000 Syriens ont cherché à rejoindre l’Union par la frontière maritime italienne et 5 000 par la frontière gréco-turque. Leur nombre est le plus élevé constaté depuis le début du conflit armé en Syrie. 90 % des migrants détectés sont partis de Libye et 5 % d’Égypte. La situation totalement instable en Libye et les violences à l’encontre de ressortissants d’États sub-sahariens ont poussé ces personnes, qui pouvaient auparavant travailler en Libye, à prendre la mer dans des conditions très dangereuses. Le rapport de Frontex souligne que nombre d’Erythréens ont vécu un certain temps en Libye et n’avaient pas planifié de rejoindre l’Europe mais qu’ils ont décidé de le faire compte tenu de la dégradation de la situation.

Les Maliens représentaient la troisième nationalité la plus importante (3 064 personnes) au deuxième trimestre 2014.

Le rapport note que près de 51 000 personnes ont été sauvées en mer au cours de 274 opérations de sauvetage entreprises par les autorités italiennes (principalement, voir la suite du rapport), les opérations communes coordonnées par Frontex et les navires civils.

M. Gil Arias-Fernández a souligné au cours de l’audition précitée : « La plupart des migrants sont des Syriens et des Érythréens. Dans la plupart des cas, ils sont passés par la Libye. La plus grande proportion de migrants détectés vient de Syrie : près de 10  000 en octobre, soit environ 35 % du total. Les Syriens sont poussés par le conflit qui sévit dans leur pays. Ils arrivent dans l’Union européenne par la Méditerranée centrale et orientale. Divers indices montrent cependant qu’un certain nombre de ces migrants ne sont pas Syriens, mais prétendent être de nationalité syrienne pour ne pas être renvoyés vers la Turquie, pays de transit le plus fréquent, ou pour éviter de devoir retourner dans leur vrai pays d’origine. »

Il apparait clairement que la situation aux frontières maritimes est tout à fait préoccupante et sans précédent par rapport aux analyses conduites depuis 6 ans par Frontex. Même au regard de l’année 2011, pendant laquelle l’immigration irrégulière avait augmenté, notamment par mer, les franchissements irréguliers sont plus de deux fois supérieurs s’agissant des entrées par voie maritime.

Entre le deuxième trimestre 2013 et le deuxième trimestre 2014, l’Italie a fait état d’une multiplication par 8 des franchissements irréguliers, et l’Espagne a connu une hausse de 50 %.

Les tableaux suivants, fournis par le directeur exécutif de Frontex lors de son audition devant la commission des affaires européennes le 18 novembre 2014, retracent les évolutions récentes des franchissements irréguliers des frontières extérieures de l’Union.

Franchissements irréguliers des frontières extérieures de l’UE chaque mois entre janvier et octobre 2013 et janvier et octobre 2014

Source : Frontex

Franchissements irréguliers de frontières, principales nationalités des personnes interpellées,
de janvier à octobre 2013 (première colonne) et 2014 (seconde colonne)

(Nationalités : syrienne, érythréenne, nationalités subsahariennes non spécifiées, afghane, malienne)

Franchissements irréguliers de frontières extérieures de l’UE
de 2009 à 2014 (janvier à octobre 2014)
Frontières terrestres (partie inférieure des colonnes) et maritimes (partie supérieure des colonnes). Pour la première fois, en 2014, les franchissements par les frontières maritimes sont largement majoritaires.

La Méditerranée orientale, qui constituait traditionnellement une des principales routes d’immigration irrégulière, a vu la situation évoluer de façon importante, notamment à la suite des activités opérationnelles menées dans cette zone, relevant à la fois des États membres concernés et d’opérations coordonnées par Frontex. Le nombre de détections a retrouvé en 2014 des niveaux comparables à ceux des années 2009 à 2011, avant les très fortes hausses de 2012.

A partir d’août 2012, les autorités grecques ont déployé l’opération Aspida (personnel et ressources supplémentaires) dans la région d’Evros afin de lutter contre l’immigration irrégulière. La surveillance renforcée a conduit à une maîtrise de l’immigration irrégulière et à un déplacement des flux migratoires vers la frontière terrestre entre la Bulgarie et la Turquie ainsi que sur la mer Égée orientale. Simultanément, l’opération grecque Xenios Zeus visait à interpeller des migrants irréguliers dans les zones urbaines autour d’Athènes.

Comme le soulignaient les rapporteurs Jérôme Lambert et Didier Quentin dans leur communication commune du 30 avril 2014 sur l’élargissement de l’espace Schengen et le paquet frontières intelligentes, devant la commission des affaires européennes, le flux d’immigration irrégulière en Bulgarie a été multiplié par 5,5 en 2013 par rapport à l’année 2012, avec 11 618 migrants irréguliers interpellés en 2013 dans le cadre de passages illégaux. La quasi-totalité des interpellations a eu lieu à la frontière terrestre bulgaro-turque. À l’automne 2013, le nombre d’interpellations mensuelles sur cette frontière a pu atteindre 3 500. Cette pression migratoire était liée au contexte international ainsi qu’au renforcement conséquent, depuis l’été 2012, du dispositif grec dans la zone voisine d’Orestiada, ce qui a engendré un report des flux vers la Bulgarie et vers les frontières maritimes de la Grèce. Du matériel supplémentaire et des renforts importants de frontière ont été déployés par les autorités bulgares et la construction d’un mur de 30 kilomètres a été entamée le long de sa frontière terrestre avec la Turquie dans les zones forestières les plus difficiles à surveiller. Cependant, il était présagé que le renforcement de la surveillance de cette frontière dite frontière verte pourrait à terme entrainer un nouveau report des filières de migration illégale vers la voie maritime. Comme le note Frontex, entre le dernier trimestre 2013, pendant lequel la situation était la plus critique, et le deuxième trimestre 2014, les franchissements irréguliers détectés ont diminué de 85 % à la frontière terrestre entre la Bulgarie et la Turquie.

Il est certain que ces opérations ont permis de contrôler les flux migratoires irréguliers. Mais il convient également de noter que, suite à de tels renforcements opérationnels, les flux se détournent des zones les mieux contrôlées. Dans le cas présent, un déplacement des flux vers les frontières maritimes a été observé. Ainsi, les flux en mer Égée orientale au cours du deuxième trimestre 2014 (7 000 personnes appréhendées) ont été beaucoup plus élevés que durant la même période en 2013. 75 % des interceptions ont eu lieu dans les îles Égée (Lesvos, Samos et Chios).

1 500 passages irréguliers ont été recensés en Méditerranée occidentale au deuxième trimestre 2014 (côte sud de l’Espagne et frontières terrestres de Ceuta et Melilla), soit une baisse de 19 % par rapport au premier trimestre, mais une hausse de 150 personnes par rapport à la même période en 2013. Sur cette route migratoire, plus de la moitié des passages concernaient la frontière terrestre de Ceuta et de Melilla. Le passage par cette zone ne nécessite en général pas de recourir à de coûteux réseaux de passeurs. La proportion de migrants essayant de passer le détroit de Gibraltar, le plus souvent sur de simples bateaux gonflables, représente 45 % de toutes les détections recensées dans la zone de la Méditerranée occidentale.

S’agissant des entrées irrégulières aux points de passages frontaliers, le rapport Frontex note une forte hausse des détections qui atteignent le nombre de 624 au deuxième trimestre 2014, soit deux fois plus qu’au premier trimestre 2014, pour la plupart recensées à la frontière terrestre entre la Bulgarie et la Turquie, la hausse étant probablement liée au renforcement des contrôles à cette frontière.

D. L’OPÉRATION MARE NOSTRUM MENÉE PAR L’ITALIE

L’opération Mare Nostrum a été lancée à la seule initiative de l’Italie le 18 octobre 2013, à la suite du drame de Lampedusa qui avait coûté la vie à 366 migrants le 3 octobre 2013. L’opération a été mise en œuvre à l’initiative du ministre des affaires étrangères et du ministre de la défense.

Les rapporteurs se sont rendus à Rome les 15 et 16 juillet 2014 afin de rencontrer M. Giovanni Pinto, directeur central de l’immigration et de la police aux frontières, M. Marco del Panta, directeur pour les questions migratoires au ministère des affaires étrangères, Mme Laura Ravetto, députée, présidente du comité Schengen du parlement italien et M. Gioigio Brandolin, député, vice-président du comité Schengen, ainsi que le vice-amiral Filippo Foffi, commandant en chef de la Marine italienne.

Selon les informations transmises en juillet 2014, après 6 mois de mise en œuvre de l’opération Mare Nostrum, un premier bilan de cette initiative italienne pouvait être dressé.

Au cours de la visite du centre opérationnel du commandement en chef de la Marine militaire italienne (Comando in Capo della Squadra Navale CINCNAV) le 16 juillet 2014, le Vice-amiral Foffi, commandant en chef de la Marine italienne, qui commande l’opération Mare Nostrum, a souligné que l’opération ne se limitait pas au sauvetage en mer mais visait en premier lieu à augmenter le niveau de sécurité en mer avec des mesures de contrôle précises des voies de circulation. Elle visait également, a-t-il précisé, à mettre en évidence les délits commis en mer et à poursuivre les délinquants. Le second but de l’opération était de secourir en mer les personnes qui doivent l’être. Des résultats ont pu être obtenus sur ces deux objectifs et la Marine italienne n’a jamais eu, a-t-il souligné, la prétention de résoudre le problème de l’immigration. Il s’agissait bien d’une première réponse d’urgence en attendant que d’autres aspects de la question puissent être réglés par d’autres structures. Une solution globale, sous mandat de l’ONU par exemple, était demandée.

Sont regroupés sous l’autorité du commandement en chef de la Marine italienne une flotte de 91 navires, 6 sous-marins, 68 aéronefs et 18 500 personnes (dont 3,5 % de femmes). La surveillance maritime italienne est intégrée et vise à reproduire dans l’espace maritime le niveau de surveillance existant dans l’espace aérien, par le croisement de données issues des capteurs de la marine et des gardes-côtes, des services de renseignement et de la marine marchande. La Marine italienne est présente en permanence dans le canal de Sicile depuis 2004 pour le contrôle des flux migratoires.

La zone opérationnelle recouvrait 71 000km2, allant de la côte Est de la Tunisie au Sud de l’Italie, soit trois fois la superficie de la Sicile. Cinq unités ont été déployées en permanence (parmi les 5 bâtiments, 2 frégates, 2 corvettes, 1 patrouilleur, un pétrolier ravitailleur et un sous-marin si besoin). Les moyens aériens ont également joué un rôle de premier plan, qu’il s’agisse d’hélicoptères basés sur des bateaux ou à terre ou encore des drones.

L’opération visait la détection précoce des embarcations de migrants afin d’éviter les situations dangereuses pour les migrants et de recueillir le plus d’informations possibles sur les trafiquants. En cas d’immigration irrégulière suspectée, la marine procédait au recueil de preuves puis le navire était acheminé jusqu’aux eaux territoriales italiennes où il était placé sous le contrôle de la Guardia di Finanza (douanes). Les navires italiens disposaient des capacités logistiques pour identifier les migrants à bord et les soigner. Une évacuation vers des hôpitaux à terre était possible en cas de nécessité.

Au 30 juin 2014, 81 870 personnes avaient été sauvées en mer, 404 embarcations secourues et 196 trafiquants arrêtés. Quatre navires mères avaient été saisis et le cas s’était présenté de devoir secourir 1 556 migrants présents sur un seul navire. La Marine italienne juge également cette opération efficace en termes de sécurité maritime et de lutte contre tous types de trafics. Son effet dissuasif a été souligné.

Il a été souligné que Frontex dispose de très peu de moyens navals et a essentiellement une activité de coordination qui vise à connaître les positions des unités et non d’atteindre un objectif humanitaire. Seule la Slovénie avait fourni un patrouilleur pendant un mois.

Mare Nostrum a été financée par la Marine italienne sur son budget. Dès avant octobre 2013, 30 % des heures de navigation de la Marine italienne étaient dévolues à la surveillance maritime de la zone. Cette proportion a ensuite considérablement augmenté. C’est principalement du côté de l’entraînement des troupes que des fonds ont été réaffectés mais cette situation ne pouvait perdurer éternellement.

Il a été souligné que nombre de migrants ont pu être sauvés et il faut s’en féliciter. Personne ne dispose cependant de statistiques précises sur le nombre d’embarcations qui coulaient auparavant et qui continuent de le faire malheureusement. L’augmentation du nombre de migrants a été attribuée au nombre des foyers de crises ainsi qu’à leur ampleur, qui sont inédits.

La Marine italienne a souligné que des policiers sont à bord des bâtiments. Il n’est cependant pas possible de forcer les migrants à donner leurs empreintes. Ce seraient surtout des Syriens qui refuseraient de donner leurs empreintes. Selon les autorités italiennes, la perte des papiers d’identités et le refus de donner ses empreintes résulteraient de consignes clairement établies par les réseaux afin de permettre aux migrants de rejoindre plus facilement les pays européens dans lesquels ils souhaitent déposer une demande d’asile.

Le coût de la mission a été évalué à 9 millions d’euros par mois.

Le directeur central de l’immigration, M. Marco del Panta, a rappelé que près d’un tiers des migrants recueillis lors des opérations maritimes étaient Erythréens et 20 % Syriens. Jamais un mouvement aussi global, issu d’autant de foyers de crise différents, n’avait été observé. Les flux comprennent à la fois des réfugiés auxquels l’Europe doit assurer une protection internationale et des migrants économiques qui n’ont pas vocation à demeurer en Europe. Les autorités italiennes ne pouvaient prévoir l’ampleur du phénomène lors du lancement de l’opération Mare nostrum, a souligné le directeur central. Toutefois, la situation politique au Moyen-Orient et la multiplication des foyers de crise en Afrique (Syrie, Libye, Irak, Nigéria, Mali, Sénégal, Tunisie, Érythrée) ne laisse pas présager une diminution de l’envergure du problème migratoire, bien au contraire. Il ne s’agit donc pas d’un problème italien mais d’un problème européen, ont souligné les autorités italiennes.

L’urgence de développer des actions concrètes et d’aller négocier dans les pays d’origine et de transit a été soulignée, l’impossibilité de travailler avec la Libye ayant été mise en avant comme un problème central. Tous les leviers possibles devraient être utilisés, et, s’agissant de Frontex, sa présence devrait être largement renforcée en Méditerranée centrale et en mer Égée, ainsi que son travail avec les pays de transit.

Du point de vue italien, la destruction des bateaux utilisés par les trafiquants est impossible (notamment du fait des pollutions engendrées) et posait problème dans la mesure où ils pouvaient être récupérés et servir de nouveau. La disponibilité des bateaux devrait être asséchée et les filières de construction déjà identifiées devraient être démantelées d’urgence.

Le directeur de l’immigration du ministère des affaires étrangères, M. Marco Del Panta, a souligné l’importance du lancement du processus qui serait celui dit de Khartoum en matière de lutte contre la traite des êtres humains(9), alors en cours de préparation, afin d’initier une coopération avec les pays de la corne de l’Afrique, à l’image du processus de Rabat existant avec l’Afrique occidentale.

Selon nombre d’États membres, parmi lesquels la France, qui avait dès l’origine souligné les risques liés à ce type d’opération en termes d’effet d’appel, Mare nostrum aurait paradoxalement pu contribuer à faciliter le trafic et à accroître le nombre de migrants. Cette opération aurait permis aux trafiquants de migrants d’envoyer des migrants toujours plus nombreux sur des embarcations de plus en plus dangereuses, disposant de moins en moins d’eau et vivres, la Marine italienne les secourant près des côtes libyennes.

Selon les derniers éléments communiqués, l’opération Mare nostrum aurait permis de sauver plus de 150 000 personnes.

À l’heure actuelle, si elle a arrêté l’opération Mare nostrum après le lancement de l’opération Triton (voir infra), la Marine italienne a en revanche maintenu un dispositif national de sécurité et de surveillance maritime comprenant quatre navires de haute mer (contre cinq précédemment).

II. QUELLES PRIORITÉS POUR LES POLITIQUES EUROPÉENNES EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE ?

A. LE CADRE DES ACTIONS EUROPÉENNES ET LES PRIORITÉS POLITIQUES PLURIANNUELLES FIXÉES

1. Rappel des dispositions du traité de Lisbonne

Le traité de Lisbonne dispose, à l’article 77 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, que l’Union développe une politique visant à assurer l’absence de tout contrôle des personnes lorsqu’elles franchissent les frontières intérieures, quelle que soit leur nationalité, à assurer le contrôle des personnes et la surveillance efficace du franchissement des frontières extérieures et à mettre en place progressivement un système intégré de gestion des frontières extérieures.

A ces fins, le Parlement européen et le Conseil, statuant par voie de codécision à la majorité qualifiée au Conseil adoptent les mesures portant sur :

- la politique commune des visas et d’autres titres de séjour de courte durée (moins de trois mois de séjour par période de six mois) ;

- les contrôles auxquels sont soumises les personnes franchissant les frontières extérieures ;

- les conditions dans lesquelles les ressortissants de pays tiers peuvent circuler librement pour un court séjour ;

- toute mesure nécessaire à la mise en place progressive d’un système intégré de gestion des frontières extérieures ;

- l’absence de contrôles aux frontières intérieures.

L’article 79 du traité sur le fonctionnement de l’Union, relatif à la politique commune de l’immigration, dispose que :

« 1. L'Union développe une politique commune de l'immigration visant à assurer, à tous les stades, une gestion efficace des flux migratoires, un traitement équitable des ressortissants de pays tiers en séjour régulier dans les États membres, ainsi qu'une prévention de l'immigration illégale et de la traite des êtres humains et une lutte renforcée contre celles-ci.

2. Aux fins du paragraphe 1, le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, adoptent les mesures dans les domaines suivants :

a) les conditions d'entrée et de séjour, ainsi que les normes concernant la délivrance par les États membres de visas et de titres de séjour de longue durée, y compris aux fins du regroupement familial ;

b) la définition des droits des ressortissants des pays tiers en séjour régulier dans un État membre, y compris les conditions régissant la liberté de circulation et de séjour dans les autres États membres ;

c) l'immigration clandestine et le séjour irrégulier, y compris l'éloignement et le rapatriement des personnes en séjour irrégulier ;

d) la lutte contre la traite des êtres humains, en particulier des femmes et des enfants.

3. L'Union peut conclure avec des pays tiers des accords visant la réadmission, dans les pays d'origine ou de provenance, de ressortissants de pays tiers qui ne remplissent pas ou qui ne remplissent plus les conditions d'entrée, de présence ou de séjour sur le territoire de l'un des États membres.

4. Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, peuvent établir des mesures pour encourager et appuyer l'action des États membres en vue de favoriser l'intégration des ressortissants de pays tiers en séjour régulier sur leur territoire, à l'exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres.

5. Le présent article n'affecte pas le droit des États membres de fixer les volumes d'entrée des ressortissants de pays tiers, en provenance de pays tiers, sur leur territoire dans le but d'y rechercher un emploi salarié ou non salarié ».

Enfin, l’article 80 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne rappelle que les politiques du chapitre 2 (frontières, asile et immigration) de l’Union sont régies par le principe de solidarité et de partage équitable des responsabilités entre États membres, y compris sur le plan financier.

Il ressort de ces articles que la lutte contre l’immigration irrégulière dans son ensemble n’est pas une compétence de l’Union mais demeure du ressort des États membres, bien qu’un certain nombre de domaines fassent l’objet de politiques communes et de procédures véritablement harmonisées (délivrance des visas de court séjour, nature des contrôles aux frontières extérieures). Il n’existe pas de système intégré commun de gestion des frontières et chaque État membre a la responsabilité de contrôler ses frontières extérieures.

S’agissant de la politique en matière d’immigration régulière, les compétences de l’Union sont restreintes, les États membres demeurant compétents pour fixer des quotas permettant l’accès au marché du travail des étrangers, qui constituent un élément clé à la fois en matière d’immigration régulière et dans le cadre de négociations avec les États d’origine et de transit, dans une logique d’incitation possible à un meilleur contrôle des mouvements irréguliers de populations. Par ailleurs, le traité exclut toute mesure d’harmonisation en matière d’intégration des ressortissants de pays tiers, permettant à l’Union d’encourager l’action des États membres pour favoriser leur intégration.

2. Le pacte européen pour l’immigration et l’asile et le programme de Stockholm

Le programme de La Haye, qui fixait les priorités stratégiques pour l’espace de liberté, de sécurité et de justice pour la période 2005-2009 visait à la définition d’une approche renouvelée et équilibrée en matière de politique migratoire.

La lutte contre l’immigration irrégulière figurait dans le pacte européen pour l’immigration et l’asile, adopté au cours de la présidence française de l’Union le 16 octobre 2008, construit autour de cinq axes dont l’un est intitulé « Lutter contre l’immigration irrégulière en assurant le retour dans leur pays d’origine ou vers un pays de transit des étrangers en situation irrégulière ».

Les principales mesures prévues étaient les suivantes :

- limiter les régularisations au cas par cas, dans le cadre des législations nationales, pour des motifs humanitaires ou économiques ;

- conclure des accords de réadmission à titre bilatéral ou au niveau européen afin que chaque État dispose des outils pour procéder à l’éloignement des étrangers en situation irrégulière ;

- veiller dans le cadre des politiques d’entrée et de séjour à prévenir les risques d’immigration irrégulière ;

- développer la coopération entre États membres ayant recours à des dispositifs communs pour assurer l’éloignement (vols conjoints notamment) ;

- renforcer la coopération avec les pays d’origine et de transit, dans le cadre de l’approche globale des migrations, notamment pour lutter contre les filières de trafic de migrants et de traite des êtres humains et mieux informer les populations des dangers des migrations irrégulières ;

- inviter les États membres à se doter d’outils pour le retour volontaire ;

- inviter les États à lutter avec fermeté contre les personnes qui exploitent les étrangers en situation irrégulière ;

- donner un effet utile aux dispositions communautaires selon lesquelles une décision d’éloignement prise par un État membre est applicable en tout lieu de l’espace Schengen.

Prenant la suite des programmes de Tampere et de La Haye, le programme de Stockholm a été adopté le 11 décembre  2009 par le Conseil européen et visait à définir les orientations stratégiques de la politique de l’Union pour l’espace de liberté, de sécurité et de justice pour les années 2010 à 2014. Il a repris les objectifs du pacte européen pour l’immigration et l’asile et, en son point 6.1.6. « Des politiques performantes pour lutter contre l'immigration clandestine », a souligné que la politique de retour et de réadmission devait être plus efficace, dans le plein respect des droits des migrants, le retour volontaire devant être privilégié. Afin d'élaborer une approche globale en matière de retour et de réadmission, il faut améliorer la coopération avec les pays d'origine et de transit dans le cadre de l'approche globale sur la question des migrations et conformément au pacte sur l'immigration et l'asile. Une assistance devrait être prêtée aux États connaissant des situations de pression particulière. La lutte contre les filières d’immigration clandestine devrait être plus efficace en collectant des informations sur les routes migratoires ainsi que des informations globalisées et complètes qui permettent de mieux comprendre les flux migratoires et de mieux y réagir. La coopération concrète entre les États membres devrait être renforcée.

3. L’approche globale de la question des migrations et de la mobilité

Les 15 et 16 décembre 2005, le Conseil européen a adopté l’approche globale de la question des migrations et de la mobilité (AGMM) (10) , qui couvrait alors les domaines suivants :

- « le renforcement de la coopération et de l'action entre États membres ;

- l’intensification du dialogue et de la coopération avec les États africains ;

- l’intensification du dialogue et de la coopération avec les pays voisins de l'ensemble du bassin méditerranéen ;

- ainsi que les questions liées au financement et à la mise en œuvre. »

L’AGMM définit les modalités du dialogue avec les États tiers sur les politiques migratoires et de la coopération opérationnelle menée par l’Union dans le domaine des migrations et de la mobilité. Elle est davantage consolidée depuis 2012, avec l’introduction de la politique d’asile comme nouvelle priorité et la promotion d’une mobilité bien gérée. Suite à la communication de la Commission européenne intitulée « Approche globale de la question des migrations et de la mobilité », (COM(2011) 743 final), le Conseil de l’Union a, dans ses conclusions du 30 mars 2012, adopté une nouvelle approche globale. Le dialogue et la coopération entre l'Union et les pays tiers devraient viser à mettre en œuvre une série d'activités prioritaires au sein de chacun des quatre piliers :

- organisation et facilitation de l'immigration légale et de la mobilité ;

- prévention et réduction de l'immigration clandestine et de la traite des êtres humains ;

- promotion de la protection internationale et renforcement de la dimension extérieure de la politique d'asile ;

- maximisation de l'impact des migrations et de la mobilité sur le développement, la bonne gouvernance des migrations devant apporter de nombreux avantages en termes d’échanges et de développement.

La priorité devrait clairement être donnée aux dialogues avec les pays du voisinage Sud et Est de l’Union. En matière de dialogues régionaux, des priorités devraient être établies et les processus rationalisés, afin notamment d’éviter les doublons.

Dans son rapport bisannuel du 21 février 2014 (COM(2014) 96 final) sur la mise en œuvre de l’approche globale de la question des migrations et de la mobilité 2012-2013, la Commission européenne dresse un bilan en demie teinte des actions menées.

L’AGMM est mise en œuvre au moyen des :

- instruments politiques (dialogues sur les politiques et plans d'action régionaux et bilatéraux) ;

- instruments juridiques (accords de facilitation de la délivrance des visas et accords de réadmission) ;

- mécanismes de soutien opérationnel et de renforcement des capacités (notamment par le biais d’agences européennes et de mécanismes d’assistance technique) ;

- dispositifs de soutien aux programmes et aux projets mis à la disposition des administrations des pays tiers et d’autres parties prenantes (société civile, associations et organisations internationales). Durant la période 2012-2013, la Commission européenne a soutenu plus de 90 projets liés aux migrations dans toutes les régions du monde en développement, pour un montant de plus de 200 millions d’euros. Plusieurs États membres de l’Union ont eux aussi consacré un soutien financier accru à la mise en œuvre de l’AGMM.

Des partenariats pour la mobilité ont été conclus avec huit pays (Moldavie en 2008, Cap-Vert en 2008, Géorgie en 2009, Arménie en 2011, Maroc et Azerbaïdjan en 2013, Tunisie en mars 2014 et Jordanie en octobre 2014). Le dialogue s’articule souvent autour de la libéralisation des régimes de visas. La question des migrations s’inscrit également dans le cadre de la mise en œuvre des accords d’association, des accords de partenariat et de coopération ainsi que des accords-cadres conclus par l’Union. Le partenariat pour la mobilité signé en 2013 avec le Maroc devrait, selon la Commission européenne, poser un jalon pour les négociations avec les autres pays de la région. Il couvre quatre piliers : l’immigration régulière, l’immigration irrégulière, la protection internationale ainsi que les migrations et le développement. Le Maroc a notamment pris l’engagement de créer un régime d’asile national. Une collaboration en matière de lutte contre la traite des êtres humains est également prévue. Les négociations pour la conclusion d’accords de réadmission et de facilitation du régime de visas avec la Tunisie et le Maroc devraient débuter en 2015.

Un dialogue sur les migrations, la mobilité et la sécurité, préalable à un partenariat pour la mobilité, a été engagé avec le Liban à l’automne 2014.

Un projet d’agenda commun pour les migrations et la mobilité (ACMM), permettant d’adopter des recommandations, des objectifs et des engagements communs, a été proposé à l’Inde et au Nigéria en 2013. Le texte avec le Nigéria a fait l’objet d’un accord et pourrait être signé en 2015. La différence avec le partenariat pour la mobilité réside dans le fait que ce cadre n'implique pas nécessairement la négociation d'accords en matière d'assouplissement des formalités de visas et de réadmission. Il est davantage destiné aux pays plus éloignés et présentant des questions migratoires moins aiguës. Des projets sont en cours avec le Brésil et l’Éthiopie.

Aucune action n’est pour l’instant possible en Libye, la mission d’assistance EUBAM ayant notamment été suspendue. Toute coopération bilatérale a été suspendue avec la Syrie.

L’Algérie a indiqué son intérêt à s’engager dans un dialogue sur les migrations.

S’agissant des partenariats pour la mobilité, la Commission européenne souligne qu’ils ont largement contribué à rapprocher les pays partenaires de l’Union et à structurer le dialogue. « Des efforts doivent néanmoins être encore déployés pour garantir une mise en œuvre équilibrée des partenariats pour la mobilité, autrement dit davantage axée sur les quatre priorités thématiques de l’AGMM, avec plus de mesures en matière d’immigration légale, de défense des droits de l’homme et de protection des réfugiés. »

Les dialogues bilatéraux ont lieu avec des pays concernés par l’élargissement et des pays participant au partenariat oriental. Le suivi de la libéralisation du régime des visas permet de mesurer la durabilité et la profondeur des réformes menées en matière de justice et d’affaires intérieures (Balkans occidentaux). S’agissant de la Turquie, trois ans après la finalisation des négociations, l’accord de réadmission entre l’Union et la Turquie a été signé le 16 décembre 2013 et est entré en vigueur en octobre 2014. La Turquie a cependant souligné que la mise en œuvre de cet accord dépendait de la conclusion d’un accord de libéralisation du régime des visas dans un délai de trois ans. En parallèle de la signature de l’accord de réadmission, un dialogue sur la libéralisation du régime des visas et une feuille de route en vue d’un régime d’exemption de visa ont été présentés à la Turquie. Le plan d’action établi par l’Union et approuvé par le Conseil de l’Union le 30 novembre 2012 fait dépendre la libéralisation de la mise en œuvre de réformes en matière de sécurité des documents d’identité, de coopération avec les autorités de protection des frontières et de sauvegarde des droits fondamentaux.

Le dialogue sur l’exemption de visa est en cours avec l’Arménie depuis 2012. Les accords de réadmission et de facilitation de la délivrance des visas avec l’Arménie et l’Azerbaïdjan sont entrés en vigueur le 1er janvier 2014. S’agissant de la Géorgie, la Commission européenne a adopté le 29 octobre 2014 son deuxième rapport d'étape sur la mise en œuvre par la Géorgie du plan d’action concernant la libéralisation du régime des visas, selon lequel la Géorgie satisfait aux exigences de la première phase du dialogue. La seconde phase, au cours de laquelle la Commission européenne vérifiera la mise en œuvre de l'ensemble des critères de référence, a été lancée.

Un dialogue ad hoc est en cours avec la Chine depuis 2013.

Plusieurs dialogues régionaux sont en cours :

- le processus de Prague, qui est un cadre de dialogue et de coopération entre les États membres de l’Union, les États Schengen non-membres de l’Union et 19 pays partenaires à l’Est (Russie, pays du partenariat oriental, pays d’Asie centrale, pays des Balkans occidentaux et Turquie) ;

- le partenariat oriental et son groupe sur les migrations et l’asile. Le partenariat oriental est le cadre dans lequel s’inscrit la coopération entre l’Union et l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine ;

- le processus de Budapest, initié en 1991, qui regroupe plus d’une cinquantaine de gouvernements, dont ceux des pays des Balkans occidentaux, du partenariat oriental, d’Asie centrale, d’Afghanistan, d’Irak, de Russie, du Pakistan et de la Turquie, auxquels s’ajoutent une dizaine d’organisations internationales. Son objectif est de favoriser des migrations ordonnées. Un partenariat des routes de la soie sur les migrations a été créé dans le cadre du processus de Budapest en avril 2013 ;

- le partenariat Afrique-UE sur les migrations, la mobilité et l’emploi, lancé en 2007 à Lisbonne. Sa dimension continentale est à la fois un atout et un handicap, compte tenu de la diversité des situations migratoires sur le continent africain et à destination de l’Union ;

- le processus de Rabat, lancé en 2006, et visant à renforcer le dialogue et la coopération entre les pays d’origine, de transit et de destination le long de la route migratoire ouest-africaine. Le processus est jugé fructueux et a permis la mise en place de nombreuses initiatives bilatérales et multilatérales ;

- le dialogue sur les migrations avec les pays du groupe Afrique, Caraïbes, Pacifique, lancé en 2010 ;

- le processus de Khartoum, initié par l’Italie, avec les pays de la corne de l’Afrique a été lancé officiellement le 28 novembre 2014. Le dialogue sera, dans un premier temps, limité à la lutte contre la traite des êtres humains.

La Commission européenne estime que ces dialogues régionaux, qui ont tous permis d’améliorer les relations politiques, doivent néanmoins, pour être opérationnels, être pris en charge par un groupe d’États membres qui mènent les discussions. Or, plusieurs dialogues pâtissent du manque d’engagement des États membres.

La France est très impliquée dans le partenariat avec le Maroc et participe aux partenariats engagés avec les pays du partenariat oriental. Elle fait également partie des cinq pays membres du comité de pilotage du processus de Khartoum.

L’Union est pleinement partie prenante dans les processus internationaux (dialogue de haut niveau sur les migrations internationales et le développement, qui a eu lieu les 3 et 4 octobre 2013, à l’occasion de l’Assemblée générale des Nations unies à New York ; Forum mondial sur la migration et le développement). Grâce à l’AGMM, l’Union est, selon la Commission européenne, à même de s’exprimer d’une seule voix au sein des instances internationales et gagne en visibilité et efficacité.

La Commission européenne note dans son rapport que la politique en matière d’immigration régulière qui devrait permettre d’attirer les talents les plus qualifiés demeure sous-exploitée. L’immigration régulière a un rôle central à jouer pour combler la pénurie de main d’œuvre et de compétences dans l’Union.

Des efforts importants doivent encore être accomplis pour intégrer la protection internationale dans tous les dialogues noués ainsi que les actions de coopération menées, estime la Commission européenne. Le levier de la réinstallation devrait être développé et mieux utilisé (en 2012, seuls 4 930 réfugiés ayant obtenu le statut de réfugié dans un État tiers ont été réinstallés dans 12 États membres de l’Union : Allemagne, Danemark, Espagne, Finlande, France, Irlande, Lituanie, Pays-Bas, Portugal, République tchèque, Royaume-Uni, Suède). L’amélioration de la capacité de protection des pays partenaires devrait également être une priorité.

La protection des droits des migrants, notamment des femmes et des mineurs, devrait faire l’objet d’une attention renforcée et ne figure pas au cœur de l’ensemble des actions et politiques menées par l’Union.

La pénurie des moyens d’incitation à disposition de l’Union pour obtenir une meilleure coopération en matière de réadmission, de retour et de réintégration est un enjeu majeur de la politique de retour. Les questions de retour et de réadmission devraient toujours être inscrites dans une offre équilibrée et consolidée à un pays tiers et être mises en relation avec le renforcement de la mobilité mais pas uniquement. D’autres domaines politiques tels que le commerce, les entreprises et l’industrie devraient être utilisés.

Il ressort de ce rapport que les priorités apparaissent peu hiérarchisées et que l’impact concret des dialogues est difficile à mesurer. Ces négociations présentent nécessairement plus d’intérêt pour les pays du voisinage immédiat. Ainsi, les négociations portent peu leurs fruits avec les pays d’Afrique subsaharienne.

Il convient de noter que de tels processus peuvent contribuer à amorcer un dialogue (processus de Khartoum).

B. LES FONDS EUROPÉENS

Plusieurs fonds européens participent de la lutte contre l’immigration irrégulière.

1. La période 2007-2013

Pour la période pluriannuelle 2007-2013, les fonds « retour » (FR) et « frontières extérieures », créés dans le cadre du programme général Solidarité et gestion des flux migratoires (11), participaient pleinement à cette politique, le fonds frontières extérieures (FFE) ayant toutefois des objectifs plus larges.

Le fonds pour le retour a été créé par la décision no 575/2007/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 mai 2007 portant création du fonds européen pour le retour pour la période 2008-2013 dans le cadre du programme général « Solidarité et gestion des flux migratoires ». Il a pour objectif :

- l’instauration d'une gestion intégrée des retours par les États membres ainsi que l'amélioration de l'organisation et la mise en œuvre de cette gestion ;

- le renforcement de la coopération entre les États membres dans le cadre de la gestion intégrée des retours et de sa mise en œuvre ;

- l’encouragement à appliquer de manière efficace et uniforme des normes communes en matière de retour en fonction de l'évolution de la politique menée dans ce domaine.

Le fonds était doté pour la période 2007-2013 d’une enveloppe globale de 676 millions d’euros. Il visait à financer des actions d’envergure nationale (gestion partagée), transnationale ou européenne (gestion directe par la Commission européenne). Les projets étaient soutenus par le fonds à hauteur d’un maximum de 50 % du montant total d’une action d’envergure nationale. La contribution de l’Union était cependant relevée à 75 % maximum pour les pays relevant du fonds de cohésion ou lorsque le projet s’inscrivait dans les priorités spécifiques, dans le cadre des orientations stratégiques, définies par la Commission européenne.

Le montant, hors aides d’urgence, alloué à chaque État membre a été défini à partir de certaines données statistiques, telles que le nombre de ressortissants étrangers renvoyés hors des frontières, par exemple.

Le tableau suivant, transmis par la Commission européenne, présente les montants alloués aux États membres, y compris les aides d’urgence, au titre des fonds pour le retour et pour les frontières extérieures, de 2007 à 2013.

États

Fonds pour les frontières extérieures

Fonds pour le retour

Programmes nationaux

Aides d’urgence

TOTAL

Programmes nationaux

Aides d’urgence

TOTAL

Autriche

13,875,936 €

 

13,875,936 €

14,775,568 €

 

14,775,568 €

Belgique

19,944,180 €

 

19,944,180 €

26,119,297 €

 

26,119,297 €

Bulgarie

38,131,686 €

2,423,205 €

40,554,891 €

4,380,232 €

543,589 €

4,923,821 €

Croatie

     

1,804,941 €

 

1,804,941 €

Chypre

30,017,404 €

471,780 €

30,489,184 €

9,920,319 €

 

9,920,319 €

Rép. tchèque

15,853,542 €

732,696 €

16,586,238 €

6,619,915 €

 

6,619,915 €

Danemark

7,874,409 €

 

7,874,409 €

     

Estonie

27,129,191 €

116,762 €

27,245,953 €

3,239,550 €

 

3,239,550 €

Finlande

51,264,631 €

 

51,264,631 €

5,088,789 €

 

5,088,789 €

France

116,220,276 €

 

116,220,276 €

68,881,098 €

 

68,881,098 €

Allemagne

76,099,991 €

 

76,099,991 €

28,309,297 €

 

28,309,297 €

Grèce**

207,816,755 €

4,707,319 €

212,524,074 €

125,143,967 €

4,769,113 €

129,913,080 €

Hongrie

59,295,401 €

 

59,295,401 €

7,094,114 €

 

7,094,114 €

Islande

444,240 €

 

444,240 €

     

Irlande

     

4,173,373 €

 

4,173,373 €

Italie

250,178,433 €

20,563,918 €

270,742,351 €

43,809,715 €

2,523,365 €

46,333,080 €

Lettonie

16,830,844 €

 

16,830,844 €

3,540,665 €

 

3,540,665 €

Lituanie

31,674,480 €

 

31,674,480 €

4,491,785 €

 

4,491,785 €

Luxembourg

598,220 €

600,000 €

1,198,220 €

2,092,985 €

 

2,092,985 €

Malte

70,441,716 €

520,710 €

70,962,426 €

4,492,908 €

 

4,492,908 €

Pays-Bas

38,035,209 €

2,250,000 €

40,285,209 €

30,834,360 €

 

30,834,360 €

Norvège

11,479,299 €

 

11,479,299 €

     

Pologne

71,787,665 €

 

71,787,665 €

18,100,640 €

 

18,100,640 €

Portugal

23,948,902 €

788,400 €

24,737,302 €

7,905,551 €

 

7,905,551 €

Roumanie

59,467,068 €

 

59,467,068 €

9,041,505 €

 

9,041,505 €

Slovaquie

8,675,910 €

2,056,880 €

10,732,790 €

5,595,305 €

 

5,595,305 €

Slovénie

49,532,286 €

 

49,532,286 €

6,697,227 €

 

6,697,227 €

Espagne

289,394,768 €

4,400,000 €

293,794,768 €

73,748,259 €

5,600,000 €

79,348,259 €

Suède

10,887,663 €

 

10,887,663 €

19,722,185 €

 

19,722,185 €

Suisse

17,677,832 €

 

17,677,832 €

     

Royaume-Uni

     

98,912,690 €

 

98,912,690 €

TOTAL

1,614,577,936 €

39,631,671 €

1,654,209,607 €

634,536,241 €

13,436,067 €

647,972,309 €

** y compris les fonds à des organisations internationales (OIM, UNHCR)

Source : Commission européenne.

Le fonds pour les frontières extérieures a été créé par la décision no 574/2007/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 mai 2007 portant création du fonds pour les frontières extérieures pour la période 2007-2013 dans le cadre du programme général « Solidarité et gestion des flux migratoires ». La dotation du fonds pour la période atteignait 1,861 milliard d’euros.

Les objectifs généraux du fonds étaient les suivants :

- mettre en place une organisation efficace, couvrant à la fois des tâches de contrôle et de surveillance des frontières extérieures ;

- assurer une gestion efficace, par les États membres, des flux de personnes aux frontières extérieures, de manière à garantir, d'une part, un niveau élevé de protection à ces frontières, et, d'autre part, le franchissement aisé des frontières extérieures conformément à l'acquis de Schengen, y compris les principes de traitement respectueux et de dignité ;

- assurer l'application uniforme par les gardes-frontières des dispositions du droit communautaire relatives au franchissement des frontières extérieures, en particulier du règlement (CE) no 562/2006 ;

- améliorer la gestion des activités organisées par les services consulaires des États membres dans les pays tiers à l'égard des flux des ressortissants de pays tiers sur le territoire des États membres et la coopération entre États membres dans ce domaine.

Il convient de souligner que les objectifs du fonds dépassent la lutte contre l’immigration irrégulière, comprenant notamment la gestion de la politique commune des visas et la gestion des flux migratoires réguliers aux frontières.

Le fonds permettait de subventionner des projets nationaux (dans le cadre d’une programmation pluriannuelle conformément aux orientations stratégiques et en gestion partagée), transnationaux ou à l’échelle de l’Union (gestion directe par la Commission européenne).

La participation du fonds a atteint, au maximum, la moitié du montant total d’une action d’envergure nationale. Cependant, si ce projet s’inscrivait dans le cadre des priorités spécifiques dans les orientations stratégiques, le plafond était de 75 %. La Commission européenne a adopté les orientations stratégiques définissant les priorités communautaires par objectif du fonds. La contribution communautaire était portée à 75 % pour les États membres relevant du fonds de cohésion.

Les ressources annuelles du fonds ont été réparties entre les États membres selon les types de frontières (30 % du fonds sont affectés aux frontières terrestres extérieures, 35 % aux frontières maritimes extérieures, 20 % aux aéroports, 15 % aux bureaux consulaires) et selon des règles de pondération définies par Frontex, qui a fourni chaque année un rapport d’analyse de risque établissant les difficultés auxquelles sont confrontés les États membres.

Le tableau suivant présente les montants alloués au titre du FFE pour la période 2007-2013 aux différents États membres et aux actions communautaires, sur le total de 1,861 milliard d’euros de dotation du fonds.

MONTANTS ALLOUES AU TITRE DU FFE POUR LA PERIODE 2007-2013

 

Montants alloués pour la période 2007-2013,

en euros

% du total

Espagne

289 394 768

17,92 %

Italie

250 178 433

15,49 %

Grèce

207 816 755

12,87 %

France

116 220 276

7,20 %

Allemagne

76 099 991

4,71 %

Pologne

71 787 665

4,45 %

Malte

70 441 716

4,36 %

Roumanie (1)

59 467 068

3,68 %

Hongrie

59 295 401

3,67 %

Finlande

51 264 631

3,18 %

Slovénie

49 532 286

3,07 %

Bulgarie (1)

38 131 686

2,36 %

Pays-Bas

38 035 209

2,36 %

Lituanie (2)

31 674 480

1,96 %

Chypre

30 017 404

1,86 %

Estonie

27 129 191

1,68 %

Portugal

23 948 902

1,48 %

Belgique

19 944 180

1,24 %

Suisse (1)

17 677 832

1,09 %

Lettonie

16 830 844

1,04 %

République tchèque

15 853 542

0,98 %

Autriche

13 875 936

0,86 %

Norvège (1)

11 479 299

0,71 %

Suède

10 887 663

0,67 %

Slovaquie

8 675 910

0,54 %

Danemark

7 874 409

0,49 %

Luxembourg

598 220

0,04 %

Islande (1)

444 240

0,03 %

Total

1 614 577 936

100,00 %

Actions communautaires/d’urgence

91 214 322

 

Actions spécifiques

45 000 000

 

Régime de transit spécial — Lituanie (2 )

108 000 000

 

Assistance technique de la Commission

2 794 774

 

Total du FFE

1 861 587 032

 

1 La Bulgarie, la Roumanie, la Norvège, l’Islande et la Suisse participent au FFE depuis 2010.

2 Le montant mentionné pour la Lituanie n’inclut pas le régime de transit spécial (RTS). Le RTS concerne ·les droits non perçus et les surcoûts encourus en raison des transits de ressortissants de la Fédération de Russie de et vers la région de Kaliningrad. Il s’élevait à 15 millions d’euros par an pour la période 2007-2010 et à 16 millions d’euros pour la période 2011-2013.

Source : Commission européenne.

Dans son rapport spécial no 15 sur le FFE du 8 octobre 2014 intitulé « Le Fonds pour les frontières extérieures a encouragé la solidarité financière, mais il doit apporter davantage de valeur ajoutée européenne et ses résultats doivent être mieux mesurés », la Cour des comptes européenne estime que le fonds a bien contribué à la gestion des frontières extérieures et qu’il a encouragé la solidarité financière à destination des États membres soumis aux plus fortes pressions. Cependant, elle juge que la valeur ajoutée européenne a été limitée et que le résultat global n’a pas pu être mesuré, faute d’indicateurs et d’objectifs clairement définis et mesurables, en raison de faiblesses importantes affectant le suivi par les autorités responsables et des lacunes dans les évaluations ex-post de la Commission européenne (la Cour a sélectionné cinq États membres pour ses audits : l’Espagne, la Grèce, l’Italie, Malte et la Pologne). Un faible taux d’exécution a également limité l’efficacité du fonds.

2. Pour la période pluriannuelle en cours - 2014-2020 - les fonds européens ont été restructurés

Pour la période 2014-2020, le Fonds Asile Migration et Intégration (FAMI) et le Fonds Sécurité Intérieure (FSI) ont succédé aux fonds du programme « Solidarité et gestion des flux migratoires » et à ceux des instruments ISEC (« Prévenir et combattre la criminalité ») et CIPS (« Prévention, préparation et gestion des conséquences en matière de terrorisme et autres risques liés à la sécurité »), relatifs aux questions de sécurité.

La nouvelle structure en deux piliers du financement dans le domaine des affaires intérieures devra contribuer à la simplification, à la rationalisation, à la consolidation et à la transparence du financement dans ce domaine (considérant 5 du règlement instituant le FAMI).

Il est prévu que l’Union se dote d’une approche plus cohérente à l’égard des aspects intérieurs et extérieurs de la gestion de l’immigration et de la sécurité intérieure et qu’elle établisse une corrélation entre la lutte contre l’immigration clandestine et le renforcement de la sécurité aux frontières extérieures de l’Union, d’une part, et l’amélioration de la coopération et du dialogue avec les pays tiers, d’autre part, aux fins de lutter contre l’immigration clandestine et de promouvoir l’immigration légale (considérant 2 du règlement instituant le FSI).

Le FAMI a été créé par le règlement (UE) no 516/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 portant création du Fonds « Asile, migration et intégration », modifiant la décision 2008/381/CE du Conseil et abrogeant les décisions no 573/2007/CE et n°575/2007/CE du Parlement européen et du Conseil et la décision 2007/435/CE du Conseil.

Le FAMI contribue à la réalisation des objectifs spécifiques communs suivants :

- renforcer et développer tous les aspects du régime d’asile européen commun, y compris sa dimension extérieure ;

- soutenir la migration légale vers les États membres en fonction de leurs besoins économiques et sociaux, comme les besoins du marché du travail, tout en préservant l’intégrité des régimes d’immigration des États membres, et promouvoir l’intégration effective des ressortissants de pays tiers ;

- promouvoir dans les États membres des stratégies de retour équitables et efficaces, qui contribuent à lutter contre l’immigration clandestine, en accordant une attention particulière à la pérennité du retour et à la réadmission effective dans les pays d’origine et de transit ;

- accroître la solidarité et le partage des responsabilités entre les États membres, en particulier à l’égard des États les plus touchés par les flux de migrants et de demandeurs d’asile, y compris par une coopération pratique.

Le financement devrait être davantage axé sur les résultats, par le renforcement de la programmation stratégique. Les mécanismes d’octroi seraient simplifiés. Une plus grande souplesse dans la gestion financière et la mise en œuvre serait possible. Une dimension extérieure serait donnée aux actions financées afin d’accroître l’influence de l’Union en matière d’affaires intérieures.

En matière de gestion partagée, un dialogue sur les politiques sera engagé avec chaque État membre sur son utilisation des fonds. Des objectifs seront fixés. Les programmes nationaux définiront les objectifs à atteindre. Un plan financier septennal sera établi. Un examen à mi-parcours en 2017 est prévu. En matière de gestion directe et indirecte, des actions de l’Union et un mécanisme de réaction rapide pour les situations d’urgence participeront à la réalisation des objectifs des programmes nationaux. Ce mécanisme pourra être déclenché par la Commission européenne, mais également à l’initiative des États membres, du comité de l’article 71 (COSI), ou d’autres acteurs concernés tels que les organisations internationales (Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, Organisation internationale pour les migrations, etc.) et les agences de l’Union concernées par le domaine des affaires intérieures. L’aide d’urgence pourra s’élever à 100 % des dépenses éligibles.

La contribution du budget de l’Union ne peut excéder 75 % des dépenses éligibles totales d’un projet mais la contribution du budget de l’Union peut être portée à 90 % dans le cadre d’actions spécifiques ou de priorités stratégiques.

Le FAMI est doté de 3,14 milliards d’euros, dont 2,75 milliards pour les programmes nationaux des États membres et 385 millions d’euros pour les actions de l’Union, l’aide d’urgence, le réseau européen des migrations et l’assistance technique de la Commission, dont au moins 30 % sont utilisés pour les actions de l’Union et le réseau européen des migrations.

Chaque État membre disposera d’un programme national unique par fonds pour la période (à la différence des fonds précédents qui fonctionnaient sur la base d’une stratégie pluriannuelle et de programmes annuels).

Un montant de 2,752 milliards d’euros est prévu pour les États membres, répartis de la manière suivante :

- 2, 39 milliards d’euros sont alloués aux États membres, comme indiqué sur le tableau suivant ;

- 360 millions d’euros sont alloués pour les actions spécifiques, pour le programme de réinstallation de l’Union et pour le transfert d’un État membre à un autre de bénéficiaires d’une protection internationale.

FAMI - VENTILATION PLURIANNUELLE PAR ÉTAT MEMBRE
POUR LA PÉRIODE 2014-2020
(en euros)

État membre

Montant minimum

moyenne des affectations 2011-2013 (en %) FER + fonds intégration + fonds retour

Montant moyen 2011-2013

TOTAL

AT

5 000 000

2,65 %

59 533 977

64 533 977

BE

5 000 000

3,75 %

84 250 977

89 250 977

BG

5 000 000

0,22 %

5 006 777

10 006 777

CY

10 000 000

0,99 %

22 308 677

32 308 677

CZ

5 000 000

0,94 %

21 185 177

26 185 177

DE

5 000 000

9,05 %

203 416 877

208 416 877

EE

5 000 000

0,23 %

5 156 577

10 156 577

ES

5 000 000

11,22 %

252 101 877

257 101 877

FI

5 000 000

0,82 %

18 488 777

23 488 777

FR

5 000 000

11,60 %

260 565 577

265 565 577

GR

5 000 000

11,32 %

254 348 877

259 348 877

HR

5 000 000

0,54 %

12 133 800

17 133 800

HU

5 000 000

0,83 %

18 713 477

23 713 477

IE

5 000 000

0,65 %

14 519 077

19 519 077

IT

5 000 000

13,59 %

305 355 777

310 355 777

LT

5 000 000

0,21 %

4 632 277

9 632 277

LU

5 000 000

0,10 %

2 160 577

7 160 577

LV

5 000 000

0,39 %

8 751 777

13 751 777

MT

10 000 000

0,32 %

7 178 877

17 178 877

NL

5 000 000

3,98 %

89 419 077

94 419 077

PL

5 000 000

2,60 %

58 410 477

63 410 477

PT

5 000 000

1,24 %

27 776 377

32 776 377

RO

5 000 000

0,75 %

16 915 877

21 915 877

SE

5 000 000

5,05 %

113 536 877

118 536 877

SI

5 000 000

0,43 %

9 725 477

14 725 477

SK

5 000 000

0,27 %

5 980 477

10 980 477

UK

5 000 000

16,26 %

365 425 577

370 425 577

Totaux ÉM

145 000 000

100,00 %

2 247 000 000

2 392 000 000

Source : Règlement no 516/2014, Journal officiel de l’Union européenne – 20 mai 2014.

Sur ces 2,39 milliards d’euros attribués aux États membres pour financer leur programme national, au moins 20 % devront être alloués pour favoriser la migration légale et promouvoir l’intégration effective des migrants et au moins 20 % supplémentaires devront financer les mesures liées à l’asile.

L’instrument pour le soutien financier dans le domaine des frontières extérieures et des visas a été créé par le règlement (UE) no 515/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 portant création, dans le cadre du fonds pour la sécurité intérieure, de l’instrument de soutien financier dans le domaine des frontières extérieures et des visas et abrogeant la décision no 574/2007/CE.

Le FSI, volet frontières extérieures et visas, doit contribuer, conformément aux priorités définies dans les stratégies, les programmes, les évaluations des menaces et les évaluations des risques établis par l’Union dans ce domaine, à la réalisation des objectifs spécifiques suivants :

« - soutenir une politique commune des visas pour faciliter les voyages effectués de façon légitime, fournir des services de grande qualité aux demandeurs, assurer une égalité de traitement aux ressortissants de pays tiers et lutter contre l’immigration clandestine ;

- soutenir la gestion intégrée des frontières, et notamment promouvoir une harmonisation accrue des mesures liées à la gestion des frontières conformément aux normes communes de l’Union et via le partage d’informations entre États membres et entre les États membres et Frontex, de manière à assurer, d’une part, un niveau uniforme et élevé de contrôle et de protection aux frontières extérieures, y compris en luttant contre l’immigration clandestine, et, d’autre part, le franchissement aisé des frontières extérieures en conformité avec l’acquis de Schengen, tout en garantissant aux personnes ayant besoin d’une protection internationale un accès à celle-ci, conformément aux obligations contractées par les États membres dans le domaine des droits de l’homme, y compris le principe de non-refoulement ».

Le fonds est doté pour 2014-2020 de 2, 76 milliards d’euros, répartis de la manière suivante :

- 1 551 millions d’euros pour les programmes nationaux des États membres ;

- 791 millions d’euros pour le développement de nouveaux systèmes informatiques, sur la base des systèmes informatiques actuels et/ou de nouveaux systèmes, permettant la gestion des flux migratoires aux frontières extérieures de l’Union, sous réserve de l’adoption des actes législatifs pertinents de l’Union ;

- 154 millions d’euros pour le régime de transit spécial appliqué par la Lituanie ;

- 264 millions d’euros pour les actions de l’Union, l’aide d’urgence et l’assistance technique sur l’initiative de la Commission, dont au moins 30  % sont utilisés pour des actions de l’Union.

Chaque État membre doit allouer les fonds dans le respect des pourcentages suivants :

- au moins 10  % pour des actions relatives la mise au point d’Eurosur ;

- au moins 25 % pour soutenir et étendre, au niveau national, les capacités existantes concernant la politique des visas, la gestion des frontières extérieures et les mesures dans le domaine de la libre circulation relatives à la gestion des frontières extérieures ;

- au moins 5 % pour la gestion des flux migratoires par les services consulaires ; la gestion intégrée des frontières en essayant et en mettant en place de nouveaux outils et systèmes interopérables ; assurer un niveau uniforme et élevé de contrôle aux frontières extérieures ; promouvoir la poursuite de l’harmonisation de la gestion des frontières.

Les montants de base pour les programmes nationaux des États membres sont fixés de la manière suivante par le règlement :

FSI VOLET FRONTIERES ET VISAS - MONTANTS CONSTITUANT LA BASE POUR LES PROGRAMMES NATIONAUX DES ÉTATS MEMBRES (en euros)

État membre/État associé

Montant minimal

Part fixe répartie sur la base de la moyenne 2010-2012

% 2010-2012 avec la Croatie

TOTAL

AT

5 000 000

9 162 727

0,828 %

14 162 727

BE

5 000 000

12 519 321

1,131 %

17 519 321

BG

5 000 000

35 366 130

3,196 %

40 366 130

CH

5 000 000

13 920 284

1,258 %

18 920 284

CY

15 000 000

19 507 030

1,763 %

34 507 030

CZ

5 000 000

9 381 484

0,848 %

14 381 484

DE

5 000 000

46 753 437

4,225 %

51 753 437

DK

5 000 000

5 322 133

0,481 %

10 322 133

EE

5 000 000

16 781 752

1,516 %

21 781 752

ES

5 000 000

190 366 875

17,201 %

195 366 875

FI

5 000 000

31 934 528

2,886 %

36 934 528

FR

5 000 000

79 999 342

7,229 %

84 999 342

GR

5 000 000

161 814 388

14,621 %

166 814 388

HR

4 285 714

31 324 057

2,830 %

35 609 771

HU

5 000 000

35 829 197

3,237 %

40 829 197

IE

 

 

 

 

IS

5 000 000

326 980

0,030 %

5 326 980

IT

5 000 000

151 306 897

13,672 %

156 306 897

LI

5 000 000

0

0,000 %

5 000 000

LT

5 000 000

19 704 873

1,780 %

24 704 873

LU

5 000 000

400 129

0,036 %

5 400 129

LV

5 000 000

10 521 704

0,951 %

15 521 704

MT

15 000 000

38 098 597

3,442 %

53 098 597

NL

5 000 000

25 609 543

2,314 %

30 609 543

NO

5 000 000

9 317 819

0,842 %

14 317 819

PL

5 000 000

44 113 133

3,986 %

49 113 133

PT

5 000 000

13 900 023

1,256 %

18 900 023

RO

5 000 000

56 151 568

5,074 %

61 151 568

SE

5 000 000

6 518 706

0,589 %

11 518 706

SI

5 000 000

25 669 103

2,319 %

30 669 103

SK

5 000 000

5 092 525

0,460 %

10 092 525

UK

 

 

 

 

TOTAL

169 285 714

1 106 714 286

100,00 %

1 276 000 000

Source : Règlement no 515/2014, Journal de l’Union européenne – 20 mai 2014.

Les enveloppes financières affectées à la France au titre du FAMI et du FSI, volet frontières extérieures et visas, s’élèvent respectivement à 265,6 millions d’euros et 85 millions d’euros.

C. LES PRINCIPALES MESURES LÉGISLATIVES EXISTANTES EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE ET DE LUTTE CONTRE LA TRAITE DES ÊTRES HUMAINS

Plusieurs instruments sectoriels ont été adoptés afin de lutter contre l’immigration irrégulière et la traite des êtres humains.

1. Les sanctions contre les employeurs de personnes en situation irrégulière

La directive 2009/52/CE du 18 juin 2009 prévoit des normes minimales sur les sanctions et mesures à l’encontre des employeurs d’étrangers en situation irrégulière, qui tirent profit de travailleurs prêts à exercer des emplois peu qualifiés et mal rémunérés du fait de leur situation irrégulière.

Dans sa communication du 22 mai 2014 sur l’application de la directive sanctions (COM(2014)286 final), la Commission européenne rappelle que l’emploi illégal est préjudiciable à de nombreux égards et que la directive fait partie des mesures visant à lutter contre l’immigration irrégulière en tarissant l’offre d’emplois. En 2013, 386 230 personnes en situation irrégulière ont été recensées (Eurostat), contre 608 870 en 2008, cette baisse pouvant peut-être être attribuée à la crise économique mais le maintien irrégulier sur le territoire est par nature difficilement mesurable. La Commission européenne souligne que le montant des amendes encourues varie fortement d’un État à l’autre et n’est pas toujours de nature à excéder le « bénéfice » lié au fait d’employer une personne en situation irrégulière (les amendes varient de quelques centaines d’euros à plusieurs milliers d’euros). Les sanctions pénales sont également très variables d’un État à l’autre pour les cas particulièrement graves d’emploi illégal (article 9 de la directive). Il convient en conséquence de souligner la nécessité d’une meilleure application des sanctions, compte tenu des enjeux, tant au niveau humain qu’au niveau économique, liés à l’emploi des personnes en situation irrégulière.

Les dispositions de la directive relatives à l’accès à la justice et au recouvrement des salaires impayés n’ont pas été uniformément transposées et l’absence de dispositifs spécifiquement adaptés à la situation des étrangers en situation irrégulière est un frein à l’accès à la justice (en France, l’Office français de l’immigration et de l’intégration peut délivrer des ordonnances d’exécution pour récupérer les sommes dues au nom de migrants employés illégalement et les leur reverser ensuite). Les efforts déployés en matière d’inspection sont encore très différents selon les États membres et leur efficacité est remise en doute par la Commission européenne s’agissant des États membres effectuant très peu d’inspections. Aucune modification de la directive n’est proposée à ce stade.

2. La directive retour

La politique de l’Union en matière de retour des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière est un élément central de la lutte contre l’immigration irrégulière. Le retour effectif des personnes n’ayant pas de titre de séjour légal et n’ayant pas besoin d’une protection internationale permet notamment d’assurer la crédibilité et la stabilité de la politique commune en matière d’asile et d’immigration régulière.

L’article 15 de la directive retour dispose que les ressortissants de pays tiers faisant l’objet de procédures de retour ne peuvent être placés en rétention que — pour une période « aussi brève que possible » et « aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours » — s’il existe un risque de fuite ou si le ressortissant concerné évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement (12). La rétention, qui est ordonnée par une décision des autorités administratives ou judiciaires, doit faire l’objet d’un réexamen « à intervalles raisonnables » et doit cesser « lorsqu’il apparaît qu’il n’existe plus de perspective raisonnable d’éloignement pour des considérations d’ordre juridique ou autres ». Les États membres doivent fixer une durée maximale de rétention, qui ne peut pas dépasser six mois en règle générale et, dans des cas exceptionnels, 18 mois au total.

En France, la rétention est décidée par le préfet, puis éventuellement prolongée par le juge, lorsque le départ immédiat de l'étranger de France est impossible. Elle est limitée au temps strictement nécessaire à son renvoi et ne peut pas dépasser 45 jours, sauf exceptions très limitées (terrorisme). La décision initiale de placement en rétention est prise par le préfet pour une durée de cinq jours, qui peut être prolongée une fois de vingt jours par le juge des libertés et de la détention. Une seconde prolongation de vingt jours en cas d'urgence absolue, de menace particulièrement grave pour l'ordre public, ou si l'étranger n'a pas pu être renvoyé (13), peut être demandée au juge des libertés.

En moyenne, la durée de rétention en France est de 13 jours. Au sein des États membres, les durées de rétention moyennes varient fortement, allant de 1 jour en Islande (État associé) à 6 mois en Grèce, selon la communication de la Commission européenne sur la politique de l’Union en matière de retour (COM(2014) 199 final).

Dans cette communication, la Commission européenne analyse la mise en œuvre de la directive retour ainsi que les opérations de retour conjointes coordonnées par Frontex.

Entre 2008 et 2012, le nombre d’arrestations de migrants en situation irrégulière a diminué de 610 000 à 440 000.

Il existe un écart considérable entre le nombre de personnes qui se voient notifier une décision de retour (environ 484 000 en 2012, 491 000 en 2011 et 540 000 en 2010) et le nombre de retours effectifs (environ 178 000 en 2012, 167 000 en 2011 et 199 000 en 2010).

La politique de retour comprend un élément extérieur qui est fondamental avec les accords de réadmission. S’agissant de la coopération extérieure, la Commission européenne indique que, depuis 2005, la Commission a financé plus de 40 projets dans le cadre des instruments de coopération au développement qui ont notamment mis l’accent sur le renforcement des capacités en matière de retour et de réintégration des personnes, pour un montant de plus de 70 millions d’euros.

L’organisation internationale pour les migrations (OIM) joue un rôle important pour faciliter le départ volontaire par la mise en œuvre de programmes de retour volontaire assisté avec une assistance complète, permettant de garantir une réintégration durable dans le pays d’origine. L’OIM gère 70 projets de ce type dans 26 États membres. Sur les six dernières années, 148 .000 migrants ont bénéficié d’une assistance dans le cadre d’un retour volontaire.

Dans le dernier rapport annuel sur l’analyse de risque de Frontex publié en 2014, l’agence rappelle que, en 2013, 224 305 décisions d’éloignement ont été prises à l’encontre de ressortissants de pays tiers (baisse de 17 % par rapport à 2012 mais les chiffres n’étaient pas encore connus pour la France et les Pays-Bas, la Suède n’ayant par ailleurs cité que les retours effectifs). En 2013, 160 699 ressortissants d’États tiers ont été effectivement renvoyés dans leur pays d’origine ou de transit, la Grèce et le Royaume-Uni étant les deux États membres ayant effectué le plus grand nombre de retours. 54 % des retours effectués étaient des retours forcés.

Les États membres ont de plus en plus recours aux opérations de retour conjointes coordonnées par Frontex.

De 2006 à 2013, l’agence a coordonné 209 opérations, au cours desquelles 10 855 personnes ont été renvoyées. Les dispositions de l’article 8.6 de la directive retour sont devenues obligatoires en 2010 (14). La Commission européenne souligne que ces opérations n’ont pas fait l’objet de signalement de violation des droits fondamentaux par les observateurs indépendants (cf infra). Elle estime que la présence d’un observateur devrait être systématique et souhaite une révision du code de conduite sur les retours conjoints (cf infra(15).

Afin de renforcer le dialogue et la coopération avec les pays tiers, la Commission européenne indique que tout sera mis en œuvre pour développer la coopération sur le retour, la réadmission et la réintégration dans une politique équilibrée concernant des intérêts communs et liés à d’autres domaines stratégiques en termes de mobilité (commerce, entreprises, industrie).

Le fonds asile et migration se concentrera sur le retour volontaire, en veillant à ne pas créer d’effet d’attraction. La coopération opérationnelle entre les États membres et avec les États tiers doit être améliorée s’agissant des mineurs non accompagnés.

S’agissant de la transposition de la directive retour (délai fixé au 24 décembre 2010), la Commission européenne souligne qu’elle a lancé, afin de réagir aux conditions de rétention les plus inhumaines, des procédures « EU Pilot » à l’encontre de plusieurs États membres. Par ailleurs, neuf États membres ont une législation non totalement conforme à l'article 16 qui impose de séparer strictement les personnes en rétention des prisonniers de droit commun. Seuls la moitié des États membres recourent systématiquement à des centres de rétention séparés.

L’accès aux représentants légaux, aux membres de la famille et aux autorités consulaires, bien que formellement transposé, n’est pas toujours conforme dans la pratique (deux États). Pour six États membres, l’accès aux soins en cas d’urgence serait limité dans la pratique. L’accès des ONG aux centres de rétention demeure problématique dans sept États membres. La Commission européenne souligne que « dix-sept États membres placent en rétention — du moins parfois — des mineurs non accompagnés et que dix-neuf États membres placent en rétention — du moins parfois — des familles avec mineurs » (16).

S’agissant de l’obligation d’assurer une voie de recours juridictionnel effective, les ressortissants de pays tiers ne sont pas toujours informés dans une langue qu’ils comprennent et l’inefficacité de l’assistance juridique peut nuire à l’effectivité du recours. En France, le recours a un effet suspensif.

Les décisions d’interdiction d’entrée qui assortissent les décisions de retour si aucun délai n’a été fixé pour le départ volontaire ou si l’obligation de retour n’a pas été respectée dans l’espace Schengen sont introduites dans le SIS. La durée maximale de l’interdiction est fixée à cinq ans sauf si la personne constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale.

En France, le taux d’exécution des mesures d’éloignement prononcées (17), est passé de 18,9 % en 2011 à 23,3 % en 2012. Le nombre d’éloignements effectifs d’étrangers depuis la métropole a atteint, en 2012, 36 822 (21 841 si l’on exclut les départs aidés). Il convient de souligner que 11 000 personnes ont fait l’objet de renvoi ou de réadmission vers un État membre de l’Union européenne.

D’après les données de l’étude d’impact du projet de loi relatif au droit des étrangers no 2183 déposé le 23 juillet 2014, le nombre d’obligations de quitter le territoire français (OQTF) prononcées en 2013 (88 940) demeure très éloigné du nombre des OQTF exécutées (15 213), soit un taux d’exécution de 17,1 %. S’agissant des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière (APRF), sur 653 prononcés en 2013, 471 ont été exécutés.

Le nombre d’éloignements contraints réalisés depuis la métropole a atteint 20 853 en 2013.

Suite aux jurisprudences de la CJUE et de la Cour de cassation précitées, l’année 2012 a fait apparaitre une augmentation sensible du taux d’échec à l’éloignement fondé sur l’irrégularité des procédures d’interpellation et de contrôle antérieures.

Selon les informations fournies aux rapporteurs, les chiffres attestent de l’impact de la procédure de retenue pour vérification du droit au séjour (18). En 2012, 1 398 procédures d’éloignement ont échoué du fait de l’irrégularité d’une garde à vue (7,52 % des causes d’échec à l’éloignement identifiées par les services du ministère de l’intérieur). En 2013, ce chiffre a diminué à 533, soit 3,61 % des causes d’échec à l’éloignement. Il convient par ailleurs de noter que la réforme est intervenue en cours d’année 2013.

Selon les informations transmises aux rapporteurs, au cours de l’année 2013, 15 218 causes d’échec à l’éloignement ont été recensées, contre 18 589 en 2012 et 27 218 en 2011. La principale cause est l’absence de mise à exécution des mesures de reconduite prononcées (indisponibilité avérée dans les centres de rétention administrative, nationalité incertaine ou difficile à éloigner : 5 327 cas), se traduisant par le non placement en centre de rétention administrative. Les autres causes principales sont la non prolongation de la rétention administrative par les autorités judiciaires (3 802 cas) et le défaut de délivrance des laissez-passer consulaires par les autorités des États tiers (2 999 cas, soit 19,7 % des causes de non éloignement).

La question des accords de réadmission est au cœur de la politique de retour. La France est signataire de 43 accords bilatéraux de réadmission. Le plus récent a été conclu et signé avec le Kosovo le 2 décembre 2009. Les accords de réadmission comprennent traditionnellement trois volets :

- la reprise des nationaux en situation irrégulière sur le territoire de l’autre partie ;

- la réadmission des ressortissants d’États tiers ayant séjourné ou transité sur le territoire de la partie requise avant de venir en situation irrégulière sur le territoire de la partie requérante ;

- le transit par les États contractants pour l’éloignement vers des États tiers.

La France a également conclu des procès-verbaux, non contraignants juridiquement mais ayant pour but la mise en place d’une coopération en matière de délivrance des laissez-passer consulaires entre les consulats des pays concernés et les services français.

Des dispositions spécifiques à la réadmission se trouvent également dans les accords relatifs à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire (signés avec le Sénégal en 2006, le Gabon, le Congo-Brazzaville et le Bénin en 2007, la Tunisie et le Cap-Vert en 2008, le Cameroun et le Burkina-Faso en 2009). Les négociations sont bloquées avec le Mali et l’Égypte et celles avec l’Inde sont en voie de finalisation. Ces accords comportent des clauses sur la réadmission, la circulation des personnes, la participation des migrants au développement de leur pays d’origine et le développement solidaire.

L’Union a, quant à elle, comme cela a été détaillé plus haut, signé, sur la base de l’article 79,2,c du traité sur le fonctionnement de l’Union, 13 accords de réadmission avec les États suivants : Hong-Kong, Macao, Sri-Lanka, Albanie, Russie, ARYM, Bosnie-Herzégovine, Moldavie, Monténégro, Pakistan, Serbie, Géorgie et Ukraine. Quatre accords ont été signés en 2013 avec le Cap-Vert, l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Turquie.

Les accords de réadmission sont sans conteste utiles et constituent le cadre de référence pour la pérennisation des pratiques positives observées. S’ils sont nécessaires, ils ne sont cependant pas toujours suffisants. En outre, si la réadmission des nationaux est un principe du droit international, tel n’est pas le cas de la réadmission des ressortissants de pays tiers ayant séjourné sur le territoire de la partie requise, qui doit toujours être négociée. La délivrance des laissez-passer consulaires n’est toutefois malheureusement pas toujours directement corrélée à l’existence d’un accord de réadmission.

Ils permettent néanmoins dans la grande majorité des cas d’accélérer la délivrance des laissez-passer consulaires dans les délais contraints de la rétention en France, en facilitant les conditions de reconnaissance et d’identification, en simplifiant l’audition et en réduisant les délais de procédure qui sont en général encadrés par l’accord.

Pour la plupart des pays source d’immigration irrégulière en Europe, les accords de réadmission sont signés ou en voie de signature. La France négocie ensuite, dans ce cadre, les protocoles bilatéraux d’application et participe au suivi de leur application dans le cadre des comités mixtes de suivi institués par les accords, et qui se réunissent deux fois par an.

Selon les autorités françaises interrogées par les rapporteurs, la politique d’application des accords de réadmission devrait être davantage orientée vers l’amélioration de leur mise en œuvre pour plus d’efficacité. Un travail avec les préfectures est en cours afin de les inciter à ne pas se censurer s’agissant de certains pays. Les États travaillent également au plan bilatéral et en commun afin d’améliorer la situation avec les États les moins coopératifs. Ils se sont réunis au sein du projet EURINT (european initiative on integrated return management), exclusivement axé sur le retour forcé. Il vise à tisser des liens opérationnels, améliorer les procédures d’identification, assurer la mise en œuvre concrète des décisions d’éloignement et partager les connaissances.

D’une manière générale, les difficultés rencontrées par la France avec certains pays tiers le sont également par les autres États membres (Pakistan). Un certain nombre de pays tiers sont peu coopératifs (Afghanistan, Inde, Maroc, Algérie, Nigéria, Bengladesh, Iran, Irak).

Il convient de souligner l’existence du projet pilote sur le retour. Il est issu d’une proposition néerlandaise, reprise par le Conseil de l’Union dans ses conclusions sur la politique de retour de l’Union adoptées en juin 2014. L’objectif est d’améliorer le niveau de coopération de certains pays tiers en matière de réadmission de leurs ressortissants en situation irrégulière, par le biais de mesures incitatives. Les modalités en ont été détaillées au Conseil dans le courant du second semestre 2014 par ses groupes de travail. Il s’agira, dans un premier temps, de dresser un inventaire des relations bilatérales avec plusieurs pays pour lesquels la coopération en matière de réadmission est jugée insuffisante. Dans un second temps, il sera proposé au pays tiers de renforcer certains volets de la coopération avec l’Union, contre une amélioration de sa réponse en matière de délivrance de laissez-passer consulaires. Les premières négociations devraient être lancées en 2015.

3. La lutte contre les filières et la directive contre la traite des êtres humains

L’organisation des Nations Unies contre les drogues et le crime (ONUDC) a récemment souligné, par la voix de son directeur exécutif, M. Yury Fedotov, que les principales routes du trafic de migrants à l’échelle mondiale, c’est-à-dire celles de l’Est, du Nord et de l’Ouest de l’Afrique vers l’Europe, ainsi que celle de l’Amérique du Sud vers l’Amérique du nord, génèrent près de 7 milliards de revenus pour les trafiquants.

Il convient de rappeler que, entre 2012 et 2013, Frontex a noté une baisse des arrestations des passeurs de 11 % (6 900 arrêtés), qui peut être analysée au regard de la pratique qui s’oriente davantage vers la fraude documentaire, permettant aux réseaux d’agir en amont et de demeurer en retrait.

En l’absence d’une définition juridique du concept de filière d’immigration irrégulière, une définition empirique, transmise aux rapporteurs par le ministère de l’intérieur, est utilisée par la police aux frontières française : « groupement structuré, souvent hiérarchisé et cloisonné, transnational, qui aide contre rémunération un ou plusieurs candidats à l’immigration irrégulière à être acheminé d’un pays vers un autre ou à y séjourner irrégulièrement ».

Selon les informations transmises aux rapporteurs par le ministère de l’intérieur, 178 filières ont été démantelées en France en 2012 (dont 146 par la police aux frontières et 77 avec le concours d’un ou plusieurs pays) : 87 filières étaient spécialisées dans la fraude documentaire, 80 organisaient le passage ou le séjour de clandestins, 6 concernaient des »  mariages blancs » et cinq étaient relatives à des reconnaissances indues d’enfants. L’évolution est très marquée par rapport aux années précédentes, s’agissant du recours de plus en plus fréquent à la fraude documentaire (en effet, en 2011, la grande majorité des filières étaient spécialisées dans l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers, sans lien avec la fraude documentaire). En 2012, 1 278 personnes ont été mises en cause (371 organisateurs, 210 logeurs, 147 passeurs, 73 employeurs aidants, 172 faussaires ou fournisseurs de faux et 305 autres). Les filières agissaient principalement au profit de ressortissants d’Algérie, du Brésil, de Chine, de la République démocratique du Congo, du Pakistan et de la Turquie.

En 2013, 203 filières ont été démantelées (dont 172 par la police aux frontières et 74 avec le concours d’un ou plusieurs pays). Plus de la moitié de ces filières (114) étaient spécialisées dans l’acheminement et le maintien d’immigrants en situation irrégulière sur le territoire national, 82 avaient recours à la fraude documentaire, 5 organisaient des reconnaissances indues d’enfants et 2 des mariages de complaisance. 1 470 personnes ont été mises en cause en 2013 (380 organisateurs, 154 logeurs, 180 passeurs, 228 employeurs aidants, 196 faussaires ou fournisseurs de faux et 332 autres). Les filières agissaient principalement au profit de ressortissants originaires de l’Algérie, du Brésil, du Maroc, de la République démocratique du Congo, d’Haïti et de la Chine.

À l’issue du premier semestre 2014, 95 filières ont été démantelées (dont 76 par la police aux frontières et 26 avec le concours d’un ou plusieurs pays). Plus de la moitié de ces filières (51) avaient recours à la fraude documentaire, 36 étaient spécialisées dans l’acheminement et le maintien d’immigrants en situation irrégulière sur le territoire national, 7 organisaient des reconnaissances indues d’enfants et 1 des mariages de complaisance. 705 personnes ont été mises en cause (178 organisateurs, 37 logeurs, 83 passeurs, 82 employeurs aidants, 107 faussaires ou fournisseurs de faux et 218 autres). S’agissant de l’origine des filières, les filières agissaient principalement au profit de ressortissants originaires de Tunisie, de Chine, du Maroc, de l’Algérie et de la Côte d’Ivoire.

Les filières d’immigration irrégulière sont par essence transnationales. Les pays d’origine, de transit et de destination doivent mettre en œuvre une coopération soutenue afin de lutter efficacement contre ce phénomène. L’unité de coordination opérationnelle de lutte contre le trafic et l’exploitation des migrants (UCOLTEM) constitue en France le point de contact unique en matière de coopération policière internationale et a engagé depuis plusieurs années une collaboration européenne (19) au profit des enquêteurs des brigades mobiles de recherche et de l’office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre (OCRIEST), qui est un service de la police aux frontières.

Créée en 2011 au sein de la direction centrale de la police aux frontières, l’UCOLTEM assure la collecte et l’enrichissement d’informations à caractère opérationnel puis leur transmission auprès des services les plus à même de les judiciariser. Son objectif est de participer au démantèlement de filières d’acheminement ou de maintien des personnes en situation irrégulière sur le territoire national et au combat contre toutes les formes d’exploitation qui en découlent (travail dissimulé, traite des êtres humains, traitements contraires à la dignité humaine) et les activités criminelles connexes (fraude à l’identité, escroquerie, extorsion, blanchiment d’argent). L’UCOLTEM s’est également fixé comme objectif de développer des liens très étroits avec les pays sources d’immigration irrégulière afin de déceler le plus tôt possible la création ou l’existence d’une filière d’immigration irrégulière. L’OCRIEST est en charge des enquêtes les plus importantes, complexes ou sensibles et regroupe plus de 70 enquêteurs ayant compétence nationale. Plus de 400 enquêteurs mettent en œuvre la lutte contre les filières d’immigration irrégulière au sein des services de la police judiciaire.

L’UCOLTEM et l’OCRIEST travaillent, au plan européen, en étroite collaboration avec l’Office européen de police (Europol), agence créée en vue de soutenir et de renforcer la coopération mutuelle entre les États membres dans la prévention et la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée et d’autres formes graves de criminalité. Europol est notamment compétente en matière de lutte contre les filières d’immigration irrégulière et de fraude documentaire.

Europol vise à la fois à faciliter le traitement des demandes d’assistance internationale des services enquêteurs et à effectuer un travail d’analyse et de recoupement sur les enquêtes. Un officier spécialisé en matière d’immigration irrégulière est présent au sein du bureau de liaison français à Europol.

Le Conseil Justice et affaires intérieures a défini les priorités de l’action en matière de lutte contre la criminalité organisée internationale pour les années 2014 à 2017. Deux plans d’action opérationnels (European Multidisciplinary Platform against Criminal Threats - EMPACT) ont été adoptés sur la migration irrégulière et la traite des êtres humains, y compris le trafic des migrants (20), parmi les neuf plans d’action adoptés pour la période. Ils visent à coordonner l’action des États membres et des organes de l’Union sur les priorités définies.

Il convient également de rappeler le renforcement de la lutte contre la traite des êtres humains avec la directive 2011/36/UE. La directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes remplace la décision-cadre 2002/629/JAI du Conseil.

Les États membres doivent prendre les mesures nécessaires pour que soient punissables les actes intentionnels suivants (article 2) : le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, y compris l’échange ou le transfert du contrôle exercé sur ces personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre, à des fins d’exploitation.

Une situation de vulnérabilité signifie que la personne concernée n’a pas d’autre choix véritable ou acceptable que de se soumettre à cet abus.

La définition de l’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, y compris la mendicité, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude, l’exploitation d’activités criminelles, ou le prélèvement d’organes. L’exploitation existe dès lors qu’une contrainte a été exercée sur la personne (menace de recours ou recours à la force, enlèvement, fraude, tromperie, etc.), peu importe que la victime ait donné son consentement.

Lorsque la victime est un enfant (personne de moins de 18 ans), ces actes d’exploitation relèvent automatiquement de la traite des êtres humains, même si aucun des moyens de contrainte cités précédemment n’a été employé.

L'incitation à la traite des êtres humains ainsi que la participation, la complicité et la tentative sont punissables (article 3).

La directive fixe (article 4) la peine maximale pour ces infractions à au moins cinq ans d’emprisonnement et à au moins dix ans lorsque les circonstances aggravantes suivantes peuvent être constatées :

- l’infraction a été commise à l’encontre de victimes particulièrement vulnérables (les enfants font toujours partie de cette catégorie) ;

- l’infraction a été commise dans le cadre d’une organisation criminelle ;

- l’infraction a, délibérément ou par négligence grave, mis la vie de la victime en danger ;

- l’infraction a été commise par le recours à des violences graves ou a causé un préjudice particulièrement grave à la victime.

Les personnes morales peuvent également être tenues responsables si les infractions sont commises pour leur compte par une personne qui exerce un pouvoir de direction. Il en va de même si un défaut de surveillance ou de contrôle de la part de cette personne a permis à une autre personne placée sous son autorité de commettre ces infractions. Les sanctions à l’encontre des personnes morales incluent des amendes pénales ou non pénales ainsi que d’autres sanctions, telles que le placement sous contrôle judiciaire ou la dissolution.

Les États membres doivent prendre, dans le respect des principes fondamentaux de leur système juridique, les mesures nécessaires pour veiller à ce que les autorités nationales compétentes aient le pouvoir de ne pas poursuivre les victimes de la traite des êtres humains et de ne pas leur infliger de sanctions pour avoir pris part à des activités criminelles auxquelles elles ont été contraintes.

En ce qui concerne la poursuite des auteurs d'infractions, la directive prévoit notamment la possibilité pour les États membres de poursuivre leurs ressortissants pour des infractions commises dans un autre pays de l’Union et de recourir à des moyens d'enquête caractéristiques de la lutte contre la criminalité organisée, comme les écoutes téléphoniques.

Les États membres doivent veiller à ce qu’une assistance et une aide spécifiques soient apportées aux victimes avant, pendant et après la procédure pénale afin qu’elles puissent exercer les droits que leur confère le statut de victimes dans le cadre des procédures pénales. Cette aide peut notamment consister en la fourniture d’un logement, de soins médicaux, dont une aide psychologique, mais aussi d’informations et de services d’interprétation et de traduction si nécessaire. En tant que victimes particulièrement vulnérables, les enfants doivent bénéficier de mesures complémentaires spécifiques.

Au cours de l’enquête et de la procédure pénale, les victimes doivent recevoir une protection adaptée comprenant l’accès à une assistance et à une représentation juridique, si nécessaire gratuitement, et à un programme de protection des témoins le cas échéant. Tout traumatisme supplémentaire devra être évité à la victime (éviter, par exemple tout contact avec l’accusé). Les enfants doivent bénéficier de mesures spécifiques, notamment en ce qui concerne les conditions de leurs auditions. Ils seront notamment interrogés sans délai, dans des locaux adaptés et par des professionnels formés à cet effet.

Les victimes de la traite des êtres humains doivent avoir accès aux régimes d’indemnisation des victimes de la criminalité intentionnelle violente.

Afin de prévenir la traite des êtres humains, la directive demande aux États membres de : décourager la demande par l’éducation et la formation, mener des campagnes d’information et de sensibilisation, former les fonctionnaires susceptibles d’être en contact avec les victimes de la traite, adopter les mesures nécessaires pour conférer le caractère d’infraction pénale au fait d’utiliser les services, sexuels ou autres, d’une personne victime de la traite.

Un coordinateur européen de la lutte contre la traite des êtres humains a été mis en place afin de garantir une approche cohérente en matière de lutte contre ce phénomène dans l’Union.

Le Président de la Commission européenne, M. Jean-Claude Juncker, a souligné dans son programme politique que l’Union doit mettre en œuvre résolument sa réglementation sur la lutte contre la traite des êtres humains.

4. Le paquet législatif sur les frontières intelligentes

La Commission européenne a déposé le 28 février 2013 un paquet législatif relatif aux frontières intelligentes. Il a été examiné par les rapporteurs de la commission des affaires européennes Didier Quentin et Jérôme Lambert au cours de la réunion de commission du 30 avril 2014.

Le paquet législatif relatif aux frontières intelligentes comprend trois textes, déposés simultanément le 28 février 2013 :

- la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création d'un système d'entrée/sortie pour l'enregistrement des entrées et sorties des ressortissants de pays tiers franchissant les frontières extérieures des États membres de l'Union européenne (COM (2013) 95, E 8134) ;

- la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) no 562/2006 en ce qui concerne l’utilisation du système d’entrée/sortie (EES) et le programme d’enregistrement des voyageurs (RTP) (COM (2013) 96, E 8135) et

- la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création d’un programme d’enregistrement des voyageurs (COM (2013) 97, E 8136).

Selon la Commission européenne, le nombre d’étrangers en situation irrégulière séjournant dans l’Union serait, selon les estimations, de 1,9 million à 3,8 millions. Elle souligne qu’il est communément admis que la majorité des immigrés irréguliers sont entrés légalement sur le territoire de l’Union puis y sont restés après l’expiration de la durée de séjour autorisée.

Le système européen entrée/sortie calculera la durée de séjour autorisée, aidera à identifier une personne qui ne remplit pas les conditions de séjour et permettra aux autorités des États membres d’identifier les personnes ayant dépassé la durée de séjour autorisé et de recueillir des statistiques. Ces données statistiques auront un intérêt en matière de politique migratoire et dans les relations avec les pays d’origine, s’agissant notamment de la politique des visas. Il utilisera les données alphanumériques puis les données biométriques (empreintes). Il remplacera le système jugé lent et peu fiable d’apposition de cachets.

Le système européen entrée/sortie serait utilisé au sein de l’espace Schengen.

Il s’agirait donc d’un dispositif de collecte et de traitement de données personnelles à grande échelle.

Les finalités du système seraient les suivantes (article 4) :

- « - renforcer les vérifications aux points de passage des frontières extérieures et […] combattre l’immigration clandestine ;

– […] calculer et […] contrôler le calcul de la durée du séjour autorisé des ressortissants de pays tiers admis pour un court séjour ;

– […] aider à l’identification de toute personne qui ne remplit pas, ou ne remplit plus, les conditions d’entrée ou de séjour sur le territoire des États membres ;

– […] permettre aux autorités nationales des États membres d’identifier les personnes ayant dépassé la durée de séjour autorisée et de prendre les mesures appropriées ;

– […] recueillir des statistiques sur les entrées et sorties des ressortissants de pays tiers à des fins d’analyse. »

Comme le précisaient les rapporteurs, le système serait composé d’un système central ainsi que d’un système national et d’une interface uniforme. L’accès serait réservé aux autorités compétentes désignées par les États membres. Le système permettrait d’identifier, à leur sortie, les personnes ayant dépassé la durée de séjour autorisée et de générer une liste, à destination des autorités compétentes (il n’est pas précisé si tous les États membres recevraient l’intégralité de la liste), de toutes les personnes ayant dépassé la durée de séjour autorisée. Il convient de relever que, s’agissant des personnes ayant dépassé la durée de séjour autorisée, le projet ne permettra pas, en l’état (le texte ne prévoit pas d’utilisation par les services répressifs), de les localiser ni de faciliter leur retour.

Les autorités frontalières auraient accès sous certaines conditions au système entrée/sortie pour les missions de contrôle aux frontières. Aux fins de l’examen des demandes de visas, les autorités en charge des visas pourraient consulter le système entrée/sortie. Les autorités en charge des demandes d’accès au programme d’enregistrement des voyageurs pourraient également consulter le système entrée/sortie. Le système pourrait également être utilisé s’agissant de certaines données en combinaison avec les empreintes digitales entrées pour les personnes exemptées de visa, afin de vérifier l’identité d’un ressortissant et si les conditions d’entrée et de séjour sur le territoire des États membres sont remplies.

Des recherches à l’aide des empreintes digitales pourraient être effectuées aux seules fins d’identification de toute personne ne remplissant pas ou ne remplissant plus les conditions d’entrée, de séjour et de résidence, aux points de passage des frontières extérieures ou sur le territoire des États membres.

La durée de conservation des données prévue serait de 5 ans en cas de dépassement de la durée de séjour autorisée et de 6 mois maximum pour chaque fiche entrée/sortie créée à chaque entrée et chaque sortie de la personne.

La durée de conservation des données et la possibilité d’un accès à des fins répressives seront réexaminées dans un délai de 2 ans.

Des inquiétudes certaines se sont fait jour sur le coût du dispositif, avec des évaluations variant du simple au double (de 516 millions d’euros pour la période 2014-2020 selon la proposition de règlement jusqu’à 1,1 milliard d’euros selon les informations transmises aux rapporteurs) ainsi que sur sa lourdeur.

Les autorités françaises soutiennent ce projet mais souhaitent qu’il soit amendé en plusieurs points : le système entrée/sortie devrait, selon les autorités françaises, être interconnecté avec les autres dispositifs SIS et VIS, avec une interrogation immédiate dès l’origine. Il devrait par ailleurs pouvoir être utilisé par les forces de police. Il serait enfin nécessaire de permettre dès l’origine l’utilisation des données biométriques car les fraudes identitaires sont un problème central (le texte proposé ne prévoit l’utilisation de la biométrie qu’après trois années de mise en œuvre). Les autorités françaises souhaitent un allongement de la durée de conservation des données, afin notamment de réduire le nombre des prises d’empreintes.

En l’état actuel des négociations, et compte tenu des difficultés posées par la proposition, un projet pilote va être lancé en 2015. Nommé « phase test », compte tenu de son envergure réduite (6 mois de test avec 6 points de passage frontaliers désignés), il est en cours d’élaboration par l’agence de gestion des systèmes d’information à grande échelle EU LISA et la Commission européenne. La liste des points de passage frontaliers désignés ainsi que des options testées devrait être connue en début d’année 2015. La France a proposé plusieurs points de passages frontaliers.

S’agissant du programme d’enregistrement des voyageurs, selon la Commission européenne, chaque année, 700 millions de franchissements de frontières sont recensés aux points de passage des frontières extérieures (aéroportuaires, maritimes et terrestres). La facilitation des flux relève selon elle de la viabilité des aéroports européens.

Très peu de voyageurs d’États tiers (chefs d’État, diplomates, travailleurs frontaliers) bénéficient d’exceptions au principe de la vérification approfondie par le garde-frontière à l’entrée dans l’espace Schengen (vérification du titre, de la durée de séjour autorisée, objet du séjour, moyens de subsistance suffisants et intention de retourner dans le pays d’origine). Ils représentent environ deux millions de personnes, soit 0,2 % du flux total de voyageurs.

La proposition, fondée sur les articles 74 et 77 TFUE, propose de passer d’une logique de contrôle centrée sur le pays d’origine à une logique centrée sur la personne. Il est proposé, grâce au programme d’enregistrement des voyageurs, de pouvoir procéder à des vérifications simplifiées aux frontières pour les ressortissants de pays tiers ayant fait l’objet de contrôles de sûreté préalables, qui voyagent souvent et dont on estime qu’ils présentent peu de risques (21). Les demandes pourraient être présentées, à l’aide d’un formulaire harmonisé, auprès du consulat de tout État membre de l’espace Schengen ou à n’importe quel point de passage des frontières extérieures. Le demandeur devrait être âgé d’au moins douze ans (pour la prise des empreintes). Il devrait produire la preuve de moyens de subsistance suffisants et de documents attestant de sa situation professionnelle ou familiale justifiant les voyages fréquents. Une attention particulière devra être portée, lors de l’examen de la demande, au risque d’immigration irrégulière ou au risque pour la sécurité des États membres, ainsi qu’à la volonté réelle du demandeur de quitter le territoire avant l’expiration de la durée de séjour autorisée.

Le demandeur ne devra notamment pas avoir par le passé dépassé la durée de séjour autorisée sur le territoire des États membres.

Une décision de recevabilité serait prise dans un délai de 25 jours. En cas de refus, un droit de recours juridictionnel effectif devrait être prévu.

Le coût de la mesure est estimé à 590,3 millions d’euros pour la période 2014-2020, y compris les coûts pour les États membres et le système central mais non compris le coût des barrières de contrôle automatisé aux frontières.

Les autorités françaises soutiennent le principe de la proposition mais sont très réservées sur l’utilisation du jeton d’identification, qui leur apparaît, ainsi qu’à plus d’une dizaine d’autres États membres, être une solution complexe et coûteuse. Cet élément fera partie des choix qui seront tranchées à l’issue des tests complémentaires que doit mener la Commission européenne.

La possibilité d’un retrait de ces projets au profit d’un nouveau texte fondé sur le retour des expérimentations qui vont débuter a été mise en avant par le commissaire Dimitris Avramopoulos devant les députés européens de la commission des libertés civiles le 3 décembre 2014.

D. LES TRAVAUX ENTREPRIS DEPUIS LE DRAME DE LAMPEDUSA

1. Les positions prises par le Parlement européen

Dans sa résolution du 23 octobre 2013 sur les flux migratoires en Méditerranée, en particulier à la lumière des événements tragiques survenus au large de Lampedusa (2013/2827), le Parlement européen a exprimé sa profonde tristesse et des regrets face à la tragédie meurtrière. Il juge que le partage des responsabilités reste flou entre les entités pour ce qui est de l’assistance à porter aux navires en détresse et de la responsabilité de la coordination. Il a souligné le bénéfice tiré par les passeurs et trafiquants d’êtres humains qui exploitent les migrations irrégulières. Il a demandé un renforcement des moyens de Frontex et du bureau européen d’appui en matière d’asile ainsi qu’une plus grande coopération opérationnelle de la part des États membres. Il a souligné l’importance du partage de la responsabilité en matière d’asile et de la mise en œuvre des textes européens visant à l’instauration d’un régime d’asile européen commun. Il a demandé aux États membres d’adopter des mesures permettant aux demandeurs d’asile d’accéder sans risque au territoire de l’Union. L’adoption d’une approche plus holistique en matière de migrations est demandée ainsi qu’une plus grande coopération avec les pays tiers.

Dans sa résolution du 17 décembre 2014 sur la situation en Méditerranée et sur la nécessité d'une approche globale de la question des migrations de la part de l'Union européenne (2014/2907(RSP)), le Parlement européen prie instamment l'Union européenne et les États membres de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour éviter que des personnes ne périssent en mer à l'avenir et réaffirme notamment qu'il est nécessaire que l'Union européenne renforce la solidarité et un partage équitable de responsabilité envers les États membres qui accueillent le plus grand nombre de réfugiés et de demandeurs d'asile. Il estime qu'il est nécessaire de réfléchir au renforcement de la sécurité et de la politique des frontières. Il rappelle qu'il convient que les États membres prévoient de lourdes sanctions pénales à l'encontre des filières de traite des êtres humains et d'immigration illégale. Il est d'avis qu'il conviendrait d'explorer d'autres voies d'immigration légale, souligne qu'il est nécessaire d'examiner la stratégie globale de coopération avec les pays tiers, y compris les pays d'Afrique subsaharienne, d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, sur le plan de l'aide humanitaire, financière et politique. Il estime également qu'il convient de mener une analyse détaillée sur la manière dont sont employés les fonds destinés aux affaires intérieures, notamment les fonds d'urgence.

2. Les mesures préconisées par la task force Méditerranée

La task force Méditerranée a été créée, à l’initiative des États membres et de la Commission européenne à la suite du Conseil Justice et affaires intérieures des 7 et 8 octobre 2013. Elle a réuni, sous l'égide de la Commission européenne, les États membres, des agences de l'Union et le Service européen pour l’action extérieure, au cours de deux réunions les 24 octobre et 20 novembre 2013.

Elle a été invitée, par le Conseil européen dans ses conclusions du 25 octobre 2013, à définir, « sur la base des principes de prévention, de protection et de solidarité, les actions prioritaires visant à assurer une utilisation à court terme plus efficace des politiques et instruments européens ».

Dans la communication de la Commission européenne du 4 décembre 2013, sur les travaux de la task force pour la Méditerranée (COM (2013) 869), la task force a préconisé l’adoption d’un large éventail de mesures suivant une approche intégrée pour l’ensemble du bassin méditerranéen. Cinq domaines d’action ayant une large portée géographique ont été identifiés :

- actions faisant l'objet d'une coopération avec des pays tiers. Les pays tiers sont des partenaires essentiels pour lutter contre les causes profondes de l’immigration irrégulière, surveiller les flux migratoires et recueillir informations et renseignements sur les itinéraires et les réseaux de passeurs et de trafiquants. Il est nécessaire de renforcer les capacités des pays d’origine et de transit à gérer les flux migratoires mixtes et de consolider leurs propres régimes d’asile et de migrations afin de les rendre conformes aux normes internationales en matière de droits de l’homme. L’approche globale sur les migrations et la mobilité est le cadre du dialogue et de la coopération avec les pays tiers. Une impulsion politique est jugée nécessaire pour accroître l’efficacité et l’impact de cette approche globale. La signature du partenariat pour la mobilité récemment conclu avec la Tunisie, et le lancement effectif du partenariat pour la mobilité récemment signé avec le Maroc devraient être des priorités, ainsi que le lancement des négociations du partenariat pour la mobilité avec la Jordanie. De nouveaux dialogues sur les migrations devraient être lancés avec d’autres pays de la rive Sud de la Méditerranée. Les droits des migrants et des réfugiés devraient être examinés avec attention. Des dialogues spécifiques portant sur des points particuliers devraient être menés (fourniture de bateaux tunisiens aux passeurs établis en Libye, trafiquants d’êtres humains dans la région du Sinaï, activités criminelles de traite des êtres humains et de trafic de migrants depuis la corne de l’Afrique au Soudan, attention aux populations les plus vulnérables au trafic d’êtres humains au Nigéria). Il convient en outre de souligner que de plus en plus d’États tiers, notamment en Afrique, posent la question des flux financiers illicites qui minent leur développement économique. Compte tenu de l’instabilité totale en Libye, qui n’empêche pas le départ des migrants depuis ses rives, l’Union devrait renforcer son soutien global à la Libye. Il convient de souligner que la mission EUBAM (22) a depuis dû être interrompue, compte tenu de la dégradation de la situation. Frontex et les États membres sont appelés à soutenir davantage les initiatives vers la Libye. Le territoire turc est un point de transit majeur à destination de l’Union et la task force recommande, bien que le pays fasse des efforts majeurs et dispose de capacités importantes, de poursuivre la coopération afin de renforcer les capacités du pays à contrôler ses frontières, à démanteler les réseaux de passeurs et à échanger rapidement des informations avec les États membres. Une attention accrue devrait être portée aux pays d’origine d’Afrique orientale et occidentale, par l’amélioration de l’environnement socio-culturel et le soutien à la mise en œuvre d’un régime d’asile respectueux des droits des réfugiés.

La task force recommande d’élaborer des campagnes d’information et de sensibilisation aux risques majeurs encourus par les migrants qui entreprendraient de rejoindre l’Union par des voies irrégulières. La participation des pays de départ aux opérations de surveillance maritime, dans le cadre d’Eurosur et dans le cadre du réseau Seahorse Mediterraneo (23), devrait être plus activement soutenue, sous réserve d’un renforcement des capacités de ces pays tiers.

Les initiatives diplomatiques et démarches communes des États membres devraient être renforcées afin de recourir de manière coordonnée à l’ensemble des moyens incitatifs dont disposent l’Union et les États membres pour la pleine application des accords de réadmission, l’amélioration des régimes de protection internationale et la lutte contre les réseaux criminels et de passeurs. L’aide au retour volontaire, sous un encadrement bien conçu permettant un retour durable, devrait être renforcée ;

- protection régionale, réinstallation et amélioration des voies d'entrée légale en Europe. La réinstallation dans les États membres, dans le cadre de programmes de réinstallation plus ambitieux, de personnes s’étant vu reconnaitre le statut de réfugié sous l’égide du HCR, permettrait à ces personnes d’accéder à l’Union sans mettre leur vie en danger par la traversée de la Méditerranée. Les programmes de protection régionaux devraient être renforcés et d’autres créés afin notamment de faire face à la crise en Syrie. Un financement à long terme des États membres et de l’Union sera nécessaire. En 2012, seules 4 930 personnes ont été réinstallées par douze États membres. L’engagement des États membres en ce sens devrait être renforcé. La Commission européenne a indiqué examiner, dans le cadre du nouveau programme pluriannuel, plusieurs pistes telles que des lignes directrices pour une approche commune sur des visas à titre humanitaire et une étude de faisabilité du traitement conjoint des demandes d’asile en dehors du territoire de l’Union, sans préjudice du droit d’accès aux procédures d’asile dans l’ Union. S’agissant de cette dernière piste, les associations entendues par les rapporteurs ont exprimé leur opposition, soulignant l’impossibilité de garantir les droits fondamentaux dans des zones profondément troublées. En ce qui concerne les voies d’entrée protégées vers l’Union, la task force Méditerranée préconisait l’étude de la création de visas à titre humanitaire. Toutefois, les discussions au Conseil s’orientent davantage vers la question de la réinstallation et de la relocalisation que sur la création d’un visa humanitaire qui devrait demeurer de la compétence des États membres. Il convient de souligner que la réinstallation, sous l’égide du HCR, de personnes ayant obtenu une protection dans un État tiers, premier pays d’accueil mais dans lequel leur situation demeure cependant trop précaire, fonctionne sur la base du volontariat de la part des États (une aide spécifique du FAMI existe, dont le montant est de 6 000 ou 10 000 euros par personne selon la situation) et demeure peu utilisé par les États membres (24). La réinstallation est organisée, en coopération avec les pays d’accueil, essentiellement par le HCR, avec le soutien de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) et souvent en coopération avec des organisations non-gouvernementales. Pour 2014, le HCR a estimé à 691 000 le nombre de personnes dans le monde qui ont besoin d’être réinstallées, auxquelles s’ajoutent 30 000 places demandées en urgence pour les réfugiés syriens. En 2013, le HCR avait demandé l’accueil de 130 000 syriens au titre de la réinstallation (34 000 places avaient été offertes par les États membres).

La relocalisation consistant, pour un État membre, à accueillir un réfugié ayant obtenu une protection dans un autre État membre, dans un souci de solidarité, n’a été mise en œuvre qu’à l’égard de Malte pour quelques centaines de réfugiés (projet EUREMA).

Enfin, l’ouverture de nouvelles voies légales d’accès à l’Union et la meilleure régulation de l’immigration pour des motifs économiques apparaissent indispensables et permettraient de lutter contre les abus de la migration irrégulière. Les outils existants doivent être appliqués (directive sur l’emploi saisonnier, directive sur les étudiants et les chercheurs). À cet égard, les rapporteurs soulignent que les outils existants en matière d’immigration régulière paraissent devoir être repensés face au phénomène migratoire actuel. Comme l’avait souligné la rapporteure dans son rapport d’information sur le prochain programme pluriannuel pour l’espace de liberté, de sécurité et de justice (no 1987 du 28 septembre 2014), « dans un contexte de crise économique qui a durement frappé l’Europe, et alors que les tensions liées à la xénophobie sont plus manifestes, une vigilance toute particulière doit être portée à réguler activement l’immigration économique, les mesures utiles sortant du seul champ de la mobilité des personnes et touchant des sujets aussi divers que la concurrence des salaires au sein des pays de l’Union ou les politiques de coopération de celle-ci avec les pays tiers d’où vient principalement la main d’œuvre » ;

- lutte contre le trafic de migrants, la traite des êtres humains et la criminalité organisée. Il convient de souligner que de plus en plus d’États tiers, notamment en Afrique, posent la question des flux financiers illicites qui minent leur développement économique. Selon la task force, Europol devrait assurer la coordination entre les différentes agences de l’Union concernées par la lutte contre le trafic de migrants et la criminalité organisée. Le Conseil Justice et affaires intérieures a défini les priorités de l’action en matière de lutte contre la criminalité organisée internationale pour les années 2014 à 2017. Deux plans d’action opérationnels (European Multidisciplinary Platform against Criminal Threats - EMPACT) ont été adoptés sur la migration irrégulière et la traite des êtres humains, y compris le trafic des migrants, parmi les neuf plans d’action adoptés pour la période. Ils visent à coordonner l’action des États membres et des organes de l’Union sur les priorités définies. La task force recommande l’adoption, en outre, d’un plan global de l’Union sur la lutte contre le trafic de migrants, afin de permettre l’adoption de lignes directrices pour l’Union et les États. Les États doivent quant à eux veiller à mettre plus systématiquement à disposition d’Europol, dont l’efficacité repose en grande partie sur les informations qui lui sont transmises, les données relatives au trafic de migrants. Frontex et Europol devraient sans tarder conclure un accord opérationnel. La Commission réalisera une évaluation de l’acquis de l’Union en matière d’aide à l’entrée et au séjour irrégulier et apportera éventuellement des modifications, compte tenu de la nécessité de ne pas ériger l’aide humanitaire en infraction ;

- renforcement de la surveillance des frontières, contribuant à améliorer le tableau de situation maritime, à protéger les migrants à leur sauver la vie en Méditerranée. Frontex a intensifié l’opération conjointe « Hermes » début novembre 2013 et 7,9 millions d’euros ont été alloués à Frontex sur son budget 2013. En 2014, Frontex devrait renforcer ses actions de coopération et les actions nationales devraient être parfaitement coordonnées avec celles organisées par Frontex. Les initiatives telles que Mare nostrum sont encouragées, la task force soulignant toutefois la nécessité d’une coordination. Le règlement pour la surveillance des frontières extérieures maritimes devrait être adopté (cf infra). Le système Eurosur est présenté comme un élément clé d’une meilleure surveillance (cf infra). Les tableaux de situation nationaux et européens établis dans le cadre du système Eurosur devraient être notamment orientés vers les ports et côtes de la Méditerranée qui sont des plaques tournantes pour les migrations irrégulières et la coordination entre agences de l’Union devrait être assurée (agence européenne pour la sécurité maritime, Frontex, agence satellitaire de l’Union). Les obligations de porter secours des capitaines de navires marchands et des pêcheurs devraient être rappelées, tout en leur assurant la possibilité de débarquer rapidement les migrants et l’absence de suite judiciaire négative s’ils sont de bonne foi lorsqu’ils prêtent assistance ;

- assistance aux États membres qui font face à de fortes pressions migratoires et solidarité avec ceux-ci. Les actions coordonnées par Frontex constituent un premier élément de solidarité. 30 millions d’euros ont été mis de côté par la Commission européenne dans le domaine des technologies de l’information pour les opérations de surveillance dans le cadre du mandat de Frontex. Pour les États membres, 20 millions d’euros ont été alloués afin de faire face à la pression croissante et à l’insuffisance des capacités nationales. La pleine mise en œuvre d’un régime d’asile européen commun et des directives adoptées constituera un élément central. Les États membres devraient faire preuve d’une plus grande solidarité avec la relocalisation, à ce jour très peu développée (installation dans un autre État membre d’une personne ayant précédemment obtenu une protection dans un État membre). Des efforts de planification des mesures d’urgence, compte tenu des évolutions des différentes agences de l’Union devraient être entrepris.

Les actions de court et moyen termes identifiées par la task force doivent également être complétées par une approche à plus long terme pour remédier aux causes profondes des migrations. L’action de l’Union doit être replacée dans le cadre plus large des relations de l’Union avec les pays d’origine et de transit. Elle ne peut être isolée de la politique européenne de voisinage et de la politique migratoire extérieure s’inscrivant dans le cadre de l’approche globale pour les migrations et la mobilité.

Le Conseil européen des 19 et 20 décembre 2013 a accueilli avec satisfaction les travaux de la task force et appelé à un suivi par le Conseil et la Commission européenne.

3. Renforcer les orientations stratégiques récentes

Le Conseil européen des 26 et 27 juin 2014 a, dans ses conclusions, défini les orientations stratégiques pour la planification législative et opérationnelle des années 2014 à 2019 au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Il a souligné la nécessité de mettre en place une approche globale en matière de migration, d’asile et de gestion des frontières « qui utilise au mieux les avantages de la migration légale et offre une protection à ceux qui en ont besoin, tout en luttant résolument contre la migration irrégulière et en gérant les frontières extérieures de l'UE avec efficacité ». La mise en place de « mesures destinées à s'attaquer aux causes profondes de la migration irrégulière constitue un volet essentiel de la politique migratoire de l'UE ; associée à la prévention de cette migration et à la lutte contre ce phénomène, elle devrait permettre d'éviter que des migrants ne périssent lors des dangereux voyages qu'ils entreprennent. Il ne sera possible de parvenir à une solution durable qu'en intensifiant la coopération avec les pays d'origine et de transit, y compris en les aidant à renforcer leurs capacités en matière de migration et de gestion des frontières. Il faudra que les politiques migratoires deviennent une composante bien plus importante des politiques extérieures et de développement de l'Union, par l'application du principe consistant à "donner plus pour recevoir plus" et la prise en compte de l'approche globale de la question des migrations et de la mobilité ».

Les actions suivantes sont citées par le Conseil européen :

- renforcer et étendre les programmes de protection régionaux, en particulier à proximité des régions d'origine, en collaboration étroite avec le HCR et accroître les contributions aux efforts de réinstallation déployés au niveau mondial, notamment compte tenu de la crise en Syrie ;

- lutter de manière plus énergique contre le trafic de migrants et la traite des êtres humains, en se concentrant sur les pays et les itinéraires prioritaires ;

- mettre en place une politique commune efficace en matière de retour et faire en sorte que les obligations en matière de réadmission figurant dans les accords avec les pays tiers soient respectées ;

- mettre pleinement en œuvre les actions recensées par la task force pour la Méditerranée.

Dans ses conclusions du 10 octobre 2014, le Conseil Justice et Affaires intérieures confirme la volonté commune des ministres « de mettre fin au clivage actuel entre les principes de solidarité et de responsabilité et de mettre au point un même message et une action commune au niveau de l'UE ».

Le Conseil propose, au-delà des mesures d’urgence, une approche structurelle fondée sur trois piliers :

- 1) Premier pilier : la coopération avec les pays tiers, l'accent étant mis en particulier sur la lutte contre les passeurs et les trafiquants d'êtres humains. « L'action menée dans les pays tiers devrait porter en priorité sur les principaux pays cités ci-après, qui sont actuellement au cœur des mouvements migratoires : Afrique de l'Ouest (Niger, Mali, Tchad, Gambie, Ghana, Mauritanie, Sénégal, Nigeria), Afrique de l'Est (Soudan, Éthiopie, Érythrée, Somalie), Afrique du Nord (Libye, Égypte, Algérie, Maroc, Tunisie), ainsi que la région qui borde la Syrie (Jordanie, Liban, Turquie, Iraq) car ces pays sont submergés par l'afflux de réfugiés en provenance de Syrie et sont soumis à une pression extrême. En Libye, tout devrait être mis en œuvre pour contribuer à créer les conditions propices au démarrage éventuel d'un dialogue politique global portant aussi sur les questions de migration ».

Ces mesures devraient aller de pair avec des mesures de long terme s’attaquant aux causes profondes de l’immigration irrégulière. Les pays tiers devraient se sentir davantage concernés par le problème et les communautés de migrants devraient être stabilisées. Des centres gérés par le HCR et l’OIM pourraient être établis dans les pays de transit. Le processus de Rabat cible déjà les routes migratoires d’Afrique de l’Ouest et l’initiative sur la traite des êtres humains et le trafic de migrants sur la route migratoire entre la corne de l’Afrique et l’Union (processus de Khartoum) devrait être soutenue.

Une liste de mesures est présentée, qui comprend :

- la réduction du nombre de navires en provenance de Tunisie et d'Égypte, tout en aidant ces pays à gérer les flux migratoires ;

- un meilleur usage des réseaux d'officiers de liaison ;

- étudier la possibilité de lancer, selon les besoins, des initiatives en matière d'application des lois, comprenant des équipes communes d'enquête, avec les pays tiers concernés afin de prévenir la traite d'êtres humains et le trafic de migrants et d'en poursuivre les auteurs ;

- faire en sorte qu'Europol soit avisé rapidement de toutes les informations recueillies aux frontières de l'UE par les services de surveillance des États membres et Frontex. Frontex et Europol devraient sans tarder finaliser leur accord sur le traitement des données à caractère personnel ;

- renforcer les capacités des pays tiers concernés en matière de gestion des frontières et des migrations ;

- poursuivre le dialogue et la coopération avec les autorités turques, afin de démanteler les réseaux de passeurs, d'échanger rapidement des informations, de renforcer les activités conjointes avec les États membres de l'UE et d'assurer la mise en œuvre intégrale de l'accord de réadmission ;

- entamer un dialogue sur les migrations, la mobilité et la sécurité avec l'Égypte et le Liban ;

- mettre au point de nouveaux programmes régionaux de développement et de protection, dont les dispositions soient renforcées, en Afrique du Nord et dans la Corne de l'Afrique et mettre pleinement en œuvre le programme régional de développement et de protection qui existe au Proche - Orient ;

- mettre en œuvre la stratégie de l'UE pour le Sahel, dans le but de contribuer à la sécurité, à la stabilité et à la gouvernance dans la région ;

- proposer un nombre crédible de lieux de réinstallation, sur une base volontaire, afin d'offrir une voie d'entrée légale et de contribuer à la stabilisation des communautés de réfugiés en partenariat avec le HCR. La participation de tous les États membres, sur une base équitable est requise ;

- aider les pays tiers à renforcer leurs capacités d'assistance aux rapatriés ;

- accroître le recours aux actions communes de l'UE en matière de retour, notamment sous la coordination de Frontex, par exemple par une participation volontaire des États membres au projet pilote sur le retour (25) qui est en cours, et renforcer les programmes d'assistance au retour volontaire menés par des organisations internationales et des ONG ;

- mettre en œuvre les campagnes d'information prévues sur les risques des migrations irrégulières pour les migrants ;

- persuader les autorités des pays d'Afrique du Nord de participer au réseau méditerranéen Seahorse Mediterraneo.

La situation de la Turquie

La Turquie avait, à la mi-septembre, selon ses estimations recueillies par les rapporteurs lors de leur déplacement à Ankara, accueilli près de 1,5 à 2 millions de réfugiés, principalement syriens.

L’analyse de risques annuelle de Frontex pour 2014 rappelle que les premiers aéroports de départs (en nombre de passagers) desquels partaient le plus grand nombre de ressortissants de pays tiers à destination des frontières aéroportuaires de l’Union (26) étaient, en 2012, l’aéroport Atatürk d’Istanbul (6 millions de passagers étrangers), et l’aéroport Antalya (5,7 millions de passagers étrangers), suivis par les aéroports de Dubaï et de New-York. Ces chiffres démontrent l’intensité des flux avec la Turquie (pour ces deux aéroports, les premiers aéroports de destination étaient Heathrow à Londres, Francfort et Düsseldorf en Allemagne, et Schiphol à Amsterdam) (27).

Alors que la Turquie était une terre de passage pour les réfugiés, elle est devenue un pays d’accueil, parallèlement à son développement économique. Les tragédies syriennes et irakiennes ont été à l’origine d’un afflux massif de réfugiés en Turquie. Selon les informations transmises aux rapporteurs, plus de 200 000 réfugiés Syriens étaient présents dans des camps mi-septembre 2014 et près de 1,5 à 2 millions de syriens seraient présents en Turquie.

Depuis avril 2014, la nouvelle direction générale de l’administration des migrations a vocation à regrouper les différentes administrations en charge de l’immigration. Une nouvelle loi sur les étrangers et la protection internationale a été adoptée et M. Mehmet Ersoy, président de la commission parlementaire des affaires intérieures, député de Sinop, a indiqué que la Turquie vise à se rapprocher des standards européens. Il a estimé que la coopération a porté ses fruits avec la Grèce et la Bulgarie pour mettre un terme aux franchissements irréguliers des frontières terrestres. Mais la vraie difficulté réside pour la Turquie dans la coopération avec ses voisins de l’Est. Ce n’est qu’en instituant la sécurité au Moyen-Orient qu’il sera possible de stabiliser ces problèmes, et tant que les tragédies se poursuivront, il sera, a-t-il indiqué, impossible de fermer les frontières. La proximité n’est pas seulement géographique, elle est aussi culturelle et de nombreux liens de parenté existent de part et d’autre de ces frontières. Le plus souvent, les personnes sont dépourvues de papiers d’identité, ce qui rend le retour impossible. Si certains projets menés en coopération avec l’Union ont été soulignés (comme le renforcement de la sécurité de la frontière avec l’Iran), c’est la nécessité absolue du règlement des conflits syrien et irakien qui a été mise en avant. Les députés turcs rencontrés ont également souligné les efforts faits par la Turquie pour assurer l’accueil dans les camps. La dépense pourrait être évaluée à plusieurs milliards de dollars.

Aucune coopération opérationnelle n’avait été mise en œuvre avec Frontex, a indiqué la direction générale de la gestion des migrations, en septembre 2014. En revanche, des fonds européens avaient permis l’acquisition de matériel de surveillance. Les efforts tendant à la conclusion et à l’application d’accords de réadmission avec les pays d’origine ont été soulignés. La lutte contre l’immigration irrégulière relève en Turquie de l’armée (premiers kilomètres le long des frontières terrestres), des gardes-côtes pour ce qui concerne l’immigration par voie maritime, de la gendarmerie et de la police dans les villes.

Selon les informations transmises par la Commission européenne à les rapporteurs, sur la période 2007-2013, un total de 26 projets, financés à hauteur de 225,5 millions d’euros par le biais de l’Instrument d’aide de préadhésion (IAP), avaient été programmés en matière de migration et d’asile, y compris le renforcement de la surveillance aux frontières. Certains projets du sous-secteur « affaires intérieures » relatifs à la gestion intégrée des frontières et à la lutte contre le crime organisé n’étaient cependant pas compris dans ces montants.

Dans sa résolution 1933 (2013) du 25 avril 2013 sur la gestion des flux migratoires mixtes et d’asile au-delà de la frontière orientale de l’Union européenne, l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe rappelait que la Turquie est le pays qui est le plus sous pression actuellement, la situation ayant largement empiré depuis l’adoption du texte. Un appel est lancé à l’Union pour qu’elle augmente substantiellement son soutien à ses voisins orientaux, pour un partage équitable des responsabilités et pour garantir notamment le plein respect des droits fondamentaux des migrants. Le refoulement indirect étant interdit, les pays européens devraient s’abstenir de tout renvoi vers un pays qui ne peut manifestement pas faire face.

- 2) Deuxième pilier : le renforcement de la capacité de Frontex à réagir avec souplesse et promptitude aux pressions et risques émergents. Une coordination étroite avec les mesures d’urgence prises par l’Italie est demandée, pour atteindre une suppression progressive et rapide de ces dernières. L’accroissement des moyens financiers de Frontex devrait être confirmé pour 2015, dans le respect du plafond pluriannuel. Les États membres devraient mettre en œuvre la possibilité d’utiliser les ressources du nouveau fonds pour la sécurité intérieure, volet frontières, relevant de leurs programmes nationaux, pour le financement du soutien opérationnel dans le domaine de la gestion des frontières (28),

- 3) Troisième pilier : les mesures au niveau de l'UE destinées à soutenir et mettre intégralement en œuvre le régime d'asile européen commun, également par une coopération opérationnelle accrue. Les États doivent réaliser les investissements pour mettre en place un système d’accueil apte à faire face aux afflux soudains de demandeurs d’asile. Le Conseil insiste, afin de faire face aux déplacements secondaires qui se produisent au sein de l’Union, après l’arrivée des migrants sur son territoire, sur la nécessité de contrecarrer les pratiques des réseaux qui visent à contourner le système Eurodac de prise des empreintes de demandeurs d’asile dans l’État dans lequel ils arrivent et doivent déposer leur demande. Il est demandé de prendre les empreintes digitales à terre, au moment même de l'interception en cas de franchissement illégal des frontières, dans le plein respect du règlement EURODAC, de prendre des mesures restrictives, dans le respect des droits fondamentaux, pour éviter que des migrants refusant la prise d'empreintes digitales ne prennent la fuite, d’informer les migrants de leurs droits et obligations et des conséquences du non-respect des règles en matière d'identification. Les États membres devraient également, afin de soutenir les États sous pression, mieux mettre en œuvre les dispositions du règlement Dublin III en matière de regroupement familial, y compris par le renforcement des systèmes de recherche des familles, ainsi que recourir de façon accrue à la clause de souveraineté.

La question des migrations figure dans les lignes directrices politiques de la nouvelle Commission européenne présentées par Jean-Claude Juncker dans un document intitulé « Un nouveau départ pour l'Europe : mon programme pour l'emploi, la croissance, l'équité et le changement démocratique » et présenté le 15 juillet 2014 devant le Parlement européen.

Selon le Président de la Commission européenne, il est nécessaire de lutter davantage contre l’immigration irrégulière, notamment par une meilleure coopération avec les pays tiers (réadmission). La sécurisation des frontières extérieures de l’Union est nécessaire au fonctionnement des politiques de l’Union en matière de migrations et d’asile. Les capacités de l’agence Frontex devront être augmentées et son budget relevé. Les ressources des États membres mises à la disposition de Frontex doivent être renforcées pour lui permettre de déployer plus d’équipes européennes de gardes-frontières.

Enfin, l’Union doit appliquer fermement ses règles pénales en matière de traite des êtres humains.

La Commission européenne doit présenter en 2015 un programme européen pour les migrations, ainsi que le précise son programme de travail pour 2015 : il s’agira de développer une nouvelle approche pour la migration régulière afin de rendre l’Union attractive pour les talents, ainsi que de mieux gérer les migrations en intensifiant la coopération avec les pays tiers, en favorisant la solidarité et la lutte contre l’immigration irrégulière.

III. LE RÔLE DE FRONTEX ET LES RESPONSABILITÉS DE L’AGENCE

A. PRÉSENTATION DE L’AGENCE FRONTEX ET ÉVOLUTION DU RÈGLEMENT FRONTEX

L’agence Frontex (agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne) a été créée par le règlement (CE) no 2007/2004 du Conseil du 26 octobre 2004.

Son siège, établi par une décision du Conseil du 14 avril 2005, est situé à Varsovie, en Pologne. L’agence est opérationnelle depuis le 3 octobre 2005. Le personnel de Frontex comprend 320 personnes, citoyens de 29 États membres ou pays associés. Sous l’autorité du directeur exécutif et du directeur exécutif adjoint sont placées trois directions (direction des opérations, direction du renforcement des capacités, direction administrative). Un officier des droits fondamentaux, créé par la réforme de 2011, est placé sous l’autorité hiérarchique du conseil d’administration.

Son directeur exécutif par intérim depuis le 1er juin 2014 est M. Gil Arias-Fernández. Le Français Fabrice Leggeri (29) a été récemment élu directeur exécutif de l'agence européenne Frontex et a pris ses fonctions en janvier. Le conseil d’administration est composé d’un représentant par État membre et de deux représentants de la Commission européenne. La représentation de la France au conseil d’administration de Frontex est assurée par M. Benoît Brocart, directeur de l’immigration à la direction générale des étrangers en France, au ministère de l’intérieur. Les pays associés à la mise en œuvre de l’acquis Schengen participent à l’activité de l’agence. Ils disposent d’un représentant et d’un suppléant au sein du conseil d’administration. L’étendue de leur association est fixée par les accords d’association.

Le budget de l’agence prévu pour 2014 s’élevait à 89,2 millions d’euros, dont 82,9 millions versés par la commission européenne, 5,39 millions d’euros par les États associés et 0,9 million d’euros par le Royaume-Uni et l’Irlande.

Les frais de personnel s’élèvent, pour 2014, à 20,5 millions d’euros, les frais administratifs et liés aux locaux à 12,6 millions d’euros et les frais liés aux activités opérationnelles s’élevaient dans le projet de budget à 55,3 millions d’euros.

Le budget annuel final pour 2014 a atteint 98 millions d’euros, le budget originel de 89,2 millions d’euros ayant été augmenté de 4 millions d’euros transférés par la Commission européenne afin de lancer l’opération Triton et de 4,5 millions d’euros pour la mise en œuvre du partenariat oriental.

Le budget de Frontex pour l’année 2015, qui s’élève à 114 millions d’euros, contre 92,7 selon les prévisions initiales, soit une hausse de 21,3 millions d’euros, a vu la contribution versée par la Commission européenne portée de 86,8 millions d’euros à 106 millions d’euros. Ces ressources supplémentaires ont été affectées aux activités opérationnelles, dont 10,1 millions pour les opérations conjointes aux frontières maritimes et 10 millions d’euros mis en réserve pour les diverses activités opérationnelles.

Le tableau suivant retrace les dépenses de l’agence pour 2013, 2014 et celles prévues pour 2015.

DÉPENSES

Chapitre

Article

 

Description

Budget 2013 N1

Budget
amendé
2014 N2

Budget 2015

Titre

A-1 Personnel

       

A-11

Personnel en activité

20 020 000

19 028 000

20 000 000

A-12

Recrutement

167 000

150 000

108 000

A-13

Missions administratives

485 000

300 000

304 000

A-14

Infrastructure socio médicale

64 000

11 000

40 000

A-15

Autres frais de personnel

895 000

976 500

1 020 000

A-16

Sécurité sociale

10 000

6 500

4 000

 

 

 

 

 

 

 

A-1

TOTAL DES FRAIS DE PERSONNEL

21 641 000

20 472 000

21 476 000

             

Titre

A-2 AUTRES DEPENSES ADMINISTRATIVES

     

A-20

Location du bâtiment et frais associés

4 686 000

5 050 000

4 090 000

A-21

Traitement de l’information et télécommunications

2 350 000

4 040 000

3 680 000

A-22

Biens mobiliers et frais associés

164 100

960 000

158 000

A-23

Dépenses administratives courantes

814 550

1 200 000

1 010 000

A-24

Frais postaux

90 000

50 000

60 000

A-25

Réunions non opérationnelles

653 450

615 000

666 000

A-26

Information & Transparence

1 000 000

675 000

768 000

 

 

 

 

 

 

 

A-2

TOTAL DES AUTRES DEPENSES ADMINISTRATIVES

9 758 100

12 590 000

10 432 000

             

Titre

A-3 ACTIVITES OPERATIONNELLES

     

A-30

Operations conjointes

48 381 900

46 330 700

52 300 000

A-31

Analyses de risques, centre de situation, Eurosur

4 265 000

6 801 000

11 810 000

A-32

Formation

4 760 000

4 050 000

4 400 000

A-33

Recherche et développement et Eurosur (2013)

2 880 049

1 000 000

850 000

A-34

Ressources en gestion commune

1 100 000

1 000 000

1 400 000

A-35

Diverses activités opérationnelles

1 163 951

567 000

10 870 000

A-36

Support aux activités opérationnelles

0

600 000

515 000

 

 

 

 

 

 

 

A-3

TOTAL ACTIVITES OPERATIONNELLES

62 550 900

60 348 700

82 145 000

             

Titre

A-4 DEPENSES AFFECTEES

     

A-41

Relations extérieures

0

4 534 377

p.m.

 

 

 

 

 

 

 

A-4

TOTAL DEPENSES AFFECTEES

0

4 534 377

0

 

 

 

 

 

 

 

TOTAL

 

 

93 950 000

97 945 077

114 053 000

Source : Frontex.

Même si la responsabilité de la surveillance des frontières extérieures de l’Union européennes incombe aux États membres, la création de l’agence vise à améliorer la gestion intégrée des frontières extérieures de l’Union européenne.

Établir un niveau élevé et uniforme de contrôle et de surveillance des frontières extérieures constitue le corollaire indispensable de la libre circulation des personnes dans l'Union européenne et un élément déterminant de l'espace de liberté, de sécurité et de justice. Frontex vise à faciliter l'application des mesures de l’Union existantes ou futures relatives à la gestion des frontières extérieures en assurant la coordination des dispositions d'exécution prises par les États membres. L’agence est un élément de la solidarité entre États membres, la surveillance incombant aux États se situant aux frontières extérieures n’existant pas seulement dans l’intérêt de ces États membres mais dans l’intérêt de tous.

Les frontières extérieures sont définies comme les frontières terrestres et maritimes des États membres ainsi que leurs aéroports et ports maritimes auxquels s’applique le droit communautaire relatif au franchissement des frontières extérieures (espace Schengen).

L’agence met à la disposition des États membres l’assistance technique et les connaissances spécialisées nécessaires.

Depuis sa création, l’agence doit coordonner la coopération opérationnelle entre États membres, assister les États membres pour la formation des gardes-frontières nationaux, effectuer des analyses de risque, suivre l’évolution de la recherche dans les domaines présentant un intérêt pour sa mission, assister les États membres dans les situations exigeant une assistance technique et opérationnelle renforcée aux frontières extérieures et fournir un appui nécessaire pour organiser les opérations de retour conjointes.

L’agence évalue, approuve et coordonne les propositions d’opérations conjointes et de projets pilotes faites par les États membres.

Le règlement modificatif (CE) no 863/2007 du 11 juillet 2007 (30) a créé les équipes d’intervention rapide, compte tenu des situations critiques auxquelles doivent faire face certains États membres, notamment en cas d’arrivée d’un grand nombre de ressortissants de pays tiers aux frontières extérieures qui tenteraient d’entrer illégalement sur leur territoire. Il a également défini les tâches, compétences et régimes de responsabilité des agents invités dans un État membre hôte pour une opération.

Le règlement prévoit la possibilité pour un État de demander le déploiement d’équipes d’intervention rapide sur son territoire, composées d’experts formés des autres États membres et chargées d’aider temporairement ses gardes-frontières nationaux. Ce type d’aide est conçu comme un mécanisme de réaction rapide et limité dans le temps. Frontex a pour rôle de coordonner la composition, la formation et le déploiement des équipes d’intervention rapide. Le directeur exécutif de l’agence et l’État demandeur décident d’un plan opérationnel fixant de manière précise le déploiement des équipes. Les équipes reçoivent leurs instructions de l’État membre hôte. Les membres des équipes d’intervention rapide ne peuvent accomplir des tâches que sur instruction de gardes-frontières de l’État membre hôte et, en règle générale, en leur présence (article 6). Le règlement dispose qu’ils respectent pleinement la dignité humaine dans l’exercice de leurs tâches et qu’ils s’abstiennent de toute discrimination. Les dispositions relatives au régime de responsabilité sont calquées sur celles applicables aux agents invités et détaillées ci-après.

S’agissant du régime de responsabilité des agents invités, ces-derniers sont en mesure d’accomplir toutes les tâches et d’exercer toutes les compétences pour les activités de vérification aux frontières ou de surveillance des frontières (nouvel article 10 du règlement de 2004 modifié). Dans l’accomplissement de leurs tâches et dans l’exercice de leurs compétences, les agents invités sont tenus de respecter la législation communautaire et la législation nationale de l’État membre hôte. Les agents invités ne peuvent accomplir des tâches et exercer des compétences que sur instruction et, en règle générale, en présence de gardes-frontières de l’État membre hôte. Ils portent leur propre uniforme avec un brassard bleu portant l’insigne de l’Union européenne et de l’Agence. Les officiers invités peuvent porter des armes de service, des munitions et des équipements autorisés selon la législation nationale de l’État membre d’origine. Toutefois, l’État membre hôte peut interdire le port de certaines armes de service, munitions et équipements, pour autant que sa propre législation applique les mêmes interdictions à ses propres gardes-frontières. Les agents invités sont autorisés à employer la force, y compris les armes de service, avec le consentement de l’État membre d’origine et de l’État membre hôte et en présence de gardes-frontières de l’État membre hôte et dans le respect de sa législation. Les armes de service peuvent être utilisées à des fins d’autodéfense et de légitime défense, conformément à la législation nationale de l’État membre hôte.

Les membres invités peuvent être autorisés à consulter les bases de données nationales et européennes nécessaires aux vérifications et à la surveillance des frontières extérieures. Ils conservent leur qualité de gardes-frontières nationaux et sont rémunérés par leur État membre d’origine. Ils restent soumis aux mesures disciplinaires de leur État membre d’origine. L’État membre hôte est réputé responsable au plan civil de tout dommage causé. Au plan pénal, les membres invités sont traités de la même façon que les agents de l’État membre hôte.

Le règlement (UE) no 1168/2011 (31) a étendu les missions de Frontex et accru la coopération opérationnelle et la coordination entre les États membres (32).

L’idée générale du texte est de rendre Frontex moins dépendante des États membres et d’assurer la fourniture des moyens humains et matériels. Les capacités opérationnelles de l’agence ont été revues, tout en clarifiant le caractère proportionné de toutes les mesures prises ainsi que le plein respect des droits fondamentaux et des droits des réfugiés et demandeurs d’asile, en particulier l’interdiction du refoulement.

L’agence se voit confier un rôle de cogestion dans la mise en œuvre des opérations conjointes et des projets pilotes, s’agissant de l’élaboration du plan opérationnel, de l’évaluation et de la notification des incidents. L’article 3 bis du règlement, détaillant le contenu du plan opérationnel, dispose que « le directeur exécutif et l'État membre hôte conviennent, en concertation avec les États membres participant à une opération conjointe ou à un projet pilote, du plan opérationnel détaillant les aspects organisationnels en temps utile avant le lancement prévu ».

L’agence peut elle-même prendre l’initiative d’une opération conjointe ou d’un projet pilote. Elle peut également décider de mettre ses équipements techniques à la disposition des États membres participant à ces opérations.

Une meilleure planification des mises à disposition de matériel a été organisée par le biais de quantités minimales d’équipements techniques nécessaires à mettre à disposition par les États membres, sur la base d’accords bilatéraux annuels. L’agence gère des listes des équipements techniques. La possibilité a été ouverte à l’agence d’acquérir (seule ou en copropriété avec un État membre) et de louer par crédit-bail des équipements de contrôle des frontières extérieures (33) (article 7). Frontex crée et tient à jour un inventaire centralisé du parc des équipements techniques détenus par l’agence et les États membres.

Les États membres déploient leurs équipements techniques faisant partie du nombre minimal d'équipements techniques pour une année donnée, à la demande de Frontex, « à moins qu'ils ne soient confrontés à une situation exceptionnelle affectant sérieusement l'exécution de tâches nationales ». Frontex doit formuler sa demande au moins quarante-cinq jours avant le déploiement souhaité. Ce mécanisme a renforcé les marges de manœuvre de l’agence. Le déploiement des équipements faisant partie du nombre minimal d’équipements est financé par Frontex. Le déploiement d’équipements techniques supplémentaires est cofinancé par Frontex à hauteur d’un maximum de 100 %, « en tenant compte de la situation des États membres qui déploient lesdits équipements techniques. »

L’agence met également sur pied des équipes européennes de gardes-frontières auxquelles les États contribuent en mettant à disposition un nombre approprié de gardes-frontières qualifiés et auxquelles l’agence contribue en mettant à disposition les gardes-frontières qui sont détachés auprès d’elle en tant qu’experts nationaux (34). Sur proposition du directeur exécutif, le conseil d’administration décide, à la majorité absolue, des profils et du nombre total des gardes-frontières nécessaires.

L’agence constitue cette réserve de gardes-frontières (équipes européennes de gardes-frontières) pour un éventuel déploiement lors d’opérations conjointes et de projets pilotes, qui font l’objet d’un plan opérationnel établi par le directeur exécutif et l’État membre hôte, en concertation avec les États membres participant.

En application de l’article 3 ter du règlement Frontex révisé, « la contribution des États membres en ce qui concerne le déploiement, pour l'année suivante, de leurs gardes-frontières pour des opérations conjointes et des projets pilotes spécifiques est programmée sur la base de négociations et d'accords bilatéraux annuels conclus entre Frontex et les États membres. Conformément à ces accords, les États membres déploient les gardes-frontières à la demande de l'Agence, à moins qu'ils ne soient confrontés à une situation exceptionnelle affectant sérieusement l'exécution de tâches nationales. Toute demande de ce type est introduite au moins quarante-cinq jours avant le déploiement souhaité ».

L’agence déploie les gardes-frontières des équipes européennes dans les États membres pour des opérations conjointes, des projets pilotes ou des interventions rapides. L’agence supporte le coût de la mise à disposition des équipes européennes de gardes-frontières, par les États membres, des gardes-frontières nationaux.

Frontex désigne un officier de coordination pour chaque opération conjointe ou projet pilote lorsque les membres des équipes européennes de gardes-frontières sont déployés. Il doit favoriser la coopération et la coordination entre l’État membre hôte et les États membres participants (article 3 ter, point 5). Durant le déploiement des équipes européennes de gardes-frontières, l'État membre hôte donne ses instructions conformément au plan opérationnel. L’officier de coordination de l’agence peut, pour le compte de Frontex communiquer à l’État hôte sa position sur ces instructions et l’État membre hôte doit prendre cette position en considération (article 3 quater).

S’agissant de la coopération en matière de retour, Frontex « fournit l'assistance nécessaire et [depuis 2011], à la demande des États membres participants, assure la coordination ou l'organisation des opérations de retour conjointes des États membres, y compris par l'affrètement d'avions aux fins de telles opérations ». Elle doit élaborer un code de conduite pour le retour des ressortissants en séjour irrégulier.

En matière de coopération, Frontex peut coopérer, en application du règlement révisé (article 13) avec, outre Europol et les organisations internationales compétentes dans son domaine, le bureau européen d’appui en matière d’asile, l’agence des droits fondamentaux et d’autres agences, organes ou organismes de l’Union. Frontex conclut des accords de travail avec ces entités. Des accords de travail spécifiques, requérant l’approbation préalable du contrôleur européen de la protection des données, doivent être conclus en cas d’échange de données à caractère personnel.

Interrogé par la rapporteure sur la conclusion d’un accord de travail avec Europol, M. Gil Arias-Fernandez a répondu, lors de son audition devant la commission des affaires européennes le 18 novembre 2014 :

« La seule possibilité qu’a Frontex pour traiter des données personnelles est de coopérer avec Europol. Un accord en ce sens a été négocié ; il n’attend plus que le feu vert du Contrôleur européen de la protection des données, condition sine qua non d’une signature dont nous espérons qu’elle aura lieu d’ici la fin de l’année. Je précise qu’il s’agit uniquement de traiter des données personnelles d’individus dont nous pensons qu’ils sont des criminels ; nous n’entendons pas traiter les données personnelles des migrants. »

Les forces de police des États membres travaillent à l’heure actuelle de manière étroite avec Europol s’agissant de la lutte contre les trafiquants et les passeurs mais pas avec l’agence Frontex, avec laquelle elles ne peuvent échanger de données à caractère personnel.

Le règlement Frontex prévoit la possibilité pour Frontex de traiter des données à caractère personnel :

- dans le cadre des opérations de retour conjointes, pour les données strictement nécessaires aux fins de l’opération de retour conjointe et (article 11 ter) ;

- dans le cadre des opérations conjointes, projets pilotes et interventions rapides, l’agence « peut traiter ultérieurement les données à caractère personnel recueillies par les États membres pendant de telles activités opérationnelles et transmises à l'Agence en vue de contribuer à la sécurité des frontières extérieures des États membres » (article 11 quater). Ces données ne peuvent porter que sur des personnes dont les autorités des États membres ont des « motifs raisonnables de soupçonner l'implication dans des activités criminelles transfrontalières, dans des activités d'aide à l'immigration clandestine ou dans des activités de traite des êtres humains ». Ces données ne peuvent être traitées que pour transmission au cas par cas à Europol, ou d’autres agences répressives de l’Union (et sont détruites dès transmission) ou pour la préparation des analyses de risques (dans lesquelles elles sont dépersonnalisées). En aucun cas, les données ne peuvent être conservées plus de trois mois. La transmission à des pays tiers ou tierces parties est interdite.

En matière de relations avec les pays tiers, Frontex peut financer et mettre en œuvre des projets d’assistance technique dans ces pays, afin de faciliter la coopération opérationnelle entre les États membres et ces pays tiers, et dans le cadre de la politique de l’Union en termes de relations extérieures, y compris en ce qui concerne les droits de l’Homme (article 14). L’agence peut conclure des accords de travail qui ont uniquement trait à la coopération opérationnelle.

L’agence peut déployer ses officiers de liaison dans ces pays, uniquement si lesdits pays respectent « des normes minimales de protection des droits de l’homme », ce qui est un critère flou (35). Ces officiers sont déployés en priorité dans les pays de transit et d’origine (36). Le déploiement est approuvé par le conseil d’administration. L’agence peut également inviter des observateurs de pays tiers à participer à ses activités, avec l’accord des États membres concernés.

Interrogé à ce sujet lors de l’audition du 18 novembre 2014 précitée, le directeur exécutif de Frontex a indiqué :

« La coopération avec les pays tiers dépend des régions considérées. Frontex a signé un protocole d’accord de coopération avec la Turquie, mais l’honnêteté me commande de dire que les tensions politiques persistantes entre Turcs et Grecs nuisent parfois à une coopération que l’on souhaiterait plus étroite entre la Turquie et l’Union européenne. Bref, des progrès existent mais, pour l’instant, ils sont encore limités. J’ai bon espoir que, lentement mais sûrement, la situation s’améliorera.

Aucun accord n’est malheureusement signé à ce jour avec les pays du Maghreb ni avec l’Egypte. Nous avons mandat de notre Conseil d’administration pour négocier, mais nos efforts n’aboutissent pas, faute que nous puissions offrir à nos interlocuteurs un partenariat attractif car nous ne sommes pas en mesure de leur proposer une assistance financière. Nous ne pouvons faire don aux gouvernements concernés de vaisseaux et de véhicules ; ils préfèreront donc conclure des accords bilatéraux avec les États membres plutôt qu’avec un petit organisme comme Frontex, doté de faibles moyens.

Le nouveau mandat confié à Frontex en 2011 a permis à l’Agence de lancer des projets d’assistance technique avec le Maroc et la Tunisie ; ce sont, pour l’essentiel, des programmes de formation. Nous avons aussi mis au point un projet d’assistance technique aux pays d’Europe de l’Est. Le budget consacré à ces missions est de 4,5 millions d’euros pour trois ans. J’espère que nous pourrons mettre au point d’autres activités qui auront des résultats un peu plus tangibles pour les pays tiers. Cela rendra Frontex plus séduisant à leurs yeux et nous permettra, à terme, de signer de nouveaux accords.

Quoi qu’il en soit, des accords bilatéraux, formels et informels, existent entre les pays situés sur les rives de la Méditerranée et Frontex participe à leur mise en œuvre. La France a ainsi signé un accord avec la Tunisie, l’Espagne avec le Maroc et avec la Mauritanie. C’est dans le seul cadre de la coopération bilatérale que Frontex travaille avec les États membres. »

B. LA PARTICIPATION FRANÇAISE AUX ACTIVITÉS OPÉRATIONNELLES

En 2013, la direction centrale de la police aux frontières a participé à 73 actions de coopération bilatérale, qui consistent notamment en l’envoi d’experts pour des missions à l’étranger (missions, formations, audits) ou en l’accueil de policiers étrangers dans les services français. En 2013, 31 actions se sont ainsi déroulées en France et 42 à l’étranger. Au premier semestre 2014, 21 actions ont été réalisées, parmi lesquelles dix en France et onze à l’étranger. La direction centrale de la police aux frontières entretient notamment, selon les informations transmises aux rapporteurs, des relations régulières et donnant de bons résultats avec son homologue espagnol (le Commissariat général des étrangers et des frontières), par le biais d’échanges croisés d’experts, quatre fois par an, sur une durée de trois semaines. Les représentants espagnols assistent les fonctionnaires français à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle lors de l’arrivée des vols en provenance d’Amérique latine et d’Amérique centrale et les fonctionnaires français assistent leurs homologues espagnols dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla au Maroc.

Par ailleurs, en 2013, 59 experts de la direction centrale de la police aux frontières ont été déployés par la France à la demande de Frontex dans le cadre des opérations coordonnées par l’agence. Ces agents appartiennent au vivier des équipes européennes de gardes-frontières et exercent des missions en fonction des profils qui leur sont attribués. Les participations aux opérations de 2013 se sont réparties de la manière suivante :

- secteur terrestre : les experts ont été déployés par la direction centrale de la police aux frontières, notamment dans le cadre de l’opération « focal points » sur certains tronçons des frontières bulgares, croates, romaines, polonaises, puis grecques, dans le cadre de l’opération « Poséidon » sur la frontière bulgare, dans le cadre de l’opération « Coordination points » en Croatie et en Albanie ou dans le cadre de l’opération « Attica » en Bulgarie ;

- secteur aérien : les experts de la direction centrale de la police aux frontières ont été déployés dans les aéroports européens dans le cadre des opérations « Focal points Air », « Flexi-Force Mizar » et « Meteor ». En outre, les aéroports de Roissy-Charles de Gaulle et d’Orly ont accueilli des fonctionnaires de plusieurs États membres sur l’année 2013 ;

- secteur maritime : les experts de la direction centrale de la police aux frontières ont été déployés dans le cadre des opérations « Aeneas » et « Hermes » en Méditerranée centrale, « Indalo » et « Minerva » en Méditerranée occidentale, « Poséidon » en Méditerranée orientale et « Focal Points sea » aux points de passages frontaliers de 6 États membres. Un navire de patrouille maritime de la marine nationale a été déployé dans le cadre de l’opération  « Indalo ».

Il convient à cet égard de souligner que les moyens hauturiers proposés par la Marine nationale française, qui permettent de patrouiller au-delà des zones couvertes par les systèmes de surveillance côtiers, sont rarement mobilisés par Frontex car c’est à l’agence qu’il revient de rembourser le coût des heures de mer et de vol consacrées aux missions. La relative faiblesse du budget opérationnel de l’agence l’incite plutôt à se tourner vers les États proposant de petits moyens côtiers, moins onéreux et sortant à la journée, mais ne disposant pas des capacités de navires conçus pour la haute-mer. Ainsi, en 2011 et 2012, aucun moyen de la marine française n’avait été retenu. En 2014 cependant, le patrouilleur de haute-mer français sera de nouveau déployé.

Par ailleurs, un aéronef des douanes a été déployé en Italie dans le cadre de l’opération Aeneas.

La France a également participé à plusieurs opérations de retour conjointes.

À la suite des négociations annuelles, la France a proposé le déploiement de 83 experts dans le cadre des opérations de 2014. Au 1er juillet 2014, 51 fonctionnaires du vivier des équipes européennes de gardes-frontières avaient vu leur déploiement validé :

- secteur terrestre : les fonctionnaires sont déployés dans le cadre de cinq opérations : « Poséidon » à la frontière bulgaro turque, « Coordination points », « Attica » en Bulgarie ainsi que dans les îles grecques Samos et Lesvos, « Focal points » et « Flexible operational activities » dans les Balkans occidentaux ;

- secteur aérien : les déploiements se déroulent dans le cadre des opérations « Focal points », « Alexis » et « Pegasus » ;

- secteur maritime : les experts français participeront aux opérations « Focal points Sea », « Indalo » et « Minerva » en Espagne, « Aeneas » et « Hermès » en Italie et « Poseidon sea » en Grèce.

C. LE RESPECT DES DROITS FONDAMENTAUX DANS LE CADRE DES OPÉRATIONS COORDONNÉES PAR FRONTEX

La question du non-respect des droits fondamentaux des migrants, au premier rang desquels le droit au non refoulement des demandeurs d’asile, qui constituent une part importante des migrants traversant la Méditerranée, dans le cadre des opérations coordonnées par Frontex, a été soulevée par de nombreuses associations de la société civile.

Dans le cadre d’une campagne intitulée « Frontexit », 21 associations (37) dénoncent les atteintes aux droits fondamentaux des migrants (refoulement, souvent vers les côtes turques, non accès à la demande d’asile (38), violences physiques et verbales) ainsi que le défaut de responsabilité de l’agence, qui, en poursuivant ses actions de coopération à cette frontière, se rendrait complice des actes commis, bien qu’il soit très difficile de mettre en cause la responsabilité de l’agence dans les opérations dont elle assure la coordination et dont elle élabore le plan opérationnel conjointement avec l’État hôte.

S’agissant du respect des droits fondamentaux, il convient de relever que, depuis le 1er décembre 2009, avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne est devenue juridiquement contraignante.

Le nouveau 1 bis de l’article premier du règlement Frontex , tel que modifié par le règlement de 2011, rappelle que « nul n'est débarqué dans un pays ni livré aux autorités de celui-ci en violation du principe de non-refoulement ou s'il existe un risque d'expulsion ou de renvoi vers un autre pays en violation de ce principe. Il est tenu compte des besoins spécifiques des enfants, des victimes de la traite des êtres humains, des personnes nécessitant une assistance médicale, des personnes nécessitant une protection internationale et d'autres groupes de personnes vulnérables, conformément au droit de l'Union et au droit international. »

Le nouvel article 2 bis du règlement Frontex dispose que l’agence développe un code de conduite applicable à toutes les opérations qu’elle coordonne, dont l’objectif est de garantir le respect des principes de l’état de droit et les droits fondamentaux, en accordant une attention particulière aux mineurs non accompagnés, personnes vulnérables et demandeurs d’asile. Ce code de conduite est élaboré en concertation avec le forum consultatif.

Le directeur exécutif a le pouvoir de suspendre ou de mettre un terme aux opérations conjointes et projets pilotes s’il estime que des violations graves ou persistantes des droits fondamentaux ou des obligations en matière de protection internationale surviennent au cours d’une opération conjointe ou d’un projet pilote (article 3). Il n’a à ce jour pas utilisé cette faculté.

L’État membre d’origine doit également prévoir des mesures disciplinaires ou d’autres mesures appropriées conformément à son droit national en cas de violation des droits fondamentaux ou des obligations en matière de protection internationale.

L’article 3 ter, point 4, relatif à la composition et au déploiement des équipes européennes de gardes-frontières dispose que « les membres des équipes européennes de gardes-frontières respectent pleinement les droits fondamentaux, y compris l'accès aux procédures d'asile, et la dignité humaine dans l'accomplissement de leurs tâches et l'exercice de leurs compétences. » Ils doivent notamment s’abstenir de toute discrimination.

En matière de retour, l’agence doit élaborer un code de conduite pour le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (nouvel article 9, 1 bis). Le code de conduite tient compte en particulier de l'obligation de prévoir un système efficace de contrôle du retour forcé qui figure à l'article 8, paragraphe 6, de la directive 2008/115/CE et de la stratégie en matière de droits fondamentaux visée à l'article 26 bis, paragraphe 1, du règlement Frontex. « Le contrôle des opérations de retour conjointes devrait être effectué sur la base de critères objectifs et transparents et couvrir l'ensemble de l'opération de retour conjointe, depuis la phase précédant le départ jusqu'à la remise des personnes renvoyées dans le pays de retour », dispose l’article 9, 1 ter, du règlement Frontex.

L’agence conçoit et met en œuvre sa stratégie en matière de droits fondamentaux (article 26 bis nouveau) et doit mettre en place un mécanisme pour contrôler le respect des droits fondamentaux dans ses activités.

Le conseil d’administration doit également désigner un officier aux droits fondamentaux (3 de l’article 26 bis), indépendant dans l’accomplissement de ses fonctions et rendant directement compte au conseil d’administration et au forum consultatif. Mme Immaculada Arnaez occupe ces fonctions.

« Un forum consultatif est créé par l'Agence pour assister le directeur exécutif et le conseil d'administration dans les matières concernant les droits fondamentaux. L'Agence invite le Bureau européen d'appui en matière d'asile, l'Agence des droits fondamentaux, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et d'autres organisations concernées à participer au forum consultatif  (39) » (article 26 bis). Le forum regroupe deux agences de l’Union, quatre agences des Nations unies et organisations intergouvernementales ainsi que neuf organisations de la société civile.

L’officier aux droits fondamentaux et le forum consultatif ont accès à toutes les informations concernant le respect des droits fondamentaux en rapport avec toutes les activités de l’agence.

L’agence européenne des droits fondamentaux a, dans son rapport Fundamental rights at Europe’s southern sea borders, paru en 2013, tout en soulignant l’attention certaine portée au respect des droits fondamentaux depuis 2011, souligné que plusieurs points devaient encore être améliorés (les rapports d’évaluation des opérations coordonnées par Frontex devraient traiter de la question des droits fondamentaux ; les plans opérationnels devraient comprendre des consignes très claires pour les opérations de « debriefing » – qui consistent à s’entretenir avec les personnes pour collecter des informations sur les routes empruntées et les passeurs, le rôle que doit prendre le bureau européen d’appui en matière d’asile étant souligné ; les agents invités devraient être formés aux questions de droits fondamentaux ; des kits d’urgence devraient être disponibles sur les bateaux conformément aux objectifs des opérations).

Le premier rapport rendu par le forum consultatif de Frontex est paru le 29 juillet 2014 et porte sur ses activités de 2013. Le forum souligne la qualité de la coopération avec l’officier des droits fondamentaux. Il rappelle que l’enquête lancée par le médiateur européen sur Frontex souligne l’intérêt du public pour cette question.

Selon le forum, le respect des droits fondamentaux devrait être une priorité du programme de travail de l’agence, ce qui n’est pas encore le cas. La mise en œuvre d’Eurosur devrait pour Frontex avoir pour objectif direct de sauver des vies, étant un objectif explicite du règlement Eurosur.

Selon le forum, des contrôleurs indépendants devraient être présents lors de tous les vols de retour conjoints coordonnés par Frontex.

Les analyses de risque réalisées par l’agence, qui doivent dresser un tableau de la situation aux frontières extérieures de l’Union, ne tiennent pas suffisamment compte, selon le forum, de la situation des droits fondamentaux dans les pays de transit, ni des situations politiques critiques dans les pays d’origine et de transit qui génèrent de nouveaux flux migratoires. S’agissant des procédures de « débriefing », qui reposent sur le volontariat des migrants et visent à acquérir des connaissances sur les raisons des migrations, des renseignements sur les pays d’origine, les routes empruntées et les modes d’action des passeurs, et ne permettent l’enregistrement d’aucune donnée personnalisée sur les migrants interrogés, ni sur leur nationalité ou leur genre, le forum a soulevé plusieurs interrogations (tenant notamment à l’identification, dans ce cadre, des situations de violation des droits fondamentaux et, le cas échéant, à leur suivi pour l’établissement du besoin de protection des migrants). Le forum estime que les garanties apportées aux migrants acceptant de procéder à un « debriefing » devraient être renforcées, s’agissant de l’attention portée aux situations de grande vulnérabilité, de la protection contre les risques de représailles et du nombre des entretiens.

Le forum émet également des recommandations pour améliorer les critères de sélection des gardes-frontières appartenant aux équipes communes européennes de gardes-frontières, mieux centrer les formations reçues sur la réalité, souvent dramatique, du terrain dans le cadre des opérations menées notamment en mer, et assurer qu’un délai restreint ne puisse pas être dépassé entre une formation et la participation à une opération.

1. Quelle est la responsabilité de Frontex en cas de violation des droits fondamentaux ? L’enquête du médiateur européen

L’enquête initiée par le médiateur européen, M. Nikiforos Diamandouros, en mars 2012, à sa propre initiative (enquête d’initiative OI/5/2012/BEH-MHZ), visait à déterminer comment Frontex met en œuvre l’article 26 (1) du règlement Frontex, selon lequel « l’agence conçoit, développe et met en œuvre sa stratégie en matière de droits fondamentaux. Elle met en place un mécanisme efficace pour contrôler le respect des droits fondamentaux dans toutes ses activités. »

Le 9 avril 2013, le médiateur a rendu un premier projet de recommandation, avant de clore l’enquête le 12 novembre 2013, soulignant une satisfaction globale s’agissant des efforts de Frontex pour se conformer à 12 des 18 points d’action recommandés. Il a estimé que Frontex avait accompli des progrès raisonnables.

Cependant, si Frontex a répondu positivement aux recommandations du médiateur concernant sa stratégie en matière de droits fondamentaux, son plan d’action, ses codes de conduite, la conclusion et la suspension des opérations ainsi que le forum consultatif, l’agence n’a pas appliqué la recommandation du médiateur selon laquelle le responsable des droits fondamentaux devrait traiter les plaintes concernant des violations des droits fondamentaux dans l’ensemble des activités de Frontex, qui seraient présentées par des personnes individuellement concernées par lesdites violations ainsi que dans l’intérêt général. Le médiateur a en effet constaté que Frontex ne dispose pas d’un mécanisme lui permettant de faire face à des incidents individuels de violation des droits fondamentaux qui auraient été commis dans le cadre des opérations qu’il coordonne.

Frontex a souligné, dans le cadre de sa procédure interne (décision du directeur exécutif du 19 juillet 2012), les obligations de notification de violation des droits fondamentaux incombant à tous les participants aux opérations et les possibilités de notification dont disposent les tiers. L’agence s’est engagée à traiter toute plainte et à y accorder toute l’attention requise. Frontex analyse les faits rapportés, communique le rapport d’incident aux autorités de l’État membre concerné et demande à ce qu’une enquête soit menée. Toutefois, l’agence ne dispose d’aucune autorité pour mettre en œuvre elle-même des poursuites ni statuer sur des cas individuels, l’examen de ces-derniers relevant de la compétence des États membres.

En cas de violation, Frontex a indiqué qu’elle pourrait « envoyer des lettres de préoccupation ou des lettres d’avertissement aux États membres concernés, examiner la question au sein du conseil d’administration ou informer la Commission, retirer ou réduire le soutien financier, prendre des mesures disciplinaires et suspendre ou résilier des opérations, la résiliation étant une mesure de dernier ressort ». La complexité des opérations impliquant des enjeux à la fois politiques et opérationnels a été soulignée, la suspension d’une opération n’apparaissant pas nécessairement comme le bon outil selon Frontex.

Frontex a rappelé que les incidents individuels sont de la responsabilité de l’État membre sur le territoire duquel s’est produit l’incident. L’officier des droits fondamentaux n’a pas de compétence, en application du règlement Frontex révisé en 2011 (article 26 bis), pour résoudre des plaintes externes et individuelles et seuls quelques membres de son personnel sont présents lors des activités opérationnelles (40).

Frontex a rappelé, dans sa réponse à la recommandation, que l’agence dispose depuis la révision de 2011 de nouveaux instruments pour réagir à une atteinte aux droits fondamentaux (notamment par le biais de la présence de l’officier de coordination déployé durant les opérations communes), Frontex étant à même d’exprimer ses positions sur les instructions données aux membres des équipes européennes communes de gardes-frontières par les autorités de l’État membre hôte, si ces instructions dépassent le cadre défini par le plan opérationnel et sont perçues comme une violation des droits fondamentaux. Par ailleurs, les dispositions de l’article 3, 1 bis du règlement Frontex révisé ont été rappelées (41).

La médiatrice européenne, Mme Emily O'Reilly, ayant pris la succession de M. Nikiforos Diamandouros, estime que les obligations de notification des violations des droits fondamentaux sont insuffisantes. Il est selon elle nécessaire « de prévoir un véritable mécanisme de dépôt de plainte ouvert à toutes les personnes concernées, notamment celles qui participent aux opérations et qui ont une obligation de notification conformément aux règles de l’UE ou aux règles nationales, celles qui sont directement touchées par les violations et celles qui en ont connaissance et souhaitent se plaindre dans l’intérêt public (journalistes, ONG, etc.).  (42) » Il existe des raisons valables pour que l’officier des droits fondamentaux envisage de traiter des plaintes individuelles portant sur les violations des droits fondamentaux (43) .

Rappel du régime de responsabilité des agents invités

Depuis la révision du règlement Frontex par le règlement (CE) 863/2007 (44), les agents invités ne peuvent accomplir des tâches et exercer des compétences que sur l’instruction et, en règle générale, en présence de gardes-frontières de l’État membre hôte (article 10.3). Ils portent leur propre uniforme et un brassard bleu (insignes de l’Union et de l’agence) les identifie comme participant à une opération conjointe ou à un projet pilote.

« Dans l'accomplissement de leurs tâches et dans l'exercice de leurs compétences, les agents invités sont tenus de se conformer au droit de l'Union et au droit international, et de respecter les droits fondamentaux et la législation nationale de l'État membre hôte » (article 10 point 2).

S’agissant du port d’armes de service, l’article 10.5 du règlement dispose que dans l’accomplissement de leurs tâches et l’exercice de leurs compétences, les agents invités peuvent porter leurs armes de service, des munitions et des équipements autorisés selon la législation de l’État d’origine. Cependant, l’État membre hôte d’une opération peut interdire le port de certaines armes, munitions et équipements, si sa propre législation applique les mêmes interdictions à ses propres gardes-frontières. Les agents invités peuvent être autorisés à utiliser la force (article 10.6), avec le consentement de l’État membre d’origine et de l’État membre hôte, en présence de gardes-frontières de l’État hôte et dans le respect de sa législation.

Les armes, munitions et équipements peuvent être utilisés à des fins d’autodéfense et de légitime défense des agents invités ou d’autres personnes conformément à la législation de l’État membre hôte (article 10.7).

L’État membre hôte est réputé, au plan de la responsabilité civile, responsable de tous les dommages causés par les agents invités, conformément à sa législation nationale. En cas de négligence grave ou de faute volontaire, l’État membre hôte peut prendre attache avec l’État d’origine de l’agent pour qu’il le rembourse des sommes versées aux victimes (article 10 ter).

Les agents invités sont traités de la même manière que les agents de l’État membre hôte en ce qui concerne les infractions pénales dont ils pourraient être victimes ou qu’ils pourraient commettre (article 10 quater).

Les agents invités et ceux de l’État membre hôte sont également soumis aux codes de conduite définis par Frontex : code de conduite pour tous les participants aux activités coordonnées par Frontex (mars 2011), code de conduite pour le personnel de Frontex (novembre 2012), code de conduite pour les opérations de retour conjointes (octobre 2013) et qui relèvent d’un « droit mou ». Toutefois, l’agence a souligné dans sa réponse à la médiatrice européenne que, par le passé, des violations au code de conduite ont eu des conséquences immédiates (mesures disciplinaires prises par les autorités nationales ou renvoi), démontrant son utilité.

En conclusion, le régime des responsabilités est, au moins au plan théorique, établi. Toutefois, les rapporteurs soulignent que les associations entendues (la CIMADE, France terre d’asile et Amnesty international) ont estimé qu’il y avait un réel problème juridique du fait de l’absence de responsabilité de Frontex dans des opérations que l’agence met entièrement sur pied (certes avec les autorités de l’État membre hôte). Le plan opérationnel est établi par le directeur exécutif de l’agence Frontex et l’État membre hôte, en concertation avec les États membres participants. En outre, c’est l’État membre hôte qui fournit les instructions aux équipes européennes de gardes-frontières lors de leur déploiement, conformément toutefois au plan opérationnel.

Les rapporteurs estiment que la complexité du partage des responsabilités devrait être soulignée.

Cette question de la responsabilité reflète l’entre deux peu satisfaisant dans lequel se trouve Frontex aujourd’hui, les États membres n’agissant plus seuls mais aucun corps européen de gardes-frontières n’ayant été mis sur pied. Selon les rapporteurs, l’Union devrait progresser dans la mise en œuvre commune des contrôles aux frontières et l’objectif d’un corps européen de gardes-frontières ne devrait pas être perdu de vue.

Toutefois, cette idée maintenant relativement ancienne ne semble pas devoir aboutir à brève échéance, comme le rappelait le directeur exécutif de Frontex lors de son audition du 18 novembre 2014, interrogé par le rapporteur :

« Vous m’avez interrogé sur l’évolution possible des missions de l’Agence. Pour l’instant, Frontex a un rôle de coordinateur, mais la Commission européenne, dans le cadre d’une évaluation de l’Agence dont nous pensons qu’elle sera terminée en 2015, conduit une étude de faisabilité relative à la création d’un corps de gardes-frontières européens. On peut certes envisager une police des frontières européenne, mais je me dois de vous dire mon scepticisme. Le sujet figure à l’ordre du jour de bon nombre de réunions de l’Union européenne depuis des années. Travaillant alors pour le gouvernement espagnol, j’ai ainsi participé à une réunion organisée à Paris, M. Nicolas Sarkozy étant ministre de l’intérieur. À cette époque déjà, il avait été proposé de créer une police des frontières européenne ; les pays de l’Est de l’Europe avaient refusé cette proposition, peu favorables, pour les raisons historiques que chacun a à l’esprit, à l’idée que des gardes-frontières d’autres pays surveillent leurs frontières. Le projet a donc été enterré et, à titre personnel, je crains que son exhumation ne soit improbable.

L’audit en cours donnera lieu à des recommandations et à des modifications du mandat de Frontex qui conduiront sans doute à lui confier de nouvelles tâches, comme ce fut le cas en 2011. Lorsque M. Dimitris Avramopoulos, en passe de devenir le nouveau commissaire aux affaires intérieures de l’Union, a présenté son projet au Parlement européen, il a dit que « Frontex devrait devenir un organisme chargé à la fois de sauver des vies et de protéger les frontières ». Il nous rendra visite sous peu, et je lui demanderai de bien vouloir préciser son propos car, étant donné la période d’austérité que nous connaissons, je ne vois pas comment l’on pourrait surmonter les obstacles qui s’opposent à l’élargissement des activités de Frontex. Toute extension de son mandat supposerait évidemment d’augmenter son personnel et ses ressources, alors que la tendance est aux coupes budgétaires. La Commission européenne peut faire des propositions, mais c’est aux États membres et au Parlement européen qu’il reviendra de les avaliser ».

Un certain pessimisme sur cette perspective a également été souligné lors des entretiens menés par les rapporteurs lors de leur déplacement à Bruxelles auprès des instances communautaires et françaises.

2. Le droit applicable en mer et les opérations de recherche et de sauvetage

Il convient de souligner le principe de la liberté des mers. Un voyageur étranger par voie de mer bénéficie du « droit de passage inoffensif », consacré par le droit international de la mer, qui prévaut dans les eaux territoriales, et qui permet aux nationaux de tous pays de voyager le long des côtes librement. Le passage ne doit pas cependant porter atteinte à la paix, au bon ordre et à la sécurité de l’État. Tant qu’ils n’ont pas manifesté la volonté de rejoindre un port ou un point du littoral, aucune obligation déclarative quant aux passagers ou équipages ne s’impose dans les eaux territoriales françaises.

S’agissant de la France au sein de l’espace Schengen, la problématique des arrivées de migrants par voie de mer est sans commune mesure avec le phénomène existant en Méditerranée centrale ou orientale (45).

En ce qui concerne le respect des droits des migrants en mer, un nouveau règlement a été adopté le 15 mai 2014 établissant des règles pour la surveillance des frontières maritimes extérieures dans le cadre de la coopération opérationnelle coordonnée par Frontex (46).

Le règlement vise à prévoir à l’intention des États membres des règles claires, actualisées et contraignantes à appliquer dans le cadre de la surveillance des frontières maritimes extérieures coordonnée par Frontex.

Le règlement est l’une des mesures prévue par la task force Méditerranée. Le règlement traite de :

- la détection des tentatives de franchissement irrégulier des frontières ;

- l’interception des navires soupçonnés d’essayer d’entrer dans l’Union sans se soumettre aux vérifications aux frontières ;

- les dispositifs visant à faire face aux opérations de recherche et de sauvetage en mer.

Il rappelle l’obligation de formation des agents participants dans le domaine des droits fondamentaux.

Ce règlement remplace la décision 2010/252/UE du Conseil qui avait été adoptée en tant que mesure d’exécution pour compléter le code frontières Schengen mais avait été annulée par la CJUE, suite à un recours du Parlement européen, la cour ayant estimé, dans son arrêt du 5 septembre 2012 (affaire C-355/10), que la décision contenait des mesures essentielles excédant le cadre de simples mesures d’exécution. Seul le législateur de l’Union était fondé à adopter de telles mesures.

Le règlement rappelle l’ensemble des règles de droit international applicables que les États membres doivent respecter, s’agissant notamment du droit de la mer et du droit d’asile, ainsi que les obligations européennes applicables en ce qui concerne notamment le respect des droits fondamentaux des migrants.

Le règlement fixe les règles de coordination entre l’État membre d’accueil, qui est l’État membre dans lequel se déroule une opération en mer ou à partir duquel une telle opération est lancée, le « centre de coordination international », qui est la structure de coordination établie dans l’État membre d’accueil en vue de la coordination d’une opération en mer, le centre national de coordination , qui est la structure établie aux fins du règlement Eurosur, ou encore le « centre de coordination du sauvetage », qui est un centre chargé de favoriser une organisation efficace des services de recherche et de sauvetage et de coordonner la conduite des opérations de recherche et de sauvetage, tel qu’il est défini dans la convention internationale sur la recherche et le sauvetage maritimes.

L’article 4 traite de la protection des droits fondamentaux et du principe du non-refoulement. Ainsi, « lorsqu’il envisage la possibilité d’un débarquement dans un pays tiers, dans le cadre de la planification d’une opération en mer, l’État membre d’accueil, en coordination avec les États membres participants et l’Agence, tient compte de la situation générale dans ce pays tiers.

L’évaluation de la situation générale dans un pays tiers s’appuie sur des informations provenant d’un large éventail de sources, qui peuvent comprendre d’autres États membres, des organes et organismes de l’Union, et les organisations internationales compétentes, et elle peut tenir compte de l’existence d’accords et de projets en matière de migration et d’asile mis en œuvre conformément au droit de l’Union et par l’intermédiaire des fonds de l’Union. Cette évaluation fait partie du plan opérationnel, est transmise aux unités participantes et est actualisée si nécessaire. »

Les personnes interceptées ou secourues ne sont pas débarquées, forcées à entrer, conduites dans un pays tiers ou autrement remises aux autorités d’un pays tiers, lorsque l’État membre d’accueil ou les États membres participants savent ou sont censés savoir que ce pays tiers se livre à des pratiques telles que la torture, la persécution, d’autres peines ou traitements inhumains ou dégradants, la discrimination, ou dans lequel existe un risque sérieux d’éloignement vers un autre pays en violation du principe de non-refoulement.

Pendant une opération en mer, les unités participantes utilisent tous les moyens pour identifier les personnes interceptées ou secourues, évaluer leur situation personnelle, les informer de leur destination sous une forme que ces personnes comprennent et leur offrir la possibilité d’expliquer les raisons pour lesquelles un débarquement dans le lieu proposé serait contraire au principe de non-refoulement .

L’article 5 traite de la détection d’un navire soupçonné de transporter des personnes se soustrayant ou ayant l’intention de se soustraire aux vérifications à des points de passage frontaliers ou de se livrer à un trafic illicite de migrants par mer. Il détaille les informations à transmettre.

S’agissant d’une interception en mer territoriale, c’est l’État membre d’accueil ou l’État membre participant voisin dans la mer duquel est situé le navire, qui autorise les unités participant à l’opération à prendre des mesures « lorsqu’il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu’un navire pourrait transporter des personnes ayant l’intention de se soustraire aux vérifications à des points de passage frontaliers ou qu’il se livre à un trafic illicite de migrants par mer ». Le navire peut notamment être arraisonné et fouillé, puis saisi, dérouté ou conduit vers l’État membre côtier (qui est un État membre dans la mer territoriale ou dans la zone contiguë duquel une interception a lieu).

Les règles d’interception en haute mer sont différentes (article 8). Les unités participant à l’opération coordonnée par Frontex doivent être autorisées à prendre des mesures par l’État du pavillon du navire intercepté. Le navire peut être arraisonné et fouillé, les personnes à bord interrogées et, si les soupçons sur le trafic de migrants sont confirmés, le navire peut être saisi, il peut lui être ordonné de ne pas pénétrer dans la mer territoriale ou la zone contiguë. Le navire ou ses occupants peuvent être conduits dans un pays tiers, vers l’État membre d’accueil ou vers un État membre voisin participant à l’opération. Dans le cas d’un navire sans nationalité, après vérification, les mesures appropriées peuvent être prises conformément au droit national et international.

Dans la zone contiguë à la mer territoriale d’un État membre, les mesures prévues en cas d’interception dans les eaux territoriales visent à empêcher la violation de lois et règlements pertinents dans la mer territoriale de cet État. Toutefois, si l’État ne participe pas à l’opération, il doit autoriser la prise de ces mesures.

Les situations de recherche et de sauvetage sont définies à l’article 9. En vertu d’une tradition maritime ancestrale et du droit international de la mer (convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, article 98, et convention internationale pour la sauvegarde de la vie en mer de 1974, règle 33), le capitaine d’un navire a le devoir de prêter assistance à toute personne se trouvant en situation de détresse en mer. Les obligations de porter assistance à tout navire ou toute personne en mer, indépendamment du statut ou de la nationalité de la personne, ainsi que des circonstances dans lesquelles elle est trouvée, sont rappelées par l’article 9. Le plan opérationnel de l’opération doit prévoir des dispositions définies afin de gérer les situations de recherche et de sauvetage qui peuvent survenir. Les phases d’incertitude, d’alerte et de détresse sont définies, conformément aux dispositions pertinentes du droit international. Toutes les observations pertinentes afin d’évaluer si un navire est dans une phase d’incertitude, d’alerte ou de détresse sont transmises au centre de coordination du sauvetage compétent.

En Méditerranée, deux centres existent, l’un à Rome et le l’autre à Malte.

L’article 10 traite du débarquement (en cas d’interception en haute mer, celui-ci peut avoir lieu dans le pays tiers que le navire est présumé avoir quitté et, si cela est impossible, dans l’État membre d’accueil. En situation de recherche et de sauvetage, les États coopèrent avec le centre de coordination du sauvetage compétent pour trouver un lieu sûr). Le lieu sûr est « un endroit où des opérations de sauvetage sont réputées être achevées et où la sauvegarde de la vie des rescapés n’est pas mise en péril, où leurs besoins humains fondamentaux peuvent être satisfaits et à partir duquel des dispositions peuvent être prises pour le transport des rescapés jusqu’à leur destination suivante ou finale, en tenant compte de la protection de leurs droits fondamentaux dans le respect du principe de non-refoulement ».

Les autorités françaises avaient estimé, au cours des négociations relatives à ce règlement, que l’Union ne devait pas se trouver dotée de compétences de sauvetage en mer mais que ces compétences devaient demeurer du ressort des États membres.

Interrogé par les rapporteurs en juillet 2014, le Vice-Amiral Frédéric Jubelin, sous-chef d’état-major opérations à l’état-major de la Marine nationale, a souligné que plusieurs questions peuvent se poser, notamment :

- les conditions d’évaluation des pays tiers de départ de migrants au regard du respect des droits fondamentaux (article 4) n’apparaissent pas suffisamment claires, notamment en cas d’évaluations divergentes. Toutefois, aujourd’hui, les plans des opérations conjointes Triton et Indalo sont sans ambigüité s’agissant des ports de débarquement ;

- il peut exister des divergences entre les instructions du centre de coordination du sauvetage compétent et l’évaluation des conditions sécuritaires et humanitaires offertes par un État tiers. « Le principe de la priorité à la sauvegarde de la vie humaine en mer peut conduire à privilégier le port le plus sûr au sens de la convention sur la recherche et le sauvetage en mer (prise en compte de la route du navire, de son état, de la météo…), qui n’est pas forcément celui qui était envisagé par le plan d’opération ».

En France, le guide d’exécution des missions de recueil des migrants en mer, mis à jour le 30 mars 2010, définit les principes et modalités de préparation et d’exécution des opérations de recueil des migrants en mer, que toute unité peut être amenée à effectuer sous faibles préavis, au-delà des opérations coordonnées par Frontex.

3. Le respect des droits fondamentaux dans le cadre des opérations de retour conjointes

Le code de conduite de Frontex pour les opérations de retour conjointes coordonnées par Frontex, entré en vigueur le 8 octobre 2013, vise à établir des procédures standardisées communes pour l’organisation de vols de retour conjoints et assurer que le retour se déroule de façon humaine et dans le plein respect des droits fondamentaux.

En 2013, les opérations de retour coordonnées par Frontex ont conduit au retour de 2 159 personnes dans leur pays d’origine. Les États membres effectuent directement un nombre plus élevé de retours (en 2012, sur les 153 vols de retour affrétés par l’Espagne, seuls 6 vols ont été coordonnées par Frontex ; en 2013, la France a participé à 19 vols groupés européens en 2013 et a organisé 62 vols nationaux).

Le code de conduite est considéré comme une avancée positive par le forum consultatif dans son premier rapport d’activité, en ce qu’il prévoit notamment de permettre aux personnes de déposer une plainte. Toutefois, le code de conduite n’est pas suffisamment précis selon le forum consultatif. Le code n’est pas clair sur la personne à laquelle adresser la plainte, ni sur comment procéder, ni sur l’autorité qui traitera la plainte et de quelle manière (47). L’article 13 (2) du code de conduite prévoit que les États membres participant doivent avoir mis en place un système de surveillance des opérations de retour forcé, conformément à l’article 8 de la directive retour. L’identification des personnes qui contrôlent les vols de retour n’est pas exigée alors que cela serait un prérequis pour rendre compte de la manière dont les vols se déroulent. Les règles de rapport par les contrôleurs indépendants accompagnant un vol de retour sont laissées à l’appréciation des États membres dont sont issus les observateurs. Le forum regrette enfin que des certificats d’aptitude au voyage ne soient pas exigés pour toutes les personnes renvoyées dans leur État.

Tout usage de la force (article 6 du code de conduite) devrait être strictement nécessité par les circonstances, sur une personne refusant ou résistant au retour, ou en réponse à un risque sérieux et immédiat que la personne ne s’échappe, qu’elle ne cause des blessures à elle-même ou à un tiers ou ne cause un dommage à la propriété. Tout usage de la force doit être proportionné, ne pas excéder la force raisonnable et dans le respect des droits de la personne, de sa dignité et de son intégrité physique.

En 2011, l’agence Frontex a coordonné 39 opérations, au cours desquelles 2 059 personnes ont été renvoyées (les observateurs étaient présents à bord pour 23 opérations). En 2012, l’agence a coordonné 38 opérations, au cours desquelles 2 110 personnes ont été renvoyées (les observateurs étaient présents à bord pour 23 opérations). En 2013, l’agence a coordonné 39 opérations, au cours desquelles 937 personnes ont été renvoyées (les observateurs étaient présents à bord pour 20 opérations). Sur l’année 2013 (39 opérations de retour conjointes), un contrôleur indépendant était donc présent pour 48,7 % des vols, un système de contrôle effectif était assuré pour 35,9 % des vols (sans présence à bord) et aucun système de contrôle n’était prévu pour 15 ,4 % des vols, selon les chiffres fournis par Frontex.

Selon l’agence des droits fondamentaux (rapport annuel 2013), la France fait partie des cinq États membres qui n’auraient pas mis en place de système de surveillance des opérations de retour (48). Sur les 19 États membres qui ont mis en place un système de contrôle du retour, seuls 11 avaient envoyé, occasionnellement ou systématiquement, des contrôleurs à bord des vols. Le rapport souligne toutefois que, comme le permet le code de conduite, l’État membre organisateur peut inviter des observateurs d’autres États membres à contrôler le retour pour son compte, la France ayant eu recours à cette possibilité.

La Commission européenne a également soulevé ce point dans sa communication sur la politique de l’union en matière de retour (COM (2014) 199 final). La Commission européenne estime que la présence d’un observateur devrait être systématique et souhaite une révision du code de conduite sur les retours conjoints. Elle adoptera en outre en 2015 un manuel sur le retour, contenant des lignes directrices et recommandations communes.

Les autorités françaises, interrogées sur ce point par les rapporteurs ont indiqué que l’article premier de la loi no 2014-528 du 26 mai 2014 (49) a, afin de permettre une mise en conformité de notre droit avec l’article 8 de la directive retour, confié au contrôleur général des lieux de privation de liberté le contrôle de l'exécution par l'administration des mesures d'éloignement prononcées à l'encontre d'étrangers jusqu'à leur remise aux autorités de l'État de destination. Ce contrôle concerne toutes les mesures d’éloignement (y compris les retours de citoyens de l’Union européenne alors que la directive retour ne vise que les ressortissants de pays tiers) et s’applique à toutes les phases de la mesure d’éloignement. Il s’achève à la remise de l’étranger aux autorités de l’État de destination. Le contrôleur peut exiger de voyager à bord d’un vol. Afin de pouvoir exercer sa mission de façon inopinée, le contrôleur est informé de tous les départs programmés.

La Médiatrice européenne, Emily O'Reilly, a, le 20 octobre 2014, ouvert une enquête d’initiative sur la manière dont Frontex s'assure du respect des droits fondamentaux des migrants qui sont sujets à des retours forcés de l'Union vers leurs pays d'origine, lors des opérations de retour conjointes coordonnées par Frontex. Interrogé lors de son audition devant la Commission des affaires européennes le 18 novembre 2014, le directeur exécutif de Frontex, M. Gil Arias-Fernandez, a souligné qu’aucune plainte n’avait été recensée sur des incidents lors des opérations de retour conjointes coordonnées par Frontex. La présence d’un observateur indépendant présent sur chaque vol de retour, qui relève de la responsabilité des États membres, est toutefois un objectif également partagé par Frontex.

D. LE CARACTÈRE OPÉRATIONNEL DU DISPOSITIF EUROSUR DOIT ÊTRE RENFORCÉ

L’existence de plusieurs dispositifs de surveillance spécifique doit être soulignée.

L’European Patrol Network met en réseau depuis 2007 les patrouilles navales et les moyens de surveillance côtiers des États membres de l’espace Schengen. Pour la France, le dispositif national permanent de surveillance des approches nationales repose sur la chaîne sémaphorique et son réseau Spationav, qui sera connecté à Eurosur à partir de 2015, et sur les patrouilles navales coordonnées entre administrations. La Marine nationale, incluant la gendarmerie maritime, a consacré en Méditerranée près de 10 000 heures de mer et plus de 200 heures de vol à cette surveillance des approches depuis octobre 2013.

Le réseau Seahorse Mediterraneo repose sur un réseau d’échange d’informations relatives à l’immigration irrégulière et aux activités illicites entre les États parties et les pays tiers au Sud de la Méditerranée, ainsi que sur un volet de formation et d’entraînement au profit des personnels de pays tiers chargés de la surveillance des frontières. Le réseau Seahorse Mediterraneo est encore en cours d’élaboration et doit entrer en service en 2015. Ce projet a été initié par la Guardia Civil espagnole sur la base du programme Seahorse Atlantico (partenariat espagnol avec le Maroc, le Sénégal, la Mauritanie et le Cap-Vert). Il a fait l’objet d’une déclaration de partenariat de Chypre, de l’Espagne, de l’Italie, de Malte, du Portugal, de la Grèce et de la France. Concernant les pays tiers, seule la Libye a signé une déclaration de partenariat mais aucune coopération n’est possible à ce jour. L’Algérie, la Tunisie et l’Égypte ont été invitées à rejoindre le projet.

Eurosur a été créé par le règlement no 1052/2013 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013 portant création du système européen de surveillance des frontières (EUROSUR).

Eurosur est devenu opérationnel le 2 décembre 2013 et le développement de ce réseau n’est pas encore achevé. La première étape, qui consistait en la création des centres de coordination nationaux et en la connexion entre Frontex et les États membres aux frontières Sud et Est (19 États membres de l’espace Schengen, dont la France), est réalisée (50). Les autres États membres doivent le mettre en œuvre à compter du 1er décembre 2014.

Eurosur est un réseau géré par Frontex qui vise à améliorer la capacité des États membres et de l’agence à partager et coordonner les informations et les ressources et à réagir aux incidents aux frontières extérieures de l’Union. Eurosur doit permettre aux autorités nationales et à Frontex d’améliorer leur connaissance de la situation aux frontières et leurs capacités de réaction. Il vise à prévenir, détecter et combattre l’immigration irrégulière et la criminalité transfrontalière et doit contribuer à assurer une meilleure protection des migrants. Selon le règlement, Eurosur devrait considérablement améliorer les capacités opérationnelles et techniques de Frontex et des États membres et contribuer à réduire le nombre de décès de migrants.

Un tableau de situation européen, qui est une interface graphique, doit permettre de présenter les données et informations reçues en temps quasi réel. Il complète les tableaux de situation nationaux, desquels sont tirées les informations qui sont transmises à Frontex par les centres de coordination nationaux. Un tableau commun du renseignement en amont des frontières est également créé.

Après avoir effectué une analyse des risques, et en accord avec les États membres concernés, Frontex attribue un niveau d’impact (faible, moyen, élevé) à chacun des tronçons de frontières extérieures terrestres et maritimes des États membres. Selon le niveau d’impact, différentes mesures de coordination et d’échange d’informations sont prévues entre les États membres et entre l’État concerné et Frontex.

Le tableau de situation européen et le tableau commun de renseignement ne peuvent être utilisés pour le traitement de données à caractère personnel que pour les numéros d’identification de navires. Ces données ne sont traitées qu’à des fins de détection, d’identification ou de pistage d’un navire et effacées dans un délai de sept jours suivant réception par Frontex ou, lorsque le pistage demande davantage de temps, dans les deux mois.

Le règlement permet également à Frontex de collaborer avec Europol, le service européen pour l’action extérieure, le bureau européen d’appui en matière d’asile, les organisations internationales, le centre opérationnel d’analyse du renseignement maritime pour les stupéfiants et le centre de coordination de la lutte antidrogue en Méditerranée. La coopération de l’agence avec ces organes et organismes et associations est réglementée conformément au règlement Frontex et à la base juridique de l’entité concernée. S’agissant des informations classifiées, des accords de travail fixent que les organes et organismes de l’Union et les organisations internationales concernées respectent des normes de sécurité équivalentes à celles appliquées par Frontex. Les données ne peuvent être utilisées que dans le cadre de leur régime juridique et dans le respect des droits fondamentaux, notamment du droit à la protection des données. Des dispositions particulières sont prévues pour échanger des informations avec le Royaume-Uni et l’Irlande et avec les pays tiers voisins.

Des échanges de données à caractère personnel sont possibles avec des États tiers voisins, sous réserve d’un projet d’accord bilatéral ou multilatéral transmis préalablement à la Commission européenne qui vérifie qu’il respecte le cadre réglementaire et les dispositions pertinentes du droit de l’Union et du droit international en matière de droits fondamentaux et de protection internationale (article 20). Tout échange d’information qui pourrait aboutir à l’identification de personnes ayant demandé l’asile ou qui pourraient encourir un risque sérieux d’être victimes de torture ou de traitements inhumains ou dégradants ou de toute autre violation des droits fondamentaux est interdit. En dehors du cadre de ces accords, un échange d’informations fournies dans le cadre d’Eurosur avec un État tiers n’est possible qu’avec l’accord de l’État membre ou de Frontex qui a fourni les informations. Toute transmission ultérieure est interdite.

Pour les États membres (création des centres de coordination nationaux eurosur), Eurosur est financé par le fonds pour la sécurité intérieure. Frontex utilise son budget propre pour mettre en œuvre le réseau de communication et les composantes horizontales d’Eurosur. Les dépenses totales pour Eurosur, sur la période 2014-2020, sont évaluées à 244 millions d’euros.

La France avait participé à la phase expérimentale dès 2011.

À l’issue de premier semestre 2014, a souligné le Vice-Amiral Frédéric Jubelin, sous-chef d’état-major opérations à l’état-major de la Marine nationale auditionné par les rapporteurs, bien qu’Eurosur concerne tous les États membres de la zone Schengen, l’utilisation qui en est faite aujourd’hui reste inégale. Les États membres se contentent en règle générale de reporter a posteriori les événements survenus et les actions entreprises. Or, le règlement Eurosur ainsi que les investissements réalisés par Frontex visent à en faire un instrument de surveillance et de report, en temps réel, de la situation dans les approches terrestres et maritimes de l’Europe, ainsi que dans les aéroports pour les États qui le souhaitent. La direction centrale de la police aux frontières souligne également que les informations sont le plus souvent entrées avec retard, ce qui pèse sur le caractère opérationnel du dispositif.

Il est encore trop tôt pour disposer d’éléments d’analyse sur Eurosur, les personnes auditionnées ayant souligné le caractère encore récent de sa mise en œuvre. Eurosur est un réseau de surveillance qui devrait permettre une mise en commun de la connaissance de la situation, qui doit d’ailleurs encore être optimisée, avec un certain préavis sur les flux. L’alerte précoce sur le départ des embarcations depuis les pays tiers devrait à terme être un facteur déterminant pour accroître la sécurité et prévenir l’immigration irrégulière en Méditerranée.

E. L’OPÉRATION TRITON

L’opération Triton en Méditerranée, qui a été lancée le 1er novembre 2014, constitue une opération conjointe de contrôle des frontières coordonnée par Frontex. Son périmètre est plus restreint que ne l’était celui de l’opération Mare nostrum et ne descend pas aussi près des côtes libyennes.

Auditionné le 18 novembre 2014 par la commission des Affaires européennes, M. Gil Arias-Fernandez, directeur exécutif de Frontex a indiqué :

« Après de longues consultations entre Frontex, la Commission européenne et l’Italie, une nouvelle opération maritime, l’opération Triton, a été décidée le 24 septembre avec un concept révisé et un périmètre renforcé. Il s’agit en effet de renforcer les ressources de la zone. La planification de cette opération par ces trois entités que sont l’Italie, la Commission européenne et Frontex a été totalement indépendante de l’opération Mare Nostrum. Nous avons en effet préparé l’opération Triton sans savoir ce qui se passerait pour Mare Nostrum, si elle serait suspendue ou non. L’opération Triton n’a donc jamais été planifiée ni conçue pour remplacer Mare Nostrum.

L’opération Triton a donc débuté le 1er novembre. Nous disposons de deux avions, d’un hélicoptère, de trois patrouilleurs de haute mer, de deux navires de patrouille côtière, de deux patrouilleurs côtiers, d’experts, de gardes-frontières, de cinq équipes de débriefing et de deux équipes de dépistage. En fait, ce sont les premiers contacts qu’ont les migrants avec les autorités pour établir les nationalités présumées des migrants lorsque c’est possible. Quand c’est possible également, on essaie de vérifier les identités et les équipes de débriefing organisent des entretiens avec les migrants, sur une base volontaire, c’est-à-dire que le migrant peut refuser d’être interviewé. L’objectif de cet entretien est de savoir si le migrant a besoin d’une protection internationale, de recueillir des renseignements, d’essayer d’identifier les passeurs, les différents itinéraires empruntés afin de fournir ces informations aux autorités nationales et ainsi lutter contre les passeurs.

Le coût de cette opération s’élève approximativement à 2,9 millions d’euros par mois. Le budget de l’Agence étant presque épuisé, nous avons demandé un transfert de budget à la Commission pour lancer cette opération. La Commission a mis à la disposition de Frontex 3,9 millions d’euros. Nous avons également réalloué des ressources d’autres opérations pour atteindre un chiffre de 7 millions d’euros, ce qui permettra à l’Agence de garantir le financement de cette opération d’ici à la fin du mois de janvier 2015, date à laquelle il sera possible de commencer à utiliser le budget de 2015. J’ajoute que cette opération est à durée indéterminée en Méditerranée centrale, elle prend un caractère permanent. Nous n’envisageons pas de la conclure dans le futur proche.

Comme cette opération est en place depuis deux semaines, il est un peu prématuré de vous proposer des conclusions. »

Les rapporteurs soulignent ici le manque de coopération entre les autorités européennes, Frontex et l’Italie, qui a continué à mener l’opération Mare nostrum parallèlement à l’opération Triton, sans qu’une bonne coordination opérationnelle ne soit possible, comme l’a souligné le directeur de Frontex au cours de la même audition, interrogé par les rapporteurs.

« Nous ne pouvons pas véritablement tirer d’enseignements de Mare nostrum, pour deux raisons. La première est que l’opération n’est pas terminée : elle a été rationalisée mais elle se poursuit, et les Italiens sont toujours actifs en Méditerranée dans ce cadre. La seconde est que Mare nostrum est menée par la marine italienne, sans lien ni coordination d’aucune sorte avec les opérations Aeneas et Hermes de Frontex qui ont été fusionnées au sein de Triton. Mare nostrum a incontestablement permis de sauver de très nombreuses vies. Mais il est également vrai que, la marine italienne conduisant ses opérations à proximité des côtes libyennes, les passeurs ont mis en danger beaucoup plus de vies. Dès le lancement de Mare nostrum, en novembre 2013, après la tragédie de Lampedusa, les flux migratoires ont commencé d’augmenter et, au même rythme, le nombre de victimes. On a dénombré 3 000 morts par noyade depuis le lancement de Mare nostrum et en dépit de cette opération, alors que moins de 50 personnes avaient péri en mer en cherchant à émigrer de janvier à octobre 2013, avant que ne se produise le drame de Lampedusa. D’évidence, davantage de migrants ont pris la mer, et les risques se sont multipliés, à la fois parce que les embarcations dans lesquelles ils sont entassés ne sont pas sûres et parce que, sachant qu’ils seraient secourus par la marine italienne à quelques milles marins de la côte libyenne, les passeurs ont trouvé le moyen de profits supplémentaires en s’abstenant de dépenser ce qu’il convenait de leur laisser en eau, vivres et combustible. Voilà qui explique la tragédie, car on sait le sort qui attend malheureusement les migrants s’ils ne sont pas secourus à temps.

J’ignore si M. Dimitris Avramopoulos, nouveau commissaire européen aux affaires intérieures, a parlé de Mare nostrum et, si oui, en quels termes. En revanche, Mme Cecilia Malmström, qui l’a précédé dans cette fonction, a souligné comme je l’ai fait devant vous que Triton ne remplacerait jamais Mare nostrum. Le périmètre des deux opérations diffère. Si sauver des vies est une priorité lorsque Frontex mène des opérations conjointes et si nos opérations se transforment en sauvetages parce que, lorsqu’on nous signale des périls en mer, nous intervenons immédiatement pour sauver les migrants, l’Agence n’est pas chargée des recherches et du sauvetage en mer, mais de la gestion des frontières. Il n’existe malheureusement pas d’organisme européen chargé des recherches et du sauvetage en mer. Ces opérations relèvent de la responsabilité des États membres, et ils doivent l’exercer. Avec tout le respect que je dois aux autorités, pour des raisons de politique intérieure, M. Alfano a dû expliquer qu’à partir de maintenant Mare nostrum ne coûterait pas un euro supplémentaire aux contribuables italiens ; mais, bien sûr, des Italiens sont encore actifs dans le dispositif, et toutes les autorités nationales doivent faire ce qui leur incombe pour éviter des morts en Méditerranée. »

En termes budgétaires, aucune comparaison n’est possible entre l’opération Mare nostrum et l’opération Triton, comme le soulignait M. Gil Arias-Fernandez, directeur exécutif de Frontex :

« L’opération Triton coûtera moins cher que l’opération Mare nostrum, pour laquelle ont été déployés des navires de guerre afin de secourir les migrants, ce qui entraîne une très forte dépense. Les bateaux de Frontex sont d’un tout autre gabarit et les gardes-frontières mis à disposition de l’Agence coûtent moins cher que les militaires italiens. Frontex n’ayant pas participé à Mare nostrum, j’ai appris en lisant la presse que l’armée italienne aurait mis 35 navires à disposition pour cette opération. Un tel nombre de bateaux serait inconcevable pour nous. Notre budget total est de 90 millions d’euros, dont 30 millions vont aux opérations maritimes ; il nous faut aussi poursuivre nos activités aux frontières terrestres, payer notre personnel et régler nos frais fixes. Allouerions-nous même l’ensemble de notre budget aux opérations maritimes que nous l’épuiserions en un temps très bref si nous procédions dans la même configuration que celle de Mare nostrum.

Aussi avons-nous cherché à établir des synergies avec les autorités nationales. Ainsi, c’est l’Italie qui paye ses ressources déployées dans le cadre de l’opération Triton. Sur le fond, nous espérons que l’éloignement des navires de la côte libyenne aura un effet dissuasif sur les passeurs et que les migrants eux-mêmes seront plus réticents à embarquer dans des conditions de grande précarité s’ils savent qu’il sera impossible aux navires de Triton de les secourir en quelques heures ou en peu de jours en cas de nécessité. Nous avons bon espoir que les chiffres tragiques des péris en mer baisseront. »

Selon les données fournies sur son site internet par Frontex, Triton aurait permis de secourir 11.400 migrants au cours de 77 opérations de recherche et de sauvetage. Le 5 janvier 2015, la Commission européenne précisait que 16 000 personnes avaient été sauvées depuis le 1er novembre en Méditerranée et que 57 passeurs avaient été arrêtés. Frontex souligne que les réseaux ont, comme souvent, rapidement adapté leurs stratégies, utilisant désormais des bateaux beaucoup plus grands, tels que des cargos faisant jusqu’à 75 mètres et pouvant contenir 800 personnes, achetés dans les ports du Sud-Est de la Turquie (notamment Mersin, encore relié par ferry à certains ports syriens). On estime que les Syriens doivent payer 6  000 dollars par personne pour rejoindre Mersin. Le coût d’une traversée sur un cargo serait trois fois plus élevé que depuis les côtes libyennes mais la situation en Libye serait devenue telle que les migrants souhaitent à tout prix éviter de s’y rendre.

Par ailleurs, 30% des migrants secourus en septembre et octobre 2014 l’auraient été par des navires marchands, qui doivent secourir les personnes en détresse, les risques lors des transferts de personnes d’un navire à l’autre étant très élevés. Il apparaitrait que les trafiquants instrumentalisent à dessein les navires marchands pour « terminer » la traversée de la Méditerranée.

Frontex rappelle que Triton ne peut à elle seule gérer les problèmes migratoires et que la mission de Frontex est de surveiller les frontières, et non de contrôler les 2,5 millions de km2 de la Méditerranée.

CONCLUSION

Le principe d’un renforcement des moyens de lutte contre l’immigration irrégulière a été acté dès juillet par M. Jean-Claude Juncker dans ses lignes directrices « Un nouveau départ pour l’Europe ».

Dans le programme de travail pour la Commission européenne pour 2015, un programme européen en matière de migrations est annoncé, qui devrait prendre la forme d’une communication, sans grande précision à ce jour. Il convient de noter que le bref descriptif ne parait pas contenir de réelle novation mais il est établi un lien entre la entre la politique migratoire et la politique extérieure de l’Union. Il conviendra d’examiner attentivement ce document.

Les rapporteurs souhaitent en conclusion souligner la diversité des leviers devant être actionnés afin de mieux lutter contre l’immigration irrégulière. Ils proposent l’adoption d’une résolution européenne.

En l’état actuel, il n’est pas possible de parler d’une politique en matière de lutte contre l’immigration irrégulière mais de plusieurs politiques, segmentées en différentes actions sectorielles. Une approche d’ensemble est indispensable, compte tenu des enjeux majeurs de cette question. Une place centrale doit être accordée à la coopération avec les pays tiers. L’intégration des questions migratoires dans la politique extérieure de l’Union devrait être repensée. La relative faiblesse des outils incitatifs à proposer aux États tiers pour engager des discussions avec l’Union a été soulignée. Il convient également d’avoir une approche exigeante s’agissant du respect des droits fondamentaux.

Au sein de l’Union, une plus grande coordination est indispensable, comme l’a démontré l’opération Mare nostrum.

Les droits fondamentaux des migrants, auxquels appartiennent nombre de demandeurs d’asile, doivent être impérativement respectés. En matière d’asile, la mise en œuvre effective du régime d’asile européen commun, conformément aux textes adoptés, est une priorité.

Le contrôle des frontières et le rôle de Frontex est sans doute l’élément le plus visible de ces politiques. Les rapporteurs estiment que ses moyens devraient être renforcés et que l’ambition de créer à terme un corps européen de gardes-frontières doit être rappelée. S’agissant du système Eurosur, il convient de regretter que les données soient entrées avec retard, ce qui ne permet pas au système de surveillance en temps réel de jouer son rôle.

La lutte contre les passeurs et les trafiquants d’êtres humains doit être renforcée et le rôle d’Europol devrait être amélioré par une meilleure transmission d’informations de la part des États membres. L’accord de travail entre Europol et Frontex devrait être finalisé rapidement.

Les rapporteurs soulignent également que les outils existants en matière d’immigration régulière paraissent, en l’état actuel, peu à même d’apporter une solution centrale face aux phénomènes migratoires récents et qu’un renforcement des ambitions de cette politique est nécessaire.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La Commission s’est réunie le 10 février 2015, sous la présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente, pour examiner le présent rapport d’information.

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

« Le Président Pierre Lequiller. Je tiens à féliciter les rapporteurs pour leur travail, qui est très important. Je pense qu’il s’agit là de l’un des principaux problèmes de l’Europe. Cela constitue un problème politique, de solidarité et avant tout moral. Les chiffres énoncés s’agissant du nombre des morts sont saisissants. Que l’Europe s’en tienne à des considérations techniques face à des questions qui sont d’essence morale n’est pas acceptable. Et il s’agit bien d’un problème durable, complexe et qui s’amplifiera.

Mme Marie-Louise Fort. J’adresse mes compliments aux rapporteurs, c’était passionnant. Pensez-vous que les dispositions évoquées doivent évoluer compte tenu de l’impact de ces mesures en matière de lutte contre l’immigration irrégulière sur d’autres domaines avec l’accélération de la lutte contre le terrorisme, suite aux événements récents ? Et quelles sont les relations avec la Turquie qui est une zone de transit importante et avec laquelle nous avons quelques problèmes ?

M. Joachim Pueyo. Je tiens à m’associer aux compliments formulés. Le rapport est très intéressant, équilibré et humaniste. Mais l’on peut s’interroger sur la gestion des frontières extérieures. Il faut s’y pencher avec davantage de moyens. Certains experts pensent qu’il faut abaisser les barrières. Quelles sont les capacités et les limites des pays pour accueillir des immigrés, y compris en situation régulière ? S’agissant de Frontex, que vous souhaitez voir renforcé, un corps européen de gardes-frontières serait-il un moyen de mieux contrôler l’immigration irrégulière ? Je vote bien entendu en faveur de cette proposition de résolution.

M. Michel Piron. Je m’associe aux éloges formulés et je salue l’équilibre du rapport qui pose les bonnes questions. La première de toutes les causes de l’immigration irrégulière est la guerre qui a envahi toutes les frontières méditerranéennes. Au Liban, aujourd’hui, un tiers de la population est immigrée et essaie de s’y réfugier. Imaginons un instant une situation de la même ampleur en France, qui comprendrait alors 20 millions de personnes fuyant des conflits. Il faut souligner la place tenue par la très grande Italie qui ne cède pas à l’extrémisme malgré le poids des responsabilités auxquelles elle doit faire face. La première réponse à apporter est humanitaire. La seconde est politique. Y a-t-il une politique européenne ? Et surtout n’allons-nous pas détruire Schengen ? Comment le renforcer au contraire ? Et quid de la politique extérieure de l’Union ? Le manque de solidarité est criant entre Europe du Nord et Europe du Sud. En termes financiers, nous sommes loin d’être à la hauteur des enjeux. Nous avons évoqué le problème des filières. Des armateurs envoient des navires à la casse en Turquie, d’où ils repartent vers l’Italie chargés de centaines et de milliers de migrants livrés à eux même en pleine mer et à pleine vitesse pour aller s’échouer sur les côtes italiennes. Nous en sommes là en Méditerranée. L’Italie s’essaie encore à discuter avec la Turquie. Une politique européenne cohérente devrait être engagée avec la Turquie et les États tiers d’origine. Quel est votre sentiment ?

La première de toutes les mesures ne serait-elle pas un effort budgétaire pour contrôler la zone et remettre en œuvre au plan européen l’équivalent de Mare nostrum ?

M. William Dumas. Pourrez-vous nous transmettre les chiffres que vous avez cités ? L’Italie a heureusement investi 9 millions d’euros par mois. Il faut continuer cet effort afin de sauver des vies et prendre le mal à la racine. Il faut aller au départ des bateaux en Turquie. L’Europe est capable de freiner ces départs. 22 000 morts depuis 2000, cela parait impensable. Et il faut mettre en œuvre une dissuasion forte à l’encontre des passeurs.

Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure. Mes chers collègues, l’Union européenne doit effectivement s’adapter aux dernières évolutions car si le politique ne peut s’adapter, il échoue. Les États membres doivent faire preuve de responsabilité et de solidarité. Une politique cohérente des États membres avec les États tiers est indispensable. S’agissant de la Turquie, la situation est compliquée et je crains de ne pouvoir apporter une réponse tranchée. La Turquie est un grand pays et nous y avons rencontré des personnes ouvertes, qui avaient la volonté d’agir. Ils sont confrontés à d’autres défis. La Turquie a notamment une frontière de près de 900 kilomètres avec la Syrie. Ils ont également à gérer un certain nombre de conflits internes dont les enjeux dépassent les frontières, je pense à la question kurde. L’Union accompagne la Turquie et un certain nombre de projets ont pu être menés à ses frontières extérieures. Il reste également la question du contrôle des documents frauduleux. Nous constatons aujourd’hui une baisse des arrestations de passeurs, comme le souligne Frontex, car ils ont changé leurs modes opératoires et n’ont plus à être en première ligne en se concentrant sur la fraude documentaire en amont.

Je pense que nous serons plus forts si nous avons un interlocuteur, l’Union. Il faut certes s’appuyer sur les relations bilatérales et les autorités italiennes nous a ainsi rappelé leurs liens avec la Turquie et la Tunisie par exemple, ou leurs possibilités, par le passé, de jouer un rôle de facilitateur dans les négociations avec la Libye. Mais parler d’une seule voix est primordial.

En ce qui concerne Mare Nostrum, il n’y a pas eu de coordination européenne et l’opération a été issue de la volonté d’un pays. Or une telle coordination est indispensable car elle amplifie la force des actions menées.

Je rappelle également le lien existant entre l’immigration irrégulière et la régulation de l’immigration régulière, qui est indispensable. Nous devons avoir une politique migratoire et d’accueil des migrants en situation régulière car en l’absence d’une telle politique, nous mettons en danger certaines populations. Un passage irrégulier coûte en général entre 3 000 et 6 000 euros par personne. Nombre des migrants investissent leurs économies pour réunir de telles sommes. Les personnes qui migrent dans ces conditions ont pour beaucoup un savoir-faire et pourraient être accueillies au titre de l’immigration régulière. Notre rôle est d’envoyer ce message à la Commission européenne.

M. William Dumas. En Syrie, les personnes fuient pour sauver leur vie.

Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure. Bien entendu, c’est très différent. Je ne pensais pas à la situation particulière de la Syrie, qui connait un conflit et dont les migrants doivent être accueillis au titre de l’asile. Je pensais aux migrants économiques.

En ce qui concerne Frontex, je confirme que nous sommes pour la création, à moyen terme, d’un corps européen de gardes-frontières car cela permettrait de renforcer le contrôle des frontières et, à plus court terme, pour une augmentation de ses moyens.

M. Charles de La Verpillière, co-rapporteur. J’ai ressenti dans l’ensemble des questions qui ont été posées un certain scepticisme. Le problème est tellement considérable que l’on peut douter que l’Union puisse mener une politique ferme, complexe et globale. Cela nous ramène effectivement aux racines de l’Union qui est, dans son histoire et dans ses gênes, plutôt économique. S’agissant des questions qui impliquant la force, nous voyons que l’Union patine un peu en matière de défense et que la coopération policière et le contrôle des frontières sont moins au cœur de ses traditions. L’Union demeure en outre dominée par les pays du Nord pour qui ces questions ne sont pas les préoccupations majeures.

Mais il doit y avoir une politique européenne de lutte contre l’immigration irrégulière et nous pouvons l’améliorer. L’Union peut notamment apporter des moyens et jouer un rôle avec les pays tiers. L’Europe sera par ailleurs beaucoup plus à l’aise s’agissant des politiques de développement et d’aide au développement, par exemple en matière d’éducation, dans les pays d’origine.

Le Président Pierre Lequiller. J’aurais une suggestion. Je souhaiterais que les termes de la résolution, qui est excellente au plan technique, soient plus affirmés pour la renforcer. Je souhaite la voir adoptée à l’unanimité. Au point 1, il faudrait rappeler le scandale, et non l’émotion, des tragédies. S’agissant de Frontex, il est également scandaleux que l’on ait baissé les crédits de Frontex au moment où ces tragédies se produisaient. Le manque de solidarité doit être qualifié plus fermement. Ce sont plus de 20 000 morts qui ont été recensés, c’est absolument dramatique.

M. Michel Piron. J’aurais aussi, en ce sens, une proposition pour demander, au point 13, à l’Union de se doter impérativement de moyens matériels et humains pour répondre à l’immense défi de ces migrations, subies pour la plupart. Nous pourrions être plus efficients en doublant ou triplant les moyens actuels.

Le Président Lequiller. S’agissant de Schengen, dont nous disons depuis des années qu’il fonctionne mal, et des frontières, nous devons insister sur le fait qu’un corps européen de gardes-frontières doit être créé. Ce corps devrait dans un premier temps être affecté aux pays qui sont les plus exposés au Sud de l’Europe.

Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure. Nous demandons d’intensifier et de fixer comme priorité la lutte contre les passeurs et les trafiquants. Nous pouvons effectivement demander, au lieu de souhaiter, un renforcement des moyens de l’agence Frontex. Le terme scandale me semblerait moins approprié que « l’indignation » suscitée par ces tragédies. Nous insistons enfin sur le nécessaire respect des droits des migrants.

M. Charles de La Verpillière, co-rapporteur. Nous pourrions travailler sur le point 5 sur la responsabilité et la solidarité ainsi que sur le point 7, sur le caractère trop fragmenté des politiques menées.

Le Président Pierre Lequiller. La question a été posée par Michel Piron : y a-t-il une politique européenne en matière de lutte contre l’immigration irrégulière ?

Mme Marie-Louise Fort. Je me demande si nous ne devrions pas également souligner qu’il faut mettre en jeu et renforcer les relations bilatérales des États membres avec les États tiers, à l’appui des relations entre l’Union et ces États tiers.

M. William Dumas. Je m’interroge sur la continuation de Mare Nostrum.

Mme Marietta Karamanli, co-rapporteure. Une nouvelle opération, qui n’a pas la même nature et est coordonnée par Frontex, est menée depuis novembre. »

La commission a ensuite adopté la proposition de résolution suivante à l’unanimité.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu les articles 77 à 80 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu la communication de la Commission européenne du 4 décembre 2013 au Parlement européen et au Conseil sur les travaux de la task-force pour la Méditerranée [COM (2013) 869],

Vu les conclusions du Conseil européen des 26 et 27 juin 2014 relatives à l’espace de liberté, de sécurité et de justice,

Vu les conclusions du Conseil de l’Union européenne Justice et affaires intérieures du 10 octobre 2014 : Prendre des mesures en vue de mieux gérer les flux migratoires,

Vu la résolution du Parlement européen du 17 décembre 2014 sur la situation en Méditerranée et sur la nécessité d'une approche globale de la question des migrations de la part de l'Union européenne [2014/2907(RSP)],

1. Rappelle l’indignation suscitée par les tragédies répétées ces dernières années en mer Méditerranée et souligne que cette voie migratoire est devenue la plus dangereuse au monde pour les migrants ;

2. Souligne que la lutte contre l’immigration irrégulière menée par l’Union européenne et les États membres doit garantir le plein respect des droits fondamentaux des migrants ;

3. Insiste sur le nécessaire respect des droits des demandeurs d’asile faisant partie des flux mixtes de migrants arrivant aux frontières extérieures de l’Union européenne, notamment au regard du principe de non-refoulement interdisant toute mesure qui aurait pour effet de renvoyer un demandeur d’asile ou un réfugié vers des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée, et souhaite que la transposition rapide de l’ensemble des textes adoptés au niveau européen en matière d’asile constitue une priorité dans le cadre de la mise en œuvre d’un véritable régime d'asile européen commun ;

4. Souligne qu’un processus plus ambitieux de réinstallation dans les États membres de l’Union de réfugiés qui ne peuvent demeurer dans l’État tiers dans lequel leur statut de réfugié a été reconnu par le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés constituerait une manière efficace d’éviter que des demandeurs d’asile ne s’engagent dans des traversées périlleuses ;

5. Rappelle que les politiques européennes en matière de lutte contre l’immigration irrégulière doivent être fondées à la fois sur la responsabilité et la solidarité : responsabilité qui incombe aux États membres dans le contrôle de leurs frontières extérieures et indispensable solidarité de tous les États membres de l’Union, qu’ils soient ou non directement exposés à l’afflux d’immigrants en situation irrégulière ;

6. Souligne que l’opération Mare Nostrum a permis de sauver un très grand nombre de vies et regrette le manque de coordination au niveau européen pour la mise en œuvre de cette opération ;

7. Juge que les politiques de l’Union en matière de lutte contre l’immigration irrégulière demeurent à ce jour beaucoup trop fragmentées et très peu coordonnées ;

8. Estime nécessaire de s'attaquer aux causes profondes des migrations irrégulières, notamment par une intensification de la coopération avec les pays tiers d’origine et de transit, et souhaite, dans cet objectif, la recherche des synergies possibles entre la politique étrangère et de sécurité commune et la politique en matière de justice et d’affaires intérieures ; souligne la contribution que les États membres peuvent apporter dans le cadre d’accords bilatéraux ;

9. Considère que les travaux entrepris dans le cadre de l’approche globale pour la question des migrations et de la mobilité doivent être renforcés sur des priorités mieux définies ;

10. Juge que les mesures incitatives au règlement des questions soulevées par l’immigration irrégulière, à destination des pays d’origine et de transit, devraient être diversifiées et que les enjeux liés aux questions migratoires devraient être mieux pris en compte dans le cadre des autres politiques menées par l’Union européenne qui peuvent avoir un impact sur ces questions ;

11. Appelle à intensifier et à fixer comme priorité la lutte contre les passeurs et les trafiquants d’êtres humains, demande que des mesures soient prises à l’encontre des personnes qui leur procurent des navires, estime que le rôle d’Europol devrait être renforcé par une meilleure transmission d’informations de la part des États membres et demande que l’accord de travail entre Europol et Frontex sur le traitement des données à caractère personnel soit rapidement mis en œuvre ;

12. Regrette le caractère trop tardif des transmissions d’informations dans le cadre du dispositif Eurosur et la perte de capacité de réaction qui en découle ;

13. Demande un renforcement très significatif des moyens de l’agence Frontex et de ceux mis à disposition des États membres les plus concernés ; rappelle son soutien, à moyen terme, à la création d’un corps européen de gardes-frontières ;

14. Prend acte du projet pilote relatif au paquet législatif sur les frontières intelligentes, tendant à la création d'un système pour l'enregistrement des entrées et sorties des ressortissants de pays tiers et d’un programme d’enregistrement des voyageurs, qui devrait aboutir au dépôt de nouvelles propositions de textes par la Commission européenne ;

15. Rappelle, en matière de retour, l’importance de la conclusion des accords de réadmission et de leur mise en œuvre concrète, bien que de tels accords ne constituent pas toujours une mesure suffisante pour assurer l’efficacité des procédures de retour, et demeure attentive aux travaux entrepris avec les pays moins coopératifs ;

16. Estime que la régulation européenne de l’immigration régulière pour des motifs économiques doit être plus active et être traitée en tenant compte de l’ensemble de ses implications économiques et sociales, tant dans sa dimension interne pour l’Union qu’en matière de coopération avec les États d’origine des migrants ;

17. Souhaite que le rapport annuel du Gouvernement au Parlement, établi en application de l'article L. 111-10 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Les étrangers en France s’attache à éclairer le plus possible les enjeux liés aux politiques européennes en matière de migrations et à la participation française à ces politiques ;

18. Examinera avec intérêt le nouveau programme pour les migrations annoncé par M. Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, dans ses lignes directrices : Un nouveau départ pour l'Europe : mon programme pour l'emploi, la croissance, l'équité et le changement démocratique.

ANNEXE :
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS

Paris

- Mme Isabelle Jégouzo, secrétaire générale adjointe en charge de la justice et des affaires intérieures, secrétariat général aux affaires européennes ;

- M. Benoit Brocart, ministère de l’intérieur, directeur de l’immigration ;

- M. Fabrice Leggeri, ministère de l’intérieur, sous-directeur à la lutte contre l’immigration irrégulière ;

- M. Frederic Perrin, ministère de l’intérieur, directeur de la direction centrale de la police aux frontières ;

- Contre-amiral Frédéric  Jubelin, sous-shef d’état-major opérations à l’état-major de la marine ;

- Commissaire en chef Thierry de La Burgade, chef du bureau action de l’État en mer, État-major des opérations de la Marine ;

- Mme Gipsy Beley, chargée des questions européennes de la CIMADE ;

- M. Jean-François Dubost, responsable du programme personnes déracinées, Amnesty international ;

- M. Matthieu Tardis, secrétariat administratif général, France terre d’asile.

Italie

- M. Marco del Panta, directeur pour les questions migratoires au ministère des affaires étrangères ;

- M. Giovanni Pinto, directeur central de l’immigration et de la police aux frontières, ministère de l’intérieur ;

- Mme Laura Ravetto, députée, présidente du comité Schengen du parlement italien ;

- M. Gioigio Brandolin, député, vice-président du comité Schengen du parlement italien ;

- Vice-amiral Filippo Foffi, commandant en chef de la Marine italienne.

Turquie

- M. Celattin Yuksel, préfet, en charge de la sécurité de l’aéroport d’Attatürk à Istanbul ;

- M. Ramazan Tiryaki, commissaire principal chargé de la sécurité de l’aéroport d’Attatürk à Istanbul ;

- M. Cengiz Demircan, commissaire divisionnaire adjoint au chef provincial de la police d’Istanbul ;

- M. Mehmet Ersoy, député de Sinop, président de la commission parlementaire des affaires intérieures ;

- M. Cuma Ictem, député de Diyarbakir, membre de la commission parlementaire des affaires intérieures ;

- Mme Fatam Salman, députée d’Agri, membre de la commission parlementaire des affaires intérieures ;

- M. Aziz Yildirim, sous-secrétaire d’État adjoint chargé de la sécurité, en présence des représentants de différents services du ministère de l’intérieur : département des relations internationales et des affaires européennes, direction générale de la gestion de l’immigration, commandement des gardes-côtes, direction générale de la police.

Bruxelles

- Mme Sylvie Guillaume, vice-présidente du Parlement européen, membre de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen ;

- Mme Diane Schmitt, directrice de cabinet de M. Dimitris Avramopoulos, commissaire européen en charge de la migration, des affaires intérieures et de la citoyenneté ;

- M. Laurent Muschel, directeur en charge de la migration et de l'asile, direction générale des affaires intérieures de la Commission européenne ;

- M. Frédéric Veau, Préfet, chef du service justice et affaires intérieures, représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne ;

- M. Thibauld de La Haye-Jousselin, conseiller en charge des affaires intérieures, représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne ;

- Mme Michèle Levoy, directrice de la plate-forme pour la coopération internationale sur les sans-papiers (PICUM).

1 () Fatal journeys, tracking lives lost during migration, octobre 2014.

2 () Convention d’application de l’accord de Schengen entre les gouvernements des États de l’Union économique du Benelux, la République fédérale d’Allemagne, et la République française, relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes.

3 () Le SIS II comprend des signalements concernant des personnes recherchées en vue d’une arrestation ou d’une remise sur la base d’un mandat d’arrêt européen, des personnes recherchées à des fins d’extradition, des personnes disparues, ainsi que des signalements sur des véhicules ou objets.

4 () Le Royaume-Uni a demandé, en mars 1999, à coopérer à la coopération policière et judiciaire en matière pénale, à la lutte contre les stupéfiants et au système SIS. L’Irlande a également demandé à participer à certaines dispositions de l’acquis de Schengen couvrant, à une exception près, les mêmes dispositions que la demande du Royaume-Uni.

5 () Les statistiques et informations sont notamment issues des États membres de l’Union et des États associés, ainsi que des analyses des opérations conjointes.

6 () Est inscrit parmi les principes particulièrement nécessaires à notre temps que : « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ».

7 () 90% de ces demandes étaient nouvelles, et 10 % étaient réitérées à la suite d’un premier rejet. Cinq États membres (Allemagne, France, Suède, Royaume-Uni et Italie) concentrent 70% des demandeurs d’asile. La France se classe au deuxième rang européen pour l’accueil des demandeurs d’asile, avec 65 000 demandes d’asile enregistrées, soit 15 % de l’ensemble des demandeurs. L’État membre qui accueille le plus de demandeurs d’asile est l’Allemagne, avec 127 000 demandeurs en 2013 (soit 29 % des demandeurs), contre 77 500 demandeurs en 2012. En revanche, si l’on rapporte le nombre de demandeurs d’asile à la population de chaque État membre, le taux le plus important est observé en Suède (5 700 demandeurs par million d’habitants). Au sein de l’Union européenne, 65 % des demandes ont été rejetées en première instance, tandis que 15 % des demandeurs d’asile ont obtenu le statut de réfugié, 14 % la protection subsidiaire et 5 % une autorisation de séjour pour des raisons humanitaires.

Les taux de décision positive en première instance varient considérablement selon les États membres (en 2013, ces taux étaient par exemple de 17 % en France, de 26 % en Allemagne, de 53 % en Suède et de 4 % en Grèce).

8 () A l’évidence, un lien existe entre l’origine des demandeurs d’asile et les États ou régions connaissant d’importants déplacements forcés de populations civiles.

9 () Présidée par le ministre italien des Affaires étrangères et de la Coopération Internationale, Paolo Gentiloni, et par le ministre italien de l’Intérieur, Angelino Alfano, la Conférence Ministérielle de lancement du Processus de Khartoum (EU-Horn of Africa Migration Route Initiative – HoAMRI) s’est tenue le 28 novembre 2014 à Rome. Elle a réuni les représentants de 40 pays (d’Europe, de la Corne d’Afrique, du nord de l’Afrique), du Service Européen d’Action Extérieure, de la Commission européenne, de la Commission de l’Union Africaine et de sept organisations régionales.

10 () Sur la base des propositions de la Commission européenne pour un cadre général pour une politique extérieure en matière migratoire COM(2005) 621 final du 22 novembre 2005, faisant suite à la réunion informelle, le 27 octobre 2005 à Hampton Court, des chefs d'État ou de gouvernement de l'Union.

11 () Constitué par le fonds pour les réfugiés, le fonds pour les frontières extérieures, le fonds d’intégration et le fonds pour le retour.

12 () Comme le rappelait la rapporteure, Mme Marietta Karamanli, dans sa communication du 18 juillet  2012 devant la commission des Affaires européennes sur la jurisprudence du 5 juillet 2012 de la Cour de Cassation en matière de placement en garde à vue des étrangers sur le fondement d’une entrée ou d’un séjour irrégulier sur le territoire, l’esprit qui préside à la directive dite « directive retour » est celui de la gradation dans les mesures prises à l’encontre des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. La priorité doit être donnée au retour volontaire. En l’absence de retour volontaire, l’État a l’obligation de procéder à l’éloignement en prenant les mesures nécessaires les moins coercitives possibles. Toute rétention doit être aussi brève que possible.

La CJUE a jugé dans son arrêt du 28 avril 2011 (El Dridi) qu’une peine de prison pour maintien sur le territoire risquerait de compromettre la réalisation de l’objectif poursuivi par ladite directive, à savoir l’instauration d’une politique efficace d’éloignement et de rapatriement des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Cela n’exclut pas la faculté pour les États membres d’adopter, des mesures, même pénales, une fois que les mesures prévues par la directive ont été appliquées et ont échoué.

L’arrêt de la CJUE du 6 décembre 2011 (Arrêt Achughbabian, affaire C-329/11) portait sur la compatibilité de l’article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) avec le droit de l’Union, cet article prévoyant notamment que l’étranger qui a pénétré ou séjourné illégalement en France ou qui s’est maintenu en France au-delà de la durée autorisée par son visa peut être puni d’une peine d’un an d’emprisonnement. La CJUE a jugé qu’une peine de prison au titre du séjour irrégulier ne peut intervenir qu’en cas d’échec des mesures prévues par la directive retour, y compris le placement en rétention. S’agissant plus spécifiquement de la question de la garde à vue, la CJUE a validé le principe que les autorités disposent d’une possibilité de placement en détention en vue de la détermination du caractère régulier ou non du séjour d’un ressortissant d’un pays tiers.

S’est toutefois posée en droit français la question de la possibilité d’une garde à vue si la personne ne pouvait encourir de peine d’emprisonnement, la procédure de garde à vue étant conditionnée au fait d’encourir une peine de prison au moins égale à un an. La position adoptée par la Cour de cassation dans ses arrêts du 5 juillet 2012, en intégrant les principes dégagés par la CJUE, a mis en cohérence les jurisprudences interne et européenne. Elle a jugé qu’une personne ne pouvait être placée en garde à vue au seul motif du séjour irrégulier. La loi no 2012-1560 du 31 décembre 2012 a ensuite créé la retenue pour vérification du droit au séjour.

13 () Pour cause de perte ou de destruction volontaire de son passeport ou de dissimulation de son identité ou de son obstruction à son éloignement, si le consulat n’a pas délivré ou a délivré tardivement un laissez-passer ou faute de moyens de transport.

14 () Sept États membres n’ont pas respecté l’obligation de mettre en place un système de contrôle des retours forcés et la Commission a lancé les procédures « EU Pilot » correspondantes.

15 () En 2013, l’agence a coordonné 39 opérations, au cours desquelles 937 personnes ont été renvoyées (les observateurs étaient présents à bord pour 20 opérations). La France a participé à 19 vols groupés européens en 2013 et a organisé 62 vols nationaux, éloignant 404 étrangers.

16 () Voir le rapport d’information su Sénat no 773 sur les centres de rétention administrative, par Mme Éliane ASSASSI et M. François-Noël BUFFET sur la limitation de la rétention des mineurs et les questions toujours pendantes. Selon le rapport « centres et locaux de rétention administrative » publié en 2014 par les cinq associations présentes dans les centres de rétention ASSFAM, Forum réfugiés-Cosi, France terre d’asile , la Cimade et l’Ordre de Malte, 19 familles, comprenant 27 adultes et 41 enfants, ont été placées en CRA en 2013 et 122 personnes ont été placées en CRA alors qu’elles s’étaient déclarées mineures, voir également la circulaire de la Garde des sceaux du 31 mai 2013 relative aux modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers.

17 () Les étrangers en France, année 2012, dixième rapport établi en application de l’article L. 111-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

18 () Créée par la loi no 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées.

19 () Les services d'investigation de la police aux frontières s'appuient sur le réseau de la direction de la coopération internationale constitué des policiers et gendarmes en poste à l’étranger (attachés de sécurité intérieure, officiers de liaison spécialisés « immigration » et conseillers sûreté aéroportuaire et immigration). 43 policiers français sont en poste en Europe ou dans le monde. D’une manière générale, les OLI et CSI exercent un rôle de vigilance opérationnelle et d’analyse des phénomènes migratoires affectant leur pays de résidence. Des officiers de liaison de quatre pays partenaires (Allemagne, Belgique, Espagne et Grande-Bretagne) sont également en poste à la DCPAF.

20 () Il convient de souligner que le trafic de migrants (aide à l’entrée, au transit et au séjour irréguliers par exemple) et la traite des êtres humains sont étroitement liés mais constituent bien deux formes de criminalité distinctes avec des problématiques propres. La traite des êtres humains implique notamment l’utilisation de moyens définis (« par la menace de recours ou le recours à la force ou à d'autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d'autorité ou d'une situation de vulnérabilité, ou par l'offre ou l'acceptation de paiements ou d'avantages pour obtenir le consentement d'une personne ayant autorité sur une autre ») à des fins d'exploitation de personnes. Mais elle n’implique pas nécessairement le franchissement irrégulier des frontières.

21 () Le voyageur enregistré recevrait un jeton d’authentification, sous la forme d’une carte lisible à la machine contenant un identifiant unique (numéro de demande), qu’il passerait dans une barrière automatique à la frontière, à l’arrivée et au départ. La barrière lirait le jeton d’authentification et le document de voyage ainsi que les empreintes digitales du voyageur qui seraient comparées à celles stockées dans le registre central et dans d’autres bases de données, y compris le système d’information sur les visas (VIS) pour les titulaires de visa.

22 () La mission de l’Union européenne d’assistance aux frontières (EUBAM) en Libye, pour laquelle le Conseil a donné son feu vert le 22 mai 2013, est une mission civile menée dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC) afin d'aider les autorités libyennes à améliorer et à renforcer la sécurité des frontières du pays. Conçue pour durer deux ans, son budget annuel s'élève à environ 26 millions d'euros.

23 () Le réseau « Seahorse Mediterraneo » repose sur un réseau d’échange d’informations relatives à l’immigration irrégulière et aux activités illicites entre les États parties et les pays tiers au Sud de la Méditerranée, ainsi que sur un volet de formation et d’entraînement au profit des personnels de pays tiers chargés de la surveillance des frontières. Le réseau « Seahorse Mediterraneo » est encore en cours d’élaboration et doit entrer en service en 2015. Ce projet a été initié par la Guardia Civil espagnole sur la base du programme « Seahorse Atlantico » (partenariat espagnol avec le Maroc, le Sénégal, la Mauritanie et le Cap-Vert). Il a fait l’objet d’une déclaration de partenariat de Chypre, de l’Espagne, de l’Italie, de Malte, du Portugal, de la Grèce et de la France. Concernant les pays tiers, seule la Libye a signé une déclaration de partenariat mais aucune coopération n’est possible à ce jour. L’Algérie, la Tunisie et l’Égypte ont été invitées à rejoindre le projet.

24 () Selon le HCR, « depuis le début du conflit en mars 2011, quelque 123 600 Syriens ont trouvé asile en Europe, dont 112 170 dans l'Union européenne, en Norvège et en Suisse. Par rapport à la population comptant quelque 2,9 millions de réfugiés dans les pays immédiatement voisins de la Syrie, ces chiffres demeurent faibles : seulement quatre pour cent des réfugiés syriens ont trouvé asile dans des pays européens (Turquie exclue) depuis le début du conflit. A travers l'Europe, 6 400 Syriens avaient déposé une demande d'asile en 2011 ; 23 400 en 2012 ; 51 500 en 2013 et 30 700 entre janvier et mai 2014.

Dans l'Union européenne, les demandeurs d'asile syriens se trouvent pour la plupart dans un petit nombre de pays hôtes : la Suède et l'Allemagne ont reçu 56% de toutes les nouvelles demandes d'asile déposées par des Syriens et les cinq pays d'accueil principaux (la Suède, l'Allemagne, la Bulgarie, la Suisse et les Pays-Bas) en ont reçu pratiquement 70 %. » (article sur la parution le 11 juillet 2014 du rapport du HCR : « Syrian Refugees in Europe : What Europe Can Do to Ensure Protection and Solidarity »).

25 () Le projet pilote en matière de retour est issu d’une proposition néerlandaise, reprise par le Conseil dans ses conclusions sur la politique de retour de l’Union adoptées en juin 2014. L’objectif est d‘améliorer le niveau de coopération de certains pays tiers en matière de réadmission de leurs ressortissants en situation irrégulière, par le biais de mesures incitatives. Les modalités en ont été détaillées au Conseil dans le courant du second semestre 2014 par ses groupes de travail. Il s’agira, dans un premier temps, de dresser un inventaire des relations bilatérales avec plusieurs pays pour lesquels la coopération en matière de réadmission est jugée insuffisante. Dans un second temps, il sera proposé au pays tiers de renforcer certains volets de la coopération avec l’Union, contre une amélioration de sa réponse en matière de délivrance de laissez-passer consulaires. Les premières négociations devraient être lancées en 2015.

26 () Frontex se fonde sur les statistiques d’Eurostat sur les arrivées extra européennes dans les aéroports européens mais cette estimation ne prend pas en compte les flux entre États membres de l’espace Schengen et États membres n’appartenant pas à cet espace.

27 () En Europe, le premier aéroport d’arrivée en nombre de ressortissants de pays tiers est Heathrow à Londres (19 millions de passagers en 2012) puis Charles-de-Gaulle à Paris (13,6 millions en 2012).

28 () Les États membres peuvent utiliser jusqu'à 40 % du montant affecté au titre du fonds pour la sécurité intérieure - Frontières à leurs programmes nationaux pour financer le soutien opérationnel.

29 () Sous-directeur à la lutte contre l’immigration irrégulière au ministère de l’Intérieur, et auditionné à ce titre par vos rapporteurs dans le cadre du présent rapport.

30 () Règlement (CE) no 863/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant un mécanisme de création d’équipes d’intervention rapide aux frontières et modifiant le règlement (CE) no 2007/2004 du Conseil pour ce qui a trait à ce mécanisme et définissant les tâches et compétences des agents invités.

31 () Règlement (UE) no 1168/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 modifiant le règlement (CE) no 2007/2004 du Conseil portant création d'une Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne.

32 () Communication du 30 novembre 2010 de M. Didier Quentin, rapporteur de la commission des affaires européennes, voir le rapport d’information déposé par la commission des affaires européennes sur des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution du 6 novembre au 17 décembre 2010, no 3067, page 35.

33 () En cas d'acquisition et de copropriété, l'agence convient avec un État membre que ce dernier se charge de l'enregistrement des équipements, conformément à la législation applicable dans cet État membre. En cas de location par crédit-bail, les équipements sont enregistrés dans un État membre. L'État membre d'enregistrement et Frontex s'entendent pour garantir des périodes de disponibilité totale, à l'usage de l'Agence, des biens détenus conjointement, ainsi que sur les conditions d'utilisation des équipements. L'État membre d'enregistrement ou le fournisseur des équipements techniques doit mettre à disposition les experts et le personnel technique nécessaires pour faire fonctionner ces équipements techniques.

34 () Ces détachements sont programmés, pour l'année suivante, sur la base de négociations et d'accords bilatéraux annuels conclus entre l'agence et les États membres. La durée de ces détachements ne peut excéder six mois sur une période de douze mois. Les gardes-frontières détachés sont considérés comme des agents invités s’agissant de leurs tâches et de leurs compétences ainsi qu’en matière de responsabilité.

35 () Remarque déjà formulée par le rapporteur de la commission des affaires européennes, lors de l’examen du projet de règlement révisant le règlement Frontex, Didier Quentin, lors de sa communication du 30 novembre 2010.

36 () Le 4 de l’article 14 du règlement dispose que : « les tâches des officiers de liaison de l'Agence comprennent, conformément au droit de l'Union et aux droits fondamentaux, l'établissement et le maintien de contacts avec les autorités compétentes du pays tiers dans lequel ils sont détachés en vue de contribuer à la prévention de l'immigration illégale, à la lutte contre ce phénomène et au retour des migrants illégaux ».

37 () Parmi lesquelles la FIDH, le réseau Migreurop, le GISTI et la CIMADE.

Voir : « Frontex, entre Grèce et Turquie : la frontière du déni », FIDH, Migreurop, REMDH.

Voir également : association allemande Pro Asyl : “Pushed back, systematic human rights violations against refugees in the Aegean sea at the greek-turkish land border”, 2013, et Amnesty international : “Frontier Europe, human rights abuses on Greece’s border with Turkey”.

38 () Voir la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme « Hirsi Jamaa c. Italie », du 23 février 2012, interdisant les retours forcés en mer car personne ne peut être renvoyé sans examen préalable de sa situation individuelle et aucun renvoi ne peut avoir lieu si la personne risque d’être soumise à des traitements inhumains ou dégradants et d'être renvoyée, dans le cas d’espèce, en Érythrée et en Somalie (l’affaire portrait sur la situation de 24 personnes originaires d'Érythrée et de Somalie qui faisaient partie de plus de 200 personnes interceptées en haute mer par les autorités italiennes en 2009 et forcées à retourner en Libye, point de départ du bateau).

39 () Le forum consultatif est constitué de : Amnesty international bureau des institutions européennes (AI EIO), Caritas Europa, Commission des Églises auprès des migrants en Europe (CCME), Conseil de l’Europe (CoE), bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO), Conseil Européen pour les Réfugiés et Exilés (ECRE), agence européenne des droits fondamentaux (FRA), Commission Internationale Catholique pour les Migrations (ICMC), commission internationale de juristes (ICJ), Organisation Internationale pour les Migrations (IOM), Service Jésuite des Réfugiés Europe (JRS), Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE / ODIHR), Plateforme pour la coopération internationale sur les migrants sans papiers (PICUM), bureau européen de la Croix-Rouge, Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR).

40 () Toutefois, la médiatrice souligne que les agents invités mis à dispositions par les États membres portent les brassards de Frontex. Les personnes concernées par les opérations coordonnées par Frontex peuvent donc raisonnablement croire que ces personnes agissent sous la responsabilité de Frontex. L’officier des droits fondamentaux serait la personne toute désignée selon elle, l’article 26 bis point 3, ne définissant pas les compétences de l’officier, lui permettant selon la médiatrice de traiter les plaintes individuelles.

41 () « 1 bis. L'Agence peut mettre un terme, après avoir informé l'État membre concerné, à des opérations conjointes ou à des projets pilotes si les conditions nécessaires à la réalisation de ces opérations conjointes ou projets pilotes ne sont plus remplies.

Les États membres participant à une opération conjointe ou à un projet pilote peuvent demander à l'Agence de mettre un terme à cette opération conjointe ou à ce projet pilote.

L'État membre d'origine prévoit, dans le cas de violations des droits fondamentaux ou des obligations en matière de protection internationale survenues au cours d'une opération conjointe ou d'un projet pilote, des mesures disciplinaires ou d'autres mesures appropriées conformément à son droit national.

Le directeur exécutif suspend les opérations conjointes et les projets pilotes ou y met un terme, en tout ou en partie, s'il estime que lesdites violations sont graves ou susceptibles de persister. »

42 () Rapport spécial de la Médiatrice européenne dans l’enquête d’initiative OI/5/2012/BEH-MHZ relative à Frontex, point 25.

43 () Les plaintes portant sur les agissements du personnel d’un État membre pourraient, selon la médiatrice, être ensuite transmises à l’autorité compétente de l’État membre. Les équipes européennes de gardes-frontières comprennent également, outre des personnels des États membres, du personnel de Frontex. Or, le fait que ce personnel ne soit pas qualifié pour mener les opérations de contrôle aux frontières et ne soit affecté qu’à des tâches de coordination ne peut selon la médiatrice dégager Frontex de sa responsabilité s’agissant des actes commis par son personnel dans ses fonctions de coordination.

44 () Règlement (CE) No 863/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007instituant un mécanisme de création d’équipes d’intervention rapide aux frontières et modifiant le règlement (CE) no 2007/2004 du Conseil pour ce qui a trait à ce mécanisme et définissant les tâches et compétences des agents invités.

45 () Pour autant, par le passé, 900 migrants syriens de l’East Sea avaient débarqué devant saint Raphaël le 17  février 2001. Par ailleurs, il convient de souligner que plus de 10 000 migrants en situation irrégulière sont interceptés chaque année aux frontières maritimes françaises à Mayotte.

46 () Règlement UE no 656/2014 du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant des règles pour la surveillance des frontières maritimes extérieures dans le cadre de la coopération opérationnelle coordonnée par l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne.

47 () L’article 5 (2) du code de conduite prévoit que les autorités compétentes des États membres doivent donner une information claire et suffisante sur les opérations de retour conjointes, y compris la possibilité de déposer une plainte sur un mauvais traitement durant l’opération.

48 () Agence des droits fondamentaux, rapport annuel 2013 : Les droits fondamentaux : défis et réussites en 2013, juin 2014, « La FRA [Fundamental Rights Agency] estime que des systèmes de contrôle du retour forcé sont efficaces s’ils couvrent toutes les activités liées à l’éloignement, de la préparation au départ jusqu’à l’arrivée et l’accueil dans le pays de destination, et si une organisation (indépendante des autorités chargées de l’exécution de la mesure de retour) dirige continuellement lesdites activités (en d’autres termes, à l’exclusion des projets pilotes). Sur la base de ces critères, le nombre d’États membres offrant un système efficace de contrôle du retour forcé, que ce soit par l’intermédiaire d’une législation ou d’accords de coopération avec des tiers, a augmenté de 15 États membres à la fin 2012 à 19 États membres à la fin 2013. Ces mécanismes n’incluaient pas une observation régulière à bord dans tous les cas », page 49. Cinq États membres sont, selon le rapport, dépourvus de systèmes efficaces de contrôle des retours (Croatie, France, Grèce, Italie, Slovénie).

49 () Loi no 2014-528 du 26 mai 2014 modifiant la loi no 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

50 () Pour la France, le centre de coordination national Eurosur est le centre opérationnel de la fonction garde-côtes à Paris, hébergé par l’état-major de la Marine, et regroupe des fonctionnaires issus de la Marine, de la gendarmerie nationale, de la police aux frontières et des douanes. Le réseau de surveillance maritime inter-administrations français, Spationav, sera doté dans sa deuxième version en cours de déploiement d’un raccordement direct à Eurosur.